ENUGMIS 102: LE KRAKEN? QUEL EST L’ORIGINE D’UN TEL MONSTRE?
DOCUMENT:
LE KRAKEN?
Le kraken est « le plus gros “monstre” marin connu ». Ses bras sont longs comme les mâts des vaisseaux, et lorsqu’il stationne à la surface, « un régiment pourrait manoeuvrer sur son dos ». D’abord cantonné au bestiaire fantastique des marins, le kraken a acquis droit de cité dans la nomenclature zoologique.
Les récits des marins scandinaves décrivent un monstre pourvu de nombreux bras aussi longs que des mâts, qui s’agrippe aux navires et les entraîne vers le fond ; très vivante dans le folklore, la créature n’a pourtant jamais été représentée et garde tout son mystère jusqu’à l’entrée en scène des naturalistes, au XVIIIe siècle, qui pensent avoir trouvé son identité. En projetant des catégories zoologiques modernes sur d’anciens monstres, on introduit une fausse continuité historique qui gomme les différences entre la créature populaire et le céphalopode.
La première mention nominale du kraken se trouve dans l’oeuvre d’un voyageur italien. Francesco Negri (1623-1698), prêtre de Ravenne, avait dévoré la première somme publiée sur les pays nordiques, l’Histoire des peuples septentrionaux (1555), de l’évêque suédois Olaus Magnus. Désireux de compléter cet ouvrage clé, Negri visita la Scandinavie entre 1663 et 1665. De retour au pays, notre aventurier du savoir entreprit la rédaction de ses notes de voyage. Hélas, il mourut avant que son oeuvre, Voyage septentrional, ne soit publiée en 1701. Dans les chapitres consacrés à la Norvège, l’Italien apporte sa contribution aux données rassemblées par Olaus Magnus sur le serpent de mer. Dans la province de Trondheim, ses informateurs lui décrivent un autre monstre marin : « On nomme sciu-crak un poisson démesuré, de figure plate et ronde, pourvu de nombreuses cornes ou bras à ses extrémités ; au moyen de ces cornes, dressées de toutes parts, il enserre les petits esquifs des pêcheurs et tente de les submerger. » D’après Negri, le sciu-crak n’émerge que durant le solstice d’été et par calme plat. Il monte des profondeurs, lentement et « le dos en haut ». Quand la sonde révèle aux pêcheurs la présence de hauts fonds anormaux, ceux-ci comprennent que le monstre remonte vers la surface. Les équipages s’éloignent alors en toute hâte.
Certains prêtent à ce poisson les dimensions d’une baleine. Negri a noté le nom de la créature. Sciu correspond au norvégien soe (mer) et crak doit se lire krake ou kraken. Le prêtre de Ravenne est le premier à offrir une description d’un monstre local qu’il ne cherche pas à identifier zoologiquement.
Un demi-siècle plus tard, le « poisson démesuré » trouve sa place dans la monumentale Histoire naturelle de Norvège (1752-53) de l’évêque de Bergen, Erik Ludvigsen Pontoppidan. Dans la seconde partie de son traité, le prélat naturaliste a dédié un chapitre à l’étude rationnelle d’un trio de monstres marins décrits par les habitants de la côte Ouest de la Norvège, l’homme marin, le serpent de mer et le kraken. Pontoppidan écrit de ce dernier qu’il s’agit du « plus grand monstre marin du monde ». On le nomme krake ou krabbe (crabe), « nom qui lui est appliqué de préférence ». Le Norvégien, ignorant de l’ouvrage de Negri, utilise les mêmes expressions pour dépeindre cet être de forme « ronde, aplatie, et pleine de bras ». Pontoppidan a recours à son tour au terme étrange de « cornes » pour désigner les membres de la créature. Cet animal colossal ne se montre jamais en entier. Seule apparaît sa partie supérieure, qui ressemble à un archipel. L’évêque se hasarde à attribuer une identité naturelle au kraken.
