APPAREILS GOUVERNEMENTAUX CHARGĂS DES DROITS DES FEMMES, REPRĂSENTATION ET
DĂMOCRATIE EN FRANCE
Une Ă©tude internationale et comparative
Convention
MINISTĂRE DE LâEMPLOI ET DE LA SOLIDARITĂ
SERVICE DES DROITS DES FEMMES
no.51 du 20 novembre 1997
ĂTUDE no. 51/ PROGRAMME 1997
Mai 2000
Responsable scientifique: Amy G. Mazur
CREDEP, UniversitĂ© Paris IX-Dauphine/UniversitĂ© de lâĂtat de Washington
tél: 001 509 335 4615 fax: 001 509 335 4770
e-mail: Mazur@mail.wsu.edu
Ăquipe de recherche: Claudie Baudino, Andrew Appleton, Jean Robinson
2
Remerciements
___________________________________________________________________________
Nous tenons vivement remercier le MinistĂšre de lâemploi et de la solidaritĂ© et le Service des droits des
femmes pour avoir rendu possible cette recherche, en octroyant un financement au volet français de lâĂ©tude du
RNGS.
Cette Ă©tude nâaurait pas pu ĂȘtre rĂ©alisĂ©e sans la participation des personnes suivantes.
Ăquipe de recherche: Andrew Appleton, Claudie Baudino, Jean Robinson.
Partenariat au Service des droits des femmes: Sandrine Dauphin, Monique Dental, Fabienne Grizeau-Horrau,
Laurence Janicot, Catherine Lesterpt.
Partenariat au CREDEP Ă lâUniversitĂ© de Paris IX -Dauphine: Lysiane Cherpin, Jacques GerstlĂ©.
Experts: Danielle Barichasse, Claudine Brocard, Béatrice Florentin, Françoise Gaspard, Maryse Huet, Marie-
Victoire Louis, Catherine Pone, Anne-Marie Raffa, Marianne Storagenko, Dominique Torsat, Sylvie
Zimmermann.
Documentalistes: Jean-Pierre BriÚre, Nadia Callot, Françoise Gasser, Céline Gineste-Van Haaren.
Les équipes des services déconcentrés des droits de femmes:
dans la région PACA: Aline Vergnon-Bondarnaud, Béatrice Borghino, Mattéa Kimmel,
MichĂšle
Laneau, MartineVallon, Maddy Vedder, Patricia Vincent.
dans la région Languedoc-Roussillon: GeneviÚve Compte, Mija Hermann.
dans le département des Pyrénées Atlantiques: Anne-Elisabeth Franck.
LâĂ©quipe VIF-CIDFF dâAvignon: Josyane Blavoux ,Marie-Josephe Chaumont.
Rédaction et traduction: Danielle Chinsky, Frédéric FouchÚres,Yves Herbel, Vania Vilers.
3
Sommaire
___________________________________________________________________________
Note de synthĂšse...................................................................................................................iii
par Claudie Baudino et Amy G. Mazur
Sommaire détaillé.................................................................................................................xii
Chapitre 1. Introduction.........................................................................................................1
par Amy G. Mazur
Chapitre 2. Vers un inventaire exhaustif des AGF...................................................................9
par Amy G. Mazur
Chapitre 3. La formation professionnelle: Les AGF face Ă lâuniversalisme
républicain...........................................................................................................................17
par Amy G. Mazur
Chapitre 4. La représentation politique: La difficile remise en cause de la neutralité sexuelle du
citoyen.................................................................................................................................35
par Claudie Baudino
Chapitre 5. LâIVG: Des AGF militants et un mouvement mobilisĂ©: clefs de la prĂ©servation du droit Ă l'IVG
........................................................................................................................60
par Jean Robinson, traduit par Claudie Baudino et Frédéric FouchÚres
Chapitre 6. La prostitution: Les AGF: des acteurs parmi dâautres dans un rĂ©gime
abolitionniste........................................................................................................................78
par Amy G. Mazur
Chapitre 7. Un cas dâĂ©tude complĂ©mentaire: la RĂ©gion Provence-Alpes-CĂŽte dâAzur...........96
par Andrew Appleton et Amy G. Mazur
Chapitre 8. Conclusion: HypothĂšses, premiĂšres Ă©valuations, et Ă©ventail de propositions......114
par Amy G. Mazur
Annexes
1. Documents consultés......................................................................................................126
2. Grilles de travail du RNGS pour lâanalyse des dĂ©bats......................................................138
3. Liste des personnes rencontrées (1998-2000).................................................................141
4
Note de synthĂšse
par Claudie Baudino et Amy G. Mazur
___________________________________________________________________________
I. PrĂ©sentation de lâĂ©tude
Objectifs
Cette Ă©tude analyse dans une perspective internationale et comparative les appareils gouvernementaux
chargĂ©s de la politique en direction des femmes (AGF) en France. En effet, elle sâinscrit dans le cadre dâune
enquĂȘte menĂ©e par un groupe de recherche international, le RĂ©seau de Recherche sur le Genre, la Politique, et
lâĂtat (Research Network on Gender, Politics and the State--RNGS). Un cadre qui engage Ă faire des
comparaisons des actions des AGF de quatorze pays, dont la France, ainsi que de la Communauté Européenne
sont étudiées.
Il est important de souligner que si la France est souvent citée comme un exemple type en matiÚre
dâAGF, par contre, elle est trĂšs souvent absente des Ă©tudes comparatives. Ainsi, non seulement la convention
de recherche signĂ©e entre le Service des droits des femmes (MinistĂšre de lâemploi et de la solidaritĂ©) et le
CREDEP (Université Paris IX-Dauhpine) a rendu possible cette étude mais, ce faisant, ell a permis de combler
un manque important dans le domaine de la recherche.
Problématique du Research Network on Gender Politics and the State (RNGS)
Lâexpression gĂ©nĂ©rique, âappareil gouvernemental chargĂ© de la politique en direction des femmes
(AGF)â dĂ©signe toutes les institutions Ă©tatiques officiellement chargĂ©es de promouvoir le statut des femmes et
lâĂ©galitĂ© entre les sexes. Souvent considĂ©rĂ©s comme une rĂ©ponse aux mouvements de femmes, ces appareils se
situent Ă la charniĂšre de lâĂtat et des mouvements sociaux. En tant que tels, ils ont la capacitĂ© Ă jouer un rĂŽle
clé dans le renforcement de la démocratie par deux moyens: la représentation directe et la représentation
indirecte. En ce qui concerne la reprĂ©sentation directe, ces appareils ont la capacitĂ© dâintroduire dans le
processus de politiques publiques -- la prise de dĂ©cision, lâĂ©laboration et la mise en place -- les acteurs des
mouvements et des associations qui se veulent les porte-paroles des intĂȘrĂ©ts des femmes ainsi que les femmes
elle-mĂȘmes. En ce qui concerne la reprĂ©sentation indirecte, les AGF ont Ă©galement la capacitĂ© de promouvoir
les idées qui favorisent les droits, la condition, le statut, etc. des femmes dans le contenu et la mise en place des
politiques publiques.
La problĂ©matique du RNGS considĂšre quâune approche qui prend en compte les rapports sociaux de
sexe, et les différentes conditions dans lesquelles femmes et hommes vivent, est seule susceptible de faire
avancer les droits des femmes. On dit que lorsque lâon prend en compte des situations diffĂ©rentes selon le sexe,
dans les dĂ©bats sur les politiques publiques, on âgenre le dĂ©batâ (âgendering the debateâ -- genrer le dĂ©bat).
Lâanalyse de la reprĂ©sentation indirecte dans lâensemble des dĂ©bats Ă©tudiĂ©s sâattache ainsi Ă repĂ©rer cet
infléchissement du débat public supposé favorable aux femmes et à la démocratie.
Lâinterrogation principale de ce projet porte sur lâapprofondissement de la dĂ©mocratie directe et
indirecte dans les pays industrialisés disposant de gouvernements démocratiques stables. Cette interrogation se
décompose en trois questions.
1. Est-ce que les AGF parviennent à rendre les démocraties plus démocratiques?
2. Plus précisement, dans quelle mesure réussissent-ils à accroßtre la représentation des idées
qui
favorisent les femmes, ainsi que les mouvements et les associations qui
représentent les femmes et les
femmes elles-mĂȘmes dans les politiques publiques?
3. Et comment expliquer, à travers les différentes experiences de chaque pays, que les AGF
parviennent plus ou moins bien à ce résultat, qui revient à rendre les démocraties
plus démocratiques?
5
Les dĂ©bats sur les politiques publiques constituent les objets dâanalyse privilĂ©giĂ©s par le groupe du
RNGS. Quatre domaines reprĂ©sentatifs de la gamme de lâaction gouvernementale dans les pays dĂ©mocratiques
ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©s: la formation professionnelle, la prostitution, lâIVG et la reprĂ©sentation politique. Le RNGS
Ă©tudie lâinfluence des AGF dans les dĂ©bats publics Ă travers ces quatre champs dans les quatorze pays et les
institutions de lâUnion EuropĂ©enne. Chaque Ă©quipe de recherche nationale sâest rĂ©partie les quatre domaines de
recherches. Les groupes de chercheurs de chaque domaine se réunissent pour discuter des recherches en cours
et des rĂ©sultats. A la fin de lâĂ©tude en 2002, on disposera de donnĂ©es sur les activitĂ©s des AGF ainsi que sur les
actions des mouvements sociaux et le déroulement détaillé des débats sur les politiques publiques, pour au
moins 156 cas dans les quatorze pays différents dont 16 sur la France.
RĂ©alisation de lâĂ©tude en France
Lâanalyse des dĂ©bats dans chacun des quatre domaines en France est exposĂ©e dans les chapitres trois Ă
six: la formation professionnelle dans le chapitre trois, la reprĂ©sentation politique dans le chapitre quatre, lâIVG
dans le chapitre cinq et la prostitution dans le chapitre six. Chaque chapitre suit le mĂȘme plan, issu de la
problématique du RNGS. Le chapitre deux fait un inventaire des diverses formes des AGF en France depuis
lâapparition du premier appareil en 1965. Un tel inventaire constitue la premiĂšre Ă©tape de recherche pour tous
les pays dans lâĂ©tude du RNGS. LâĂ©quipe de recherche a aussi rĂ©alisĂ© un cas dâĂ©tude complĂ©mentaire sur les
activitĂ©s des AGF au niveau dĂ©concentrĂ©, dans la RĂ©gion de Provence-Alpes-CĂŽte dâAzur, ainsi que dans les six
départements de la région au cours des mois de janvier et de février de 2000. Le chapitre sept en expose les
rĂ©sultats. Ătant donnĂ© que les recherches sur la France ne constituent quâune partie de lâĂ©tude du RNGS et que
le cas dâĂ©tude rĂ©gional ne constitue quâune analyse ponctuelle, le dernier chapitre de ce rapport ne peut fournir
que des conclusions provisoires Ă approfondir.
Les recherches pour la convention ont été réalisées par une équipe de cinq chercheurs, sous la direction
de Amy G. Mazur de lâUniversitĂ© de lâĂtat de Washington (Washington State University, Ătats-Unis). Les
autres membres sont Claudie Baudino du CREDEP, Université de Paris IX-Dauphine (France); Andrew
Appleton de lâUniversitĂ© de lâĂtat de Washington (Washington State University, Ătats-Unis) et Jean Robinson
de lâUniversitĂ© dâIndiana (University of Indiana, Ătats-Unis). Les recherches ont Ă©tĂ© menĂ©es au cours des
annĂ©es 1998, 1999 et 2000. Une multitude de sources Ă©crites a Ă©tĂ© consultĂ©e et une trentaine dâacteurs ont Ă©tĂ©
interrogés.
II. Lâ inventaire des AGF
Lâanalyse de ces structures permet de mettre en Ă©vidence une multiplicitĂ© de formes dâAGF -- 21
formes diffĂ©rentes recensĂ©s au cours de ces 35 derniĂšres annĂ©es. En lâan 2000, il y a 13 formes dâAGF en
fonctionnement. Malgré un manque de données chiffrées sur les AGF au niveau territorial, sur les commissions
départementales de lutte contre les violences et la prostitution, sur les déléguées auprÚs des conseils élus, et sur
les commissions extra-municipales, on peut rĂ©ellement constater la prĂ©sence dâau moins de 250 AGF sur toute
la France. En procĂ©dant Ă un dĂ©nombrement systĂ©matique, on pourrait sâattendre Ă en compter jusquâĂ 50 de
plus. Le total rĂ©el pourrait alors sâĂ©lever Ă 300 AGF au service des droits des femmes en France. Ce chiffre ne
comprend que les postes de direction de chaque appareil. Lâeffectif total des AGF (en comptant tous les postes:
des chefs de service aux secrétaires) pourrait donc trÚs bien atteindre les 500.
La présence de ces appareils dans le tissu politico-administratif en France a survécu à 35 ans de
changements, voire de bouleversements politiques, sociaux et économiques. Cette présence importante des
agents dâĂtats au service des intĂ©rĂȘts des femmes, dont la plupart sont des femmes, doit ĂȘtre prise en compte
dans une optique de reprĂ©sentation directe et indirecte des femmes. MĂȘme si cela ne permet pas vraiment de
relativiser le manque de femmes aux postes de décision -- élues ou non --, il est clair que les AGF constituent
par leur nombre et leur variété un mode de représentation des femmes.
III. Lâanalyse des dĂ©bats dans les quatres domaines
La formation professionnelle: Les AGF face Ă lâuniversalisme rĂ©publicain
Lâanalyse des cinqs dĂ©bats a mis en Ă©vidence lâinfluence limitĂ©e des AGF dans la politique de la
formation professionnelle. Il est clair que lâefficacitĂ© du sous-systĂšme de dĂ©cision en matiĂšre dâĂ©galitĂ©
professionnelle ne sâest pas traduite dans les politiques de formation professionnelle, Ă lâexception de la loi
Rigout. Néanmoins, le développement des mesures spécifiques pour les femmes en formation professionnelle
6
est révélateur des efforts considérables accomplis par les AGF, en collaboration avec le réseau féministe. Bien
quâaucun des dĂ©bats ait permis lâintroduction dâidĂ©es qui favorisent les femmes directement, lâanalyse a attestĂ©
du rĂŽle fondamental des AGF dans lâarticulation dâune problĂ©matique homme-femme.
La similarité des dynamiques politiques des cinq débats est due à la résistance du sous-systÚme de
formation professionnelle aux idées féministes et notamment à son approche universaliste. Une résistance qui
sâest perĂ©nissĂ©e sans interruption pendant trente ans, sous les gouvernements de gauche aussi bien de droite,
lors des moments de mobilisation des femmes assez importants et face à une montee du réseau féministe
dâĂ©galitĂ© professionnelle. La politique du gouvernement actuel depuis 1997 soulĂšve clairement la question de la
durĂ©e dâun tel ârĂ©fĂ©rentiel rĂ©publicainâ.
La thĂšse habituelle dâun fĂ©minisme organisĂ© faible en France est mise en question par ces cinq dĂ©bats.
Certes, une bonne part des mouvements de femmes nâest pas intĂ©rĂ©ssĂ©e aux question dâemploi. Mais, on a pu
constatĂ© que la force du sous-systĂšme dâĂ©galitĂ© professionnelle sâexplique par lâappui du fĂ©minisme organisĂ© au
sein des partis politiques et des syndicats à la fin des années soixante-dix.
Lâanalyse de ces cinq dĂ©bats suggĂšre que les AGF seuls ne peuvent pas rendre les dĂ©mocraties plus
dĂ©mocratiques. Le rĂ©fĂ©rentiel universaliste ne peut ĂȘtre changĂ© que par lâappui de lâhiĂ©rarchie de lâĂtat et une
valorisation approfondie auprĂšs des instances intermĂ©diaires censĂ©es reprĂ©senter les intĂ©rĂȘts divers des français
et des françaises.
La représentation politique: La difficile remise en cause de la neutralité sexuelle
du citoyen
L'analyse des débats concernant la représentation politique des femmes en France montre une
évolution nette du rÎle joué par les AGF en place. Au début de la période, elles jouent un rÎle symbolique et
elles n'assurent pas l'intégration des femmes au processus politique. Paradoxalement, alors qu'une décision du
Conseil constitutionnel les a privé de l'initiative en la matiÚre, à partir des années quatre-vingt-dix, les AGF
vont devenir progressivement des alliées du mouvement féministe et assurer, à travers l'observatoire de la parité,
l'intégration des femmes au processus politique.
Au cours des deux premiers débats qui ont eu lieu dans les années quatre-vingts, les AGF ont eu des
activités purement symboliques. Si, d'une certaine façon, elles ont poursuivi des objectifs qu'elles auraient
qualifiĂ©es elles-mĂȘmes de fĂ©ministes, leurs interventions n'ont en aucun cas contribuĂ© Ă genrer le dĂ©bat. Par
ailleurs, ces premiers débats ont été marqués par l'absence des femmes du processus politique, une absence
contre laquelle les AGF n'ont pas lutté.
Les débats sur la parité ont été marqués par une convergence entre les objectifs de la politique publique
fĂ©ministe et ceux des mouvements de femmes regroupĂ©s en rĂ©seaux. MĂȘme si son action a Ă©tĂ© limitĂ©e Ă la
réflexion, l'Observatoire de la parité a été, au niveau des AGF, le principal acteur de cette évolution. Cette
collaboration et cette convergence indéniables avec les mouvements de femmes ne signifie pas pour autant que
la réforme paritaire ait porté ses fruits ni que la conception dominante d'un citoyen sexuellement neutre ait été
renversée. Cet élément central de l'universalisme républicain demeure le principal obstacle à l'instauration d'une
véritable réforme paritaire mais son renversement n'est pas à la portée des AGF, il dépend du plus haut niveau
de l'Ătat.
LâIVG: Des AGF militants, un mouvement mobilisĂ©: clefs de la prĂ©servation du droit Ă l'IVG
Dans les quatre débats analysés, les AGF ont poursuivi des objectifs assez variés. On peut dire qu'ils
ont soutenu des objectifs féministes dans seulement deux d'entre eux et qu'ils ont contribué à genrer le débat une
seule fois. Par ailleurs, les AGF ont été absents d'un débat. Cependant, les résultats de ces débats reflÚtent
certaines revendications des groupes et mouvements fĂ©ministes mĂȘme si ceux-ci n'ont pas systĂ©matiquement
pris part aux discussions.
L'intĂ©rĂȘt des dĂ©bats les plus rĂ©cents a Ă©tĂ© de montrer que les AGF pouvaient faire avancer des
revendications féministes sur l'agenda politique sans pour autant reprendre la formulation féministe du débat.
Ainsi, paradoxalement, la réussite de certains de ces débats est passée par la substitution d'une formulation en
termes juridique Ă une formulation en termes de droit des femmes.
