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Finance comportementale et fonds de pension 

 
 
 

Anne Lavigne* et Florence Legros** 

 

Contribution aux mélanges en l'honneur de Gilbert Abraham-Frois 

 

Mars 2006 

 
 

Résumé : 
La finance comportementale remet en question deux hypothèses fondamentales de la théorie des marchés 
efficients, d'une part la rationalité des investisseurs, d'autre part l'absence d'opportunité d'arbitrage. S'agissant de 
la rationalité, les investisseurs individuels sont sujets à des biais cognitifs, qui modifient et leurs croyances 
(anticipations) et leurs préférences (attitude vis-à-vis du risque). Quant à l'absence d'opportunité d'arbitrage, elle 
se heurte à des contraintes structurelles et institutionnelles. On peut alors conjecturer que les investisseurs 
collectifs que sont les fonds de pension puissent être soumis à des biais cognitifs différents des investisseurs 
individuels. Ils n'acquièrent pas l'information au même coût, ils disposent d'une capacité supérieure de traitement 
de cette information, ils n'ont pas les mêmes préférences que leurs mandants, ni les mêmes contraintes de 
gestion. Dans la plupart des travaux existants, la finance comportementale s'intéresse au 

comportement

 

individuel

. L'accent est mis sur les actions des agents sur les marchés financiers  et peu sur les équilibres, même 

si ces équilibres sont la conséquence d'actions. La finance comportementale considère des investisseurs isolés 
(et les expériences qu'elle mène portent sur des individus). Or les fonds de pension sont des organismes, 
composés d'individus aux intérêts divergents (sponsor, manager, société de gestion déléguée, salariés, retraités) 
et donc soumis à des relations d'agence. Ces relations d'agence sont susceptibles d'infléchir leur comportement, 
dans le sens d'un amoindrissement ou d'un renforcement des phénomènes mis en évidence par la finance 
comportementale pour des investisseurs individuels.  En tant qu'investisseurs institutionnels, ils peuvent avoir 
accès à des informations privées. Ils peuvent également exercer un activisme (i.e. influencer les performances 
des titres des sociétés dans lesquelles ils investissent). Dans cette contribution qui présente une revue de 
littérature, nous défendons la thèse selon laquelle, dans leur allocation stratégique, les fonds de pension ont des 
comportements "anormaux" qui sont le reflet des individus dont ils sont les mandataires. En revanche, dans 
l'allocation tactique, les fonds de pension ont des biais comportementaux qui sont le reflet des relations d'agence 
auxquelles ils sont soumis.  
 
Abstract:  
Behavioural finance has recently developed against the traditional efficient market hypothesis. It mainly focuses 
on individual behaviour. This paper presents a survey on the behavioural biases of pension funds. We argue that 
the strategic allocation of pension funds is subject to "abnormal" behaviours due to investment biases of the 
individuals affiliated to pension funds, mainly guided by their preferences and their beliefs. On the opposite, their 
tactical allocation is influenced by behavioural biases driven by the agency relationships between pension funds 
stakeholders. 
 
Classification JEL : G110, G230 
 
* Laboratoire d'économie d'Orléans, UMR 6221 du CNRS, Rue de Blois, BP 6739, 45067 Orléans Cedex 2. 

Anne.Lavigne@univ-orleans.fr

 

** Professeur, directrice du laboratoire Structure et Dynamiques Financières (SDF), Université de Paris 
Dauphine, Place du Maréchal de Lattre de Tassigny, 75775 Paris Cedex 16. 

Florence.Legros@dauphine.fr

  

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2

Introduction 
 
 
 

En 1978, Michael Jensen affirmait, non sans emphase et témérité, que "l'hypothèse de marchés 

efficients constitue le fait le mieux établi de toutes les sciences sociales". Las, cette affirmation péremptoire était 
ébranlée par une littérature empirique pléthorique, soulignant l'excessive volatilité des marchés financiers. Malgré 
une contre-attaque vigoureuse soulignant les biais méthodologiques associés aux tests de volatilité, le krach 
boursier du 19 octobre 1987 balayait l'hégémonie de la théorie des marchés financiers efficients. S'ouvrait alors 
une nouvelle ère de recherches fécondes, remettant en cause les hypothèses fondamentales de l'efficience, et 
dont le corpus est consacré par l'appellation de finance comportementale (

behavioral finance

). 

 
 

Certes, ce corpus n'a pas la cohérence formelle de la théorie financière standard des marchés efficients. 

Il reste un assemblage de preuves empiriques et d'intuitions empruntées à plusieurs disciplines des sciences 
sociales, au premier rang desquelles la psychologie, ce qui l'expose à des tentatives d'assimilation (Fama (1998), 
Frankfurter et McGoun (2002)), voire des prémonitions mortifères (Thaler, 1999) malgré sa relative jeunesse. 
Pour autant, ce corpus a permis des avancées fécondes pour comprendre le comportement des investisseurs 

individuels

. L'objectif de cet article est d'évaluer l'apport de la finance comportementale dans l'analyse d'une 

catégorie d'investisseurs 

collectifs

, les fonds de pension. 

 
 

La finance comportementale remet en question deux hypothèses fondamentales de la théorie des 

marchés efficients, d'une part la rationalité des investisseurs, d'autre part l'absence d'opportunité d'arbitrage 
(Barberis et Thaler, 2003). S'agissant de la rationalité, les investisseurs individuels sont sujets à des biais 
cognitifs, qui modifient et leurs croyances (anticipations) et leurs préférences (attitude vis-à-vis du risque). Quant 
à l'absence d'opportunité d'arbitrage, elle se heurte à des contraintes structurelles et institutionnelles. 
 
 

On peut alors conjecturer que les investisseurs collectifs que sont les fonds de pension puissent être 

soumis à des biais cognitifs différents des investisseurs individuels. Ils n'acquièrent pas l'information au même 
coût, ils disposent d'une capacité supérieure de traitement de cette information, ils n'ont pas les mêmes 
préférences que leurs mandants, ni les mêmes contraintes de gestion.  
 

Dans la plupart des travaux existants, la finance comportementale s'intéresse au 

comportement

 

individuel

. L'accent est mis sur les actions des agents sur les marchés financiers  et peu sur les équilibres, même 

si ces équilibres sont la conséquence d'actions. La finance comportementale considère des investisseurs isolés 
(et les expériences qu'elle mène portent sur des individus). Or les fonds de pension sont des organismes, 
composés d'individus aux intérêts divergents (sponsor, manager, société de gestion déléguée, salariés, retraités) 
et donc soumis à des relations d'agence. Ces relations d'agence sont susceptibles d'infléchir leur comportement, 
dans le sens d'un amoindrissement ou d'un renforcement des phénomènes mis en évidence par la finance 
comportementale pour des investisseurs individuels.  En tant qu'investisseurs institutionnels, ils peuvent avoir 
accès à des informations privées. Ils peuvent également exercer un activisme (i.e. influencer les performances 
des titres des sociétés dans lesquelles ils investissent).  

 

En quoi la prise en compte de ces conflits d'intérêt est elle susceptible d'amoindrir ou de renforcer les 

biais associés à la finance comportementale ? Les investisseurs institutionnels sont ils plus "rationnels" que les 
investisseurs individuels ? Ou leur rationalité n'est-elle que le reflet de la rationalité des individus qui les 
composent ? Pourquoi les fonds de pension définissent-ils des 

styles

 de portefeuille ? En quoi la gestion 

financière des fonds de pension est elle différente de celle des autres fonds (fonds mutuels, fonds spéculatifs 
(horizon, prévoyance plus que précaution, aversion au risque…), et cette différence est elle de nature à faire 
émerger des comportements différents ? 

 

Les industriels de la gestion d'actifs distinguent trois phases dans la sélection des titres composant les 

portefeuilles gérés. Dans un premier temps, l'allocation stratégique détermine la sélection de grandes classes 
d'actifs à long terme. Lorsque l'investisseur est un fonds de pension, cette première phase comprend également 
le choix du mode de gestion (interne ou externe). Dans un second temps, l'investisseur ou son délégataire choisit 
une allocation tactique par des ajustements de court terme visant à modifier les pondérations des grandes 

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classes d'actifs définies par l'allocation stratégique 

(market timing)

. Dans un troisième temps, le gestionnaire 

sélectionne les titres composant chaque classe d'actifs 

(security selection)

.  

 
 

Cette décomposition rationalise les processus de choix des investisseurs. On conçoit aisément son 

caractère normatif. Dès lors, si chaque gestionnaire anticipe que les autres gestionnaires se comportent de la 
sorte, il est fondé à adopter ce processus, même si les justifications théoriques qui le gouvernent sont ténues 
(Davanne et Pujol, 2004). En effet, l'allocation stratégique est rigide car elle est déterminée par la "structure 
'normale' du portefeuille compte tenu des caractéristiques propres de l'investisseur (horizon d'investissement, 
aversion au risque…)", tandis que l'allocation tactique est mobile, dans la mesure "où sont prises en compte les 
configurations de marché particulières qui justifient, à un instant donné, un écart à l'allocation stratégique" 
(Davanne et Pujol, 2004, p.96). 
 
 

Dans cette contribution qui présente une revue de littérature, nous défendons la thèse selon laquelle, 

dans leur allocation stratégique, les fonds de pension ont des comportements "anormaux" qui sont le reflet des 
individus dont ils sont les mandataires (section 1). En revanche, dans l'allocation tactique, les fonds de pension 
ont des biais comportementaux qui sont le reflet des relations d'agence auxquelles ils sont soumis (section 2).  
 
1.

 

L'allocation stratégique des fonds de pension : le rôle des préférences et des croyances des 

investisseurs individuels 
 
 

Plusieurs études empiriques ont quantifié l'impact de l'allocation stratégique sur la rentabilité des fonds 

de pension. Selon Brinson et al. (1986), l'allocation stratégique explique près de 90% de la variation des 
rentabilités aux Etats-Unis. Dans une étude actualisant la précédente, Beebower et al. (1991) trouvent une valeur 
quasi-identique, 91,5%. D'après Ibbotson et Kaplan (2000), 99% du niveau de la rentabilité des fonds de pension 
et 90% de la variabilité des rentabilités seraient expliqués par l'allocation stratégique. Blake et al (1999) 
parviennent aux mêmes conclusions sur des fonds de pension britanniques : l'allocation stratégique 
conditionnerait  99% de la rentabilité des fonds.  
 
 

Ces résultats montrent que l'allocation stratégique obéit à un comportement standardisé, dans lequel 

l'expertise financière semble avoir un rôle marginal. D'une certaine manière, l'allocation stratégique des fonds de 
pension, qui constitue le cœur de métier de la gestion pour compte de tiers, est soumise aux biais 
comportementaux  des individus dont ils sont mandataires. Ces biais comportementaux concernent les 
préférences des investisseurs, mais également leurs croyances et leurs capacités à traiter l'information.  
 
1.1.

 

Les préférences  

 
 

En environnement incertain, on représente les choix des investisseurs comme des choix portant sur des 

loteries. La finance traditionnelle, comme la finance comportementale, s'intéresse par conséquent à leur attitude 
vis-à-vis du risque. Parmi les variables individuelles susceptibles d'influence cette attitude, figurent la richesse, le 
degré d'éducation, la catégorie socioprofessionnelle, mais aussi des variables temporelles telles que la 
génération, et surtout l'âge de l'investisseur.  
 
1.1.1.

 

Aversion au risque : les fonds de pension ont-ils la même aversion au risque que les individus ? 

 
 

Dans la mesure où les fonds de pension sont 

in fine 

l'émanation des salariés pour le compte desquels 

les entreprises sponsors versent des contributions, on peut conjecturer qu'ils auront la même aversion au risque 
que leurs mandants. Toutefois, il convient de distinguer les plans de pension à cotisations définies (

defined 

contributions, 

DC), des plans à prestations définies (

defined benefits, 

DB). Dans les premiers, l'entreprise 

promotrice s'engage à verser une pension définie, en pourcentage d'un salaire de référence, aux bénéficiaires. 
Dans les seconds, un tel engagement n'existe pas, et la pension versée aux bénéficiaires dépend de la 
capitalisation financière des contributions versées au fonds.  
 
