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Une approche de la "théorie réductionniste des ovnis"
Claude MAUGE
Probablement de tout temps, les
humains ont
regardé le ciel et y ont vu des choses bizarres. Beaucoup
d'entre elles ont peu à peu été
acceptées
comme faisant partie de l'ordre naturel, puis expliquées
en termes cohérents ; mais certaines nous paraissent encore
difficilement compréhensibles voire sont
déclarées
« impossibles » par diverses personnes, ou bien
sont
considérées par d'autres comme
nécessairement
liées à une cause radicalement
étrangère
à la nature et à la Terre.
Pour la période contemporaine, c'est l'observation d'un
pilote privé, Kenneth Arnold, le 24.06.1947 dans la
région
du Mont Rainier (Etat de Washington, U.S.A.), qui déclenche
chez les autorités, dans les médias et dans le
grand
public, la prise de conscience de ce qu'on appellera plus tard
le «phénomène ovni ». En ce
début
de guerre froide, les militaires et les services de renseignement
américains se demandent d'abord si les
soviétiques
n'étaient pas en cause ; mais ils se convainquent rapidement
du contraire. Dès lors, les commissions officielles
s'endorment
à moitié ou se réveillent en fonction
de
la pression du public et des responsables politiques,
elle-même
liée au nombre d'observations
révélées
par les médias et à l'activité des
groupements
privés d'étude des ovnis, dont les premiers
naissent
au début des années 1950.
Toute l'histoire du phénomène est un jeu complexe
d'interactions entre les différents acteurs, les ovnis
eux-mêmes (quoiqu'ils soient), les témoins, le
public
général, les médias, les
autorités
politiques et militaires, les scientifiques, et les ufologues
(spécialistes, le plus souvent autoproclamés, des
ovnis). Il n'est pas question de développer ici cette
histoire,
fort embrouillée ; ni d'étudier les
caractéristiques
des ovnis (ou, plus exactement, les caractéristiques qu'on
leur attribue), très diverses ; ni non plus de
présenter
leurs causes possibles (ce que le jargon ufologique appelle souvent
les différentes hypothèses souvent des
convictions
sur l'origine des ovnis), très nombreuses. Le
visiteur
de ce Site a d'ailleurs vraisemblablement déjà
quelques
connaissances sur ces questions. Si ce n'était pas le cas,
il pourra se reporter aux quelques ouvrages
généralistes
valables indiqués en note (1), la plupart assez anciens
(les titres récents portent souvent sur des aspects plus
restreints ou ne sont guère recommandables).
Nous tenterons ici de montrer, non pas que les ovnis n'existent
pas, ni même qu'ils n'existent probablement pas, mais que
tout ce que nous savons du phénomène peut
parfaitement
s'expliquer en supposant que les ovnis n'existent pas. Ou, en
d'autres termes, que ce que ce que l'on appelle souvent en France
l'« hypothèse socio-psychologique » des
ovnis
semble bien pouvoir rendre compte de l'ensemble des données.
Afin de ne pas trop alourdir ce texte, nous ne donnerons qu'un
nombre limité de références ou de
détails
sur les divers cas mentionnés, en renvoyant pour plus de
précisions aux quelques ouvrages mentionnés en
notes
(1) à (6).
2.1
Le terme « ovni », désormais
considéré
comme un nom commun par les dictionnaires, est en fait l'acronyme
de Objet Volant Non Identifié une traduction
directe
de l'anglais Unidentified Flying Object (UFO), lequel a
donné
chez nous les dérivés ufologie (étude
des
ovnis), ufologue, ufologique. Nos amis québécois
préfèrent parler quant à eux
d'ovnilogie
(ou ovniologie), qui ne semble pas avoir eu beaucoup de
succès
de ce côté-ci de l'Atlantique.
Les termes « objet », « volant
», «
non identifié » mériteraient en toute
rigueur
une analyse sérieuse, nous en ferons toutefois
l'économie
ici. Il convient par contre de différencier les
différents
concepts que recouvre le mot « ovni ». Si le
contexte
l'exige, nous utiliserons donc les expressions plus précises
suivantes.
- pré-ovni
: tout stimulus (objet ou
phénomène),
objectif ou non, que le témoin ou toute autre personne
étiquette comme « ovni » au sens
vulgaire.
Il peut donc s'agir d'une authentique soucoupe volante extraterrestre,
d'une hallucination, d'une mésinterprétation
sincère,
d'un cas inventé par le « témoin
» ou
par un ufologue, etc. Bien qu'il soit difficile de donner des
chiffres définitifs, différentes estimations du
nombre de pré-ovnis répertoriés depuis
1947
donnent des valeurs dépassant le million, parfois quelques
dizaines de millions selon certains auteurs (voir par exemple
les références 3 ; 4a).
- quasi-ovni
: le stimulus à la
base de toute observation
qui demeure inexpliquée par les « experts
compétents
» qui auraient été capables de
l'expliquer
si elle avait été « banale ».
- vrai-ovni
: le stimulus à la
base de toute observation
fondamentalement inexplicable dans le cadre scientifique actuel,
et qui exigerait donc un bouleversement radical de la science
ou de notre vision du monde. Ce pourrait être par exemple
un engin extraterrestre ou un phénomène
parapsychologique.
Rien ne permet d'affirmer de façon «
universellement
convaincante » que de tels vrais-ovnis existent, ou
inversement
n'existent pas, mais la possibilité de cette existence
doit demeurer ouverte a priori (sinon, c'est que l'on estime le
problème résolu).
- faux-ovni
(ou ovi : objet volant identifié) :
pré-ovni
identifié (ou probablement identifié) en termes
conventionnels (mésinterprétation d'un objet
connu,
cause psychologique, mystification).
2.2
Par ailleurs, de nombreuses observations associent la
présence
d'êtres à celle des ovnis. Divers termes sont
utilisés
pour les désigner, comme entité,
humanoïde
(en référence à leur forme
habituelle), extraterrestre,
alien (certes d'origine anglaise mais moins restrictif que le
précédent). Sans nous interdire leur usage, le
mot
« officiel » retenu ici sera ufonaute.
2.3
Bien qu'il n'existe pas de classification
réellement
satisfaisante des différentes sortes d'observations, nous
utiliserons à l'occasion pour sa simplicité et sa
commodité une typologie basée sur celle de J.
