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FORUM RESTRUCTURATIONS ET EMPLOI
Bruxelles, le 23 Juin 2005
Document coordonné et préparé par Valérie Rouxel-Laxton (EMPL/A/1)
2
I. LES "RESTRUCTURATIONS" : DE QUOI PARLE-T-ON?
Qu'en est-il des effets sur l'emploi?
LES RESTRUCTURATIONS PRENNENT DES VISAGES DIVERS
II.2. Restructurations intrasectorielles
III. Quels sont les déclencheurs des restructurations?
QUESTIONS METHODOLOGIQUES ET PISTES DE TRAVAIL A VENIR
3
4
INTRODUCTION
Destiné à alimenter les réflexions de la session de lancement du Forum
"Restructurations", établi conformément à la Communication de la Commission
"Restructurations et emploi – anticiper et accompagner les restructurations pour
développer l'emploi : le rôle de l'Union européenne"
1
, ce texte présente les principaux
éléments disponibles sur les implications des restructurations en termes d'emploi, dans
une perspective analytique.
La Communication de la Commission s'intègre dans la nouvelle stratégie de Lisbonne et
vise à développer une gestion du changement plus anticipative et plus efficace, tant du
point de vue économique que social. La question des restructurations est très importante
dans un objectif de croissance plus forte et de création d'emplois meilleurs et plus
nombreux. Les restructurations permettent à des sociétés de s'adapter aux mutations
économiques et de maintenir leur compétitivité sur les marchés, ce qui peut à son tour
mener à une meilleure croissance et à de nouveaux emplois. En même temps, les
restructurations peuvent être économiquement et socialement coûteuses.
Une meilleure analyse du phénomène est nécessaire afin d'assurer que les impacts
sociaux négatifs soient minimisés et que les restructurations puissent s'opérer dans des
conditions de gestion économique et politique appropriées.
La phase d'accélération actuelle du phénomène des restructurations est notamment due à
trois éléments: le contexte interne de relatif ralentissement économique dans l'UE rendant
les conditions générales d'emploi relativement défavorables, le contexte externe de
croissance forte dans certains pays émergents et la prise de conscience que – plus que par
le passé - les restructurations affectent potentiellement tous les secteurs et toutes les
qualifications.
1
Communication 'Restructuration et Emploi', COM (2005) 120 final, adoptée le 31 mars 2005.
5
I. LES "RESTRUCTURATIONS" : DE QUOI PARLE-T-ON?
Perception et phénomène
Les restructurations d'entreprises sont souvent perçues en Europe comme un phénomène
menaçant et leurs effets immédiats sur l'emploi ou les conditions de travail sont mis en
cause. Cette perception peut conduire à la résignation et à la résistance face au
changement et à l'innovation. Les restructurations sont pourtant loin d'être univoques:
leurs déterminants et les formes qu'elles revêtent sont de toute évidence plus nuancés et
complexes que ne le laisse entendre le débat public et, à terme, elles apparaissent comme
une condition nécessaire au développement économique et social.
La réorganisation/transformation d'une activité peut impliquer un changement
d'organisation, l'introduction de nouvelles méthodes de travail ou processus de
fabrication, le transfert de tout ou partie de la production, une augmentation ou une
réduction d'effectifs, la fermeture d'un établissement, la création ou la disparition d'une
entité juridique ou encore une fusion ou acquisition. Le marché du travail est affecté par
ces réorganisations et son bon fonctionnement est essentiel pour assurer les transitions
d'un type d'emploi, d'un secteur, d'une fonction vers une autre de façon satisfaisante pour
les travailleurs, les entreprises et les territoires.
Une économie dynamique se restructure en permanence. Il s'agit pour les entrepreneurs
d'optimiser leurs choix d'investissement et d'orientation stratégique, et en même temps,
d'en maîtriser les conséquences, notamment en termes d'emploi ou d'organisation de
l'activité. Il s'agit pour les individus d'être en mesure de prendre part de façon positive et
de s'adapter à ces changements. Il s'agit pour l'ensemble des parties prenantes d'être
acteurs du changement, au travers de l'anticipation, de l'accompagnement et du
partenariat.
Les restructurations peuvent se concevoir à plusieurs niveaux: entre grands secteurs
2
, à
l'intérieur même de chaque secteur, ainsi qu'à l'échelle de l'entreprise comme décrit ci-
après. L'analyse qui suit permet d'identifier les principaux "déclencheurs" des
restructurations et leurs conséquences.
I.1.
Le contexte économique
Les restructurations, tant au niveau de secteurs entiers (secteur public
3
ou secteur privé)
qu'au niveau des entreprises, relèvent de mécanismes complexes.
Les processus de restructuration sont au cœur de la transformation constante de nos
économies et sociétés et participent d'une
transformation interne
, dont les moteurs sont
par exemple le progrès technique et l'évolution de la demande des ménages. Cette
dernière, qui se porte de plus en plus vers des biens et services intenses en travail qualifié
2
Restructurations intersectorielles, entre agriculture, industrie et services; ce type de restructurations s'est
déjà largement produit en Europe occidentale, même si les proportions d'emplois dans chaque secteur
peuvent varier de manière substantielle. En revanche, les pays d'Europe Centrale et Orientale continuent à
mettre en œuvre ce type de restructurations.
3
Il est à noter que la restructuration de(s) services publics et du secteur public dans certains Etats Membres
est non négligeable et qu'elle entraîne des problèmes spécifiques dus à la nature de ces services et à
l'histoire des relations industrielles.
6
au détriment des biens incorporant une forte proportion de travail non qualifié, explique
plus de la moitié du déclin de l'emploi non qualifié des pays industrialisés
4
.
De manière générale, les restructurations peuvent être causées par les évolutions du cycle
économique, des changements technologiques majeurs, des modifications de la demande,
une concurrence internationale accrue, une évolution du cadre règlementaire, des
changements dans la composition de la main d'œuvre ou dans sa qualification. Ces
modifications des conditions d'offre et de demande apparaissent souvent de manière
concomitante
.
Du fait de la plus grande intégration des économies, de l'utilisation généralisée des
technologies de l'information et de la communication (TIC), ainsi que des évolutions de
la logistique, les changements sont susceptibles de s'accélérer,
rendant nécessaire une
plus grande vitesse d'ajustement
.
En matière d'intégration des économies, le volume des échanges internationaux de biens
et surtout de services s'est accru pendant les années 1990-2000
5
et le commerce mondial
a cru plus rapidement que le PIB pendant cette décennie. Cette plus grande ouverture de
nos économies entraîne de nouvelles opportunités à saisir (nouveaux marchés et
nouveaux produits à développer), et aussi une augmentation de la pression
concurrentielle: le nombre de concurrents s'accroît et la diversité des produits ou services
offerts augmente, amplifiant la pression sur les prix relatifs.
L'investissement direct à l'étranger (IDE) est un vecteur additionnel de la restructuration
économique. Dans les nouveaux Etats Membres, les IDE ont fortement contribué aux
transformations économiques et restructurations. Au niveau mondial, une accélération est
à prévoir avec l'ouverture à de grands pays jusqu'ici relativement peu impliqués dans
l'échange international, comme par exemple la Chine, l'Inde et le Brésil. La relocalisation
de certaines activités forme une nouvelle géographie industrielle, conduite par les
changements de spécialisation. Les évolutions récentes en termes de croissance
économique et d'emploi augurent d'une diffusion de nouvelles méthodes de production et
d'habitudes de consommation différentes dans ces nouveaux pays et donc d'une
modification de la division mondiale de la production et du travail. Ces modifications du
contexte international sont rendues plus contraignantes du fait du vieillissement de la
population européenne, qui aura pour effet une diminution relative de la force de travail
dans les années à venir, ce qui rend nécessaire une réflexion sur notre stratégie
d'activation du potentiel démographique, sur l'augmentation des taux d'activité et sur le
rôle des migrations.
I.2.
Qu'en est-il des effets sur l'emploi?
En matière d'emploi, les effets des restructurations touchent potentiellement tous les
travailleurs, toutes les entreprises et tous les territoires, de manière négative ou positive.
A
court terme
, ces changements substantiels ont un effet sur l'emploi qui est en général
négatif, localisé, concentré sur un certain groupe de travailleurs, et à
long terme
, l'effet
dominant est positif mais diffus, le tout passant par une transformation des structures et
des qualifications qui requiert du temps.
