Repères

IIIe siècle

Apparition des premiers Mayas.

IVe siècle

Cette civilisation se développe dans l'actuel Honduras.

Ve siècle

Construction des premières villes sacrées : Copán, Palenque, Tikal.

VIIe siècle

Les Mayas gagnent une partie du Mexique et arrivent jusqu'aux plaines du Yucatán.

Xe siècle

Edification des grandes cités mayas : Chichén Itzá, Uxmal, Mayapan.

XIIIe siècle

Début de la décadence.

1521

Les Mayas résistent à l'invasion menée par Hernán Cortés et sa petite armée espagnole.

1524

Arrivée des missionnaires franciscains.

1527

Francisco de Montejo, officier espagnol, entreprend la conquête du nord du Yucatán. Vive résistance.

1542

Après quinze ans de lutte, les Mayas sont vaincus. Ils se fondent peu à peu dans la population espagnole.




Comprendre

Pseudo-Tlaloc

Dieu maya à ne pas confondre avec Tlaloc, dieu de la Pluie et de l'Orage chez les Aztèques.




Les Mayas

Trois millions d'âmes offertes aux dieux !

Changer la taille du texte 01/07/2003 - 84
2 Thématique

En faisant couler le sang des siens, cette civilisation participe à alimenter les forces du cosmos. Des rituels pratiqués au quotidien, où la mort "libératrice" est synonyme de passage vers une destinée céleste.

Le sacrifice humain est un acte cosmique ; l'offrande du coeur et du sang des victimes est considérée comme la seule manière d'alimenter quotidiennement le Soleil et d'assurer la bonne marche de l'univers. Quant à l'autosacrifice des souverains, très prisé à Chichén Itzá, il leur permet d'entrer en communication avec le monde surnaturel des dieux et des ancêtres. Ces pratiques, très fréquentes, sont le prétexte de cérémonies empreintes de solennité.

Chaque lever de soleil est salué par la même scène : d'un rapide coup de couteau d'obsidienne, le prêtre incise la poitrine d'une victime, maintenue sur la pierre sacrificielle par ses auxiliaires, et lui arrache le coeur qui est ensuite présenté au soleil par l'officiant, mains levées vers le ciel. Le sang, recueilli dans une coupe en pierre, est versé sur les statues des dieux et dispersé dans les quatre directions de l'espace, afin d'abreuver toutes les puissances du cosmos.

A chaque divinité correspond un rite particulier durant lequel les victimes sont promises au rang de « substituts du dieu ». Pour la divinité de la Pluie, particulièrement vénérée, ce sont des enfants que l'on noie, leurs larmes étant de bon augure pour obtenir des pluies abondantes. Les sacrifiés au dieu Xipe Totec combattent un guerrier à l'aide d'armes en bois ; une fois vaincus, ils sont égorgés ou décapités. Les têtes des victimes sont disposées de telle sorte qu'elles forment un autel, le tzomplanti , le « râtelier à crânes ». Chacun d'eux peut contenir plusieurs centaines de crânes. Des poteaux verticaux soutiennent des perches sur lesquelles sont alignées les têtes des malheureux condamnés ! Si ces cérémonies se reproduisent aussi fréquemment c'est que, d'après les croyances du temps, les dieux sont littéralement « affamés » de nouvelles proies, ce qui explique l'état quasi permanent de guerre qui règne chez les Mayas, comme d'ailleurs chez d'autres peuplades méso-américaines. Les prisonniers vont constituer une sorte de « vivier à sacrifices ». S'ils sont de noble ascendance, ils attendent parfois des années avant d'être désignés comme victimes, à l'occasion de cérémonies importantes, liées au cycle vénusien. L'inauguration d'un temple donne lieu à des cérémonies grandioses. Ainsi, en 1487, plusieurs centaines de prisonniers sont sacrifiés pour une telle occasion.

