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Entre l'Italie et la France
Après le départ de la papauté (1376), la ville perdit peu à peu de son attrait et de son importance. Les livrées cardinalices et beaucoup de maisons, faute d'occupants et d'entretien, tombèrent en ruines. Un siècle après, la population d'Avignon avait baissé de moitié, environ 15.000 habitants. Sous le gouvernement des légats, Avignon devint une sorte de petite capitale, centre d'attraction pour de nombreux étrangers, clercs, artistes, marchands d'Italie, la plupart Florentins. La position géographique de la ville et le caractère cosmopolite de sa population hérité de l'époque pontificale en faisaient une des grandes places d'affaires de l'époque. Avignon resta jusqu'au seizième siècle le relais entre Marseille et les carrefours de commerce de cette époque, Lyon et Genève.
Boucherie de Franque (1749-1752). La rue du Vieux-Sextier actuelle fut la première "percée" large et rectiligne de la ville. L
Le Conseil de ville fit l'acquisition de la livrée d'Albano pour y installer l'hôtel de ville (1447), il entreprit l'agrandissement de la place du Change (1448-1458), et du carrefour de la porte Ferruce qui deviendra, par étapes successives, la place de l'Horloge. L'église des Célestins fut mise en chantier, tandis que Julien de la Rovère, le futur pape Jules II, restaura le Palais des Papes, le pont, les remparts, la façade du Petit Palais... La ville encouragea les constructions privées, telles la maison de Pierre Baroncelli, Palais du Roure actuel. Le roi René acheta l'ancienne livrée de Viviers, pour l'aménager en demeure confortable. Les rues, pourtant encombrées, furent décorées par des croix couvertes caractéristiques, aujourd'hui disparues. Sept furent construites : ainsi les croix de la Carreterie, du portail Imbert, celle du plan de Lunel et celle du Rocher des Doms.
Hôtel Puget de Chasteuil (1699). Les dispositions du rez-de-chaussée de cet hôtel, situé rue Bonneterie, étaient monumentales, les ferronneries des escaliers magnifiques. L'ensemble a été complètement détruit et défiguré par des installations commerciale
La Renaissance marqua peu la ville de son empreinte, la façade de l'église Saint-Pierre (1512), ou l'hôtel de Sade rebâti (1537) sont encore d'inspiration gothique. On a une bonne représentation de la ville, grâce au plan " aux personnages " de 1572. Celui de 1618, dû à Marco Gandolfo, mathématicien de Palerme, est exceptionnel à plus d'un titre. Il s'agit d'un dessin cavalier très minutieux qui nous montre la ville encore toute gothique. On y voit l'enceinte les remparts, avec leurs fossés et leurs portes. Le Palais des Papes dresse ses tours majestueuses. Sur le Rocher, on aperçoit le fort Saint-Martin, ancien château de la commune, la chapelle Saint-Anne, des moulins à vents... On distingue deux zones dans ce fouillis de rues : une très dense, autour du Rocher, limitée par le tracé des rues qui occupent l'ancienne enceinte de la commune (la Grande Fusterie, les Lices, la Philonarde). L'autre zone concentrique à la première, montre d'abord des maisons de plus en plus clairsemées, puis à la périphérie des jardins et des terrains non bâtis. On peut reconnaître la plupart des édifices importants souvent désignés par une légende. Certains de ces bâtiments ayant disparu, nous pouvons grâce à ce plan les situer, comme le couvent des Dominicains, ou des Cordeliers, les églises de la Madeleine et de Saint-Symphorien, la vice-Gérence, au sud du Palais des Papes, les anciennes livrées cardinalices, les cimetières entourant les églises, les différents puits, les arceaux enjambant les rues, les arbres sur les rares places, les jardins privés, les croix couvertes... Les maisons sont à un ou deux étages, rarement à trois ou quatre. Le pont Saint-Bénézet n'est déjà plus au complet, une arche sur la Barthelasse, trois autres sur le bras droit du Rhône s'étaient écroulées en 1603 et 1605.