On lit souvent que Pontoppidan est le premier auteur à avoir assimilé le monstre nordique à un poulpe géant. C’est inexact. Pour lui, le kraken était une forme demesurée d’étoile de mer arborescente ou Tête de méduse. Quelles données pouvaient légitimer une identification aussi curieuse ? Le hardi théoricien s’appuyait sur le témoignage des pêcheurs, qui présentaient les petites astéries de la côte comme des rejetons du kraken. Mais surtout, Pontoppidan s’efforçait de fournir une traduction scientifique au terme énigmatique de « corne ». Il s’agirait ici des bras d’une étoile de mer ; la solution investit de consistance zoologique les formes vagues et malléables d’un monstre façonné par la tradition orale. L’être ne dévoile qu’une infime partie de sa morphologie, son dos hérissé de protubérances. Tout part de cette image, qui renvoie à divers monstres marins et concourt à l’élaboration du kraken. Pontoppidan écrit que la créature attire ses proies avec ses excréments odorants. Ce comportement correspond à celui de l’Hafgufe, version septentrionale d’un monstre médiéval, la « bête-île ». Cette dernière est si vaste et si vieille que des arbres ont pris racine sur son dos. On peut reconnaître en cette végétation une mythification des dépôts parasitaires fixés sur le corps des baleines. Les tiges arborescentes de l’échine du kraken se prêtent ainsi à deux niveaux d’interprétation. Dans la voie suivie par l’évêque de Bergen, il s’agit des bras ramifiés d’une créature connue de la science. Mais l’on pourrait tout aussi bien ramener cet attribut aux arbres couvrant le dos des cétacés légendaires. Pontoppidan avait remarqué que le nom de krabben (crabe) était appliqué « de préférence » à son animal problématique. Or, en 1706, Christian Franz Paullini, un médecin, publiait un document que lui avait transmis un ami norvégien. Il s’agissait de la description d’un monstre de l’extrême Nord du pays.
C’était un crabe de si vastes proportions « qu’un régiment pourrait manoeuvrer sur son dos ». Des arbres croissaient sur sa carapace qui se hissait lentement à la surface. La partie supérieure de l’animal évoque un groupe d’écueils, nous remettant en mémoire la bête-île des narrations médiévales. La description populaire du kraken se forme par accrétion d’apports traditionnels concourant à l’établissement du portrait d’un monstre composite, indissociable d’autres entités, tels un cétacé mythique, un crabe titanesque ou une étoile de mer magnifiée.
Pontoppidan abolit cette pluralité, ne retenant que les éléments propices à sa construction naturaliste. L’assimilation du kraken à une Tête de méduse, aussi in- admissible soit-elle pour le zoologue moderne, a stabilisé le monstre en le dotant de contours définis et en l’intégrant dans le champ d’une ichtyologie spéculative. Pontoppidan a adapté le kraken aux critères d’admissibilité scientifique de son temps en retranchant les particularités incompatibles avec sa retraduction des données. Ainsi n’accorde-t-il que « 600 mètres » à la circonférence dorsale de la créature, soulignant que certains de ses informateurs attribuent à l’être des dimensions plus extraordinaires encore. Pontoppidan construit ses animaux problématiques par découpage. En raison du nombre et de l’unanimité des témoignages, il ne doute pas de leur réalité mais admet que des exagérations et adjonctions fabuleuses aient pu adultérer les rapports. L’insertion dans le cadre zoologique procède d’une épuration. Pontoppidan désenchante le kraken pour en faire un problème de sciences naturelles.
L’ouvrage du savant norvégien, traduit en anglais dès 1755, sera avidement lu et discuté par les beaux esprits du siècle des Lumières. Pourtant, on observe un glissement interprétatif à l’endroit du kraken. Les glosateurs ont désormais tendance à in- terpréter le monstre comme un poulpe géant.
La notice sur le kraken du Supplément de l’Encyclopédie (1777) rend bien compte d’une telle évolution. Le rédacteur consent à se départir de son scepticisme pour conjecturer l’existence d’un poulpe aux bras « de la grosseur des plus hauts mâts de navire ». La thèse du poulpe-kraken trouvera son promoteur au siècle suivant. Dans son Histoire naturelle des mollusques (1802), le malacologue Montfort construit cet animal conjectural à partir d’un socle érudit, mais torture ses sources pour les adapter à sa thèse. Ses procédures de rationalisation se révèlent drastiques. Les arbres sur la carapace du crabe de Paullini sont lus comme de simples algues fixées sur le dos d’un animal retraduit comme poulpe géant. L’auteur écrit : « Si le kraken existe, il ne peut être qu’un poulpe, et l’animal le plus immense de tout le globe. » Montfort fait du kraken un frère septentrional du « poulpe colossal », un autre mollusque spéculatif. Ce dernier, plus agressif, n’hésiterait pas à attaquer les navires, et l’auteur produit une pièce à conviction. C’est l’image d’un ex-voto d’une chapelle de Saint-Ma- lo montrant une pieuvre géante enroulant ses bras autour des mâts d’un bateau. Le traité de Montfort scelle la disparition du kraken en tant qu’entité autonome. A partir de son ouvrage, le monstre norvégien va se fondre peu à peu dans de nouvelles identités : le poulpe puis le calmar géant.
