Vingt ans qu’on rit jaune !

GORISSEN,AGNES

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Samedi 14 novembre 2009

Télévision « Les Simpson » nous imprègnent depuis deux décennies

A l’époque, pratiquement personne n’aurait parié un cent sur la longévité de cette famille. Des personnages aux traits pas très fins, jaunes, pas politiquement corrects – un sérieux handicap quand on est diffusé sur la Fox. Et puis Homer, gros beauf buveur de bière et mangeur de donuts, et Marge, son épouse si méritante qui gère toute la maisonnée, ont conquis le monde avec leurs enfants Bart (un cancre habitué des pires bêtises), Lisa (l’élève modèle toujours en avance sur les questions de son âge) et Maggie (le bébé, tétine en bouche).

Voilà vingt ans que ces cinq-là squattent les écrans de télé. Et si le succès de la plus ancienne série animée du genre (elle est entrée dans le Livre des records) a tendance à se tasser en termes d’audiences outre-Atlantique, où est diffusée la 21e saison, l’aura des Simpson continue à rayonner sur notre quotidien, des DVD aux T-shirts en passant par les jeux vidéo. Elle a même son attraction aux Universal Studios de Hollywood et les tarifs des spots publicitaires autour des heures de diffusion de la série sont plus qu’honorables – 20.000 dollars pour trente secondes.

Depuis plusieurs semaines déjà, Club RTL a entamé chez nous la diffusion de la saison 20. Et, pour fêter cet anniversaire, la chaîne propose un gros week-end Simpson. Samedi, à 18 h, trois épisodes de la saison 20, suivis à 19 h 10 du concours du plus grand fan belge, avant deux derniers épisodes. Et dimanche, cinq épisodes de la saison 20 à partir de 16 h 15, puis, à 19 h 45, une émission spéciale, avec une interview de Matt Groening, le créateur des Simpson, et des anecdotes sur la série et le film qui en a été tiré – et qui sera, lui, diffusé jeudi sur RTL-TVI à 20 h 25. Quant à nous, après Matt Groening (Le Soir du 3 avril), nous avons rencontré deux des voix françaises des Simpson.

P. 44 Les voix françaises

« La version française est la préférée du créateur »

Entretien

Lui a prêté sa voix à Cicéron dans Rome, à Ash Morgan dans Les arnaqueurs VIP, à Henry Spencer dans Psych (Enquêteur malgré lui en français). Elle a prêté la sienne à Claudia Holden dans Army Wives, à Terri Bauer dans 24 Heures chrono, au Dr Erica Hahn de Grey’s Anatomy, à Kate Weston dans In Treatment, à Caroline Reynolds dans Prison Break ou encore à Danny Sofer dans The Shield. Mais Philippe Peythieu et Véronique Augereau sont d’abord attachés aux Simpson. Voilà vingt ans qu’ils sont les voix françaises de Homer et Marge, c’est sur cette fiction qu’ils se sont rencontrés avant de… se marier, pour du vrai, comme les héros qu’ils font vivre. Les deux comédiens de doublage – ils sont pointilleux sur la question, on ne dit pas doubleurs, « terme péjoratif qui ne tient pas compte du travail de création » – parlent de cette extraordinaire aventure.

Repartons aux origines : comment êtes-vous tombés dedans il y a vingt ans ?

Véronique Augereau. L’équipe de Gracie Films, qui travaille avec la Fox sur Les Simpson, et Christian Dura, qui est le directeur artistique actuel sur la série, ont organisé des castings. Moi, je suis arrivée tout à la fin. Ils m’ont fait écouter la VO et m’ont demandé ce que je pouvais proposer. Après m’avoir entendue, ils se sont assurés que je pourrais le faire dans la durée. Et puis plus rien, pas de nouvelles pendant des mois.

Philippe Peythieu. Moi, je suis arrivé plus tôt. Dans la première salve d’essais, on a dû travailler sur une version mexicaine de la série, avec des dessins sans animation ! On ne savait rien des personnages. A ce moment-là, j’ai choisi de vieillir ma voix au maximum. Puis j’ai participé à un deuxième round d’essais, pour lequel j’avais reçu plus d’infos – l’âge de Homer était mieux cerné, notamment par ses enfants. J’ai alors gardé le même timbre de voix mais en la rajeunissant. Je crois que le fameux « Ttô » de Homer a plu, je le leur ai proposé avec différentes émotions. L’équipe nous a retenus Véronique et moi dans les présélections, et c’est Matt Groening lui-même qui a fait le choix définitif.

