04.03.2010
Bataille de chiffonniers autour de la marque Sorbonne
L'histoire tragi comique du dépôt de la marque Sorbonne
Etonnant que les anglo saxons n'en aient pas encore fait un sujet de « French Bashing »... Nos universitaires étaient jusqu'ici tellement détachés des choses matérielles et "marchandes" qu'ils n'avaient pas réalisé que le nom « Sorbonne » avait un pouvoir magique dans le monde entier, synonyme d'excellence culturelle Française ( ci-contre: cour de la Sorbonne). Et méritait à ce titre d'être protégé et valorisé comme une marque. De sorte que, pendant des décennies, aucun d'entre eux n'avait songé à protéger l'usage de cette marque, en la déposant à l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Observons que les politiques n'ont pas été plus avisés, qui n'avaient pas non plus songé à cette démarche. Et puis soudain, depuis 4 ans, tout s'est emballé: on en est à 70 dépôts de la marque Sorbonne, une véritable folie, notamment stimulée par la perspective de figurer dans les palmarès mondiaux. Accessoirement, il est amusant de noter que la patron de la société Nomen, spécialisée dans la création de marques, Marcel Botton, qui est chargé de cours à la Sorbonne, estime que la marque Sorbonne vaut un millard d'Euros, montant qu'il justifie ainsi: " c'est la somme d'argent qu'il faudrait dépenser pour lancer une marque aussi renommée dans le même domaine". Pour lui il y a au moins 600 millions de personnes dans le monde qui la connaissent. Vrai ou faux, c'est en tous cas une exploration assez comique qu'on entreprend quand on observe qui a déposé la marque Sorbonne et comment.
Sorbonne, horoscopes et pompes funèbres
Le premier qui y ait songé ? On vous le donne en mille : un commerçant niçois voulant diffuser des T-shirts et de la papeterie. On est octobre 1989. Il dépose Sorbonne Papeterie, Sorbonne Musique ou Sorbonne Bouquinerie. Un an plus tard, un de ses concurrents dépose le simple terme Sorbonne. Puis ce sont des étudiants, en 1991, qui s'avisent que le nom a de la valeur : ils décident de protéger le nom de leur journal « Sorbonne(s) Nouvelles ». Puis plus rien pendant 5 ans. En 1996, Paris IV, qui occupe le bâtiment historique de la Sorbonne ( ci contre l'amphi Richelieu ) se réveille et dépose son nom officiel : « Université de Paris-Sorbonne. » Et il faut croire que leur conseiller en dépôt de marques était persuasif et payé à la quantité : la marque est déposée dans 17 classes différentes, incluant la Classe 45 : « Horoscopes, Pompes Funèbres, Agences Matrimoniales » et la Classe 44 « Agriculture, Hôpitaux, Salons de coiffure. » Paris 1 Panthéon Sorbonne met trois ans à riposter et dépose en 1999 son nom dans 16 classes, incluant le secteur sièges et literie ( classe 20) et celui des taxis et agences de voyages ( classe 39). Cette même année 1999 Paris 3 Sorbonne Nouvelle (photo immeuble ci contre) fait la même chose, déposant à la fois Sorbonne Nouvelle et Nouvelle Sorbonne .
Le choc de la Sorbonne Abu Dhabi
Puis plus rien pendant 6 ans. Seul un agent immobilier, un conseiller financier et un hôtel décident de se servir de la prestigieuse marque. Le grand réveil sonne avec la décision de Jean Robert Pitte, à l'époque président de Paris 4 (photo) 
d'implanter la Sorbonne à Abu Dhabi. Les Emirati réclament un usage exclusif de la marque. Pitte se révèle très imprudent : il signe avec eux le 19 février 2006, mais ne dépose « Université Paris Sorbonne Abu Dhabi » que 4 mois plus tard. Si un concurrent bien informé (par exemple son rival de toujours, Paris 1) l'avait doublé, il y aurait eu un problème...
Paris 1 s'énerve et dépose 13 marques Sorbonne d'un coup
Mais Paris 1 traîne, et c'est son IAE qui prend les devants en déposant en février 2007 la pétillante marque Sorbonne Business School , de nature à émoustiller un américain ou un chinois, bien plus que « Dauphine » ou « Panthéon .»