Allen
Hynek, un astronome sceptique qui avait été le
consultant
de l'étude officielle des ovnis par l'U.S. Air Force avant
de devenir peu à peu un partisan (raisonnablement
sérieux)
des ovnis :
Lumière Nocturne (LN) : observation de nuit à
distance
(plus de 150 m) ;
Disque Diurne (DD) : observation d'un objet, le jour et à
distance ;
Radar Optique (RO) : observation radar et visuelle
simultanément
;
Rencontre Rapprochée du 1er Type (RR1) : observation proche
(moins de 150 m), simple ;
Rencontre Rapprochée du 2ème Type (RR2) : idem,
avec effet physique sur l'environnement ou le témoin ;
Rencontre Rapprochée du 3ème Type (RR3) : comme
RR1, mais avec présence d'ufonaute ;
Rencontre Rapprochée du 4ème Type (RR4) :
enlèvement
à bord de l'ovni ;
Contact : rencontre directe avec des ufonautes ou communication
à distance, avec message transmis au contacté,
concernant
essentiellement l'avenir de l'humanité ou de la Terre ;
Crash : découverte d'une soucoupe volante
écrasée,
parfois avec cadavre d'ufonaute. (Les deux dernières
catégories
n'étaient pas admises par Hynek, et la
précédente
était intégrée dans les RR3).
2.4
Les ufologues de toutes tendances utilisent trop fréquemment
des termes connotés péjorativement pour
désigner
les « collègues » ne partageant pas
leurs propres
vues, comme ufophobe, «debunker », «
socio-psycho
» chez les tenants des ovnis pour désigner ceux
qui
ne croient pas à l'existence des vrais-ovnis, ou ufomane,
croyant dans la situation contraire. A nouveau sans nous imposer
un usage systématique, nous parlerons de partisan
pour les tenants de l'existence des ovnis et d'opposant
pour ceux qui penchent pour leur inexistence (ceci en traduction
des termes anglais proponent/opponent, qui ne véhiculent
a priori pas de sens de valeur).
2.5 Bien
que les partisans puissent avoir des idées très
différentes sur l'origine des ovnis, la majorité
défendent l'hypothèse extraterrestre
(souvent
abrégé en HET) : c'est celle que nous utiliserons
s'il nous faut opposer une théorie des ovnis à
l'hypothèse
socio-psychologique. Cette dernière expression semble
toutefois
impliquer que tous les cas d'ovnis allégués
relèvent
exclusivement de processus psychologiques ou sociologiques en
un sens fort. Comme ceci n'est pas toujours nécessaire,
je préfère quant à moi, en attendant
mieux,
parler d'hypothèse réductionniste composite ou
même
de théorie réductionniste composite
(TRC)
: car il s'agit d'une théorie cohérente
prétendant
réduire l'ensemble des cas de pré-ovnis
à
un ensemble composite de causes conventionnelles.
2.6
La TRC est a priori légitime (ce qui ne veut pas
forcément
dire juste c'est en fait ce qu'il faudrait
établir),
car ses « démolitions »
prétendues sont
caricaturales ou au mieux très partielles. En particulier,
certains ont cru démontrer successivement que les
quasi-ovnis
ne peuvent pas être des engins secrets, des
phénomènes
naturels, des expériences de type hallucinatoire.
Séparément,
tout ceci est vrai : tous les quasi-ovnis ne sont pas des engins
secrets, etc. La TRC, elle, envisage ensemble toutes ces causes
possibles, ce qui est bien différent que de les
considérer
l'une après l'autre. De plus, la TRC présente
l'avantage
d'être économique puisqu'elle ne devrait pas
exiger
des modifications dans le corpus des connaissances actuelles,
ou en tout cas seulement des changements minimes parfaitement
intégrables dans ce corpus.
Fondamentalement, la TRC
énonce que
tous les cas de pré-ovnis sont potentiellement
explicables
en termes conventionnels et
relèvent tous de
l'une des causes suivantes. Il faut bien noter que, dans certains
cas, la nature réelle du stimulus peut ne jamais
être
découverte ; ceci concerne par exemple des observations
anciennes qui n'ont pas été bien
enquêtées
à l'époque des faits ou des mystifications
habiles
dont l'auteur aurait pu disparaître sans jamais
dévoiler
la supercherie.
3.1 Des
mystifications.
Elles sont relativement peu nombreuses, vraisemblablement
de l'ordre de 1% ou au pire quelques pourcents. Outre des plaisanteries
« de bistrot » n'ayant été
connues que
localement ou de sérieuses exagérations de
journalistes,
certaines ont eu un impact considérable dans les
médias
voire chez maints ufologues. Rappelons ainsi pour mémoire
le cas du contacté américain George Adamski
(20.11.1952
etc.) ; l'enlèvement allégué de
Cergy-Pontoise
le 26.11.1979 ; le crash de Roswell au début juillet 1947,
peut-être pas pour l'existence d'un engin
(américain)
qui se serait écrasé à
l'époque, mais
vraisemblablement pour l'interprétation ufologique de
l'affaire,
et en tout cas pour ses développements récents
(prétendu
film de l'autopsie ; livre du colonel Corso ; faux documents se
rapportant au MJ-12, un groupe ultrasecret qui dicterait la politique
du gouvernement américain) ; ou encore les multiples
aventures
d'Ed Walters à Gulf Breeze (Floride) depuis 1987.
3.2 Des
méprises
simples. Le
récit fait par le
témoin est objectif, mais il a simplement
étiqueté
« ovni » quelque chose qui n'en est pas.
Alternativement,
le témoin lui-même ne parle pas d'ovni, c'est
ultérieurement
un ami, un journaliste ou un ufologue qui introduit cette notion.
L'origine de la mésinterprétation peut
être
:
- un objet ou phénomène « banal
» mais
pas immédiatement reconnu. On sait ainsi que les causes
les plus fréquentes de méprise sont les
étoiles
et planètes (Lune comprise) ; des avions,
hélicoptères,
et autres aéronefs, qu'il s'agisse d'un avion ordinaire
lointain, d'un avion ou d'un dirigeable portant un message publicitaire
lumineux, ou d'une simulation de combat aérien nocturne
; des rentrées atmosphériques de
météores,
de satellites ou de lanceurs spatiaux.
- un objet ou phénomène de même nature,
mais
observé dans des conditions particulières pouvant
rendre son identification plus difficile, par exemple à
partir d'un véhicule en mouvement, par un léger
brouillard, ou si l'observateur lui-même est
indisposé.
