La politique, dans ses processus (débats parlementaires, votes, élaboration des programmes) comme dans ses modalités (militantisme, engagement) est peu présente sur grand écran. Ou plutôt, la fiction cinématographique abandonne ce champ aux reportages -type Le Cauchemar de Darwin- ou aux portraits-charges -Dans la peau de Jacques Chirac-.

Certes, les figures de l'élu-local-redresseur-de-torts et du président-entouré-de-conseillers-avisés envahissent la télévision : dans les séries franchouillardes du samedi soir sur France 3 ; dans les feuilletons américains de TF1 ou France 2.

Mais il est très rare que le cinéma contemporain occidental dépeigne la politique en train de se faire. Comme si le dégoût du politique, qui frappe de nombreux citoyens, affectait également les cinéastes.

Il faut reconnaître à Arte le mérite d'avoir tenté de remédier à cet état de fait : il y a quelques années, la chaîne franco-allemande avait passé commande de (vrais) films sur le clivage droite/gauche à plusieurs réalisateurs français. Dans mon souvenir, hormis un volet portant sur les années Mitterrand, le résultat était mitigé.

Pourtant, le film politique est en genre passionnant en soi. Parce que la politique ne manque pas de ressources romanesques ; parce que la description d'un engagement permet de provoquer l'émotion du spectateur en évitant le pathos et le sentimental , comme l'a enfin compris Ken Loach (Le vent se lève) ; parce que la comédie du pouvoir se prête aussi à des satires féroces et jouissives.

Trois exemples :

-Advise and consent, d'Otto Preminger. Le film date du début des années 60, ou de la fin des années 50, je ne sais plus. Tourné en Scope (Preminger est le Prince de ce format), le film décrit l'examen (une enquête) par le Sénat américain, du Secrétaire d'Etat (Ministre des Affaires étrangères) nommé par un Président vieillissant, inspiré par Franklin D. Roosevelt. Le titre en français : Tempête à Washington. Ce film est à la fois passionnant et juste dans sa description des régles du Parlement américain. Avec Henry Fonda, Charles Laughton, Walter Pidgeon.

-Flamme de mon amour, de Mizoguchi Kenji (fin des années 40). Une merveille. Film féministe comme peu de réalisateurs osent en tourner aujourd'hui. A voir absolument pour se convaincre que l'art (la beauté des plans) n'est pas nécessairement compromis par les bons sentiments.

-Le Soleil, d'Andreï Sokourov. Après Hitler et Lénine, Sokourov poursuit son travail sur les "personnages historiques". Il s'agit ici de l'empereur Hiro-Hito, confronté à la défaite de son pays à l'été 1945, et contraint de renoncer à son titre de Dieu vivant. Le pouvoir manipulé, l'isolement, la fascination qu'exerce l'empire, tout est représenté avec un austère raffinement, dans le silence ou le chuchotement. Le film est sorti cette année, une salle le donne encore à Paris.

L'absence de festival du film politique, mêlant projections de films anciens et sorties à venir, est donc regrettable. Je dépose l'idée dans la besace des élus locaux soucieux de dynamiser leur commune!

David Valence