Sur la scène de la Comédie de Paris, Régis Mailhot est moins du côté de la commedia dell’arte que de la comédie des ratés – de l’actualité. Les masques tombent, les artifices du spectacle laissent place au verbe enlevé d’un humoriste engagé dans un rapport frontal avec l’actualité.
Sur le petit bureau qui trône sur scène, un portrait de Sarkozy : c’est sous son contrôle que l’humoriste, qui se présente comme le conseiller du président, avance dans la lumière blafarde d’un show bourré de mauvais esprit et de bons mots.
Habillé jusqu’à l’hiver prochain, Sarkozy n’est pas le seul à avoir maille à partir avec Mailhot : tout le monde – ministres, people, vedettes de seconde zone… – y passe et sans répit. En flux tendu, Mailhot ne peut s’empêcher de rajouter une observation à une autre : chaque idée génère une incise, comme dans un jeu de correspondance infini. Galvanisé par sa propre ivresse, c’est un fou du volant que rien n’arrête.
Son spectacle assume la règle que l’humoriste se donne depuis ses débuts : tout est toujours à revoir, au gré de l’actualité, qui chaque soir imprime sa marque dans le spectacle, évolutif, jamais fixé dans une écriture sûre de ses effets. Une heure avant de monter sur scène, il précise dans sa loge : “Je travaille à la manière d’un musicien de jazz : j’improvise chaque soir à partir de gammes, d’une trame donnée.”
Pour autant, il dit se méfier de la vogue des humoristes promus éditorialistes politiques : “On ne sait plus qui fait quoi.” Lui revendique sa posture d’humoriste, simplement amusé par le jeu du pouvoir et le cirque médiatique qu’il traque à la manière d’un tueur à gages. Ses balles, si elles sont à blanc, font souvent mal, en dépit de sa désinvolture apparente. De l’outrance à la neutralité, Mailhot joue des contrastes. Un changement de registre qui donne du relief à son écriture déstabilisante. Pour écrire, il attend la nuit : “J’ai besoin de me faire peur.”
C’est aux côtés de l’équipe du Fou du roi qu’il a appris depuis quatre ans à ciseler ses phrases. Tout en revendiquant ses penchants “libertaires”, dans la filiation d’Hara Kiri, sur scène il cherche à épurer son écriture, à densifier et resserrer ses textes pour leur donner un supplément “d’oralité”.
Sans mettre son corps en transe, comme beaucoup de comiques de sa génération, il dit prendre sur scène un “plaisir encore plus grand qu’à la radio”. Ses mots, des uppercuts, ont valeur de performance scénique. Du café-théâtre à la radio publique, où il sévit toujours aux côtés de son complice Daniel Morin, il trouve à la Comédie un nouveau lieu à sa (dé)mesure. Son petit rapport(eur) provoque un grand fou rire.
Le Rapport Mailhot à la Comédie de Paris, du mardi au samedi à 21 h 30.
Sur France Inter dans Le Fou du roi à 11 h.