7
L'analyse des débats sur l'IVG en France souligne par ailleurs le caractÚre déterminant des variables
indépendantes. Ainsi, la réussite des débats semble étroitement liée à l'engagement féministe de la personne qui
est Ă la tĂȘte de l'AGF. Plus gĂ©nĂ©ralement, la mobilisation des militants dans les AGF et au-delĂ est une clef de
réussite évidente dans un débat aussi populaire et controversé que celui sur le droit à l'avortement. Enfin, malgré
les divisions qui la traversent souvent au plus haut niveau, la gauche a toujours été plus favorable que la droite
au droit à l'avortement. Ainsi, sa présence au pouvoir contitue un atout important pour les militants.
La prostitution: Les AGF, des acteurs parmi dâautres dans un rĂ©gime
abolitionniste
Dans le domaine de la prostitution, tandis que des AGF puissants ont la capacité de contribuer à la
représentation directe et indirecte des femmes, une institutionnalisation accrue des AGF ne produit pas
dâemblĂ©e des rĂ©sultats fĂ©ministes. Les politiques publiques fĂ©ministes ne sont pas seulement le rĂ©sultat de
lâaction de mouvements de femmes actifs et organisĂ©s ou bien de lâappui des gouvernements de gauche. Il
arrive que les mouvements de femmes aient un impact réel sur le débat aux moments de faible mobilisation
ainsi que sous les gouvernements de droite. Par ailleurs, un mouvement de femmes prostitutées a contribué à la
rĂ©alisation dâobjectifs.
Le troisiĂšme dĂ©bat suggĂšre que quand une rĂ©forme clĂ© est en cours, lâuniversalisme apparaĂźt davantage
comme un obstacle. Donc, il faut tenir compte de lâimportance stratĂ©gique de la politique en question. Il est
fort possible que le dĂ©sintĂ©rĂȘt manifestĂ© Ă lâĂ©gard des questions relatives Ă la prostitution permettre lâexpression
des positions fĂ©ministes qui nâont pas pu Ă©merger dans des domaines plus stratĂ©giques, comme la formation
professionnelle. Enfin, et câest peut-ĂȘtre le plus important, les approches fĂ©ministes, libĂ©rales aussi bien que
radicales, sur la prostitution coĂŻncidaient avec les contours et les principes de la position abolitionniste en
France. Câest ainsi que des revendications proprement fĂ©ministes provenant des mouvements ou des AGF nâa
pas mis en cause le référentiel global de la politique de prostitution.
IV. Un cas dâĂ©tude complĂ©mentaire: la RĂ©gion Provence-Alpes-CĂŽte dâAzur
Ce cas dâĂ©tude a permis dâĂ©clairer la zone dâombre qui existe entre la politique publique en faveur des
droits des femmes, telle quâelle a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e dans les plus hautes institutions de lâĂtat, et la mise en oeuvre de
cette politique au niveau territorial. Ă travers les actions des AGF et les relations nourries par ces derniers au
sein de lâĂtat, avec les partenaires sociaux et le milieu associatif, nous avons essayĂ© de dĂ©gager les points forts
de cette mise en oeuvre, ainsi que ses points faibles.
Les facteurs favorisant la mise en oeuvre des politiques envers les femmes
1. La qualité des agents des AGF.
2. Le poids du préfet dans le fonctionnement des AGF.
3. La taille du département ou de la région.
4. La dynamique européenne.
5. Le principe du âmainstreamingâ.
6. L'importance de l'appui des services nationaux des droits des femmes.
Les problÚmes constatés
1. Lâabsence de clartĂ© de mission.
2. Le manque dâeffectifs.
3. Les cultures, au sein de lâadministration française, peu favorables Ă la prise en
compte des
particularités de la situation des femmes dans le monde économique et social.
4. Le manque de directives affichant clairement le besoin de la prise en compte du
mainstreaming dans l 'application des politiques publiques dâune maniĂšre globale.
5. Le statut et la formation des agents des AGF.
6. Le âfait du prince".
VI. Conclusions
Cette partie du rapport fait le point sur les deux volets de lâĂ©tude: lâanalyse des AGF Ă partir de lâĂ©tude
comparative du RNGS et le cas dâĂ©tude rĂ©gional.
8
Les AGF rendent -ils la démocratie française plus démocratiques? PremiÚres évaluations
Lâanalyse des seize dĂ©bats en France choisis, parmi quatres domaines, ne reprĂ©sente quâune partie des
rĂ©sultats de lâĂ©tude internationale. En tout, le RNGS aura recueilli des donnĂ©es sur les AGF et les mouvement
de femmes dans 156 dĂ©bats. Câest ainsi que les leçons qui peuvent en ĂȘtre tirĂ©es ce sont forcĂ©ment provisoires et
les hypothĂšses limitĂ©es. Les conclusions dĂ©finitives pourront ĂȘtre tirĂ©es de la rĂ©union et de la comparaison des
rĂ©sultats de lâensemble des pays de lâĂ©tude du RNGS.
La liste des hypothÚses suivantes propose donc un début de réponse à la problématique de recherche.
La conclusion de chaque chapitre sur les domaines de politiques publiques et la conclusion finale du rapport
tranchent la discussion. Ătant donnĂ© le but dâune telle note de synthĂšse, il est impossible de donner une
explication détaillée de tous les valeurs présentés la conclusion finale du rapport. Néanmoins, le tableau ci-
dessous prĂ©sente la liste des dĂ©bats Ă©tudiĂ©s afin dâĂ©claircir les douze hypothĂšses.
___________________________________________________________________________
La formation professionnelle:
La formation en alternance 1980
La gestion paritaire 1984
La contribution patronale au financement 1991
Lâinsertion des publics en difficultĂ© 1993
La formation professionnelle et la décentralisation 1993
La représentation démocratique:
Les quotas de femmes aux Ă©lections municipales 1982
Lâintroduction de la reprĂ©sentation proportionnelle aux lĂ©gislatives 1986
Le
débat sur la parité I 1995
Le débat sur la parité II 1999/2000
LâIVG:
Le vote dĂ©finitif de la loi sur lâIVG 1979
Le remboursement de lâIVG 1983
Le RU 486 1990
Les commandos anti-IVG 1993
La prostitution:
Les mouvements de femmes prostituées et la répression, le Rapport Pinot 1975
La santé publique/SIDA et la conclusion du débat sur la réglementation 1990
La réforme du code pénal concernant le proxénétisme et le racolage 1992/1994
__________________________________________________________________________
Les douze hypothÚses suivantes montrent à quel point la réponse à la question de départ est
compliquée. Une complexité qui se renforce quand il est question de tirer des enseignements théoriques à partir
des la comparaison avec les treize autres pays de lâĂ©tude du RNGS.
1.
Les AGF ont la capacité de rendre la démocratie plus démocratique, mais pas dans tous les cas.
2. Les activitĂ©s fĂ©ministes des AGF ne favorisent pas toujours lâentrĂ©e des femmes
dans le
processsus de politique publique.
3. Les activités féministes des AGF ne favorisent pas toujours la réussite des
mouvements de
femmes, soit en ce qui concerne la prise en compte des idées féministes genrées, soit en ce qui concerne la
présence des buts des mouvements féministes dans le contenu des politiques publiques.
4. Les mouvements de femmes peuvent réussir à influencer les politiques publiques
sans lâappui
dâun AGF actif.
5.
Une multitude de conditions peuvent ĂȘtre Ă lâorigine de rĂ©sultats fĂ©ministes (issus
de lâaction
des AGF ainsi que des mouvements de femmes).
6.
Les réussites féministes sont variables selon le domaine de politiques publiques.
9
7.
Lâuniversalisme rĂ©publicain et le processus de nĂ©gociation collective apparaissent
comme des
sources de blocages importants aux idées féministes dans le domaine de la
formation professionnelle.
8 La prĂ©sence dâun gouvernement de gauche ne garantit pas la promotion des idĂ©es
féministes,
quâelles proviennent des AGF ou des mouvements de femmes.
9. La composition du gouvernement nâest importante pour les rĂ©sulats que dans les
politiques
publiques concernant lâIVG.
10. Les AGF institutionnalisĂ©es nâaugmentent pas toujours la reprĂ©sentation directe
et indirecte
des femmes.
11. Le titulaire du poste ministĂ©riel de lâAGF national peut jouer un rĂŽle dĂ©cisif dans
la capacité
des AGF à rendre les démocraties plus démocratiques.
12. Le stade global de dĂ©veloppement du mouvement de femmes nâest pas un facteur
crucial dans
la réussite de la politique des AGF et des mouvements de femmes.
Il est donc clair que les AGF ont la capacité à rendre la démocratie plus démocratique en France, et par
extension dans dâautres pays dĂ©mocratiques. La reprĂ©sentation des femmes peut ĂȘtre amĂ©liorĂ©e en dehors de
lâaction des AGF, mais ces appareils, souvent fĂ©ministes, ont un rĂŽle dâintermĂ©diaire Ă jouer entre un Ătat
souvent rĂ©sistant et les mouvements sociaux, les associations et les citoyennes qui nâont pas de prise directe sur
le pouvoir. Il reste Ă comparer ces rĂ©sultats avec ceux issus des recherches sur les autres pays de lâĂ©tude du
RNGS, pour avoir une réponse plus définitive à la problématique de recherches.
Propositions de recherche, dâĂ©tude et de valorisation
Ces propositions ont Ă©tĂ© dĂ©jĂ Ă©noncĂ©es en conclusion de lâinventaire et Ă la suite du cas dâĂ©tude
rĂ©gional. Le but de la prĂ©sentation suivante nâest donc pas de reprendre ces observations, mais cherche Ă en
faire un résumé afin de mieux mettre en évidence les actions suggérées. En tant que telle, la liste suivante
devrait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un Ă©ventail de possibilitĂ©s, plutĂŽt quâun inventaire de recommandations fermes.
En outre, nous nâexcluons pas que certaines actions proposĂ©es sont dĂ©jĂ en cours.
1.
Le
d
Ă©veloppement du partenariat Ă©tude-recherche
(les AGF, les appareils chargés
des Ă©tudes et
des statistiques de lâĂtat et des services dĂ©concentrĂ©s --INSEE, les
Services des Ă©lections, le CNRS, les
universités, les experts qualifiés, etc.)
.
2.
CrĂ©ation dâune instance consultative dâĂ©tude-recherche.
3.
Recensement rĂ©gulier des AGF Ă tous les niveaux de lâĂtat.
4.
Recensement régulier de la présence des commissions extra-municipales de femmes et
des
déléguées des droits des femmes auprÚs des Conseils généraux, régionaux et municipaux.
5.
LâintĂ©gration du volet âAGFâ dans Femmes en chiffres ou dans LâĂ©galitĂ© en marche, chiffres-clĂ©s.
6.
RĂ©alisation et publication dâune Ă©tude qualitative des AGF en France, par exemple dans la sĂ©rie,
Que sais-je
.
7.
Publication réguliÚre des données et des diagnostics sexués.
8. Publication en France du volet français de lâĂ©tude du RNGS.
9.
Valorisation et publication en France des rĂ©sultats de lâĂ©tude du RNGS.
Propositions concernant les AGF
1
. Lâaugmentation des effectifs des services dĂ©concentrĂ©s:
les postes de chargées de
mission des
droits des femmes dans tous les dĂ©partements, dâadjoints aux DĂ©lĂ©guĂ©es
régionales dans toutes les
10
rĂ©gions, dâadjoints aux ChargĂ©es de mission
départementales et de secrétaires à temps plein dans tous
les départements et les
régions.
2
.
Une mise au point, avec tous les services des droits des femmes, de la stratégie des
AGF réalisée
au cours dâune journĂ©e de rĂ©flexion ou de rĂ©unions annuelles,ou
encore,mieux, crĂ©ation dâun comitĂ© de
réflexion.
3.
Le dĂ©veloppement et la mise en oeuvre dâune politique dâenvergure inspirĂ©e par le
âmainstreamingâ.
4. Lâutilisation du concept de âgenreâ au lieu deârapport sociaux de sexeâ, par le
Service
national et déconcentré des droits des femmes, comme stratégie permettant
de faire avancer lâĂ©galitĂ© entre
les hommes et les femmes.
5.
Le dĂ©veloppement du rĂŽle dâimpulsion et de consultation des AGF.
6.
Le développement et la mise en place permanente des modules de formation (initiale et continue)
pour les agents des AGF -- un concours Ă©ventuel des AGF, des
associations de CMD/ DRDF et le
partenariat recherche-Ă©tude. LâĂ©quipe
pédagogique à Toulouse le Mirail, chargée du DESS en politiques
publiques et
rapports sociaux de sexe apparaßt comme un partenaire intéressant.
Propositions concernant dâautres services de lâĂtat
1
.
Le développement et la mise en place de modules de formation auprÚs des grandes
Ă©coles et des
instances de formation administrative.
2.
Le développement et la mise en oeuvre de relais de transmission des consignes
politiques
auprĂšs des ministĂšres.
11
Sommaire détaillé
___________________________________________________________________________
Chapitre 1. Introduction
Les objectifs
A la recherche des AGF
La problématique et le cadre analytique du RNGS (Research Network on Gender, Politics and the State)
Les dĂ©marches de recherche et dâĂ©valuation en France
Chapitre 2. Vers un inventaire exhaustif des AGF
Le niveau national
Les instances gouvernementales
Le service des droits des femmes
Les instances consultatives
Les
centres
dâinformation
des droits des femmes (CIDF)
Le niveau régional
Les déléguées régionales des droits des femmes (DRDF)
Les déléguées auprÚs des Conseils régionaux
Les
CIDF
Le niveau départemental
Les chargées de mission départementales des droits des femmes (CMD)
Les commissions de lutte contre les violences
Les déléguées auprÚs des Conseils généraux
Les
CIDF
Le niveau municipal
Les CIDF
Les
commissions
extra-municipales
Conclusion
Chapitre 3. La formation professionnelle: Les AGF face Ă lâuniversalisme rĂ©publicain
Contexte
La définition de la formation professionnelle
Le systÚme de décision de la Formation Continue (FC)
LâĂ©laboration
La mise en place
Le sous-systĂšme de lâĂ©galitĂ© professionnelle
Lâunivers des dĂ©bats
La sĂ©lection des dĂ©bats pour lâĂ©tude
Analyse des DĂ©bats
Les
sources
DĂ©bat 1: La formation en alternance, la loi de 1980: Marginales/ Non RĂ©ponse
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
DĂ©bat 2: La gestion paritaire, lâavenant de 1982 et la loi Rigout de 1984: Marginales/ Devancement
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
DĂ©bat 3:
La contribution patronale au financement, lâaccord interprofessionnel et la loi de 1991:
Marginales/ Non RĂ©ponse
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
DĂ©bat 4:
Lâinsertion des publics en difficultĂ©s, la loi quinquennale de 1993: Marginales/ Non RĂ©ponse
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
12
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
Débat 5: La formation professionnelle et la décentralisation, la loi quinquennale de 1993: Marginales/
Non RĂ©ponse
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
Conclusion
Chapitre 4. La représentation politique: La difficile remise en cause de la neutralité sexuelle du citoyen
Le contexte
La définition de la représentation politique
Le systÚme de décision de la représentation politique
Lâunivers des dĂ©bats et la sĂ©lection des dĂ©bats pour lâĂ©tude
Lâanalyse des dĂ©bats
Débat 1: Les quotas censurés par le Conseil Constitutionnel en 1982: Symboliques/ Devancement
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
DĂ©bat 2: Lâintroduction de la reprĂ©sentation proportionnelle aux lĂ©gislatives 1986: Symboliques/Non
réponse
LâĂ©volution du dĂ©bat, le cadre dominant et lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
Débats 3 et 4: Parité I, 1995:Marginales/Symboliques Parité II, 1999/2000 Alliés/ Récupération
LâĂ©volution du dĂ©bat, le cadre dominant et lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
Conclusion
Chapitre 5. LâIVG: Des AGF militants et un mouvement mobilisĂ©: clefs de la prĂ©servation du droit Ă l'IVG
Le contexte
La dĂ©finition de lâIVG
Le systĂšme de dĂ©cision de lâIVG
Lâunivers des dĂ©bats
La sĂ©lection des dĂ©bats pour lâĂ©tude
Lâanalyse des dĂ©bats
DĂ©bat 1:
Le vote dĂ©finitif de la loi sur lâIVG, la loi Pelletier de 1979: Non FĂ©ministes/ Devancement
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
DĂ©bat 2:
Le remboursement de lâIVG, la loi de 1983:AlliĂ©es/RĂ©ponse Double
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
DĂ©bat 3: RU- 486, le dĂ©cision du Conseil dâEtat de 1990: Symboliques/Devancement
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
DĂ©bat 4:
Les Commandos anti-IVG, la loi Neiertz de 1993:Marginales/Devancement
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
13
Les
facteurs
explicatifs
Conclusion
Chapitre 6. La prostitution: Les AGF: des acteurs parmi dâautres dans un rĂ©gime abolitionniste
Le contexte
La définition de la prostitution
Le systÚme de décision
Lâunivers des dĂ©bats
La sĂ©lection des dĂ©bats pour lâĂ©tude
Lâanalyse des dĂ©bats
Les
sources
DĂ©bat 1:
Les mouvements de femmes prostituées et la représsion, le Rapport Pinot 1975: Symboliques/
RĂ©ponse Double
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
DĂ©bat 2:
La santé publique/SIDA et la conclusion du débat sur la rÚglementation 1990:Alliées/ Réponse
Double
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
DĂ©bat 3:
La réforme du code pénal concernant le proxénétisme et le racolage 1992/1994:Marginales/
Devancement
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
Les
facteurs
explicatifs
Conclusion
Chapitre 7. Un cas dâĂ©tude complĂ©mentaire: la RĂ©gion Provence-Alpes-CĂŽte dâAzur
Le Choix de la rĂ©gion Provence-Alpes-CĂŽtes dâAzur
La méthodologie
Les Profil-types des agents des AGF
La féministe militante
La
professionnelle
Lâadministrative
Le fonctionnement des AGF
LâĂtat
Le préfet et son cabinet
Les services déconcentrés
Les
AGF
Le service des droits des femmes
La délégation régionale des droits des femmes (DRDF) et les
Chargées de mission départmentales (CMD)
Les Centres dâinformation des droits des femmes (CIDF)
Les
collectivités
territoriales
Le Conseil RĂ©gional(CR)
Les Conseils Généraux (CG)
Les
municipalités
Les organismes non gouvernementaux
Les partenaires sociaux
La vie associative
Les domaines de politiques publiques
La formation professionnelle
Le problĂšme
Les
actions
Les mesures spécifiques
14
Le
âmainstreamingâ
Les
obstacles
La
parité
Le
problĂšme
Les
actions
La sensibilisation
La formation
Les
obstacles
LâIVG
Le problĂšme
Les
actions
La prévention
Lâinformation
LâaccĂšs
Les
obstacles
La prostitution
Le
problĂšme
Les actions
La prévention
La
réinsertion
La coordination
Les
obstacles
Conclusion
Les facteurs favorisants la mise en oeuvre
Les
problĂšmes
constatés
Les
propositions
Chapitre 8. Conclusion: HypothĂšses, premiĂšres Ă©valuations, et Ă©ventail de propositions
HypothÚses concernant la France dans les seize débats
HypothĂšses par domaine de politiques publiques
HypothÚses par activités des AGF
HypothĂšses par impact des mouvements de femmes
HypothĂšses par composition du gouvernement
HypothĂšses par type dâAGF
HypothÚses par stade de développement des mouvements de femmes
Les AGF rendent-ils la démocratie plus démocratique? PremiÚres évaluations
Propositions de recherche, dâĂ©tude et de valorisation
Propositions concernant les AGF
Propositions concernant dâautres services de lâĂtat
15
Introduction
par Amy G. Mazur
___________________________________________________________________________
Objectifs
Cette Ă©tude offre une perspective internationale et comparative sur les appareils
gouvernementaux chargés de la politique en direction des femmes (AGF) en France. Elle a
une perspective internationale, parce quâelle se dĂ©roule dans le cadre dâune enquĂȘte plus large
menée par un groupe de recherche international, le Réseau de Recherche sur le Genre, la
Politique, et lâĂtat (Research Network on Gender, Politics and the State--RNGS).