4
Goux et Maurin (1997) : Le déclin de la demande de travail non qualifié, une méthode d’analyse
empirique et son application au cas de la France, Revue Economique, 48(5), 1091-1114.
5
Reference: OECD, Eurostat,
Emploi en Europe
2004, Commission Européenne, DG Emploi.
7
Les restructurations peuvent entraîner des destructions directes d'emplois dans le cas de
réduction ou de cessation d'activités. Les restructurations peuvent aussi entraîner des
créations d'emplois dans la mesure où elles génèrent ou développent des activités; les
restructurations sont alors une source d'opportunités. Ces deux effets opposés peuvent
d'ailleurs être présents, d'une manière concomitante ou différée, dans une même
opération de restructuration. Les restructurations entraînent enfin une transformation de
l'emploi, par les changements (qualitatifs) intervenant dans la nature, l'organisation et les
conditions du travail.
Les évolutions récentes de l'emploi en Europe (1998-2003) illustrées dans le tableau ci-
dessous suggèrent une croissance de l'emploi, notamment dans les secteurs industriels et
de services, soulignant les potentielles complémentarités de ces deux types d'activités
6
.
Évolution de l'emploi en Europe, 1998-2003
UE25 UE15
Taux d'emploi 2003 (en %)
62,8
64,2
dans l'industrie
18,1
18,1
dans les services
41,2
43,4
dans les services aux entreprises
5,4
5,9
dans l'enseignement
6,9
6,9
Croissance de l'emploi entre 1998 et 2003 (en %)
4,9
6,4
dans l'industrie
:
0,8
dans les services
:
9,6
dans les services aux entreprises
:
25,1
dans l'enseignement
:
7,6
Sources: Eurostat, chiffres tirés du rapport Emploi en Europe 2004.
Répartition de la population active par secteurs
0
10
20
30
40
50
60
70
80
1950
1960
1970
1980
1990
2000
agriculture
industrie
services
Source: données du BIT/ILO Genève, base de données Laborsta
6
Emploi en Europe 2004, chapitre 3:
par comparaison avec les Etats-Unis, qui ont connu une forte
diminution de l'emploi industriel, l'Europe les maintient et dans certains pays, l'emploi industriel continue à
augmenter légèrement.
8
Globalement, l'Europe continue à créer des emplois: 30 millions nets au cours des 25
dernières années (1977-2002) avec un gain de plus de 44 millions dans les services, une
perte d'au moins 7 millions dans l'industrie et une perte de 7,5 millions dans l'agriculture.
Au cours de la même période, la production industrielle a augmenté de 40%. L'emploi
dans le secteur des services a augmenté dans les 20 dernières années, employant 2
personnes sur 3 en 2003 et l'emploi dans le secteur des services aux entreprises a
augmenté de 25% dans les cinq dernières années.
Nous n’assistons pas à la fin du travail en Europe, mais à la recomposition permanente
du tissu industriel et des emplois. En moyenne, chaque année, 10 % des entreprises
disparaissent et la même proportion voit le jour (un salarié sur trois travaille dans une
entreprise de moins de dix ans). Chaque année, environ 15 % du total des emplois, soit
plusieurs millions, sont détruits, et autant sont créés. Ce mouvement de création et de
destruction d'emplois représente chaque jour dans chacun des Etats Membres une
moyenne de 5 à 15 000 emplois. Comparé à ces mouvements bruts, l’effet net (créations
ou destructions nettes d'emplois), pourtant crucial, est un solde précaire : en moyenne
annuelle, depuis 1970, les destructions représentent 15 % des emplois et les créations
15,5 %
7
.
Malgré les créations nettes d'emploi, le chômage reste une réalité inacceptable. Le
problème relève de notre incapacité à profiter des gains de productivité dans certaines
activités pour créer plus d’emplois dans d'autres activités, notamment les services : si
l'Europe avait autant d’emplois par habitant que les Etats-Unis dans le commerce,
l’hôtellerie et la restauration, les services dits de proximité à développer, elle compterait
plusieurs millions d’emplois en plus, sachant cependant que nombre de ces activités
concentrent une proportion de travailleurs peu qualifiés et sont moins rémunératrices. De
plus, il s'agit pour la plupart d'activités non transférables, sur lesquelles la concurrence
étrangère n'a que peu de prise. Les professions de santé et d'éducation sont celles pour
lesquelles les Etats-Unis créent beaucoup plus d'emplois que l'Europe, elles représentent
un potentiel de création d'emplois
8
.
Le passage des travailleurs d'un secteur dans un autre ou d'un métier (ou profil
professionnel) vers un autre ne se fait pas 'automatiquement'. Les nouveaux emplois
créés ne trouvent pas toujours preneur chez les personnes qui sont licenciées par les
entreprises qui ferment, car les qualifications requises ne sont pas nécessairement les
mêmes dans les nouveaux emplois vacants. De plus, le délai pour retrouver un emploi
peut être plus ou moins long et la localisation des nouveaux emplois n'est pas toujours la
même que celle des emplois détruits. L'Europe crée donc des emplois chaque jour, mais,
pour pouvoir en faire bénéficier les nouveaux entrants et ceux qui sont affectés par les
restructurations, il faut améliorer le fonctionnement du marché du travail, renforcer les
politiques actives pour l'emploi, anticiper les changements et rendre disponibles des
mécanismes qui facilitent les transitions professionnelles.
A
moyen et long termes
9
, ces mutations économiques ont permis l'évolution de l'outil
productif, la diversification des services et le développement d'activités nouvelles,
favorisant le dynamisme économique. Ces modifications, dont plusieurs types peuvent
7
Cahuc P., Zylberberg A. (2004),
Le chômage, fatalité ou nécessité?; Emploi en Europe 2004, chapitre 5.
8
Emploi en Europe
2004.
9
'Analysis of Analyses' (reference: SEC(2004)690), les gains de productivité ont un impact négatif sur
l'emploi seulement à court terme.
9
avoir lieu
simultanément
, ont un impact sur la quantité et la qualité du travail utilisé. La
quantité, par la nouvelle répartition des travailleurs à travers les activités productives et
les services; la qualité, dans la mesure où la tendance pour l'Europe est d'aller vers des
emplois de meilleure qualité et plus productifs, pour certains secteurs, d'autres secteurs
souffrant de déqualification de la main d'œuvre. Entre 1998 et 2003, l'Europe (EU15) a
connu des taux de croissance de l'emploi des trois catégories de travailleurs (à
qualifications basses +2.2%, intermédiaires +14.2% et élevées +25.1%). Par contre la
part des travailleurs à faibles qualifications dans l'emploi total a diminué. L'organisation
du travail évolue du fait des restructurations, et au niveau individuel la nature du travail
peut être modifiée sensiblement.
Bien souvent, les restructurations sont nécessaires au maintien d'une activité et le défaut
de restructuration aurait un impact négatif sur l'emploi. En effet, il est possible qu'en cas
d'absence de restructuration, l'entreprise périclite, et que dès lors, l'impact sur l'emploi
soit négatif. Dans certains cas, le manque de restructuration empêche l'entreprise de se
développer davantage, ce qui pourrait potentiellement entraîner des créations d'emplois.
Afin de mieux anticiper ces transformations et d'être capable d'y apporter les solutions
adéquates, il s'agit de concentrer nos efforts sur la compréhension des phénomènes de
restructuration qui ont potentiellement un effet sur l'emploi.
10
II.
LES RESTRUCTURATIONS PRENNENT DES VISAGES DIVERS
Les effets économiques et sociaux des restructurations se font sentir au niveau des
entreprises et des bassins d'emploi, qui peuvent s'avérer plus ou moins aptes à développer
de nouvelles activités, à permettre l'évolution des compétences et à reclasser les salariés
concernés. Cependant, ces phénomènes s'intègrent
toujours
dans des mouvements plus
larges qui traversent l'ensemble d'une économie ou d'un secteur. Il est important de situer
les évolutions au niveau de l'entreprise dans leur contexte.
II.1. Restructurations
intersectorielles
Un premier niveau de restructuration concerne les restructurations
entre grands secteurs
(agriculture, industries, services) ou restructurations intersectorielles. Ces grandes
tendances tour à tour identifiées par les termes "désagrarianisation"',
"désindustrialisation" et "tertiarisation" (en termes relatifs) ont été largement visibles
dans les pays de l'Europe occidentale et ce type de restructuration continue à s'opérer
largement dans les nouveaux Etats Membres d'Europe Centrale et Orientale, dits en
"transition". Les conséquences sur l'emploi de ce type de restructurations sont les
suivantes: dans un premier temps, le chômage augmente car le nombre d'emplois détruits
excède le nombre d'emplois créés, puis la force de travail est progressivement réabsorbée
dans le ou les secteurs en expansion
10
, aboutissant à une nouvelle répartition des emplois
dans les secteurs.
