Depuis l'avènement du roi Pelé, le monde du football n'avait pas connu de joueur au succès aussi soudain. Ronaldo Luiz Nazario Da Lima est venu au monde le 22 septembre 1976 à Bento Ribeiro, un des quartiers populaires de Rio de Janeiro. Mais c'est dix-huit ans plus tard, aux Etats-Unis, lors du Mondial 1994, que naquit sa légende. C'est là-bas, sans jouer le moindre match, que ce troisième enfant d'une famille nombreuse, dont le père alcoolique abandonne très tôt le domicile conjugal, entre de plain-pied dans le football business.

Un joueur-spectacle venait d'être sacré champion du monde et la planète du ballon rond ne le savait pas encore. Ronaldo serait toute sa vie le héros malgré lui de ces ' telenovelas ', ces feuilletons à multiples rebondissements, qui captivent tant les Brésiliens. Sa vie, émaillée de drames, de polémiques et de mystères ne lui appartiendra plus.

C'est grâce à ses phénoménales qualités physiques et techniques que ce gamin ?" capable de rester des heures durant devant son écran, une manette de jeu vidéo à la main ?" a construit sa légende. Après un court passage au PSV Eindhoven, un club hollandais qui s'est spécialisé ?" Romario y a joué ?" dans la découverte des buteurs brésiliens, celui que l'on n'appelle pas encore le ' gros ' signe au FC Barcelone en 1996. Un contrat de huit ans et de vingt millions de dollars. Soit le transfert le plus coûteux de l'époque.

En Espagne, Ronaldo réinvente les gestes de football. Paco Seirulo, préparateur physique du Barça, le confirme : ' Sa force et sa capacité de réaction sont exceptionnelles, mais sa plus grande qualité, c'est la vitesse. Comment peut-il enchaîner autant de dribbles sans perdre l'équilibre ? ' La question restera longtemps sans réponse. Juan Antonio Pizzi, meilleur buteur du championnat espagnol en 1995 avec 31 buts avec le Barça, réspond à sa façon à la question : ' Moi, je suis un footballeur, lui non ! ' Pour lui, le ' Fenomeno ' était un extra-terrestre. Avant de traverser l'Atlantique, Ronaldo avait disputé 60 matchs et inscrit 55 buts en deux ans avec le club brésilien du Cruzeiro de Belo Horizonte. Au PSV Eindhoven, 54 buts pour 56 matchs. Avec le Barça, les indices n'ont pas varié : 47 buts pour 49 matchs officiels !

L'Inter l'attire alors. L'Italie, le club du président Moratti, un nouveau contrat mirifique après avoir été élu Ballon d'or en 1997. Qui pourrait résister à une telle ascension ? A cette montagne de billets qui a parfois failli l'engloutir ? Alcool, cigarettes, filles faciles, soirées people, jets privés et caprices d'enfant-star... ' Il n'a pas su faire les choix qui lui auraient permis d'entretenir sa condition pour le plus haut niveau, expliqua un jour l'un de ses proches. Le drame de Ronaldo, c'est de vouloir tout avoir et de s'égarer tout compte fait... ' Le meilleur joueur du monde a donc fini par se perdre.

Ses blessures à répétition ?" sept la saison dernière ?" inhérentes à sa vie dissolue, ont craquelé le socle de la statue en marbre et donné à ce joueur d'exception l'image d'un sumotori dégoulinant de sueur et ne parvenant pas à rattraper le temps perdu et surtout cette silhouette frêle à jamais évanouie. Lors de la dernière coupe du Monde, en Allemagne, le médecin de la Seleçao a cru s'évanouir quand il a vu l'aiguille de la balance flirter avec le chiffre... 94. ' Depuis qu'il a quitté ses vieux agents, Alexandre Martins et Reinaldo Pita, après leur séjour en prison, il n'en a fait qu'à sa tête, mis des protections autour de lui pour faire le vide, explique un de ses compagnons de sélection, et voilà ce que cela donne ! '

