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<TITRE> PIERRE D’AILLY (1351-1420)

<TEXTE> PrĂ©lat français fort influent de son temps et auteur 

universitaire prolixe. NĂ© Ă  CompiĂšgne en 1351 dans une famille 

bourgeoise aisĂ©e (son pĂšre Ă©tait un boucher prospĂšre), Pierre d’Ailly 

Ă©tudie Ă  Paris au CollĂšge de Navarre Ă  partir de 1364 et devient 

maĂźtre en thĂ©ologie en 1381, puis recteur du collĂšge en 1384. Il 

devient aumĂŽnier du roi Charles VI en 1389 et, la mĂȘme annĂ©e, il est 

nommĂ© chancelier de l’universitĂ© de Paris. Il est alors le maĂźtre de 

Jean Gerson qui sera son disciple prĂ©fĂ©rĂ© et deviendra son ami et 

successeur en tant que chancelier de l’universitĂ©. Ayant pris le parti 

du pape d’Avignon BenoĂźt XIII (dans le contexte du Grand Schisme 

d’Occident), ce dernier le nomme Ă©vĂȘque du Puy (1395) et de 

Cambrai (1397). Intervenant dans le conflit entre les Bourguignons 

et les Armagnacs, il s’attire l’hostilitĂ© des premiers qui lui interdiront 

l’accĂšs de la capitale lorsqu’ils s’en empareront (en la dĂ©vastant) en 

1418. NommĂ© cardinal en 1411 par l’anti-pape Jean XXIII, puis 

lĂ©gat pontifical en Allemagne (1413), il n’hĂ©site cependant pas Ă  

abandonner son protecteur lors du concile de Constance (1414-1418) 

au cours duquel il joue un rĂŽle capital en favorisant la nomination de 

Martin V (qui rĂ©tablit l’unitĂ© de l’Eglise)   e t   e n   o b t e n a n t   l a  

condamnation de Jean Hus (dont la doctrine lui semble menacer 

autant l’Eglise que la sociĂ©tĂ© civile). En 1418, le nouveau pape 

l’envoie en Avignon pour y ĂȘtre lĂ©gat pontifical. Il y meurt le 9 aoĂ»t 

1420.

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Si l’importance de Pierre d’Ailly est incontestable dans l’histoire 

de son siĂšcle, elle l’est peut-ĂȘtre un peu moins dans celle de la 

philosophie (ce constat n’est sans doute pas dĂ©finitif car son Ɠuvre 

Ă©norme est encore mal Ă©ditĂ©e et donc mal connue). Ecrivain 

infatigable, on ne lui attribue pas moins de 174 Ɠuvres (livres, 

traitĂ©s, lettres, sermons, couvrant une grande variĂ©tĂ© de sujets). Sur 

le plan philosophique et thĂ©ologique, Pierre d’Ailly est un 

reprĂ©sentant du nominalisme ockhamiste de l’universitĂ© de Paris du 

XIVe siĂšcle. Son ouvrage le plus intĂ©ressant dans ce domaine est son 

commentaire des Sentences de Pierre Lombard (Quaestiones super 

Sententias) dans lequel il soumet les dogmes de la foi Ă  une analyse 

logique, en s’appuyant notamment sur ses prĂ©dĂ©cesseurs Guillaume 

d’Ockham, Jean de Mirecourt et GrĂ©goire de Rimini. Il y reprend la 

distinction entre la puissance absolue de Dieu (uniquement limitĂ©e 

par le principe de non-contradiction) et sa puissance ordonnĂ©e 

(conforme Ă  l’ordre du monde voulu par lui). Aussi y a-t-il des 

Ă©vidences absolues, qui sont en petit nombre, et des Ă©vidences 

conditionnĂ©es, qui sont toujours soumises Ă  la possible intervention 

de la puissance divine absolue. Parmi les Ɠuvres philosophiques de 

Pierre d’Ailly, citons encore le Tractatus de anima. Cependant, la 

plus grande partie de ses Ă©crits est relative au Grand Schisme et Ă  la 

rĂ©forme de l’Eglise (comme le Tractatus de materia concilii 

generatis et le Tractatus de reformatione Ecclesiae, etc
) . Il s’y 

montre partisan de la primautĂ© du concile sur le pape. Pierre d’Ailly 

est aussi l’auteur de plusieurs Ă©crits de vulgarisation scientifique 

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(essentiellement de cosmographie), parmi lesquels son cĂ©lĂšbre 

ouvrage gĂ©ographique et encyclopĂ©dique (dans la tradition de ceux 

d’Honorius Augustodunensis et de Gossuin de Metz), l’Imago mundi

(vers 1410), qui lui a valu sa renommĂ©e en raison du rĂŽle jouĂ© dans 

la dĂ©couverte du Nouveau Monde : Christophe Colomb en possĂ©dait 

en effet un exemplaire qu’il annota consciencieusement. D’autre 

part, Ă  la diffĂ©rence de son maĂźtre Nicole Oresme et de son Ă©lĂšve 

Jean Gerson, Pierre d’Ailly Ă©tait persuadĂ© de l’influence astrale sur 

le cours des Ă©vĂšnements. Il s’appuya sur la thĂ©orie des grandes 

conjonctions pour montrer l’accord entre l’astrologie et l’histoire 

d’une part, et entre l’ astrologie et la thĂ©ologie d’autre part. 