1
En outre,
les membres du comité scientifique du volet français sont originaires de trois pays différents -
- la France, les Ătats-Unis et la Grande-Bretagne. Elle a une perspective comparative, parce
que lâĂ©tude internationale dont ce rapport fait partie engage Ă faire une comparaison des
actions des AGF dans quatorze pays, dont la France, ainsi quâau niveau de la CommunautĂ©
Européenne.
2
Câest ainsi que les rĂ©sultats de ces recherches contribuent Ă Ă©laborer une thĂ©orie
gĂ©nĂ©rale des AGF dans les pays dĂ©mocratiques industrialisĂ©s, aussi bien quâĂ fournir de
nouveaux Ă©lĂ©ments sur les AGF en France. Une telle analyse est dâautant plus importante que
la continuité et la variété de ces structures politico-administratives en France, depuis les
annĂ©es soixante-dix, reprĂ©sentent un intĂ©rĂȘt essentiel pour les chercheurs, observateurs et
acteurs analysant les politiques des droits des femmes, en dehors de lâhexagone aussi bien qu
Ă lâintĂ©rieur de la France. Lâexemple français, dâune administration diversifiĂ©e et bien Ă©tablie
à plusieurs niveaux gouvernementaux est souvent cité comme un but à atteindre, sinon
comme un modĂšle Ă suivre.
A la recherche des AGF
Lâexpression, âappareil gouvernemental chargĂ© de la politique en direction des
femmes (AGF)â dĂ©signe toutes les institutions Ă©tatiques officiellement chargĂ©es de
promouvoir le statut des femmes et lâĂ©galitĂ© entre les sexes. Souvent considĂ©rĂ©s comme une
rĂ©ponse aux mouvements de femmes, ces appareils se situent Ă la charniĂšre de lâĂtat et des
mouvements sociaux. En tant que tels, ils ont la capacité de jouer un rÎle clé dans le
renforcement de la dĂ©mocratie. Les AGF peuvent contribuer Ă lâamĂ©lioration des dĂ©mocraties
déjà établies par deux moyens: la représentation directe et la représentation indirecte. En ce
qui concerne la reprĂ©sentation directe, ces appareils ont la capacitĂ© dâintroduire dans le
processus de politiques publiques -- la prise de dĂ©cision, lâĂ©laboration et la mise en place --
les acteurs des mouvements et des associations qui se veulent les porte-paroles des intĂȘrĂ©ts
des femmes ainsi que les femmes elle-mĂȘmes. Pour la reprĂ©sentation indirecte, les AGF ont
1
La convention de recherche du MinistĂšre de lâemploi et de la solidaritĂ© en 1997 a Ă©tĂ© octroyĂ©e afin de rĂ©aliser
le volet français de lâĂ©tude internationale.
2
Les pays comprennent la France, les Ătat-Unis, les Pays-Bas, lâAllemagne, lâEspagne, lâIsraĂ«l, lâItalie, la
Grande-Bretagne, lâIrlande, la Finlande, le Canada, la SuĂšde, la Belgique, et lâAutriche. En 2000, il y a 40
chercheurs qui participent Ă ce groupe.
16
également la capacité de faire avancer les idées qui favorisent les droits, la condition, le statut,
etc.des femmes dans le contenu et la mise en place des politiques publiques.
Ces structures politico-administratives ont reçu des appellations diverses à travers le
monde. LâOrganisation des Nations Unies les nomment âmachineries for the advancement of
womenâ (appareils gouvernementaux chargĂ©s de la promotion des femmes) ou âwomenâs
policy machineriesâ (appareils chargĂ©s de la politique en direction des femmes) (UN 1993).
La littĂ©rature spĂ©cialisĂ©e les regroupent dans la catĂ©gorie âfĂ©minisme dâĂtat.â
3
En France, on
a successivement retenu une multitude dâappellations diffĂ©rentes depuis que les AGF sont
apparues sur la scĂšne politique en 1965.
4
Les AGF en France ont été formellent examinés à travers quatre optiques différentes:
universitaire, administrative, politique, et internationale. Les Ă©tudes
universitaires
publiées
sous forme dâarticles de revue scientifique ou de livres sâattachent Ă comprendre les AGF en
tant que phénomÚne socio-politique nouveau. La plupart de ces études sont menées par des
sociologues ou des politistes dans une optique souvent féministe et critique.
5
Les
analyses
administratives
des AGF en France consistent en des Ă©valuations
entreprises pour ou par lâĂtat dans une logique de bon fonctionnement ou de contrĂŽle
administratif. La majorité de ces rapports ne sont pas diffusés en dehors des services
administratifs.
6
Les Ă©valuations se font Ă la demande des AGF eux-mĂȘmes ou dâautres
services de lâĂtat; par lâInspection GĂ©nĂ©rale des Affaires Sociales en 1992; par la Cour des
Comptes en 1992; et par le MinistÚre des Affaires Sociales, de la Santé et de la Ville en 1995.
Elles visent tantÎt les services nationaux, tantÎt les services déconcentrés. Depuis les années
quatre-vingts, les services déconcentrés chargés de la politique des droits des femmes -- les
dĂ©lĂ©guĂ©es rĂ©gionales, les chargĂ©es de mission dĂ©partementales, et les Centres dâinformation
des droits des femmes -- sont obligés de remettre un rapport de leurs activités au service
administratif central des droits des femmes, chaque année.
7
En 1983, Ă la suite dâune demande du MinistĂšre chargĂ© des droits de la femme, lâInstitut
Français de lâOpinion Publique a fait un sondage dâopinion sur les actions du ministĂšre (MDF
1983). Ce sondage Ă©tait inscrit dans une logique plutĂŽt
politique,
puisquâil sâagissait de
mesurer la reconnaissance, voire lâappui public, dont bĂ©nĂ©ficaient les actions des AGF. Cette
initiative nâa pas Ă©tĂ© rĂ©pĂ©tĂ©e depuis.
Les
organisations
internationales
commanditent aussi des Ă©tudes sur les AGF. En
1994, le Parlement europĂ©en a fait un recensement des âorganismes chargĂ©s de la promotion
de lâĂ©galitĂ© des chances entre les femmes et les hommes dans les Ă©tats membres et les
3
Voir par exemple: Stetson et Mazur (1995) et Lévy (1988). On utilise une définition large du féminisme. Une
action, une idéologie, un mouvement, un individus, etc. est considéré féministe quand la promotion des droits,
du statut et des conditions des femmes
et
la mise à terme des hiérarchies fondées sur les rapports sociaux de
sexe constituent les buts prinicipaux
4
Pour un Ă©tat des lieux de la gamme de ces appareils en France voir chapitre 2.
5
Pour les Ă©tudes en anglais cf. par exemple: Jenson (1983); Reynolds (1988); Mazur (1995); ou Spencer
(1997), et en français cf. par exemple: Picq (1983); Borghino (1996) ou Lévy (1986 et 1988).
6
Pour une Ă©valuation diffusĂ©e, voir notamment un diagnostic commanditĂ© par le SecrĂ©tariat dâĂ©tat chargĂ© des
droits des femmes et conduit par lâAssociation pour la Promotion de lâInformation Economique et Sociale en 1989
(ARIES 1989).
7
Les rapports dâactivitĂ© peuvent ĂȘtre consultĂ©s sur demande addressĂ© au service national ou aux services
dĂ©concentrĂ©s. Les rapports de certaines dĂ©lĂ©guĂ©es rĂ©gionales sont publiĂ©s dans les rapports dâactivitĂ© des PrĂ©fets
de la région.
17
institutions de la communautĂ© europĂ©enne (Parlement europĂ©en 1994)â. Un rapport rĂ©cent sur
les recherches concernant les femmes dans la prise de décision, financé par la Commission
europĂ©enne, comprenait un chapitre sur âles organismes chargĂ©s de la promotion de lâĂ©galitĂ©
des chances entre les femmes et les hommes (Lovenduski et Stephenson 1999)â. Depuis le
dĂ©but des annĂ©es quatre-vingt-dix, lâONU oblige les pays-membres Ă remettre un rapport
dâactivitĂ© sur leurs AGF dans le cadre de la prĂ©paration des confĂ©rences mondiales
quinquennales sur les femmes. Un annuaire des AGF du monde a été publié à partir des ces
rapports dâactivitĂ© (UN 1993).
Cette Ă©tude sâinscrit donc dans un courant de rĂ©flexion français et international qui
prend de lâampleur mais dont les rĂ©sultats sont encore trop rarement mis Ă la disposition du
public. Bien que les Ă©tudes citĂ©es ci-dessus prĂ©sentent un intĂ©rĂȘt scientifique tant
quâĂ©valuatif, aucune ne sâest donnĂ©e pour objectif principal lâĂ©tude systĂ©matique et
comparative de lâinfluence de ces appareils sur les politiques publiques gĂ©nĂ©rales et les
processus qui les entourent. Le but est donc de combler cette lacune. Câest Ă partir dâune telle
Ă©valuation que lâon pourrait tirer les leçons, les conclusions, voire les propositions de
politiques publiques concernant les AGF en France et les AGF dans les pays démocratiques
en général.
La problématique et le cadre analytique du RNGS (Research Network on Gender, Politics and
the State
Depuis la création en 1995 du RNGS, ses quarante membres ont développé ensemble
la problĂ©matique et le cadre analytique de lâĂ©tude internationale lors de quatre rĂ©unions
successives: Ă Leiden en 1995, Ă San Francisco en 1997, Ă Seattle en 1998, et Ă Paris en
1998.
8
Lâinterrogation principale de ce projet porte sur lâapprofondissement de la dĂ©mocratie
dans les pays industrialisés disposant de gouvernements démocratiques stables. Cette
interrogation se décompose en plusieurs questions:
1. Est-ce que les AGF parviennent à rendre les démocraties plus démocratiques?
2. Plus précisement, dans quelle mesure réussissent-ils à accroßtre la représentation des
idées qui favorisent les femmes, ainsi que les mouvements et les associations qui représentent
les femmes et les femmes elles-mĂȘme dans les politiques publiques?
3. Et comment expliquer, à travers les différentes experiences de chaque pays, que les
AGF parviennent plus ou moins bien à ce résultat, qui revient à rendre les démocraties plus
démocratiques?
Les dĂ©bats sur les politiques publiques constituent les objets dâanalyse privilĂ©giĂ©s par
le groupe RNGS . Un débat sur une politique publique est entendu ici comme une discussion
publique entre plusieurs acteurs, sociaux et Ă©tatiques, autour dâune question prĂ©cise
concernant lâaction gourvernementale. Le RNGS a choisi le dĂ©bat comme lieu dâanalyse afin
dâĂ©viter les problĂšmes de comparaison entre les diffĂ©rents pays, ayant chacun leur propre
systĂšme politique et leurs traditions culturelles. Ainsi, au lieu de sâintĂ©resser Ă des rĂ©sulats
politiques souvent difficilement imputables, cette Ă©tude sâattache Ă lâaction menĂ©e par les
AGF directement dans les débats publics.
Le rĂ©seau a aussi pris la dĂ©cision dâĂ©tudier les AGF dans tous les domaines de lâaction
gouvernementale et pas seulement dans les domaines qui visent spécifiquement les femmes.
8
Le projet de recherche détaillé, en anglais, est disponible sur demande (RNGS 1999).
18
Autrement dit, on sâattache Ă dĂ©terminer comment ces appareils ont une emprise sur les
politiques qui concernent tous les citoyens. Cependant, le RNGS désirait examiner les
domaines de politiques publiques susceptibles dâĂĄmeliorer la vie quotidienne des femmes.
Quatre domaines reprĂ©sentatifs de la gamme de lâaction gouvernmentale dans les pays
dĂ©mocratiques ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©s: la formation professionnelle, la prostitution, lâIVG et la
représentation politique.
9
Le RNGS Ă©tudie lâimpact des AGF dans les dĂ©bats publics Ă travers ces quatre champs
dans les quatorze pays et les institutions de lâUnion EuropĂ©enne. Chaque Ă©quipe de recherche
nationale sâest rĂ©partie les quatre domaines de recherches. Les groupes de chercheurs de
chaque domaine se réunissent pour discuter des recherches en cours et des résultats. Afin de
systématiser les recherches, le RNGS a élaboré trois grilles de travail qui sont remplies par les
chercheurs dans lâanalyse spĂ©cifique des dĂ©bats de politiques publiques (cf. annexe 2). Pour
chaque champs de lâaction gouvernementale, on doit dâabord construire la liste de tous les
dĂ©bats qui ont eu lieu depuis lâapparition des premiers AGF dans les annĂ©es soixante-dix.
Ensuite, au moins trois de ces débats sont selectionnés pour une analyse détaillée (cf. annexe
2, grille de travail no.1). Enfin, on procéde à un examen approfondi de chaque débat. A la fin
de lâĂ©tude en 2002, on disposera de donnĂ©es sur les activitĂ©s des AGF ainsi que sur les actions
des mouvements sociaux et le déroulement détaillé des débats sur les politiques publiques,
pour au moins 156 cas dans les quatorze pays diffĂ©rents dont 16 sur la France (chapitres 3 Ă
6).
A travers les grilles de travail 2 et 3 (cf. lâannexe 3), lâanalyse de chaque dĂ©bat suit
deux pistes, de son apparition sur lâagenda public Ă la prise dâune dĂ©cision gouvernementale
(les lois, les projets de loi, les décrets, les rapports gouvernementaux, etc.), qui marque sa fin.
La premiÚre piste, la représentation indirecte des femmes, consiste à déterminer si les AGF
ont pu introduire les idées qui favorisent les femmes par un processus que le RNGS appelle
âgendering the debateâ Autrement dit, il sâagit de dĂ©terminer si les dĂ©bats Ă©taient inflĂ©chi par
une prise en compte des rapport sociaux de sexe -- gender en anglais -- et de la situation
inégale des femmes par rapport aux hommes. Ensuite, il faut se demander si ce sont les AGF
qui ont inflĂ©chi le dĂ©bat ou dâautre acteurs? Puis, est-ce que les AGF ont poursuivi dans ces
débats des buts des mouvements, des associations ou des personnalités féministes? La
typologie suivante aide Ă dĂ©chiffrer les diffĂ©rentes catĂ©gories de lâaction des AGF concernant
cette premiÚre piste de représentation indirecte.
Typologie pour les activités des AGF
Soutenir les buts des mouvements de femmes
OUI NON
OUI Alliées Non féministes
Infléchir le débat
NON Marginales Symboliques
Les AGF qui arrivent à introduire les analyses homme-femme dans le débat en
sâappuyant sur les arguments des mouvements ou des associations de femmes sont des
alliés
.
Ceux qui infléchissent le débat avec une prise en compte des rapports sociaux de sexe sans se
référer aux analyses féministes sont
non féministes.
Les AGF qui ne parviennent pas Ă
introduire une approche genrée dans une discussion spécifique, mais soutiennent les buts des
féministes organisées ont une position
marginale.
Et ceux qui ne réussisent ni à infléchir le
9
Une dĂ©finition plus approfondie de chaque domaine en France sera presentĂ©e dans les chapitres sur lâanalyse
des débats de politiques publiques qui suivent (chapitres 3-6).
19
débat ni à soutenir les objectifs des mouvements des femmes poursuivent une action
symbolique
.
La deuxiĂšme piste dans lâanalyse des dĂ©bats sâattache Ă la reprĂ©sentation directe des
femmes par la voie des personnalitĂ©s ou des reprĂ©sentantes dâassociations, de mouvements, de
groupes, etc. qui militent en faveur de lâĂ©galitĂ© entre les deux sexes. Le but de la recherche
ici est dâĂ©tablir la prĂ©sence des femmes et de leurs reprĂ©sentantes dans chaque dĂ©bat. Au delĂ ,
il est important de dĂ©terminer, Ă lâissue du dĂ©bat, si le rĂ©sultat de lâaction gouvernementale a
incorporĂ© les demandes provenant des idĂ©es veritablement fĂ©ministes. Câest par cette
deuxiĂšme piste que lâon peut repĂ©rer lâimpact des mouvements de femmes dans les processus
et les résultat politiques. Comme la typologie ci-dessous le montre, il y a quatre scénaris
possibles.
Typologie pour lâimpact des mouvements de femmes
Le résultat correspond aux demandes des mouvements ou
des associations de femmes
OUI NON
OUI Réponse Double Récupération
Participation des
femmes dans le
débat
NON Devancement Non RĂ©ponse
Quand il y a une présence importante des femmes dans le débat et que le contenu de la
décision officielle correspond aux buts du féminisme organisé, il ya une
réponse double
. La
récupération
dĂ©signe les cas oĂč les femmes participent dâune façon importante, mais oĂč il y a
une absence de revendications féministes. Le
devancement
est la régle quand les femmes
nâentrent pas dans les discussions, bien que le rĂ©sultat politique du dĂ©bat porte la marque des
revendications fĂ©ministes. Dans les dĂ©bats oĂč les femmes ne sont pas prĂ©sentes et le contenu
de la décision finale ne reflÚte aucun but féministe on constate la
non réponse.
Une fois que toutes les données sur les débats sont recueillies, afin de répondre à la
question plus globale de cette étude -- est-ce que les AGF rendent les démocraties plus
dĂ©mocratiques --- il faut dĂ©terminer sâil y a un lien entre
les activités des AGF
et
lâimpact
du féminisme organisé
. Par exemple, quand un AGF réussit à intégrer des idées sur les
rapport sociaux de sexe qui renvoient aux buts des mouvements des femmes (
allié
) est-ce les
femmes sont-elles présentes dans le débat et la décision gouvernementale finale contient-elle
des revendications féministes (
double réponse
). Autrement dit, est-ce quâil faut avoir un
AGF fĂ©ministe pour valoriser dâune façon efficace les intĂ©rĂȘts des femmes et les femmes
elles-mĂȘme dans les dĂ©bats? Ou bien, est-ce que les femmes arrivent Ă avoir une emprise sur
les politiques publiques toutes seules?