A Madrid, où il a signé en 2002, Ronaldo passe toutes ses soirées en boîte de nuit, loue des avions privés pour ses nombreuses escales amoureuses à Paris et gâche chaque jour un peu plus son talent. Pas son argent, puisque l'ex-futur phénomène continue de toucher près de 13 M€ par an, dont 6 en salaire du Real. Ses nombreux contrats publicitaires, celui qu'il possède... à vie avec Nike font que sa fortune personnelle est aujourd'hui estimée à plus de 160 M€. Récemment, l'homme à la tête de Bugs Bunny a investi dans une fameuse cave à vin du Duero, son péché mignon, et dans un magnifique appartement, avenue Montaigne à Paris. Un caprice de plus de 10 M€. Une broutille en quelque sorte pour ce joueur qui, malheureusement, alimente davantage les tabloïds espagnols et les colonnes de faits divers des journaux plutôt que les pages sportives.

' Ronaldo a un rendement plus important la nuit que sur le terrain et je vais me charger d'y remédier. ' Le commentaire est signé Ramon Calderon, le nouveau président du Real Madrid. Celui qui a emmené dans ses valises un certain Fabio Capello, entraîneur italien intransigeant, qui s'est juré de se débarrasser de David Beckham et de Ronaldo, deux ' galactiques ' davantage intéressés, selon lui, par le clinquant et le superficiel que par le terrain. ' Quand Ronaldo ressemblera à un vrai joueur de foot, je le ferais jouer. Pour le moment, il rééduque son genou aux ultrasons de la bossanova et ce n'est pas acceptable ', expliqua Fabio Capello, en décembre dernier. Auteur de seulement... 111 buts en 169 matchs avec le Real Madrid, dont 2 cette saison, le Brésilien a fini par renoncer. Vexé, l'un des plus grands buteurs de tous les temps a fini par rejoindre le Milan AC pour 5,5 M€ par saison. ' J'ai toujours surmonté les épreuves et je vais gagner cette bataille, car le football c'est ma vie ', asséna Ronaldo.

Il n'est pourtant pas évident que le joueur puisse surmonter cette terrible désillusion. L'homme qui a toujours fait exploser les transferts a cette fois été bradé. Acheté 52 M€ par le Real à l'Inter de Milan, le joueur a été vendu 7 M€ au Milan AC. Celui que l'on surnommait ' l'animal ' lorsqu'il pénétrait sur un terrain serait presque devenu une bête à abattre. Car au regard de son physique enrobé et de cette incapacité à courir, c'est plus un parfum de déchéance qui flotte autour de l'ex-meilleur joueur de la planète.

Peu avant son départ pour l'Italie, son entraîneur Fabio Capello, avait poussé le vice jusqu'à enregistrer les déplacements de son joueur à l'aide d'une puce électronique. En match, Ronaldo ne courait pas plus dun kilomètre pendant que certains de ses coéquipiers alignaient entre dix et douze kilomètres durant les 90 minutes de jeu. C'en était trop pour Capello qui n'a malheureusement pas compris que parfois, le ballon devait ' courir ' plus vite et plus longtemps que les joueurs. ' Les entraînements ne m'ont jamais amusé, s'est expliqué ' Grosnaldo '. Je préfère jouer sept matchs dans la semaine que me farcir trois séances. Le pire, a-t-il ajouté, c'est que tu dois t'entraîner encore plus quand tu es remplaçant... '

Si son opération réhabilitation échoue au Milan AC, Ronaldo pourrait alors, comme l'indiquait France Football la semaine dernière, rejoindre David Beckham aux Etats-Unis. Le joueur entrerait effectivement dans les plans des Red Bulls de New York. Le génial Brésilien terminerait alors son aventure sportive là où il l'avait commencé, treize ans plus tôt. Au pays des dollars et des mickey du ballon rond...