 

En pratique, l'allocation stratégique des plans DC est réalisée par les participants individuels (les 

salariés), parmi un menu de fonds offerts par l'entreprise sponsor ou son gestionnaire délégué. Dans ce cas, on 
peut conjecturer que le fonds aura une attitude vis-à-vis du risque identique à celle de l'investisseur individuel et 

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qu'il sera soumis aux mêmes biais comportementaux et cognitifs. En revanche, l'allocation stratégique des plans 
DB est réalisée par l'entreprise sponsor ou son gestionnaire délégué, puisque c'est l'entreprise qui supporte en 
définitive le risque d'investissement. 
 
 

Ces intuitions sont confortées par une expérience menée auprès d'investisseurs institutionnels dont les 

comportements sont proches de ceux mis en évidence par la théorie des perspectives (

prospect theory)

. Les 

investisseurs institutionnels manifestent une aversion aux pertes, sont sensibles aux effets de présentation 

(framing)

 et aux effets de diversification temporelle (Olsen, 1997). Ainsi, Olsen demande aux enquêtés leur 

estimation  la plus pertinente du risque parmi six propositions : "la chance de subir une perte plus importante que 
prévue", "la chance que l'actif rapporte moins que le minimum requis pour satisfaire les besoins du client", "la 
variabilité globale des rendements au cours du temps", "la chance que l'actif rapporte moins que prévu", "la 
chance que l'actif rapporte moins qu'il ne l'a fait historiquement", "la chance d'obtenir un gain important par 
rapport à ce qui est anticipé". Les deux premières propositions remportent, de loin, la majorité des suffrages, 
suggérant que le risque est associé à la possibilité d'obtenir un résultat inférieur à une cible ou une référence (ce 
qui était anticipé, ou ce que demandait le client). Par ailleurs, la même enquête montre que les investisseurs sont 
riscophobes lorsqu'on leur présente un pari de manière favorable, mais riscophiles lorsque le même pari leur est 
soumis de manière défavorable (voir encadré). Enfin, plus l'horizon de placement proposé aux investisseurs est 
long, plus ils ont une propension importante à investir dans des titres à variance élevée. Cette prédisposition est 
similaire à la "vulgate du 100 moins âge". 
 
Encadré : l'expérience de Olsen (1997) 
 
Supposons qu'un client a investi 60 000 € dans une action donnée, et que cette action amorce un retournement 
de tendance à la baisse. Vous avez deux stratégies possibles pour préserver l'investissement  le capital de votre 
client.  
 
Panel A: cadre de gain 

(gain frame) 

Si la stratégie A est suivie, votre client conservera 20 000 €. Si la stratégie B est suivie, les 60 000 € seront 
conservés avec une chance sur trois, et totalement perdus avec deux chances sur trois. 
Résultats :  

Stratégie A  

65% 

  Stratégie 

35% 

 
Panel B: cadre de perte 

(loss frame)

 

Si la stratégie A est suivie, votre client perdra 40 000 €. Si la stratégie B est suivie, rien ne sera perdu avec une 
chance sur trois, et les 60 000 € seront totalement perdus avec deux chances sur trois. 
Résultats :  

Stratégie A  

32% 

  Stratégie 

68% 

 

 
1.1.2.

 

Individu, âge et aversion au risque : la "vulgate du 100 moins âge" 

 
 

L'une des premières questions que les conseillers financiers posent à leurs clients concerne leur horizon 

d’investissement. Partant du constat empirique que les actions offrent un couple rendement-risque défavorable à 
court terme, mais favorable à long terme, détenir des actions est plutôt un conseil proposé à un jeune épargnant 
disposant d'un horizon de détention long.  D'un point de vue normatif, cette prescription se traduit par une règle 
pratique, qui consiste à conseiller aux individus de détenir une part d'actions égale à 100 moins leur âge : un 
individu de 30 devrait détenir 70 d'actions en portefeuille, un individu de 60 ans 40 % (Mankiel, 1996).  
 
 

Cette règle que l'on peut qualifier de "vulgate du 100 moins âge" est largement commentée dans la 

littérature théorique et empirique. Jagannathan et Kocherlakota (1996) font notamment remarquer que si le risque 
décroît avec la durée de détention, il n’est pas totalement éliminé. Les jeunes adultes peuvent devoir faire face à 
des dépenses en milieu de vie (financement des études de leurs enfants par exemple) ce qui abaisse leur 
horizon financier. Par ailleurs, les jeunes bénéficient de rendements actualisés sur leur capital humain plus 
importants que leurs aînés proches de la retraite. S'ils peuvent diversifier plus facilement l’ensemble de leur 
patrimoine (financier et humain), encore faut-il qu’ils procèdent effectivement à cette diversification. 

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5

 
 

Cette prescription individuelle se retrouve au niveau agrégé, puisque avec le vieillissement de la 

population, le nombre de retraités croissant relativement au nombre d'actifs, la part des actions dans les 
portefeuilles de fonds de pension devrait décroître mécaniquement en faveur d’une détention plus massive 
d’obligations (voir tableau 1). 
 
Tableau 1: Modification des portefeuilles de fonds de pension du au vieillissement de la population (2000-2050) 

Royaume-Uni Etats-Unis  Pays-Bas 

Japon 

 

2000 2050 2000 2050 2000 2050 2000 2050 

Actions 

72% 

60% 62% 54% 45% 30% 40% 28% 

Autres 

28% 40% 38% 46% 55% 70% 60% 72% 

Source: Mantel (2000) pour Merril Lynch. 
 

ƒ

 

Quels fondements théoriques pour la vulgate "100 moins âge" ? 

 
 

La "vulgate du 100 moins âge" a-t-elle des fondements théoriques ? Merton (1969) apporte un premier 

éclairage dans un modèle où la seule source d’information concerne les prix des actifs financiers et leurs 
rendements qui suivent un processus aléatoire et sont donc indépendants dans le temps et non auto-corrélés. En 
supposant que les préférences individuelles sont représentées par fonction d’utilité additivement séparable et iso-
élastique (à aversion relative à l’égard du risque constante, en anglais 

Constant Relative Risk Aversion – CRRA

), 

Merton montre que l'allocation d'un portefeuille entre actifs ne dépend ni de la richesse, ni de l'âge de 
l'investisseur, mais uniquement de la variance et des rendements des actifs financiers. Dès lors, la part d’actifs 
risqués dans le portefeuille d’un individu ne dépend que de son aversion au risque ; elle est constante durant son 
cycle de vie.  
 
 

De nombreuses estimations empiriques, sur données individuelles ou agrégées, montrent que les 

allocations d'actifs présentent des différences importantes, entre les individus d'une part, ou au cours du cycle de 
vie d'autre part. Dès lors, d'autres propositions théoriques ont émergé en levant plusieurs hypothèses du modèle 
fondateur de Merton : existence de contraintes de liquidité, préférences se départissant de la forme 

CRRA

introduction de risques multiples… Ainsi, Hanoch (1977) montre que la fonction d’utilité adoptée par Merton est 
un cas très particulier : elle seule permet d'exhiber une indépendance entre l'âge et la composition d'un 
portefeuille.  
 
 

Par la suite, plusieurs auteurs se sont attachés à retenir des préférences très générales d'une part, et à 

prendre en considération l'ensemble des risques auxquels sont exposés les individus, des risques financiers 
mais également d'autres risques non assurables ou partiellement assurables (divorce, chômage, dépendance…). 
Ainsi, Gollier et Zeckhauser (1997) montrent qu'en présence d'un risque financier et d'un risque non assurable,  
les agents sont soumis à deux influences opposées. D’une part, longueur de l’horizon et flexibilité vont de pair ce 
qui plaide en faveur de portefeuilles plus risqués pour les jeunes qui peuvent réallouer leurs portefeuilles plus 
souvent et sur des durées plus longues. D’autre part, les jeunes sont soumis à des risques d'arrière plan 
(

background risks

), par exemple les risques liés à la valorisation de leur capital humain, qui les incitent à réduire 

leur exposition aux risques financiers. Symétriquement, les individus les plus âgés ont des horizons résiduels 
plus faible, mais échappent à certains risques d'arrière-plan, ce qui leur permet d'accroître leur prise de risque 
financier. Il en découle que l’allocation de portefeuille résulte d’un arbitrage entre ces deux types de risques. 
Gollier et Zeckhauser montrent que la première force (la flexibilité liée à l’horizon) l’emporte sur la seconde (les 
risques d'arrière plan), si la tolérance au risque est une  fonction convexe et décroissante des ressources du 
consommateur. Dans ce cas, les jeunes seront plus tolérants à l’égard du risque que les plus âgés. Cette 
situation est appelée par les auteurs la clause DER (clause « 

Duration Enhances Risk

 »). 

 
 

Bommier et Rochet (2004) proposent également une formalisation particulièrement féconde des choix 

de portefeuille. Au lieu de représenter les préférences par une fonction d'utilité additivement séparable, ils 
postulent que l’utilité d’un agent dépend à chaque période de ses préférences passées. Ils montrent sous cette 
nouvelle hypothèse qu'il existe une relation entre la durée de détention d’un actif et le bien-être des agents, 
relation qui ressemble à l’addiction formalisée par Becker et Murphy (1988) dans le cas de l’alcool ou de la 
drogue. Dans ce type d’études, la variable importante n’est pas l’horizon de vie (la différence entre l’espérance 

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de vie et l’âge) mais l’âge lui-même parce-ce qu’il représente la longueur de l’addiction. Dans le modèle de 
Becker et Murphy, qui parlent

 

"d’addiction rationnelle", la consommation passée d’un bien influe sur la 

consommation courante du même bien, et ces complémentarités ont un impact potentiellement très fort. Par 
exemple, consommer de l’alcool – ou des cigarettes, ou de l’héroïne (ce sont les trois exemples donnés par les 
auteurs) – à un moment donné entraîne une consommation de ces biens aux autres époques (l’addiction). 
Cependant, la dynamique de la consommation peut montrer une grande instabilité à cause d’élasticités inter 
temporelles élevées. En effet, un écart faible à la consommation

 

"habituelle"

 

 à une période (à la hausse ou à la 

baisse) génère un comportement de consommation élevée ou faible (respectivement) pouvant aller jusqu’à 
l’abstinence dans ce dernier cas. La longueur de la période de consommation (l’âge) a donc une importance 
cruciale dans ce type de modèle. L’hypothèse centrale, celle d’une interaction élevée entre un consommateur et 
un bien, est relaxée par Bommier et Rochet qui étudient le lien entre âge et aversion au risque dans un cadre 
plus général en se bornant à poser des complémentarités (ou des substituabilités) inter temporelles entre les 
consommations. Le résultat de Becker et Murphy est alors généralisé : la complémentarité entre consommations 
et la variabilité de cette complémentarité induisent des variations de la tolérance au risque des agents ; une 
période de forte dépendance sera une période d’aversion au risque réduite et inversement.  
 
 

Ce résultat implique donc qu’une longue période de complémentarité entre consommations (i .e. un âge 

élevé) est compatible avec une tolérance au risque élevée. Une faible aversion au risque aux âges élevés est 
donc liée avec une structure particulière de la consommation ; autrement dit, on démontre ainsi la variabilité de 
l’aversion au risque le long du cycle de vie, variabilité qui sera démontrée empiriquement par Arrondel et Masson 
(2005) dans un cadre relaxant toutes les hypothèses sur la formulation de la fonction d’utilité.  
 

ƒ

 

Quelles preuves empiriques pour la "vulgate 100 moins âge" ? 

 
 

Deux types d’études empiriques sont classiquement menés sur les choix individuels de portefeuille, 

d’une part des études expérimentales, d’autre part, des études économétriques tentant de mettre en rapport 
l’âge, la perception du risque et les choix financiers.  
 