Ça s’est passé comment au début ?

V.A. On ne s’est pas pris la tête : on ne parlait que de… treize épisodes. Et la série ne nous plaisait pas plus que ça.

P.P. Rappelez-vous, on était en pleine vague Disney. Les Simpson avaient des traits plutôt grossiers en comparaison, surtout à l’époque – les personnages ont bien évolué depuis.

Vous receviez des consignes de la Fox ?

V.A. On en a reçu au début et, pendant cinq ans, on a eu un superviseur de la Fox sur le dos, ce qui créait une atmosphère assez pesante, on ne se lâchait pas trop – heureusement, il ne comprenait pas parfaitement le français ! Avec le succès, la Fox nous a fait confiance.

P.P. Moi, je n’ai d’ailleurs trouvé la voix définitive de Homer qu’à partir de la saison 4. Effectivement, comme disait Véronique, la Fox sait que nous sommes assez fidèles à la version originale. On « francise » un peu – là où la VO fait allusion à Venus Williams, on parlera plutôt d’Amélie Mauresmo. Mais pas plus.

Quelle est la part que vous apportez vous-mêmes aux personnages ?

V.A. C’est Christian Dura qui fait l’adaptation française. C’est d’ailleurs la seule implication qu’il garde en télé : il bosse surtout pour le cinéma et le music-hall. C’est à lui par exemple que l’on doit plusieurs revues du Paradis latin, c’est dire s’il a le sens de la mise en scène ! Avec Juliette Vigouroux et Alain Cassard, il écrit les dialogues. Et nous, on ajoute parfois une petite touche perso.

Parmi les vingt saisons, vous avez des épisodes fétiches ?

V.A. Moi, j’adore toute la saison 20. Le dernier épisode est génial !

P.P. Pareil pour moi. Mais il y a en plus deux autres épisodes que j’adore particulièrement : celui où Homer se retrouve dans un monde parallèle en 3 D (NDLR : l’épisode « Simpson Horror Show VI », dans la saison 7) et celui où il prend des piments hallucinogènes, se retrouve dans un monde psychédélique très 70’s et dialogue avec le dieu coyote (NDLR : « Le mystérieux voyage de Homer », dans la saison 8).

« Les Simpson », c’est votre doublage le plus marquant ?

P.P. Sans aucun doute. Il restera dans la postérité. Et il a changé notre avenir, privé et professionnel. Quel cadeau de la vie ! On est reconnus grâce à cette série, mais personne ne nous ennuie dans la rue. C’est formidable. Même les fous de VO regardent Les Simpson en français, c’est le plus beau compliment qu’on puisse nous faire : la bonne VF, c’est quand on ne s’aperçoit pas que c’est doublé !

V.A. Ça fait tellement de bien ce côté politiquement incorrect, libertaire. C’est étonnant, surtout sur la Fox. Mais il paraît que les responsables de la chaîne tiquent seulement quand la série s’en prend à des annonceurs qui diffusent leurs pubs sur le network…

Vous parliez de reconnaissance. Vous en avez eu une magnifique à Cannes, au Mipcom, il y a quelques semaines.

V.A. Une apothéose ! Matt Groening, le créateur, nous a cités dans la grande salle lors de la conférence de presse. Et, quand on lui a remis son prix au Carlton (NDLR : le Creative Icon Award), les projecteurs se sont tout d’un coup arrêtés sur nous et Al Jean, le producteur exécutif, nous a appelés pour nous demander d’intervenir avec nos voix de Homer et Marge. Et Matt Groening dit que la VF est sa version préférée, il trouve qu’elle a quelque chose de spécifique.

On imagine qu’avec les années, vous avez accumulé des anecdotes.

V.A. Ça ! Par exemple, lors d’une précédente rencontre avec Matt Groening, je lui avais demandé pourquoi il avait donné une voix de gorge à Marge. Je supposais déjà que c’était parce qu’elle croulait sous le travail, qu’elle portait seule le fardeau d’une telle famille. Et il m’a répondu : « Marge a un collier qui lui serre la gorge. Si on le desserre, elle aura une voix normale. » Je ne sais pas s’il a inventé ça sur le moment, mais toute ma construction personnelle s’est effondrée !

Quand vous êtes à la maison, vous ne vous jouez pas Homer et Marge ?