- un objet ou phénomène « conventionnel
»
mais inconnu du témoin, le plus souvent parce que moins
fréquent. Ce peut être un nuage lenticulaire, un
ballon sonde tétraédrique, un lancement de
missile,
un nuage artificiel de sodium ou de baryum largué dans
la haute atmosphère afin d'étudier celle-ci, etc.
3.3 Des
erreurs impliquant
des processus psychologiques plus complexes
(le terme « psychologique » est à
prendre dans
un sens assez large, incluant entre autres certains processus
d'origine physiologique).
a) illusions
d'optique
simples, comme la
vision d'un satellite
semblant avancer en zigzag dans le ciel étoilé
par
suite de l'effet autocinétique (dû aux saccades de
l'oeil), ou la banale illusion de la lune à l'horizon
(où
notre satellite est perçu comme plus gros qu'au
zénith),
pour laquelle on n'a toujours pas d'explication définitive
malgré de récentes avancées.
b) processus
de «
transposition »,
avec deux étapes (ceci est tiré d'un
texte de Paolo Toselli (7) qui mérite largement la lecture).
Dans la « transformation projective », le
témoin
attribue à l'objet observé des
qualités ou
des comportements qu'il puise dans sa « connaissance
consciente
ou inconsciente du phénomène OVNI ». On
pourrait
s'étonner d'une telle connaissance inconsciente, mais
même
des personnes non intéressées par les ovnis
peuvent
avoir lu en diagonale un article sur la question dans la salle
d'attente de leur médecin ou vu à l'occasion un
documentaire télévisé voire un
téléfilm
« réaliste ». A un degré
supérieur,
c'est l'« élaboration projective », avec
une
« augmentation considérable des
éléments
subjectifs », où l'observateur confère
au
stimulus non reconnu « outre les 'constantes' des OVNI,
des 'capacités' d'interférence physique avec
l'environnement
». Toselli cite ainsi la poursuite d'automobilistes sur
10 km dans la région d'Amiens le 03.10.1954 par une boule
écarlate volant en rase-mottes à 150 m du
véhicule
et piquant sur elle à un moment, s'arrêtant quand
les témoins stoppent, tournant en spirale et changeant
de forme avant de s'éloigner à grande vitesse
dans
le ciel : il s'agissait en fait de la Lune.
c) expériences
en états modifiés de conscience, c'est-à-dire hors de l'état
normal de
veille. On peut mentionner ainsi les assez nombreuses «
hallucinations » d'automobilistes fatigués par un
long trajet, surtout nocturne ; ou encore les visions hypnagogiques
ou hypnopompiques (lors de phases d'endormissement ou de
réveil).
Ces dernières en particulier semblent pouvoir expliquer
un nombre important d'enlèvements « simples
»
: sujet endormi dans sa chambre, sensation de lumière et
de présence, vision d'entités, paralysie du
sujet,
impossibilité de réveiller le conjoint,
impression
de léviter ou d'expérience de hors-corps,
d) expériences
psychopathologiques.
De tels cas existent
indubitablement, ne serait-ce que pour de simples
considérations
statistiques, mais ils ne dépassent vraisemblablement pas
1 % des incidents ovni. C'est par exemple l'enlèvement
de H. Turner aux U.S.A. le 28.08.1979 (2), ou en France le cas
dit du « légionnaire » («
expérience
confuso-onirique et anxieuse s'apparentant au dreamy-state »).
Il convient de remarquer que contrairement à ce que pensent
beaucoup de partisans, interpréter un certain nombre de
manifestations d'ovnis en termes psychologiques voire psychiatriques
n'est en aucune façon stigmatiser les personnes ayant
vécu
de telles expériences. Car non seulement l'erreur est
humaine,
mais elle est parfaitement banale : tous, nous commettons chaque
jour des erreurs de perception, de mémoire, de logique,
de jugement. De même, nous vivons tous des états
modifiés de conscience, généralement
sans
nous en rendre compte. Et il est probable qu'une partie importante
d'entre nous a eu (ou aura) au moins une fois dans sa vie une
expérience relevant de la psychopathologie sans que cela
signifie aucunement que nous soyons « fous ». Quant
aux pathologies mentales plus lourdes, ce sont après tout
des maladies comme les autres, qui ne devraient nullement
entraîner
une dévalorisation des patients.
3.4 Des
phénomènes
géophysiques rares plus ou moins reconnus, comme la foudre en boule, les
lumières sismiques,
ou encore des halos ou couronnes solaires ou lunaires anormaux.
On trouvera de multiples exemples de ces anomalies
géophysiques,
relativement fréquents (mais pas entièrement
expliqués)
ou au contraire rarissimes, dans les compilations de William R.
Corliss (8). Le cas des farfadets, elfes et autres jets bleus
est particulièrement intéressant, puisqu'il
concerne
des manifestations lumineuses (de nature électrique) de
la haute atmosphère observées depuis des
décennies
par des pilotes mais dont l'existence n'a été
admise
par les scientifiques que depuis les années 1990 (voir
à ce sujet 9 ; 10 p. 172-173) : c'est la
démonstration
que nous sommes loin de tout connaître sur notre bonne
vieille
Terre, y compris en ce qui concerne l'existence même de
phénomènes finalement plutôt banals.
3.5 Des
engins ou armes
secrets bien humains, ou des opérations (par exemple
spatiales)
que l'on veut garder secrètes,
pour lesquels les ovnis sont une excellente couverture. Les Etats-Unis
ont ainsi pu trouver leur compte à ce que des vols d'avions
espions U2 ou des lancements de missiles au large des Canaries
(22.06.1976, 05.03.1979, et autres dates) soient confondus avec
des ovnis. L'ex-Union Soviétique n'était pas en
reste, avec ses lancements spatiaux des années 1960 ou
la « méduse lumineuse » de Petrozavodsk
le
20.09.1976 (lancement d'un satellite espion de la base
secrète
de Plesetsk). Quant au fameux « triangle belge »,
plusieurs types d'engins pourraient avoir été
impliqués,
une fois éliminées les méprises
ordinaires.
Et en France, il n'est pas impossible que le témoin de
la fameuse RR3 de Valensole le 01.07.1965 ait vu un
hélicoptère
de la 6ème Flotte américaine en mission
d'espionnage
(je tiens cette hypothèse du physicien renommé
qu'était
Yves Rocard) ; les autorités auraient alors
préféré
laisser parler d'ovni plutôt que de devoir
reconnaître
une telle incursion sur notre territoire. Cela paraît
d'autant
plus plausible qu'un avion espion U.S. était
intercepté
deux semaines plus tard au-dessus de l'usine atomique de Pierrelatte
(ce fut une des raisons qui décidèrent le
général
De Gaulle à quitter l'OTAN). De telles affaires semblent
pouvoir contribuer à expliquer l'attitude certes
très
ambiguë des autorités politiques et militaires
(nous
verrons en 5.5 d'autres raisons possibles).