Dans l'Union Européenne, la transformation d'une économie industrielle à une économie
davantage tournée vers les services a pris des dizaines d'années, au cours desquelles le
taux d'emploi global a continué à augmenter. Des millions d'emplois ont été créés dans le
secteur des services, et détruits dans les secteurs manufacturiers et agricoles; on observe
une stabilisation de la proportion d'emplois dans l'industrie (autour de 25% du total, 71%
dans les services).
L’analyse menée par la Commission indique néanmoins qu’il n’existe pas de preuve d’un
processus généralisé de désindustrialisation. En revanche, l’industrie européenne fait face
à un processus de mutation structurelle qui est généralement bénéfique et qui doit être
encouragé, notamment par des politiques qui facilitent la création et l’utilisation de la
connaissance.
L'Europe conserve donc une base industrielle forte, qui génère elle-même de nouvelles
activités de services – on observe ainsi de fortes complémentarités entre l'industrie et les
services, et notamment une corrélation positive entre la croissance de l'emploi dans ces
deux secteurs
11
.
Cependant ces processus de grande amplitude prennent du temps et peuvent
s'accompagner de risques pour la cohésion sociale au sens large, tels que la modification
des équilibres régionaux, la précarisation de certains groupes de populations ne disposant
pas des moyens nécessaires à la mobilité fonctionnelle ou géographique, la segmentation
et la déqualification de certaines parties de la main d'œuvre potentielle.
10
http://europa.eu.int/comm/employment_social/employment_analysis/restruct_sem_en.htm
, analyses du
Vienna Institute for International Studies (WiiW), sur l'impact des restructurations et des changements
économiques dans les nouveaux Etats Membres de l'Union Européenne (élargissement de Mai 2004).
11
Emploi en Europe 2004, chapitre 3, Commission Européenne.
11
Dans les pays en transition les créations d'emplois nouveaux ne sont pas encore
suffisantes pour absorber les pertes
12
. En outre, au phénomène de restructurations, se
surimpose le passage d'une économie centralement planifiée à une économie de marché
entraînant la "privatisation" des anciennes structures économiques et la création pure et
simple de nouvelles fonctions (comme le marketing et les services aux entreprises).
Ainsi, l'ampleur et la rapidité du changement sont très importantes dans les nouveaux
Etats Membres, nécessitant des réponses à leur mesure.
II.2. Restructurations
intrasectorielles
S'il y a un mouvement général de l'industrie vers les services et des secteurs industriels
en recul vers les plus dynamiques, l'essentiel de ce déversement se fait d'abord à
l'intérieur des différents secteurs; le déversement de secteur à secteur est marginal par
rapport aux modifications internes aux secteurs d'activité. Un deuxième grand niveau de
restructuration concerne donc les évolutions intra-sectorielles,
à l'intérieur de chaque
secteur
ou qui en modifient les contours.
Des emplois plus qualifiés et de meilleure qualité peuvent résulter de restructurations qui
sont le fruit d'améliorations technologiques et d'une tendance à l'augmentation de la
valeur ajoutée des produits. En cas de changement ou perte d'emploi dans un secteur et
de changement de secteur, le salaire peut varier fortement, et les implications en termes
de qualification, dé-qualification ou re-qualification sont beaucoup plus importantes.
Jusqu'à une période récente, les travailleurs touchés par ce type de restructurations étaient
surtout les moins qualifiés. Désormais, les travailleurs qualifiés ressentent également la
concurrence et la pression sur leurs emplois. En effet, la concurrence des pays émergents
s'opère sur des segments de marché de plus en plus variés
13
.
II.3.
Restructurations au niveau des entreprises
Un troisième niveau de restructuration est celui des
entreprises
où s'opèrent les
différents types de restructurations (mutations de processus de production, externalisation
d'activités, délocalisations, fermeture de sites, réduction d'effectifs, fusions/acquisitions,
etc.)
14
. La réorganisation de la production au niveau des entreprises fait partie intégrante
de la stratégie des firmes, nationale ou internationale, et de leur intégration sur le
segment de marché
15
qui les concerne. Les principaux déclencheurs entraînant des
restructurations sont présentés ci-après.
12
Pour atteindre un taux d'emploi moyen dans les services avoisinant la moyenne européenne, les
nouveaux Etats membres devraient augmenter d'un tiers le taux d'emploi dans les services, soit combler
actuellement un différentiel de 9 millions d'emplois.
13
CEPII (2004) – rapport pour la DG Entreprise.
14
L'entreprise est le lieu où, dans la plupart des cas, les restructurations de tous types, y compris les
intersectorielles et intrasectorielles, se matérialisent. On se réfère ici à des restructurations touchant une
entreprise d'une façon isolée et qui ne s'encadrent pas directement dans les grands mouvements de
renouvellement économique d'une amplitude plus large. La distinction est, néanmoins, relativement
artificielle.
15
Pour plus de détails, voir Emploi en Europe 2004, Commission Européenne, chapitre 5, pp. 214 et
suivantes.
12
Perspective régionale:
Il est important de souligner que les effets régionaux / localisés très prononcés (même si
au niveau national ou à long terme ces effets sont diffus) peuvent être, dans les cas de
restructurations massives, une justification pour la politique régionale dite de cohésion.
Rover et la désindustrialisation
Au Royaume-Uni, l'industrie automobile, fabrication de pièces détachées comprise, emploie directement
69 000 personnes, la distribution automobile 53 000 personnes, et les secteurs de fabrication connexes
118 000 personnes. Entre 1971 et 2003, le nombre d'emplois dans le secteur de la fabrication de véhicules
et de moteurs est passé de 146 000 à 61 748, et avant même la crise qui a touché Rover, Cambridge
Econometrics avait pronostiqué que ce chiffre tomberait à 50 000 emplois. Avant Rover, d'autres
constructeurs (Ford, propriétaire de Jaguar et Land Rover, ainsi que Peugeot) ont également annoncé des
licenciements. Cela signifie qu'en l'espace de quelques mois, un tiers des personnes directement employées
par le secteur automobile britannique ont perdu leur emploi.
La faillite de Rover s'est soldée par 6758 licenciements et 15 000 emplois menacés (principalement
dans la chaîne d'approvisionnement).
Ce sont la région des
West Midlands
et la ville de Birmingham qui ont été le plus durement touchées.
Deux programmes des fonds structurels sont en place dans les
West Midlands
:
- programme objectif 2
: au total, la contribution des fonds structurels s'élève à 889,5 millions d'euros, dont
144,4 millions (16 %) proviennent du FSE. Ce programme est axé sur les compétences de gestion et
d'entreprise dans les PME, la reconversion et la mise à niveau de salariés de PME et de la chaîne
d'approvisionnement contraints de s'adapter à la mutation industrielle, ainsi que le soutien en faveur du
renforcement des qualifications pour améliorer les transferts de technologie.
- programme régional FSE objectif 3
: 512 millions d'euros (le programme national objectif 3 est exécuté à
l'échelon régional). Les ressources du FSE objectif 3 sont allouées suivant les cinq domaines d'action du
FSE et se concentrent notamment, dans cette région, sur l'amélioration de l'employabilité en général et de
celle des chômeurs de longue durée en particulier, ainsi que sur la promotion d'un accès et d'une
participation plus large à l'éducation et la formation tout au long de la vie.
Contribution du FSE
16
à la résolution de la crise Rover: fonds structurels (FEDER et FSE): 74,5
millions d'euros, dont 46 millions proviennent du FSE et 28,5 millions du FEDER.
Les ressources
débloquées pour faire face à l'effondrement de Rover correspondent à des aménagements des programmes
existants.
Les fonds alloués au titre de l'objectif 2 s'élèvent à 38,5 millions d'euros au total, dont 10 millions,
provenant du FSE, ont été alloués à:
-
la mise en place d'un
système de subventions salariales pour les travailleurs qualifiés
visant à
dédommager l'employeur pour la perte de productivité pendant la période de formation des salariés
recrutés;
-
la création d'un
fonds de prêts du FSE destiné à venir en aide aux salariés de plus de 50 ans licenciés
Les 36 millions d'euros débloqués au titre de l'objectif 3 (FSE uniquement) vont être affectés à:
-
des mesures d'urgence pour la recherche d'emploi
: jusqu'ici, la totalité de l'action du FSE a porté sur la
réalisation d'entretiens préliminaires et l'évaluation des besoins. Cette première phase sera suivie par une
phase de formation, qui se poursuivra jusqu'en octobre 2005.