Si la victime est un dignitaire, son coeur est recueilli dans un récipient, le cuanhxicalli , le « vase de l'aigle », qui se présente sous la forme d'un jaguar, orné de plumes de rapace et de pierres précieuses sculptées dans la paroi du vase. Au fond du récipient, des bas-reliefs figurent deux autres dieux : Huitzilopochtli et Tezcatlipoca, en train de se percer le lobe des oreilles afin de pratiquer l'autosacrifice.

Par sa forme, le cuanhxicalli , évoque le « premier des cinq mondes » qui, selon les croyances des Mayas, avait disparu sans laisser de trace apparente. Quant au jaguar, auquel le cuanhxicalli emprunte sa représentation, il est le symbole de l'astre solaire du couchant ; c'est probablement en cette qualité qu'il désigne un instrument du culte relatif au sacrifice. Le but de ce cérémonial est de nourrir de sang humain le soleil afin de le régénérer et de lui épargner le sort réservé aux quatre premiers univers.

A l'occasion de certaines fêtes importantes, telle l'accession au trône d'un nouveau souverain ou la veille d'une guerre, les monarques se mutilent : les hommes font couler du sang de leur pénis et les femmes de leur langue. Les papiers, imbibés du sang sacrificiel, sont ensuite brûlés dans un grand brasero en terre cuite, disposé devant le temple.

Des jeux sont parfois mêlés aux sacrifices ; ainsi le jeu de balle, auquel certains prisonniers sont contraints de participer, se termine invariablement par la décapitation du vaincu ou du... vainqueur (lire page 20) . La décapitation n'est pas le seul châtiment infligé aux joueurs ; si l'on est en période de sécheresse, afin de favoriser le retour de la pluie, le perdant peut être précipité vivant dans un puits. Cette pratique est destinée plus particulièrement au dieu pseudo-Tlaloc, divinité de la Guerre et du Sacrifice. Ce Tlaloc est figuré chez les Mayas sous trois aspects : un masque aux grands yeux cerclés, une tête sans mâchoire inférieure, d'où émergent des volutes de sang, ou encore un guerrier-oiseau accroupi sur ses pattes aux puissantes serres.

Il est évidemment difficile d'évaluer avec certitude le nombre de victimes au cours des siècles ; en procédant par des recoupements, on peut quand même avancer le chiffre effrayant de trois millions d'individus !

Les Mayas nous ont laissé des représentations de ces sacrifices, des objets, des éléments architecturaux. La scène du sacrifice représenté sur les fresques de Bonampak donne une vision très réaliste de la cérémonie : sous l'égide du souverain, des prisonniers humiliés, torturés et dégoulinant de sang, sont disposés sur les sept marches du temple.

Des symboles et des reliques représentent les instruments du rite : coraux marins, rostre d'un poisson-scie, vases ronds à l'effigie de Tlaloc, couteaux de silex sacralisés, masques-crânes incrustés de nacre et ornés d'un noeud.

L'offrande est généralement présidée par Xinhtecutli, dieu du Feu et de l'Année. Il est représenté avec, à ses côtés, deux grandes urnes funéraires en céramique orange finement sculptées, qui contiennent les restes calcinés de grands personnages et un pendentif serpentiforme en obsidienne. Un bas-relief en lave grise montre également un monstre terrestre grand dévoreur de cadavres, tirant une langue en forme de couteau. Ces divers symboles sont en général regroupés dans des salles appelées, pour cette raison, salles de la guerre et du sacrifice.

Autres représentations du culte, non moins impressionnantes : des blocs de pierre en forme de temple pyramidal, ornés d'une série de bas-reliefs. Sur la partie supérieure du bloc, on distingue l'astre solaire portant le glyphe « notre soleil », flanqué des symboles du ciel diurne et du ciel nocturne. Sur les parois latérales de la pyramide, d'autres reliefs figurent quatre dieux qui se sacrifient pour donner vie au soleil. Devant la bouche de chacune de ces divinités, on reconnaît le glyphe « guerre », traduit par un courant d'eau et par un courant de feu, ce qui permet de considérer ce monument comme un appel à la guerre sacrée et comme une exhortation des dieux adressée aux hommes pour qu'ils entretiennent l'astre solaire en exécutant des prisonniers.