La même année, Bertrand Delanoë se réveille : la Mairie de Paris s'avise que le bâtiment historique de la Sorbonne, près du Boulevard Saint Michel, lui appartient, et elle dépose à son nom Paris Sorbonne . La fac de droit d'Assas (Paris 2) ne veut pas être en reste et dépose un "Université Sorbonne-Assas" qui donne du vernis au mot Assas. A ce stade, personne n'a encore protégé l'expression toute simple « La Sorbonne ». En novembre 2007 c'est fait par Paris IV, et ceci dans un nouveau record de 22 classes, ce qui vérouille l'exploitation dans tous les secteurs possibles.
Là, la prestigieuse Paris-1 Panthéon Sorbonne (photo) s'énerve enfin, ulcérée par l'implantation de sa rivale Paris IV à Abu Dhabi . En digne juriste, elle dépose 13 marques d'un coup, telles que Sorbonne Finance, Sorbonne Marketing, Sorbonne Management, Sorbonne Law, Sorbonne Arts, Entretiens de la Sorbonne ... Puis le CELSA la suit, et enfin Paris 3, qui, s'estimant mal protégé par son dépôt "Sorbonne Nouvelle", effectue une nouvelle rafale de 5 dépôts, incluant "Télé 3 La Sorbonne chez vous" et "Radio Sorbonne Nouvelle". Ainsi, au total, 24 dépôts sont faits à l'INPI en 2008, suivis de 8 autres en 2009, et de déjà 6 depuis janvier 2010 ! Une avalanche. Et une providence pour les conseillers en dépôts de marque.
Le prochain épisode du feuilleton ? Une bataille de chiffonniers, qui a démarré, pour savoir qui aura vraiment le droit d'utiliser la marque que revendiquent maintenant non seulement quatre ou cinq universités, mais aussi des PRES désireux de décrocher le précieux label "campus d'excellence"... Car la course pour ce label, c'est un peu le jeu "Qui veut gagner des milliards" : les milliards du grand emprunt . A suivre donc ! Pour le première fois depuis longtemps, l'actualité universitaire, en particulier à Paris, a pris un tour captivant . Patrick Fauconnier
15:32 Lien permanent | Commentaires (9) | Envoyer cette note | Tags : sorbonne, université française, delanoë
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Commentaires
La Sorbonne ? N'est-ce pas en ce lieu que l'illustre E. Teissier a obtenu son doctorat ?
Ecrit par : BD | 05.03.2010 | Avertir le modérateur
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"Bataille de chiffonniers" ? ... "Qui veut gagner des milliards" ? ... Quelle ironie grinçante ! ... Il est vrai que la gauche considère l'argent comme un instrument de Satan, à l'exception des émoluments des fonctionnaires, qu'il faut augmenter, et de l'argent des autres, qu'il faut confisquer … Alors la valeur des marques dans tout cela, hein, c'est forcément caca bouda …
Et pourtant il serait temps que l'on s'aperçoive en France que nous vivons dans un monde internationalisé où les noms prestigieux, s'ils ne sont pas protégés, peuvent être utilisés par n'importe qui à travers la planète, généralement avec des objectifs clairement économiques.
C'est comme les brevets : Faute de déposer à temps les brevets nécessaires, de prestigieux scientifiques français se sont vu souffler leurs découvertes par des labos étrangers, privés le plus souvent.
Au fait, Delanoë a t-il pensé à déposer les marques "Tour Eiffel" et "Eiffel Tower" ? Je serais curieux de savoir combien elles valent.
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Ecrit par : JML 92 | 09.03.2010 | Avertir le modérateur
Fauconnier @ JML. Merci cher JML d'être venu visiter notre blog ! Il y a longtemps que vous ne nous aviez pas gratifiés d'un de ces bons poncifs de derrière les fagots dont vous avez le secret, genre : " la gauche considère l'argent comme un instrument de Satan ". Ou : "(pour la gauche) la valeur des marques c'est caca bouda" . Alors même que toute la teneur du post consiste à se désoler que la valeur de la marque n'ai pas été protégée plus tôt...
Pour ce qui est de l'instrument de Satan, on transmet à DSK. Et surtout à Benoit XVI. Car sauf erreur on a plutôt entendu exprimer cette appréciation par certains cathos ( pas les protestants) que par la gauche. Encore que la lecture de la Parabole des Talents vient nuancer cette analyse. Donc il faudrait peut être faire le distingo entre l'argent et l'usage que l'on fait de l'argent, non ? Récemment, certains spéculateurs et escrocs à la Madoff semblent avoir fait un usage plutôt diabolique de l'argent qu'ils avaient entre les mains, non ?
Ecrit par : patrick fauconnier | 09.03.2010 | Avertir le modérateur
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Cher Patrick Fauconnier,
Vous avez raison de faire un parallèle entre une certaine vision de la religion et la gauche : La "multiplication des petits pains" n'est-elle pas son principal programme ? "Les premiers seront les derniers" n'est-il pas son unique crédo ?
