Le magazine du
Plan d’action pour la Méditerranée
www.unepmap.org
NUMÉRO 58
med
ondes
EDITORIAL
MAP MedWaves
| Issue 58
Maria Luisa Silva Mejias
Coordonnatrice adjointe du PAM/PNUE
et Chargée d’affaires
À l’heure où les pays méditerranéens qui sont Parties
contractantes à la Convention de Barcelone s’engagent
dans l’entreprise de développer et appliquer l’approche
écosystémique, il est tout à fait naturel qu’un certain
nombre de questions fondamentales viennent à l’esprit :
Qu’est-ce au juste que l’approche écosystémique ?
Quelle valeur ajoutée les pays méditerranéens peuvent-ils
escompter de l’adoption de cette approche dans le cadre
des efforts qu’ils déploient pour améliorer les écosystèmes
de la mer Méditerranée ?
Comment les pays méditerranéens peuvent-ils traduire
dans les faits l’approche écosystémique —et quels sont
les avantages environnementaux et économiques qui en
découleront ?
Que signifie l’adoption de l’approche écosystémique en
termes économiques ?
Et quel est le chemin à suivre, la perspective d’ensemble
pour la Méditerranée ?
Ce numéro de MedOndes traite de ces questions et indique
au lecteur d’autres sources d’information. Nous espérons
que ces articles apporteront des précisions utiles, sans
prétendre évidemment faire le tour complet et définitif de la
question.
Nous souhaitons vivement obtenir vos réactions, en sorte
que les numéros à venir de MedOndes puissent continuer Ã
aborder les questions de la mer Méditerranée qui suscitent
l’intérêt de nos lecteurs.
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Numéro 58
ÉDITORIAL
Qu’EST-cE QuE L’AppROchE
ÉcOSySTÉMIQuE ?
Quelques mots sur
les écosystèmes
ÉTApES DE L’AppLIcATIOn
DE L’AppROchE pAR
ÉcOSySTèME
Le « Guide cDB pour les
débutants concernant le recours
à l’approche par écosystème »
ÉTuDE DE cAS
Le plan de gestion intégrée de
la mer de Barents (norvège)
ÉcOnOMIE
L’économie de l’approche
écosystémique
LES pROchAInES ÉTApES
Appliquer l’approche
écosystémique en Méditerranée
QuESTIOnS fRÉQuEMMEnT
pOSÉES
À propos de l’approche
écosystémique
InSTRuMEnTS,
ORGAnISATIOnS &
SITES wEB cOnnExES
L’approche par écosystème est un outil ;
elle offre un cadre qui peut servir Ã
appliquer les objectifs de la Convention
sur la diversité biologique, et notamment
les travaux sur les aires protégées et
les réseaux écologiques. Il n’existe pas
une seule façon correcte d’appliquer
l’approche à la gestion du sol, de l’eau et
des ressources vivantes. Les principes sur
lesquels repose l’approche par écosystème
peuvent être traduits avec souplesse
pour traiter les questions de gestion dans
des contextes sociaux, économiques et
environnementaux différents.
De plus amples détails, page 10.
p
10
p
4
MedOndes est publié par l’Unité de coordination du Plan d’action pour la Méditerranée en anglais, arabe et
français. La revue se propose d’être une source d’information informelle qui ne reflète pas nécessairement
les opinions officielles du PAM ou du PNUE. Les articles, à l’exception des photos, peuvent être reproduits sans
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n’impliquent en aucun cas l’expression d’opinions de l’éditeur concernant le statut juridique d’un pays, d’un
territoire ou d’une zone, de ses autorités, frontières ou limites.
No 58
|
Octobre 2009
Editeur :Â
Luisa Colasimone
Collaborateurs pour ce numéro : Â
John Bennett
Layout :Â
Hatz
(sur un concept de eden branding)
ISSNÂ :Â
1105-4034
PNUE/PAM
Programme des Nations Unies pour l’environnement /
Plan d’action pour la Méditerranée
48, avenue Vassileos Konstantinou, 11635 Athènes, Grèce
Tél :
0030Â 210Â 72Â 73Â 100
Fax :
0030Â 210Â 72Â 53Â 196/7
E-mail :
unepmedu@unepmap.gr
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Numéro 58
Qu’est-ce que l’approche écosystémique* ?
Bien qu’il n’y ait pas de définition largement répandue de l’approche
écosystémique
1
, diverses institutions l’ont décrite en termes similaires.
La Convention sur la diversité biologique décrit l’approche
écosystémique comme «
une stratégie de gestion intégrée des sols, des
eaux et des ressources vivantes qui favorise la conservation et l’utilisation
durable d’une manière équitable.
»
2
L’IUCN ajoute à cette description la notion que l’approche écosystémique
«
inscrit les besoins humains au cœur de la gestion de la biodiversité. Elle
vise à gérer l’écosystème sur la base des multiples fonctions que celui-ci
exerce et des multiples utilisations qui sont faites de ces fonctions. L’approche
écosystémique ne cherche pas des profits économiques à court terme mais a
pour objet d’optimiser l’utilisation d’un écosystème sans lui porter préjudice.
»
3
En ce sens, l’approche écosystémique «
se situe au point de rencontre
de la gestion durable de l’écosystème et du renforcement des moyens de
subsistance
» et elle offre la possibilité de conjuguer les préoccupations
en matière de conservation et de développement dans une relation plus
complémentaire.
4
De même, selon la Division des affaires océaniques et du droit de
la mer (DOALOS) des Nations Unies, «
s’il n’existe pas une approche
écosystémique ou définition d’une 'approche écosystémique' unique qui soit
admise au plan international, le concept est généralement interprété comme
englobant la gestion des activités humaines, sur la base de la meilleure
connaissance possible des interactions et processus écologiques, en sorte que
les structures et fonctions des écosystèmes soient maintenus durablement
au profit des générations présentes et futures.
» La DOALOS note que le
concept «
tire parti d’un certain nombre d’approches et outils existants, tels
que la gestion intégrée des mers, des océans et des côtes, un accent plus
marqué étant mis sur les objectifs écosystémiques généraux et spécifiques.
»
5
Le Département pour l’environnement, l’alimentation et les affaires rurales
(DEFRA) du Royaume-Uni spécifie pour sa part que «
le cœur de l’approche
réside dans l’intégration et la gestion de tout l’éventail des demandes qui
s’exercent sur le milieu naturel en sorte qu’il puisse indéfiniment subvenir aux
services essentiels et dispenser des avantages à tous.
»
6
Selon Jacqueline Alder, Directrice de la Branche des écosystèmes
marins et côtiers du Programme des Nations Unies pour
l’environnement, l’approche écosystémique «
prend en compte toutes
les parties des écosystèmes marins, y compris la dynamique et les forces qui
les font fonctionner —comme les marées, les mouvements de l’eau et les
organismes— et permet de voir comment elles se relient entre elles et avec
les écosystèmes adjacents. L’approche écosystémique envisage les avantages
physiques que fournissent les écosystèmes, tels que la biodiversité et les cycles
des éléments nutritifs, ainsi que leur valeur pour la société sous forme de
sécurité alimentaire et d’emploi.
»
L’approche n’exclut pas d’autres approches de gestion et de conservation,
comme les réserves de la biosphère, les aires protégées, et les
programmes de conservation de telle ou telle espèce, ainsi que les autres
approches adoptées au titre des cadres législatifs et politiques nationaux
existants, mais elle aurait plutôt pour vocation d’intégrer toutes ces
approches et d’autres méthodologies afin de faire face à des situations
complexes. Il n’y a pas une méthode unique d’appliquer l’approche
écosystémique, puisqu’elle dépend à chaque fois des conditions locales,
provinciales, nationales, régionale ou mondiales qui prévalent.
4
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Numéro 58
Quelques mots sur
les écosystèmes
Les écosystèmes sont des complexes dynamiques de
végétaux, animaux, micro-organismes et caractéristiques
du milieu physique qui interagissent entre eux. Les êtres
humains font partie des écosystèmes. Les écosystèmes se
présentent sous des tailles diverses. La mer Méditerranée
est l’un des 64 grands écosystèmes marins de la planète,
dont chacun comprend des habitats multiples qui
permettent le maintien de la biodiversité marine.
La connaissance, scientifique et autre, des écosystèmes
a montré que leur santé repose sur des interactions
cruciales entre espèces au sein d’un même écosystème.
Éliminer certaines espèces ou leur porter atteinte peut
avoir de très graves répercussions sur d’autres espèces et
empêcher l’écosystème de fournir des services valorisés.
Bien que les écosystèmes soient résilients, il y a souvent
des degrés de perturbation, des points de rupture qui,
s’ils sont dépassés, peuvent rendre impossible, pour
un écosystème, le retour à son état antérieur. Ces seuils
sont difficiles à prédire, mais l’on peut les éviter par une
gestion écologiquement rationnelle.
Qu’EST-cE QuE L’AppROchE ÉcOSySTÉMIQuE ?