Les récits folkloriques ne seront plus admis comme l’écho mythique de rencontres avec un animal inconnu mais comme des matériaux témoignant du gigantisme de certains céphalopodes.
Desservi par ses formulations outrancières, Montfort connut un long purgatoire intellectuel. Sa revanche posthume sera tardive et ambiguë. Une quarantaine d’années après la mort du malacologue, la science reconnaît le gigantisme céphalopodien, mais c’est de calmars et non de poulpes qu’il s’agit. Un événement allait accélérer cette reconnaissance. En 1861, l’aviso français Alecton rencontra au large de Ténériffe un calmar de 5 mètres.
L’équipage voulut capturer le mollusque, qui s’échappa en abandonnant un bout de queue. L’épisode fit autant de bruit à l’Académie des sciences que dans le grand public. Le capitaine ayant désigné l’animal comme un « poulpe géant », l’aventure contribua dans un premier temps à réhabiliter les thèses de Montfort auprès des vulgarisateurs et des romanciers.
Dans les Travailleurs de la mer (1866), Hugo présente ainsi l’adversaire de Gilliatt : « Ce monstre est celui que les marins appellent poulpe, que la science appelle céphalopode, et que la légende appelle kraken. » Mais l’évolution du kraken n’était pas achevée. Quelques années après l’affaire de l’Alecton, les échouages de calmars géants sur les côtes de Terre-Neuve favorisèrent l’assimilation quasi générale du kraken à un calmar de vastes dimensions. Admis par l’institution scientifique sous le nom d’Architeuthis, le grand céphalopode prenait place dans l’imaginaire moderne. Dragon de l’ère positiviste, le calmar réoccupait la niche mythique aménagée par Montfort pour son poulpe colossal.
En 1874, les Britanniques purent lire dans The Times une nouvelle sensationnelle. La goélette Pearl venait d’être coulée par un calmar géant. Pour le public, les assertions téméraires de l’auteur de l’Histoire naturelle des mollusques paraissaient confirmées. A condition de remplacer poulpe par calmar, le céphalopode naufrageur du navire français semblait avoir fait irruption dans l’actualité. On sait aujourd’hui que l’histoire du Pearl était un canular, mais l’article contribua à favoriser la fusion entre le monstre légendaire et l’Architeuthis. À la fin du XIXe siècle, le naturaliste anglais H. Lee pouvait se recommander d’un consensus lorsqu’il écrivait que les calmars géants sont « les représentants vivants du kraken ».
En fait, la morphologie du kraken de Pontoppidan, avec ses formes arrondies, ne correspond nullement à la silhouette fuselée du calmar. En outre, ni les deux longs fouets tentaculaires ni les énormes yeux caractéristiques de ces mollusques n’apparais- sent jamais dans les descriptions norvégiennes du monstre. Qui plus est, les conteurs de Pontoppidan ne font pas mention de détails caractéristiques de la morphologie des céphalopodes (bec corné, ventouses). Alors que les ouvrages de vulgarisation disséminaient les images du kraken-calmar, les folkloristes de sa patrie d’origine recueillaient toujours auprès des pêcheurs des images du monstre conformes au modèle traditionnel.
La créature s’est donc divisée. Le kraken populaire a perduré dans le savoir et l’expérience des communautés côtières norvégiennes sous forme d’un être irréductible à la science, jusqu’à l’aube de la Première Guerre mondiale.
ET PUIS NOUS AVONS TROUVE UNE BIEN ETRANGE DECOUVERTE: CELLE D’UN MONSTRE REEL, DECOUVERT AU XIX ème SIECLE?
