Le journaliste Stéphane Denis affirme dans une interview au Point, publiée jeudi 11 mai, qu'il a transmis à deux reprises, en septembre 2004 puis en avril 2005, un message oral du général Philippe Rondot à Nicolas Sarkozy sur l'enquête Clearstream. Ce que le ministre de l'intérieur dément. Stéphane Denis, "parent" et "ami" du général Rondot, raconte que le militaire l'avait chargé, à l'été 2004, de "dire à Sarkozy qu'il avait enquêté sur l'affaire" Clearstream et qu'il tenait "le dossier complet à sa disposition".
Stéphane Denis, journaliste au Figaro, ajoute qu'en septembre 2004 il a "pu en parler par téléphone" à Nicolas Sarkozy, et qu'il est "revenu sur le sujet le 1er avril 2005", lors d'une remise de décoration au Musée Jacquemart-André, à Paris.
A ce moment, "je lui répète qu'on a voulu l'abattre et que Philippe Rondot souhaite qu'il l'appelle pour lui parler de cette enquête où il a innocenté tout le monde", affirme Stéphane Denis.
VERSION EMBARRASSANTE
Me Eric Morain, l'avocat du général Rondot, a confirmé que son client " (avait) bien demandé au journaliste de faire passer à Nicolas Sarkozy un message" pour l'informer de ses investigations. Selon Me Morain, le général n'a "jamais eu de retour" de cette demande et Stéphane Denis ne lui en a "jamais reparlé".
M. Denis, très au fait de l'affaire Clearstream, avait, dès le 12 novembre 2004, dans "La Lettre de M. Rastignac", la chronique qu'il tient dans l'hebdomadaire Valeurs actuelles, relaté cet épisode, en utilisant des pseudonymes empruntés à La Comédie humaine, d'Honoré de Balzac. Il évoquait ainsi un "homme de l'ombre (le général Rondot)", chargé de mener sa "propre enquête" sur une "liste noire", qui rend "compte au Château, et, à toutes fins utiles, s'arrange pour le faire savoir aussi à M. Kropoly (M. Sarkozy)".
Cette version pourrait embarrasser le ministre de l'intérieur, partie civile dans ce dossier, accusé par ses ennemis politiques d'avoir tout su, dès le début de l'affaire, et de n'en avoir jamais rien dit, afin de s'en prendre en temps voulu à M. de Villepin, tout en se posant en victime.
Interrogé à ce sujet, mercredi 10 mai, par les juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons, M. Sarkozy avait affirmé que "M. de Bousquet de Florian (le directeur de la direction de la surveillance du territoire) m'(avait) informé, quelques jours avant la sortie de l'article du Point de juillet 2004, que mon nom était cité dans cette affaire dite Clearstream (...). Il m'avait indiqué que la conviction de son service était que M. Gergorin était le "corbeau", aidé par M. Lahoud, informaticien".
Il a catégoriquement nié avoir été prévenu par le général Rondot : "M. Rondot ne m'a fait passer aucun message, ce qui n'a rien d'étonnant, puisque je ne le connais pas, que je ne l'ai jamais rencontré et que je n'avais aucune raison de savoir qu'il faisait une enquête sur moi."
Enfin, il a précisé aux juges qu'aucun journaliste ne l'avait contacté : "J'ai tout juste le souvenir d'une rencontre fortuite avec Stéphane Denis, lors de la décoration de M. Alain Duhamel, (...) mais je ne me souviens pas que ledit Stéphane Denis m'ait communiqué la moindre information à ce sujet. D'ailleurs, s'il l'avait fait, je me serais empressé de lui fixer un rendez-vous pour en savoir plus. Ce rendez-vous n'a jamais eu lieu."
Et le ministre de l'intérieur de conclure : "La seule vérité, c'est qu'à ce moment-là ni les uns les autres ne m'ont donné la moindre information."
Voir les contributions