L’interprĂ©tation de certains passages de ses Ă©crits astrologiques 

valurent Ă  Pierre d’Ailly d’ĂȘtre prĂ©sentĂ© par certains auteurs comme 

ayant annoncĂ© la RĂ©forme luthĂ©rienne ou la RĂ©volution française. Il 

s’intĂ©ressa aussi Ă  la rĂ©forme du calendrier julien. On possĂšde encore 

de lui des lettres, des sermons (en latin et en français), ainsi que 

quelques Ɠuvres poĂ©tiques en français.

<BIBLIOGRAPHIE> 

●  

Salembier L., Petrus de Alliaco, 

Lille, 1886. [thĂšse latine ; liste des Ć“uvres de Pierre d’Ailly, ni 
exhaustive ni critique, mais non remplacĂ©e] â€” Ymago Mundi de 
Pierre d’Ailly : Texte latin et traduction française des quatre traitĂ©s 
cosmographiques de d’Ailly et des notes marginales de Christophe 
Colomb. Etude sur les sources de l’auteur, 3 vol., Ă©d. B. Buron, 
Paris, Maisonneuve FrĂšres, 1930.

—

Petrus de Alliarco : 

Quaestiones super libros Sententiarum cum quibusdam in fine 
adiunctis, Strasbourg, 1490 ; reprint Francfort, Minerva, 1968. â€” le 
TraĂźtĂ© de l’ñme dans O. Pluta, Die philosophische Psychologie des 
Peter von Ailly
 1987 (voir ci-dessous). â€” Le traitĂ© de Pierre 
d’Ailly sur la Consolation de BoĂšce, Qu. 1. Édition et Ă©tude 
critiques, Ă©d. M. Chappuis, Amsterdam/Philadelphia, B.R. GrĂŒner 
« Bochumer Studien zur Philosophie Â», 20, 1993. â€” Destructiones 
modorum significandi, Ă©d. L. Kaczmarek, Amsterdam/Philadelphia, 
B.R. GrĂŒner Â« Bochumer Studien zur Philosophie Â» ,   9 ,   1994. 

â–ș 

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Gandillac M. de, Usage et valeur des arguments probables chez 
Pierre d’Ailly, Archives d’histoire doctrinale et littĂ©raire du Moyen 
Age, 1933, n° 8, p. 43-91. â€” Oakley F., The Political Thought of 
Pierre d’Ailly : The Voluntarist Tradition,   N e w   H a v e n ,   Yale 
University Press, 1964. â€” Quillet J., Les doctrines politiques du 
cardinal Pierre d’Ailly, Antiqui und Moderni. Traditionsbewußtsein 
und Fortschrittsbewußtsein im spĂ€ten Mittelalter ,   Ă© d .   A. 
Zimmermann, Berlin, De Gruyter, 1974, p. 345-358. â€” MaierĂč A., 
Logique et thĂ©ologie trinitaire : Pierre d’Ailly, Preuves et raisons Ă  
l’UniversitĂ© de Paris, Logique, ontologie et thĂ©ologie au XIVĂš siĂšcle, 
Ă©d. Z. Kaluza et P. Vignaux, Paris, Vrin, 1984, p. 253-268. â€”
Chappuis M., Kaczmarek L., et Pluta O., Die philosophischen 
Schriften des Peter von Ailly. AuthentizitĂ€t und Chronologie, 
Freiburger Zeitschrift fĂŒr Philosophie und Theologie, 1986, n° 33, p. 
593-615. â€” Kennedy L.A., Peter of Ailly and the Harvest of the 
Fourteenth-Century Philosophy, Lewiston, Mellen Press, 1986. â€”
GuenĂ©e B., Entre l’Église et l’État, Quatre vie de prĂ©lats français de 
la fin du Moyen Âge, Paris, Gallimard « BibliothĂšque des histoires Â», 
1987, p. 125-299 (riche bibliographie, p. 442-447, et notes, p. 461-
477). â€” Pluta O., Die philosophische Psychologie des Peter von 
Ailly. Ein Beitrag zur Geschichte der Philosophie des spĂ€ten 
Mittelalters, Amsterdam, B.R. GrĂŒner Â« Bochumer Studien zur 
Philosophie Â», 6, 1987. â€” Ouy G., Pierre d’Ailly, Dictionnaire des 
lettres françaises, Le Moyen Ă‚ge, Ă©dition entiĂšrement revue et mise Ă  
jour G. Hasenohr et M. Zink (ss la dir.) Paris, Le Livre de Poche, 
« La PochothĂšque Â», 1992, p. 1155-1158. [bibliographie] â€” Biard J., 
PrĂ©sence et reprĂ©sentation chez Pierre d’Ailly. Quelques problĂšmes 
de la thĂ©orie de la connaissance au XIVe siĂšcle, Dialogue, 1992, n° 
31/3, p. 459-474. â€” Smoller L.A., Prophecy, and the Stars : The 
Christian Astrology of Pierre d’Ailly, 1350-1420, Princeton, 
Princeton University Press, 1994.

<SIGNATURE> BenoĂźt BEYER de RYKE