L’enquête d’un médecin naturaliste, XIX siècle. L’histoire commence le 30 novembre 1896… Ce jour-là, deux jeunes cyclistes, Herbert Cole et Dunham Coretter, découvrirent une énorme charogne à moitié enfouie dans le sable sur une plage située tout près de la station balnéaire de Saint-Augustine (côte est de la Floride). Pour les deux garçons, au regard de la taille de l’épave, il était certain qu’il s’agissait des restes d’une baleine échouée sur la plage ; du reste, un cétacé avait été capturé deux ans auparavant à l’embouchure de la rivière Matanzas, tout à côté (voir carte et figure 4).
Revenus en ville, les deux garçons firent part de leur découverte à un médecin de Saint-Augustine, amateur passionné d’histoire locale et de sciences naturelles, le docteur DeWitt Webb (figure 5).
Figure 5 : le docteur DeWitt Webb
(photo archives Saint-Augustine Historical Society) Né en 1840, ce dernier s’installa peu après ses études à Saint-Augustine, où il fonda bientôt la Saint-Augustine Scientific, Literary and Historical Society, dont il fut le président pendant 34 ans. Il fut également maire de la ville en 1911 et 1912 ; ses concitoyens comme ses confrères le tenaient en haute estime, aussi bien pour son dévouement à la cité que pour son travail (il avait d’ailleurs refusé le renouvellement de son mandat de maire, pour pouvoir se consacrer à sa carrière médicale). Lorsqu’il était assistant médical et chirurgical à Fort Marion, il gagna la confiance des Indiens qui y étaient emprisonnés, ce qui suffit à me rendre le docteur Webb éminemment sympathique, quand on sait la mentalité dominante des “visages pâles” à cette époque (il n’est que de voir les Westerns de l’âge d’or d’Hollywood pour s’en persuader !).Si je me suis ainsi attaché à préciser la personnalité du docteur DeWitt Webb, c’est parce qu’il va jouer un rôle essentiel dans la suite des événements, et que c’est la seule personne ayant quelque compétence scientifique à avoir enquêté sur place. Par ailleurs, rien dans ses responsabilités médicales, administratives, ou à la tête de la société qu’il avait fondée, ne donne à penser qu’il ait pu être un mystificateur.
C’est donc le lendemain 1er décembre 1896, que le docteur Webb put se rendre sur les lieux de l’échouage et procéder à un premier examen de la “chose”. Il lui apparut tout d’abord que le cadavre de l’animal, très mutilé, était dans un état de décomposition déjà avancé : peut-être était-il échoué depuis plusieurs jours, peut-être même l’animal était-il mort depuis bien plus de temps encore… Le cadavre de cette mystérieuse créature était d’une couleur rose pâle, presque blanche, avec un reflet argenté à la lumière du soleil. Il était également d’une consistance très dure, à tel point qu’un couteau ne parvenait pas à l’entamer. Ce qui dépassait du sable mesurait environ 6 m de long, 5 m de large et près de 1,20 m de hauteur, et le docteur Webb en estimait le poids à près de 5 tonnes, sinon plus !
Cependant, le plus ahurissant était que, selon le médecin, il ne s’agissait absolument pas du cadavre d’une baleine, mais bel et bien des restes d’un poulpe gigantesque, d’une taille propre à rivaliser avec celle des plus grands calmars géants !Quelques jours plus tard, sans doute le 7 décembre 1896, le docteur Webb revint sur les lieux de l’échouage avec deux photographes amateurs, Edgar Van Horn et Ernest Howatt, afin de prendre des vues de l’épave.
Les photographies prises à cette occasion étaient considérées jusqu’à tout récemment comme perdues, et l’on ne possédait que des dessins effectués à l’époque à partir de celles-ci : surexposées, les photographies ne furent pas publiées, et l’on ignorait ce qu’elles étaient devenues. Contentons-nous donc pour l’instant de ces dessins, publiés dans l’American Naturalist d’avril 1897, et exécutés par Alpheus Hyatt Verrill d’après les originaux.
Le premier dessin (figure 6), en vue frontale, montre le corps de l’animal, sorte de sac piriforme, avec ce qui semble être les moignons de cinq bras, derrière lequel se tient un homme qui, vraisemblablement, n’est autre que le docteur Webb lui-même (reconnaissable à son chapeau et ses moustaches), et qui permet de se faire une idée de l’échelle.
Figure 6 : le “monstre de Floride”, dessiné d’après une photographie prise de face
(tiré de Verrill, American Naturalist, 1897) Le deuxième dessin (figure 7), d’après une photographie prise de côté, ressemble vaguement à un éléphant couché sur le flanc, et montre une carcasse qui s’amincit progressivement vers l’extrémité, où l’on parvient à distinguer 2 ou 3 moignons de bras.
