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René Mouchotte

Première partie:
de 1935 à l'automne 1940

par le sergent-chef G.D. Rohrbacher, du
Service Historique de l'Armée de l'Air

Les débuts dans l'armée de l'air

René Mouchotte est âgé de 21 ans lorsqu'il est appelé au service armé, en octobre 1935.
Il rejoint la base aérienne d'Istres en tant qu'élève du personnel navigant (mitrailleur).  Il y est successivement promu caporal (avril 1936), caporal-chef (mars 1937) et sergent (avril 1937) mais aussi et surtout, y obtient son brevet militaire de pilote d'avion (n°25567) en février 1937.
En octobre 1937, il est renvoyé dans ses foyers et affecté dans la disponibilité, toujours à la base aérienne d'Istres.
En janvier 1939, il est muté dans les réserves du bataillon de l'air de Dugny et, en mars de la même année, passe au Groupe d'instruction des réserves aériennes de Villacoublay.

L'arrivée de la guerre.

Avec la mobilisation générale, René Mouchotte est rappelé aux armées en septembre 1939 et dirigé vers le Centre d'instruction à la chasse de Chartres pour cinq mois, pour un stage d'élève instructeur. En mars 1940, il rejoint l'école de chasse d'Avord, cette fois comme instructeur puis, fin mai 1940, est mis à la disposition de la 5e Région aérienne, en Afrique du Nord, sans plus de précision :
"Je reçois avec Guérin l'ordre de rejoindre l'Algérie.  Arrivés à Marseille, nous apprenons que nous sommes dirigés sur Alger. Cela nous condamne à être moniteurs sur bimoteurs. Fini l'espoir de partir au front comme chasseur."

René Mouchotte et son inséparable camarade, Charles Guérin, " choisissent " alors leur affectation:
"Après réflexion, notre parti est vite pris.  Il faut jouer le grand jeu.  Après tout, nous sommes en guerre.  Quel beau jour!  Ainsi, nous ne serons plus moniteurs.  Reste à connaître l'accueil que nous réserve Oran, qui ne nous attend pas. Pour une fois, la carence de l'administration française nous sert. Non seulement Oran nous admet comme élèves chasseurs alors que nous tombons du ciel, mais Alger ne nous réclame pas !
Nous savons qu'il existe à Oran le seul Centre d'instruction à la Chasse d'Afrique du Nord.  C'est le tremplin des chasseurs : c'est là qu'inévitablement nous devons passer pour voir notre rêve se réaliser. Sans beaucoup maquiller nos ordres de mission et après maintes affirmations verbales (nous pouvions parler au nom de notre colonel, Avord n'existait plus !), le commandant de la place de Marseille nous fait nous embarquer sur Oran ! "

Arrivé le 25 mai à Oran, René Mouchotte ne peut cependant pas gagner une unité combattante en métropole, malgré son vif désir de se battre :
"Je n'ai pas encore combattu. Non par manque de capacités, j'ai suffisamment d'heures de vol: d'autres qui en avaient quatre fois moins se bagarrent depuis septembre. Ni par esprit de " planqué ". J'ai fait trois demandes pour partir, qui ont eu pour résultat de m'envoyer après cinq mois de guerre à l'École Supérieure de Moniteurs. J'ai fait l'instructeur pendant trois mois. Rien à faire pour sortir de cet engrenage. J'en ai cependant retiré un bien: mes élèves m'ont appris à piloter."

L'Armistice le surprend à Oran et, très vite, les espoirs d'une résistance depuis l'Afrique du Nord s'effondrant, il décide de continuer le combat avec l'allié d'hier, la Grande-Bretagne :
" Je veux partir en Angleterre ; si mon pays n'a pas voulu de moi comme combattant, je combattrai pour lui, malgré lui, sans lui ! Cette idée de partir me poursuit comme une obsession; je fais mille projets. J'agis en pleine conscience."

Évasion vers Gibraltar
Premiers combats dans la Royal Air Force

Le 30 juin 1940, il s'empare, avec Charles Guérin et Henry Lafont (ainsi que les sous-lieutenants de l'armée de Terre Heldt et Sauret, et le sergent-chef mitrailleur Duval) d'un bimoteur Caudron " Goéland ", pour gagner Gibraltar :
" Je ne peux m'empêcher de retracer dans mon esprit les événements aussi rapides que tragiques, qui en quelques jours, en se développant, ont bouleversé et anéanti des milliers d'existences. Ce que je tente de faire, ce matin, combien d'hommes raisonnables ne tentent-ils ou ne rêvent-ils pas de tenter la même aventure de leur côté ? Et même en raisonnant par l'inverse, car j'en suis toujours à bâtir des hypothèses sur une autre conduite que j'aurais pu tenir, dans le cas où je serais resté, aurais-je pu subir les incessantes vexations, obéir quotidiennement aux ordres des Boches, donnés dans un but d'humiliation, voir la honte et la lâcheté d'un gouvernement qui continuera à afficher sa morgue, sentir enfin la France s'enliser peu à peu dans la ruine, sous la poussée nazie, assister à tout cela sans essayer de réagir ? Je n'aurais pas pu ! Le camp de concentration m'attendait ! "