4.1 Existence
de nombreux
cas inexpliqués.
Il est hors
de doute qu'il existe un nombre non négligeable de cas
apparemment fiables, raisonnablement bien
enquêtés,
et au moins en apparence irréductibles à des
causes
conventionnelles, en particulier parmi les cas avec effets physiques
ou physiologiques durables. Bien que le nombre de ces quasi-ovnis
soit probablement inférieur à certaines valeurs
avancées par les partisans, il pourrait être de
l'ordre
de quelques milliers (dizaines de milliers si l'on est laxiste,
centaines si l'on est sévère). Mais en raison des
éléments suivants, il n'est pas interdit de
penser
que même ces cas « solides » pourraient
être
en réalité explicables par les
différentes
causes envisagées en 3 (ce qui ne prouve bien sûr
pas qu'ils soient forcément tous explicables ainsi).
4.2 La
valeur des enquêtes.
En raison du problème de la fiabilité
du milieu ufologique (voir 6), on peut s'interroger sur la valeur
de beaucoup d'enquêtes (y compris par plusieurs des grands
noms de l'ufologie), et donc penser que nombre de cas
prétendument
inexplicables relèvent en fait de causes banales sans qu'on
soit forcément en mesure de découvrir laquelle
(ou
lesquelles quand plusieurs entrent en jeu simultanément,
ce qui complique bien sûr les choses).
4.3 Les
classiques inexplicables
mais pourtant expliqués. Il
existe un nombre important de cas, y compris parmi les «
classiques » ayant contribué à
construire
l'image du phénomène ovni, qui furent longtemps
considérés comme inexplicables, mais qui furent
ensuite expliqués de façon conventionnelle
(souvent
par des partisans). Il a pu suffire pour cela par exemple d'une
nouvelle enquête, éventuellement par un ufologue
moins impliqué émotionnellement dans le cas que
ses prédécesseurs, de la découverte
d'un
détail capital, ou encore de l'intervention plus ou moins
providentielle « du » spécialiste qu'il
fallait.
Parmi les nombreuses illustrations possibles, mentionnons seulement
les quelques affaires suivantes (voir aussi celles notées
en 3.5).
- Fargo,
ND, U.S.A., 01.10.1948 : dans
son encyclopédie (2), Jerome Clark accepte
l'explication du ballon sonde avancée par l'U.S. Air Force
et considère que « l'observation de Gorman
pourrait
être après l'incident Mantell [un pilote de chasse
qui s'était écrasé en poursuivant un
ballon
sonde d'un type alors secret] le rapport d'ovni le plus
surévalué
dans l'histoire des débuts du
phénomène ».
- Villacoublay,
Yvelines,
29.08.1952 : des
météorologues
militaires observent à l'oeil nu et au théodolite
des lumières brillantes dans le ciel et rédigent
un rapport officiel ; selon l'astronome et ufologue Pierre
Guérin,
il s'agissait en fait de Jupiter et de Véga (11 p. 227).
- région
Draguignan,
Var, 06.10.1952 (divers
témoins,
dont deux pilotes en vol): selon Aimé Michel en 1954, cet
« objet qui survola la Provence [] est peut-être
celui
dont le passage, du point de vue scientifique, est le plus proche
d'apporter la preuve définitive et irréfutable de
l'existence réelle des soucoupes volantes » (12 p.
169). Malheureusement, Guérin nous apprend que
c'était
un bolide (11 p. 227-228, 332).
- Ubatuba,
Brésil,
début 09.1957 :
cet ovni ayant explosé
et dont on a récupéré des
débris constitués
de magnésium à très haute
pureté n'était
qu'une fusée militaire aux dires de Michel Bourron, un
spécialiste de balistique et de pyrotechnique.
- Trancas,
Argentine, 21.10.1963 :
extraordinaire rencontre du 3ème type avec
divers effets physiques, s'expliquant pour Roberto Banchs par
des manoeuvres militaires.
- Willamette
Pass, OR,
U.S.A., 22.11.1966 :
photographie d'un
ovni doctement analysée ensuite par des physiciens (l'un
d'eux annonce que les effets particuliers de l'image sont dus
au fait que l'engin oscillait entre notre espace-temps et un autre)
; c'était tout simplement un panneau routier. Ce cas
démontre
qu'un mystificateur peut n'avoir aucune motivation apparente et
demeurer impuni durant un quart de siècle : il est donc
bien moins évident de détecter une fraude (ici,
la récupération opportuniste d'une photo un peu
curieuse) que ne le prétendent les partisans.
- Marliens,
Côte
d'Or, 03.05.1967 : des traces
remarquables,
ensuite expliquées par la foudre. On peut noter aussi
qu'aucun
ovni n'avait été observé,
contrairement à
ce qu'écrivent quelques auteurs récents
à
l'imagination fertile.
- observations
belges de
la nuit du 30-31.03.1990 : il
s'agissait
de réfractions atmosphériques exceptionnelles
d'étoiles
pour les lumières observées du sol par les
gendarmes
et de possibles (probables ?) anomalies de propagation radar des
avions F-16. C'est là l'explication finalement retenue
par le professeur Auguste Meessen (13), qui avait pourtant d'abord
décrété que cette affaire
était quasiment
la preuve absolue de la présence parmi nous de vrais-ovnis
extraterrestres.
Il est alors permis de se demander si ces nombreux ovnis «
inexplicables et pourtant expliqués » ne sont pas
un défi à l'existence d'un noyau dur de cas
totalement
fiables et réellement
inexplicables.
4.4 L'indiscernabilité
entre quasi-ovnis et ovis.
Au moins
à première vue, les témoins des deux
types
d'affaires semblent être les mêmes et les
récits
qu'ils font aussi, que ce soit pour la trame
générale
ou pour les détails rapportés : conditions
d'observation,
descriptions de l'objet ou de l'ufonaute, effets temporaires ou
durables, etc. Il convient toutefois de remarquer que cet argument
seul ne prouve pas l'identité de nature des quasi-ovnis
et des ovis ; car il se pourrait que des aliens «
déguisent
» leurs engins afin de nous tromper.