 

L'étude de Guiso et Paiella (2001) appartient à la première famille. Sur un échantillon de 3 458 individus 

auxquels sont administrées des questions variées, permettant de les classer selon leur attitude vis-à-vis du 
risque, Guiso et Paiella trouvent que l’aversion absolue au risque est une fonction décroissante des ressources 
des individus (les riches ont une aversion au risque inférieure aux plus modestes) et que la tolérance au risque 
est une fonction croissante et concave de la richesse (l’accroissement de l’affection pour le risque augmente 
moins que proportionnellement à la richesse des agents). Ceci les amène à rejeter à la fois les fonctions d’utilité 
iso-élastiques (l’aversion relative au risque n’est manifestement pas constante mais décroissante) et les fonctions 
à aversion au risque absolu constante. Les portefeuilles risqués croîtraient donc avec l’âge, ce qui est conforté 
par le comportement de leur échantillon (la part d’actifs risqués augmenterait de 2 points tous les 10 ans). Ces 
résultats militent en faveur de la prise en compte de risques d'arrière plan pour les plus jeunes, et rejettent donc 
la clause DER. 
 
 

Sur un échantillon de 11 707 individus, Barsky et al. (1997) montrent également une corrélation entre 

leur indice de tolérance au risque et la détention d’actifs risqués. La relation entre âge et détention d’actifs 
risqués est moins claire que chez Guiso et Paiella puisque la relation décrit une courbe en U. Leur échantillon est 
cependant limité aux plus de 50 ans. Il n’en demeure pas moins que l’étude est intéressante parce qu’elle établit 
une relation claire entre des caractéristiques psycho-sociologiques et l’attitude à l’égard du risque, y compris 
financier.  
 
 

Cette conclusion est confortée par une étude similaire conduite sur données françaises (Arrondel et al., 

2005). A partir de l’enquête Patrimoine 1998 de l'INSEE, les individus sont classés par attitude face au risque 
conformément aux réponses qu’ils apportent à un questionnaire sur leur vie quotidienne et les risques qu’ils y 
prennent. Les indices obtenus sont alors rapprochés de l’attitude des individus en terme d’épargne et de choix de 
portefeuille. L’étude confirme deux points. D'une part, il est possible de regrouper les individus selon la double 
dimension de la préférence pour le présent et de l’aversion au risque (4 groupes sont alors distingués. D'autre 
part, ces groupes ont des attitudes distinctes quant à leurs choix patrimoniaux. Selon la théorie, les quatre 
catégories constituées, "bons pères de famille"

"entreprenants

 

", "cigales prudentes

 

" et "têtes brûlées", 

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7

devraient ainsi montrer des comportements patrimoniaux divers

 ;

, seule la première étant composée de 

répondants proches de l’individu représentatif du cycle de vie, c'est-à-dire supposée avoir un profil patrimonial en 
V inversé. Les tests empiriques confortent relativement bien ces prédictions théoriques. Ainsi la catégorie des 
"bons pères de famille" est plutôt âgée (les individus de 65 ans de l’échantillon ayant une probabilité de 58% 
d’appartenir à la catégorie contre 16,5% pour les 30 ans et moins), les

 

"têtes brûlées" plutôt jeune (les 

probabilités sont respectivement de 11% et de 42%) tout comme les "entreprenants" (3,5% contre 7,8). Quant à 
l’allocation de l’épargne, il apparaît clairement que les têtes brûlées prennent plus de risque, tout comme les 
"entreprenants" qui détiennent également plus d’assurance-vie et d’épargne retraite. Au total donc, ce sont les 
préférences elles-mêmes qui seraient marquées par l’âge (on devient "bon père de famille" en vieillissant) ce qui 
plaide pour un schéma bien plus complexe que la théorie standard du cycle de vie. 
 
 

Un deuxième type d’études tente de corréler les comportements observés de détention d’actifs avec 

d’autres variables, à partir d'estimations économétrique. Sur données françaises issus de l'enquête Patrimoine 
1998, El Mekkaoui-de Freitas et al. (2001) montrent une influence significative et positive de l’âge sur la détention 
d’actifs risqués, la probabilité de posséder des actions augmentant avec l’âge. Cependant, les "jeunes jeunes" 
ont une probabilité moins forte d’avoir un portefeuille totalement sans risque que les "vieux jeunes", ce qui plaide 
à séparer les effets d’âge et de génération.  
 
 

Ameriks et Zeldes (2002) le font en utilisant l’enquête du TIAA-CREF (le plus grand fonds de pension 

privé américain) et confirment une détention croissante d'actifs risqués avec l’âge. Ce résultat trouve deux 
explications. D'une part,  les individus ont un comportement passif : les sommes initialement investies ne font pas 
l'objet d'une réallocation, seules les sommes nouvellement investies peuvent éventuellement s'écarter de 
l'allocation stratégique initiale. D'autre part, l'accroissement de la part d’actions est mécaniquement imputable à 
leurs excellentes performances boursières.  
 
 

On conçoit que certains individus puissent se plier à la "vulgate du 100 moins âge", s'ils s'estiment 

insuffisamment informés ou sophistiqués pour composer leur portefeuille financier de manière adéquate. Mais 
pourquoi les fonds de pension devraient ils répliquer la vulgate ? Les fonds de pension peuvent, à la différence 
des individus, diversifier le risque de manière intertemporelle, puisqu'ils collectent les contributions d'individus 
appartenant à des générations différentes. Le risque individuel lié à une liquidation de l'épargne à un point donné 
du temps (ou sur une période donnée du temps) peut être mutualisé entre différentes cohortes. La contrepartie 
est un rendement espéré vraisemblablement plus faible, couvrant le risque d'appartenir à une génération 
"défavorisée" (sachant que la notion de génération "défavorisée" n'est pas exogène, cf. infra l'

asset meltdown 

hypothesis

). En conclusion, ni les études théoriques, ni les études empiriques ne plaident pour la "vulgate du 100 

moins âge". D'une certaine manière, les biais pointés par la finance comportementale relèvent probablement 
moins des 

comportements 

(attitude vis-à-vis du risque), que des 

croyances

 (capacité à gérer l'information).

  

 

1.2.

 

Les croyances 

 
 

Au-delà des préférences, l'information et son traitement conditionnent l'allocation stratégique des fonds 

de pension. Deux questions se posent alors. D'une part, les fonds de pension, ou leurs gestionnaires délégués, 
sont ils mieux informés que les individus dont ils sont les mandataires ? D'autre part, les fonds de pension ont-ils 
une meilleure capacité à traiter l'information que des individus isolés ? 
 
1.2.1.

 

La disponibilité de l'information : les fonds de pension sont-ils mieux informés que les individus isolés ? 

 
 

En qualité d'investisseurs institutionnels, les fonds de pension bénéficient d'une information abondante 

et diversifiée. D'une part, à la différence des investisseurs isolés, les fonds de pension bénéficient d'économies 
d'échelle dans l'acquisition et le traitement de l'information. D'autre part, ils peuvent accéder à des informations 
privées. Il convient ici de distinguer la gestion directe opérée par les entreprises sponsor, de la gestion déléguée 
à des organismes externes (fonds mutuels, maisons de titres…). Si la gestion est opérée par l'entreprise sponsor 
(de manière directe ou via un trust), cette dernière a accès à des informations privilégiées sur les investissements 
réalisés sur ses propres titres. En contrepartie, son information générale sur l'ensemble des supports 
d'investissement est moindre que celle dont bénéficie un gestionnaire délégué. 
 

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8

 

Toutefois, en raison des comportements possibles de passager clandestin, l'argument mérite d'être 

nuancé. En effet, les gestionnaires délégués pourraient être tentés d'imiter les styles de gestion de leurs 
concurrents, pour ne pas supporter des coûts de recherche d'information. 
 
1.2.2.

 

Le traitement de l'information : les fonds de pension ont-ils une meilleure capacité à gérer l'information 

que les individus isolés ? 
 
 

Si les investisseurs individuels éprouvent des difficultés à traiter l'information financière, en raison d'une 

éducation insuffisante ou de biais cognitifs, les gestionnaires pour compte de tiers devraient en principe échapper 
à ces biais personnels abondamment évoqués par la littérature sur la finance comportementale. Néanmoins, 
nous soutenons la thèse que les investisseurs institutionnels que sont les fonds de pension sont sujets à des 
biais cognitifs, éventuellement identiques à ceux des individus dont ils sont les mandataires.  Leur allocation 
stratégique en constitue un exemple. 
 
1.2.2.1.

 

"Diversification naïve" dans l'allocation stratégique des plans d'épargne retraite à cotisations définies  

 
 

Depuis une vingtaine d'années, on observe un développement croissant des fonds de pension à 

cotisations définies, au détriment des fonds à prestations définies. Parmi les plans DC offerts aux Etats-Unis, les 
plans 401(k)

1

 ont suscité une abondante littérature sur leur allocation d'actifs et leur performance. Ils représentent 

en effet  un encours de 1,8 trillions de dollars pour un encours total de 2 trillions pour les l'ensemble des plans 
DC ; le reste, les ESOP (

Employee Stock Ownership Plans)

 ou les SIMPLE 

(Savings Incentive Match PLan for 

Employees)

 ont suscité peu d’études. 

 
 

L'allocation stratégique des plans 401(k) est réalisée par les salariés eux-mêmes, sur la base d'un menu 

de véhicules d'investissement proposés par des gestionnaires. De nombreux auteurs se sont interrogés sur la 
pertinence de cette allocation stratégique, l'information financière des participants étant très indigente. A titre 
d'illustration, selon une enquête menée en 1995, la majorité des sondés pensaient que les sicav monétaires 
(

money market funds

) étaient plus risquées que les emprunts d'Etat, et avaient le sentiment que l'investissement 

dans des actions de leur propre société était plus sûr qu'un portefeuille diversifié. Faut-il en déduire pour autant 
que des individus sous-informés réalisent des choix sous-optimaux ?  
 
 

Dans une contribution d'économie expérimentale, Benartzi et Thaler (2001) montrent que l'allocation 

stratégique des plans 401(k), qui reflète les croyances des participants, repose sur une "diversification naïve" qui 
consiste, face à un menu de n options possibles, à investir une somme en allouant n parts égales à chaque 
option. Recommandée par les écrits talmudiques, cette règle naïve se retrouve dans le menu d'options proposé 
par le plus grand fonds de pension mondial (le TIAA-CREF) qui offre deux classes d'investissement : TIAA, 
composé d'obligations, et CREF, composé d'actions. Et près de la moitié des participants choisissent de répartir 
en parts égales leurs contributions, 50% en TIAA et 50% en CREF. Bien sûr, une telle règle n'est pas 
nécessairement sous-optimale, et il est possible de trouver des préférences et des distributions de rendement qui 
la justifient. 
 
 

Dans une série d'expériences, Benartzi et Thaler (2001) montrent néanmoins que cette règle naïve peut 

conduire à une exposition au risque financier très éloignée des préférences pures des investisseurs (celles qui 
seraient reflétées par une fonction d'utilité espérée de type Von Neumann Morgenstern). La première expérience 
consiste à administrer un questionnaire verbal dans lequel on propose à un groupe d'enquêtés le menu suivant : 
"investir dans un fonds A composé d'actions" et "investir dans un fonds B composé d'obligations". A un deuxième 
groupe d'enquêtés est proposée l'alternative "investir dans un fonds A composé d'action" et "investir dans un 
fonds B équilibré (50% d'actions- 50% d'obligations)". A un troisième groupe enfin est proposé le menu "investir 
dans un fonds A équilibré (50% d'actions- 50% d'obligations)" et "investir dans un fonds B obligataire". Les 
résultats sont surprenants de conformité à la règle de diversification naïve ! Dans le panel 1, l'investissement en 
actions représente en moyenne 54 % (et donc 46 % en obligations). Dans le panel 2, l'investissement en actions 
représente en moyenne 46 % et l'investissement en fonds équilibré 54%. Pour le panel 3, l'investissement en 
fonds équilibré se monte à 69% en moyenne, l'investissement obligataire représentant 39 %. Pour autant, 

                                                           

1

 Du nom de l'article du code des impôts qui régie les dispositions fiscales applicables aux plans DC. 

