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Groupe 1 - Lutter contre les changements climatiques et maîtriser la demande d’énergie

La Taxe Carbone, SVP

vendredi 12 octobre 2007, par VIGNAT, Jérôme - Avis citoyen - Groupe 1

La Taxe Carbone présente le triple avantage de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, d’anticiper la fin des énergies fossiles, et de remplir les caisses de l’état (à l’opposé de la mise en place de normes ou de subventions incitatives qui les vident).

L’instauration d’une Taxe Carbone en croissance régulière : la solution au changement climatique et à la fin des énergies fossiles ?
 
En matière de lutte contre le dérèglement climatique, des solutions alternatives existent, notamment dans le domaine des transports, de l’habitat et de l’alimentation, mais elles peinent encore à convaincre des acquéreurs. Et pendant ce temps-là, le carbone s’accumule dans notre atmosphère. Cela s’explique par les exceptionnelles qualités des combustibles fossiles, sur lesquels 80% de notre consommation d’énergie reposent : abondants et bon marché, ils contiennent une énorme énergie qui peut en outre être facilement stockée et transportée. Des qualités auxquelles aucune autre énergie ne fait pour l’instant le poids au plan économique. Du coup, pour faire reculer les émissions sans renoncer à l‘économie de marché, une solution semble évidente : «  il faut donner un prix au carbone  » résume le rapport Stern. Ce n’est qu’en faisant payer le fait d’émettre du CO2 que les sources d’énergie et les technologies moins émettrices pourront surmonter leur handicap économique et s’imposer. Et que les comportements vertueux seront récompensés [*1].
 
La Taxe Carbone présente ainsi le triple avantage de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, d’anticiper la fin des énergies fossiles, et de remplir les caisses de l’état (à l’opposé de la mise en place de normes ou de subventions incitatives qui les vident). En effet, « Bien qu’impopulaire, une taxe carbone correctement appliquée pourrait aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en contribuant au financement de notre système social, sans brider l’économie » [*2].
 
Quoiqu’il en soit, dans un monde fini, la question n’est pas de savoir si la consommation de ressources non renouvelables a une fin, mais elle est de savoir quand et comment. Le meilleur moyen d’anticiper cette décroissance inéluctable de la consommation d’énergies fossiles est l’instauration d’une Taxe Carbone en croissance régulière [*3]. Or, cette proposition principale du pacte écologique de Nicolas Hulot n’avait déjà été reprise en l’état par aucun des candidats à l’élection présidentielle qui avaient par ailleurs signé ce pacte. Les deux candidats du second tour se rejoignaient même sur le fait qu’ «  il ne faut pas porter atteinte au pouvoir d’achat  » [*4]. A côté de cela, les parties politiques extrêmes avaient ouvertement déclaré ne pas accepter de signer ce pacte précisément à cause de cette mesure qui «  pénaliserait les plus pauvres  ».
 
Or, qu’en est-il de cette Taxe Carbone dans les faits ? Notons d’emblée que si les prix du carbone à la consommation résulte d’une Taxe, l’Etat peut choisir de compenser sa création par l’allègement d’autres impôts (TVA, impôt sur le revenu, charges sociales…), le but de la Taxe Carbone n’étant pas nécessairement d’accroître la pression fiscale , mais de réorienter la consommation.
 
Au-delà de l’augmentation du prix de l’essence à la pompe qui n’est qu’un aspect de cette Taxe, l’augmentation progressive du prix des énergies fossiles permettrait d’éliminer les aberrations énergétiques de notre quotidien (lignes de chemins de fer fermées car non rentables, trajets en avion parfois moins chers qu’en train, remplacer l’électroménager, son ordinateur, son appareil photo ou sa chaîne hi-fi plutôt que de les faire réparer, racheter un nouveau téléphone portable ou lecteur mp3 plutôt que de remplacer sa batterie, les composants du panier de la ménagère venant des 4 coins du globe de part les délocalisations, aller-retours incessants en poids lourds à travers l’Europe pour le traitement / conditionnement des produits, acheter des fraises et des tomates en hiver, avoir sur les étals de nos marchés des fruits locaux et de Nouvelle-Zélande au même prix alors qu’il y a une différence de facteur 1000 au niveau des émissions de GES, urbanisme, architecture, etc…) qui sont précisément le résultat de plusieurs décennies d’énergie abondante et très peu chère. En lieu et place de ces gaspillages, toutes les autres solutions auxquelles on pense habituellement suivront car elles seront de plus en plus rentables : transport en commun, ferroutage, re-localisation, isolation des bâtiments, et autres développements des énergies renouvelables.
 
Cette taxe ne paraît inégalitaire qu’à ceux qui croient que nous pourrons continuer de vivre demain sans rien changer à nos modes de vies. Quoiqu’il en soit, dans un proche avenir, le prix du marché mondial de l’énergie va être de plus en plus élevé. Plutôt que cela se fasse de manière imposée et chaotique, l’idée est de le faire de manière volontaire et contrôlée en partant à un niveau très bas pour permettre à chacun d’anticiper et de s’adapter, et en augmentant progressivement jusqu’à parvenir à l’objectif de réduire par 4 nos émissions de gaz à effet de serre. Cette taxe permet à l’argent de rester à l’intérieur de nos frontières plutôt que d’être directement donner aux pays producteurs de pétrole (la France importe 97% de sa consommation de pétrole). Elle est plus équitable que le chaos économique et social qu’elle évite (le taux de chômage est très lié avec le prix du baril de pétrole, avec 2 ou 3 ans de décalage). Au contraire, à y réfléchir de plus près, c’est un taxe sociale, car elle s’applique aussi bien aux particuliers qu’aux industriels, donc l’argent récoltée des plus gros pollueurs (les riches et les industries) pourra être utilisée pour baisser d’autres charges par ailleurs pour pallier aux besoins des plus modestes (les pauvres) et financer des investissements pour permettre la transition nécessaire
 