* 'Ecosystem approach' est rendu en français par approche par écosystème dans
certains textes officiels des Nations Unies, comme ceux de la Convention sur la
diversité biologique (CDB). Approche écosystémique est l’expression généralement
admise dans les textes en français de l’UE, de la FAO ou de Conventions marines
régionales comme OSPAR et HELCOM, et c’est celle qui est retenue ici, sauf quand
il s’agit de citations ou de textes officiels en français mentionnant l’approche par
écosystème (essentiellement ceux de la CDB).
1
L’approche écosystémique est parfois appelée gestion fondée sur l’écosystème ou
gestion écosystémique, bien que certains auteurs fassent la distinction entre les
expressions.
2
Cf.
http://www.cbd.int/ecosystem/description.shtml
(puis cliquer Français/
Information/Base de données thématiques/Référence sur approche écosystème/
description).
3
Cf.
http://www.iucn.org/about/union/commissions/cem/cem_work/cem_ea/
.
4
Cf. Shephard, G. 2008, «
The Ecosystem Approach, Learning from Experience
»,
IUCÎ.
5
Cf.
http://www.un.org/Depts/los/ecosystem_approaches/ecosystem_
approaches.htm
.
6
Cf. DEFRA, 2007, «
Securing a healthy natural environment: An action plan for
embedding an ecosystems approach
», 10 U.K. Department of Environment,
Food and Rural Affairs.
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PAM MedOndes
Par conséquent, l’approche écosystémique n’est pas tellement une
formule imposée mais plutôt un outil général destiné à concilier
conservation et utilisation durable en vue de maintenir des
écosystèmes sains, productifs et résilients qui puissent rendre les
services dont les être humains ont besoin et auxquels ils aspirent.
pourquoi l’approche écosystémique est-elle importante ?
La connaissance scientifique des écosystèmes marins a enregistré des
avancées considérables au cours des toutes dernières décennies. Nous
savons avec plus de certitude que jamais à quel point les écosystèmes
marins subviennent au bien-être humain et l’entretiennent en
offrant une multitude de biens et de services inappréciables tels que
nourriture, loisirs et tourisme, épuration de l’eau, cycles des éléments
nutritifs, médicaments, protection contre les inondations et réduction
du risque de catastrophes naturelles, modération du climat et des
conditions météorologiques, de même que des valeurs religieuses,
spirituelles et autres d’ordre moral. La conservation des écosystèmes
est ainsi essentielle non seulement à l’environnement mais aussi au
développement et à la pérennité de la société humaine. De fait, dans
les pays en développement, la perte de services écosystémiques
compromet la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le
développement et la lutte contre la faim et la pauvreté.
Des ecosystèmes marins sains, intacts, possèdent une plus grande
capacité à assurer toute la gamme des avantages dont l’homme a besoin.
Cependant, le développement humain, qui s’accompagne d’essor
démographique et d’avancées technologiques, a eu des impacts sévères
sur la santé et le fonctionnement des écosystèmes dans le monde entier,
y compris en mer Méditerranée. Et à son tour, le déclin des écosystèmes a
eu des répercussions sur l’habitat, la santé et le développement humains.
Les efforts destinés à porter un coup d’arrêt à la dégradation des
écosystèmes marins ont jusqu’à présent été le plus souvent ciblés sur
des secteurs particuliers, comme la pollution d’origine terrestre ou
la pêche. Mais cette approche sectorielle n’a pas permis d’obtenir les
progrès nécessaires pour protéger et restaurer les écosystèmes marins
de la planète. L’approche écosystémique se fonde sur la notion que
la santé de l’écosystème peut être mieux protégée et réhabilitée en
adoptant une vue holistique des liens entre prestation de services
écosystémiques et besoins humains.
Le postulat sous-jacent à l’approche est qu’une gestion tenant
compte de la structure, du fonctionnement et des processus des
écosystèmes est plus à même d’assurer la fourniture à long terme des
services écosystémiques vitaux. D’autre part, il est à prévoir que tout
retard dans l’application de l’approche écosystémique se soldera par
une aggravation des effets suivants : conflits autour des ressources
naturelles, dégradation des écosystèmes marins, perturbation des
pêches, réduction des atouts récréatifs, risques pour la santé humaine
ainsi que pour la flore et la faune sauvages, perte de biodiversité.
Jacqueline Alder (PNUE) fait valoir que la flexibilité de l’approche
écosystémique en est un élément déterminant. «
La gestion dans le
cadre de l’approche écosystémique privilégie l’aspect adaptatif,
» dit-elle.
«
À mesure que l’on obtient davantage d’informations sur l’écosystème,
l’approche de gestion peut être adaptée pour répondre à une meilleure
connaissance des besoins de l’écosystème. Par exemple, nous avions
l’habitude de procéder à un examen périodique de la pêche pour
comprendre la situation de l’écosysystème. Avec l’approche écosystémique,
nous étudions une baie pour voir comment elle fonctionne, ce qui la rend
productive, ce qui l’influence et comment, par exemple, la pêche retentit sur
l’écosystème de la baie
».
L’application de l’approche écosystémique permet aussi une gestion
mieux coordonnée et plus durable des activités qui influent sur le
milieu marin. Comme l’expose Jacqueline Alder, «
l’analyse fondée sur
l’écosystème autorise des arbitrages mieux que ne le fait une approche
sectorielle. Par exemple, si nous permettons une extension de la pêche,
comment va-t-elle retentir sur la biodiversité et le tourisme ? Et si nous
permettons une extension du tourisme, comment va-t-elle retentir sur
l’écosystème et la pêche ? En examinant l’ensemble du système et ses
utilisations, nous pouvons parvenir à un consensus informé sur la solution
la plus viable pour nous. Avec l’approche écosystémique, nous pouvons
réduire au minimum les impacts sur les services auxquels nous attachons de
la valeur, comme la biodiversité, et maximiser les avantages pour la société
humaine.
»
L’approche écosystémique n’exclut pas d’autres approches de
gestion et de conservation, comme les réserves de la biosphère,
les aires protégées et les programmes de conservation de diverses
espèces. Disons plutôt qu’elle intègre toutes ces approches et d’autres
méthodologies pour faire face à des situations complexes, eu égard
aux conditions locales, provinciales, nationales, régionale ou mondiales.
En réduisant la duplication des efforts et les conflits, l’approche favorise
un bon rapport coût-efficacité dans le long terme.
Jacqueline Alder pense que l’approche écosystémique offre de très
bonnes perspectives de progrès en Méditerranée. «
La Méditerranée
est soumise à des pressions considérables
», dit-elle. «
L’approche sectorielle
traditionnelle n’a pas eu d’effets. Si elle en avait eu, nous n’en serions pas
là . Tous les clignotants sont au rouge : déclin des pêches, urbanisation,
hausse du niveau de la mer et autres menaces dues au changement
climatique. Toutes ces pressions vont avoir des répercussions sur le
littoral méditerranéen. Si nous adoptons l’approche écosystémique en
Méditerranée, nous serons dans une bien meilleure position pour faire face
aux problèmes actuels et aux menaces à venir.
»
«
Au cours de ces 50 dernières années,
l’homme a modifié les écosystèmes
plus rapidement et plus profondément
qu’au cours de toute autre période
comparable de l’histoire de l’humanité.
Ceci a eu pour conséquence une perte
substantielle et quasi irréversible de la
diversité biologique sur la terre..
»
Rapport d’évaluation des
écosystèmes pour le millénaire (2005)
Qu’EST-cE QuE L’AppROchE ÉcOSySTÉMIQuE ?
Éléments essentiels
L’approche écosystémique de la gestion a tendance à inclure un certain
nombre d’éléments communs :
• Un ciblage sur un écosystème donné et sur les diverses activités qui le
concernent.
•
Le recours aux meilleures connaissances scientifiques et autres pour
comprendre la structure, les processus et le fonctionnement de
l’écosystème, et les relations entre les interventions de l’homme et
les changements se produisant dans les éléments constitutifs de
l’écosystème.
• La prise en compte des interactions entre les milieux comme l’air,
le sol et la mer et l’évaluation des effets cumulatifs des différents
secteurs sur l’écosystème.
•
Une approche de gestion intégrée pluridisciplinaire qui englobe
l’ensemble du système, y compris les êtres humains, et qui privilégie
la protection et la remise en l’état initial des écosystèmes et de leurs
services, et cela avant les objectifs économiques ou sociaux à court
terme.
• Un cadre très complet qui explicite les normes de conservation, les
objectifs et les indicateurs qui mesureront la santé de l’écosystème,
recensera les incertitudes, répondra aux modifications de l’écosystème
et maintiendra le niveau historique de la biodiversité indigène.
• Une gestion qui soit adaptive, qui opère sur toute une série d’échelles
et de dimensions temporelles, et tienne compte du fait que la gestion
écosystémique est plus un processus qu’un état final.
• Large participation des parties prenantes.
• Une clarification des liens entre les besoins humains et la capacité
biologique à répondre à ces besoins dans le présent et dans le temps.
• Des politiques coordonnées à tous les niveaux de gouvernance.