En fait, une des photographies originales, prétendument perdue, a été obtenue par Gary Mangiacopra en 1994 seulement : c’est de toute évidence à partir de cette photographie (figure que Alpheus Hyatt Verrill, a exécuté le dessin précédent, ainsi que celui illustrant son propre article pour le Hartford Daily Courant du 18 février 1897 (figure 9).
Vers la même époque, un certain Mr. Wilson écrivit au docteur Webb pour lui communiquer les résultats de ses observations, faites après avoir creusé autour du cadavre :
“Un bras s’étendait à l’ouest du corps, long de 23 pieds [7 m] ; un moignon de bras, à l’ouest du corps, d’environ 4 pieds [1,20 m] ; trois bras s’allongeaient au sud du corps et y étaient apparemment attachés (bien que je n’aie pas creusé jusqu’au corps, car il était bien enfoncé dans le sable, et j’étais fatigué), le plus long mesurait plus de 32 pieds [9,75 m], les autres bras étaient de 3 à 5 pieds [90 cm à 1,50 m] plus courts.”
Peu après, une très forte tempête avait emporté le cadavre, qui finit par revenir s’échouer un peu plus au sud, après que la tempête et le ressac lui eussent arraché les bras.
Dans les tous premiers jours de décembre 1896, un certain docteur Grant, propriétaire d’une résidence sur la plage de Saint-Augustine, fit à son tour connaître son témoignage au Pennsylvania Grit de Williamsport, qui le publia dans son numéro du 13 décembre :“La tête est aussi grande qu’un baril ordinaire de farine et a la forme de la tête d’un phoque. Le cou, si l’on peut dire que la créature a un cou, a le même diamètre que le corps. La bouche est sous la face inférieure de la tête et est protégée par deux tubes tentaculaires d’environ 8 pouces [20 cm] de diamètre et de 30 pieds [9 m] de long. Ces tubes ressemblent à une trompe d’éléphant, et étaient évidemment utilisées à saisir à la manière de ventouses tout objet à leur portée.
“Un autre tube ou tentacule de même dimension monte sur le sommet de la tête. Deux autres, un de chaque côté, sortent de derrière le cou de l’animal et s’étendent de 15 pieds [4,50 m] le long de l’animal et derrière la queue. La queue, qui est séparée et déchiquetée avec des points de coupure sur plusieurs pieds, est flanquée de deux tentacules de plus de mêmes dimensions que les autres et de 30 pieds [9 m] de long. Les yeux sont sous la partie arrière de la bouche, au lieu de dessus.
“Ce spécimen est si grièvement mutilé par les requins et poissons-scies que seuls les moignons de tentacules restent, mais des morceaux en furent trouvés à quelque distance sur la plage, montrant que l’animal avait eu une féroce bataille avec ses adversaires avant d’être mis hors de combat et de s’échouer sous l’effet du ressac.”Laissons de côté l’illustration fantaisiste (figure 10), faite par le dessinateur du journal et non par le témoin.
La description n’a pas toute la clarté désirable, mais on peut en tirer quelques renseignements substantiels. Tout d’abord, si l’on fait le décompte des moignons de “tentacules”, on en trouve sept, ce qui à une unité près désigne un octopode, un poulpe — dont le nom, notons le bien, n’a pas été prononcé. Mr. Grant insiste sur le fait que tous ces “tentacules” sont de même dimension : rien n’indique donc la présence de fouets de calmar.La mention d’une “queue” flanquée de deux tentacules est plus déconcertante, mais on peut suggérer qu’il s’agit en fait d’un fragment de la tête ou de l’ombrelle, armé de deux bras, gisant près de l’extrémité opposée du corps : Mr. Grant fait d’ailleurs remarquer que cette soi-disant “queue” est déchiquetée et séparée du reste du corps. Enfin, les dimensions des restes des bras du monstre (quelque 9 m de long pour 20 cm d’épaisseur) confirment parfaitement les dimensions que Mr. Wilson avait données dans sa lettre au Dr. Webb, et celles que donnera Webb lui-même peu après.