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9

l'exposition au risque de perte en capital est radicalement différente, puisque la part moyenne investie en actions 
est respectivement de 54% pour le panel 1, 73 % pour le panel 2 et 35 % pour le panel 3. 
 
 

Pour tenir compte des difficultés éventuelles de compréhension des concepts d'actions et d'obligations, 

les auteurs ont procédé à une deuxième expérience, en demandant aux sondés d'effectuer leurs choix 
d'investissement, au regard de courbes de rendements observés sur des indices obligataires et d'actions, et en 
proposant les mêmes menus d'options que dans la première expérience. Les résultats montrent que l'allocation 
ne dépend pas de la connaissance précise de ce qu'est une action ou une obligation, puisque les parts 
moyennes investies en actions sont respectivement 56% pour le panel 1, 80% pour le panel 2 et 29% pour le 
panel 3. 
 
 

Afin d'étudier la sensibilité des résultats au nombre d'options offertes, Benartzi et Thaler (2001) 

proposent d'élargir le menu d'options à cinq fonds effectivement offerts aux employés sondés (membres du 
personnel de l'Université de Californie et de la compagnie aérienne TWA), à savoir des sicav monétaires, des 
livrets d'épargne, des contrats d'assurance, des obligations,  et un fonds d'actions diversifié pour le panel 1 
(Université de Californie) ; et un fonds diversifié en titres à revenu fixe, un fonds d'actions de pères de famille, un 
fonds indiciel en actions, un fonds d'actions de croissance, et un fonds d'actions internationales pour le panel 2 
(TWA). Les résultats figurent dans le tableau 2 : 
 
Tableau 2 : allocation moyenne entre classes d'actifs dans l'expérience de Benartzi et Thaler (2001) 

 

Panel 

 

 

Description des fonds et allocation 

Exposition 

moyenne 

en actions 

(médiane) 

Sicav 

monétaires 

Livrets 

d'épargne 

Contrats 

d'assurance 

Obligations 

Fonds d'actions 

diversifiées 

 
Fonds à revenu fixe 

majoritaires (panel 1) 

 

179 

14 % 

14 % 

11 % 

18 % 

43 % 

 

43 % 

(40 %) 

Fonds 

diversifié – 

titres à 

revenu fixe 

Fonds 

d'actions – 

père de 

famille 

Fonds 

indiciel 

actions 

Fonds 

d'actions de 

croissance 

Fonds d'actions 

internationales 

 

Fonds d'actions  

majoritaires (panel 2) 

169 

32 % 

15 % 

16 % 

26 % 

11 % 

 

 

68 % 

(75 %) 

 
Dans le panel 1, l'allocation moyenne en actions représente 43 %, tandis que les produits à taux fixe font l'objet 
d'une "diversification naïve" puisqu'on observe une quasi équipartition. Dans le panel 2, l'investissement entre les 
différents supports à taux variables est moins équiréparti, notamment pour les actions internationales (voir 

home 

bias 

infra). Mais l'exposition au risque est radicalement différente, puisque la part investie en actions est 

supérieure de 25 points lorsque le menu d'options offre des véhicules majoritaires en actions ! 
 
 

Toutes ces expériences montrent que les choix d'investissement sont guidés par une diversification 

naïve consistant à allouer sa richesse en parts égales à 1/n, si n titres de classes de risque similaire sont 
proposés. Pour tester leur robustesse, Benartzi et Thaler ont procédé à une analyse économétrique de 
l'allocation stratégique de 170 plans d'épargne retraite américains. Le nombre moyen d'options offertes est 6,8 
(entre 1 et 21 fonds offerts) ; le nombre moyen d'options offrant des produits actions est 4,2 (entre 0 et 14,5) ; 
l'investissement maximal en actions possible est donc 61,8 (4,2/6,8). Les auteurs montrent que la détention 
d'actions est d'autant plus élevée que le nombre d'options d'investissement en actions est élevé,  en accord avec 
la diversification naïve. Plus encore, un modèle standard de choix de portefeuille moyenne-variance prédit que la 
détention d'actions passe de 50 à 53 %, lorsque la proportion de fonds actions passe de 33 à 87%, alors que les 
résultats économétriques montrent que cette détention passe de 48,6 % à 64 % lorsque la proportion de fonds 
actions passe de 37 à 81%.  
 
1.2.2.2.

 

Les styles de gestion 

 
 

Classer est une activité usuelle de la pensée humaine. L'allocation stratégique n'échappe pas à une 

taxinomie initiale, consistant à distinguer et nommer des classes d'investissement, telles que "actions de forte 
capitalisation", "valeurs de croissance", "capital risque", "obligations publiques"… Ces classes d'actifs sont 

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10

appelées "style", et le processus consistant à choisir une allocation stratégique "

style investing

". Pourquoi les 

investisseurs institutionnels en général, et les fonds de pension en particulier, choisissent-ils des styles 
d'investissement ? 
 
 

Une première raison est liée aux capacités cognitives des gestionnaires, qu'ils soient individuels ou 

collectifs : la catégorisation simplifie le traitement de l'information. Par exemple, il est plus facile d'allouer un 
portefeuille sur quelques styles que de choisir parmi des milliers de titres cotés. Une seconde raison concerne les 
gestionnaires collectifs : la classification en styles permet des comparaisons des performances relatives des 
gestionnaires. De plus en plus, les gestionnaires sont évalués à partir de références 

(benchmarks)

 propres à leur 

style, tant et si bien que l'essor du 

style investing

 est lié à la montée en puissance de la gestion pour compte de 

tiers. Dans une optique concurrentielle, le 

style investing 

participe de la différenciation du produit (Chen et De 

Bondt, 2004). 
 
 

Barberis et Shleifer (2003) proposent un modèle permettant d'expliquer l'influence du 

style investing 

sur 

les marchés financiers et sur l'évaluation des actifs. L'hypothèse fondamentale est qu'il existe des styles offerts 
par les gestionnaires, qui répondent aux besoins formulés par leurs clients (les investisseurs individuels, les 
participants à des fonds de pension etc) : actions de croissance, de petite capitalisation, de telle zone 
géographique… Chaque actif risqué appartient à un style et un seul, et les styles sont définis une fois pour toute. 
Il existe deux catégories d'investisseurs : les "fondamentalistes" et les "réactifs" 

(switchers)

. Les réactifs ont deux 

caractéristiques distinctives : d'une part, ils allouent leur portefeuille en choisissant entre des styles ; d'autre part, 
le montant investi dans un style donné dépend de la performance passé de ce style par rapport aux autres styles. 
A chaque période, un investisseur réactif achète des parts de fonds de styles ayant eu une meilleure 
performance relative passée, en vendant les fonds de styles de performance passée moindre. Cette hypothèse 
est motivée par la relation d'agence qui lie le gestionnaire d'un fonds de pension à l'employeur-sponsor. Une telle 
stratégie réactive est aisée à justifier auprès des mandants. En outre, elle est observée dans les styles 
internationaux : Froot et al. (2001) montrent que les investisseurs internationaux achètent dans les pays aux 
fortes performances passées. Les "fondamentalistes" en revanche sont des arbitragistes, qui raisonnent sur les 
titres individuels et non des styles, et qui empêchent les titres de s'éloigner de leur valeur fondamentale. Le 
modèle proposé s'éloigne donc des modèles d'efficience traditionnels et offre des prédictions empiriques 
intéressantes. Tout d'abord, Barberis et Shleifer (2003) montrent que si le 

style investing 

augmente la corrélation 

des rendements des actifs d'un même style, il réduit la corrélation entre les actifs de styles différents. Ils montrent 
ensuite que si les stratégies de réactivité positive 

(momentum)

 consistant à acheter des titres ayant sur-performé 

la croissance moyenne et vendre des titres ayant sous-performé sont d'autant plus profitables qu'elles s'exercent 
sur des styles, et non sur des titres individuels. Le même résultat est obtenu pour les stratégies conservatrices  

(value)

 qui consistent à acheter  (resp. vendre) des titres en dessous (resp. au dessus) de leur valeur 

fondamentales. Ces résultats sont liés à l'existence d'un "cycle de vie" du style. La naissance d'un style est 
motivée par des bonnes nouvelles fondamentales portant sur des titres de caractéristiques homogènes. Puis, le 
style arrive à maturité ses performances attirant de nouveaux investisseurs et entraînant l'appréciation des titres 
qui le composent. Enfin, le style disparaît, à cause d'opportunités d'arbitrage ou de mauvaises nouvelles 
fondamentales. 
 
 

Plusieurs contributions empiriques confirment les prédictions du modèle de Barberis et Shleifer (2003). 

Ainsi, Teo et Woo (2004) examinent la performance des styles élaborés par les fonds mutuels et se demandent si 
les stratégies 

value

 ou 

momentum 

adoptées par style restent profitables, lorsqu'elles sont purgées des effets liés 

aux performances des titres individuels qui composent les styles. Leurs résultats confortent les prédictions 
théoriques de Barberis et Shleifer, notamment que les effets de persistance ou de retournement sont plus 
prononcés pour les styles qui sont de proches substituts (i.e. les styles en concurrence pour attirer des flux de 
collecte) et que les flux de collecte se portent sur les styles présentant les meilleurs rendements.  
 
 

De manière pragmatique, les investisseurs institutionnels modifient les noms des fonds qu'ils gèrent 

pour surfer sur la vague des styles en vogue. Cooper et al. (2003) montrent par exemple que les fonds mutuels 
américains qui ont modifié leur nom pour prendre le nom d'un style porteur entre 1994 et 2001 sont parvenus à 
accroître leur collecte de 28% l'année ayant suivi la nouvelle appellation, sans observer pour autant une 
modification

 

significative de leur performance. Plus étonnant, la collecte supplémentaire concerne aussi bien les 

fonds qui ont effectivement modifié leur style pour le rendre conforme au nouveau nom, que les fonds qui ont 

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11

conservé leur allocation malgré le changement de nom ! Et les auteurs de conclure que "les investisseurs sont 
irrationnellement influencés par des effets cosmétiques". 
 
1.2.2.3.

 

Le "biais maison" 

(home bias)

 

 
 

Les investisseurs institutionnels, comme les investisseurs individuels, détiennent des titres émis par des 

entités de leur propre pays dans des proportions plus importantes que ne le suggère la théorie financière 
standard, ou le portefeuille mondial pondéré par les capitalisations boursières. Ainsi, plusieurs études montrent 
qu'une diversification internationale optimale des portefeuilles américains conduirait à un investissement en titres 
étrangers de l'ordre de 40%, alors que l'investissement effectif est inférieur à 10%. Ce biais comportemental est 
connu sous l'appellation "énigme du biais maison" 

(home bias puzzle)

, et ses explications traditionnelles 

renvoient à l'existence d'imperfections de marché, telles que la réglementation des flux de capitaux, les barrières 
fiscales à l'investissement étranger, des coûts de transaction élevés. Pour autant, si ces facteurs jouent un rôle 
indiscutable, le biais maison est d'une ampleur telle que des explications alternatives, liées aux capacités de 
traitement de l'information par les investisseurs, ont été avancées. 
 