- des formations pour l'accroissement des qualifications
à l'intention de salariés licenciés, ainsi que de
personnes occupant un emploi et souhaitant se perfectionner pour faire face aux nouvelles exigences en
matière de qualifications.
Une réaction rapide de la part de la Commission
:
Peu après que la situation de crise soit devenue manifeste, la Commission a fait savoir aux autorités
britanniques qu'elle faciliterait et encouragerait le recours aux fonds structurels pour remédier à la crise
16
Les chiffres exactes seront finalises en juillet 2005, en attenant l'approbation de la
Programme
Monitoring Committee
13
engendrée par la faillite de Rover. Des représentants des autorités des
West Midlands
et de la Commission
se sont réunis à Birmingham et Bruxelles afin d'examiner les mesures de soutien envisageables.
Les autorités britanniques, tout comme la Commission, ont réagi très rapidement. Les actions d'aide aux
personnes licenciées ont débuté presque immédiatement avec le programme Jobcentre Plus (SPE), suivi par
les
Learning Skills Councils
, qui bénéficient du soutien du FSE. La Commission a immédiatement fait part
de sa détermination à apporter son aide. Ce cas peut être considéré comme un exemple de
bonne pratique
quant à la rapidité de réaction à une situation de crise
.
La modification des programmes à la suite de la faillite de Rover aura des retombées par-delà la crise elle-
même et va
contribuer à diversifier la structure économique de la région
, à étayer sa compétitivité et à
répondre aux pénuries et aux besoins du marché du travail dans d'autres secteurs d'activité, comme la
construction.
Il est à noter que les restructurations touchent au plus près des régions ou localités, du
fait de la concentration spatiale des activités et de la spécialisation régionale autour de
certaines activités, par exemple dans certaines régions des nouveaux Etats Membres
comme décrit dans l'encadré.
Certaines régions ou pôles régionaux valorisent les synergies locales. Dans certains cas,
ils se mettent en avant directement et prospectent sans intermédiaire les marchés
émergents, en utilisant leurs atouts de localisation, ainsi que le type d'entreprises et le
capital humain qu'ils ont réussi à attirer.
La concentration régionale des IDE dans les capitales et certaines régions
frontalières des Nouveaux États Membres (NMS)
Avant leur adhésion à l'UE le 1
er
mai 2004, tous les secteurs économiques des NMS avaient été ouverts à
l'investissement étranger, à l'exception de certaines activités. L'industrie manufacturière représente moins
de 40% du stock global d'IDE mais contribue à la majorité des exportations. Les IDE orientés vers
l'exportation sont susceptibles d'augmenter plus à l'avenir que ceux destinés au marché local.
Généralement, les IDE pour des activités situés en dehors des villes ont créé des emplois. Les fournisseurs
locaux font souvent partie intégrante des grands projets manufacturiers et créent des liens avec les
commerces et services locaux. La promotion de ces liens ainsi que le réinvestissement des bénéfices
peuvent être des manières importantes de recevoir davantage d'IDE et de créer des emplois.
La pénétration étrangère est la plus importante dans le secteur manufacturier par exemple en Hongrie, avec
45% de la main-d'œuvre employée dans les filiales étrangères en 2001; en République tchèque, en
Slovaquie et en Pologne, il s'agit d'environ 35% de la main d'œuvre. Les filiales d'entreprises étrangères ont
une productivité du travail plus élevée et une technologie plus avancée que les sociétés domestiques; par
conséquent, elles contribuent positivement à la performance économique des pays hôtes. Les données sur
la localisation régionale des flux d'IDE montrent que ceux-ci sont fortement concentrés (dans les NMS
pour lesquels les données sont disponibles) dans les capitales. En République tchèque, environ la moitié de
l'investissement pour 1999 - 2002 est allé à Prague, tandis qu'en Hongrie et en Slovaquie, les deux tiers
sont allés à Budapest et Bratislava respectivement. Ces chiffres, néanmoins, peuvent être trompeurs,
puisqu'une part importante de l'investissement est assignée à la région dans laquelle est situé le siège de la
société, qui est plus fréquemment la région capitale.
Néanmoins, même en laissant de côté les capitales, les IDE semblent toujours se concentrer dans quelques
régions, dont la plupart s'avèrent être situées près de l'UE-15 et/ou des capitales. En République tchèque,
les IDE allant à Stedni Cechy, la région entourant Prague, pour 1999-2002 se sont élevés à trois fois ceux
allant à Moravskoslezko à l'Extrême-Orient du pays (en ajustant pour les différences de population en âge
de travailler) tandis que les IDE allant à Severozápad à la frontière nord-ouest avec l'Allemagne était le
double. De même, en Hongrie, les apports des IDE dans Nyugat-Dunántúl, qui jouxte l'Autriche, étaient
plus de cinq fois plus importants sur cette période que ceux dans Dél-Alföld, et ceux allant à Közép-
Dunántúl, presque trois fois plus importants.
14
De plus amples informations pour la Hongrie
17
montrent un degré semblable de concentration, avec les
emplois produits situés le long de la frontière autrichienne. Au cours de la période 1993-2002, il est estimé
que les entreprises à capitaux étrangers étaient directement responsables d'une création d'emplois nette de
8% de la population en âge de travailler dans les régions d'emploi élevé, qui sont concentrées le long de la
frontière occidentale, et pour moins de 2% dans les régions moins riches en emploi. Une question
importante à l'avenir est de savoir si la concentration régionale élevée des IDE observée actuellement dans
ces pays est susceptible de diminuer. Les effets d'agglomération ne vont pas dans le sens de la diminution,
encore renforcés par les améliorations des transports et télécommunications. Par exemple, de plus grandes
villes des régions périphériques ont commencé à recevoir davantage d'IDE après avoir amélioré leur accès
à l'autoroute.
Source: Economic Restructuring and Labour Markets in the Accession Countries, Study prepared for the European
Commission by WIIW, December 2004
17
en utilisant des informations sur l'emplacement de l'investissement dans les comptes de sociétés qui
permet de prendre en compte la question du siège de la société
15
III. Quels sont les déclencheurs des restructurations?
Les
déclencheurs des restructurations
peuvent être divisés selon deux perspectives:
•
une perspective générale, centrée sur les évolutions du commerce international
dans le contexte actuel de mondialisation de l'économie, incluant les
spécialisations sectorielles;
•
une perspective centrée sur les stratégies d'entreprises.
Ces deux perspectives sont les deux faces d'une même pièce, elles ne sont pas
indépendantes l'un de l'autre. En effet souvent, la stratégie d'entreprise répond à la
nécessité de s'adapter aux évolutions des marchés et de l'activité. La séparation quelque
peu artificielle présentée est simplement didactique.
III.1. Perspective générale "macro", centrée sur l’intégration croissante des
économies
Une nouvelle allocation nationale et internationale de la production (biens et services),
accompagnée d'une nouvelle division du travail, est en train voir le jour dans le contexte
actuel de l'intégration européenne et de la mondialisation de l'économie. Des
changements dans la répartition régionale ou nationale des activités s'opèrent, entraînant
l'agglomération
18
et/ou le déplacement de la production à l'intérieur et à l'extérieur de
l'Europe.
Les facteurs qui poussent à la réorganisation des activités productives sont
particulièrement:
•
l’intensification des échanges, l'ouverture croissante des économies et leur
intégration dans le commerce mondial de biens et services, qui représentent de
nouvelles perspectives de croissance;
•
l'évolution de la demande de biens et services (comme par exemple
l'augmentation de la demande pour les services, ou bien une modification de la
composition des services, induite par les nouveaux besoins d'une population
vieillissante et d’une industrie en évolution);
•
l'évolution de la géographie de la demande mondiale, par exemple l'émergence du
marché chinois, qui rend nécessaire de servir cette demande;
•
la diffusion de l'innovation technologique (la diffusion des nouvelles technologies
de l'information et de la communication rend les échanges internationaux et la
coordination de la production plus rapides et très peu coûteux);
•
de nouvelles réglementations au niveau européen ou international.