• Des arrangements transfrontières pour gérer et résoudre les questions
écosystémiques à ce niveau.
principes de l’approche écosystémique
Un certain nombre d’organisations et d’instances responsables ont
mis au point des outils pour la compréhension et le développement
de l’approche écosystémique. La CDB, par exemple, a élaboré les 12
principes complémentaires et étroitement liés suivants :
7
1. Les objectifs de gestion des sols, des eaux et des ressources
vivantes sont un choix de société.
Les différents secteurs de la
société perçoivent les écosystèmes en fonction de leurs propres
besoins économiques, culturels et sociaux. Les peuples autochtones
et autres communautés locales vivant de la terre sont des intervenants
importants et leurs droits comme leurs intérêts doivent être reconnus.
La diversité culturelle et la diversité biologique sont des éléments
constitutifs centraux de l’approche par écosystème, et la gestion devrait
en tenir compte. Les choix de société doivent être énoncés en termes
aussi clairs que possible. Les écosystèmes doivent être gérés pour leur
valeur intrinsèque et pour les avantages tangibles ou intangibles qu’ils
offrent aux êtres humains, de manière impartiale et équitable.
2. La gestion devrait être décentralisée et ramenée le plus possible
près de la base.
Les systèmes décentralisés peuvent entraîner plus
d’efficience, d’efficacité et d’équité. Tous les intéressés devraient
participer à la gestion qui devrait être également propice aux intérêts
locaux et à ceux du public le plus large. Plus la gestion se fait Ã
proximité de l’écosystème, plus il y a responsabilité, appropriation,
obligation redditionnelle, participation et recours au savoir local.
3. Les gestionnaires d’écosystèmes devraient considérer les effets
(réels ou potentiels) de leurs activités sur les écosystèmes adjacents
ou autres.
Les interventions de gestion d’écosystème ont souvent
des retombées inconnues ou imprévisibles sur d’autres écosystèmes ;
les effets possibles doivent donc être soigneusement envisagés et
analysés, ce qui peut imposer certains aménagements ou certains
modes d’organisation aux institutions associées à la prise de décision
pour faire, s’il y a lieu, des compromis appropriés.
6
PAM MedOndes
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Numéro 58
7
Cf.
http://www.cbd.org/ecosystems/principles/shtml
.
«
[L’approche écosystémique] prend en compte toutes les parties des écosystèmes marins, y compris la
dynamique et les forces qui les font fonctionner —comme les marées, les mouvements de l’eau et les
organismes— et permet de voir comment elles se relient entre elles et avec les écosystèmes adjacents.
L’approche écosystémique envisage les avantages physiques que fournissent les écosystèmes, tels que la
biodiversité et les cycles des éléments nutritifs, ainsi que leur valeur pour la société sous forme de sécurité
alimentaire et d’emploi.
»
Jacqueline Alder,
Directrice de la Branche des écosystèmes marins et côtiers du Programme des Nations Unies
pour l’environnement
4. Compte tenu des avantages potentiels de la gestion, il convient de
comprendre et de gérer l’écosystème dans un contexte économique.
Tout programme de gestion d’écosystème de cette nature devrait :
réduire les distorsions du marché qui ont des effets néfastes sur
la diversité biologique ; harmoniser les mesures d’incitation pour
favoriser la conservation et l’utilisation durable de la diversité
biologique ; et, dans la mesure du possible, internaliser les coûts
et les avantages dans l’écosystème donné.
La plus grave menace
pesant sur la diversité biologique est constituée par l’adoption de
modes d’utilisation des sols qui la compromettent. Les distorsions du
marché sont souvent à l’origine de ce phénomène, car les systèmes
et populations naturels sont sous-évalués par les marchés qui, par le
biais d’incitations et de subventions ayant un effet pervers, favorisent
une reconversion des sols au profit de systèmes moins variés. Il arrive
fréquemment que ceux qui tirent parti des mesures de conservation
n’en assument pas le coût et que ceux qui sont à l’origine des dépenses
afférentes à la protection de l’environnement (contre la pollution, par
exemple) se soustraient à leur responsabilité. Pour remédier à cette
situation par des incitations, il faut que celles-ci profitent à ceux qui
gèrent les ressources et que ceux qui occasionnent des dépenses pour la
protection de l’environnement en acquittent le prix.
5. Conserver la structure et le fonctionnement de l’écosystème pour
préserver les services qu’il assure devrait être un objectif prioritaire
de l’approche écosystémique.
Le fonctionnement et la résilience d’un
écosystème dépendent de la relation dynamique au sein des espèces,
d’une espèce à l’autre comme entre les espèces et leur environnement
abiotique, ainsi que d’interactions physiques et chimiques au sein de
l’environnement. La conservation et, le cas échéant, la restauration de
ces interactions et processus sont plus importantes pour la conservation
à long terme de la diversité biologique que la simple protection des
espèces.
6. La gestion des écosystèmes doit se faire dans les limites de leur
fonctionnement.
Lorsqu’on examine la probabilité ou la facilité qu’il y
aura à atteindre les objectifs de gestion, il convient de prêter attention
aux conditions environnementales qui limitent la productivité naturelle,
la structure, le fonctionnement et la diversité de l’écosystème. Les limites
du fonctionnement de l’écosystème peuvent être influencées à divers
degrés par des conditions temporaires, imprévisibles ou artificiellement
entretenues et, en conséquence, la gestion devrait comporter la
prudence qui s’impose.
7. L’approche par écosystème ne devraient être appliquée qu’aux
échelles spatiales et temporelles appropriées.
L’approche devrait
être délimitée par des échelles spatiales et temporelles en rapport
avec les objectifs. Les limites à imposer à la gestion seront définies
fonctionnellement par les utilisateurs, les gestionnaires, les scientifiques
et les populations locales et autochtones. Si nécessaire, les relations
entre régions seront favorisées. L’approche par écosystème repose
sur la nature hiérarchique de la diversité biologique, caractérisée par
l’interaction et l’intégration des gènes, des espèces et des écosystèmes.
8. Compte tenu des échelles temporelles et des décalages variables
qui caractérisent les processus écologiques, la gestion des
écosystèmes doit se fixer des objectifs à long terme.
Les processus
écosystémiques sont caractérisés par des échelles temporelles variables
et par des décalages dans le temps, ce qui s’oppose intrinsèquement à la
tendance des êtres humains à privilégier les avantages à court terme et
le profit immédiat par rapport aux avantages et aux profits futurs.
9. La gestion doit admettre que le changement est inévitable.
Les écosystèmes changent, y compris la composition en espèces
et les effectifs des populations. La gestion doit donc s’adapter aux
changements. En dehors de leur dynamique interne de changement,
les écosystèmes sont soumis à un ensemble complexe d’incertitudes
et de 'surprises' potentielles dans les domaines humain, biologique et
environnemental. Les systèmes habituels de perturbation peuvent avoir
de l’importance pour la structure et le fonctionnement des écosystèmes
et ils peuvent nécessiter d’être maintenus ou restaurés. L’approche
par écosystème doit utiliser une gestion adaptative afin d’anticiper
ces changements et ces événements, et elle doit être prudente en
prenant des décisions qui pourraient éviter des options mais, dans le
même temps, envisager des mesures d’atténuation pour faire face à des
changements à long terme comme le changement climatique.
10. L’approche par écosystème devrait rechercher l’équilibre approprié
entre la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique.
La diversité biologique est déterminante tant par sa valeur intrinsèque
qu’en raison du rôle clé qu’elle joue en subvenant à l’écosystème et aux
autres services dont nous sommes tous dépendants en dernier ressort. Le
passé a été caractérisé par une tendance à gérer les éléments constitutifs
de la diversité biologique comme 'protégés' et 'non protégés'. Il s’impose
de passer à des situations plus souples, où conservation et utilisation
sont perçues selon le contexte et où un éventail de mesures est appliqué
dans un devenir incessant, de la protection rigoureuse d’écosystèmes aux
écosystèmes façonnés par l’homme.
11. L’approche par écosystème devrait prendre en compte toutes
les formes d’information pertinentes, y compris les connaissances
scientifiques, les innovations, les pratiques et savoir locaux et
autochtones.
Les informations, de quelque origine qu’elles proviennent,
sont déterminantes pour parvenir à des stratégies de gestion
écosystémique efficaces. Une meilleure connaissance des fonctions
des écosystèmes et des impacts de l’utilisation qu’en fait l’homme est
souhaitable. Toutes les informations pertinentes, provenant de tout
domaine concerné, devraient être partagées avec tous les intervenants
et les acteurs, en tenant compte, entre autres, des décisions à prendre en
vertu de l’article 8, alinéa (j), de la Convention sur la diversité biologique. Les
postulats sous-jacents aux décisions de gestion proposées devraient être
explicites et confrontés aux connaissances et aux avis des parties prenantes.
12. L’approche par écosystème devrait impliquer tous les secteurs
de la société et les disciplines scientifiques concernés.
La plupart des
problèmes de gestion de la diversité biologique sont complexes, avec
un grand nombre d’interactions, effets secondaires et implications, et ils
devraient donc nécessiter de réunir l’expertise nécessaire et tous les acteurs
concernés aux niveaux local, national, régional et international, selon le cas.
Numéro 58
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PAM MedOndes
Qu’EST-cE QuE L’AppROchE ÉcOSySTÉMIQuE ?