Afin dâexpliquer les variations entre les pays et entre les domaines des politiques
publiques, le RNGS sâest intĂ©ressĂ© Ă trois sĂ©ries de facteurs: les caractĂ©ristiques des
mouvement de femmes, le milieu de politiques publiques, et les caractéristiques des AGF eux-
mĂȘmes.
10
La littérature comparative sur les AGF ainsi que sur les mouvements féministes et
10
Les caractéristiques des mouvements comprennent: le stade de développement, la proximité à la gauche, les
prioritĂ©s politiques, la cohĂ©sion du mouvement et la force des contres mouvements, si il en existe. Pour âle
20
les politiques publiques souligne le rÎle important de ces trois éléments dans les dynamiques
socio-politiques qui entourent lâĂ©laboration et la mise en place dâune action gouvernementale
qui aboutit à un réel acroissement des droits et de la condition des femmes. Les valeurs de
ces trois variables explicatives sont examinés pour chaque débat et enregistrées sur la grille de
travail 3 (cf. annexe 2). Le modÚle suivant montre la façon dont les trois facteurs explicatifs,
et les deux autres Ă©lĂ©ments dâanalyse pourraient se relier dans chaque dĂ©bat, ainsi quâaux
niveaux plus généraux des pays, des domaines de politiques publiques, etc.
Câest avec ce modĂšle et les donnĂ©es rĂ©unies pour tous les dĂ©bats Ă©tudiĂ©s Ă travers les
quatorze pays et les quatre domaines, que lâon peut se mettre Ă la tĂąche pour rĂ©pondre Ă la
question de départ sur les AGF et la démocratie.
Les dĂ©marches de recherche et dâĂ©valuation en France
Ce rapport fait ainsi lâĂ©tat des recherches du volet français de lâĂ©tude du RNGS.
Lâanalyse des dĂ©bats dans chacun des quatre domaines en France est exposĂ©e dans les
chapitres trois à six: la formation professionnelle en chapitre trois, la représentation politique
en chapitre quatre, lâIVG en chapitre cinq et la prostitution en chapitre six. Chaque chapitre
suit le mĂȘme schĂ©ma, provenant de la problĂ©matique du RNGS. Dans un premier temps, le
contexte analytique pour chaque domaine est mis à plat (la grille de travail 1): la définition de
la question en France, le sous systéme de décision, la liste des débats dans le domaine depuis
les annĂ©es soixante-dix, et la sĂ©lection des dĂ©bats pour lâĂ©tude.
Dans un deuxiĂšme temps, lâanalyse des dĂ©bats individuels est prĂ©sentĂ© (seize en tout:
cinq pour la fomation professionnelle, quatre pour la représentation politique, quatre pour
lâIVG, et trois pour la prostituion). Les Ă©lĂ©ments suivants sont examinĂ©s pour chaque dĂ©bats
(les grilles de travail 2 et 3): lâĂ©volution et le cadre dominant du dĂ©bat; lâintroduction du genre
dans le dĂ©bat; les activitĂ©s des AGF; lâimpact des mouvements de femmes et les valeurs pour
les facteurs explicatifs. Chaque débat est identifié par rapport aux valeurs des typologies
citĂ©es ci-dessus selon les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes. A la fin
de chaque chapitre, on propose quelques hypothÚses préalables concernant les AGF et la
démocratie.
Le chapitre deux fait un inventaire des diverses formes des AGF en France depuis
lâapparition du premier appareil en 1965. Un tel inventaire constitue la premiĂšre Ă©tape de
recherche pour tous les pays dans lâĂ©tude du RNGS Un survol prĂ©alable a dĂ©jĂ Ă©tĂ© entrepris
en 1995 (Mazur 1995). Le chapitre deux fournit un inventaire plus approfondi des AGF Ă
travers tous les niveaux Ă©tatiques. Quelques pistes de recherches et de publications sont
suggĂ©rĂ©es pour amĂ©liorer la connaissance formelle des AGF en France aujourdâhui.
Etant donnĂ© lâappui du RNGS sur les AGF, les mouvements de femmes dans les
politiques publiques nationales, lâĂ©quipe de recherche a rĂ©alisĂ© un cas dâĂ©tude complĂ©mentaire
milieu de politiques publiquesâ, on examine le sous-systĂšme de politiques publiques -- ses acteurs, sa structure,
les rapports de forces au sein du sous-systÚme, et sa culture dominante -- et la majorité du gouvernement au
pouvoir. Les compétences des AGF, son approche (administratif ou politique), sa proximité à la prise de
décision au sein du gouvernement,ses effectifs, son titulaire et sa mission sont mises à plat pour la troisiÚme
série de facteurs explicatifs.
21
sur les activités des AGF au niveau déconcentré, dans la Région de Provence-Alpes-CÎte
dâAzur, ainsi que dans les six dĂ©partements de la rĂ©gion au cours des mois de janvier et
février de 2000. Le chapitre sept en expose les résultats. La conclusion de ce chapitre fait
des propositions de politiques publiques qui sâinsĂšrent dans un esprit de bon fonctionnement
des structures elles-mĂȘmes.
Vu que les recherches sur la France ne font quâune partie de lâĂ©tude du RNGS et que
le cas dâĂ©tude rĂ©gional ne constitute quâune analyse ponctuelle, le dernier chapitre de ce
rapport ne peut fournir que des conclusions provisoires. Lâensemble des rĂ©sultats de lâanalyse
des dĂ©bats pour tous les quatre domaines est dâabord mis en lumiĂšre et permet dâesquisser
quelques hypothÚses sur la capacité des AGF de rendre la démocratie française plus efficace.
Une réflexion comparative sur les implications de ces hypothÚses pour les AGF dans les pays
démocratiques en général y est aussi entreprise. Le chapitre se termine par une mise au point
des propositions pour lâaction gouvernementale Ă©ventuelle et des prochaines Ă©tapes de
recherches impliquĂ©es par lâanalyse empirique des AGF, les dĂ©bats, et le cas dâĂ©tude.
Les recherches pour la convention ont été réalisées par une équipe de cinq chercheurs,
sous la direction de Amy G. Mazur de lâUniversitĂ© de lâĂtat de Washington (Washington
State University, Ătats-Unis).
11
Les autres membres sont Claudie Baudino du CREDEP,
UniversitĂ© de Paris IX-Dauphine (France); Andrew Appleton de lâUniversitĂ© de lâĂtat de
Washington (Washington State University, Ătats-Unis) et Jean Robinson de lâUniversitĂ©
dâIndiana (University of Indiana, Ătats-Unis). Tous les membres ont une experience
approfondie de recherche de terrain ainsi quâune connaissance Ă©tablie des politiques publiques
et des mouvements fĂ©ministes en France et au niveau comparatif. Amy Mazur sâest chargĂ©e
de la gestion de la convention ainsi que des recherches sur lâinventaire et des dĂ©bats sur la
formation professionelle et sur la prostitution. Elle a redigé les chapitres 1, 2,3,5 et 8 et est
responsable de la mise en forme de lâensemble du rapport. Le cas dâĂ©tude rĂ©gional ainsi que
sa rédaction ont été réalisés par Andrew Appleton et Amy Mazur. Claudie Baudino a
participé à la gestion de la convention de recherche. Elle a fait les recherches et rédigé le
chapitre sur la reprĂ©sentation politique. Jean Robinson a effectuĂ© les recherches sur lâIVG et a
rĂ©digĂ© le chapitre en anglais. Claudie Baudino lâa traduit en français.
Les recherches ont été menées au cours des années 1998, 1999 et 2000. Une multitude
de sources Ă©crites a Ă©tĂ© consultĂ©e et une trentaine dâacteurs ont Ă©tĂ© interrogĂ©s. Les chapitres
individuels prĂ©sentent dâune maniĂšre plus approfondie les sources consultĂ©es ainsi que les
personnes rencontrées.
12
Deux notes dâĂ©tapes remises au Service des droits des femmes ont
fait Ă©tat de la progression de lâĂ©tude. La premiĂšre note, redigĂ©e par Amy Mazur, Ă©tait remise
aux services le 30 juillet 1998 et la deuxiÚme, redigée par Claudie Baudino, le 27 avril 1999.
11
Le Centre de Recherches et dâEtudes Politiques Ă lâUniversitĂ© de Paris IX, dirigĂ© par Jacques GerstlĂ©, a assurĂ©
lâadministration de la convention.
12
Voir lâannexe 3 pour la liste des personnes rencontrĂ©es pour la gestion de la convention et pour les entretiens
de recherches.
22
Chapitre 1. Vers un inventaire exhaustif des AGF
par Amy G. Mazur
___________________________________________________________________________
Ce chapitre propose un inventaire de toutes les formes prises par les AGF en France.
Il nâa pas la prĂ©tention de fournir une analyse approfondie des compĂ©tences, ni de
lâhistorique, ni des effectifs de ces appareils. Cet Ă©tat des lieux sâinscrit plutĂŽt dans la logique
du projet dâĂ©tude Ă©laborĂ© par le RNGS puisque celui-ci faisait de lâinventaire des appareils
qui â... ont Ă©tĂ© officiellement mis en place par un dĂ©cret gouvernmental et... chargĂ©s de
renforcĂ©s le statut et les droits des femmes ou de promouvoir lâĂ©galitĂ© entre les sexesâ Ă tous
les niveaux Ă©tatiques, un prĂ©alable Ă lâanalyse plus approfondie de leurs rĂŽles politiques dans
les quatre domaines. Un tel recensement général de la présence de ces appareils devait
permettre, dâune part le rĂ©pĂ©rage systĂ©matique des AGF dans chaque dĂ©bat, et dâautre part la
sélection des débats de politiques publiques qui se réalisent dans les arÚnes politico-
administratives oĂč les AGF ont la possibilitĂ© dâintervenir.
Le survol suivant présente donc toutes les formes différentes des AGF à chaque
niveau de lâĂtat; il prĂ©cise lâannĂ©e de leur crĂ©ation, leur titre et, sommairement, leur mode de
fonctionnement. Il vise Ă combler un manque dans la mesure oĂč les Ă©tudes rĂ©alisĂ©es jusquâici
privilĂ©gient le niveau national. Faute dâun seul outil rĂ©capitulatif, cet inventaire se nourrit de
plusieurs sources: les publications sur les AGF
13
, les entretiens avec les acteurs des AGF(cf.
annexe 3) et les documents provenants des AGF -- les archives du Service des droits des
femmes et les rapports dâactivitĂ© des service dĂ©concentrĂ©s des droits des femmes et des
centres dâinformations.
Le niveau national
ReflĂ©tant les contours complexes et pluriels de lâĂtat français contemporain, les AGF
au niveau national ont pris neufs formes avec vingt-quatre instances politico-administratives,
depuis le premier appareil a vu le jour en 1965.
Les instances gouvernementales
Les instances gouvernementales depuis 1974
13
Pour les Ă©tudes sur des aspects divers des AGF en France voir notamment: Jenson (1983); Reynolds (1988);
Mazur (1995); Spencer (1997); Picq (1983); Borghino (1996) Dental (1998) et LĂ©vy (1986 et 1988).
23
_________________________________________________________________________
Types dâinstance et charge AnnĂ©e(s) Titulaire
1.
MinistĂšre
des droits de la femme
1985-86 Yvette Roudy
2. MinistÚre délégué
de la condition féminine auprÚs du premier ministre 1978-80 Monique Pelletier
de la condition féminine auprÚs du premier ministre et de la famille
1980-81 Monique Pelletier
des droits de la femme auprĂšs du premier ministre 1981-85 Yvette Roudy
3. SecrĂ©taiat dâĂ©tat
à la condition féminine auprÚs du premier ministre 1974-76 Françoise Giroud
Ă lâemploi fĂ©minin auprĂšs du ministre du travail 1978-81 Nicole Pasquier
aux droits des femmes 1988-91 MichÚle André
aux droits des femmes et Ă la vie quotidienne auprĂšs du MinistĂšre du travail et de lâemploi
1991-93 VĂ©ronique Neiertz
aux droits des femmes et de la formation professionnelle auprĂšs du ministre de lâemploi et de la solida
1998- Nicole Pery
4. Délégation
à la condition féminine auprÚs du premier ministre 1976-78 Nicole Pasquier/
Jacqueline Nonon
à la formation professionnelle des femmes auprÚs du Ministre délégué de la formation professionn
1982-84 Collette Privat
à la condition féminine rattachée au ministre des affaires sociales1986-88 HélÚne Gisserot
interministĂ©rielle aux droits des femmes auprĂšs du ministre de lâemploi et de la solidaritĂ©
1997-98 GeneviĂšve Fraisse
5.
Charge secondaire
de la famille, des droits de la femme, de la solidarité et des rapatriés
1988 Georgina Dufoix
de la solidarité entre les générations et les droits des femmes 1995 Colette Codaccioni
chargĂ©e par dĂ©lĂ©gation du MinistĂšre de lâemploi aux questions relatives aux droits des femmes
1995-97 Anne-Marie Couderc
___________________________________________________________________________
La premiÚre série des AGF comprend des appareils qui sont dépendants du
gouvernement, soit en tant que ministĂšre Ă part entiĂšre, ministĂšre dĂ©lĂ©guĂ© ou secrĂ©tariat dâĂ©tat,
soit en tant que poste administratif spĂ©cifique au sein dâun ministĂšre, normalement une
délégation. Depuis la création du premier poste ministériel en 1974 par un gouvernement de
droite, il y a eu cinq catĂ©gories diffĂ©rentes dâinstances gouvernementales avec seize postes
spécifiques et quatorze titulaires, toutes des femmes.
14
Les ministres avec un autre
portefeuille principal sont parfois chargés aussi du dossier des droits des femmes, souvent par
délégation du ministre du travail. Cette tendance a commencé en 1988 sous un
gouvernenment de gauche. MĂȘme avant cette pĂ©riode, la charge des droits des femmes ou de
14
Lâ arrivĂ©e dâun nouveau responsable ou un changement de charge marque la crĂ©ation dâune instance
spĂ©cifique. Tandis que les ministres et les ministres dĂ©lĂ©guĂ©s ont le droit dâassister au Conseil des ministres, les
secrĂ©taires dâĂ©tat nâassistent quâaux rĂ©unions ponctuelles qui concernent spĂ©cifiquement leur charge. Les
dĂ©lĂ©guĂ©es nâont pas le droit dây assister.
24
la condition fĂ©minine a Ă©tĂ© confiĂ©e avec dâautres domaine -- en 1980 avec la famille sous la
droite, avec la vie quotidienne en 1991 sous la gauche et avec la formation professionnelle en
1997, sous la gauche -- le portefeuille âfemmesâ restant au premier plan de la charge.
Sept de ces instances sont installées ou maintenues, cela dépend des cas, sous les
majoritĂ©s parlementaires de gauche et huit sous les gouvernements de droite. Il nây a pas un
lien net entre la composition de la majorité et les compétences de ces instances. On constate
la présence de postes ministeriels sous la droite et la gauche, avec un ministÚre à part entiÚre
sous la gauche, ainsi que des secrĂ©tariats dâĂ©tat (deux sous un gouvernement de droite et trois
sous la gauche), et des délégations (deux sous la droite et une sous la gauche), aussi bien que
des postes amoindris (exemple: un ministĂšre devient un secrĂ©tariat dâĂ©tat) sous chaque
gouvernement, notamment en 1978, 1986 et 1993 sous la droite et en 1988 et 1997 sous la
gauche. On pourrait Ă©ventuellement dire que la gauche a soutenu des AGF au niveau de
cabinets plus que la droite, Ă©tant donnĂ© quâun ministĂšre Ă part entiĂšre a pu voir la lumiĂšre sous
la gauche et câĂ©tait un gouvernement de droite qui a amoindri le poste devenu une dĂ©lĂ©gation
en 1976 et en 1987. Mais un tel constat doit ĂȘtre relativisĂ© en soulignant que les instances
gouvernementales pour les femmes nâont pas de compĂ©tences plus importantes sous les
gouvernements de gauche.
Le service des droits des femmes
Le service administratif central des droits des femmes a été officiellement créé au
début des années quatre-vingt-dix, sous un gouvernement de gauche. Le Service des droits
des femmes a été pris en compte de maniÚre officielle pour la premiÚre fois en 1985 (Dental
1998: 201), sous un gouvernement socialiste, dans un dĂ©cret dâattribution qui le placait auprĂšs
du ministĂšre chargĂ© des droits de la femme. En 1990 un arrĂȘtĂ© fixe son organisation. A la
suite dâune pĂ©riode floue oĂč les gouvernements de droite ont supprimĂ© les instances
gouvernementales spécifiquemment chargés des droits des femmes, le service est rattaché au
MinistÚre du travail et des affaires sociales en 1997. Cette nouvelle position a été maintenue
avec le retour de la gauche au pouvour en juin 1997. Depuis la fin des années soixante-dix,
lâorganigramme du Service est composĂ© dâun chef de service, de quatre missions
administratives (de coordination des services dĂ©concentrĂ©s; dâĂ©tudes, recherche, et
statistiques; dâinternational; dâEurope) et de quatre bureaux (de ressources humaines,
dâadministration gĂ©nĂ©rale; de communication, information, et culture; de droits propres; et
dâemploi, formation, et Ă©galitĂ© professionnelle). En 2000, les effectifs du Service sont environ
de 60.
Les instances consultatives
Depuis 1965, il y a eu trois diffĂ©rentes sortes dâinstances consultatives, avec huit
structures spĂ©cifiques. Les groupes/ comitĂ©s dâĂ©tude sont mis en place souvent par dĂ©cret. Ils
sont plus permanents que les comités interministériels qui sont réunis à la demande du
gouvernement pour des raisons ponctuelles. En tant quâinstances consultatives, elles ont pour
but principal de rĂ©unir des partenaires sociaux et des reprĂ©sentants de lâĂtat. Le ComitĂ© du
Travail FĂ©minin Ă©tait certainement plus administratif que lâObservatoire de la ParitĂ© qui a une
mission beaucoup plus politisée. Les deux Conseils Supérieurs ont une autorité plus
importante et sont formellent chargés de veiller sur la mise en place des lois spécifiques ainsi
que de proposer des initiatives nouvelles dans leurs domaines dâattribution. MalgrĂ© des
diffĂ©rences dans leur degrĂ© dâautoritĂ© ou dâinstitutionnalisation, toutes les instances partagent
le manque de pouvoir de dĂ©cision. Cela signifie que leur action se limite Ă lâĂ©tude et Ă la
25
proposition de politiques publiques, y compris le Conseil SupĂ©rieur pour LâEgalitĂ©
Professionnelle, qui a Ă©tĂ© crĂ©Ă© par la loi de 1983 sur lâĂ©galitĂ© professionnelle entre les femmes
et les hommes. A part le Comité du Travail Féminin et son antécédent, ces instances sont
traditionellement rattachées aux postes gouvernementaux chargés des droits des femmes; leur
secrétariat étant assuré par les services administratifs des droits des femmes.
Instances consultatives depuis 1965
______________________________________________________________________________
Types dâinstance et charge AnnĂ©e(s)
1. Conseils Supérieurs
pour lâInformation Sexuelle 1973-
pour lâĂ©galitĂ© professionnelle 1983 -
2.
