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Social-Eco - le 22 Avril 2010

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Syndicat mal vu chez Toshiba

En novembre 2009, Bruno est licencié de Toshiba, à Puteaux (Hauts-de-Seine). Malgré les avis défavorables de l’inspection du travail, le ministère a décidé d’appliquer une décision «incompréhensible» pour les syndicats.

L’industriel japonais de matériel électronique a-t-il licencié injustement Bruno, quarante-trois ans, parce que cet employé voulait informer les salariés de l’entreprise, et cela avec la complicité du ministre du Travail ? La dizaine de responsables CGT de l’Union des syndicats de travailleurs de la métallurgie des Hauts-de-Seine n’en doutent pas. Mardi, ils se sont rassemblés devant le siège de Toshiba à Puteaux (Hauts-de-Seine) pour soutenir ce chef de solutions. « J’ai été licencié en novembre 2009, quand la décision de la direction générale du travail (DGT) est tombée, on m’a demandé de partir sur-le-champ ! » lâche Bruno, amer. Pour ce salarié, régulièrement augmenté par ses supérieurs, les soucis ont commencé en mars 2008. Avec sa collègue, secrétaire du CE, ils réfléchissent à l’instauration d’une union économique et sociale (UES) entre toutes les filiales françaises du groupe Toshiba, qui emploie plus de 1 000 personnes. Cette entité aurait permis un regroupement des filiales avec la mise en place d’un comité central d’entreprise (CCE). Plus de visibilité serait exigée sur les comptes de l’entreprise et sur sa stratégie.

« En septembre 2008, je me suis syndiqué à la CGT, je voulais m’impliquer pour la mise en place de l’UES », détaille Bruno. Il devient délégué du personnel, secrétaire du CHSCT et membre du CE. C’est alors qu’un déluge d’accusations s’abat sur lui. Toshiba l’accuse d’avoir abusé de son rôle syndical pour obtenir une indemnité de départ exorbitante, posé des questions portant atteinte à l’image de l’entreprise. Justement, ces interrogations portaient sur le contrat avec l’Ugap, union des groupements d’achats publics. Or Toshiba a signé un gros contrat depuis 2007 avec Ugap, établissement public industriel et commercial (Epic), placé sous la double tutelle du ministre chargé de l’Économie, des Finances et du Budget. Elle fournit des photocopieuses aux collectivités et souhaite à tout prix prolonger son juteux contrat. Bruno aurait également manqué de consulter tous les élus du CE pour une prise de décision. « Je n’ai même pas compris les accusations au premier abord, tellement c’était incroyable ! Ensuite, pour les questions prétendument fallacieuses, c’était juste des questions pratiques, rien de plus. Je n’ai jamais souhaité partir de l’entreprise. » Contacté, le DRH de Toshiba n’a pas souhaité s’exprimer car une procédure est en cours. Bruno est donc mis à pied pour faute en mars 2009 et convoqué à un entretien préalable de licenciement. C’est alors que les inspecteurs du travail lancent une enquête. Procédure obligatoire dans le cas de licenciement d’un salarié protégé, l’inspecteur doit vérifier que le mandat n’est pas en lien avec la décision de l’entreprise de se séparer de lui. D’après son rapport, aucune faute n’est constatée, il refuse d’autoriser le licenciement en avril 2009. Qu’à cela ne tienne. Toshiba pose un recours hiérarchique. Et la contre-enquête arrive à la même conclusion en août 2009. Le rapport final de la direction départementale du travail des Hauts-de-Seine au ministère du Travail du mois de novembre enfonce le clou et précise qu’« un lien entre la demande d’autorisation de licenciement et les mandats détenus par l’intéressé ne peut être écarté ». Malgré les avis négatifs, le ministère autorise le licenciement de Bruno T. le 6 novembre. Maître Missistrano, avocat de Bruno T., ne comprend pas l’enchaînement des événements. « La décision a été prise avant la remise du rapport fin novembre. » Jean Bessière, adjoint du directeur du travail, s’en défend. « Il y a une erreur de date, le rapport date de fin octobre ; dans deux tiers des cas, la DGT suit les recommandations du ministère. Ce n’est pas le cas ici. » Face à cette décision plutôt rare, maître Missistrano reste médusé : « C’est scandaleux ! Le licenciement de l’intéressé échappe à toute logique. » Le recours gracieux du cadre auprès du président de la République est ensuite resté lettre morte. Un recours a été déposé auprès du tribunal administratif pour annuler cette exclusion. Au final, Bruno souhaite une chose : réintégrer son poste.

Cécile Rousseau

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