Directives opérationnelles
La Convention sur la diversité biologique (CDB) a
proposé les cinq points suivants comme directives
opérationnelles pour l’application des 12 principes :
• Se concentrer sur les relations et les processus au sein
de l’écosystème.
• Favoriser le partage des avantages.
• Recourir à des pratiques de gestion souples.
• Réaliser les actions de gestion à l’échelle appropriée
au problème à résoudre, en décentralisant le plus
possible l’initiative vers la base, selon le cas.
• Permettre la coopération intersectorielle.
(Pour le texte complet des
« Directives opérationnelles
pour l’application de l’approche par écosystème »
ainsi que
d’autres outils de recours à l’approche par écosystème,
consulter le site de la Convention CDB
http://www.cbd.
int/ecosystem/
, puis cliquer : Français/ Information/Base
de données thématiques/Référence sur l’approche
écosystème)
En outre, d’autres institutions ont souligné la nécessité
des mesures suivantes :
• amorcer des processus de planification au niveau des
écosystèmes et de gestion par région qui associent
de multiples intervenants et prennent en compte
les incidences cumulatives des activités humaines
ainsi que les changements environnementaux à long
terme ;
• fixer des objectifs de gestion trans-juridictionnels dans
le cadre de mécanismes formels et d’accords entre
autorités locales, centrales et fédérales ;
• élargir et améliorer la reconstitution des habitats
dans les écosystèmes côtiers affectés par une perte
d’habitats ou une diminution de leur fonctionnement ;
•
adopter des stratégies de cogestion au titre desquelles
les acteurs gouvernementaux et locaux concernés
partagent la responsabilité d’une bonne gestion et
d’une entretien judicieux ; et
• instaurer des programmes de surveillance et de
recherche à long terme pour collecter en permanence
des données utiles à un processus décisionnel avisé.
8
PAM MedOndes
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Numéro 58
Au fil des années, la nécessité de protéger les écosystèmes a été mentionnée dans
diverses déclarations adoptées à l’échelon intergouvernemental, à savoir notamment :
1972 : La Déclaration de Stockholm appelle à la sauvegarde des ressources naturelles
de la planète par la planification ou la gestion, et par la coopération dans un esprit de
partenariat mondial.
1982 : La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer trace un cadre très complet
exigeant, entre autres, que les États côtiers prennent en compte les effets sur les espèces
associées ou dépendantes.
1989 : La Déclaration de la Haye sur l’environnement énonce un devoir fondamental de
préserver l’écosystème.
1992 : La Déclaration de Rio et le chapitre « Mers et océans » d’Action 21 mettent en
exergue la gestion d’espèces multiples et les approches prenant en compte les relations
entre espèces.
1995 : Le Code de conduite FAO pour une pêche responsable prescrit la conservation, la
protection et la sauvegarde des écosystèmes et énonce des principes et normes dans ce
domaine. Les articles 5 et 6 de l’Accord ONU sur les stocks de poissons appellent à une
application de l’approche écosystémique.
1998 : La Convention CDB publie une série de principes détaillés sur l’approche par
écosystème (« Principes de Malawi »).
2000 : La Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique décide de
donner des directives opérationnelles sur l’application de l’approche écosystémique. La
Commission européenne adopte la directive-cadre 2000 sur l’eau, prescrivant un bon état
écologique des eaux douces, de surface et souterraines à l’horizon 2015.
2001 : La Déclaration de Rekjavik engage les États à s’employer à intégrer des
considérations écosystémiques dans la gestion des pêches, et la FAO est invitée à élaborer
des lignes directrices sur l’approche écosystémique.
2002 : Lors du Sommet mondial sur le développement durable, le Plan de mise en œuvre
de Johannesburg préconise l’application de l’approche écosystémique à la gestion des
pêches d’ici à 2010.
2003 : La Déclaration de Brême définit l’approche écosystémique et prévoit des plans
détaillés pour l’application de l’approche dans le cadre des Commissions HELCOM et
OSPAR.
2006 : Le Processus consultatif informel des Nations Unies sur les océans et le droit de la
mer émet une Résolution sur les océans mettant l’accent sur l’approche écosystémique et
soulignant l’importance de l’intégrité des écosystèmes.
2008 : L’Union européenne adopte la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » qui
fixe l’objectif d’un bon état écologique des eaux marines d’ici à 2021.
chronologie succincte du développement
de l’approche écosystémique
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9
Avec son Programme de gestion des
écosystèmes, le PNUE s’emploie Ã
promouvoir une approche de gestion
environnementale qui intègre les forêts,
les sols, les eaux douces et les systèmes
côtiers quand ils ont des incidences
sur la fourniture globale de services
écosystémiques. Le PNUE s’efforce
actuellement d’aider les pays et les
régions :
• à intégrer l’approche écosystémique dans
les processus de développement et de
planification ;
• à acquérir et améliorer la capacité
de recourir aux outils de gestion
écosystémique ; et
• à réaligner leurs programmes
environnementaux et leurs financements
pour s’attaquer à la dégradation des
services écosystémiques prioritaires.
Le Programme PNUE de gestion des
écosystèmes est axé sur 11 des 15
services écosystèmiques prioritaires que
l’Évaluation des écosystèmes pour le
Millénaire a recensés comme étant en
déclin. Les 11 services prioritaires ont
été ciblés en fonction de la gravité de
leur dégradation, de leurs impacts sur le
bien-être humain et de leurs implications
pour le développement durable. L’on a
aussi considéré que ces services étaient
ceux qui répondaient le mieux au mandat,
aux atouts, à l’expertise et aux activités
actuelles du PNUE, et qu’ils n’étaient pas
traités par d’autres organisations.
programme pnuE
de gestion des écosystèmes
Le Programme est guidé par cinq éléments
essentiels qui sont étroitement liés : le bien-
être humain, les forces motrices directes et
indirectes de changement, le fonctionnement
des écosystèmes et les services écosystémiques.
Comme les services écosystémiques sont
interdépendants et ne peuvent être traités
isolément, le PNUE privilégie une perspective
holistique pour le traitement de faisceaux
(« clusters ») de services conjugués en vue
d’enrayer leur déclin grâce à un meilleur
fonctionnement et à une résilience accrue des
écosystèmes. Les services sont classés dans les
catégories suivantes : services de régulation,
services d’approvisionnement, services de
soutien et services culturels :
Services de régulation :
régulation du climat,
de l’eau, des risques naturels et des maladies,
purification de l’eau et traitement des déchets
—services qui sont souvent fortement
affectés par l’usage abusif des services
d’approvisionnement ;
Services d’approvisionnement :
eau douce,
énergie (en particulier les nouvelles questions
qui se posent autour de la production de
biocarburants), et pêche de capture ;
Services culturels :
loisirs et écotourisme ;
Services de soutien :
cycles des éléments
nutritifs et production primaire, qui sous-
tendent la fourniture des autres services mais ne
sont pas directement accessibles à la population.
Le PNUE fournit une expertise spécialisée
dans différentes disciplines. Celles-ci
comprennent :
• Évaluation et surveillance continue (par
ex., indicateurs, recherche et accès aux
connaissances) ;
• Gestion des risques ;
• Outils de gestion, comme conservation et
protection, remise à l’état/réhabilitation,
gestion durable, législation, certification ;
• Économie des écosystèmes : par ex.,
paiement des services écosystémiques,
mesures d’incitation et mécanismes
de financement, évaluation, principes
d’équité et d’impartialité ;
• Gouvernance : par ex., accords
internationaux, législation, politiques ; et
• Renforcement des capacités et appui
technologique.
Cf.
http://www.unep.org/
ecosystemmanagement/Home/tabid/163/
language/en-US/Default.aspx
pour de plus
amples renseignements.
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Le « Guide cDB pour les
débutants concernant le
recours à l’approche par
écosystème »
(en anglais, sur le site web de la CDB)
1. Introduction
Ce Guide offre une brève introduction aux modalités d’application de
l’approche par écosystème à un projet ou à un problème. Il est possible
d’avoir plus de détails dans le « Guide à l’intention des utilisateurs
chevronnés ». Il n’y a pas une façon unique de réaliser les trois objectifs
de la Convention sur la diversité biologique. Cependant, il existe un
certain nombre de mesures qui peuvent être prises pour favoriser le
processus. Il y a beaucoup d’enseignements à tirer de l’expérience
d’autrui lorsqu’on s’emploie à suivre l’approche par écosystème. La
composante 'questions' du « Manuel CDB de référence de l’Approche
par écosystème » permet de se renseigner sur les études de cas et
les outils qui satisfont à certains ou à l’ensemble des principes de
l’approche par écosystème.
L’approche par écosystème est un outil ; elle offre un cadre
qui peut servir à appliquer les objectifs de la Convention sur
la diversité biologique, et notamment les travaux sur les aires
protégées et les réseaux écologiques. Il n’existe pas une seule façon
correcte d’appliquer l’approche à la gestion du sol, de l’eau et des
ressources vivantes. Les principes sur lesquels repose l’approche
par écosystème peuvent être traduits avec souplesse pour traiter
les questions de gestion dans des contextes sociaux, économiques
et environnementaux différents. D’ores et déjà , certains secteurs et
gouvernements ont élaboré des lignes directrices qui rejoignent,
complètent en partie l’approche par écosystème ou sont même
équivalentes à celle-ci (par exemple, le Code de conduite pour une
pêche responsable, l’Approche de gestion durable des forêts, la
Gestion adaptative des forêts).
