Autant ? Au temps ? OTAN ?
Par Mawwic, jeudi 12 mai 2005 à 10:20 :: En vrac... :: #77 :: rss
Il est des gens qui se font un plaisir de vous reprendre lorsque vous commettez une erreur.
C'est bien connu: la culture, moins on en a, plus on se sent obligé de l'étaler.
Et n'avez vous jamais croisé un de ces brillants ignares qui se font un plaisir de vous reprendre sur le fameux autant/au temps: "ah non, c'est 'au temps', du fait de son origine militaire (cadence etc.)".
Et bien, faîtes-vous plaisir à votre tour: voilà de quoi leur tordre le cou et les remettre à leur place.
C'est bien connu: la culture, moins on en a, plus on se sent obligé de l'étaler.
Et n'avez vous jamais croisé un de ces brillants ignares qui se font un plaisir de vous reprendre sur le fameux autant/au temps: "ah non, c'est 'au temps', du fait de son origine militaire (cadence etc.)".
Et bien, faîtes-vous plaisir à votre tour: voilà de quoi leur tordre le cou et les remettre à leur place.
Figaro Littéraire
Le plaisir des mots
Autant
Par Claude DUNETON
[18 décembre 2003]
Je lis dans un petit ouvrage utile et fort bien fait*, mais non sans faille de Jean-Pierre Colignon, préfacé par Bernard Pivot, l'injonction suivante : « Il faut écrire au temps pour moi ! » (et non « autant pour moi ») parce que cette expression fait référence au commandement militaire, ou bien à l'ordre donné par un professeur de gymnastique, par un chef d'orchestre, par un maître de ballet, et incitant à revenir parce qu'il y a erreur au premier mouvement d'une suite de positions, de mouvements. »
Logique, is not it ? Très satisfaisant pour l'esprit !...
L'ennui c'est qu'il s'agit d'une information complètement fantaisiste, une pure construction de l'esprit, justement.
Trente ans passés à décortiquer les expressions françaises m'ont appris à me méfier des « explications » brillantes d'allure, des assauts de logique qui ne sont fondés sur aucun texte, aucune pratique réelle de la langue. On ne trouve nulle part cette histoire imaginaire de commandement « Au temps ! », ni à l'armée (qui a pourtant donné « En deux temps trois mouvements ») ni dans les salles de gym.
Surtout pas chez les chefs d'orchestre : des musiciens qui travaillent reprennent à telle mesure, pas au « temps », c'est saugrenu ! Colignon a rêvé cela, ou l'a cru avec beaucoup de logique apparente, en effet, donc de vraisemblance. Il ajoute du reste avec cohérence, dans une déduction impeccable : « Au sens figuré, très usuel, on reconnaît par là qu'on a fait un mauvais raisonnement », etc. Belle édification, qui repose sur un mirage.
Autant pour moi est une locution de modestie, avec un brin d'autodérision. Elle est elliptique et signifie : « Je ne suis pas meilleur qu'un autre, j'ai autant d'erreurs que vous à mon service : autant pour moi. » La locution est ancienne, elle se rattache par un détour de pensée à la formule que rapporte Littré dans son supplément : « Dans plusieurs provinces on dit encore d'une personne parfaitement remise d'une maladie : il ne lui en faut plus qu'autant (...) elle n'a plus qu'à recommencer. »
Par ailleurs, on dit en anglais, dans un sens presque analogue, so much for... « Elle s'est tordu la cheville en dansant le rock. So much for dancing ! (Parlez-moi de la danse !) So much, c'est-à-dire autant. C'est la même idée d'excuse dans la formulation d'usage : « Je vous ai dit le « huit » ? Vous parlez d'un imbécile ! Autant pour moi : c'est le dix qu'ils sont venus, pas le huit. » Le « temps » ici n'a rien à voir à l'affaire. Du reste on dit très rarement « autant pour toi », ou « autant pour lui », qui serait l'emploi le plus « logique » s'il y avait derrière quelque histoire de gesticulation.
Par les temps qui courent, j'ai gardé pour la fin ma botte secrète, de quoi clore le bec aux supposés gymnastes et adjudants de fantaisie dont jamais nous n'avons eu nouvelles. Dans les Curiositez françoises d'Antoine Oudin publié en l'an de grâce 1640, un dictionnaire qui regroupe des locutions populaires en usage dès le XVIe soit bien avant les chorégraphes ou les exercices militaires on trouve : Autant pour le brodeur, « raillerie pour ne pas approuver ce que l'on dit ».
Aucune formule ne saurait mieux seoir à ma conclusion : M. Colignon, qui fait la pluie et le soleil auprès des correcteurs professionnels, devrait bien publier un correctif ad hoc sur le mauvais temps qu'il nous fait par le biais de ce canular orthographique. Perseverare serait en l'occurrence proprement démoniaque !
*(L'orthographe, c'est logique ! de Jean-Pierre Colignon Col. Les dicos d'or de Bernard Pivot Albin Michel.)
Autant (hin hin) on peut détester la ligne éditoriale de ce canard, autant en matière d'orthographe et de langue française, je pense qu'on peut leur faire confiance: en bon conservateurs, ils savent les us et les coutumes.
Oui, je sais, sur le site de l'Acaâââdémie Française, ils recommandent la graphie "au temps". Vous, je sais pas, mais moi, venant de mecs qui recommandent d'écrire "cédérom" (et qui comptent Giscard dans leurs rangs), j'aurais quelques doutes.
Commentaires
1. Le mercredi 25 mai 2005 à 19:19, par Kalimac
2. Le lundi 5 septembre 2005 à 02:30, par Maw'
3. Le mardi 10 janvier 2006 à 19:32, par Fat Brice
4. Le mercredi 11 janvier 2006 à 16:04, par Mawwic
5. Le dimanche 29 janvier 2006 à 19:46, par MasterSam
6. Le mardi 31 janvier 2006 à 17:59, par Mawwic
7. Le lundi 28 août 2006 à 14:01, par Anonyme (commes les anoarènes)
8. Le lundi 28 août 2006 à 14:33, par Maw'
9. Le mardi 27 novembre 2007 à 12:07, par sylva
10. Le mardi 27 novembre 2007 à 12:08, par sylva
11. Le vendredi 30 novembre 2007 à 11:26, par aliocha
12. Le dimanche 16 décembre 2007 à 20:18, par Maw'
13. Le mardi 3 juin 2008 à 15:10, par Maw'
14. Le lundi 9 juin 2008 à 01:15, par Sophie
15. Le lundi 9 juin 2008 à 08:40, par Maw'
16. Le mardi 29 juillet 2008 à 14:05, par Maw'
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