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HIP 13044 b, la planète qui venait d’une autre galaxie…

ESO exoplanète HIP 13044 b exoplanet

L'étoile HIP 13044 se trouve exactement au centre de l'image. Photo ESO.

Depuis une quinzaine d’années, près de cinq cents planètes ont été découvertes, tournant autour d’autres étoiles que le Soleil. Ces nouveaux mondes appartiennent tous à la Voie lactée, notre galaxie, qui compte au bas mot cent soixante milliards d’étoiles.

La petite dernière en date s’appelle HIP 13044 b, elle a été trouvée comme il se doit autour de l’étoile HIP 13044, par l’équipe européenne – essentiellement allemande – de Rainer Klement, Thomas Henning, Johnny Setiawan et leurs collaborateurs, avec le télescope de 2,2 m de l’observatoire de La Silla, au Chili. Cette exoplanète se trouve à quelques 2000 années-lumière de notre petite planète bleue, dans la constellation du Fourneau.

Juste une planète de plus à ajouter à l’inventaire de l’Encyclopédie des planètes extrasolaires, tenue par l’astronome Jean Schneider ? Non, pas seulement ! Car à tous points de vue, HIP 13044 b est une découverte inestimable… D’abord, son étoile est portée par le « courant de Helmi », un groupe d’étoiles qui provient d’une galaxie extérieure à la nôtre, absorbée par la Voie lactée voici six ou sept milliards d’années. HIP 13044 b est donc la toute première planète d’origine extragalactique découverte à ce jour. A quoi ressemble ce nouveau monde ? Nous n’en savons pas grand chose aujourd’hui, d’abord parce que sa détection est indirecte, elle signe sa présence par l’influence gravitationnelle qu’elle exerce sur son étoile, ensuite parce qu’elle est très lointaine : deux mille années-lumière, ce n’est pas la porte à côté. Les astronomes ont calculé que HIP 13044 b est une planète géante, peut-être en partie gazeuse, comme notre Jupiter, et un peu plus massive que cette dernière. Elle circule sur une orbite elliptique, parcourue en deux semaines et qui la rapproche à 8 millions de kilomètres seulement de la surface de son étoile.

De son côté, HIP 13044 est une vieille étoile géante, qui a fini de brûler son hydrogène et s’attaque à sa réserve d’hélium pour continuer à briller. De fait, malgré sa masse modeste, un peu inférieure à celle du Soleil, cette étoile, probablement âgée d’une dizaine de milliards d’années, a vu sa taille grandir démesurément, elle atteint actuellement… dix millions de km de diamètre ! C’est là la seconde caractéristique très exotique de la planète HIP 13044 b. Très peu d’exoplanètes sont connues autour de vieilles étoiles géantes. D’une part parce que ces étoiles sont peu nombreuses, d’autre part parce qu’il est très difficile de détecter des planètes dans leur environnement : elles pulsent plus ou moins régulièrement et masquent – voire, bien pire, imitent ! – ainsi la signature d’éventuelles planètes qui les entourent. C’est en cela que la découverte de HIP 13044 b est prodigieusement intéressante : les astronomes s’interrogent sur la capacité de survie des planètes lorsque leurs étoiles se mettent progressivement à enfler et à expulser d’énormes quantité de gaz et d’énergie autour d’elles. Actuellement, par exemple, l’étoile HIP 13044 est plus de sept fois plus grande et presque cent fois plus lumineuse que le Soleil… On s’en doute, le nouveau monde détecté dans la constellation du Fourneau est une fournaise, probablement portée à deux ou trois mille degrés de température. Cette découverte doublement exotique enchante les spécialistes, elle va leur permettre d’étudier le comportement et l’évolution des planètes dans l’environnement changeant des étoiles arrivant aux derniers stades de leur évolution. En fait, l’équipe de Rainer Klement, Thomas Henning et Johnny Setiawan soupçonne la géante d’avoir déjà absorbé par le passé des planètes tournant autour d’elle, mais qui malheureusement pour elles, étaient bien plus proches que HIP 13044 b. Quel avenir l’étoile géante réserve-t-elle à la planète qui vient frôler toutes les deux semaines son atmosphère portée à 6000 °C ? On l’ignore encore, mais il est probable que HIP 13044 b ne survivra pas à la prochaine phase d’instabilité de son étoile. Après le stade de géante rouge, HIP 13044 s’apprête maintenant à expulser une grande partie de sa masse, sous la forme de coquilles gazeuses concentriques. Ne restera plus, dans quelques milliers d’années, qu’une magnifique nébuleuse de couleur bleu électrique, illuminée par le coeur de l’étoile morte s’éteignant doucement. Vous ne vous sentez pas concerné ? Pourtant c’est le destin qui attend notre propre étoile, le Soleil, et son cortège de planètes… La Terre sera aux premières loges, mais relativisons, le Soleil est encore jeune, son déclin inéluctable débutera insensiblement dans trente ou quarante millions de siècles.