 

A partir de données d'enquête, Suh (2005) montre que les investisseurs institutionnels ont un biais 

maison lorsqu'ils effectuent des recommandations d'allocation stratégique à destination de leurs clients. Les 
données sont issues d'un sondage effectué par le journal 

The Economist 

auprès de dix investisseurs 

institutionnels, entre 1989 et 1999, dans lequel les répondants étaient invités à exprimer "leur opinion sur le 
meilleur choix d'investissement au cours des douze prochains mois […] pour un investisseur sans portefeuille, 
sans contrainte de change et dont l'objectif est la croissance à long terme de son capital". Implicitement, le client 
investisseur visé est un client "apatride", pas nécessairement ressortissant du même pays que l'institution qui le 
conseille. D'une part, les investisseurs institutionnels recommandent des portefeuilles statistiquement différents 
du portefeuille de marché mondial, et statistiquement différents entre eux. D'autre part, un biais maison ressort 
pour la détention conseillée de portefeuille, ce biais étant plus prononcé pour les institutions européennes et 
japonaises que pour les institutions américaines. Ces résultats confortent l'hypothèse d'un biais informationnel : 
les investisseurs institutionnels connaissent mieux les données macroéconomiques relatives à leur propre 
marché, et leurs analystes sont en relation directe avec les clients résidents. Le biais maison des investisseurs 
institutionnels reflèterait le biais maison de leurs clients individuels. Néanmoins, cette explication n'est pas 
pleinement convaincante. En effet, les portefeuilles recommandés affichent des performances médiocres, 
comparées au portefeuille de marché mondial, tant en termes de rendement que de volatilité, ce qui suggère que 
le traitement de l'information maison n'est pas efficace. On pourrait alors avancer l'idée que le biais cognitif n'est 
pas imputable à l'institution en tant que telle, mais à l'analyste enquêté. Toutefois, la période d'analyse est 
suffisamment longue pour que plusieurs analystes aient été sollicités. Suh (2005) privilégie une interprétation 
alternative ou complémentaire : le biais maison reflèterait le sentiment de surconfiance 

(overconfidence)

 des 

investisseurs envers les performances de leurs marchés locaux (voir infra, l'allocation tactique). L'aversion à 
l'ambiguïté, décrite notamment par le paradoxe d'Ellsberg (1961), fournit une interprétation proche : les 
investisseurs, individuels ou collectifs, perçoivent la distribution des rendements des actifs des pays étrangers 
comme plus ambiguë que celle de leur propre pays (Barberis et Thaler, 2003). Symétriquement, le biais maison 
reflète une préférence pour la familiarité. 
 
1.2.2.4.

 

Comportements moutonniers, effets de mode et cascades informationnelles 

 
 

Plus généralement, les investisseurs collectifs n'échappent pas aux comportements moutonniers 

(herding)

, aux effets de mode 

(fads)

 et aux cascades informationnelles 

(informational cascades)

. Les 

comportements moutonniers sur les marchés financiers ont suscité une abondante littérature, distinguant 
schématiquement les comportements moutonniers irrationnels et rationnels

 

(Devenow et Welch, 1996). Dans le 

premier cas, les études se concentrent sur la psychologie des investisseurs, faisant abstraction de toute 
rationalité économique. Dans le second cas, les investisseurs sont supposés rationnels, leur comportement 
moutonnier résultant d'externalités ou d'incitations. L'idée de comportements moutonniers n'est pas neuve : elle 
figurait dans la métaphore du concours de beauté évoquée par Keynes. Toutefois, les travaux récents de finance 
comportementale lui ont donné de nouveaux fondements, et de nouvelles preuves expérimentales et empiriques.  
 

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12

 

Ainsi, sous certaines hypothèses, un investisseur n'est incité à acquérir une information que si les autres 

investisseurs l'acquièrent également : le comportement moutonnier réside dans l'acquisition d'information. Une 
première intuition est que, pour qu'une information privée se reflète dans les cours, il est nécessaire que 
plusieurs investisseurs soient informés. L'acquisition d'information résulte d'une comparaison entre son coût, et le 
gain anticipé qu'elle procure pour un investisseur donné, qui dépend de l'évaluation faite par cet investisseur du 
gain anticipé par les autres investisseurs. Une autre intuition est que l'information n'est pas disponible au même 
moment pour tous les investisseurs. Dès lors, les agents qui disposent d'une information privilégiée  à un instant 
donné limitent leur exposition au risque fondamental, s'ils savent que ce signal est révélé ensuite aux autres 
investisseurs. Ce mimétisme contribue à  expliquer pourquoi les investisseurs institutionnels, et les fonds de 
pension, ont d'importants services d'analyse financière. 
 
 

L'externalité informationnelle est renforcée par les relations d'agence nouées entre les parties prenantes 

des fonds de pension. Les performances des gestionnaires de fonds de pension sont évaluées en termes relatifs, 
par rapport aux performances des fonds de même style. Ces gestionnaires sont donc incités à imiter les 
comportements de leurs concurrents, même s'ils disposent d'une information privée qui les oriente sur une 
allocation différente, de crainte d'être sanctionnés par leurs mandants en cas de performances inférieures à la 
moyenne. Ainsi, Sharfstein et Stein (1990) supposent que les signaux informatifs reçus par les bons 
gestionnaires sont corrélés, tandis que les signaux bruités 

(noise)

 reçus par les mauvais gestionnaires ne le sont 

pas. Dès lors qu'un gestionnaire investit dans un produit qui se révèle sous-performant 

ex post

, il ne signale son 

incompétence que si les autres gestionnaires n'ont pas investi dans le même produit. Il s'ensuit que les 
gestionnaires plus compétents que la moyenne préfèrent adopter un comportement moutonnier, plutôt que 
prendre le risque de se distinguer en effectuant un placement mieux informé.  
 
 

Les cascades informationnelles constituent désormais l'explication privilégiée des comportements 

moutonniers (Bikhchandani et al, 1998). Ces cascades se produisent lorsque l'observation des 

actions 

des autres 

investisseurs entrent en contradiction avec l'observation des 

signaux privés 

que perçoit un investisseur donné. 

Imaginons par exemple que Ahmed reçoive un signal favorable sur un titre T, et qu'il l'achète. Supposons alors 
que Bénédicte, deuxième investisseur potentiel, observe cet achat. Si elle reçoit elle aussi un signal favorable, 
elle est confortée à acheter le titre T puisqu'elle dispose de deux informations favorables : son signal privé et 
l'achat d'Ahmed. Si elle reçoit en revanche un signal défavorable sur T, et si elle est neutre au risque, on peut 
supposer qu'elle choisit d'acheter T en lançant une pièce à pile ou face. Imaginons maintenant que Cisso entre 
sur le marché. Cisso est confronté à trois situations : ses deux prédécesseurs ont acheté T, aucun ne l'a acheté, 
ou l'un a acheté et l'autre non. Dans le premier cas, Cisso achète T : il sait qu'Ahmed a observé un signal 
favorable sur T et qu'il est probable (mais pas certain) que Bénédicte l'ait observé (elle a pu observer un signal 
défavorable,i mais a pu se décider en jouant à pile ou face). Même si Cisso perçoit un signal défavorable, il 
achète le titre T, parce que l'information fournie par les deux actes d'achat précédents supplante son information 
privée. Ce troisième achat, ainsi que tous les autres achats suivants, n'apporte plus d'information: Cisso initie une 
cascade informationnelle, parce que sa décision ne dépend pas de son information privée, et que ses 
successeurs sont confrontés à une situation analogue, quelle que soit la nature favorable ou défavorable du 
signal privé qu'ils perçoivent. Lorsque Cisso observe qu'Ahmed a acheté T, mais que Bénédicte ne l'a pas fait, il 
infère que ses deux prédécesseurs ont eu un signal privé contradictoire. Il se retrouve dans la même situation 
qu'Ahmed, et son successeur Deborah dans celle de Bénédicte.  S'il perçoit un signal favorable, il achète T, 
Deborah également et une cascade commencera avec Esteban… On conçoit que ces modèles de cascades 
informationnelles éclairent les prescriptions d'analystes financiers, que ce soit dans l'achat de titres particuliers ou 
le choix de style d'investissement. 
 
 

Toutefois, ces cascades informationnelles ont des limites. D'une part, elles sont fragiles en raison de 

chocs exogènes tels que de nouveaux signaux émis, l'arrivée d'agents mieux informés. Egalement, les cascades 
se forment d'autant moins rapidement que l'ensemble des signaux et des choix possibles est important et que les 
choix portent sur des alternatives continues. D'autre part, des expériences récentes montrent que si les cascades 
existent, elles sont plus rares et moins longues que ne prédisent les théories (Drehmann et al., 2005). 
 
 

 

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13

1.3.

 

Existe-t-il des biais différents dans l'allocation stratégique des fonds à prestations définies et des fonds à 

cotisations définies ? 
 
 

Afin de réaliser des comparaisons peu discutables, Watson Wyatt a procédé en 1998, puis actualisé en 

2002, une analyse surprenante et intéressante qui  montre, en s’appuyant sur un échantillon de firmes 
sponsorisant à la fois des fonds DB et des fonds 401(k), une supériorité des rendements des premiers jusqu’en 
1996, et des seconds ensuite jusqu’en 1998. Les calculs faits par les auteurs montrent que les plans aux encours 
les plus importants sont ceux qui enregistrent les  rendements les plus forts, mais que l’effet taille est plus 
prononcé sur les plans DB que sur les plans 401(k). Le point intéressant de l’étude est la comparaison des 
rendements, d’un côté quand les entreprises sponsorisent les deux types de plans, de l’autre lorsque les 
entreprises ne sponsorisent que des plans 401(k). Les auteurs montrent que les plans 401(k) des premières 
entreprises ont enregistré des rendements supérieurs aux plans 401(k) des entreprises ne proposant pas de 
plans à prestations définies ; ils attribuent cette différence à une moindre prise de risque chez les seconds, qui 
n’auraient ainsi pas bénéficié du boom du marché actions sur la période : le fait de pouvoir se retourner vers un 
fonds de pension à prestations définies aurait donc été favorable à la prise de risque chez les détenteurs de 
401(k) d’entreprises proposant les deux types de fonds. 
 
 

Dans une étude récente, Ripert (2004) montre que si la part d’actions détenue par chacune des 

catégories de fonds est comparable et s’établit aux environs de 45% sur les 20 dernières années, c’est la part 
d’obligations qui fait la différence, les fonds à prestations définies détenant environ 45% de leur actif sous forme 
obligataire. Cet écart serait imputable à la nécessaire comptabilisation aux prix du marché des fonds à 
prestations définies (ils doivent théoriquement à tout instant justifier de leur capacité à faire face à leurs 
engagements) qui induirait une plus forte volatilité des encours gérés et qui les inciterait à une détention 
supérieure d’obligations en l’absence de titres permettant un adossement actif/passif parfait (des titres à très 
longue duration indexés sur l’inflation).  
 
 

Les deux études semblent donc donner des résultats contradictoires sauf à considérer que l’allocation 

d’actifs est moins efficace pour les fonds 401(k) que pour les fonds DB. Une explication de l’inefficacité des 
401(k) est donnée par Benartzi (2001) qui attribue les défauts d’allocation à un "double biais de familiarité", au-
delà de la diversification naïve évoquée plus haut. Face à un menu d'actifs financiers, les investisseurs 
investissent de manière disproportionnée dans les actions de leur propre entreprise pour deux raisons. D'une 
part, si leur entreprise (ou le gestionnaire délégué) place une fraction de ses cotisations dans ses propres 
actions, les employés interprètent ce geste comme un conseil implicite. D'autre part, s'ils privilégient les actifs qui 
ont montré de bonnes performances passées, et s'ils sont persuadés de la représentativité parfaite des actions 
de leur propre entreprise, ils ont tendance à surinvestir dans ces dernières. 
 