Pendant ce temps, le docteur Webb avait entrepris de faire connaître sa spectaculaire découverte à la communauté scientifique, et il avait écrit plusieurs lettres à divers scientifiques, dont une fut publiée par le mensuel malacologique (à savoir sur les mollusques) Nautilus, dans son numéro de janvier 1897. Bien que non datée, cette lettre fut certainement écrite au tout début de décembre 1896, pour avoir été publiée si tôt :
“J’ai été très intéressé par un immense céphalopode qui s’est échoué à 5 miles au sud de Jack Mound, île Anastasia. Il ne restait que des moignons de tentacules, car il était mort depuis peut-être plusieurs jours. Le corps mesurait 18 pieds [5,50 m] de long, 11 pieds [3,35 m] de large et 3 pieds et demi [1,05 m] d’épaisseur au-dessus du sable, comme il gisait mou et aplati sur la plage. Bien sûr, il n’y a aucun moyen de connaître la longueur des tentacules, mais vu la taille du corps, les bras devaient être d’une longueur énorme.”
Le rédacteur en chef de la revue scientifique avait fait paraître cette lettre sous le titre “un grand décapode”. Il ne s’agissait pas d’une “coquille” (ce qui aurait été banal pour un périodique malacologique !), mais tout simplement d’une attitude bien compréhensible de sa part, et que nous retrouverons par la suite : un céphalopode aussi gigantesque, ne pouvait être qu’un décapode, c’est-à-dire un calmar, quoi qu’en pensât le docteur Webb. Il est vrai que ce dernier ne parlait dans sa lettre que d’un “céphalopode”, sans plus de précision ; mais il fut plus explicite dans une autre de ses lettres, datée du 8 décembre 1896, et adressée à Mr. J.A. Allen :
“Il se peut que vous soyez intéressé de savoir que le corps d’un immense poulpe a été jeté à quelque miles au sud de cette ville [Saint-Augustine]. Des tentacules, il ne reste que des moignons, car il est évident qu’il était mort depuis quelque temps avant même de s’échouer. Tel quel, cependant, le corps mesure 18 pieds [5,50 m] de long sur 10 pieds [3 m] de large. Sa taille immense et son état s’opposent à toute tentative de conservation. J’ai pensé que sa taille pourrait vous intéresser car je n’ai pas connaissance qu’on en ait enregistré un d’aussi grand.”
Avant de poursuivre, il faut faire quelques remarques sur les dimensions données par le médecin de Saint-Augustine. La “largeur” de 10 pieds (3 m) s’applique en fait à l’ensemble des restes (corps et moignons de bras), et non au seul corps de l’animal, comme on peut s’en rendre compte sur les dessins : sur celui effectué d’après la photo prise de face, on constate que la largeur du corps est d’environ la moitié de l’étendue totale des restes, ou encore, semble-t-il, du même ordre de grandeur que la taille du docteur Webb, soit dans un cas comme dans l’autre environ 1,50 m. Cette estimation est confirmée par l’examen de l’autre dessin, où la largeur du corps représente en effet à peu près le quart de la longueur du cadavre, donc 5,50 m/4 = environ 1,40 m.
Récemment on l’a vu dans la saga “pirates des caraïbes”.
VOIR: ENIGME 23 SUR LE HOLLANDAIS VOLANT , le capitaine Jones (qui ressemble à un kraken) et le KRAKEN!
LE HOLLANDAIS VOLANT
Le Hollandais volant (en anglais, Flying Dutchman) est le personnage central d’une grande quantité de légendes.
Quel phénomène naturel a pu provoquer la psychose de cette apparition fantôme chez tous les marins du monde pendant plusieurs siècles ?
Issu d’une rumeur qui circulait dans les Caraïbes aux premiers temps de la flibuste, il était supposé être le revenant d’un capitaine de fortune, qui, avec un équipage d’ectoplasmes à bord de son vaisseau fantôme, attaquait par traîtrise les navires sur toutes les mers du globe.
Grand pourvoyeur de frayeurs auprès de marins frustes et prompts à s’inquiéter dans des conditions difficiles d’existence, il a dominé la légende maritime pendant très longtemps.
Il n’y a pas que les châteaux d’Ecosse ou les vieilles demeures qui soient hantés. La mer et l’océan possèdent aussi leurs histoires de hantises : les vaisseaux fantômes.
Le plus célèbre reste le « Hollandais Volant ».
Il existe plusieurs légendes concernant l’origine de ce vaisseau fantôme.