Au-delà de l'existence
de cas apparemment
inexplicables, bien réelle mais qui ne saurait à
elle seule démontrer la présence de vrais-ovnis,
les partisans avancent diverses preuves, directes ou indirectes,
de cette existence. Elles sont elles aussi contestables à
des degrés divers.
5.1 L'existence
d'éléments
matériels,
comme les débris
d'ovnis, les mutilations animales, les photographies ou films
vidéo, les enregistrements sonores, est bien sûr
attestée dans un assez grand nombre d'affaires. Mais il
est souvent difficile de savoir s'ils sont réellement
connectés
à l'observation (la « trace laissée par
l'ovni
» n'était-elle pas présente avant qu'il
ne
se manifeste ?) et quel est leur caractère réel
de non-explicabilité en termes conventionnels ; et, pour
ce qui est des fragments supposés d'ovni ayant fait l'objet
d'une analyse, aucun d'eux n'exige une origine extraterrestre.
Ces constatations s'appliquent bien sûr aussi à
tout
les effets allégués des ovnis (pannes de moteur
ou de télévision, faisceaux lumineux anormaux,
effets
physiologiques temporaires,). En particulier, les scientifiques
réunis en 1997 au Centre de Pocantico à Tarrytown
(Etat de New York) et à qui quelques ufologues soigneusement
sélectionnés étaient censés
présenter
leurs meilleurs cas se sont plaints à propos de tels effets
du manque de données incontestables (10).
5.2 L'authentification
mutuelle des cas par les analogies qu'ils présentent
est un argument qui est
invalidé
par l'indiscernabilité ovni-ovi. Car lorsque divers auteurs
ont voulu en donner des exemples, ils ont souvent comparé
des affaires à peu près fiables à
d'autres
qui le sont nettement moins, ou qui ont été
expliquées
ultérieurement par des causes banales, voire qui
l'étaient
déjà à l'époque. De plus,
les analogies
entre ces cas sont souvent peu probantes sauf pour un ou deux
traits particuliers, et les descriptions identiques d'engins ou
d'ufonautes sont rarissimes (Hynek avait un jour qualifié
de pandémonium l'extrême
variété des
ovnis).
5.3 La
cohérence
statistique qui
semble ressortir de
diverses analyses est elle aussi mise à mal par
l'indiscernabilité,
mais surtout par le fait que les fichiers sont
généralement
saturés de cas n'ayant rien à voir avec de
possibles
vrais-ovnis ou même seulement avec les quasi-ovnis. Et l'on
a montré à l'occasion que certains travaux
statistiques
connus pouvaient être très critiquables
à
divers égards (voir par exemple le cas
étudié
par l'auteur en référence 5).
5.4 L'existence
de modèles
explicatifs quasi-exhaustifs et cohérents, tant au niveau des hypothèses
globales qu'à
celui de points plus spécifiques, pourrait être un
argument solide si tant d'entre eux n'étaient pas en
concurrence
et surtout s'ils ne reposaient pas eux aussi sur tant de cas douteux.
C'est ainsi que, dans le cadre de l'hypothèse
extraterrestre,
le modèle de propulsion magnétohydrodynamique
(MHD)
des ovnis par Jean-Pierre Petit avait pu un temps passer pour
un des plus prometteurs ; mais qu'elle est sa fiabilité
réelle dans la mesure où l'on sait, aux dires
mêmes
de l'auteur (voir plusieurs de ses livres), qu'il s'est basé
essentiellement sur des documents ummites ? Car l'affaire UMMO
est généralement considérée
aujourd'hui
comme une mystification sophistiquée, y compris par de
nombreux partisans (il s'agissait de milliers de courriers à
contenu « philosophique » ou «
scientifique
» reçus par des dizaines d'ufologues).
5.5 La
preuve sociologique
par le comportement des autorités n'a
guère de valeur non plus puisque ce comportement semble
pouvoir s'expliquer par des causes n'ayant rien à voir
avec les ovnis eux-mêmes. Commençons par
éliminer
tous les faux documents officiels comme ceux se rapportant au
MJ-12 (voir 3.1) ou les vrais documents trafiqués : ils
pourraient bien avoir été concoctés
par des
partisans plus ou moins marginaux intéressés
à
faire fonctionner le business soucoupique. Des affaires ovnis
utilisées comme couverture (voir 3.5), les habitudes
bureaucratiques,
le refus d'avouer que l'on ne sait pas ce qu'est le
phénomène
ou que l'on est incapable d'expliquer clairement pourquoi il n'existe
pas, tout cela suffirait déjà à rendre
compte
d'une bonne part du comportement ambigu des autorités.
Mais le facteur essentiel pourrait bien avoir été
la guerre froide et la paranoïa qu'elle a provoquée
dans les années 1950-1960, largement oubliée
aujourd'hui
mais bien réelle à l'époque et qui
était
alimentée par des risques qui n'avaient rien d'imaginaires
(le monde est réellement passé près de
la
guerre nucléaire !). Un tel contexte rend en particulier
parfaitement compte de la Commission Robertson réunie par
la C.I.A. en 1953, alarmée de voir les militaires risquer
d'être accaparés par une menace imaginaire face
à
celle que faisaient peser les Soviétiques.
A l'inverse, on peut soutenir que les partisans, malgré
la force écrasante des preuves qu'ils prétendent
apporter, se sont révélés incapables
en quelque
50 ans de faire globalement basculer l'attitude des deux
communautés
qui comptent vraiment en la matière, celle des scientifiques
et celle des autorités politiques et militaires. Pour ces
dernières, on doit certes s'en tenir à ce qui
pourrait
n'être qu'une apparence. Une telle position est en tout
cas largement confortée par ce qu'on sait de la situation
en Espagne (14) ou en Grande-Bretagne (15). Mais aussi en France,
avec les déclarations du général (en
retraite)
Guy Dotte-Charvy, un insider pour lequel l'attitude de
l'Armée
française peut se résumer à la formule
:
« 's'en foutre' (et je pèse mes mots) tel est le
'Grand Secret' ! » (16). Car cela me semble
complètement
incompatible tant avec le fait que les militaires français
seraient au courant de la présence parmi nous
d'éventuels
vrais-ovnis, qu'avec l'existence même de ces derniers.
5.6 Les
observations
du passé
ont elles aussi été
utilisées comme preuve de l'existence des ovnis actuels,
au prétexte que nos ancêtres n'avaient certes pas
d'avions ou de satellites pour les confondre avec des ovnis, et
n'auraient pas été capables d'inventer de telles
histoires. Voire ! De nombreuses descriptions anciennes sont trop
sommaires ou trop peu précises pour qu'on puisse se
prononcer.