Groupes/ ComitĂ©s dâĂ©tude
ComitĂ© dâĂ©tudes et de liaison des problĂšmes du travail fĂ©minin 1965-71
Comité du travail féminin
1971-81
Observatoire de la parité 1995-
3. Comités interministériels
de lâaction fĂ©minine 1978-81
des droits des femmes 1982-1985, 2000
de la prostitution 1981
___________________________________________________________________________
Les centres dâinformation des droits des femmes (CIDFs)
En 1972, ouverture du Centre dâinformation fĂ©minin. A partir de 1973, ouverture de
CIF en rĂ©gions et dĂ©partements. Leur rĂŽle principal est dâinformer les femmes sur leurs droits
juridiques, professionnels, sociaux et familiaux Au cours du temsp, leur rĂŽle sâest Ă©largi, il
comprend aujourdâhui lâanimation de la vie associative, voire dans certains cas, lâanimation
des politiques publiques en direction des femmes. Ils sont constitués en associations loi 1901,
et placé sous la tutelle de la ministre en charge des droits des femmes. En tant que tel, ils
sont âun partenaire privilĂ©giĂ© de lâĂtat.â Les centres ont commencĂ© Ă recevoir des
subventions assez importantes de lâĂtat par lâintermediaire du Service des droits des femmes
dans les annĂ©es quatre-vingt. Ils peuvent toucher dâautres subventions, provenant dâhabitude
dâautres services dĂ©concentrĂ©s de lâĂtat ou organismes publics. Tous les centres sont obligĂ©s
de rendre un rapport dâactivitĂ© annuel au service afin de faire renouveler leurs crĂ©dits
budgétaires via la chargée de mission départementale et/ou la DR. Les CIDF sont regroupés
au sein dâun rĂ©seau animĂ© par le CNIDF, tĂȘte de rĂ©seau. Depuis 1997 par arrĂȘtĂ© du 14 fĂ©vrier
les centres CIDF doivent demander une habilitation au conseil national dâagrĂ©ment leur
permettant pendant trois ans dâĂȘtre labĂ©lisĂ© CIDF et de ce fait de prĂ©tendre Ă des subventions
de lâEtat.
Le niveau régional
Les déléguées régionales des droits des femmes (DRDF)
Les DRDF, établies dans toutes les régions depuis 1975 (Vergnon-Bondarnaud 1988:
474), (SGAR). Chaque dĂ©lĂ©gation est dotĂ©e dâune dĂ©lĂ©guĂ©e et, dans certains cas, dâune
26
adjointe et/ou de âchargĂ©es dâĂ©tudesâ. La dĂ©lĂ©guĂ©e rĂ©gionale anime les politiques en
direction des femmes de la région ainsi que les politiques dans le département principal de la
région. Bénévoles au début, les DRDF se sont progressivement institutionnalisées depuis
1978.
Les déléguées auprÚs des conseils régionaux
Dans les années quatre-vingt-dix , avec le mouvement de décentralisation, certains
conseils régionaux ont créé des postes, occupés par une élue, chargés des droits des femmes
ou de la condition féminine. Il y a une vice présidente chargée des droits des femmes dans Le
Conseil régional de PACA, par exemple.
Les CIDFs
Certains centres dâinformation dĂ©partementaux se sont constitutĂ©s en âgroupementâ
régional dont le fonctionnement, dans les plupart des cas, est assuré par des cotisations des
membres centres. Il y a un tel groupement en PACA, par exemple -- le Groupement
RĂ©gional pour lâAction et lâInformation des Femmes et des Familles (GRAIFF). Les
groupements rĂ©gionaux depuis 1997 ne sont pas bĂ©nĂ©ficiaires de mĂȘmes subventions de lâĂ©tat
que les CIDFs départementaux (Réponse à la question écrite no. 7331 du 2 avril, 1998 Journal
Officiel).
Le niveau départemental
Les chargées de mission départementales des droits des femmes (CMD)
Les CMDs ont apparu comme AGF en 1979 à la demande de la Ministre déléguée de
la condition et de la famille, Monique Pelletier. En 1979, il y avait 26 CMDs nommées auprÚs
des prĂ©fets avec lâaccord de la Ministre Pelletier (Vergnon-Bondarnaud 1988: 475). Au
courant des années quatre-vingts les CMD sont devenues de plus en plus permanentes. En
1987, il y avait 101 CMD, mĂ©tropole et outre-mer compris, pour qui la â... reconnaissance
dans les dĂ©partements est totale et lâintĂ©gration dans les services prĂ©fectoraux parfaite,â selon
une CMD (Ibid.). Le statut et les rémunérations se sont de plus en plus régularisés dans les
annĂ©es quatre-vingt-dix avec la crĂ©ation dâune association professionelle par les CMD en
1993. Bien que les CMD soient obligĂ©s dâavoir une qualification de catĂ©gorie A, leur statut
est souvent celui dâun contractuel. Les CMD sont sous une triple tutelle qui se prĂ©sente
dâune façon souvent trĂšs compliquĂ©e; le Service des droits des femmes et son ministĂšre, la
DRDF, et le préfet. Elles sont rattachées au préfet par le biais du cabinet préfectoral et non
des services administratifs préfectoraux.
Les commissions de lutte contre les violences
Depuis 1989, les circulaires successives du Service des droits des femmes (1989, 1992
et 1996) ont obligé les CMD à mettre en place et maintenir les Commissions Départementales
âfemmes victimes de violences.â PrĂ©sidĂ©e par le prĂ©fet, ces commissions sont constituĂ©es
comme groupe de travail pour â.. permettre aux intĂ©ressĂ©s -- les associations, les CIDF, les
services dĂ©concentrĂ©s de lâĂtat, la police, etc.â de mettre en place les politiques de lutte contre
les violences ainsi que de sensibiliser les acteurs Ă la question des violences faites aux
femmes, notamment les violences conjugales. Les circulaires sur ces commissions impliquent
27
les DRDF aussi bien que les CMD dans leur mise en place et leur animation. Bien que les
DRDF et les CMD soient obligĂ©es de faire Ă©tat de leurs activitĂ©s sur les violences, il nây a pas
de recensement systĂ©matique de lâimplantation des Commissions.
A partir de 1997, les CMD ont mis en place Ă©galement les groupes de travail sur la
prostitution Ă la suite dâune circulaire de 1997 des Services des droits des femmes. Il semble
que ces groupes de travail sur la prostitution soient moins répandus que les Commission
violences. En PACA, par exemple, elles étaient réunies dans trois département sur six.
Les déléguées auprÚs des Conseils généraux
Comme certains conseils régionaux, certain conseils généraux ont chargé une élue du
dossier droits des femmes ou condition féminine. Mais il est trÚs difficile de dénombrer ces
dĂ©lĂ©guĂ©es. La prĂ©sence, en 2000, dâune dĂ©lĂ©guĂ©e Ă la condition fĂ©minine auprĂšs du Conseil
général des Bouches-du-RhÎne avec une majorité de droite suggÚre que ces postes ne sont pas
seulement créés dans les conseils de gauches.
Les CIDF
Il semblerait que les CIDF départementaux soient plus établis que leurs homologues
au niveaux national et rĂ©gional. Dâun cĂŽtĂ© les premiers centres dĂ©partementaux, crĂ©es en
1972, ont prĂ©cĂ©dĂ© beaucoup dâautres formes dâAGF. Dâautre cĂŽtĂ©, le principe fondateur des
CIDF, de travailler avec et pour les femmes et leurs associations, se met plus facilement en
place Ă la base. Lâesprit des CIDF donc se retrouve plutĂŽt Ă lâĂ©chelle dĂ©partementale.
A lâinstar du Services des droits des femme, les CIDF ont la possibilitĂ© de mettre en
place un nouveau genre dâAGF -- le Bureau dâAccompagnement individualisĂ© vers lâemploi
(BAIE). Les BAIE âont pour mission, en partenariat avec lâANPE, de concourir Ă une
meilleure connaissance de lâemploi et de contribuer au dĂ©veloppement ou Ă la crĂ©ation
dâactivitĂ©s pour les femmes (Rapport du PrĂ©fet de RĂ©gion sur lâactivitiĂ© des services
dĂ©concentrĂ©s de lâĂ©tat des droits des femmes en 1998: 83).â Bien que les moyens et les
modalités pour mettre en places les BAIE soient mis à la disposition des CIDF depuis 1995,
leur installation nâest pas assurĂ© dâoffice par tous les CIDF. Par exemple, en PACA en 1998,
sur huit CIDF dans la rĂ©gion, quatre dâentre eux en disposait (Ibid.).
Le niveau municipal
Les commissions extra-municipales
Les commissions extra-municipales des femmes, crĂ©Ă©es Ă lâinitiative des administrĂ©s,
sont mises en place par des maires à partir des années 90. Leur fonction principale est
dâĂ©clairer le maire sur une question particuliĂšre. Chaque commission est prĂ©sidĂ©e par une Ă©lue
municipale. Un recensement de celles-ci, administrés par le Services des droits des femmes,
auprĂšs des DR et les CMD, en 1998, a fait Ă©tat de 9 commissions extra municipales dans les
villes de Marseille, Fontenay-le Compte, Amiens, Strasbourg, La Roche-sur-Yon, SĂšte, Paris
(20iÚme), Belfort, AngoulÚme et la Seyne. Etant donné le taux de réponse à ce recensement, 7
sur 22 DRDF et 35 sur 95 CMD, il est fort possible que dâautres commissions extra-
muncipales existent.
Les CIDF
28
Les CIDF départementaux qui sont situés dans les chef-lieux des départements ou
dans les villes des populations importantes ont souvent une implantation plus orientée vers la
municipalité que vers le département. Les CIDF sont aussi constitués dans les villes de grande
et de moyenne taille sans administration dĂ©partementale; comme câest le cas pour le CIDF Ă
Arles. Le fait quâil y a 20 CIDF dĂ©clarĂ©s en France et territoire dâoutre-mer montre
lâexistence des CIDF au delĂ des chef-lieux des dĂ©partements ou des rĂ©gions.
Conclusion
Cette mise Ă plat des structures montre une multiplicitĂ© des formes dâAGF -- 21
espĂšces marquĂ©es tout le long des ces 35 derniĂšres annĂ©ees. En lâan 2000, il y a 13 genres
dâAGF en fonctionnement. MalgrĂ© un manque de donnĂ©es chiffrĂ©s sur les AGF au niveau
territorial, sur les commissions départementales de lutte contre les violences et la prostitution,
sur les déléguées auprÚs des conseils élus, et sur les commissions extra-municipales, on peut
rĂ©ellement constater la prĂ©sence dâau moins de 250 AGF sur toute la France. Avec un
meilleur dĂ©chiffrement on pourrait sâattendre Ă en compter jusquâĂ 50 de plus. Le total rĂ©el
pourrait alors sâĂ©lever Ă 300 AGF au service des droits des femmes en France. Ce chiffre ne
comprend que les postes de direction de chaque appareil. Lâeffectif total des AGF (en
comptant tous les postes: des chefs de service aux secrétaires) pourrait donc trÚs bien
atteindre les 500.
LâĂtat français sâest donc clairement investi dans les structures pour les femmes. Bien
que le budget global de tous ces AGF soit impossible à chiffrer, étant donné que les AGF
relĂšvent de divers organes gouvernementaux, le budget dont dispose tous ses AGF nâest
certainement pas négligeable. Si la multiplicité des formes est sans doute la norme, il est
difficile de dire quâelle est un reflet de la faiblesse ou dâune fragmentation nocive des AGF.
Dâautant plus que dans dâautres domaines sociaux, on a pu attester dâune semblable
multiplication de structures politico-administratives. En tout Ă©tat de cause, une telle
Ă©valuation critique ne sâinsĂšre pas dans la problĂ©matique de ce survol prĂ©alable des structures.
Néanmoins, il faut constater la forte présence de ces appareils dans le tissu politico-
administratif en France. Une présence qui a survécu à 35 ans de changements, voire de
bouleversements politiques, sociaux et économiques. Cette présence importante des agents
dâĂtats au service des intĂ©rĂȘts des femmes, dont la plupart sont des femmes, doit ĂȘtre prise en
compte dans une optique de reprĂ©sentation directe et indirecte des femmes. MĂȘme si cela ne
permet pas vraiment de relativiser le manque de femmes aux postes de décision -- élues ou
non --, il est clair que les AGF constituent par leur nombre et leur variété un mode de
représentation des femmes.
Vu cette réalité quantitative sinon qualitative des AGF, une meilleure étude et
valorisation de ce phĂ©nomĂšne devrait se poursuivre. Dâabord, en ce qui concerne le
recensement de ces structures, un inventaire systématique de tous les AGF en France devrait
ĂȘtre rĂ©alisĂ©. Etant donnĂ© lâimportance des AGF Ă lâĂ©gard de la reprĂ©sentation des femmes et
la poursuite actuelle de la parité homme-femme en France, un recensement régulier de ces
structures devrait ĂȘtre mis Ă lâordre du jour du gouvernement et pas seulement Ă lâordre du
jour, dĂ©jĂ surchargĂ©, des AGF. Les rapports dâactivitĂ© des DR, des CMD et des CIDF
serviraient dâune source importante dans un tel recensement. De mĂȘme, il serait trĂšs utile de
recenser dâune façon systĂ©matique et rĂ©guliĂšre la prĂ©sence des dĂ©lĂ©guĂ©es dans les Conseils
généraux, régionaux et les conseils municipaux. Un tel recensement nécessiterait forcément
29
de nouveaux effectifs et crĂ©dits. Les services gĂ©nĂ©raux qui sâoccupent de la collecte des
statistiques sur les institutions politiques devraient ĂȘtre mis Ă la charge de cette tĂąche.
LâINSEE ou le service des Ă©lections au sein du ministĂšre de lâIntĂ©rieur sont dĂ©jĂ Ă©quipĂ©s pour
réaliser un tel recensement.
Il est impératif que les données sur les AGF soient diffusées auprÚs du public. Souvent
le public reste Ă lâĂ©cart dâune simple connaissance de ces structures. Or, la longĂ©vitĂ©,
lâĂ©tendue et la fonction reprĂ©sentative des AGF offrent un objet dâanalyse et dâintĂ©rĂȘt pour un
public assez large: les hauts fonctionnaires, les fonctionnaires, les Ă©lus, les individus
employés par les AGF, les universitaires et les grandes écoles, les associations, les partenaires
sociaux ainsi que les citoyens. LâINSEE a dĂ©jĂ travaillĂ© avec le Services des droits des
femmes le recueil statistique, Femmes en chiffres (1991 et 1996). Il serait intéressant que le
prochain numéro intÚgre une section sur les AGF en France. On pourrait aussi envisager le
financement dâune Ă©tude qualitative sur les AGF en forme du livre de poche comme le Que
sais-je. En sensibilisant les citoyens et les acteurs de politiques publiques Ă lâoeuvre des
AGF, une telle publication aura la capacité de rendre les AGF plus efficaces et, ce faisant, de
rendre la démocratie en France plus démocratique.
30
Chapitre 2. La formation professionnelle: Les AGF face Ă lâuniversalisme rĂ©publicain
par Amy G. Mazur
___________________________________________________________________________
Dans les débats sur la formation professionnelle, la question du genre est quasiment
absente, de plus, les femme y participent peu. Ainsi, mĂȘme si les AGF soutiennent les
objectifs du fĂ©minisme organisĂ©, lâensemble de leurs activitĂ©s sont classĂ©s dans la catĂ©gorie
âmarginalesâ. Bien que les AGF, depuis 1965, en collaboration avec un rĂ©seau militant
parfois trés actif, aient développé une réflexion politique approfondie sur la formation
professionnelle dans une optique clairement féministe, les résultats politiques se résument à la
seule loi Rigout en 1984.
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
_____________________________________________________________________
AAGF IMF
1. La formation en alternance 1980 Marginales Non RĂ©ponse
2. La gestion paritaire 1984 Marginales Devancement
3. La contribution patronale au financement 1991 Marginales Non RĂ©ponse
4. lâinsertion des publics en difficultĂ© 1993 Marginales Non RĂ©ponse
5. La formation professionnelle et la décentralisation 1993
Marginales Non RĂ©ponse
_____________________________________________________________________
Cette continuitĂ© est dâautant plus frappante que de nombreux changements
économiques, politiques et sociaux sont intervenus tout au long de ces derniÚres trente années.
Pendant que les mouvements de femmes apparaissaient, disparaissaient et réapparassaient,
pendant que les AGF sâinstitutionnalisaient, et que lâalternance se rĂ©pĂ©tait, lâuniversalisme,
souvent fondé sur des sous-entendus genrés voire sexistes, régnait dans les débats étudiés
dans ce chapitre.
La façon dont lâĂ©mergence de lâĂtat providence et de la RĂ©publique en France sont
allĂ©s de pair avec un universalisme souvent nocif des droits des femmes a fait lâobjet de
beaucoup dâanalyses.
15
Une approche critique de lâuniversalisme rĂ©publicain identifie deux
15
En français voir par exemple, Fraisse (1989 et 1995) et Héritier (1996), en anglais voir par exemple Scott
(1996) et Offen (1988). Il faut constater que lâuniversalisme nâest pas forcĂ©ment considĂ©rĂ© comme nocif pour
les droits des femmes par toutes analyses féministes. Dans le domaine de la parité, par exemple, il y a un
31
aspects contradictoires. Dâune part, lâappui de lâĂ©galitĂ© rĂ©publicaine pour tous les citoyens,
principe fondateur de la rĂ©publique, empĂȘche le traitement spĂ©cifique des rapport sociaux de
sexe
16
. Dâautre part, souvent Ă lâencontre de cette neutralitĂ© concernant des rapports de sexe,
on constate un ârĂ©fĂ©rentielâ genrĂ© autour des politiques de lâemploi.
17
La plupart des acteurs
politiques dans le domaine de lâemploi, en dehors des AGF et des groupes et des acteurs
fĂ©ministes, sâattendent Ă ce que les femmes prennent en charge les responsabilitĂ©s familiales
au premier plan et les hommes sâengagent dans le marchĂ© du travail Ă temps plein sans
obligation familiale importante. Dans cette optique dominante, le travail des femmes est
pensĂ© comme un travail secondaire et flexible. Comme le rapport de la commission âfemmes
dans la vie Ă©conomiqueâ pour la prĂ©paration de la quatriĂšme confĂ©rence mondiale sur les
femmes lâaffirme,
Ce constat vaut en particulier pour le champ de lâemploi oĂč les modĂšles encore
dominants dans le schémas collectifs sont ceux de la femme affectée
prioritairement aux charges de son foyer, de lâhomme absorbĂ© quasi
exclusivement par son activité professionnelle, de la norme du travail à temps
plein de longue durée pendant toute la vie profesionnelle (MCCMF 1995:99).
Un tel âschĂ©ma collectifâ a eu tendance Ă favoriser lâĂ©laboration des politiques
orientées plutÎt vers la réconciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, pour les
femmes et non pour les hommes, que vers lâĂ©galitĂ© professionnelle entre les femmes et les
hommes.