Mais il se pourrait, malgré votre humour grinçant et au-delà de mes poncifs de derrière les fagots, que nous soyons d'accord au moins sur une chose : Protégeons et développons nos marques et nos brevets, qui sont sources des richesses de demain.
Quant à l'utilisation de ces richesses, vous m'excuserez, mais c'est le problème avant tout de ceux qui les possèdent ... Après tout c'est en toute liberté que les 'victimes' de M. Madoff ont cru à l'existence du père Noël ...
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Ecrit par : JML 92 | 09.03.2010 | Avertir le modérateur
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Ah, oui au fait, j'oubliai DSK ...
Si seulement la gauche avait choisi DSK comme candidat lors des dernières présidentielles ...
.... Sarko serait alors aujourd'hui probablement dans l'opposition !
Le problème, comme vous le savez, c'est que la gauche lui a préféré Marie-Ségolène, dont les références à la religion, qui ne me choquent pas personnellement mais vous avouerez que c'est savoureux dans le cadre de notre modeste dialogue, ont fait en leur temps les beaux jours des médias.
Il est vrai aussi que, pour la gauche, DSK est à droite ...
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Ecrit par : JML 92 | 09.03.2010 | Avertir le modérateur
Fauconnier @ JML. Sur la multiplication des petits pains, je pense que Sarko serait tout prêt à en faire son programme, si c'était jouable. Travailler plus pour gagner plus, c'était pas censé être ça ? Pour l'heure, on ne peut pas dire que ça ait emballé la machine économique. Les charges sur les bas salaires ont été réduites, les primes à l'embauche multipliées, la Taxe professionnelle supprimée, la TVA sur la restauration baissée, et ça patine toujours. On arrive à un jour où il n'est plus possible d'avancer que l'économie tourne mal parce que la gauche a assommé les entreprises de charges, antienne connue. Charges ou pas, en 1997-2000, ça tournait fort. Donc la conjoncture joue sûrement plus que la couleur de la majorité au pouvoir...
Ecrit par : Fauconnier | 09.03.2010 | Avertir le modérateur
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"Travailler plus pour gagner plus". Ben oui, cher Patrick Fauconnier ... Si j'en juge par mon cas personnel, je n'ai pas identifié d'autre moyen pour gagner plus que de travailler plus, et même plutôt pour limiter les pertes de revenus en période de crise.
Que proposeriez vous à la place ? ... "Travailler moins pour gagner plus" ?
La gauche ne se rend même pas compte que son opposition hystérique à toute forme de changement la conduit à un niveau d'absurdité qui n'a que rarement été atteint dans ce pays.
Son réveil sera très très difficile car, sachez le, la démagogie n'est plus de mise dans un pays comme le nôtre !
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Ecrit par : JML 92 | 10.03.2010 | Avertir le modérateur
La Sorbonne à Nice n'est pas un vulgaire marchand de t-shirts, mais la meilleures librairie de la ville.
Ecrit par : jbr | 10.03.2010 | Avertir le modérateur
Fauconnier @ JBR . Merci pour votre précision. A noter que nous n'avons nullement parlé de "vulgaire marchand". Nous trouvons plutôt judicieux qu'un commerçant s'avise de l'importance de cette marque, et on est amusé de constater que les trois premiers qui attribuent de la valeur au nom "Sorbonne" sont deux commerçants, puis des étudiants.
Les documents INPI ne permettent pas de savoir que "Groupe Sorbonne SA" est la meilleure librairie de la ville, honte sur nous de si mal connaître Nice ;-))
Quand aux T-Shirts, c'est un grand universitaire qui raconte que " le premier qui s'est intéressé à la marque Sorbonne était un fabricant de T Shirts". Votre libraire ayant déposé la marque dans "articles de sport et gymnastique", nous avons pensé que c'était lui. A noter que le deuxième déposant dont je parle ( qui dépose 5 mois après le libraire ), est lui aussi de Nice, et s'appelle "SORSA Société Anonyme", ce qui ressemble à une abréviation de Sorbonne SA) . Et il dépose lui aussi dans la classe "articles de sports" en plus de papeterie et librairie.
Profitons de cette réponse pour dire que, depuis la mise en ligne de notre post, un 71 ème dépôt de la marque est survenu au nom de HESAM: Hautes Etudes Sorbonne Arts et Métiers
Ecrit par : patrick fauconnier | 10.03.2010 | Avertir le modérateur
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