Parfois, on peut aussi soupçonner tel ou tel
phénomène
naturel : ainsi quand Roger de Wendover nous apprend qu'en Angleterre
en 555 « on a vu des lances dans le quart nord-ouest du
ciel », il est permis de penser à une aurore
boréale.
Mais surtout, il est indispensable de replacer les récits
dans leur contexte historique, ce qui offre souvent un tout autre
éclairage que celui apporté par nos connaissances
de l'ère technologique et spatiale, surtout dans les
nombreux
textes ayant une fonction apologétique (Sur ces questions,
on peut se reporter au chapitre de Gilles Durand en réf.
5).
6.1 Une
absence globale
de fiabilité.
Nous écarterons
d'emblée les éléments les plus
contestables
de l'ufologie : contactés rapportant leurs aventures
cosmiques
ou/et prêchant la bonne parole des extraterrestres, cultistes
adeptes des précédents, paranoïaques
plus ou
moins délirants (pour l'un d'eux, la guerre froide
n'était
qu'un leurre monté par les Américains et les
Soviétiques
pour tromper les envahisseurs aliens !), ou encore quelques
professionnels
de la soucoupe volante ne croyant pas un mot de ce qu'ils
écrivent.
Ce sont pourtant souvent eux qui ont occupé le devant de
la scène dans les médias.
Alors, les ufologues de base sont des gens parfaitement
honnêtes
et normalement intelligents, et ils ont accompli depuis plus de
50 ans une somme colossale de travail. Malheureusement, trop d'entre
eux manquent d'esprit critique et de connaissances dans les
méthodes
et résultats des sciences de la nature ou de l'homme. En
particulier, ils acceptent trop facilement les témoignages
pour argent comptant sans s'être jamais interrogés
sur la psychologie de la perception ou de la mémoire.
Donnons
à titre d'illustration un seul exemple de «
symptôme
» de ces insuffisances, ce qu'on peut appeler le «
postulat d'indépendance des ovnis et des ovis » :
le partisan admet certes l'existence de cas explicables, mais
il les écarte aussitôt du champ de sa
réflexion
en prétendant qu'ils n'ont rien à voir avec les
cas inexplicables subsistants ; c'est là une
pétition
de principe, car c'est justement ce qu'il faudrait démontrer.
Pris globalement donc, le milieu ufologique manque cruellement
de fiabilité, ce que d'ailleurs plusieurs partisans
sérieux
ont reconnu (c'était par exemple le cas de Jacques Scornaux,
dont l'essentiel du chapitre sur la question dans la
référence
5 datait de l'époque où il était un
ferme
défenseur de l'HET). La situation ne paraît
hélas
guère différente du côté des
ufologues
majeurs, ceux dont les écrits ont bâti la
pensée
ufologique, y compris pour beaucoup des scientifiques
intéressés
par le problème ovni. Une bonne part de ces ufologues
majeurs
ou de ces scientifiques se révèlent
être en
fait de purs croyants (certains attendent même que les
extraterrestres
viennent enfin nous sauver de nous-mêmes), voire parfois
d'authentiques délirants. Il convient toutefois de dire
aussi qu'il y de remarquables exceptions à cette faiblesse
globale du milieu ; ces quelques dizaines de personnes ne font
hélas pas le poids face aux milliers d'autres.
6.2 Le
rôle du
postulat extraterrestre.
Le facteur
essentiel expliquant cette regrettable situation pourrait bien
être le fait que de nombreux ufologues sont prisonniers
d'un système de croyance qu'ils ont eux-mêmes
construit
en collaboration avec les médias, le « postulat
extraterrestre
» (les partisans dissidents tenants d'hypothèses
alternatives ont vraisemblablement aussi leur propre système
de croyance, différent mais tout aussi efficace). Ce
«
postulat » explique par des visiteurs venus d'ailleurs non
seulement les observations d'ovnis mais aussi tout un ensemble
de données qui leur sont plus ou moins directement
corrélées,
comme les mutilations animales, les disparitions
mystérieuses
dans le Triangle des Bermudes, les anomalies archéologiques,
les cercles des cultures d'Angleterre et d'ailleurs, et bien d'autres
choses encore. En admettant que de possibles extraterrestres viennent
nous visiter (ceci n'est pas en soi absurde), faut-il pour cela
leur attribuer, et la moindre lumière inexpliquée
dans le ciel, et tout ce qui dépasse notre
compréhension
(en tout cas celle des auteurs sur ces questions) ?
L'évolution de l'ufologie depuis une vingtaine
d'années
me paraît d'ailleurs assez significative à cet
égard.
Après la période allant jusqu'aux
années
1980 environ, où les partisans acceptaient (pour la plus
grande part) l'HET mais avaient une optique fondamentalement
rationnelle,
beaucoup d'ufologues américains puis d'autres à
leur suite en sont venus à accepter divers thèmes
plus contestables. Il en est ainsi des enlèvements en
très
grand nombre (probablement en vue de manipulations
génétiques),
des écrasements de soucoupes, de l'existence de structures
artificielles sur la Lune ou Mars (le fameux Visage, entre autres),
du complot des autorités voulant nous cacher la
présence
des aliens tout en incitant Hollywood à nous sensibiliser
discrètement, ou encore pour certains du Grand Complot
alliant nos dirigeants à de très
méchants
extraterrestres. Certes tous les partisans n'ont pas
succombé
à une telle vision des choses, mais l'évolution
des principales revues américaines me semble aller dans
le droit fil d'un tel processus (une exception peut être
faite pour l'International UFO Reporter
publié par
le CUFOS). Et si la série des X-Files (remarquable en tant
que fiction) est maintenant en perte de vitesse, plusieurs lettres
de lecteurs parues à l'époque de sa splendeur
dans
la presse spécialisée montraient que d'assez
nombreux
jeunes proclamaient comme des gens à qui on ne la fait
pas qu'il ne faut faire confiance à personne : n'est-ce
pas un peu inquiétant ?
6.3 Une
littérature
qui diverge de la réalité.