18
Certes, ce rĂ©fĂ©rentiel de lâuniversalisme genrĂ© est en train de sâĂ©crouler.
Lâintroduction dâun concept plus genrĂ© de lâĂ©galitĂ© par la rĂ©vision de la Constitution en 1999
ainsi que les nouvelles politiques en direction des femmes pourraient ĂȘtre les signes dâun
renversement. NĂ©anmoins, comme constatent les acteurs et les observateurs, lâuniversalisme
rĂ©publicain reste prĂ©gnant -- au moins jusquâau moment de la rĂ©daction de ce rapport. En tout
état de cause, le référentiel dominant était présent dans la politique de la formation
professionnelle jusquâau milieu des annĂ©es quatre-vingt-dix, la pĂ©riode des plus rĂ©cents
débats examinés dans ce chapitre. La conclusion engage une réflexion sur les changements
éventuels à mettre en place en ce qui concerne le référentiel de la politique de la formation
professionnelle.
Le contexte
La définition de la formation professionnelle
La formation professionnelle en France se définit par une obligation prioritaire de la
nation dans lâoptique du plein emploi. Le droit Ă la formation fait donc partie du droit au
désaccord important. Pour le déroulement de ce debat cf. ANEF (1994); Pouvoirs (1997); AVFT (1996 ). Pour
ce débat dans le cadre de la politique de féminisation des noms cf. Baudino (1999).
16
Un rapport rĂ©cent a montrĂ© comment une telle approche de âneutralitĂ©â ou âdâuniversalitĂ©âa rendu difficile,
jusquâau milieu des annĂ©es quatre-vingt-dix, la mise en place de la dimension Ă©galitĂ© des chances dans les
action de formation professionnelle cofinancées par le Fonds Social Européen (MES 1995: 17).
17
Muller (1990)dĂ©finis un rĂ©fĂ©rentiel comme âlâensemble des normes ou images de rĂ©fĂ©rence en fonction
desquelles sont dĂ©finis les critĂšres dâintervention de lâĂtat ainsi que les objectifs de la politique publique
considérée (cité dans MES 1995: 4).
18
Cette thÚse est avancée par une littérature développée. Voir par exemple, Afsa (1996); Aubin et
Gisserot(1994); Commailles (1993); Jenson (1988); Lanquetin, Laufer et Letablier (2000); Maruani(1999);
MCMMF(1996); Jenson et Sineau (1999); Hantrais (1999) et Lewis (1992).
32
travail. En 1996, par exemple, 20 % du budget global du MinistÚre du Travail ont été
consacrés à la formation professionnelle (CI 1996-1997). Depuis les années soixante-dix, les
accords interprofessionnels et les lois ont progressivement renforcé les droits des salariés dans
ce domaine ainsi quâaugmentĂ© la part des contributions financiĂšres de lâĂtat. Au moment oĂč
lâon constate une remise en question du rĂŽle de lâĂtat dans dâautres pays, un consensus large
continue à exister en France autour de cette croissance réguliÚre. Certes les désaccords entre
les partenaires sociaux existent, mais ceux-si ne vont pas jusquâĂ une mise en cause du rĂŽle de
la formation professionnelle dans la gestion de lâentreprise voire dans lâĂ©conomie nationale.
Lâimportance de la formation professionnelle se constate Ă travers sa part dans le
produit intérieur brut: 1,5% en 1996, en hausse de .4% en 1976 (CI 1996-97). Depuis 1991,
les entreprise ont une obligation de consacrer 1,5% des revenus bruts Ă la formation
professionnelle. Les plus grandes entreprises contibuent en moyenne 3,35 % des revenus, les
entreprises dâune taille de moins de dix employĂ©es font une contribution en-dessous du 1,5%
de leurs revenus bruts. En 1994, il y avait 35,360 organismes de formation professionnelle,
publics et privés compris. Depuis les années quatre-vingts ces organismes se réunissent afin
de promouvoir et perfectionner leur profession une fois par an, aux Etudes Condorcet.
La politique de la formation professionnelle comprend deux volets: la formation
initiale et la formation continue. La formation initiale se situe dans le systĂšme de lâĂ©ducation
nationale. Elle a pour but principal dâassurer les acquis necĂ©ssaires Ă lâinsertion
professionnelle. La formation continue commence normalement avec la vie professionnelle.
Pour les jeunes, un public clé de la politique de la formation professionnelle, les frontiÚres
entre formation initiale et formation continue sâestompent. Lâexpression, formation
professionnelle, est souvent utilisĂ©e comme synonyme de la formation continue Ă lâexclusion
de la formation initiale. Tandis que les acteurs de la formation initiale ont tendance Ă faire
partie de lâunivers de lâĂ©ducation nationale, les participants Ă la formation continue se
rangent dans le monde de la politique, de lâemploi et du travail. On a souvent constatĂ© un
fossé assez important entre ces deux univers bien que des efforts aient été faits pour le
combler. Cette étude est centrée sur la politique de formation continue. Néanmoins, les liens
Ă©troits entre les deux necĂ©ssitent la prise en compte de la formation initiale. Câest ainsi quâun
des débats examinés dans ce chapitre se situe à la charniÚre de ces deux sous-domaines.
Le systÚme de décision de la Formation Continue (FC)
Une multitude dâacteurs et dâorganes participent Ă lâĂ©laboration et Ă la mise en place
de la formation continue. LâĂ©laboration et la mise en oeuvre de la FC se passent souvent dans
les arĂšnes diffĂ©rentes de lâanimation de la formation professionnelle. Les acteurs au niveau
national et plus récemment au niveau régional dessinent les grands axes de la FC. Un autre
ensemble dâacteurs travaille Ă tous les niveaux territoriaux afin de dĂ©velopper le dispositif de
formation et dâassurer sa disponibilitĂ©, en particulier dans les branches et les entreprise elles-
mĂȘmes.
LâĂ©laboration
-- Comme pour la politique de lâemploi et du travail, la nĂ©gociation
collective constitue le lieu privilĂ©giĂ© de lâĂ©laboration des politiques de la formation
professionnelle. Elle peut se dĂ©rouler dans lâentreprise, dans la branche ou dans les instances
nationales.
19
Les Accords Interprofessionnels, signés par les partenaires sociaux, formalisent
19
Cette section sâest appuyĂ©e sur la littĂ©rature suivante: Dubar (1996); CI (1995-1996); GahĂ©ry (1996) et
Bouilla (1995). Les dossiers de presse Ă lâInstitut dâEtudes de Paris sur la formation professionelle et
lâaprentissage depuis les annĂ©es soixante-dix ont aussi Ă©tĂ© consultĂ©s.
33
les conventions collectives de la branche et parfois de lâentreprise. Les Accords passent
souvent par une ratification parlementaire et sont ainsi transformé en législation. Parmi les
quatre lois principales qui servent de cadre au systĂšme actuel de la formation professionelle
(1971, 1978, 1984 et 1993) seulement une a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e en dehors dâun Accord
Interprofessionnel.
Le processus de la négociation des conventions et des accords est bien encadré et clos.
En tant que tel, il nâimplique que les syndicats et le patronat Ă lâexclusion dâautres acteurs
Ă©tatiques et associatifs. Le gouvernement a la capacitĂ© dâinitier les nĂ©gociations, mais nâa pas
le droit dây participer. Faute dâun accord par la nĂ©gociation collective sur un sujet donnĂ©,
lâĂtat pourrait Ă©ventuellement intervenir. Les Accords Interprofessionnels (AI) sont
normalement nĂ©gociĂ©s au siĂšge national du CNPF. La nĂ©gociation dâun AI peut durer jusquâĂ
trois ans avec un dĂ©lai allant parfois jusquâĂ plusieurs annĂ©es entre la signature dâun accord et
sa transposition dans la loi. Entretemps, les partenaires sociaux ont souvent entamé une série
de négociations sur un nouveau thÚme. Vu que la législation qui ratifie des accords
nâintroduit pas souvent de changements considĂ©rables, les partenaires sociaux ne sont que trĂšs
peu concernĂ©s par lâĂ©tape lĂ©gislative.
Etant donnĂ© lâaspect clos et exclusif de la nĂ©gocation collective, les intĂ©rĂȘts des
femmes ne pourraient ĂȘtre reprĂ©sentĂ©s que par les syndicats. Or, il y a trĂšs peu de traces dâune
telle reprĂ©sentation dans le contenu des Accords Interprofessionnels. A part lâAccord
Interprofessionnel de 1989 sur lâĂ©galitĂ© professionnelle entre les hommes et les femmes, les
accords ont tendance Ă suivre le rĂ©gle de lâuniversalisme rĂ©publicain. En ce qui concerne les
accords collectifs des branches et de lâentreprise, câest seulement la CFDT qui a poursuivi,
systĂ©matiquement, lâinsertion des clauses femme-homme (Jobert 1994;Lanquetin et Masse-
Dessen 1989; et Lanquetin 1998). Plus quâun affichage de lâĂ©galitĂ©, les syndicats, en dehors
de la CFDT, ont tendance à poursuivre une approche de réconciliation de la vie
professionnelle et la vie familiale, pour les femmes et non pour les hommes: temps de travail
flexible, protection de la maternitĂ©, etc. Les syndicats, toujours Ă lâexception de la CFDT, ne
sont pas engagĂ©s dans une application active de la politique de lâĂ©galitĂ© professionnelle, mise
en marche par la loi de 1983, ou les nouvelles lois contre lâharcĂšlement sexuel dans le lieu du
travail (Mazur 1995 et 1996).
Comme le montre Laufer (1996), câest plutĂŽt le patronat qui est intĂ©ressĂ© par les
nouveaux programmes de lâĂ©galitĂ© professionnelle, dans un esprit orientĂ© plus vers la
meilleure gestion de lâentreprise que vers lâĂ©galitĂ© des sexes. Ce manque de soutien de la part
des syndicats est souvent justifiĂ© par les syndicats eux-mĂȘmes par le fait (sic) que les droits
des femmes sont inscrits dâemblĂ©e dans les convention par la voie de lâuniversalisme. On ne
voit pas la nĂ©cessitĂ© de faire mention dâune façon spĂ©cifique des questions homme-femme
(Lanquetin et al. 2000: 80). Une telle considération de la représentation des femmes par les
syndicats doit ĂȘtre aussi mise en rapport aussi avec le taux de syndicalisation en France -- 10
% en 1989 (Ehrmann et Schain 1992: 176-178).
Au-delà de la négociation collective, les deux commissions consultatives sur la
formation professionnelle-- Le Conseil National de la Formation Professionelle et de la
Promotion et le ComitĂ© de Coordination des Programmes RĂ©gionaux dâAprentissage et de
Formation Professionnelle et de Formation Continue-- ne constituent que des lieux de
discussion, consultation et de proposition. Les partenaires sociaux peuvent aussi ĂȘtre
34
consultés par le gouvernement de façon ponctuelle sur les les projets de loi spécifiques au
niveau national. Depuis 1993, les rĂ©gions sont chargĂ©es de lâapprentissage. En 1995, la part
régionale du budget de formation professionnelle sur tout le territoire français était à 9%, par
rapport de la part de lâĂtat Ă 45% (CI 1996-1997: 27). La formation professionnelle au
niveau territitorial, suivant les grands axes de la politique nationale, est aussi régie par les
Contrats de plan Ătat-RĂ©gion et les Engagement de DĂ©veloppement pour la Formation (EDF).
La mise en place
-- Deux sĂ©ries dâacteurs Ă©tatiques sâoccupent de la mise en oeuvre
des programmes spécifiques ainsi que la planification générale et individuelle de la formation
professionnelle -- national et régional. Les acteurs nationaux possÚdent une certaine autorité
vis Ă vis des dispositifs rĂ©gionaux. Aucun organe gouvernemental nâest chargĂ© de la
coordination directe de cette mise en place. Le MinistĂšre du Travail, par le biais de la
DĂ©lĂ©gation de la formation professionnelle et souvent son cabinet, et lâAssociation Française
pour la Formation Professionelle (lâAFPA) jouent chacun des rĂŽles importants. Le rĂŽle de ce
dernier a Ă©tĂ© assez considĂ©rable dans lâanimation de la formation dans les annĂ©es soixante-dix.
Depuis, câest de plus en plus les structures au sein de lâentrepise et des organismes privĂ©s qui
ont pris en charge la formation. En 1996, lâUNEDIC a financĂ© 8,5 % du budget de la
formation professionnelle (CI 1996-97). LâAssociation Nationale pour lâEmploi (ANPE)
participe Ă©galement dans la coordination de certains programmes. Lâinspection du travail ainsi
que son administration de tutelle la Direction des Relations du Travail sâoccupent du contrĂŽle
des obligations de la formation professionnelle dans lâentreprise.
Dans le contexte dâune dĂ©centralisation en amont, les rĂ©gions ont pu dĂ©velopper leurs
propre sous-systÚmes de prise de décision dans lesquels les présidents des Conseils régionaux
jouent un rÎle de décideur capital. Bien que les départements et les municipalités soient
impliqués dans la gestion de certains programmes, la région garde une emprise importante sur
le financement public de la formation professionnelle par les Contrats de Plan Ătat-RĂ©gion.
Une constellation aussi complexe dâacteurs peut ĂȘtre Ă©galement constatĂ©e en dehors
des instances gouvernementales. Les partenaires sociaux continuent Ă participer dâune
maniĂšre relativement importante aux comitĂ©s dâentreprise. Les comitĂ©s dâentrerpise
représentent des lieux de discussion pour les négociations sur la forme et le contenu de la
mise en place du systĂšme de la formation professionnelle dans lâentreprise. Certes, la
fragmentation et la faiblesse des syndicats limitent leur participation dans ce processus. Les
bureaux des ressources humaines se sont affirmés de plus en plus dans la mise en oeuvre de la
formation professionnelle dans lâentreprise surtout dans les plus grandes entreprises qui
animent leurs propres services de formation. Pour les entreprises de taille plus modeste, câest
les organismes privés de formation professionnelle qui prennent en charge les projets de
formation; Ă tel point que lâindustrie de formation professionnelle est devenue une affaire
rentable en soi.
Or, tous les organismes ne se définissent pas par une unique logique de la rentabilité.
Par exemple, lâesprit fondateur de lâassociation de formation âRetravaillerâ est de former les
femmes afin dâassurer une meilleure insertion ou rĂ©insertion dans la vie professionnelle.
LâĂtat aussi met les conseillers de formation Ă la disposition du public. Enfin, il existe des
structures privées de collecte qui ont pour tùche principale la gestion financiÚre des
contributions patronales Ă la formation professionnelle.
35
Le sous-systĂšme de la politique de lâĂ©galitĂ© professionnelle
20
Un sous-systĂšme sâest progressivement institutionnalisĂ©, au cours des annĂ©es soixante-
dix et quatre-vingts, par des acteurs Ă©tatiques et sociaux autour de la demande et des lois
(1972, 1975 et 1983) favorisant lâĂ©galitĂ© professionnelle entre les hommes et les femmes. Les
AGF - le ComitĂ© du Travail FĂ©minin, le SecrĂ©tariat dâĂtat Ă la condition fĂ©minine, le
SecrĂ©tariat de lâĂtat Ă lâemploi fĂ©minin, le MinistĂšre des droits de la femme, le Service des
droits des femmes, et le Conseil SupĂ©rieur pour lâĂ©galitĂ© profesionnelle -- ont animĂ© ce rĂ©seau
avec le concours des représentants féministes des syndicats et des associations ainsi que des
experts qualifiés. Bien que la définition des problÚmes et des propositions de politiques aient
Ă©tĂ© impulsĂ©s en dehors de lâarĂšne des AGF, en particulier par le PS et la CFDT et, Ă la fin des
années soixante-dix, par la CGT, ce sont les instances consultatives des AGF qui ont servi de
lieu de discussion, surtout Ă partir de la fin des annĂ©es quatre-vingt-dix. Comme lâaffirme la
littĂ©rature spĂ©cialisĂ©e, lâĂ©galitĂ© professionnelle intĂ©resse peu de monde en dehors de ce petit
noyau.
21
Depuis ces origines, les activités du réseau se sont appuyées sur la formation
professionnelle pour favoriser lâĂ©galitĂ© professionnelle. Une analyse assez sophistiquĂ©e des
liens entre la sous qualification des femmes et la discrimination directe et indirecte au travail
y a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e. Pour certains, la formation professionnelle reprĂ©sente mĂȘme un terrain
dâentente entre les diffĂ©rent participantes (LĂ©vy 1988). MalgrĂ© la position privilĂ©giĂ©e de la
formation professionnelle, les activités du sous-systÚme se sont déroulées en dehors de la
constellation des acteurs chargés de la prise de décision et la mise en place des politiques de
la formation professionnelle en général. Une telle séparation est plutÎt le résultat du rejet du
référentiel forcément genré des acteurs de formation professionnelle que par une décision des
acteurs du rĂ©seau dâĂ©galitĂ© professionnelle de poursuivre les actions Ă part. En tout Ă©tat de
cause, lâĂ©laboration dâune approche fĂ©ministe Ă la formation professionnelle sâest dĂ©veloppĂ©e
à cÎté, voire sur les marges, de la politique de la formation professionnelle globale.
Il est nĂ©cessaire de constater aussi que le sous-systĂšme dâĂ©galitĂ© professionnelle a
focntionné sans la participation des nouveaux mouvements de femmes, si présents sur la
scéne politique des années soixante-dix. Les mouvements et les nouvelles associations qui
ont surgi de cette période de bouillonnement social sont plutÎt orientés vers la politique du
corps que la politique de lâemploi.
22
Néanmoins, on a pu affirmer une présence croissante des
féministes au sein des partis politiques de la gauche, surtout le PS, ainsi que certains
syndicats, la CFDT et la CGT. En outre, les associations féminines plus établie, comme
lâUFCS ou le CILAF, ont pris un nouveau souffle.
Donc, ce sont les syndicats et les partis de gauche, sous lâinfluence du fĂ©minisme et
les association féminines et féministes plus établies, qui se sont mis à promouvoir les droits
des femmes Ă la formation professionnelle. Lâappui du fĂ©minisme organisĂ© est restĂ© tout de
mĂȘme assez limitĂ© pendant toute la pĂ©riode. Une enquĂȘte auprĂšs du milieu associatif fĂ©minins
a montrĂ© que dans les annĂ©es quatre-vingt dix un nombre modeste dâassociations
20
Bien que le terme Ă©galitĂ© professionnelle nâait pas Ă©tĂ© utilisĂ© dâune façon gĂ©nĂ©rale jusquâaprĂšs lâadoption de
la loi de 1983, il Ă©tait reconnu par les acteurs fĂ©ministes Ă la fin des annĂ©es soixante-dix et mĂȘme, dâaprĂšs
certains, pour la premiÚre fois dan les années soixantes (Lévy 1988).
21
Cf. notamment: Jobert (1994); Lanquetin et al. (2000); Lanquetin (1994, 1997, 1998); Laufer (1996,
1998);LĂ©vy (1987, 1988); Mazur (1995).