Lutter contre le défi énergético-climatique sans cette solution efficace, réaliste et simple à mettre en œuvre, est voué à l’échec. Clairement, la révolution des mentalités nécessaire pour contenir le problème a besoin d’un petit coup de pouce. On parle alors de quelque chose qui touche de près tout le monde, c’est l’argent. Un parallèle avec le tabagisme en est d’ailleurs une preuve flagrante [*5], et il vaut aussi pour la solution : la dissuasion par le prix. La différence est que l’augmentation annuelle du prix du tabac est acceptée par la population, alors que celle de l’énergie ne l’est pas encore. Pourtant ceux qui approuvent les hausses du tabac pour empêcher les adolescents de fumer devraient aussi approuver une hausse progressive et continuelle du prix de l’énergie fossile pour éviter une trop grande perturbation du climat futur pour ces mêmes adolescents.
 
Pour toutes ces raisons, il est crucial d’avoir une vision à long terme. Dans la synthèse remise ce jeudi 27 septembre par le Groupe de travail numéro I du « Grenelle de l’environnement » (Lutter contre les changements climatiques et maîtriser l’énergie), une mesure de fiscalité énergétique apparaît sous l’appellation « contribution climat énergie », mais son application semble encore faire débat au sein du groupe [*6]. Il est pourtant impératif qu’une Taxe Carbone figure en bonne forme et soit retenue parmi les propositions finales du « Grenelle de l’environnement »… et gardons à l’esprit que l’alternative à cette mesure est périlleuse pour la paix. Vous l’aurez compris, cette Taxe n’est pas populaire. Et le populisme fera son oeuvre. Il n’est pas évident que la démocratie soit capable de régler ce problème. En démocratie, les politiques ne peuvent pas nous imposer une sobriété dont nous ne voulons pas. La démocratie n’est pas la voix de la sagesse , c’est celle de la majorité. On peut par conséquent se demander, si aucun pépin majeur ne nous tombe sur la tête, si la première conséquence du réchauffement climatique ne serait pas la mise en place de la dictature. C’est d’ailleurs ‘la prophétie de Marcel Boiteux, l’ancien patron d’EDF, aujourd’hui encore considéré comme la statue du commandeur dans le secteur : ’Si on n’augmente pas le prix de l’énergie, on se dirige droit vers une dictature.’ [*7] 
 
Il peut sembler impossible qu’une société technologiquement avancée puisse choisir de s’autodétruire, c’est pourtant ce que nous sommes en train de faire. Homo Sapiens est apparu depuis plus d’un millier de générations et en 3-4 générations, on bouffe la baraque… nous participons chaque jour à un gigantesque gaspillage, et nous léguons la facture et les ennuis à ceux qui suivent et qui n’ont même pas voix au chapitre aujourd’hui sans même avoir profité de la « fête », c’est-à-dire nos propres enfants qui, si des bouleversements gravissimes surviennent, ne pourront qu’assister impuissants aux conséquences de nos actes actuels.
 
 Jérôme VIGNAT
 
[*1] Numéro hors-Série 240 de Science&Vie, septembre 2007 : «  Climat, le dossier vérité  » 
[*2] « La taxe carbone : une bonne idée à ne pas gâcher » Jean-Charles Hourcade, Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement, Frédéric Ghersi, Laboratoire d’Econométrie de l’Ecole polytechnique, ‘Pour La Science’, Janvier/Mars 2007, Dossier ‘CLIMAT : Comment éviter la surchauffe ?
[*3]« Le plein s’il vous plaît » Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean, Editions du Seuil, février 2006.
[*4]http://www.pacte-ecologique-2007.org/nicolas-hulot/pages/02_candidats/02_00_candidats.php
[*5] De la même manière que le fumeur est fortement dépendant du tabac, nous sommes fortement dépendants du pétrole, du charbon et du gaz. L’effet de la fumée du tabac s’additionne année après année sur les poumons du fumeur, il est plus facile de ne pas commencer à fumer plutôt que de s’arrêter, l’arrêt du tabac ne remet pas immédiatement le risque d’avoir un cancer ou un accident cardiaque à zéro, mais conduira toujours à une situation moins risquée pour l’avenir, et plus la diminution intervient tôt, mieux c’est. De même, l’effet de nos émissions de gaz à effet de serre s’additionne année après année, la baisse des émissions ne permet pas de remettre les risques à zéro, loin de là, mais elle sera toujours une bonne chose pour le climat futur, et plus les émissions baisserons tôt, plus les risques futurs seront faibles. Dans les deux cas, il faut un gros effort à court terme pour un bénéfice à long terme. Pour le tabac comme pour le climat, quand les ennuis sont là il est trop tard pour faire machine arrière, et il est impossible de dire à quel moment le seuil qui mène à un gros ennui est franchi.
[*6]http://www.legrenelle-environnement.gouv.fr/grenelle-environnement/IMG/pdf/Groupe1_Synthese092007.pdf
[*7] Le Nouvel Observateur – numéro 2197 du 14 au 20 Décembre 2006 : Economie ‘Ces coûteux désirs d’avenir’ par Natacha Tatu’

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