Il existe un certain nombre d’options pour appliquer l’approche
par écosystème. Ainsi, les principes peuvent être intégrés dans les
politiques nationales et régionales, les processus de planification et les
plans sectoriels. Les principes peuvent aussi être appliqués, à l’échelon
local, Ã des projets de plus petite taille.
. Étapes du recours à l’approche par écosystème
Définition des problèmes
La première tâche consiste à définir le ou les problèmes auxquels il
faut s’attaquer. Par exemple, comment maîtriser une espèce invasive
exotique sur une île ? Si le problème est très complexe, il peut s’avérer
nécessaire de le décomposer en plusieurs problèmes plus réduits
qui seront alors plus facilement traités. Ainsi, pour conserver un
écosystème de zone humide tout en facilitant son utilisation durable,
il peut s’imposer de traiter : i) la dégradation écologique résultant de
l’utilisation non durable des ressources de la zone humide, et ii) le
bien-être de la collectivité, tel que ses aspects santé, éducation, sécurité
alimentaire et valeurs culturelles.
Une fois les problèmes identifiés, la prochaine étape consiste à établir
quelles tâches permettront de les résoudre. Le problème peut être
évalué au regard des tâches énumérées ci-dessous comme prélude Ã
la formulation d’un plan d’action. Ce processus peut également servir Ã
classer par ordre prioritaire les mesures à prendre.
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. Recenser les tâches destinées à répondre
aux problèmes définis
Les tâches ci-dessous ont été établies à partir des principes de
l’approche par écosystème. Dans chaque cas, le principe de l’approche
par écosystème a été reformulé en une question qui se peut se poser
en relation aux problèmes en cours de traitement. Les tâches ne sont
pas énumérées par ordre d’importance, elles devraient être utilisées
de la manière qui s’ajuste le mieux au problème. Pour de plus amples
renseignements sur la manière de répondre aux questions soulevées
par les tâches et la justification qui sous-tend chacune d’elles, veuillez
vous référer au « Guide à l’intention des utilisateurs chevronnés ».
Tâche 1 :
Comment associez-vous tous les membres de la société aux
décisions concernant la gestion des sols, des eaux et des ressources
vivantes ?
Tâche 2 :
Comment veillez-vous à ce que la gestion soit décentralisée et
ramenée le plus possible près de la base ?
Tâche 3 :
Comment veillez-vous à ce que soient pris en compte les
effets des mesures de gestion (potentiel ou réels) sur les écosystèmes
adjacents et autres ?
Tâche 4 :
Comment le contexte économique peut-il être appréhendé
en sorte que les distorsions du marché préjudiciables à la diversité
biologique soient réduites, que des mesures d’incitation soient
adoptées pour promouvoir la biodiversité et l’utilisation durable, et que
les coûts et avantages des écosystèmes soient externalisés ?
Tâche 5 :
Quelles mesures pourraient-elles être appliquées pour
conserver la structure et le fonctionnement de l’écosystème de manière
à maintenir les services écosystémiques ?
Tâche 6 :
Quelles mesures peuvent-elles être prises pour que les
écosystèmes soient gérés dans les limites de leur fonctionnement ?
Tâche 7 :
Quelles mesures peuvent-elles être prises pour que le ou
les problèmes soient traités aux échelles temporelles et spatiales
appropriées ?
Tâche 8 :
Comment les échelles temporelles et décalages variables
peuvent-ils être pris en compte lorsqu’on envisage l’utilisation durable
des écosystèmes ?
Tâche 9 :
Comment la gestion adaptative peut-elle servir à traiter le ou
les problèmes identifiés ?
Tâche 10 :
Comment un équilibre approprié —et leur intégration— peut-il
être recherché entre conservation et utilisation de la diversité biologique ?
Tâche 11 :
Comment faîtes-vous en sorte d’inclure toutes les formes de
connaissance pertinentes, notamment les connaissances scientifique et
le savoir, les innovations et les pratiques locales et autochtones ?
Tâche 12 :
Quelles mesures peuvent-elles être prises pour faciliter la
participation active de tous les acteurs concernés, notamment ceux
de tous les secteurs de la société et des disciplines scientifiques ? Il
importe de rappeler que s’il n’existe pas une méthode correcte unique
d’appliquer l’approche par écosystème, tous les principes de celle-ci
sont à prendre en compte de manière holistique, et qu’un juste poids
doit être accordé à chacun d’eux en fonction des circonstances qui
prévalent dans chaque cas.
Questions transversales
En plus des diverses tâches relevées ci-dessus, il existe plusieurs
questions transversales qu’il convient aussi de prendre en compte
lorsqu’on applique l’approche par écosystème.
Renforcement des capacités et participation :
les partenariats entre
collectivités, l’adhésion des acteurs concernés, la volonté politique et
institutionnelle de participer et de responsabiliser, l’engagement d’autres
donateurs et sponsors sont déterminants pour que le succès soit au
rendez-vous. Le renforcement des capacités au moyen de concours
financiers et infrastructurels sont aussi des gages importants à cet égard.
Information, recherche-développement :
les informations biophysiques,
sociales, économiques et relatives aux ressources sont importantes pour
qu’un projet soit mené à bien en recourant à l’approche par écosystème.
La recherche-développement pourrait être sollicitée pour combler les
lacunes dans les connaissances. Les informations doivent être aisément
accessibles à toutes les parties prenantes, afin de permettre une prise de
décision et une responsabilisation transparentes.
Suivi et bilan :
le suivi et le bilan sont des composantes absolument
essentielles de tout programme s’inscrivant dans le cadre de l’approche par
écosystème. Ils permettent de développer une capacité de gestion réactive
et adaptative, et de faire rapport sur les performances et les résultats.
Gouvernance :
une bonne gouvernance est indispensable à la réussite
de l’application de l’approche par écosystème à un problème. La bonne
gouvernance implique à la fois des politiques rationnelles en matière
d’environnement, de ressources et d’économie et des institutions
administratives qui répondent aux besoins des populations.
Une fois qu’ont été fixées les tâches à entreprendre pour s’attaquer aux
problèmes identifiés, l’étape suivante consiste à créer un plan de gestion.
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4. créer un plan de gestion
Il n’y a pas de méthode correcte type pour créer un plan, chaque
situation est différente et il importe de modifier le plan en fonction
des circonstances sous lesquelles le projet fonctionnera. Le « Guide
à l’intention des utilisateurs chevronnés » apporte de plus amples
renseignements sur les modalités de création d’un plan de gestion.
Les étapes suivantes sont censées être essentielles à l’élaboration du
plan de gestion :
Identifier les problématiques :
la problématique identifiée et le plan
élaboré peuvent être difficiles à dissocier. Le recours à l’approche par
écosystème devrait avoir une problématique pour point de départ.
Une fois qu’on a identifié une ou plusieurs problématiques, on peut les
évaluer au regard des tâches énoncées à la section 3 ci-dessus.
Créer un projet de plan de gestion :
le projet de plan de gestion énonce
les tâches, détermine les acteurs à y associer et esquisse un calendrier
d’application.
Choix du moment :
choisir le bon moment de monter un projet peut
être important. Les opportunités ou les circonstances peuvent favoriser
ou compromettre la réussite du projet : stabilité politique ; nouvelles
politiques et stratégies gouvernementales ; et réorganisation des
administrations et rouages des pouvoirs publics.
Le délai nécessaire à la remise en état ou au maintien des écosystèmes
ne doit pas être sous-estimé. Il convient de ménager aux acteurs
concernés des délais réalistes afin qu’ils n’en viennent pas à ressentir
déception et frustration en raison des retards intervenus pour mettre
les plans à exécution et obtenir des résultats.
Acteurs clés :
une tâche essentielle consiste à décider quelle sera l’organisation
chef de file pour l’élaboration et l’exécution du projet. L’on évitera de se
fier à une seule organisation, car cela peut compromettre le succès. Les
projets comprennent souvent une organisation pleinement impliquée
(gouvernementale ou non) qui travaille avec d’autres organisations partenaires.
Impliquer les acteurs concernés :
impliquer les acteurs concernés
le plus tôt possible. Des consultations initiales sont absolument
essentielles pour que la population sente qu’elle peut contribuer
à l’élaboration du plan de gestion, en particulier s’il est susceptible
d’influer sur ses activités. Les intéressés peuvent apporter des idées et
faire part de leurs réactions pour aider à l’élaboration du projet.
Fixation des objectifs :
tous les projets appellent des objectifs bien
définis et facilement identifiables qui, tout comme les mesures
éventuelles, devraient être convenus dans le cadre de discussions avec
les parties prenantes en sorte qu’un consensus éclairé se dégage sur
les problèmes et les mesures indispensables pour y faire face.