L'intégration croissante des économies constitue un vecteur de spécialisation. Cette
spécialisation, permet d’accroître les débouchés et de bénéficier d’économies d’échelle,
stimule la concurrence, donne accès à des biens intermédiaires et à des biens finaux
différenciés. Au total, l'ouverture commerciale est à l'origine du quart des gains de
productivité enregistrés dans l'industrie, et sont la principale source de croissance et
d'emplois dans le long terme.
D'un point de vue sectoriel, la transformation d'un secteur comme l'automobile est
indissociable de l'ouverture
commerciale. Par exemple, les constructeurs français
18
Cf théories sur la géographie économique (e.g. Venables).
16
comptent désormais parmi les plus performants au monde; ils sont présents sur les
marchés asiatiques et latino-américains, sans que cela ne se soit traduit par une baisse de
l’emploi en Europe. Le secteur automobile est particulièrement sujet aux fluctuations
cycliques et s'étend notamment par croissance externe. Dès lors, il s'agit souvent de
trouver des nouveaux marchés à conquérir (comme la Chine actuellement).
Les évolutions sectorielles
19
sont notamment liées à la spécialisation historique de chaque
pays ou région, à l'ouverture à l'échange ainsi qu'à la fragmentation des processus de
production qui permet une nouvelle division internationale du travail.
De manière générale, l'industrie européenne garde son rang dans le monde, mais il s’agit
d’un équilibre instable. En effet, l'industrie reste le point fort de notre commerce alors
que ce n'est plus le cas des Etats-Unis. Notre excédent industriel s'est ainsi accru de 36
Mds€ sur les cinq dernières années et s’est renforcé sur les points forts de notre industrie
(la chimie, l'automobile, la pharmacie, les machines), et ceci, même avec les pays
émergents. L'analyse des redistributions de parts de marché montre également que la «
compétitivité pure » de l'industrie européenne se tient bien alors que celles des Etats-Unis
et du Japon se dégradent fortement
20
. Plus important ici, cette bonne tenue de l’industrie
européenne sur les marchés mondiaux est due au dynamisme de nos exportations de
produits de haut de gamme. Sous cette appellation se cache une réalité, qui est la capacité
de l’Europe à vendre cher – autrement dit, à « vendre du travail cher ». Le haut de
gamme représente la moitié des exportations européennes et le tiers de la demande
mondiale.
En termes d'emploi, ceci se traduit par le fait que l'Europe continue à créer de l'emploi
dans le secteur industriel, 76000 emplois par an entre 1998 et 2003 dans l'UE-15, alors
qu'aux Etats-Unis il y a destruction nette d'emplois dans ce secteur. Pendant cette même
période, l'emploi des travailleurs hautement qualifiés a augmenté de 25,1% entre 1998 et
2003 dans l'UE-15 (par rapport à 14,2% pour les qualifications moyennes et 2,2% pour
les moins qualifiés) en général et de 23,7% dans l'industrie.
19
Rapport du CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales), pour la Commission
http://trade-info.cec.eu.int/doclib/html/118034.htm
20
op.cit.
17
Conséquences sur la structure productive:
La tendance actuelle est à une modification de la spécialisation relative des pays "avancés" dans
les activités de haute valeur ajoutée, moins intensives en travail non qualifié et dans les activités
de services
21
, par l'augmentation de la pression concurrentielle.
La composition du commerce change (types de biens exportés et importés; certains secteurs
s'accroissent, d'autres perdent; l'échange de biens intermédiaires s'accroît ainsi que le commerce
des services), les prix relatifs se modifient. Certains marchés s'effondrent, d'autres activités se
développent, d'autres encore évoluent vers des formes de production utilisant des réseaux de
sous-traitants.
Les TIC rendent possible une nouvelle géographie de la production, des forces d'agglomération
se font jour dans certaines régions, ainsi qu'une augmentation de la rapidité et de l'efficacité.
Un changement de cadre règlementaire requiert une adaptation des entreprises, par exemple par
de nouveaux investissements.
Conséquences sur le marché du travail:
(i) A court terme, jusqu'à présent, l'effet de pertes d'emploi était concentré régionalement ou
localement, et sur les travailleurs moins qualifiés; on observe à présent une augmentation de la
pression sur les plus qualifiés
22
; à moyen terme le travail est transféré des secteurs ou activités
qui périclitent aux activités en expansion; par conséquent, de nouvelles compétences (ou de
nouvelles combinaisons de compétences) sont demandées.
Le marché du travail est donc le lieu où les individus changent d'une d'activité à une autre
(secteur, activité, métier ou profil, localisation), ou bien de l'activité au chômage puis du
chômage à l'activité. Ces 'transitions' entre différents états doivent être assurées correctement.
L'effet net des restructurations sur le taux d'emploi et le taux de chômage est difficile à chiffrer
directement à court terme puisque les déterminants des taux d'emploi et de chômage sont
multiples. Les causes des restructurations s'y superposent, les divers facteurs sont difficiles à
isoler. D'autre part, les créations et destructions d'emplois devant être prises en compte
simultanément, leur quantification est souvent difficile car les destructions d'emploi sont plus
ciblées par rapport aux créations, souvent plus diffuses. Un facteur additionnel de difficulté
réside dans la nécessité de prendre en compte les conséquences autant directes qu'indirectes
(notamment l'activité des sous-traitants).
(ii) A long terme, les restructurations font partie de la dynamique économique. Elles sont alors
synonymes d'augmentation de productivité, d'emploi et de croissance, ce phénomène recouvrant
les étapes de maturation des produits et le cycle de vie des entreprises, qui opèrent des choix
d'investissement.
21
Avec une certaine hétérogénéité des structures économique et structures d'emploi selon les pays - Emploi
en Europe 2002, 2003, 2004: les structures d'emploi y sont étudiées en détail pour les pays Européens, à 15
puis à 25. Emploi en Europe 2004 étudie en particulier la création d'emploi dans les services, et montre
notamment que l'emploi industriel se stabilise autour de 28-29% (UE-15), avec 66-67% dans les services.
Ce rapport montre également que l'Europe continue à créer des emplois dans l'industrie, notamment des
emplois qualifiés (République Tchèque, Danemark, Grèce, Espagne, France, Italie, Hongrie, Pologne,
Portugal, Slovénie, Slovaquie).
22
Substitution entre le capital et le travail non qualifié, complémentarité entre le capital et le travail
qualifié.
18
III.2. Perspective "micro", centrée sur les stratégies d'entreprises
Les stratégies d'entreprises en termes d'innovation (de produits ou d'organisation de la
production) et d'internationalisation, à la recherche d'une plus grande efficacité
économique et de compétitivité, entraînent des restructurations dont les objectifs
immédiats sont multiples. Il peut s'agir de rapprocher les usines des clients, d'accéder à
de nouveaux marchés, d'abaisser les coûts unitaires de production
23
, de bénéficier d'un
certain type de main d'œuvre ou de services concentrés dans une zone économique
spécialement dotée en facteurs de production (capitaux ou main d'œuvre avec des
caractéristiques personnelles ou contractuelles particulières), de faire des économies
d'échelle, de réaliser une fusion, une acquisition ou une joint-venture, etc. Ces
modifications au niveau de l'entreprise ont également un impact sur la structure
productive et sur le marché du travail.
Quel est l'effet des IDE sur la structure des qualifications?
Le cas de l'industrie électronique hongroise
.
Le transfert technologique (technologies de pointe) lors d'IDE aboutit souvent à une amélioration
significative de compétences. Comment cela advient-t-il dans les nouveaux États membres ? Les sociétés
de TIC bénéficient de la disponibilité d'une main-d'œuvre qualifiée et de salaires comparativement faibles.
Dans le contexte de nouvelles techniques de production ou de gestion, les compétences des travailleurs se
développent. L'exemple de la Hongrie peut illustrer cet aspect. Certaines entreprises de TICs y ont des
programmes de formation pour leurs employés. IBM, Nokia et Flextronics ont ainsi ouvert leurs propres
centres de formation. D'autres sociétés, au moins pendant les étapes initiales de leur entrée sur le marché en
Hongrie, ont envoyé leur nouveau personnel dans le pays d'origine pour se former. Samsung a par exemple
formé les ingénieurs hongrois en Corée du Sud. Le service de consultants de Tata-Indie (TCS), un nouveau
venu sur le marché hongrois, prévoit de former ses employés en partie en Inde et en partie en Hongrie. Au-
delà de la formation à leurs propres salariés, les multinationales comme IBM offrent des possibilités de
formation à d'autres sociétés (domestiques et multinationales) qui n'ont pas de programme de formation
spécialisé.