 

Ainsi, les tentatives consistant à laisser une totale liberté de choix aux affiliés investisseurs, tout en leur 

donnant la meilleure information possible en espérant qu’ils diversifieront leur épargne retraite de manière 
optimale, sont vouées à l'échec (Stabile 1998). Meulbroek (2003) montre qu’un investisseur qui consacrerait 50% 
de son patrimoine à son épargne retraite, et qui choisirait de placer 50% de son plan en actions de sa propre 
compagnie, sacrifierait 42% des rendements qu’il obtiendrait par une diversification sur l’ensemble du marché. 
Ce manque à gagner provient non pas du degré de risque supporté par l’investisseur mais de la faible 
rémunération du risque pris. Plus précisément, le manque de diversification provient soit de la politique incitative 
de la firme elle-même (elle abonde quelquefois et participe de fait à la faible diversification du portefeuille de ses 
salariés), soit du choix spontané des salariés qui investissent parfois 80% de leurs plans à cotisations définies 
dans leur propre firme (c’est le cas de quelques grosses firmes citées par Meulbroek, telles que Coca Cola, 
Colgate-Palmolive ou d’autres). Cette surexposition financière (en toute rigueur, il faudrait probablement tenir 
compte du fait que les salariés devraient diversifier l’ensemble de leur patrimoine, y compris humain qui, par 
définition, est totalement investi dans l’entreprise promotrice de leur plan d’épargne retraite) aboutit à une sous 
rémunération par rapport à un portefeuille diversifié (donc à rendements non corrélés) qui afficherait le même 
degré de risque.  

 

 
 

Au total, pour des raisons comptables ou liées à un "biais de familiarité", l’allocation stratégique n’est 

pas conforme aux enseignements élémentaires de la théorie du choix de portefeuille. D'une part, les affiliés aux 
plans de pension souffriraient d'une formation financière insuffisante, et ne feraient pas la différence entre le 

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14

risque attaché aux actions de leur propre entreprise et le risque de marché (Meulbroek, 2003). D'autre part, les 
affiliés ont une connaissance imprécise des produits offerts. Benartzi (2001) relate une anecdote intéressante : 
selon une enquête auprès des visiteurs de 

morningstar.com

, un site dédié à la finance pour les particuliers, un 

tiers des répondants pense que la probabilité que les actions surperforment les obligations sur 20 ans est de 
100%, en d’autres termes que les actions offrent une garantie de surperformer les obligations.

  

 
 

Pour se convaincre de l’impact fort des normes comptables sur la gestion des fonds de pension, 

Klumpes et Whittington (2004) comparent les politiques de gestions des fonds à prestations définies aux Etats-
Unis et au Royaume-Uni. En 1985, le FASB (

Financial Accounting Standard Board

) américain a publié le SFAS 

87 (

Statement of Ffinancial Reporting standard 

n° 87

2

, à rattacher aux normes comptables américaines US 

Generally Accepted Accounting Principles

). Afin de permettre aux entreprises promotrices de lisser les dépenses 

de retraite face à la volatilité – non anticipée – des portefeuilles des fonds de pension, le SFAS 87 autorise le 
calcul des engagements en utilisant un taux de rendement anticipé de long terme, ce qui permet une certaine 
manipulation des réserves  via le taux d’actualisation utilisé. Pour le Royaume-Uni, la norme comptable 
équivalente est le 

Financial Reporting Standard 17 

(FRS 17) qui impose aux firmes de reporter les actifs et 

variations d’actifs des fonds de pension à leur juste valeur (

fair value

 ou 

market value

). Les entreprises doivent 

donc afficher les rendements des actifs représentant leurs engagements, et donc la volatilité de ces rendements.  
Ce dispositif a été instauré pour empêcher que les entreprises ne soient tentées de manipuler leurs engagements 
et le rendement des actifs liés. Par ailleurs, les engagements sont identifiés ligne par ligne, ainsi que les 
placements qui leur sont adossés, de sorte que les entreprises doivent afficher un rendement pour chaque classe 
d'actif, et non un rendement espéré global. 

 

 

Klumpes et Whittington (2004) montrent que le rendement espéré est largement lié aux performances 

des actions aux Etats-Unis, les firmes modifient le taux de rendement espéré compte tenu des performances des 
actions de leur portefeuille. Ils confirment également les études précédentes puisqu’ils montrent – qu’une fois 
écartés les investissements dans l’entreprise d’origine du fonds – le rendement des portefeuilles actions des 
fonds américains sont plus faibles que ceux des fonds britanniques. Au Royaume-Uni en revanche, les 
entreprises qui modifient le taux de rendement du portefeuille du fonds de pension sont celles qui modifient leur 
portefeuille. Le comportement américain semblerait être plutôt un comportement où il y a persistance du 
comportement alors que les firmes britanniques seraient plutôt des firmes attachées à une référence 
(

benchmark

).

 

 

Tableau 3 : Allocation des fonds de pension par grand type d’actif  (% de l’actif total) 
Fin d’année 

Actions 
domestiques 

Actions 
internationales 

Obligations 
domestiques 

Obligations 
internationales 

Monétaire Immobilier 

USA 

1991 40 

45 

2000 52 

10 

29 

2004 47 

13 

33 

Pays-Bas 

1991 7 

9  69 

2  10 

2000 9  39  21 

23 

2004 7  40 

32 

Royaume-Uni 

1991 55 

20  8,5 

4,5 

2000 49 

22  14,5 

6,5 

2004 39 

28 

23 

Source : Pension Fund Indicators, UBS Global asset management (2005) 
 

                                                           

2

 Le 23 décembre 2003, le FASB a publié le SFAS n° 132, Employers’ disclosures about pensions and other postretirement 

benefits, une modification des FASB 87. On notera que généralement les entreprises sont incitées (mais non contraintes) à 
adopter le taux de rendement des obligations publiques. Compte tenu du faible niveau de ces taux (ce qui augmente les 

engagements actualisés), les entreprises adoptent généralement un taux plus élevé. 

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15

2.

 

L'allocation tactique des fonds de pension : le rôle des relations d'agence 

 
 

Dans un premier temps, on s'intéresse à l'influence des marchés (variations de prix et de volume) sur 

l'allocation tactique. Il s'agit d'expliquer comment les gestionnaires de fonds mettent en œuvre l'allocation 
stratégique : ajustement de l'allocation stratégique à court terme, choix des titres particuliers. Si certains biais 
comportements exhibés dans l'allocation stratégique se retrouvent dans l'allocation tactique, d'autres biais 
émergent, liés aux relations d'agence nouées au sein des fonds de pension.  
 
 

Dans un second temps, on examine l'effet en retour de l'allocation tactique sur les marchés financiers. Il 

s'agit de montrer que, par sa structure même, l'industrie des fonds de pension est susceptible d'infléchir les 
évolutions observées sur les marchés financiers. En effet, les fonds de pension investissent des montants 
importants sur les marchés financiers et coordonnent éventuellement leurs actions, de sorte que leur 
comportement n'est ni "atomistique", ni parfaitement concurrentiel : ils sont 

price makers

, plutôt que 

price takers

 

 

2.1.     Les biais comportementaux dans l'allocation tactique 
 
 

Au-delà de l'allocation stratégique, les gestionnaires collectifs sont soumis à des biais comportementaux 

dans la sélection des titres composant les portefeuilles.  
 
2.1.1.   Les rotations du portefeuille : sélection des titres et stratégies de réactivité positive 

(momentum) 

 

ƒ

 

L'effet d'attention portée aux mouvements anormaux 

 

 

Dans la plupart des modèles théoriques, les achats et les ventes de titres sont traités de manière 

opposée : vendre T, c'est acheter -T. En pratique, acheter et vendre impliquent des processus cognitifs 
radicalement différents. En effet, les investisseurs sont confrontés à un traitement très lourd d'informations 
nombreuses lorsqu'ils achètent (recension des titres existants, adéquation des titres par rapport aux 
préférences). En revanche, l'acte de vente étant limité aux titres détenus (hors ventes à découvert), la masse 
d'information est réduite. Dès lors, les investisseurs sont sensibles aux titres retenant l'attention 

(attention-

grabbing stocks)

, autrement dit des titres pour lesquels il existe un volume anormal de transaction, une variation 

de cours anormal ou des titres phares qui font l'actualité. Par exemple, le titre ACCOR coté à Euronext le 6 juillet 
2005 a perdu 4,5 % dans les minutes qui ont suivi la désignation de Londres comme ville d'accueil des Jeux 
Olympiques de 2012 par le CIO. A partir de données d'enquêtes collectées auprès d'investisseurs institutionnels 
américains, Barber et Odean (2005) ont cependant montré que le comportement d'achat des investisseurs 
individuels est plus influencé par l'attention que celui des investisseurs professionnels. La gestion collective 
protègerait donc les participants aux plans de pension contre des biais comportementaux sous-optimaux, 
puisque les titres achetés par des investisseurs guidés par l'attention exhibent des performances moindres que 
les titres vendus par ces investisseurs et que cette sous-performance est d'autant plus remarquable que 
l'attention portée a été forte (de la même manière qu'un article vantant les charmes d'une île déserte conduira les 
voyagistes à la proposer à de nombreux clients… désappointés par l'affluence une fois arrivés sur place!). 
 

ƒ

 

L'effet de disposition 

(disposition effect)

 

 

 

Le comportement individuel montre des anomalies d’optimisation. Shefrin et Statman (1985) ont ainsi 

mis en évidence un "effet de disposition" qui résulte de la disposition des investisseurs à vendre les titres 
rémunérateurs trop tôt, et à se débarrasser des titres perdants trop tard. D’une part, les investisseurs ont 
tendance à observer les titres individuellement et non le portefeuille dans sa globalité, du coup et d’autre part, ils 
croient à un retour à la moyenne des prix des actifs. Au total, ces deux effets vont les conduire à un 
comportement irrationnel consistant à vendre trop rapidement les titres gagnants et trop tardivement les titres 
perdants. C’est ainsi qu’Odean (1998) montre que, sur 10 0000 comptes titres et sur la période allant de 1987 à 
1993, l’excès de rentabilité des titres vendus est de 3,41% par rapport à la rentabilité des titres conservés en 
portefeuille à l'horizon d'un an. 
 
 
 

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16

ƒ

 

L'excès de confiance 

(overconfidence)

 

 
 

La confiance excessive (

overconfidence

) est souvent considérée comme étant la source d’importants 

volumes de transactions sur les marchés financiers spéculatifs. Cette confiance excessive due notamment à une 
sous évaluation de leurs propres défauts d’information conduit les individus à prendre de mauvaises décisions. 
En effet, plus l'information est coûteuse, plus elle a tendance à être surpondérée par son acquéreur.  Bien 
entendu, la tendance à se montrer excessivement confiant quant à son propre jugement ou ses propres 
prévisions n’est pas propre à la finance, mais la finance est un terrain propice à la répétition de ce phénomène 
car la prévision y est par nature très difficile (Griffin et Tversky, 2002). Plus généralement, les investisseurs 
n'utilisent pas la totalité de l'information pertinente pour former ou réviser leurs prévisions, et sont aveuglés par 
les événements rares : "il est bien connu que même des professionnels avertis perçoivent des mouvements 
systématiques et forment des prévisions à partir de séries purement aléatoires : c'est sur ce point que se fondent 
les critiques habituelles des méthodes chartistes, mille fois dénoncées et toujours utilisées sur les marchés. On a 
dénommé "loi des petits nombres" ce biais qui consiste à vouloir faire dire à des observations partielles plus 
qu'elles ne peuvent en révéler en probabilité" (Pollin, 2004, p. 144). 
 