Conception du projet :
l’élaboration du plan devrait envisager la gestion
adaptative.
Viabilité à long terme :
le but ultime de tout projet devrait être
de poursuivre ses objectifs au delà de sa durée de vie. La stabilité
financière conditionne aussi la viabilité à long terme.
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Définir les limites, le champ d’action et l’échelle temporelle :
bien que
des limites conduisent à des limitations, elles peuvent être nécessaires
à la gestion des écosystèmes.
Produire le plan de travail du projet :
la première tâche de l’équipe
de travail restreinte est de produire un plan de travail qui devrait être
réalisé dans un cadre participatif et coopératif, en ayant recours aux
techniques de cadre logique pour faciliter l’analyse du problème et la
planification.
Réduire les risques concernant les résultats du projet :
l’analyse des
risques devrait servir à identifier les questions critiques/risques pour le
projet.
Suivi et évaluation :
le suivi peut servir à évaluer les progrès et Ã
déterminer comment la gestion future peut se développer pour
répondre aux objectifs du projet. Le suivi des activités, des objectifs
généraux et spécifiques ne devrait pas être rigide mais à même de
s’adapter à l’évolution des conditions à mesure que les connaissances, la
compréhension s’améliorent et que les questions posées sont résolues.
Exécution du projet :
les préoccupations majeures lors de l’exécution
de projets de gestion des ressources naturelles concernent la longueur
du délai requis. La reconstitution des habitats peut nécessiter 10 Ã
15 ans de travail avant que les premiers résultats n’apparaissent. Les
compétences et l’adhésion du personnel sont absolument essentielles
à la réussite du projet. La mise en place d’un réseau d’organisations
partenaires et de groupes d’intérêt qui assumeront progressivement la
réalisation des activités du projet est également déterminante. L’appui
politique, institutionnel et celui des collectivités doivent être garantis
pour que les objectifs généraux et spécifiques du projet soient remplis.
L’exécution du projet suit généralement une série de stades, dont
certains se chevauchent et peuvent comporter plusieurs dispositions.
Par exemple :
Stage 1 :
constituer l’équipe du projet ; établir le plan de travail et nouer
des liens avec la collectivité locale ; créer des comités consultatifs.
Stage 2 :
déterminer les activités du projet ; études sur dossiers ;
renforcement des capacités ; et examen du projet (recherche et suivi
adaptatifs, en tant que de besoin).
Stage 3 :
mettre à exécution le plan convenu.
Stage 4 :
poursuivre les travaux et avancer la planification ; élaborer un
plan stratégique pour les initiatives à venir.
Pour davantage de renseignements sur l’application de l’approche
écosystémique, se reporter au « Guide à l’intention des utilisateurs
chevronnés » :
http://www.cbd.int/ecosystem/sourcebook/
.
ÉTuDE DE cAS
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Le plan de gestion
intégrée de la mer de
Barents (norvège)
En 2002, le Parlement norvégien a adopté un livre blanc
qui formulait la politique des mers et océans du pays et
indiquait l’intention de la Norvège d’introduire la gestion
intégrée des mers et océans fondée sur l’approche
écosystémique.
En 2006, le pays a adopté son premier plan de gestion intégrée des
mers et océans : la Gestion intégrée du milieu marin de la mer de
Barents et des zones marines au large des îles Lofoten (Plan BSIMP). La
mer de Barents, qui baigne la côte septentrionale de la Norvège, est un
espace marin d’intérêt majeur. C’est l’une des plus importantes zones
de pêche du monde, qui connaît un trafic maritime considérable. L’on
pense qu’elle contient des ressources de pétrole exploitables et elle
donne lieu à un fort développement touristique.
Le Ministère norvégien de l’environnement expose comme suit le plan
de gestion
1
:
Le plan de gestion trace le cadre général des activités existantes
et nouvelles dans ces eaux, et facilite la coexistence de différentes
industries, en particulier le secteur de la pêche, le transport maritime et
l’industrie pétrolière
Le plan a pour but d’instaurer une gestion holistique et fondée sur
l’écosystème des activités dans la zone de la mer de Barents – Lofoten ,
ce qui signifie que l’ensemble des activités de la zone doit être géré dans
un contexte unifié et que la pression totale que ces activités exercent sur
l’environnement ne doit pas menacer la structure, le fonctionnement et
la productivité des écosystèmes.
La gestion de la zone marine reposera sur des objectifs ambitieux qui
ont été fixés en fonction de la qualité écologique souhaitée pour la
zone. Ces objectifs sont destinés à garantir que l’état de l’environnement
est maintenu là où il est bon et amélioré là où des problèmes ont été
relevés. La réalisation de ces objectifs sera alors mesurée dans le cadre
d’une surveillance continue coordonnée et systématique de l’état de
l’environnement dans la zone marine. Si jamais la surveillance décèle des
changements préjudiciables à la qualité de l’environnement, la nécessité
de nouvelles mesures sera évaluée.
Le développement du BSIMP a commencé en 2002. Le processus,
fondé sur une prise de décision multisectorielle, a tenu compte de
toute une série d’avis et de préoccupations. La planification a été
organisée par le biais d’un Comité directeur interministériel, présidé par
le Ministère de l’environnement et composé de cinq autres Ministères
et de deux agences qui ont fourni le concours technique et conduit des
évaluations et des analyses.
2
Le développement du Plan a comporté trois phases. La phase initiale de
définition de la portée du plan a abouti à l’élaboration de rapports de
situation sur les secteurs économiques de la région, les zones de valeur,
les conditions socio-économiques, l’environnement et les ressources. Une
deuxième phase a permis d’établir des évaluations des impacts potentiels
des activités pétrolières, du trafic maritime, de la pêche et des facteurs
d’agression externes comme le changement climatique. La phase finale
a donné lieu à des analyses globales visant à évaluer l’impact total sur
l’environnement, à identifier les zones de valeur particulière, à recenser les
lacunes dans les connaissances et à fixer les objectifs de gestion. Au cours
de la deuxième et de la troisième phases, les objectifs écologiques ont
été formulés. Les acteurs concernés ont été consultés, dans le cadre d’une
conférence qui les a réunis et a connu une large participation.
Le processus a permis de recenser des lacunes lourdes et comme
autant de défis dans les connaissances nécessaires pour concevoir
et appliquer un plan scientifiquement solide, en particulier dans les
domaines de la surveillance, de la recherche et de la cartographie. D’où
un appel à des procédures améliorées pour identifier, hiérarchiser et
combler ces lacunes et pour lever les incertitudes scientifiques. Intégrer
les secteurs institutionnels était aussi un enjeu majeur. Le processus a
été jugé laborieux et long. Mais finalement, il s’est soldé par un succès :
en 2006, le Parlement a adopté le BSIMP.
Le plan comporte plusieurs outils politiques : gestion par zone, gestion
des espèces, indicateurs écosystémiques, surveillance continue,
évaluation des risques. L’identification des zones de valeur et vulnérables,
bien qu’ayant fait l’objet de controverses lors de l’élaboration du plan,
est également considérée comme un élément essentiel du plan. Le plan
prévoit la création d’une fondation pour la coexistence des industries
principales (pêche, pétrole) ainsi que des mesures de lutte contre la
pollution et de préservation de la biodiversité.
1
Cf
http://www.regjeringen.no/en/dep/md/Selected-topics/Svalbard_og_
polaromradene/integrated-management-of-the-barents-sea.html?id=87148
.
2
Le Ministère du travail et de l’intégration sociale, le Ministère de la pêche et des
affaires côtières, le Ministère du commerce et de l’industrie, le Ministère du pétrole
et de l’énergie, et le Ministère des affaires étrangères avec le concours scientifique et
technique de l’Institut de la recherche marine, de l’Institut polaire norvégien et de
la Direction de la gestion de la nature.
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1
La gestion fondée sur l’écosystème exige une coopération
transsectorielle. Aux termes du plan, il incombe aux ministères et
organisations chargés de tel ou tel secteur de rassembler les données
et de mettre effectivement à exécution la législation relative au plan
de gestion. Mais la responsabilité générale de l’application du plan
relève du Ministère de l’environnement, lequel est aidé dans cette
mission par l’existence d’une nouvelle loi sur les ressources marines et
océaniques, qui sera prochainement complétée par une législation sur
la biodiversité privilégiant l’approche écosystémique.
La mise en Å“uvre du plan de gestion repose avant tout sur
l’intégration des instances de gestion concernées et des instances
scientifiques de Norvège. Pour atteindre cet objectif, trois groupes de
travail permanents ont été mis sur pied : un groupe consultatif sur la
surveillance ; un forum sur la gestion des risques environnementaux ;
et un forum chargé de la coordination et de l’application des aspects
scientifiques de la gestion écosystémique. Les différents groupes ont
une composition très ouverte et font rapport à un groupe de pilotage
interministériel présidé par le Ministère de l’environnement. Les acteurs
non gouvernementaux sont consultés par le biais d’un groupe des
parties intéressées.