Pour les prêtres qui procèdent aux cérémonies un problème d'ordre matériel se pose : que faire de ces milliers de corps suppliciés ? Nombreux sont ceux qui demeurent longtemps exposés aux regards, ces exhibitions macabres étant destinées à souligner la qualité de l'offrande afin de complaire aux dieux, mais nombreuses aussi sont les victimes inhumées dans des nécropoles. Si la plupart ont disparu, on en a pourtant retrouvé quelques-unes dont celle de Jaina, sur une petite île corallienne, au large des côtes de Campeche. Il s'agit de l'un des sites précolombiens toujours entouré de mystères. Les Mayas de l'époque classique, entre 600 et 900 de notre ère, sans doute appartenant à de nobles familles et originaires des cités de Punc et de Chenes, sur le continent, l'ont utilisée pour des raisons toujours inconnues. C'est là que les archéologues - et les pilleurs de tombeaux - l'ont découverte. En même temps que les restes des suppliciés, on a trouvé d'autres offrandes funéraires, notamment de délicates figurines anthropomorphes, représentant les types humains les plus divers, tant d'un point de vue physique que social, et symbolisant les classes de la société auxquelles appartenaient les prisonniers de guerre. Outre leur exceptionnelle beauté, ces figurines donnent des renseignements précieux sur la vie rituelle des Mayas. Découverte surprenante, ces statuettes, hautes de douze à vingt-cinq centimètres, sont modelées, et certaines reproduisent les traits des personnages auprès desquels elles reposent. Cette ressemblance, voulue par les prêtres, était destinée à donner une idée précise de l'identité des victimes inhumées.

Cette pratique des sacrifices va se maintenir durant plusieurs siècles. Elle horrifie les Espagnols, lorsqu'ils débarquent au Mexique ; ils tentent aussitôt de les interdire, mais ils se heurtent à la résistance des autochtones, qui poursuivent les sacrifices humains de manière clandestine. Un lieutenant de Cortés décrit le spectacle qui s'offre à lui, lorsqu'il débarque sur les côtes du Yucatán : « Sur les autels se trouvaient des idoles à l'aspect affreux qui représentaient leurs dieux : cinq Indiens sacrifiés étaient là, la poitrine ouverte, les bras et les jambes coupés. Les murs étaient couverts de sang. Tout cela nous stupéfia et nous donnâmes à cet îlot le nom d'île des Sacrifiés ! » Des compagnons du conquérant seront elles-mêmes victimes du rite sanglant. On cite l'exemple du capitaine Antonio de Los Ríos qui, tombé dans une embuscade, est conduit à Chichén Itzá, où il demeure prisonnier de longues semaines, à l'issue desquelles des prêtres mayas procèdent à son exécution. Ses compagnons retrouveront son cadavre exsangue quelques jours plus tard, et Cortés ordonnera la mise à mort de plusieurs guerriers de la tribu.

Les sacrifices humains ne s'interrompront pas pour autant. Ils vont même se multiplier. Vivement impressionnés, dans leurs récits - souvent exagérés quant au nombre des sacrifiés -, les conquérants espagnols omettent de rapporter un fait très important, qui justifie, aux yeux des pratiquants, les funestes cérémonies mayas : les victimes sont promises à une destinée enviable, celle d'accompagner le soleil dans sa course quotidienne, avant de revenir quatre ans plus tard sur terre, sous l'aspect d'un papillon ou d'un colibri. Cette croyance explique que les futurs sacrifiés sont souvent consentants, voire volontaires. La mort n'est pas, en effet, une fin mais, au contraire, le commencement d'une renaissance. Dans un contexte où la création primordiale n'est considérée comme possible qu'au travers du sacrifice, on comprend que les blessures rituelles, la mort même, sont vécues comme un moyen de libérer un excédent d'énergie vitale. La mort devient alors source de vie tandis que, par le don de son sang, l'être humain prend sa part dans l'entretien du monde.