La plus connue est celle qui inspira Richard Wagner pour son opéra « Le Vaisseau Fantôme ». Au XVIIème siècle, au large du Cap de Bonne Espérance, le Capitaine Van der Decken subissait la plus forte tempête que sa carrière de marin n’ait jamais vue. Hurlant et injuriant Dieu car le bateau était sur le point de sombrer, il fut maudit à jamais ; condamné à errer sur les flots et dans les limbes, n’étant ni mort ni vivant. Il sera « délivré » par l’amour de sa femme qui acceptera de mourir pour sauver son âme.
La deuxième légende se situe vers 1650. A Amsterdam vivait Barent Fokke un capitaine réputée pour ses colères, son mauvais caractère et surtout pour son bateau, le plus rapide du pays, capable de rallier Batavia à Amsterdam en à peine trois mois. La rumeur voulait que Fokke ait passé un pacte avec le diable afin que son navire soit le plus rapide d’entre tous les bateaux. Un jour, il disparut corps et biens. La légende naissait : comme il était maudit, il était condamné à errer éternellement sur les océans.
Quelques soient les versions, les témoignages de marins ayant croisés le « Hollandais Volant » et ses voiles rouges, ont été enregistrés depuis le 17ème. En 1881, le futur roi d’Angleterre, George V, alors duc d’York, fut le témoin d’une bien étrange apparition au large des côtes australiennes. Alors qu’il prenait le frais sur le pont, il aperçut un halo rougeâtre dans la nuit noire et opaque. Un immense vaisseau apparut et passa devant le bateau, sans aucun bruit… Le lendemain, un des marins de quart cette nuit là, tombait d’un mât et se tuait. Quelques jours plus tard ce fut le tour de l’amiral qui commandait cette flotte. Certains pensèrent à une malédiction provenant du « Hollandais Volant ».
Le journal de bord de « La Bacchante » relate les faits :
« quatre heures du matin , un brick passa sur notre avant, à environ trois cents mètres, le cap vers nous. Une étrange lumière rouge éclairait le mât, le pont et les voiles. L’homme de bossoir le signala sur l’avant, ainsi que le lieutenant de quart. Un élève officier fut envoyé dans la vigie, Mais il ne vit cette fois aucune trace, aucune signe d’un navire réel. seize personnes ont été témoins de l’apparition. a nuit était claire et la mer calme. Le Tourmaline et le Cléopâtre qui naviguaient par tribord avant nous demandèrent par signaux si nous avions vu l’étrange lumière rouge ».
D’autres manifestation de ce vaisseau fantômes eurent lieu. En 1887 il fut aperçut par l’équipage de l’Orion, vaisseau américain naviguant vers la Chine. C’est d’une plage d’Afrique du Sud, en 1939, que des témoins verront un trois mats qui file toutes voiles dehors, alors qu’il n’y a pas de vent, et disparaît brusquement.
On le verra également en pleine mer en 1942.
L’énigme de la Marie-Céleste (ou Mary-Sellars) peut être rapprochée de cette légende pour son pouvoir d’effroi et la grande quantité d’interprétations possibles.
Marie-Céleste
La Marie-Céleste, peinture d’un peintre inconnu
L’énigme de la Marie-Céleste est une des plus fameuses du monde maritime.
Globalement, l’histoire originelle est relative à un brick-goélette, nommée par les marins français la Marie-Céleste mais de son nom originel Mary Sel et immatriculé à New York qui fut retrouvé, naviguant sous voilure réduite dans l’océan Atlantique, sans personne à bord le 4 décembre 1872. L’équipage du bateau qui le retrouva, le Dei Gratia, capitaine Morehouse, n’aurait trouvé aucune indication sur le livre de bord sur les jours qui précédaient. Par contre, les instruments de navigation (loch, sextant, instructions maritimes,…) manquaient à bord et une certaine quantité d’eau avait été embarquée dans les fonds.
La disparition, corps et biens, du capitaine Briggs, de sa femme, de sa fille et des sept hommes de l’équipage, la cargaison de 1700 fûts d’alcool dénaturé et l’incompréhension de ce qui s’est réellement passé a généré de la part des médias de l’époque un grand nombre d’hypothèses. On parla de mutinerie, d’attaque du navire pour récupérer sa cargaison, de rivalité amoureuse, de monstres marins, etc.