D'autre part, certaines entreprises du secteur TICs produisent mais aussi entreprennent leur R & D dans le
pays d'accueil. Cela donne aux employés locaux la possibilité de conduire la recherche, de développer de
nouveaux produits ou d'améliorer les processus de fabrication. Généralement, la R & D mène à une
amélioration substantielle des qualifications des employés impliqués dans ces activités. Les
développements récents en Hongrie montrent clairement la contribution des TICs à cet égard. Un certain
nombre de multinationales (comme Bosch, Electrolux, Fujitsu et Motorola) ont débuté ou ont développé
des activités de R & D en Hongrie. Certaines sociétés, initialement entrées comme fabricants ou
assembleurs peu coûteux, entreprennent maintenant des opérations de R & D en Hongrie. Celles-ci incluent
des sociétés comme Compaq, Hewlett Packard, Nokia, IBM et Flextronics.
Néanmoins, ce même processus pourrait présenter des inconvénients, les TICs pouvant également
contribuer à la réduction des compétences dans le cas où les TICs doivent traiter ou externaliser les étapes
de la production à forte intensité de main-d'oeuvre en utilisant un personnel sur-qualifié. Ainsi, le secteur
TIC bénéficie de faibles coûts de la main-d'oeuvre, engage souvent des travailleurs surqualifiés pour les
emplois simples d'assemblage offerts dans cet localités. Si aucune formation n'est fournie, les compétences
des travailleurs se détériorent.
Source: Economic Restructuring and Labour Markets in the Accession Countries, Study prepared for the European
Commission by WIIW, December 2004
23
Il est à noter que les différentiels de coûts de main d'œuvre sont aussi le reflet de différences de
productivité (cf J. Konings: "Are wage cost differentials driving delocalisations', Discussion Paper LICOS,
KULeuven, Sept. 2003). Dès lors, les entreprises qui délocalisent prennent en compte un ensemble de
facteurs complexes (coût de transport, de coordination supplémentaire, management, etc.).
19
Les stratégies d'externalisation
et
de localisation
Les logiques d'entreprises empruntent dans certains cas la voie du recentrage sur le cœur
de métier, et l'externalisation d'autres parties de l'activité. Il s'agit d'une tendance générale
dans les pays de l'OCDE, les entreprises ont en effet davantage recours à des partenaires
extérieurs. Le recours à des tiers dans le cadre d'accords de partenariat est l'un des outils
largement mobilisés au service de la compétitivité des entreprises, du fait de ses
avantages en termes de souplesse, de réactivité, de gain technologique, d'abaissement des
coûts et de qualité de service. La stratégie d'externalisation consiste pour une entreprise à
confier à un prestataire externe spécialisé l'entière responsabilité de la fonction ou du
service, et s'accompagne souvent d'un transfert d'équipements nécessaires à la production
des biens ou des services, ainsi que du personnel. Ce processus touche l'ensemble des
secteurs et des fonctions.
D'autre part, une entreprise peut également choisir de fragmenter son processus de
production et de localiser des unités de production à travers l'Europe et les autres
continents. Il s'agit pour l'entreprise de répondre à des enjeux stratégiques d'accès aux
nouveaux marchés, de baisse des coûts ou d'économies d'échelle en localisant certaines
parties de la production dans des pôles régionaux où se concentrent les capacités
optimales pour ce type de production.
L'innovation et la différentiation des produits peuvent constituer des alternatives ou
stratégies complémentaires à l'externalisation ou la localisation. Par exemple Zara,
entreprise espagnole d'habillement, poursuit la stratégie suivante: fabriquer en Europe de
très courtes séries, afin de changer souvent et de répondre très vite aux modifications de
la demande et des modes.
Conséquences sur la structure productive:
L'innovation technique et/ou organisationnelle (innovation autonome ou innovation défensive)
résulte d'une réaction ou d'une anticipation par les firmes et induit la réorganisation de la
production en fonction des nouvelles technologies disponibles. Le fractionnement de la chaîne de
valeur ajoutée en spécialisant chaque fonction de production (réorganisation verticale des
activités productives et transferts intra-entreprises)
24
est une tendance observée depuis les années
1980.
La différenciation des produits et services consiste à éviter la concurrence par les prix en
différenciant son offre par rapport aux autres firmes, ce qui revient à créer un pouvoir de
monopole sur un créneau ou segment de marché bien précis.
Le développement des investissements directs à l'étranger suivant un schéma d'extension
verticale (par exemple rachat d'unités de production en amont ou aval de la chaîne de valeur
ajoutée) ou horizontale (accès à de nouveaux marchés) a eu des conséquences sur l'emploi et
l'organisation du travail des entreprises concernées (incluant rapprochements stratégiques du type
fusions – acquisitions).
L'externalisation
25
de certaines fonctions de production ou de certains services, de manière locale,
nationale ou à l'international (ceci comprend les délocalisations d'une partie de la production, de
services, ou de toute l'entreprise) se développe largement.
24
Les innovations "organisationnelles" seraient aussi génératrices de déséquilibres entre travailleurs peu et
hautement qualifiés (on garderait plus facilement les travailleurs les plus qualifiés).
25
Emploi en Europe 2004, chapitre 5.
20
Conséquences sur le marché du travail
(i) La résultante en termes de volume d'emploi au niveau de l'entreprise est parfois négative,
lorsque la réorganisation de la production ou l'externalisation entraîne des réductions d'effectifs
sur site ou une fermeture. Il s'agit alors d'effets localisés sur un site de production (effet
local/régional)
26
.
(ii) L'impact sur l'emploi est aussi qualitatif dans les cas de combinaison des chocs qui affectent
les travailleurs, incluant l'innovation, qui pousse à augmenter les qualifications et
in fine
la
productivité. Il en résulte une augmentation de la demande pour des travailleurs de plus en plus
qualifiés et aux qualifications multiples et transversales d'une part (techniques et management,
par exemple pour superviser les sous-traitants) ou bien très spécifiques d'autre part (sous-
traitants).
26
Les délocalisations au sens strict (transfert de tout ou partie de la production/ activité aux fins de ré-
importation) sont, selon les outils d'observation disponibles un phénomène relativement limité. Les
investissements directs à l'étranger (IDE) sont majoritairement dirigés vers les pays "avancés". D'un point
de vue purement statistique, les données sur les investissements directs à l'étranger ne recouvrent pas
vraiment le phénomène de délocalisation. Les transferts d'activités intra-entreprise et le développement de
la sous-traitance internationale conduisent à une minoration du phénomène, mais si l'on couvre tous les
IDE, on aboutit à une majoration du phénomène de délocalisation (vertical – horizontal). En effet, les
investissements verticaux relèvent de la délocalisation – et risquent d'affecter l'emploi local, tandis que les
investissements horizontaux (accès au marché) n'en relèvent pas et font plutôt partie de la stratégie
d'expansion d'une entreprise, ne générant pas directement de pertes d'emploi.
21
IV. Dimension externe
Les aspects traités dans les chapitres précédents couvrent surtout les aspects
intraeuropéens de la problématique. La
dimension externe
des restructurations est
cependant devenue de plus en plus importante.
La mondialisation a en effet intensifié le besoin d'adaptation, de la gestion pro-active des
changements, l'accompagnement des travailleurs et la promotion du travail pour tous.
L'UE soutient le renforcement de la
dimension sociale de la mondialisation
27
et la
promotion du travail décent
pour tous. Dans ce contexte, l'UE a initié le renforcement
de la promotion du travail décent pour tous dans ses politiques et actions externes et
devra faire davantage en ce qui concerne les ajustements au niveau international
28
. Il faut
maintenant renforcer et élargir l'emploi, la protection sociale, le dialogue social et
l'accompagnement des ajustements et restructurations dans les programmes et projets
externes. Il y a des exemples intéressants comme dans le contexte de MEDA, par
exemple, des agences locales de développement sont appuyées avec des fonds sociaux
européens externes à dimension multisectorielle (mise à niveau institutionnelle, création
de micro-entreprises, formation etc.) qui ont pour vocation le développement territorial et
l’inclusion sociale.