ƒ

 

Le biais du professionnel 

 

 

Le biais du professionnel (

hindsight bias

) est un biais cognitif qui résulte de la volonté d’expliquer ces 

événements très rares (les cygnes noirs, en anglais 

black swans

). L’idée générale est que les "surprises" 

peuvent être justifiées (plus qu’expliquées) en référence au passé, en apportant une explication aux surprises 
passées et en les transposant au présent. De nombreux phénomènes relèvent d’un tel biais, jusqu’au fatalisme 
en philosophie, qui peut expliquer comment tout est inévitable. Fishhoff 

et alii

 (1977) procèdent par exemple à 

des expériences de laboratoire. Ils décrivent aux participants un événement qui peut aboutir à plusieurs résultats, 
puis annoncent l’un des résultats. Ils observent alors que les participants attribuent une probabilité très 
supérieure au résultat courant par rapport aux autres possibilités. Bien évidemment, cette appréhension 

ex post

 

ne permet pas d’élaborer des règles permettant de gérer les événements rares (le cygne noir). Pire, ce biais du 
"je le savais bien" constitue un véritable obstacle à l’apprentissage et aux anticipations. Le problème est que les 
détenteurs de fonds vont porter le risque d’irrationalité des gestionnaires, sans pour autant être capables d’isoler 
la part du risque attribuable au biais (voire à la coexistence de plusieurs de ces biais). Un second problème est 
que si le biais dévie le prix des actifs de leur prix d’équilibre, un nombre important d’intervenants va accroître 
d’autant l’ampleur de la déviation. Dans le cas de fonds de pension, le problème est donc celui du transfert des 
choix d’allocation des salariés-affiliés au fond de pension en tant qu’entité. Il est clair qu’une gestion qui 
reposerait pleinement sur des choix individuels, potentiellement sujets à des biais cognitifs corrélés, présenterait 
un risque élevé pour ces mêmes individus. Gilson et Kraakman (2003) considèrent que la question de ce 
transfert est centrale et que les pouvoirs publics américains devraient tirer leçon de la finance comportementale, 
en contraignant la diversification des plans 401(k). On retrouve là un argumentaire qui rejoint les défauts 
d’allocation stratégique déjà mentionnés.  

 

2.1.2.   Performance et 

benchmarking

 

 

ƒ

 

Le rôle des 

benchmarks

 dans l'évaluation de la performance 

 
 

La gestion collective implique une séparation entre la propriété et la gestion des portefeuilles financiers. 

Pour que les investisseurs initiaux, détenteurs de droit à pension, s'assurent que les sommes qu'ils confient aux  
fonds de pension sont gérées dans leur intérêt exclusif, des mécanismes d'incitation, de contrôle, et d'évaluation 
de la performance sont mis en place. Il existe une littérature théorique abondante sur la forme optimale des 
contrats de gestion déléguée. Cette littérature n'offre pas de conclusion tranchée, dans la mesure où le contrat 
optimal dépend des relations d'agence impliquées dans cette gestion déléguée. De manière générale, les 
contrats optimaux offrent au gestionnaire une rémunération liée à la performance, cette performance étant 
mesurée en termes relatifs. La forme optimale reste incertaine : tantôt le contrat optimal implique un partage 
linéaire des profits (au-delà, éventuellement, d'une rémunération fixe), tantôt une structure convexe. Quant à la 
performance, elle est évaluée par rapport à un indice de référence 

(benchmark)

, le plus souvent un indice de 

rendement. Elle est mesurée par l'accroissement de la valeur nette des actifs du fonds, et comprend donc un 
effet prix (valorisation des titres inclus dans le portefeuille) et un effet volume (capacité à collecter des fonds 

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supplémentaires). Cette combinaison des deux effets complique la conception d'une rémunération optimale du 
gestionnaire. Enfin, le contrat optimal entre l'investisseur et le gestionnaire doit intégrer le risque, afin que la 
recherche de rendement ne se traduise pas par une prise de risque excessive, mettant en danger la solvabilité 
du fonds, et partant, sa capacité à servir des pensions à long terme. 
 
 

L'évaluation de la performance des fonds de pension est susceptible d'induire des comportements sous 

optimaux par rapport aux prescriptions normatives de la théorie des marchés efficients. D'une part, le choix de 
l'indice de référence est crucial. Cette référence peut être un indice de marché (S&P500, CAC40…), un indice de 
style de gestion, ou un indice de performance moyenne d'un ensemble de fonds analogues (fonds DB ou DC, 
fonds de fonds…). Elle peut être également une référence interne, notamment pour les gestionnaires de fonds 
DB où la performance de l'actif est évaluée au regard du passif 

(liabilities benchmarking).

 Souvent, les mandats 

de gestion fixent des marges de tolérance 

(tracking error) 

par rapport à la référence. Si ces marges sont trop 

étroites, elles sont susceptibles de conduire à une prise de risque excessive. D'autre part, la date, la fréquence et 
l'horizon d'évaluation sont des éléments importants dans les relations d'agence entre les investisseurs individuels 
et gestionnaires de fonds de pension. Ainsi, les journaux spécialisés opèrent souvent des classements en fin 
d'année, ce qui contribue à concentrer les rotations de portefeuille à cette période, indépendamment des 
allocations tactiques optimales. Par ailleurs, la fréquence et l'horizon d'évaluation favorisent un court-termisme 
des fonds de pension, maintes fois dénoncé en théorie, mais rarement remis en cause en pratique (voir Myners 
(2001, 2004) pour les fonds britanniques). En effet, les performances des fonds de pension devraient s'apprécier 
sur des horizons longs, de plusieurs décennies, alors que les comparaisons de performance sont effectuées sur 
des horizons annuels, voire pluriannuels dans le meilleur des cas. Enfin, les possibilités d'arbitrage sont limitées, 
de manière structurelle ou institutionnelles : des titres de couverture ne sont pas nécessairement accessibles 
(pas de proches substituts), des positions ouvertes lorsqu'elles sont autorisées ne peuvent pas être conservées 
indéfiniment (même si la théorie suggère que c'est optimal tant que l'équilibre n'est pas réalisé), les classes 
d'actifs sont parfois fixées de manière réglementaire. Au total, l'évaluation mécanique des performances 
contribue à un certain conformisme des gestionnaires, dont le comportement moutonnier décelé dans l'allocation 
stratégique se trouve renforcé par les contraintes de l'allocation tactique. Les "fondamentalistes" dont le 
comportement est optimal à long terme sont amenés à "capituler" devant de piètres performances à court terme 
(i.e. vendre des titres encore sous-évalués), alors que des "chartistes" ne seront pas sanctionnés pour mauvaise 
performance (ils seront dans la moyenne du marché), mais n'auront pas fait bénéficier leurs mandataires de 
gains anticipés supérieurs (Davanne et Pujol, 2004). 
 

ƒ

 

Gestion passive vs. gestion active : les fonds de pension ont-ils des performances meilleures que le 
marché ? 

 

 

Pour les affiliés des fonds de pension, une question cruciale se pose : les fonds de pension ont-ils des 

performances meilleures que le marché ? Cette question n'a de sens que si les gestionnaires de fonds pratiquent 
une gestion active, c'est-à-dire s'ils ne se contentent pas de répliquer un indice de performance donné 

a priori.

 

Plusieurs arguments militent en faveur d'une gestion active. D'une part, les contraintes légales ou réglementaires 
imposent parfois des allocations cibles, ou même des règles de gestion dans l'intérêt exclusif des bénéficiaires 
des fonds de pension. Ainsi, la "

prudent man rule" 

américaine ne doit pas être interprétée comme une incitation à 

la gestion passive, s'il existe des opportunités d'arbitrage pouvant bénéficier aux retraités. D'autre part, le recours 
à une gestionnaire rémunéré est d'autant moins nécessaire que la gestion est passive (Lakonishok et al., 1992). 
 
 

Même si les fonds de pension américains ne sont pas comptablement tenus de fournir des données 

désagrégées sur leur performance, les gestionnaires de fonds de pension ne semblent pas réussir des 
performances supérieures aux indices de marché via une gestion active : selon 

Pensions and Investments; 

74 % 

des fonds investis en actions n'ont pas sur-performé le S&P500 sur la période 1971-1980. Cependant, en 
s'intéressant à la performance moyenne des gestionnaires, les études économétriques occultent le fait que 
"certains managers sont capables de produire des rentabilités supérieures à celles du marché" (Hervé, 2002, p. 
234). Les rares études britanniques montrent des résultats similaires : les fonds de pension d'entreprise affichent 
des performances proches de celles des indices de référence, alors que les plans de pension personnels 
présentent des performances moyennes, ajustées ou risque ou non, inférieures à leurs indices de référence 
(Hervé, 2002). 

 

 

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18

ƒ

 

Stratégie de réactivité positive 

(momentum)

 et persistance de performance 

 
 

Les fonds de pension ont-ils une stratégie de réactivité positive 

(feedback trading 

ou 

momentum) 

qui 

consiste à acheter des titres haussiers, et à vendre des titres baissiers ? Dans une étude consacrée aux 
investisseurs institutionnels en général, Nosfinger et Sias (1999) confirment la thèse avancée par Lakonishok et 
al. (1992) selon laquelle les fonds de pension sont engagés dans des stratégies de réactivité positive. Ils 
montrent que, en moyenne, le décile des actions enregistrant la détention institutionnelle la plus fortement 
croissante affiche une performance annuelle de 31 %  supérieure au décile associé à la détention la plus 
fortement décroissante. Ils en déduisent que les investisseurs institutionnels sont plus enclins aux stratégies de 
réactivité positive que les investisseurs individuels ou que leurs comportements moutonniers ont une incidence 
plus marquée sur les prix d'actifs que les comportements individuels.  
 
 

Ces comportements de réactivité positive ont-ils une incidence sur la persistance de la performance ? 

En théorie, la persistance de performance est une anomalie financière, si les opportunités d'arbitrage sont 
correctement exploitées. Lakonishok et al. (1992) montrent que, quel que soit le style de gestion, les fonds de 
pension américains affichent une certaine persistance de performance, ajustée au risque ou non. Cette 
persistance, à la hausse comme à la baisse, est d'autant plus prononcée que l'horizon de mesure est long. Les 
études sur les fonds de pension britanniques offrent des conclusions plus mitigées : si les 

personal pension plans 

investis en obligations britanniques présentent une persistance de performance, les 

PPP 

investis en actions 

britanniques exhibent une réversion, même si pour les deux types de fonds, les performances des meilleurs 
perdurent (Hervé, 2002). 
 
2.2.3.  Les gérants de fonds de pension sont-ils irrationnels ? 
 
 

Les modèles traditionnels de la finance moderne supposent généralement une rationalité parfaite des 

investisseurs comme des managers, rationalité qui les conduit à des comportements compatibles avec 
l'efficience des marchés : les prix d’actifs reflètent parfaitement les fondamentaux et les investisseurs-
arbitragistes interprètent parfaitement l’information publique sur les valeurs fondamentales des firmes. 
 
 

Dans l’approche de l’investisseur irrationnel, l’arbitrage sur les marchés financiers est imparfait et aboutit 

à une mauvaise tarification des actifs (

mispricing

). En revanche, les managers sont supposés rationnels et 

répondent aux écarts entre prix de marché et valeur des fondamentaux. Ce sont ces réactions qui sont 
intéressantes à observer : elles consistent majoritairement à "faire plaisir" aux investisseurs en mettant en place 
des politiques susceptibles de gonfler les prix d’actifs au-delà de leur valeur fondamentale, ou encore de 
capitaliser sur les écarts de prix, par exemple en émettant au dessus du pair et en rachetant en deçà ce qui 
abaisse le coût du capital (à condition d’avoir des horizons longs). 

 

 

Dans l’approche du manager irrationnel, la situation est inversée. Ici les gestionnaires irrationnels 

agissent sur des marchés efficients (les investisseurs sont rationnels) mais n’anticipent pas rationnellement, ni ne 
maximisent leur utilité espérée. Un tel comportement est permis par une gouvernance déficiente qui laisse les 
managers convertir (mal) des croyances (quelquefois fausses) en actions (mal menées). Dans leur remarquable 
survol de littérature, Baker 

et alii

 (2004), font remarquer que l’idée sous jacente selon laquelle les managers 

souffrent d’un excès de confiance et d’optimisme n’est pas nouvelle et qu’elle était déjà abordée par Roll (1986). 
Ces comportements peuvent mener à des politiques de gestion dénuées de sens : sur investissement, émission 
d’action à bas prix pour des raisons de diversification voulue non rationnelle, dividendes trop élevés, etc. 
 
 

Bien entendu, les deux approches ne sont pas exclusives, et il n’est pas exclu que l’investisseur 

irrationnel côtoie le manager irrationnel. Dans ce cas, une gestion irrationnelle est confortée par un 
comportement financier irrationnel et il est possible d'aboutir à des mouvements financiers d’une ampleur peu 
compréhensible,  voire à des situations tout à fait désastreuses.  