V.A. Non, une phrase de temps en temps, sans plus. Mais, deux fois par an, Philippe fait un cauchemar et il se met à hurler dans son sommeil avec la voix du grand-père Simpson – NDLR, qu’il fait aussi, de même que celle d’Otto Bus. La première fois, j’ai cru qu’il me faisait marcher, mais non. C’est assez flippant.

P.P. Avec sa tête d’ananas, il doit représenter la mort pour moi, je suppose…

« Les Simpson » ne sont pas trop envahissants, donc, même après vingt ans ?

P.P. Non ! Au départ, on ne pensait pas qu’on en prendrait pour vingt ans et plus. Mais ces personnages sont une cure de jeunesse : Homer et les autres ne vieillissent pas. Il me fait toujours rire.

V.A. Et moi, je m’attache de plus en plus à Marge. Et c’est une bénédiction de figurer dans un des plus grands succès de la télé, qui compte déjà plus de 450 épisodes. Je serai triste quand ça se terminera.

Les dvd

Pas de chiffres : les distributeurs n’aiment pas trop communiquer sur des résultats particuliers. Mais

Pas de chiffres : les distributeurs n’aiment pas trop communiquer sur des résultats particuliers. Mais une tendance : « Les Simpson restent une valeur sûre en Belgique francophone, alors qu’ils “marchent“ moins en Flandre et encore moins bien aux Pays-Bas », explique une représentante de Fox en Belgique. En clair : les DVD se vendent bien chez nous, le public ne se contente pas de regarder les épisodes à la télé. Pour ceux que ça intéresse, la saison 12 vient tout juste de sortir – oui, il y a du retard, c’est seulement la douzième alors que la saison 20 est diffusée sur Club RTL et que la saison 21 est en cours aux Etats-Unis. Mais parmi les guest stars, on trouve les sœurs Williams, Andre Agassi, les Who, Drew Barrymore, Michael Keaton…

l’apparition dans « playboy »

Vous en connaissez beaucoup, vous, des héros de BD ou de dessins animés qui posent pour Playboy ? Eh

Vous en connaissez beaucoup, vous, des héros de BD ou de dessins animés qui posent pour Playboy ? Eh bien non, c’est une première. Et c’est Marge qui fait l’événement. Oui, Marge, la bonne mère de famille ! Dans le numéro de novembre, la « sainte » des Simpson fait non seulement la couverture, mais elle s’étale sur plusieurs pages, fort dénudée, dans des poses languides ou suggestives – mais rien de trop hard, quand même, et elle n’a pas oublié les donuts si chers à son mari. Et cet effeuillage n’est pas un hasard : en butte à la concurrence d’internet, le magazine coquin a estimé que c’était là une bonne façon de faire de l’œil à un lectorat plus jeune, histoire d’assurer sa survie. Si c’est pas une reconnaissance…

les timbres

Même si le développement d’internet et des e-mails a rendu leur utilisation moins fréquente, les timbres

Même si le développement d’internet et des e-mails a rendu leur utilisation moins fréquente, les timbres restent quelque chose de particulier : des objets de collection, des symboles de l’échange personnel et, il faut bien le dire, une sorte de consécration. Aboutir sur un timbre et voyager ainsi à travers le monde, c’est quand même « la » reconnaissance. Alors, quand les services postaux américains ont décidé de sortir des timbres à l’effigie des Simpson, ce n’était pas anodin. Et on dit bien des timbres, pas un seul : chaque membre de la famille a son petit carré postal : Homer et Marge, les parents, mais aussi Bart, la petite Maggie et Lisa, le cerveau de la famille (photo). Un petit bout de légende pour 44 cents…

la pub

Quelle meilleure preuve de l’impact au quotidien que la pub ? Si Renault a choisi les Simpson pour vanter

Quelle meilleure preuve de l’impact au quotidien que la pub ? Si Renault a choisi les Simpson pour vanter sa Kangoo, ce n’est pas un hasard. La firme sait qu’elle joue sur une référence commune (et sympathique) à presque tout le monde. Et tout en surfant sur l’impertinence et les travers des personnages jaunes, elle fait passer son message : avec tous les rangements, il y a de la place pour tout ce que Homer ingurgite, pour les cheveux de Marge et pour les mouvements des enfants.

Si ça résiste à cette famille-là... Mais tout le monde ne peut pas se permettre ce genre de com : seule une poignée de firmes dans le monde ont le droit d’utiliser l’image des Simpson.