Une large partie de la coopération extérieure appuie la réorientation des systèmes de
formation professionnelle (enseignement technique et professionnel) vers la demande du
marché. Le but est de mieux répondre aux besoins en compétences des entreprises tout en
favorisant l’insertion des primo demandeurs d’emploi ou de groupes défavorisés, ainsi
que de permettre la requalification et la mobilité des licenciés ou de ceux qui sont
menacés par des licenciements en vue ou suite à des restructurations d’entreprises. Dans
ce contexte, la coopération est particulièrement substantielle et intense dans la région
Méditerranéenne et du Proche Orient compte tenu des enjeux politiques régionaux
(processus de Barcelone, création de la zone de libre échange à l’horizon 2010, politique
de voisinage, impact social de la mondialisation et de la libéralisation du commerce).
De plus l'impact social et en termes d'emploi de nos accords commerciaux bilatéraux et
multilatéraux est une dimension cruciale de la régulation du libre-échange au niveau
mondial. Il s'agit par là de créer des opportunités nouvelles et des bénéfices mutuels pour
les acteurs qui s’engagent dans des échanges commerciaux. Les restructurations
'socialement responsables' doivent faire partie de notre stratégie interne mais aussi
externe. L’impact de l’ouverture commerciale sur l’emploi dans l'UE et dans les pays qui
s'engagent dans les pays tiers revêt une importance toute particulière, au Nord comme au
Sud, et notamment dans les pays en développement où les systèmes de protection sociale
sont faibles. Il est nécessaire d’étudier les moyens d’optimiser les avantages de la
mondialisation et du libre-échange, tout en respectant les règles internationales existantes
en la matière (notamment celles de l'OIT), la promotion du travail décent, et en
coordonnant nos politiques (commerciale, coopération, aide au développement) afin de
renforcer les moyens d’action des pays, en appui aux politiques et aux institutions
sociales et économiques, dans des domaines tels que l’évaluation de l’impact des
politiques commerciales sur l’emploi et les conditions de travail et l’adaptation au
changement. Faute d’agir en ce sens, les personnes les plus vulnérables et les plus
pauvres seront marginalisées.
27
Communication de la Commission du 18 mai 2004,
La dimension sociale de la mondialisation –
Comment la politique de l'UE contribue à en étendre les avantages à tous.
28
Communication de la Commission du 12 avril 2005,
Accélérer les progrès vers la réalisation des
objectifs du Millénaire pour le Développement.
22
V. Remarques de conclusion
Il est difficile de traiter un
cas de restructuration
avec succès et les actions mises en
place ont parfois des effets limités, surtout si l'anticipation a fait défaut et que les
changements interviennent de manière abrupte. Certains éléments inhérents au tissu
économique local/national/européen, notamment les acteurs institutionnels, les
entreprises environnantes et les partenaires sociaux, sont déterminants pour mieux
anticiper et faire face aux défis posés par les mutations en cours. Dans le cadre du passé
industriel, de l'investissement dans l'innovation et la R&D
29
, de l'éducation et de la
formation (des synergies avec les milieux éducatifs et de formation sont indispensables),
de la conception de l'immigration, la mobilisation de tous les acteurs vers une meilleure
anticipation, initiation et gestion du changement se révèlent notamment nécessaires. Ces
politiques horizontales reflètent la dimension inter-sectorielle des restructurations et la
nécessité de définir des cadres politiques larges pour anticiper les mutations de ce type.
Afin de mieux gérer les restructurations intra-sectorielles, il apparaît nécessaire de mieux
coordonner nos politiques à un niveau inférieur, c'est-à-dire les politiques industrielles,
de concurrence, commerciale ou d'innovation par exemple.
Enfin, il paraît pertinent de gérer les cas ou événements de restructuration au niveau
pertinent, souvent au niveau de l'entreprise concernée, du bassin d'emploi, avec les
acteurs locaux concernés, et de mettre en place par exemple les structures de
reclassement appropriées ainsi que le partenariat nécessaire.
La réorganisation des activités productives est à la fois nécessaire pour garantir le
dynamisme économique et la compétitivité de l'entreprise, et irréversible car
l'établissement et l'évolution du marché unique européen ainsi que l'ouverture
internationale des économies représentent, sur le long terme, des opportunités
croissantes. Les nouveaux Etats membres font face à des restructurations d’une ampleur
importante, néanmoins, dans les pays de l’UE-15, la dynamique des restructurations est
aussi susceptible de s'accélérer
.
En effet, si le secteur des services a représenté pendant
longtemps un 'absorbant' idéal aux chocs et pertes d'emplois subis dans le secteur
manufacturier, il est aussi concerné aujourd'hui par les phénomènes de restructurations et
délocalisations. Dès lors l'Europe doit se concentrer sur les activités de tous secteurs mais
à haute valeur ajoutée, riches en innovation et en capital humain, capables de s'adapter
rapidement aux changements structurels et développer ou revaloriser la main d’œuvre
relativement peu qualifiée (d'où l'importance de l'investissement dans le capital humain et
la formation tout au long de la vie).
Le phénomène des délocalisations est susceptible de toucher plus fortement certaines
activités plutôt que d'autres, par exemple l'habillement, le textile, les équipements
électriques ou électroniques. Les études de cas et l'évolution sectorielle depuis les années
1970 le suggèrent, ainsi que les données de la balance des paiements (données
commerciales).
29
Communication de la Commission du 2 février 2005,
Travaillons ensemble pour la croissance et
l'emploi.
23
Les analyses de la structure économique (notamment par secteur) et la composition de
l'emploi dans les nouveaux Etats membres
30
suggèrent une augmentation de la diversité
de l'Union Européenne à 25, accrue par l'intégration récente de pays en transition. Ceci
peut devenir un atout, en augmentant le nombre de segments de marché sur lesquels l'UE
est présente, que ce soit dans les secteurs industriels ou de services. Il s'agit d'utiliser tout
le potentiel productif de l'UE-25, dans sa diversité et ses différences de spécialisation. De
plus, l'évolution de la demande (habitudes de consommation, schémas d'investissement
des entreprises européennes) est à prendre en compte à moyen et long termes. Les
tendances récentes en termes de croissance économique et d'emploi augurent d'une
diffusion de nouvelles méthodes de production (modernisation et bénéfices du transfert
technologique inclus dans les IDE) et de consommation dans les nouveaux Etats
Membres et dans les pays émergents et donc d'une modification de l'allocation mondiale
de la production et du travail.
Du fait de ses avantages comparatifs variés, l'Europe continue globalement à créer des
emplois
31
. Néanmoins les avantages comparatifs se modifient et évoluent par segment de
marché. La collaboration de toutes les parties prenantes autour de l'identification de ces
potentiels avantages comparatifs (constater les forces et les faiblesses, par exemple, dans
les textiles, l'avantage comparatif de certains pays européens est maintenant concentré
sur les textiles techniques, le luxe et le design), estimer l'évolution à attendre au niveau
de chaque segment de marché et par métier, par conséquent dans chaque bassin d'emploi
– joue un rôle essentiel en permettant aux acteurs concernés de mieux anticiper les
évolutions à venir au plus près du territoire et des populations potentiellement affectées.
30
http://europa.eu.int/comm/employment_social/employment_analysis/restruct_fr.htm
, notamment le
rapport final sur
les restructurations économiques et le marché du travail dans les pays adhérents
, et les
études de cas présentées au séminaire du 24.09.2004.
31
Emploi en Europe 2004, chapitre 3.
24
QUESTIONS METHODOLOGIQUES ET PISTES DE TRAVAIL A
VENIR
Devant la diversité des phénomènes couverts par le terme générique de
"restructurations", il est clair que la question de la "mesure", de la quantification des
phénomènes n'est pas chose aisée, tout comme la quantification des effets
directs
des
restructurations sur l'emploi.
Par ailleurs, il convient d'aborder les effets d'une absence de restructuration. En effet, les
restructurations étant nécessaires au maintien de l'activité et des emplois, il est possible
qu'en cas d'absence de restructuration, l'entreprise périclite, et que dès lors, l'impact sur
l'emploi soit plus négatif. L'absence de restructuration peut également entraver le
développement et l'expansion de l'entreprise, qui auraient pu conduire à des créations
d'emplois
.