22
Pour les analyses des priorités politiques des nouveaux mouvements de femmes voir par exemple Jenson
(1989); Picq (1993) et Mazur (1995).
36
sâintĂ©ressaient aux questions de lâemploi. Parmi 530 groupes sondĂ©s, 27 se sont
spĂ©cifiquement identifiĂ©s comme les groupes axĂ©s sur lâemploi. Parmi ces 27 groupes, dix
Ă©taient les commissions femmes au sein des syndicats (Cattaneo et al. 1995: 27).
âRetravaillerâ est la seule association fĂ©ministe que sâoccupe spĂ©cifiquement de la formation
professionnelle. Ses activitĂ©s sâinsĂšrent plus dans une logique dâanimation des programmes
spĂ©cifiques pour les femmes dans lâentreprise que dans une logique de rĂ©flexion sur les
politiques publiques.
Lâunivers des dĂ©bats
La dynamique complexe du sous-systĂšme de formation professionelle rend
lâĂ©tablissement de la liste exhaustive des dĂ©bats de politiques publiques trĂšs difficile. Dâune
part, le processus de transposition des Accord Professionnels en législation fait que les débats
sur les questions spécifiques de la formation professionnelles sont toujours sur un agenda
politique, soit celui des partenaires sociaux soit celui du gouvernement. Dâautre part, il est
presque impossible de décortiquer le traitement de la formation professionnelle de celui de la
politique de lâemploi; ne serait-ce que par le seul fait que les volets concernant la formation
professionnelle sont insĂ©rĂ©s dans les accords, les lois, le plans, etc. sur lâemploi. De mĂȘme, le
consensus Ă©tendu sur les grands axes de la formation professionnelle exclut souvent des
désaccords bien définis. La fragmentation du sous systÚme produit aussi des débats qui se
dĂ©roulent dans les lieux diffĂ©rents et difficilement rĂ©pĂ©rables. Câest ainsi que les dĂ©bats sur
la formation professionnelle ne se dĂ©roulent pas dâune façon linĂ©aire, avec un dĂ©but et une fin
bien dĂ©finis. Plus quâune liste des dĂ©bats, la liste suivante donc prĂ©sente les huits problĂšmes
les plus importants qui ont émergés depuis les origines du systÚme de la formation
professionnelle, au début des années soixante-dix.
1.La formation professionnelle et le développement économique -- Cette question définit la
formation comme un outil de planification Ă©conomique important par le biais des instruments
comme les EDF et les Contrats Ătat-rĂ©gion.
2. La formation professionnelle et le chÎmage -- A partir des années quatre-vingts, la
formation professionnelle est considérée comme une arme clée dans la lutte contre le
chÎmage et dans la lutte en faveur de la réinsertion des publics en difficulté. Les jeunes sont
souvent une cible importante de cette politique.
3. La formation professionnelle et la promotion professionnelle individuelle-- Dans cette
conception du problÚme, la formation est destinée aux salariés qui recherchent une promotion
professionnelle. Câest ici que lâon trouve tout le systĂšme dâĂ©valuation des acquis individuels
et les contrats de formation entre les salariĂ©s et lâentreprise ainsi que lâanimation des congĂ©s
de formation.
4. Le financement de la formation professionnelle-- Ce problĂšme est celui de qui va payer la
note de la formation professionnelle: lâĂtat, le patronat, le salariĂ©, etc.. Lâobligation de lâĂtat
ainsi que celle du patronat ne sont presque jamais mises en question. NĂ©anmoins, les
entreprises arrivent Ă Ă©viter les charges de formation professionnelle par plusieurs moyens.
5. Division territoriale de lâautoritĂ© -- La question soulevĂ©e ici est celle de la responsibilitĂ©
de lâĂtat par rapport Ă la part des rĂ©gions dans la politique de la formation.
37
6. Droits collectifs et négociation paritaire -- Les syndicats et la gauche ont veillé à une
meilleure représentation des droits des salariés dans la négociation collective dans
lâentreprise, par lâintermĂ©diaire des comitĂ©s dâentreprise. La question de leur reprĂ©sentation
dans les Accords Interprofessionnels semble ne pas avoir été soulévée.
7. Formation des jeunes -- Câest une question centrale depuis le dĂ©but du systĂšme
contemporain. Les efforts pour offrir une meilleure formation et une meilleure insertion des
jeunes se sont accentués davantage lorsque le chÎmage des jeunes augmentait.
8. Mesures spĂ©cifiques pour les femmes/ lâĂ©galitĂ© professionnelle -- Cette question est
souvent reléguée aux marges du sous-systÚme de décision de formation professionnelle et
toujours soulĂ©vĂ©e par le rĂ©seau fĂ©ministe dâĂ©galitĂ© professionnelle. Les mesures spĂ©cifiques
pour les femmes sont introduites dans les politiques de la formation professionnelle. Ses
mesures ont pour but tantÎt de mieux insérer un public féminin en difficulté tantÎt de
promouvoir lâĂ©galitĂ© entre les femmes et les hommes au travail.
Ces huit problÚmes ont été traßtés au cours de trentes derniÚres années de maniÚre
variable suivant la période. Pendant les années soixante-dix, avec une croissance économique
prononcée on constate que les plus importantes questions sont les jeunes, la promotion
individuelle et le développement économique. Les jeunes, la lutte contre le chÎmage et la
nĂ©gociation paritaire sont devenus prioritaires au dĂ©but des annĂ©es quatre-vingt avec lâarrivĂ©e
de la gauche au pouvoir et lâaggravation de la crise Ă©conomique. Dans les annĂ©es quatre-
vingt-dix, avec lâalternance droite-gauche et le dĂ©veloppement des hautes technologies, les
questions du chÎmage, du développment économique et de la décentralisation sont plutÎt à la
une. Quelle que soit la période, une problématique de mesures spécifiques pour les femmes et
de lâĂ©galitĂ© professionnelle prend toujours la derniĂšre place sur lâagenda des politiques de
formation professionnelle.
La selĂ©ction des dĂ©bats pour lâĂ©tude
Les cinq débats seléctionnés sont représentatifs de la dynamique complexe du sous-
systĂšme de la formation professionnelle aussi bien que des changements Ă travers les trois
derniÚres décennies.
1. La formation en alternance, la loi de 1980
2. La gestion paritaire, lâavenant de 1982 et la loi Rigout de 1984
3. La contribution patronale au financement, lâaccord interprofessionnel et la loi de 1991
4. Lâinsertion des publics en difficultĂ©s, la loi quiquennale de 1993
5. La formation professionnelle et la décentralisation, la loi quiquennale de 1993
Le débat qui a débouché sur la loi de 1980 montre la façon dont la formation initiale et
la formation continue se chevauchent. Les débats numéros 2 et 3 se déroulent à travers
lâarticulation accord interprofessionel--lĂ©gislation. NumĂ©ros 2 Ă 5 sont reprĂ©sentatifs des
politiques de formation professionnelle qui font partie des politiques de lâemploi. Un dĂ©bat est
seléctionné pour chaque période: la loi de 1980 pour la question de la formation des jeunes
dans les années soixante-dix, la loi Rigout pour les droits paritaires dans les années quatre-
vingts et la loi de 1993 pour, dâabord la question de lâinsertion des publics en difficultĂ©, et
deuxiÚment la décentralisation, toutes les deux soulévées dans les années quatre-vingt-dix.
Etant donnĂ© le peu dâintĂ©rĂȘt accordĂ© Ă la question des mesures spĂ©cifiques pour les femmes,
aucun débat sur ce sujet ne sera étudié.
38
Lâanalyse des dĂ©bats
Les
sources
Etant donné que les débats sur la formation professionnelle ont lieu à huis-clos, une
analyse directe du contenu de ces discussions sâannonce difficile. Il manque des compte-
rendus officielles des négociations collectives, ainsi que ceux des réunions des comités
interministériels. Les articles de presse fournissent donc des pistes importantes pour tracer
lâĂ©volution des dĂ©bats. Les rapports gouvernementaux et parlementaires prĂ©sentent aussi
souvent les sommaires des prises de positions des partenaires sociaux. Pour les débats au sein
des comités intérministeriels pour lesquels des notes étaient souvent classés, les inventaires
des archives de la Délégation de la formation professionnelle et de la Délégation pour
lâemploi ont Ă©tĂ© consultĂ©s auprĂšs de la Mission des Archives Nationales. Suite Ă une
demande de dérogation, les documents sur certains débats ont été consultés. Au moins trois
sources différentes ont donc été utilisées pour reconstruire la trame de ces débats: les dossiers
de presse de lâInstitut dâEtudes Politiques; les dĂ©bats parlementaires et les rapport de la
Commission des Affaires Culturelles et Sociales; les archives du Service des droits des
femmes et de la Délégation de la formation professionnelle; les notes interministériels; les
notes internes de cabinet; les analyses secondaires dans les articles et les livres-- Dubar
(1996); Chanute (1998); CI (1996); Gahéry (1996); et Bouilla (1995); et les entretiens non
directifs avec les acteurs des Services des droits des femmes, de la Délégation de la Formation
Professionnelle et de la Direction de Relations du Travail (cf. lâannexe 3).
DĂ©bat 1: La formation en alternance, la loi de 1980: Marginales/ Non RĂ©ponse
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
-- La loi de 1980 nâĂ©tait pas issue dâun
Accord Interprofessionnel. Son apport principal Ă©tait de mettre au point un systĂšme de
formation et dâinsertion des jeunes sous lâappelation -- formation en alternance (Maintenant
19.3.79). Dans le contexte de la hausse du chĂŽmage des jeunes le gouvernement de Raymond
Barre avait dĂ©jĂ inclus les volets jeunes dans les Pactes Nationaux pour lâEmploi. En 1978, le
gouvernement sâest mis dâaccord pour Ă©laborer un projet de loi sur la formation en alternance
par le MinistĂšre de lâEmploi.
23
Les partenaires ont Ă©tĂ© consultĂ©s la mĂȘme annĂ©e et le projet de
loi a Ă©tĂ© adoptĂ© sans amendement. A lâĂ©cart dâune discussion publique, le seul dĂ©saccord
tournait autour de la question du lieu de formation; les Ă©coles ou les centres de formation
professionnelle (Forum International 21.11.79)
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
--Globalement, les discussions sur la politique
de formation des jeunes nâont pas fait Ă©tat de conditions diffĂ©rentes pour les garçons et les
filles. Le concept âjeunesâ Ă lâĂ©poque renvoyait aux garçons plus quâaux filles. La neutralitĂ©
de ce discours a Ă©tĂ© illustrĂ©e lors dâun colloque sur la formation professionnelle au moment de
la signature de la loi (Colloque Formation 80: Bilan et Propositions). Les questions homme-
femme nâĂ©taient pas soulevĂ©es par les partenaires sociaux et les acteurs du MinistĂ©re de
lâEmploi pendant les consultations sur la loi. La mĂȘme dynamique de la neutralitĂ© sâest
poursuivie au cours des débat parlementaire trÚs brefs. Le rapport parlementaire sur la loi a,
dâune façon trĂšs sommaire, fait quelques remarques genrĂ©es: il a soulignĂ© que les problĂšmes
actuels de formation Ă©taient pire pour les jeunes filles qui nâavaient pas des situations
23
Les articles de presse suivantes ont Ă©tĂ© consultĂ©s: Le Monde, 24.2.79; 28.4.79; LâHumanitĂ© 29.3.79; La Croix
8.6.79.
39
professionnelles aussi developpées que celles des garçons (Perrut 1980: 7). Le rapport a aussi
inclu un tableau avec une articulation sexuée de la participation dans les programmes de
formation professionnelle. Cette façon genrĂ©e de voir les choses nâa pas eu de suites.
ActivitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
-- Malgré cette absence, les
AGF de lâĂ©poque avaient tous indentifiĂ©s le besoin dâune meilleure formation professionnelle
pour les jeunes filles dans lâoptique dâune Ă©galitĂ© plus large pour les femmes (CTF 1976;
Baudoin 1978: Le Journal de la Formation Continue 10.1.80). Pour le noyau dur du réseau
dâĂ©galitĂ© professionnelle, assurĂ© par le ComitĂ© du Travail FĂ©minin, la formation des jeunes
filles était une étape préalable et nécessaire (Lévy 1988). Comme la dynamique plus large
entre les acteurs de lâĂ©galitĂ© professionnelle et ceux de la formation professionnelle, les appels
fĂ©ministes nâavaient pas de suites. Le texte de la loi no. 80-526 du 12 juillet 1980, malgrĂ© les
traces fĂ©ministes dans le rapport Perrut, est restĂ© dans la neutralitĂ© de lâuniversalisme
républicain.
Les facteurs explicatifs
-- La fin des années soixante-dix a été marquée par un fort
déclin des nouveaux mouvements féministes peu interéssés par les questions du travail, à cÎté
dâune augmentation nette des fĂ©ministes de la deuxiĂšme vague au sein des partis politiques et
des syndicats de la gauche. CâĂ©tait par la collaboration entre les alliers fĂ©ministes, sinon les
fĂ©ministes elles-mĂȘme (Ă cette epoque les fĂ©ministes Ă©taient pour la plupart des femmes), Ă
lâintĂ©rieur de ses groupes, des AGF et quelques actrices clĂ©es quâun rĂ©seau dâĂ©galitĂ©
professionnelles a Ă©te montĂ©. Il nây a pas eu de contre-mouvements qui se sont mobilisĂ©s
contre le féminisme organisé pendant cette période.
En ce qui concerne âle milieu de politique publiqueâ, les contours dâun sous-systĂšme
de formation professionnelle bien institutionnalisé, avec une constellation complexe
dâacteurs, mais une fermeture assez pronononcĂ©e se sont vraiment affirmĂ©s Ă la fin des annĂ©es
soixante-dix.
24
La majorité présidentielle en 1978 a basculé du centre-droite libéral du
prĂ©sident ValĂ©ry Giscard dâEstaing Ă la droite gaulliste plus classique. Ce changement dans la
majorité parlementaire a obligé le président à adopter une approche différente pour les
questions des droits des femmes. Tandis que la politique du gouvernement en direction des
femmes en 1974 lors de lâĂ©lection de Giscard Ă la prĂ©sidence, sâest appuyĂ©e sur une approche
libérale des droits des femmes -- liberté des choix des femmes, égalité des chances, etc.-- on
affirme un appui plus conservateur Ă partir de 1978 avec des appels pour un retour au foyer
des femmes et lâaffichage des politiques favorisant une meilleure conciliation entre la vie
familiale et la vie professionnelle -- une loi sur le temps partiel par exemple -- sinon sur les
responsibilitĂ©s familales des femmes tout court. Ce changement sâest aussi dĂ©roulĂ© dans le
contexte de lâenfoncement de la crise Ă©conomique, en particulier une persistance inhabituelle
dâun taux de chĂŽmage Ă©lĂ©vĂ©.
24
DâaprĂšs le cadre analytique de RNGS, il y a trois valeurs diffĂ©rentes qui pouvaient ĂȘtre assignĂ©es ĂĄ la
dynamique du sous-systÚme: ouvert, fermé et modéremment ouvert. Ces valeurs proviennent de la littérature
spĂ©cialisĂ©e sur lâanalyse comparĂ©e des politiques publiques. Dans un sous-systĂ©me ouvert, lâorganisation des
acteurs est floue; il y un manque des régles ou conventions qui régissent les interactions et la composition des
participants qui sâannonce est changeante et fluide. Pour ceux qui sont modĂ©remment fermĂ©s, lâorganisation est
un peu plus définie mais sousceptible aux changements à travers le temps. Les acteurs se groupent autour des
rapports de force un peu plus fixes, souvent en termes dâappartenances aux associations de lâextĂ©rieur du sous -
systÚme mais on y voit toujours des agents indépendants. Dans un sous-systéme fermé, comme celui de la
politique de la formation professionnelle en France, lâorganisation des acteurs est codifiĂ©e par les rĂ©unions
rĂ©guliĂšres ou les rĂ©gles. Les participants sont bien limitĂ©s, dĂ©finis par lâappartenance aux groupes ou aux
structures gouvernementales, sans aucun agents sans rattachement. Les rapports de force sont aussi fixes avec
souvent un seul acteur qui détermine les dynamiques politiques.
40
Le conflit entre lâapproche de lâĂ©galitĂ© des chances et celle qui vise la rĂ©conciliation
de la vie familiale et la vie professionnelle sâest jouĂ© au sein des AGF de lâĂ©poque. Tandis
que le Comité du Travail Féminin, toujours assez autonome des deux autres postes
gouvernementaux, mais tout de mĂȘme muni dâun pouvoir administratif trĂšs limitĂ©, et le
SecrĂ©tariat dâĂtat de lâEmploi FĂ©minin, sous la direction de Nicole Pasquier, une psychologue
de Lyon sans passé politique militant mais connaissant le Premier Ministre Raymond Barre,
ont identifiĂ© leur mission en termes dâĂ©galitĂ© des chances. Le nouveau MinistĂšre dĂ©leguĂ© Ă la
condition féminine et à la famille, sous Monique Pelleitier une proche de Giscard, a poursuivi
une politique nettement rĂ©conciliatrice au dĂ©triment dâun avancement de lâĂ©galitĂ© des chances.
Certes le rĂ©seau fĂ©ministe dâĂ©galitĂ© professionnelle a cherchĂ© Ă promovoir la rĂ©conciliation
professionnelle-familiale pour les femmes, mais celle-ci, pour les féministes membres de tous
les bords, ne devraient pas se faire sans affichage net et poursuite efficace de lâĂ©galitĂ© des
chances. Câest ainsi que dans une situation de confusion administrative que lâon a pu
constater que lâAGF la plus puissante Ă©tait aussi la plus Ă©loignĂ©e de lâanalyse fĂ©ministe menĂ©e
dans une optique de lâĂ©galitĂ© homme-femme. Les liens politiques entre Monique Pelletier et
le PrĂ©sident ainsi que lâautoritĂ© dâun portefeuille proprement ministĂ©riel ont certainement
aussi favorisĂ© lâapproche rĂ©conciliatrice par rapport Ă lâapproche Ă©galitaire au sein de lâĂtat.
DĂ©bat 2: La gestion paritaire, lâavenant de 1982 et la loi Rigout de 1984: Marginales/
Devancement
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
-- La loi de 1984, introduit par le Ministre
communiste de la formation professionnelle, Marcel Rigout, a transposé un Avenant de 1982
en lĂ©gislation. La loi Rigout (no. 84-130 du 24 fĂ©vrier) sâest attachĂ©e Ă reformer le systĂšme
de formation professionnelle. Le Titre II de la loi traite des responsabilités du patronat et des
syndicats dans lâĂ©laboration des projets de formation professionnelle dans lâentreprise
(Journal Officiel, p. 686). Les dĂ©bats qui ont dĂ©bouchĂ© sur lâAvenant et la loi tournaient
autour des demandes pour un accroissement de la représentation des salariées, par le biais des
syndicats, et la mise en place des projets de formation par le patronat. Une meilleure
reprĂ©sentation des salariĂ©es au sein de lâentreprise a Ă©tĂ© une revendication importante de la
CFDT et de la CGT tout au long des années soixante-dix. Les loix Auroux de 1983, adoptées
par un gouvernement de gauche assez proche des syndicats, ont constitué une tentative pour
concrĂ©tiser ces revendications. Ces lois ont renforcĂ© le dispositif paritaire dans lâentreprise en
sâappuyant sur le comitĂ© dâentreprise. Le Titre II de La loi Rigout a plus ou moins fait
appliquer les principes des lois Auroux Ă lâĂ©gard des actions sur la formation professionnelle.