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Au dix-septième siècle, l'aspect gothique est progressivement délaissé au profit du style baroque. L'art venu d'Italie trouve sa mesure, en premier lieu, dans les édifices du culte. Le Noviciat de Saint-Louis en est le premier exemple avignonnais, d'autres suivront avec la chapelle de la Visitation, place Pignotte, puis la chapelle du collège des Jésuites (musée lapidaire). Le premier bâtiment civil de facture baroque fut le fait de la Vice-Légation qui décida, en 1619, la réfection de l'hôtel des Monnaies. La caractéristique de cette construction est de présenter, au-dessus du rez-de-chaussée à bossage, un immense mur aveugle, aux reliefs colossaux, où sont sculptés les armoiries des Borghèse. L'hôtel de Fortia de Montréal, rue du roi René, sera le premier hôtel particulier a adopter le style italien (1637). En face, se dresse le magnifique et imposant hôtel Berton de Crillon, un peu plus tardif. La disposition de ces lourdes demeures, alignées le long de la rue sans en être séparées par la moindre avant-cour, est une des caractéristiques des maisons romaines.
Hôtel de Gasqui (1744). C
Vers le milieu du siècle, Avignon va se libérer peu à peu des influences romaines, au profit du style français. Ce fut l'architecte Pierre Mignard qui en sera le principal promoteur. On lui doit, entre autres, l'hôtel Galléans des Issarts, celui de Madon de Châteaublanc, son chef-d'oeuvre en matière de construction privée. Dans le même temps, des dynasties de sculpteurs et d'architectes s'illustreront, avec les Valfenière, les Péru et les Franque. On leur doit la plupart des hôtels particuliers qui contribue incontestablement au charme des rues de la ville : hôtels de Caumont, de Rochegude, de Villeneuve (musée Calvet), de Forbin de Sainte Croix (conseil général), de Gasqui, de Puget de Chastueil, et de bien d'autres... On ne peut passer sous silence la délicieuse Comédie, place Crillon. Ce théâtre, dû à une initiative privée, fut achevé en 1734, d'après les plans de Thomas Lainée.
Des édifices d'utilité publique seront réalisés, comme l'hôpital de Sainte-Marthe, l'Aumône générale (ex-Ecole d'Art), le Grenier à sel, près de la porte de la Ligne, le Mont-de-Piété... Des travaux seront réalisés pour l'aménagement de la ville : rectifications d'alignement pour faciliter le passage des carrosses, rue Bancasse, en 1660 ; place devant la porte de l'Oulle, en 1679, agrandissement de la place de l'Horloge, en 1682, par Pierre Mignard. Son projet prévoyait de créer devant l'Hôtel de Ville une place inspirée des " places royales ". Il faut dire que l'endroit ressemblait plus à une petite rue qu'à une place publique. C'est à partir de 1669, qu'on renonça définitivement à entretenir le pont Saint-Bénézet, en partie effondré. Désormais, on franchira le Rhône par des ponts de bâteaux, ou par un bac à traille, jusqu'au début du dix-neuvième siècle. Parallèlement, on assure la protection du terroir contre les inondations de la Durance, par la construction coûteuse de digues.

Place de l'Horloge. Projet d'agrandissement, en partie réalisé, par Jean-Baptiste Franque (1754).
Avec une population stagnante (environ 25.000 habitants), Avignon est, au dix-huitième siècle, toujours au large dans l'enceinte des papes. A l'intérieur des murs, de grandes zones de jardins subsistent, et dès les portes franchies, on se trouve en pleine campagne. Si l'étude du dix-huitième siècle en Avignon ne fait pas apparaître de grandes réalisations urbaines, il est cependant intéressant de signaler quelques projets, dont certains seront partiellement menés à bien. En 1750, Jean-Baptiste Franque reprit l'idée de Mignard pour l'embellissement de la place de l'Horloge. Il prévoyait de démolir l'ancienne boucherie, d'agrandir à nouveau la place et d'y installer la statue du pape régnant sur un socle. Les travaux furent partiellement exécutés, mais face aux critiques, les consuls les firent arrêter. Ils ne devaient reprendre qu'en 1791, avec la démolition d'un îlot de maisons. Par ailleurs, Franque ouvrit, entre 1749 et 1754, la rue Aquaviva - rue du Vieux-Sextier actuelle. Cette " percée ", fut la première du genre en Avignon. Il va sans dire que les façades sculptées gagneraient à être débarassées des outrages du temps et de leur gangue commerciale...
Franque fils construisit, sur la place Pie, une nouvelle halle appelée les Arcs (1760-1764). La rue Saint-Agricol fut élargie suivant un alignement rectiligne, devant la chapelle des Pénitents noirs, on réalisa une place qui permet d'admirer la nouvelle façade de Thomas Lainée (1754). Nombre d'auvents de façade et d'arceaux sont démolis, on finit par abattre les portes de l'ancienne enceinte de la commune, pour faciliter la circulation (1744-1763). Le Rocher était devenu une promenade très prisée, grâce à ses accès qui furent améliorés, tandis que le cours Caumont, allées de l'Oulle actuelles, était aménagé en 1756. L'éclairage des rues fut enfin réalisé, en 1777, par quatre cents lanternes. Les municipalités de la Révolution firent abattre les croix couvertes, notamment celle de la Carreterie. Les cimetières des paroisses, désormais interdits, furent remplacés par celui de Saint-Roch qui, trop exposé aux inondations, sera abandonné à son tour pour celui de Saint-Véran (1818-1824).

Malgré ces réalisations et ces quelques embellissements, Avignon au début du dix-neuvième siècle est encore une ville d'aspect moyenâgeux, sa structure urbaine n'ayant pas fondamentalement changée depuis le départ des papes.