Comme la mer de Barents est partagée par la Russie, la coopération
transfrontière est déterminante. La Norvège et la Russie entretiennent
une coopération bilatérale dans le cadre d’une Commission conjointe
de la pêche depuis 1975, et dans le cadre d’une Commission
conjointe de la protection de l’environnement depuis 1988. En 2005,
la Commission de la protection de l’environnement a créé un groupe
sur le milieu marin chargé de renforcer la coopération en matière
de gestion écosystémique de la mer de Barents. Des scientifiques
norvégiens et russes préparent actuellement une évaluation conjointe
de l’état de l’environnement de la mer de Barents pour servir de base Ã
une poursuite de la coopération.
Le plan de gestion est adaptatif et déjà prêt à être révisé pour prendre
en compte les nouvelles connaissances et l’évolution des situations. La
finalisation de la première mise à jour est prévue pour 2010. L’ensemble
du plan de gestion sera révisé en 2020 et sera prorogé à l’horizon 2040.
Il est prévu qu’un plan de gestion séparé pour la Norvège sera adopté
en 2009.
Pour de plus amples renseignements sur le BSIMP, consulter le site web
du Ministère norvégien de l’environnement :
http://www.regjeringen.
no/en/dep/md/Selected-topics/Svalbard_og_polaromradene/integrated-
management-of-the-barents-sea.html?id=87148
.
Murmansk
Novaya Zemlya
Terre de François-Joseph
Svalbard
Arkhangel’sk
Nar’yan-Mar
Mer de Barents
RUSSIE
FINLANDE
SUÈDE
NORVÈGE
Golfe de
Botnie
Mer de Norvège
Mer de Kara
Océan
Arctique
0
250
km
500
ÉcOnOMIE
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L’économie de l’approche
écosystémique
Toute question de planification et d’application de
l’approche écosystémique conduit inévitablement Ã
en envisager le coût. À une époque où les pouvoirs
publics sont confrontés à d’énormes défis budgétaires,
les décisions sur l’affectation des maigres fonds dont
ils disposent sont devenues encore plus ardues. Les
gestionnaires doivent justifier tous les investissements,
en particulier quand ils concernent des modifications de
politiques et d’approches.
La gestion fondée sur l’écosystème implique une approche holistique
de la prise de décision en matière d’environnement. Les responsables
gouvernementaux envisagent de multiples objectifs environnementaux
et socio-économiques, lesquels sont parfois antagoniques. Les diverses
options sont proposées de manière juxtaposée pour examen par les
parties intéressées. Les compromis à opérer, y compris les considérations
de coût, sont présentés en toute transparence. À cet égard, l’approche
écosystémique favorise la responsabilisation fiscale et l’adhésion du
public à la prise de décision gouvernementale
Mais comment peuvent être exprimés les coûts et les avantages de
la protection des écosystèmes ? Historiquement, les caractéristiques
physiques des écosystèmes ont été plus soigneusement étudiés que
leurs avantages économiques pour la société. L’économie classique n’a
pas quantifié les avantages environnementaux en termes comparables
au capital manufacturé ou aux services économiques. Il s’ensuit que les
services écosystémiques —les conditions et processus par lesquels les
écosystèmes naturels entretiennent et satisfont la vie des collectivités
humaines— ont été généralement sous-estimés ou n’ont reçu guère
d’attention dans l’analyse politique.
Cependant, au cours des toutes dernières décennies, il a été de plus
en plus admis que nos économies ne reposent pas seulement sur les
services du capital manufacturé ou humain mais aussi sur les riches actifs
naturels de la planète, son capital naturel, qui nous servent de système
écologique nécessaire à la vie. Songeons, par exemple, aux avantages
qu’une eau de boisson salubre, un sol sain, une pêche productive et les
zones tampons naturelles contre les houles de tempête ont procurés
au développement humain. Mais le capital naturel ne se compose
pas seulement des ressources naturelles spécifiques mais aussi des
interactions complexes qui s’exercent au sein des écosystèmes et entre
ceux-ci. La poursuite de la destruction rapide des écosystèmes et de leurs
services risque d’ébranler la clef de voûte du bien-être humain.
L’analyse économique a mis au point diverses méthodes d’évaluation des
biens (nourriture, bois d’œuvre, eau, etc.) et services (cycles d’es éléments
nutritifs, régulation du climat, lutte contre l’érosion) écosystémiques
dont nous avons hérités. Dans certains cas, la valeur des biens et services
écosystémiques peut être mesurée en termes monétaires. Mais même si
ce n’est pas possible, les gestionnaires peuvent souvent démontrer que
leurs investissements environnementaux sont gérés avec un bon rapport
coût-efficacité. En exprimant les avantages comparatifs de différents
programmes, l’analyse économique peut aider les gestionnaires Ã
décider des modalités de hiérarchisation, affectation et maximisation des
avantages environnementaux des dépenses publiques consacrées à des
interventions de conservation ou de remise en état.
«
L’analyse économique est d’une grande importance
pour l’approche écosystémique car c’est elle qui va
éclairer les choix et aider la prise de décision. Mais les
outils économiques ne suffisent pas. Ils nous donnent
des informations qu’il faut inscrire dans une dimension
morale plus vaste et intégrer à des considérations de
bien-être humain. La question est de savoir comment
nous voulons vivre.
»
Anaïs Mangos,
chargée du programme sur les écosystèmes marins
au Plan Bleu
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PAM MedOndes
1
Parfois, le processus d’évaluation peut être généralisé. Par exemple,
l’approvisionnement en eau potable de la ville de New York provient
d’une série de réservoirs situés à l’intérieur de l’État qui sont entourés
de zones habitées. Au milieu des années 1990, la ville a été confrontée
à un dilemme : ou mettre en place un plan très complet qui protégerait
les processus de filtration naturelle des bassins versants ou assumer
des dépenses de 6 à 8 milliards de dollars pour la construction d’une
usine de filtration. En combinant la réglementation de l’occupation des
sols, le paiement des services écosystémiques, l’acquisition de terres et
d’autres mesures, la ville a été en mesure de protéger la qualité de son
approvisionnement en eau pour un coût de1–1,5 milliard de dollars, soit
une fraction du coût qu’aurait entraîné l’usine de filtration.
Dans le cas de la ville de New York, il n’a pas été nécessaire d’évaluer
la totalité des services écosystémiques des bassins versants, car l’on a
pu établir avec certitude que le coût de la protection de l’ensemble
des bassins versants serait bien moindre que la filtration. Dans d’autres
cas, il est nécessaire d’évaluer les services écosystémiques spécifiques.
Dans l’État mexicain du Campeche
1
, par exemple, l’on a estimé que
l’aménagement urbain, industriel et agricole d’un kilomètre carré des
forêts de mangrove du littoral, qui fournissent un habitat essentiel à la
pêche, réduirait de 150.000 dollars la récolte annuelle de crevettes dans
le golfe du Mexique.
Les outils d’évaluation des écosystèmes seront importants pour la
Méditerranée à mesure que la région fera sa transition vers l’approche
écosystémique. En France, le Centre d’activités régionales du Plan
Bleu élabore actuellement une approche économique de l’analyse
des écosystèmes marins en Méditerranée. Une étude est destinée
à évaluer les biens et services écologiques dans la région. Dans une
deuxième étude, le Centre s’efforcera d’évaluer la valeur locale des
services écosystémiques et les incidences des aires protégées marines
sur l’activité économique locale. Le Projet régional fera l’objet d’un bilan
à mi-parcours en octobre 2009 et sera finalisé en 2011. L’étude locale
commencera au début 2010 et sera clôturée en 2011.
«
Cependant, il convient de bien mettre en perspective l’importance de
l’analyse économique
», dit Anaïs Mangos, chargée du programme sur
les écosystèmes marins au Plan Bleu. «
L’analyse économique est d’une
grande importance pour l’approche écosystémique car c’est elle qui va
éclairer les choix et aider la prise de décision,
» ajoute-t-elle. «
Mais les
outils économiques ne suffisent pas. Ils nous donnent des informations
qu’il faut inscrire dans une dimension morale plus vaste et intégrer à des
considérations de bien-être humain. La question est de savoir comment
nous voulons vivre.
»
1
Cf. Heal, G. M. et E.B. Barbier, janvier 2006, «
Valuing Ecosystem Services
»,
Economists Voice, Berkeley Electronic Press.
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LES pROchAInES ÉTApES
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80
Appliquer l’approche
écosystémique en
Méditerranée
En janvier 2008, lors de la Quinzième réunion biennale
des Parties contractantes à Almeria (Espagne), il a été
décidé que plusieurs dispositions préliminaires seraient
prises dans la perspective de la réunion suivante des
Parties contractantes prévue à Marrakech (Maroc) en
novembre 2009. En janvier 2009, le Plan d’action pour la
Méditerranée (PAM) a reçu de l’Union européenne une
subvention de 685.000 € pour l’application de l’approche
écosystémique. Si l’on y ajoute les fonds alloués à la
biodiversité et à la lutte contre la pollution, c’est au total
une enveloppe de 761.000 € qui est allouée pour faire
avancer l’application de l’approche en Méditerranée.