Une conséquence du manque de fiabilité de
l'ufologie
et de l'indiscernabilité ovni-ovi est que la
quasi-totalité
de la littérature ufologique n'a rien à voir avec
d'éventuels vrais-ovnis, écartant
par-là
même progressivement les ufologues de la
réalité
et donc renforçant le mythe par un effet de
rétroaction
positive, en construisant en nous une image de plus en plus
erronée
du phénomène ovni. Quel paradoxe donc : si les
vrais-ovnis
existent malgré tout, ce sont les ufologues qui sont en
bonne part responsables de ce que les autorités, les
scientifiques,
et le public n'acceptent pas leur réalité
Quoiqu'il puisse être,
le phénomène
ovni possède une composante psycho-socio-culturelle
fondamentale,
dont l'importance est largement sous-estimée par les
ufologues.
Pourtant, cette part « anthropocentriste » est
amplement
démontrée par divers facteurs.
7.1 Les
convergences
entre le phénomène ovni (pris globalement) et
diverses
productions de l'esprit humain.
De telles convergences sont nombreuses, mentionnons seulement
les parallèles découverts par Bertrand
Méheust
avec d'obscurs récits de science-fiction des
années
1900-1940 (17) ; les descriptions analogues à celles
obtenues
en états modifiés de conscience (voir plus haut
en 3.3c) ; les ressemblances avec les observations au 19ème
siècle des canaux martiens allégués ou
du
soi-disant satellite de Vénus ; ou encore les nettes
analogies
avec certaines apparitions mariales qui ne paraissent avoir aucun
fondement solide, comme en Belgique en 1933-1934 ou
récemment
à Medjugorje.
7.2 Le
cas spécifiques
des enlèvements.
En particulier,
la vogue des enlèvements par les extraterrestres
présente
pour l'essentiel les mêmes caractéristiques que la
grande sorcellerie européenne de la Renaissance et de
l'époque
classique. Globalement, celle-ci a été la
création
des inquisiteurs. Et ceux-là le sont d'ufologues et de
psychothérapeutes incompétents ou, plus
simplement,
convaincus de la réalité de ces
enlèvements.
En fait, quand un thérapeute est persuadé de la
réalité des enlèvements par des
aliens, de
la réincarnation, de la possession par les esprits, ou
de l'existence de cérémonies sataniques avec
sacrifices
humains, il (ou elle) en découvre
systématiquement
des expériences « vécues »
chez certains
de ses patients. Pourtant, il ne s'agit vraisemblablement que
de manifestations du « syndrome de la fausse
mémoire
», qui se crée grâce à des
influences
plus ou moins subtiles sur les sujets : on en a la preuve dans
certains cas allégués d'abus sexuels ou de
manifestations
sataniques dont des parents avaient été
faussement
accusés par leurs propres enfants devenus adultes (18).
De telles dérives devraient interpeller les partisans qui
s'en sont fait les complices, ne serait-ce que par leur silence.
7.3 Les
cas avec «
éléments dépendants du
témoin ».
Dans de nombreuses expériences ovni, le contenu
du récit a bien plus à voir avec l'observateur
(ou
l'humain en général), son passé, ses
préoccupations,
le fonctionnement de son cerveau, etc., qu'avec
d'hypothétiques
aliens. Ce sont par exemple des observations présentant
ce qu'on appelait naguère des manifestations de «
mimétisme psychologique », avec un joaillier ou un
sacristain retraité voyant en l'air respectivement un
pendentif
ou des horloges, un prospecteur qui observe des ufonautes creusant
un trou devant sa maison, ou des parents attendant leur fille
en retard et observant de petits êtres tournant en rond
dans une « lune » dans le ciel. Dans d'autres
affaires,
certains détails rapportés possèdent
une
valeur symbolique ou religieuse évidente, souvent
liée
aux croyances du témoin comme dans les nombreuses
expériences
de Betty Andreasson-Luca aux Etats-Unis ou l'enlèvement
de José Antonio da Silva au Brésil. Ce sont
encore
des cas où le récit originel des
témoins
a été peu à peu modifié en
raison
d'influences extérieures, discussions avec des proches
ou enquêtes quelque peu orientées par des
journalistes
ou des ufologues trop convaincus. Il n'est bien sûr pas
impossible que de tels « éléments
dépendants
du témoin » (expression due à Luis
Schönherr)
puissent être liés à des ovnis
objectifs,
il est néanmoins bien plus simple de leur attribuer une
origine purement humaine.
7.4 Fonction
de l'ovni. Divers
auteurs comme Michel Carrouges, Hilary Evans,
Carl Gustav Jung, Alain Schmitt et d'autres ont tenté de
comprendre quelle pourrait être la fonction possible de
l'ovni considéré dans une perspective
socio-psychologique.
Pris globalement, le phénomène ovni pourrait
ainsi
être une manifestation de l'angoisse collective de
l'humanité
face au divorce de ses parts matérielle et spirituelle
et face à un futur que nous ne semblons plus
maîtriser.
Il traduirait alors notre besoin de merveilleux en termes à
peu près acceptables dans notre monde hyper-rationnel et
hyper-technicisé, avec comme autrefois des sauveurs venant
du Ciel, mais désormais dans des engins
sophistiqués.
Cela correspondrait au niveau individuel à des
expériences
ayant une valeur gratifiante, voire cathartique (malgré
parfois les apparences : voisins ou médias se moquant des
témoins, épreuves subies lors de certains
enlèvements).
Plus généralement d'ailleurs, des auteurs
critiques
sur l'existence des phénomènes paranormaux se
demandent
aujourd'hui si de telles manifestations, bien que relevant en
fait d'explications « conventionnelles »,
n'auraient
pas un rôle bénéfique pour ceux qui les
vivent.
Nous avons donc avec la TRC les
bases d'une
hypothèse
économique
qui semble bien pouvoir rendre compte de l'ensemble des
données
du problème ovni,
dans la mesure
où les « faits » admis par les partisans
ne
sont pas forcément aussi solides qu'il y paraît et
qu'ils ne le proclament. Avant
de se tourner si nécessaire vers des hypothèses
plus fantastiques, il convient donc de creuser sérieusement
la TRC pour voir ce qu'elle a
réellement
« dans le ventre ».
On pourra pour cela se baser sur la plupart des textes
rassemblés
dans l'ouvrage collectif dirigé par Thierry Pinvidic
(réf.
5) et sur diverses contributions, en particulier celles de Martin
Kottmeyer, de la seconde édition de
l'encyclopédie
de Ronald Story (réf. 6). Plusieurs autres
références
mentionnées ci-dessous seront aussi très utiles,
dont tout spécialement la critique dévastatrice
des enlèvements par Kevin Randle et al. (19). Et
même
diverses positions des partisans offrent d'intéressantes
munitions aux opposants. Quant aux revues ufologiques, les plus
utiles pour l'étude de la TRC sont certainement Ovni-Présence
et son avatar Anomalies, malheureusement disparues
(20),
et la britannique Magonia (21).