De plus, l’imaginaire des marins a excessivement brodé sur cette histoire de vaisseau fantôme, avec force détails inventés, du chat noir qui était seul à bord à la soupe fumante que l’équipage aurait retrouvé comme si le navire avait été abandonné subitement, sans compter un harmonium qui jouait seul, etc.
En fait, tout laissait à penser à un abandon trop hâtif par son équipage d’un navire apparemment en difficulté, comme toutes les histoires de naufrages en regorgent.
C’est vraisemblablement la projection de ces nombreuses terreurs du monde maritime que la tradition orale des matelots a enjolivé, augmenté et modifié au fur et à mesure des différentes escales (et beuveries) des uns et des autres. Moby Dick, le Hollandais volant, les pirates et flibustiers au grand cœur en sont autant d’autres…
AUTRES LEGENDES MARINES!!!!!!!!!!!!!!!! |
Il faut noter aussi la ressemblance de cette légende marine avec celle du Caleuche (à prononcer ka-lé-ou-tché), dans le folklore de l’île de Chiloé, au Chili où il est question également d’un bateau qu’on aperçevrait seulement la nuit au large de l’île. Il n’aurait cependant pas la même dimension maléfique que le Hollandais volant.
Caleuche
De manière générale, les sorciers sont très présents dans la vie des chilotes. On les invoque, on les craint, on en parle à demi-voix, mais on ne doute guère de leur existence. Ils auraient en effet leur caverne, quelque part dans la forêt autour de Quemchi et celle-ci serait gardée par un monstre créé de toutes pièces : un bébé mutilé pour ne pouvoir se déplacer qu’en rampant et nourri de sang.
Les sorciers ont évidemment leurs propres moyens de transport : un cheval marin qu’il leur suffit de siffler depuis la plage pour qu’il apparaisse, et surtout le Caleuche.
C’est un bateau fantôme qui apparaît et disparait instantanément. Sans doute parce qu’il a la faculté de se mouvoir aussi bien sous l’eau qu’à la surface de la mer.
Ceux qui ont pu le voir (surtout par temps de brouillard ou de tempête) racontent qu’il est superbement illuminé et que son équipage (composé de sorciers) chante et danse merveilleusement.
Lorsqu’il disparait, le Caleuche laisse derrièrelui les échos de cette musique enchanteresse, ainsi que d’étranges bruits de chaînes.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, son apparition n’est pas un mauvais présage. Au contraire, ceux qui le voient deviendraient par la suite des commerçants prospères.
MAIS REVENONS AU HOLLANDAIS VOLANT QUI A INSPIRE UNE TRILOGIE CELEBRE
” PIRATES DES CARAIBES”
LE CAPITAINE DU HOLLANDAIS VOLANT DANS LE FILM PIRATES DES CARAIBES!
DESCRIPTION DU FILM
BD
AU CINEMA, DANS LE FILM “LE CHOC DES TITANS”.
Le choc des titans, à la main
30 juillet 2007, posté par Stahlhelm
Ray Harryhausen et Méduse en bien piteux état
A chaque fois que je vois un kraken se démener contre des humains remplis de terreur aveugle, je pense immédiatement au Choc des Titans, déferlante orgiaque et cinématographique d’effets spéciaux à la main de 1981, racontant le dangereux périple de Persée (en grec ancien Περσεύς / Perseús, « le pilleur ») en quête d’amour et d’eau fraîche.
Bon, on est bien d’accord qu’il ne s’agit pas là d’une histoire vraie, mais on y croyait quand même bien fort, grâce justement à la magie féérique des figurines de Ray Harryhausen, papa de la face de chèvre de Calibos et autres scorpions géants vindicatifs qui prenaient un malin plaisir à embêter Persée et à nous faire faire des cauchemars à la pelle par la même occasion.
Et c’est l’inquiétant Monster Brains qui nous parle de cette magie vintage avec moults photos.
Ray Harryhausen et son KrakenLes polyglottes se délecteront également de ces deux vidéos qui nous en apprennent plus sur la technique de l’animation en volume et papa Ray :
Stop Motion Masters
This is Dynamation!
Délires visuels actuels sur le kraken.
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You’re currently reading “ENUGMIS 102: LE KRAKEN? QUEL EST L’ORIGINE D’UN TEL MONSTRE?,” an entry on ENUGMIS DE L’HISTOIRE/GEOGRAPHIE.
- Published:
- 5.23.07 / 6
- Category:
- TERREUR OU SUPERSTITION
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