 

 

Par ailleurs, des études expérimentales de psychologie sociale montrent une prédisposition 

psychologique innée à obéir à l'autorité. Avec la complicité d'un acteur professionnel, dénommé l'"apprenant" 
dans l'expérience, Milgram (1974) demandait à des sujets choisis au hasard, dénommés les "instructeurs", de 
soumettre à l'apprenant à des questions diverses. L'apprenant était relié (fictivement) à une machine électrique 

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censée lui envoyer un courant d'une intensité comprise entre 15 et 450 volts, lorsque les réponses aux questions 
étaient inexactes ; il lui avait été demandé de simuler des réactions vocales, allant du simple grognement (15 
volts) au cri inhumain (450 volts), en passant par la demande d'arrêter l'expérience (135 volts).  On expliquait à 
chaque instructeur que l'apprenant était un sujet d'expérience, et qu'il devait assister l'expérimentateur dans le 
protocole censé tester "les effets de la punition sur l'apprentissage et la mémoire" en envoyant un courant d'une 
intensité déterminée par l'expérimentateur. Les résultats de l'expérience sont édifiants : 100 % des sujets 
poursuivent l'expérience jusqu'à ce que l'apprenant demande qu'on l'interrompe ; à ce moment, 20 % des sujets 
cessent d'obéir, et 60 % des sujets poursuivent l'expérience jusqu'au bout, acceptant d'entendre des cris 
inhumains. Milgram a répété l'expérience avec des sujets différents, ne décelant pas de différences significatives 
selon le genre, l'âge ou la profession. La plupart des sujets interrogés après l'expérience ont exprimé un profond 
traumatisme, mais ont argué d'une "parole donnée" à l'expérimentateur, et d'un sentiment de loyauté à son 
égard.  
 
 

Selon Morck (2004), les scandales financiers liés à la mauvaise gouvernance des sociétés sont 

imputables à une loyauté déplacée des cadres dirigeants 

(officers and directors)

 vis-à-vis du directeur général 

(Chief Executive Officer – CEO)

. Alors que ces cadres supérieurs auraient du alerter leur directeur général, ils se 

sont abstenus sacrifiant ainsi leur carrière et leur réputation au bénéfice de leur directeur général. Pourquoi cette 
obéissance au directeur général supplante-t-elle le devoir légal qu'ont les cadres supérieurs vis-à-vis des 
actionnaires, ou dans le cas des managers de fonds de pension, vis-à-vis des salariés ? La proximité physique 
des acteurs est une première justification, confirmée par une variante de l'expérience de Milgram : lorsque 
l'instructeur est physiquement proche de l'apprenant, sa loyauté vis-à-vis de l'expérimentateur décroît. Or, les 
cadres supérieurs côtoient leur directeur général de manière régulière, alors que les actionnaires sont virtuels, 
puisqu'ils ne les rencontrent au mieux qu'une fois par an lors de l'assemblée générale.  Comment assurer dans 
ces conditions une composition efficace du conseil d'administration des sociétés ou des fonds de pension. Là 
encore, deux variantes de l'expérience de Milgram apportent des réponses. 
 
 

Dans une première variante, l'instructeur est assisté de deux autres instructeurs (de connivence avec 

l'expérimentateur). Le premier pose les questions, le second enregistre les réponses et l'instructeur-sujet 
administre le choc électrique. A partir de 150 volts, le premier instructeur refuse de continuer l'expérience, et 
l'expérimentateur demande au second de poser les questions et d'enregistrer les réponses, l'instructeur-sujet 
continuant d'administrer le choc. A 210 volts, le second instructeur démissionne lui aussi, laissant à l'instructeur-
sujet le soin d'administrer l'ensemble du protocole. Milgram montre que la proportion d'instructeurs-sujets 
poursuivant l'expérience chute de manière spectaculaire : la rébellion des pairs 

(dissenting pairs) 

affaiblit 

considérablement l'autorité de l'expérimentateur. Rapportée au contexte des fonds de pension, l'expérience 
suggère que, en entendant des voix dissonantes, les acteurs d'un conseil d'administration se sentent délivrés du 
devoir de loyauté vis-à-vis de son président. 
 
 

Dans une seconde variante, l'instructeur-sujet est seul, mais l'expérimentateur est assisté d'un confrère 

(de mêmes caractéristiques physiques). A 150 volts, ce confrère suggère d'arrêter l'expérience, tandis que le 
premier expérimentateur plaide pour sa poursuite. Le conflit visible entre les deux autorités a un effet dirimant sur 
la loyauté de l'instructeur-sujet qui cesse immédiatement l'expérience. Cette dernière variante expérimentale 
milite en faveur de cadres dirigeants, ou de membres de conseil d'administration, indépendants du directeur-
général. 
 
 

On peut trouver dans le cas de l’entreprise Enron une illustration extrême des conséquences de telles 

irrationalités. Après qu’il eut été découvert que la firme Enron divulguait des informations sur ses profits fort 
éloignées de la réalité et que l’entreprise courait à la faillite, et alors que le cours des actions de l’entreprise 
s’effondrait, la firme Enron a bloqué les comptes 401(k) de ses employés tandis que les dirigeants de l’entreprise 
vendaient leurs actions (détenues en direct) à un cours plus élevé. Durant les deux semaines du blocage des 
avoirs des employés sur leurs fonds de pension, les actions ont perdu 35% de leur valeur.   
 

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2.2.  

L'allocation tactique et la réaction des marchés financiers 

 
 

Si les comportements des fonds de pension sont guidés par les signaux émis sur les marchés 

financiers, en retour, les fonds de pension peuvent influencer les prix d'actifs de manière durable, au-delà des 
phénomènes erratiques liés aux comportements moutonniers évoqués précédemment. 
 
2.2.1.    Le baby boom et l'hypothèse de fonte des marchés financiers 

(asset meltdown hypothesis)

   

 
 

Avec le passage à la retraite des générations pléthoriques du baby boom, on peut anticiper des ventes 

massives d'actifs financiers dans les trois prochaines décennies, et partant une baisse de leur rendement, voire 
un effondrement des marchés financiers 

(asset meltdown hypothsesis)

. Cette idée repose sur l’hypothèse que les 

comportements d’épargne et de désépargne sont conformes à la théorie du cycle de vie. Dans un premier temps 
– disons entre 20 et 40 ans – les individus s’endettent ou n’épargnent pas, dans un second temps – entre 40 et 
60 ans – ils constituent un patrimoine, enfin dans un troisième temps, ils désépargnent. En régime permanent, la 
désépargne des uns compense l’épargne des autres. En revanche, en période de cycle démographique marqué 
(précisément lorsque le renflement de la pyramide des âges dû à la génération nombreuse du baby boom passe 
l’âge de la retraite, donc de la désépargne) l’épargne nette est négative, et cela induit une baisse des prix des 
actifs financiers. Schieber et Shoven (1994) ont étendu l’analyse au comportement des fonds de pension, 
montrant qu’ils deviendraient vendeurs nets dès la baisse du nombre d’actifs cotisants. On retrouve du reste 
l’argument du 100 moins âge appliqué aux fonds de pension (cf. 1.1.2.). 
 
 

Quelques études empiriques se sont attachées à montrer qu’il existait effectivement une corrélation 

entre la part de la population âgée de 40 à 60 ans (les "

prime savers

") et le prix des actifs financiers (Yoo, 1994) 

pendant que d’autres mettaient en évidence la sensibilité de telles études aux hypothèses adoptées par exemple 
quant au degré d’ouverture de l’économie (Kesting, 2005), ou aux comportements de legs (Abel, 2001). Si 
l’impact des comportements de legs demeure peu connu, il est indéniable que la relative synchronisation du choc 
démographique dans les pays développés rend peu perméable 

l'asset meltdown hypothesis

 à la prise en compte 

de l’ouverture des économies. Au total, si l'influence de la structure par âge de la population sur les rendements 
financiers est incontestable, l'ampleur des effets ne doit pas être surestimé (Poterba, 2004). 
 
 

L'influence des fonds de pension sur la rentabilité des firmes est renforcée par leur activisme dans les 

entreprises dont ils sont actionnaires.  
 
2.2.2.   L'activisme des fonds de pension  
 
 

Depuis les années quatre-vingts, les fonds de pension américains exercent un activisme dans les 

entreprises dont ils détiennent des actions, en vue d'améliorer la performance de leurs portefeuilles. Défini 
comme une pratique consistant à manifester son mécontentement quant à la performance ou la stratégie d'une 
firme dont ils sont actionnaires, l'activisme des fonds de pension prend la forme d'un ciblage 

(targeting) 

 qui peut 

revêtir deux formes (Wahal, 1996) : le ciblage pour mauvaise gouvernance 

(proxy targeting) 

et le ciblage pour 

défaut de performance 

(perfornance-based targeting)

. Dans le premier cas, le fonds de pension soumet une 

proposition lors de l'assemblée générale des actionnaires de la firme ciblée, dans le second il exprime 
publiquement ou non son mécontentement quant à la performance affichée par la firme. Ce dernier type 
d'activisme est pratiqué depuis 1985 par le Conseil des Investisseurs Institutionnels (CII) qui publie annuellement 
en septembre une liste noire d'entreprises sous-performantes. Il s'agit donc d'un activisme coordonné, pratiqué 
par des fonds de pension publics ou privés. 
 
 

Plusieurs explications théoriques ont été avancées pour justifier l'influence positive du ciblage pour 

performance (voir Hervé (2002) pour une revue de littérature). Pour l'essentiel, elles reposent sur une 
modélisation principal-agent en information asymétrique, dans laquelle le dirigeant de la firme ciblée a des 
intérêts divergents de ceux du gestionnaire de fonds de pension, et  une information supérieure sur la profitabilité 
de sa stratégie poursuivie. Elles se heurtent à la fragilité des résultats empiriques obtenus à partir d'études 
d'événements qui, de manière schématique, analysent la performance des firmes avant et après la publication de 
la liste noire par le CII. A court terme (entre un et vingt jours suivant la publication de la liste noire par le CII), 
l'activisme ne semble pas influencer la performance des entreprises ciblées aux Etats-Unis (Hervé, 2002). En 

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revanche, à long terme (entre un et trois ans après publication de la liste), il existe une corrélation positive entre 
ciblage et performance (Opler et Sokobin (1997), Hervé (2002)). Dès lors, en cristallisant les comportements des 
gestionnaires sur une référence (la liste noire du CII), l'activisme coordonné par ciblage de performance conforte 
les stratégies de réactivité positive des gestionnaires de fonds de pension, voire leur sentiment de surconfiance.  
 
Conclusion 
 
 

Dans cette contribution, nous avons montré que les fonds de pension sont sujets à des biais 

comportementaux dans leurs choix financiers. Ces biais sont tantôt identiques à ceux des salariés et retraités 
dont ils sont les mandataires ultimes, tantôt ils proviennent de relations d'agence qui incitent les gestionnaires à 
des comportements moutonniers, pas nécessairement irrationnels, mais sous optimaux en termes de choix du 
couple rendement – risque. Ces comportements affectent un retour les rendements et la volatilité observés sur 
les marchés financiers, en raison même de la taille des fonds de pension. Or les réglementations actuelles des 
fonds de pension, qu'elles soient anglo-saxonnes ou continentales européennes visent à protéger les participants 
aux plans de pension, mais se préoccupent guère des implications systémiques. La nouvelle grille d'analyse 
offerte par la finance comportementale légitime ainsi un plaidoyer en faveur d'un encadrement prudentiel plus 
important des fonds de pension, à l'instar du nouvel accord de Bâle pour les institutions bancaires ou du projet 
Solvabilité 2 pour les entreprises d'assurance ; elle pose également le problème des effets indirects qui 
pourraient résulter de l’adoption de normes comptables particulières.  

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