Claude Maugé
Références
1. Michel Bougard (dir.), Des soucoupes volantes
aux OVNI.
SOBEPS Diffusion J.P. Delarge, 1976.
Gildas Bourdais. Enquête sur l'existence d'
êtres
célestes et cosmiques. Filipacchi, 1994.
J. Allen Hynek. Les Objets Volants Non Identifiés
:
mythe ou réalité ? .Belfond, 1974.
(Inexpliqué). OVNIS : un dossier brûlant.
Atlas, 1984.
Fernand Lagarde (dir.). Mystérieuses soucoupes
volantes.
Albatros (Etapes), 1973.
Pierre Lagrange, Clarisse Le Friant et Guillaume Godard. Sont-ils
parmi nous ? La nuit extraterrestre.
Gallimard/Canal+,
1997.
Jacques Lob et Robert Gigi. Les apparitions OVNI.
Dargaud,
1979. (Initialement publié en trois tomes : Le
dossier
des soucoupes volantes, 1972 ; Ceux venus d'ailleurs,
1973 ; O.V.N.I., dimension autre, 1975).
James E. McDonald. Objets volants non identifiés.
Le
plus grand problème scientifique de notre temps
?. GEPA, 1969.
Daniel Mavrakis et Marie-Pierre Olivier. Les objets volants
non identifiables. Laffont, 1986.
Jacques Scornaux et Christiane Piens. A la recherche des OVNI.
Marabout, 1976.
2. Jerome Clark. The UFO Encyclopedia, 2nd edition. The
phenomenon
from the beginning. Omnigraphics, 1998, 2 volumes.
3. Hilary Evans et John Spencer (eds.). UFOs 1947-1987. The
40-year search for an explanation. Fortean Tomes, 1987.
4. Claude Maugé. "OVNI-OVI: sur un certain état
de la question", Inforespace, n° 63, juin
1983
: 2-12 (a) ; n° 7 hors-série, décembre
1983
(b).
5. Thierry Pinvidic (dir.). OVNI. Vers une anthropologie d'un
mythe contemporain. Heimdal, 1993.
6. Ronald D. Story (ed.). The Encyclopedia of
extraterrestrial
encounters. A definitive, illustrated A-Z guide to
all
things alien. New American Library, 2001. (Malheureusement
extrêmement hétérogène,
voire ridicule
pour beaucoup d'entrées courtes. Bien que plus «
croyante », la première édition
était
globalement bien meilleure : The Encyclopedia of UFOs,
Doubleday/New English Library, 1980).
7. Paolo Toselli. « L'examen des cas d'objets volants
identifiés
(OVI) : le facteur humain », in T. Pinvidic, op.
cit.
réf. 5 : 280-301 (Lecture très vivement
conseillée).
8. William R. Corliss (comp.). Tornados, dark days, anomalous
precipitations, and related weather phenomena, 1983. Rare
halos, mirages, anomalous rainbows, and related electromagnetic
phenomena, 1984. Remarkable luminous phenomena in
nature,
2001 (réédition très
augmentée de
Lightning, auroras, nocturnal lights, and related luminous
phenomena, 1982). Toutes les publications de Corliss sont
publiées par lui-même dans le cadre du Sourcebook
Project, P.O. Box 107, Glen Arm, MD 21057, USA.
9. Voir par exemple Stephen Mende, David Sentman et Eugene Wescott,
« La foudre au-dessus des nuages », Pour
la Science,
n° 240, octobre 1997 : 48-51.
10. P.A. Sturrock et al., "Physical evidence related to UFO
reports: the proceedings of a workshop held at the Pocantico Conference
Center, Tarrytown, New York, September 29 October 4, 1997",
Journal of scientific Exploration, 12
n° 2,
summer 1998: 179-229. Une version largement augmentée est
: Peter A. Sturrock, La science face à
l'énigme
des OVNIS, Presses du Châtelet, 2002. Voir un
résumé
et une revue critique du texte original dans : Claude Maugé,
« Le 'rapport Sturrock' et les preuves physiques des OVNI
», Inforespace, n° 98, juin 1999
: 4-26.
11. Pierre Guérin. OVNI. Les mécanismes
d'une
désinformation. Albin Michel, 2000.
12. Aimé Michel. Lueurs sur les soucoupes volantes.
Mame, 1954.
13. (SOBEPS). Vague d'OVNI sur la Belgique. 2. Une
énigme
non résolue. SOBEPS, 1994.
14. Sur l'implication de l'armée de l'air espagnole, voir
Vicente-Juan Ballester Olmos, Expedientes
insólitos.
El fenómeno ovni y los archivos de Defensa, Temas
de
hoy, 1995. L'article publié dans VSD
Hors-série
OVNIS n° 6, novembre 2003, gauchit la position de
Ballester
Olmos en insistant sur les aspects les plus fantastiques.
15. David Clarke et Andy Roberts. Out of the shadows. UFOs,
the Establishment and the official cover up. Piatkus, 2002.
16. G. D.C. [Guy Dotte-Charvy]. « X Files, M.I.B. et Grande
Muette. Un peu d'histoire militaro-ufologique », Lumières
Dans La Nuit, n° 357, août 2000 : 12-14.
Voir aussi
n° 361, juillet 2001 : 39-41.
17. Bertrand Méheust. Science-fiction et soucoupes
volantes.
Une réalité mythico-physique. Mercure
de France,
1978.
18. Voir par exemple : Olivier Blond, « Le syndrome des
faux souvenirs », La Recherche,
n° 344, juillet-août
2001 : 69-71. Harriet Coles, « Vraies victimes et faux
souvenirs
des abus sexuels », Le Monde, 10 octobre
1997 : 27.
Elizabeth Loftus, « Les faux souvenirs », Pour
la Science, n° 242, décembre 1997 : 34-40.
19. Kevin D. Randle, Russ Estes et William P. Cone. The
abduction
enigma. Forge, 1999.
20. Pour se procurer les numéros encore disponibles, se
renseigner auprès de l'Observatoire des Parasciences, B.P.
57, 13244 Marseille La Plaine Cedex 01.
21. Magonia, John Rimmer, John Dee Cottage, 5 James Terrace, Mortlake
Churchyard, London, SW14 8HB, Grande Bretagne (www.magonia.demon.co.uk).
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