Avec le Centre de Tunis pour les aires spécialement
protégées, la Tunisie pilote l’exécution de plusieurs
volets du projet de l’UE, dont la durée pourra porter sur
trois ans et qui sera centré sur l’élaboration des objectifs
écologiques pour la région. À leur tour, les objectifs
écologiques amorceront le stade d’élaboration des
objectifs opérationnels.
Le PAM organise également une évaluation des lacunes existant
dans les données et les informations concernant la région. «
Cela
pose un problème dans nombre de zones
», indique Michael Angelidis,
Administrateur de programme au MED POL/PAM. «
Nous avons besoin
d’obtenir davantage de renseignements pour recenser les lacunes et savoir
comment les combler. Par exemple, le MED POL a une base de données sur
les polluants et l’état du milieu martin, mais elle ne couvre pas l’ensemble de
l’espace méditerranéen.
» En coopération avec le Centre de Tunis pour
les aires spécialement protégées, le MED POL prépare actuellement le
document d’évaluation pour le projet. Michael Angelidis précise que
l’évaluation associera des experts techniques de la région et que l’on
compte mener à bien en 2010 ce travail d’évaluation.
En plus de cette évaluation, le Centre du Plan Bleu, en France, prépare
une analyse socio-économique de l’approche écosystémique en
Méditerranée. «
Le défi, pour les pays, se pose quand il leur faut intégrer
l’approche écosystémique dans leur planification nationale
», reconnaît
Michael Angelidis. «
Ce n’est pas toujours facile, car de nombreux pays
ont des besoins urgents en développement. Les études socio-économiques
revêtent une grande importance car elles mettent bien en évidence les
avantages économiques qui découlent de la protection des biens et services
écosystémiques.
»
M. Angelidis souligne aussi que le PAM travaillera de concert avec
les pays pour aider à associer activement les parties intéressées au
processus de mise en place de l’approche écosystémique —ministères,
intérêts industriels, autorités locales, groupes de la société civile, ONG
et autres. «
Nous espérons et prévoyons de catalyser la coopération au sein
des pays et sur une base transfrontière. Nous pensons qu’en associant ainsi
toute une série d’intervenants, le processus sera renforcé et se soldera par des
résultats concluants.
»
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QuESTIOnS fRÉQuEMMEnT pOSÉES
À propos de l’approche écosystémique
Comment les institutions de gouvernance peuvent-elles s’adapter pour relever les défis de l’approche écosystémique ?
La question de la gouvernance de la gestion fondée sur l’écosystème a été abordée par un certain nombre de responsables
et d’organisations. Se reporter, par exemple, à l’ouvrage A Handbook on Governance and Socioeconomics of Large Marine
Ecosystems (Manuel sur la gouvernance et la socio-économie des grands écosystèmes marins). Les institutions doivent fixer
des objectifs opérationnels qui seront jugés légitimes, impartiaux et réalisables. Les mécanismes d’intégration plus large, les
perspectives intégrées à la prise de décision peuvent comporter l’extension des mandats de gestion sectorielle, l’adoption
de nouvelles dispositions de gestion pluridisciplinaire et la garantie de la transparence et de la participation des acteurs
concernés. Il peut être aussi nécessaire que les capacités scientifiques et techniques soient élargies et que les données
soient intégrées à travers les secteurs.
Est-il possible d’appliquer l’approche écosystémique lorsque les informations disponibles sur les écosystèmes sont
insuffisantes ?
Si l’on envisage les écosystèmes comme des ensembles unifiés, interactifs, la gestion écosystémique offre la meilleure
opportunité de comprendre et de protéger la santé des écosystèmes. Si la collecte de données sur un écosystème donné
risque d’être incomplète, il existe habituellement assez de renseignements sur les interactions qualitatives potentielles entre
les espèces et les secteurs et certaines des conséquences susceptibles d’en résulter. Un processus de gestion adaptative
recensera les lacunes dans les connaissances, établira les priorités scientifiques pour réduire les incertitudes et tiendra compte
des nouvelles données à mesure qu’elles deviendront disponibles. L’approche écosystémique offre aussi un cadre pour
combiner les données de manière à en obtenir une valeur ajoutée. Comme il s’agit d’une enquête de nature scientifique, il y
aura toujours des incertitudes sur les écosystèmes et leurs réactions. Il conviendra néanmoins de faire des choix politiques
exigeants à mesure que les connaissances continueront de progresser dans le cadre de l’approche écosystémique.
Y a-t-il de bons exemples ou de bonnes études de cas d’application de l’approche écosystémique ?
Avec 25 États membres, la Convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR)
offre un exemple d’application des principes de gestion par écosystème sur une base transfrontière. Voir Kock, K-H. 2000.
Understanding CCAMLR’s Approach to Management (Comprendre l’approche de gestion de la CCAMLR), consultable sur le
site
http: //www.ccamlr.org /pu/e/e pubs/am/p1.htm
. Au niveau national, les principes écosystémiques ont été adoptés dans
les législations et les politiques de l’UE et de maintes autres parties du monde. Des liens vers des études de cas peuvent
être trouvés au moyen des sites web et des publications énumérées aux sections Instruments, organisations et sites web
connexes du présent numéro de MedOndes.
Comment peut-on appliquer l’approche écosystémique si les capacités institutionnelles sont limitées ?
Par capacité institutionnelle à appliquer l’approche écosystémique, on entend la possession des ressources financières, humaines et d’information
suffisantes pour planifier et gérer la surveillance, l’évaluation, la mise à exécution effective, la participation des acteurs concernés, etc. C’est un enjeu
tant pour les pays développés que pour les pays en développement. Dans une en enquête auprès de gestionnaires du littoral menée par la National
Oceanic & Atmospheric Administration des États-Unis, 60 pour cent d’entre eux ont déclaré qu’un manque de ressources affectait leur capacité Ã
appliquer la gestion fondée sur l’écosystème, et près de 90 pour cent qu’ils avaient besoin d’un complément de formation professionnelle à cette
discipline. Plusieurs mesures peuvent être prises pour renforcer cette capacité, notamment la mise en place d’un plan de financement viable à long
terme, l’investissement dans la formation scientifique et gestionnelle et dans la communication au public des informations scientifiques. De plus,
travailler dans un cadre régional comme celui du PAM/PNUE crée des occasions de partage de l’information et de cogestion. Pour de plus amples
renseignements à ce sujet, voir le numéro de mars-mai 2008 de la publication Marine Ecosystems and Management (MAM), qui est consacré au thème
de la création de capacités pour la gestion écosystémique.
Quels outils existent pour guider l’élaboration et l’application d’un plan de gestion écosystémique ?
La gestion fondée sur l’écosystème a été adoptée et appliquée dans un certain nombre de contextes locaux, nationaux et internationaux. Il s’ensuit
que l’on dispose d’un corpus substantiel d’orientations, études de cas et autres outils extrêmement utiles. Plusieurs de ces ouvrages sont mentionnés
à la section « Instruments, organisations et sites web connexes ».
«
Le problème est
paradoxalement
simple : nous
consommons
bien plus que
ce que peut
supporter cette
planète. Et si nous
les êtres humains,
nous voulons
continuer à y
vivre en jouissant
d’une qualité de
vie relativement
satisfaisante
pour tous,
nous devrons
gérer et utiliser
nos ressources
bien plus
efficacement et
ingénieusement,
et cela très
rapidement !
Jamais les enjeux
n’ont été aussi
importants.
»
Jason Jabbour,
Chargé de
programme
associé, Division
de l’alerte rapide
et de l’évaluation
du PNUE
InSTRuMEnTS, ORGAnISATIOnS & SITES wEB cOnnExES
Co
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gb
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Convention sur la diversité biologique (CDB)
Le site web contient, outre des versions anglaise et espagnole,
une version française avec, à la rubrique
Information/Base
de données thématiques/Référence sur l’approche écosystème
,
plusieurs outils à l’intention des praticiens, y compris un manuel
pour le recours à l’approche écosystémiques, des directives
opérationnelles, des études de cas et un bulletin d’information
électronique :
http://www.cbd.int/ecosystem/
EBM (Ecosystem-Based Management) Tools Network
est une an alliance de développeurs-concepteurs et praticiens
pour l’élaboration d’outils de gestion écosystémique, et l’appui
à leur utilisation dans l’application de l’approche écosystémique
dans les milieux marins et côtiers et dans les milieux terrestres
qui ont des incidences sur eux :
http://www.ebmtools.org/
Organisation des Nations Unies
pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
Département des pêches et de l’aquaculture – Rubrique
Écosystèmes :
http://www.fao.org/fishery/fr
UICN (Union mondiale pour la nature)
http://www.iucn.org/
, version française, puis fonction
recherche :
Écosystèmes
.
MEAM (Marine Ecosystem and Management)
Une publication trimestrielle sur la gestion des écosystèmes
marins, réalisée par Marine Affairs Research and Education en
association avec l’University of the Washington School of Marine
Affairs, consultable et téléchargeable sans frais sur :
http://depts.washington.edu/meam/
SeaWeb Ecosystem-Based Management Resources
http://www.seaweb.org/resources/Ecosystem-
basedmanagement/SeaWeb--Ecosystem-
basedManagementCommunicationTools.php