Cinéma et politique
Par David Valence le mercredi, août 30 2006, 07:50 - Lien permanent
A quand un festival du film politique?
La politique, dans ses processus (débats parlementaires, votes, élaboration des programmes) comme dans ses modalités (militantisme, engagement) est peu présente sur grand écran. Ou plutôt, la fiction cinématographique abandonne ce champ aux reportages -type Le Cauchemar de Darwin- ou aux portraits-charges -Dans la peau de Jacques Chirac-.
Certes, les figures de l'élu-local-redresseur-de-torts et du président-entouré-de-conseillers-avisés envahissent la télévision : dans les séries franchouillardes du samedi soir sur France 3 ; dans les feuilletons américains de TF1 ou France 2.
Mais il est très rare que le cinéma contemporain occidental dépeigne la politique en train de se faire. Comme si le dégoût du politique, qui frappe de nombreux citoyens, affectait également les cinéastes.
Il faut reconnaître à Arte le mérite d'avoir tenté de remédier à cet état de fait : il y a quelques années, la chaîne franco-allemande avait passé commande de (vrais) films sur le clivage droite/gauche à plusieurs réalisateurs français. Dans mon souvenir, hormis un volet portant sur les années Mitterrand, le résultat était mitigé.
Pourtant, le film politique est en genre passionnant en soi. Parce que la politique ne manque pas de ressources romanesques ; parce que la description d'un engagement permet de provoquer l'émotion du spectateur en évitant le pathos et le sentimental , comme l'a enfin compris Ken Loach (Le vent se lève) ; parce que la comédie du pouvoir se prête aussi à des satires féroces et jouissives.
Trois exemples :
-Advise and consent, d'Otto Preminger. Le film date du début des années 60, ou de la fin des années 50, je ne sais plus. Tourné en Scope (Preminger est le Prince de ce format), le film décrit l'examen (une enquête) par le Sénat américain, du Secrétaire d'Etat (Ministre des Affaires étrangères) nommé par un Président vieillissant, inspiré par Franklin D. Roosevelt. Le titre en français : Tempête à Washington. Ce film est à la fois passionnant et juste dans sa description des régles du Parlement américain. Avec Henry Fonda, Charles Laughton, Walter Pidgeon.
-Flamme de mon amour, de Mizoguchi Kenji (fin des années 40). Une merveille. Film féministe comme peu de réalisateurs osent en tourner aujourd'hui. A voir absolument pour se convaincre que l'art (la beauté des plans) n'est pas nécessairement compromis par les bons sentiments.
-Le Soleil, d'Andreï Sokourov. Après Hitler et Lénine, Sokourov poursuit son travail sur les "personnages historiques". Il s'agit ici de l'empereur Hiro-Hito, confronté à la défaite de son pays à l'été 1945, et contraint de renoncer à son titre de Dieu vivant. Le pouvoir manipulé, l'isolement, la fascination qu'exerce l'empire, tout est représenté avec un austère raffinement, dans le silence ou le chuchotement. Le film est sorti cette année, une salle le donne encore à Paris.
L'absence de festival du film politique, mêlant projections de films anciens et sorties à venir, est donc regrettable. Je dépose l'idée dans la besace des élus locaux soucieux de dynamiser leur commune!
David Valence
Commentaires
perso, j'aime bien ce que les américains ont fait, version télé, sur les arcanes du pouvoir. ça s'appelle " à la maison blanche" en VF, ou "the west wing" pour les amateurs. C'est très bien fait, et exigeant sur le respect de la réalité du fonctionnement des institutions et sur les sujets abordés. Comme les américains savent si bein le faire (si si ...), il y a un juste dosage entre le récit et la personnalité des personnages. Peux t-on envisager cela en France ?? A essayer ...
Ouais... Le problème des séries, c'est la façon dont elles sont filmées : plans ultracourts, dialogues survitaminés, bavardages... Peu de silences, de surprises, de plans-séquences : peu de cinéma.
Sur grand écran, Good night and good luck, de G. Clooney, s'inspirait de ces recettes de télé ; trop calibré et conventionnel, le film ne tenait pas la route.
Pour ma part, je pense qu'on peut dire plus de choses au cinéma qu' à la télé. DV.
+ de fond au cinéma sans doute, et une démarche artistique plus exigeante bien sûr, mais pour la pédagogie, la télé est plus efficace.
Excellente idée, David, à proposer aux cinémas d'art et d'essai. Il conviendrait d'ajouter le documentaire (Raymond Depardon, par exemple).
Il y a eu Le Promeneur du Champ de Mars récemment également.
Sauf que Le Promeneur du Champ de Mars ne disait sur le politique en tant que telle.
Le manque de réalisme m'en avait frappé : Mitterrand y apparaissait presque toujours seul, même dans ses déplacements ; or, si le pouvoir isole terriblement, ce souverain-là aima à s'entourer d'une cour de fidèles -une camarilla diraient les mauvaises langues-, jusqu'aux dernières heures.
Mais je veux bien reconnaître la qualité du jeu de Michel Bouquet dans ce film.
Cher Monsieur,
Pour répondre à votre question "A quand un festival du film politique?", je vous dit en 2008 !
En effet, je suis président d'une institution où l'on organise le "INTERNATIONAL FESTIVAL OF THE POLITICAL FILM" mais peut-être en vous décevant puisqu'il ne s'organisera pas en France mais en Belgique, à Tournai (5min de Lille). Si vous désirez participer à notre projet vous êtes le bienvenu...
Je vous révèle déja le nom d'un réalisateur qui nous à confirmé sa venue, il s'agit de ------> Michael Moore !!
Je reste à votre disposition.
Laurent Boschloos
boschloos@gmail.com
info.caps@gmail.com
Cher Monsieur,
La Belgique n'est jamais décevante, puisqu'elle est toujours surprenante. Je me réjouis que vous montiez un tel projet, et vous contacterai dans les jours qui viennent!
preminger est le prince de ce format ! précision importnate pour la compréhension ;) merci pour cé billet, c'est toujours un plaisirde vous lire, bye bye