Serge Brunier

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4 Comments

  1. Bonjour,
    Effectivement cette découverte à l’échelle de la durée de vie humaine est sur le fond anecdotique, pourtant elle est une brique de la connaissance de ce qui sera le devenir de la terre et de la vie que l’humain sera capable de préserver, cela à beaucoup plus court terme.
    Cette brique ajoutée au autres actuelles et futures est pour autant simplement essentielle à la construction de notre savoir sur le devenir même lointain de notre magnifique planète.
    Cela n’est il pourtant pas plutôt intéressant d’en prendre connaissance le temps de notre vie ?
    Personnellement je pense que oui.

  2. Bonjour,
    Je vais me permettre une réflexion personnelle. Notre vie d’humain est particulièrement courte et au-delà de la curiosité humaine, j’ai un peu de peine à comprendre ce qui motive la recherche autour de ce qui va « mourir » plutôt que de ce qui vit ou va vivre. Ce n’est pas une critique mais je suis mille fois plus emballé par ce qui a de l’avenir. On a bien sûr le temps d’observer ces choses, cela ne se règle pas du jour au lendemain. Mais notre espérance de vie, elle, se règle du jour au lendemain en comparaison.

  3. Comment édudier le comportement et l’évolution de cette planète dans l’environnement changeant des étoiles arrivant aux derniers stades de leur évolution ? En restant « en planque » pendant quelques miliers d’années ?

    • A très court terme, disons dans les dix ans qui viennent, les astronomes vont s’attacher à chercher autour de l’étoile HP 13044 d’autres planètes, actuellement indétectables, mais qui pourraient émerger progressivement des données au fil des observations. Ensuite, on peut imaginer que la prochaine génération de télescopes, au cours des décennies 2020-2030, pourra observer par exemple le changement de température de la planète, corrélé aux pulsations de son étoile. On peut aussi espérer détecter l’interraction entre la planète et la couronne de plasma et de gaz qui s’étend, sur des centaines de millions de km, autour de l’étoile géante. Si l’interraction entre ce plasma et la planète est suffisament forte, peut-être sera t-il possible, en quelques décennies d’observation, de détecter le freinage de la planète ? Photographier directement la planète ne sera pas, en revanche, une mince affaire, car elle est tout à la fois proche de son étoile et éloignée de la Terre. Mais, plus que l’observation spécifique de la planète HIP 13044 b, c’est plutôt l’observation de l’ensemble des exoplanètes découvertes autour d’étoiles évoluées et variables qui promet d’être passionnante. Aujourd’hui, les exoplanètes sont trouvées, pour simplifier, autour d’étoiles solaires et d’étoiles naines rouges. Les exoplanètes tournant autour de géantes rouges se comptent sur les doigts de la main : il y a donc HIP 13044 b, Pollux b, HD 47536 b et peut-être aussi V 391 Pegasi b. A l’avenir, grâce en particulier au satellite Gaia, entre 2015 et 2020, on peut espérer trouver plusieurs centaines d’exoplanètes autour de géantes rouges, ou d’étoiles ayant passé le stade de géante rouge et s’apprêtant à expulser leur matière avant de basculer vers le stade de naine blanche. C’est l’ensemble de ces futures observations qui permettra de comprendre comment les systèmes planétaires traversent les phases d’instabilité finales de leurs étoiles.

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