Après un décollage désespéré, au petit jour (le mécanisme de changement du pas des hélices avait été "panné" pour empêcher toute tentative de décollage non autorisé), les évadés arrivent à Gibraltar, où l'accueil des Britanniques est excellent.
Le 13 juillet, René Mouchotte, Charles Guérin et Henri Lafont débarquent dans le port de Liverpool et assistent au défilé du 14 Juillet, à Londres, présidé par le Général de Gaulle. Ce même 14 Juillet, ils s'engagent dans les Forces Aériennes Françaises Libres.

Avant d'être affectés dans les Squadrons de la Royal Air Force, les Britanniques font passer les pilotes français par plusieurs unités, pour vérifier leur niveau réel de pilotage et les familiariser avec le matériel et les procédures britanniques : camp de regroupement de Saint-Athan, Operational Training Unit, School of Army Cooperation. Le 9 septembre, René Mouchotte, Henri Lafont et Henri Bouquillard sont affectés au Squadron 245, à Aldergrove, mais n'y restent que quelques jours et rejoignent le Squadron 615, à Prestwick. Le parrain de cette unité n'est autre que le Premier Ministre Winston Churchill lui-même (d'où son surnom de "Churchill Squadron"), qui arbore souvent son uniforme d'Honorary Air Commodore de la R.A.F. Le 1er octobre 1940, René Mouchotte est nommé adjudant (sans passer par le grade de sergent-chef) et, sept jours plus tard, le Squadron 615 rejoint la banlieue de Londres, à Northolt :
" Nous partons enfin pour Londres et avec toute l'escadrille. Dans quelques jours, j'aurai peut-être eu mon duel ! Je vais enfin pouvoir tenter de venger ma mère de toutes les misères dont elle est victime. Je me sens par moment des instincts sanguinaires qui m'étonnent. Je mourrais satisfait si j'avais auparavant fait un travail susceptible d'avoir un peu soulagé cette soif de vengeance. Chaque fois que ma pensée s'échappe vers la France, et Dieu sait combien de fois par jour je suis hanté par ces souvenirs, chaque fois j'éprouve un poids sur le cœur, comme une souffrance physique. Aurais-je fait tous ces sacrifices inutilement. Je ne crois pas et j'ai foi en mon étoile. Je suis sûr de revoir la France, de retrouver tout ce que j'aime. Quand ? "

Les douze pilotes français, qui participent alors à la fin de la Bataille d'Angleterre, volent sur Hawker Hurricane, un avion solide et maniable, mais dépassé en performances par le Messerschmitt 109 allemand. René Mouchotte effectue sa première mission le 11 octobre et rencontre l'ennemi pour la première fois le 16 octobre :
" J'ai eu hier mon premier engagement avec des Messerschmitt. Cela a duré l'espace d'un instant. J'avoue que je n'ai pas vu grand chose, les Allemands étant bien au-dessus de nous ! "

© Aérostories, 2001.

> suite

Le caporal-chef René Mouchotte, chef de chambre à l'école de pilotage d'Istres, en mars 1937. Libéré en 1937, il est versé dans les réserves. Le premier septembre 1939, à l'approche de la guerre, il est rappelé aux armées par la mobilisation générale.

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Document SHAA

"Oran"
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Document S.H.A.A.

Charles Guérin et René Mouchotte, aux commandes du Goéland. Henry Lafont, l'auteur de cette photographie, se tenait juste derrière eux.

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SHAA

Une photographie peut-être prise à bord du "Président Houduce", à destination de l'Angleterre, et qui en dit long sur la détermination des évadés: assis à côté de René Mouchotte, Charles Guérin introduit des cartouches dans le chargeur d'un pistolet.

D.R.                       Clic
Légende SHAA

Affectés en septembre 1940 dans les Squadrons de chasse de la R.A.F., les pilotes Free French combattirent tout d'abord sur le Hawker Hurricane, un avion solide et maniable, mais déjà dépassé en performances par le Messerschmitt Bf 109. Plusieurs d'entre eux perdirent la vie sur ce chasseur, utilisé à partir de 1941 dans des missions offensives, jusqu'à l'arrivée massive d'avions plus modernes tels que le fameux Spitfire. Les unités de Hurribombers (ici un Mk II B du Squadron 402) étaient, en particulier, réputées pour être des "unités suicide".

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Collection SHAA