Le chiffrage des conséquences sur l'emploi d'une absence de restructuration
est difficile à obtenir. On pourrait suggérer de procéder à une comparaison de la situation
de l'emploi et les salaires dans plusieurs cas de figure: la fermeture de l'entreprise liée à
l'absence totale de restructuration; la mise en œuvre abrupte d'une restructuration, par
exemple sans anticipation; la réalisation d'une restructuration anticipée et gérée de
manière progressive. Il pourrait être éclairant de procéder ainsi pour évaluer l'impact sur
l'emploi de différents types de restructurations, notamment celles qui découlent de
mutations du processus de production, d'une réduction d'activité, de fusions/acquisitions
nationales ou transfrontalières, de l'externalisation d'une partie de la production. Une
restructuration "ratée" réduit en effet la croissance potentielle, notamment si les salariés
concernés quittent le marché du travail d'une manière ou d'une autre.
Nombre d'études traitent des mutations économiques (au sens large) et de leurs effets sur
l'emploi.
Dans la plupart des cas, ces études peuvent être classées selon plusieurs types:
•
Les approches macroéconomiques, qui généralement concluent à un effet positif
des restructurations sur l'emploi au niveau agrégé. Effectivement, les mutations
entre secteurs et intra-sectorielles semblent se traduire par une augmentation de
l'emploi, des créations d'emploi nettes et une augmentation de l'efficacité
productive. Ces résultats sont visibles à moyen et long termes. Néanmoins il s'agit
de se demander comment mesurer les turbulences qui se produisent à court terme.
•
Les approches sectorielles, qui détaillent les mutations par secteur d'activité et
concluent logiquement sur des effets différenciés selon le type de secteur en
expansion ou en désaffection.
•
Les approches microéconomiques, se basant sur des échantillons de données
collectées auprès d'entreprises ou d'employés, qui se révèlent être la source la plus
prometteuse, car ces données contiennent une richesse d'information
incomparable; malheureusement ces données sont techniquement difficiles à
traiter et l'état des études actuelles ne permet pas de dresser à ce jour des
conclusions politiques. Il y a encore très peu de résultats convergents et les faits
stylisés ne sont pas établis.
•
Une méthode de mesure consiste à se baser sur des micro-données, collectées au
niveau des entreprises, contenant une masse d'informations importantes sur les
25
employés, la structure de production et l'organisation du travail, mais aussi sur les
produits fabriqués, les biens intermédiaires importés, etc. Ces données sont
difficiles à collecter mais aussi à analyser, néanmoins, il s'agit d'une piste à
explorer.
Il existe aussi un ensemble d'études de cas, étudiant soit une région, soit une entreprise en
particulier. L'Observatoire du changement
32
, reprend cette perspective en recensant les
cas de restructurations à travers la presse. Cette méthode a ses limites, s'agissant d'un
échantillon limité de cas. Néanmoins, il peut être utile de creuser chaque cas recensé afin
d'enrichir l'analyse, notamment sur le plan qualitatif.
Les remarques ci-dessus permettent d'identifier de manière générale
des lacunes et
améliorations à apporter:
•
Les outils d'analyse quantitatifs, qualitatifs et de suivi des restructurations doivent
être développés afin de mieux anticiper les mutations, sur base d'un cadre
conceptuel rigoureux déterminé précisément, notamment avec des experts
statistiques et l'utilisation des outils existants mobilisables;
•
Les observatoires de l'emploi et les réseaux d'experts nationaux de l'emploi
peuvent contribuer à ce sujet;
•
Les réseaux de chercheurs peuvent être valorisés.
Plusieurs études en cours peuvent être citées à ce sujet :
32
Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, Dublin,
26
Nom de la DG /
unité
Titre ou sujet de
l'étude / projet
En cours ou
prévu(e)
Méthodologie / niveau
d'investigation
DG EMPL A1
Valerie Rouxel-
Laxton
Rapports sur les
implications pour le
marché du travail
des restructurations
à grande échelle
En cours
Bilan / perspective générale
DG EMPL A1
Valerie Rouxel-
Laxton
Études de cas sur
les implications
pour le marché du
travail des
restructurations à
grande échelle
En cours
Par secteur
DG EMPL A1
Valerie Rouxel-
Laxton
Projet sur les
données appariées
employeurs-
salariés et les
données de panel
d'entreprises
prévu
Microdonnées sur des entreprises
et des salariés individuels
DG EMPL
Externalisation des
services TIC et des
services connexes
Achevée Par
secteur
/employment_social/events/
2004/sors/index_en.html
DG FISH
L'emploi dans le
secteur de la
pêche: situation
actuelle et
perspectives
En cours
Par secteur : pêche
DG TRADE
Eric Peters
Évaluation de
l’impact sur le
développement
durable (EID)
EID des
négociations dans
le cadre de l'OMC
En cours
Perspective générale et sectorielle
(agriculture, sylviculture, services
de distribution, accès au marché,
concurrence, services
environnementaux, …)
DG TRADE
EID
négociations EU-
CCG
Achevée Négociations
commerciales
avec
les pays du Golfe / répercussions
de la libéralisation du commerce
DG TRADE
EID
Négociations EU-
ACP
Achevée Négociations
commerciales
avec
les pays ACP / répercussions de la
libéralisation du commerce: aucun
effet notable sur l'UE
DG TRADE
EID
Négociations EU-
Mercosur
En cours
Négociations commerciales avec
les pays du Mercosur /
répercussions de la libéralisation
du commerce
DG MARKT
(étude interne
avec consultation
en ligne, sur le
site Web)
Restructurer au
moyen de fusions
transfrontalières
En cours
Par secteur: secteur bancaire
comm/internal_market/finances/
docs/cross-
sector/mergers/consultation_en.pdf
Des conclusions utiles pour la
gestion des conséquences
des restructurations sur l'emploi
peuvent être regroupées en trois types:
27
•
Premièrement, les conséquences quantitatives sur l'emploi interviennent bien
souvent par défaut d'anticipation et en 'dernier ressort'. En découle le besoin d'une
politique d'anticipation et d'adaptation vis-à-vis d'une nécessaire spécialisation
croissante. Il faut promouvoir le développement et la diffusion de technologies et
de R&D, de manière horizontale (utilisable dans divers secteurs et activités) et les
emplois (spécialement les emplois non qualifiés) doivent être développés dans les
secteurs non directement exposés à la concurrence. Il s'agit de penser de
véritables solutions pour les moins qualifiés (notamment le potentiel que
représentent les services qui absorbent une main d'œuvre relativement peu
qualifiée). L'investissement dans l'éducation/formation et dans
l'innovation/recherche semble à la fois indispensable et complémentaire.
•
Deuxièmement, le niveau d'analyse et de suivi pertinent pour ces restructurations
d'entreprises est probablement le 'bassin d'emploi' ou 'bassin de production', au
plus proche des spécificités du cas. Des solutions rapides de prise en charge au
niveau local ou régional de l'ensemble des salariés et personnes concernées (y
compris les sous-traitants) sont à envisager par les différents acteurs de manière
concertée (partenaires sociaux, institutions locales ou régionales, etc.). Si l'on se
réfère à l'approche géographique ou territoriale, l'accent doit être mis sur les
ressources disponibles dans les régions, en termes d'infrastructures, de
qualification de la main d'œuvre. Lorsque les investissements nécessaires sont
très risqués et trop importants, mais se révèlent d'une utilité économique mais
aussi sociale, les mécanismes appropriés doivent être mis en place. Néanmoins, il
s'agit de ne pas perdre de vue le fait qu'au niveau agrégé, les effets sur l'emploi
sont présumés positifs, il faut donc trouver le moyen de combiner l'approche
'micro' et d'en déduire ses implications au niveau agrégé.
•
La troisième approche est centrée davantage sur les individus touchés par le
changement. Selon la conception classique des échanges commerciaux
internationaux, une division internationale efficace du travail peut apparaître si,
dans chaque pays, les travailleurs sont redistribués entre les secteurs. Quant au
débat sur la "flexi-sécurité", il s'agit de faciliter les passages de la force de travail
d'un secteur ou d'une activité à l'autre, en protégeant les périodes de transition
(validation des acquis professionnels, développement de nouvelles compétences
et passerelles entre secteurs/activités), et mieux appréhender la mobilité
fonctionnelle et géographique pour améliorer l'appariement; les emplois détruits
et crées ne sont pas toujours de même nature et posent le problème du délai de
création de nouveaux postes et du niveau de qualification requis pour ces postes.
Le problème de la continuité de la protection sociale pendant ces transitions est à
étudier. La formation tout au long de la vie est une composante essentielle de la
réussite de cette approche.
Ces trois approches ne s'excluent pas mutuellement et doivent être envisagées de
manière combinée.