Les syndicats de gauche ainsi que le PCF et le PS ont avancé le constat que la raison la plus
importante pour laquelle la formation professionnelle Ă©tait en panne Ă©tait un manque de
participation des salariées dans la mise au point de la formation dans chaque entreprise. Ce
nâĂ©tait que par lâintermĂ©diaire des ComitĂ©s dâentreprise et âla dĂ©mocratie autogestionnaireâ
que ces acteurs ont envisagĂ© une amĂ©lioration de lâefficacitĂ© de la formation professionnelle.
Une amélioration qui était souvent exprimée en termes de promotion individuelle plutÎt que
dâinsertion des publics en difficultĂ©.
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
--Les articles de presse ainsi que le rapport
parlementaire sur lâAvenant et la loi Rigout nâont prĂ©sentĂ© aucune trace de lâintroduction des
idées homme-femme dans les négociations collectives ou les discussions publiques qui les
41
entouraient.
25
Ni les salariĂ©es ni la reprĂ©sentation de leurs intĂ©rĂȘts nâont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s dans
une optique homme-femme par les partenaires sociaux, par les parlementaires ou par les
représentants du gouvernement. Un tel oubli sur les questions homme-femme a existé malgré
la nomination dâune dĂ©lĂ©guĂ©e Ă la formation des femmes par le ministre Rigout (lâHumanitĂ©
2.1.82) et la prĂ©sentation des analyses genrĂ©es de la gestion paritaire dans dâautres arĂšnes,
surtout par la CFDT (Syndicalisme 10.20.83 et CFDT 1979) et par le PS (PS 1981).
Le rĂ©seau dâĂ©galitĂ© professionnelle, Ă son sommet dâactivitĂ©, avec lâappui dâun
ministÚre des droits des femmes de gauche qui se voulait féministe, avançait, depuis la fin des
annĂ©es soixante-dix, que les comitĂ©s dâentreprise avaient un rĂŽle important Ă jouer dans
lâarticulation sexuĂ©e des problĂšmes dans lâentreprise ainsi que dans la mise au point dâun
dispositif de formation pour les femmes menant à une égalité professionnelle véritable. Ce
groupement des acteurs fĂ©ministes sâest appuyĂ© sur la centralitĂ© des comitĂ©s dâentreprise dans
lâĂ©laboration de formation professionnelle dans les discussions sur les lois Auroux aussi bien
que sur la loi sur lâĂ©galitĂ© professionnelle. Le MDF a mĂȘme integrĂ© dans son programme sur
la formation professionnelle de 1983 les modalitĂ©s prĂ©cises des comitĂ©s dâentreprise dans la
formation professionnelle (Programme National de Formation Professionelle: Projet du
Ministre des Droits de la Femme pour 1984, communiqué du MDF 11.21.83). Or, aucune
actrice fĂ©ministe ne sâest mobilisĂ©e au cours des nĂ©gociations collectives qui ont fait naĂźtre
lâavenant de 1982 ou au cours de lâĂ©laboration de la loi Rigout.
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes--
Cette curieuse
absence peut sâexpliquer par les efforts rĂ©alisĂ©s de ce rĂ©seau dans lâĂ©laboration de la loi sur
lâĂ©galitĂ© professionnelle en 1982-1983. En tout Ă©tat de cause, on voit ni trace des idĂ©es
fĂ©ministes ni des fĂ©ministes elle-mĂȘmes dans lâĂ©laboration spĂ©cifique de lâAvenant ou de la
loi Rigout. Autre fait singulier, malgrĂ© ces oublis dans lâavant-processus, la loi Rigout
contient une clause genrĂ©e. Lâarticle 31.1.2 dans le titre II de la loi affirme que les
Engagements de dĂ©veloppement de la formation professionnelle, lâoutil pour la planification
de formation professionnelle au sein de lâentreprise ainsi que les nouvelles rĂšgles pour les
comitĂ©s dâentreprise doit dĂ©sormais prendre en compte âle principe de lâĂ©galitĂ©
professionnelle entre les hommes et les femmes.â Le fait que lâon a pas vu lâinclusion dâune
telle clause de lâĂ©galitĂ© professionnelle dans lâavenant et quâil nây avait aucune discussion de
ces principes lors des dĂ©bats parlementaires indique quâil est fort possible que la clause ait Ă©tĂ©
introduite au dernier moment par la voie des relations individuelles au sein du gouvernement.
Yvette Roudy avait sans doute un certain appui auprĂšs du PrĂ©sident Mitterrand Ă lâĂ©poque.
LâĂ©tendue de cette clause est aussi mise en cause par le suivi limitĂ© de lâĂ©galitĂ©
professionnelle dans lâentreprise, dĂ©jĂ constatĂ© dans ce chapitre, depuis lâadoption des loix
Auroux, Roudy et Rigout.
Les facteurs explicatifs
-- Les activités marginales des AGF et le devancement des
mouvements féministes dans ce débat se situent dans un contexte politique et social assez
diffĂ©rent du premier dĂ©bat. Les membres du rĂ©seau fĂ©ministe de lâĂ©galitĂ© professionnelle,
surtout dans la CFDT et le PS, ont reçu un soutien accentué de leurs groupes au début des
annĂ©es soxiante-dix. Cet appui Ă©tait renforcĂ© par lâinstitutionnalisation du fĂ©minisme dâĂtat
autour dâun seul ministĂšre avec une augmentation des moyens et des compĂ©tences et ses
propres services administratifs et comités consultatifs. Le féminisme organisé, en dehors du
fĂ©minisme dâĂat, continuait sa chute. En 1985, pour la premiĂšre fois il y a eu lâexpression
25
Pour ses articles de presse sur la loi cf.: Le Figaro 14.4.83; Le Monde 10.3.79, 3.11.82, 4.14.82, 4.15.83,
2.10.83 ; La Croix 9.3.79; Le Matin 7.1.80; Rapport parlementaire no. 1734 et sur lâavenant cf.: RĂ©volution
12.3.83; La Croix 9.9.82; et Le Monde 7.1.82.
42
publique dâun certain anti-fĂ©minisme par un collectif anonyme de sociologues (Dirn et Stoclet
citĂ© dans Maruani 1985). Leur thĂšse principale: lâentrĂ©e des femmes sur le marchĂ© du travail
était nocive pour la famille. Comme toutes les théses anti-féministes en France, ces
arguments nâont pas eu une audience importante.
Bien que le renforcement des AGF dans les années quatre-vingts était dû, pour une
large part à une majorité présidentielle de gauche des communistes et des socialistes, le sous-
systĂšme de formation professionnelle a continuĂ© sa trajectoire dâinstitutionnalisation sur une
toile de fond de lâuniversalisme rĂ©publicain. LâarrivĂ©e de la gauche au pouvoir en 1981 a
accru lâinfluence des syndicats au sein du sous-systĂšme.
DĂ©bat 3:
La contribution patronale au financement, lâaccord interprofessionnel et la loi
de 1991: Marginales/ Non RĂ©ponse
Lâ Ă©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
--Lors du vingtiĂšme anniversaire de la
premiĂšre loi fondatrice de la formation professionnelle, le ministĂšre socialiste de la formation
professionnelle a prĂ©vu âun toilettage technique des dispositions de la loi de 1971 (La Tribune
de lâExpress 5.7.1990).â Cette dĂ©cision ministĂ©rielle a amenĂ© les partenaires sociaux Ă
entamer de nouvelles nĂ©gociations. LâAccord Interprofessionnel du juillet 1991 a Ă©tĂ© signĂ©
par tous les partenaires sociaux, à part la CGT, à la suite de longues discussions (cité dans
Travail Social Actualités.7.12.91. no. 370: 5-6). Le Ministre des Affaires Sociales, Martine
Aubry, a prĂ©sentĂ© le projet de loi sur lâaccord quatre mois plus tard. Câest ainsi que le
contenu de lâAccord a Ă©tĂ© ratifiĂ© par le parlement en dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e (JO
1.4.1992, 178.) Titre III de la loi no. 91-1405 du 31 décembre visait le rÎle des employeurs
dans lâamĂ©lioration de formation professionnelle, comprenant la contribution patronale (JO,
1.4.1992: 168-178). La loi a suivi la lettre de lâAccord concernant le niveau de la contribution
patronale: une augmentation à 1,5% pour les entreprises de plus de 10 salariés.
La question de la contribution patronale a fait lâobjet dâun certain dĂ©saccord au dĂ©but des
nĂ©gociations. Le patronat a proposĂ© âun co-investissement du salariĂ©â, mais les sydicats nâont
pas accepté.
26
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat--
Les négociations collectives sur la
contribution patronale nâont pas Ă©tĂ© genrĂ©es. Dans tous les comptes rendus de presse, aucune
mention des problĂšmes homme-femme nâest faite. Bien que le rĂ©seau âĂ©galitĂ©
professionnelleâ se soit beaucoup intĂ©ressĂ© Ă une obligation patronale concernant les mesures
sur lâĂ©galitĂ© des femmes dans lâentreprise -- les rapports annuels sur la position des hommes
et des femmes et les plans et les contrats pour lâĂ©galitĂ© professionnelle-- une telle poursuite de
lâĂ©galitĂ© des chances nâa jamais Ă©tĂ© exprimĂ©e avec la contribution patronale.
ActivitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
--A partir de lâabsence des
prises genrées dans les débats ainsi que le manque de revendications des acteurs féministes
concernĂ©s par lâĂ©galitĂ©, ni lâAccord, ni la loi nâa contenu des mesures axĂ©es sur une rĂ©flexion
homme-femme. A part la prĂ©sence de la ministre, Martine Aubry, il nây avait pas une
participation marquée des femmes dans les débats. Comme dans les deux débats précédents,
26
Les articles de presse suivants Ă©tait consultĂ©s pour les dĂ©bats sur lâAccord: La Tribune de lâExpansion
10.22.90, 9.18.90,7.4.91 La Croix 7.4.91; Libération 4.7.91; Le Monde 7.4.91; Les Echos 7.2.91,7.4.91, Le
Quotidien 7.3.91,7.4.91; Le Monde 26.4.91;5.30.91; Le Figaro 2.5.91, 3.27.91. Pour les débats parlementaires,
LâHumanitĂ© 7.3.91; Le Monde 3.10.91.
43
les AGF ont bel et bien soutenu les positions fĂ©ministes, mais une telle approche nâa jamais
vu le jour dans le courant des discussions.
Les facteurs explicatifs
--A la fin des années quatre-vingt et au début des années
quatre-vingt-dix, le rĂ©seau fĂ©ministe dâĂ©galitĂ© professionnelle a connu un certain
essouflement. Dâune part les nouvelles mesures pour lâĂ©galitĂ© professionelle nâavaient
toujours pas dâaudience auprĂšs des partenaires sociaux. Dâautre part, la position des femmes
sur le marchĂ© du travail ne sâĂ©tait pas amĂ©liorĂ©e. On a assistĂ© Ă une augmentation importante
de la précarité des femmes sur le marché du travail tout le long des années quatre-vingts. Les
associations et les mouvements de femmes nâont pas pu apportĂ© un nouvel Ă©lan. Une
nouvelle association fĂ©ministe, âLâassociation europĂ©enne contre les violences faites aux
femmes au travailâ (AVFT), sâest attachĂ©e au traitement du problĂšme du harcĂšlement sexuel
au travail. Un nouveau mouvement pour la parité homme-femme a aussi pris forme pendant
ces annĂ©es. Ni lâun ni lâautre ne se sont directement intĂ©ressĂ©s Ă la politique de lâĂ©galitĂ©
professionnelle ou de la formation.
Malgré un président et une majorité parlementaire de gauche, avec une certaine
ouverture vers le centre, les AGF sont entrées dans une période incertaine. Le premier
gouvernement Rocard a exclu un poste ministériel à part entiÚre. MichÚle André, la
SecrĂ©taire dâĂtat aux droits des femmes, nommĂ©e Ă la suite des protestations fĂ©ministes sur ce
manque, ne sâest pas vĂ©ritablement interĂ©ssĂ©e au suivi du dossier concernant lâĂ©galitĂ©
professionnelle. La nouvelle secrĂ©taire dâĂtat nommĂ©e en 1991, VĂ©ronique Neiertz, sâest
attachĂ©e Ă lâĂ©laboration dâun projet de loi sur le harcĂšlement sexuel. Cependant, les services
adminstratifs des droits des femmes aux niveaux national et territorial ont fait lâobjet dâune
rĂ©gularisation importante concernant leur statut. Cette institutionnalisation sâest dĂ©roulĂ©e dans
une réduction progressive des moyens budgétaires directs pour les AGF. La part des acteurs
du secteur privĂ© sâest accrue dans le sous systĂšme de formation professionnelle sans renverser
le manque dâintĂ©rĂȘt pour les programmes dâĂ©galitĂ© professionnelle dans lâentreprise. Ce
manque persistant sâest affichĂ© par le nombre infĂ©rieur de plans dâĂ©galitĂ© professionnelle en
1991. Trente entreprises ont conclu les contrats, portant en tout sur 4000 salariées (Toutain
1992).
DĂ©bat 4:
Lâinsertion des publics en difficultĂ©, la loi quinquennale de 1993: Marginales/
Non RĂ©ponse
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
-- La loi quinquennale de 1993 est
considérée comme une politique cadre pour le systÚme de formation professionnelle en
France (Dubar 1995; Bouilla 1995; et CI 1995). La loi sâest adressĂ©e aux faiblesses du
systĂšme de formation afin dâeffectuer une meilleure rĂ©insertion des chĂŽmeurs de longue durĂ©e
ainsi que des publics en difficulté (Titre I, Chapitre II de la loi du 20 décembre 1993). Une
décentralisation importante de la formation des jeunes a aussi été réalisée par cette loi (Titre
III, Chapitre I). En ce qui concerne la rĂ©insertion, la loi quinquennale sâest attachĂ©e Ă
rationaliser â... le dispositif de formation et dâinsertionâ. La simplification souhaitĂ©e sâest
principalement traduite par la fusion de plusieurs stages en unique formule: le stage
dâinsertion et de formation Ă lâemploi (SIFE) (INFFO 1996: 22).
La loi de 1993 nâa pas Ă©tĂ© prĂ©cedĂ©e par un Accord Interprofessionnel. CâĂ©tait un
nouveau gouvernement de droite, sous Edouard Balladur, qui lâa proposĂ©e. Le projet de loi a
été élaboré par le gouvernement pendant les mois de juin et de juillet, voté par le Conseil des
44
ministres en septembre, et adopté par le parlement en décembre.
27
La loi a été précédée par
une discussion restreinte sans amendement important. La consultation des partenaires sociaux
a aussi été trÚs limitée. Le mécontement des syndicats face à une véritable absence de
consultation a été clairement exprimé dans le rapport pour la Commission des Affaires
Culturelles de lâAssemblĂ©e Nationale (Rapport no. 547: 26-30). Cependant, la vitesse avec
laquelle la loi a été élaborée et adoptée montrait un certain consensus autour des réformes
proposĂ©es sinon lâabsence dâopposition importante. La question centrale de la loi,
lâamĂ©lioration des programmes de rĂ©insertion, faisait partie de lâagenda politique de la gauche
et de la droite depuis le milieu des années quatre-vingts (Dubar 1996). Toute une série de
mesures, dâaccords interprofessionnels et de lois avaient dĂ©jĂ dĂ©fini la formation
professionnelle comme un moyen clé dans la lutte contre le chÎmage sous toutes ses formes.
CâĂ©tait sous le gouvernement Rocard que les SIFE avaient vu le jour en 1992 (Notes de
cabinet de la Délégation de formation professionnelle).
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
--Selon les acteurs des AGF de lâĂ©poque, les
représentants du service administratif des droits des femmes ont beau introduire sans succÚs
des questions homme-femme dans les discussions sur le projet de loi. Lâanalyse des
discussions auprÚs du gouvernement ainsi que des débats parlementaires le montre. Cette
résistance à un axe homme-femme se situe dans le cadre des décisions prises par les
gouvernements de gauche et de droite au cours de 1992/1993 de supprimer les mesures
spécifiques en formation professionnelle en direction des femmes (MES 1999: chapitre 3).
28
Une dĂ©cision qui Ă©tait contre les consignes des AGF. On a mĂȘme Ă©voquĂ© le nom du
âmainstreamingâ europĂ©en pour justifier une telle suppression. Or, lors des nĂ©gociations sur le
DOCUP, le document qui gĂšre la mise en place de lâobjectif 2 sur lâĂ©galitĂ© des chance dans le
Fonds Social EuropĂ©en, lâĂ©quipe du ministĂšre du travail avait rejetĂ© une approche homme-
femme. Ce rejet sâest annoncĂ© malgrĂ© lâinsistance du SecrĂ©tariat dâĂtat des droits des femmes
sur la nécessité de suivre les directives européennes sur le mainstreaming qui exigeaient une
considĂ©ration genrĂ©e dans les politiques de formation. Comme lâaffirme une Ă©valuation de
lâĂ©laboration du DOCUP de 1992, la position ferme des acteurs en dehors des AGF Ă©taient
que âla mĂȘme Ă©galitĂ© des chance sera appliquĂ©e entre les personnes quelque soit leur origine
ou leur appartenance culturelle (MES 1999:25). Autrement dit une vision universaliste.
ActivitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
--Les résultats des
négociations closes sur le DOCUP se sont clairement exprimés dans le texte final de la loi de
1993. Aucune rĂ©fĂ©rence spĂ©cifique aux femmes ou rapports sociaux de sexe nâa Ă©tĂ© faite.
Comme dans les autres débats examinés une approche genrée, élaborée toujours par les
acteurs fĂ©ministes des AGF et le rĂ©seau âĂ©galitĂ© professionnelleâ, ne sâĂ©tait pas traduite par
une représentation directe ou indirecte des femmes. Or, à la différence des débats précédents,
les acteurs de formation professionnelle ont exprimĂ© le refus dâun axe genrĂ© dâune façon
officielle lors de lâĂ©laboration du DOCUP.
27
Pour la chronologie des ces travaux cf. MES (1999:27) et le texte de la loi no. 93-1313 publié ( JO, pps
17785-17786). Les articles de presse suivants ont été aussi consultés: Le Monde 6.17.93, 7.11-12.93,22.9.93,
3.11.93
.
28
Depuis les années quatre-vingts, les AGF ont pu mettre en place des mesures spécifiques dans le programme
de lutte contre le chĂŽmage des femmes par les fonds dâincitation Ă la formation des femmes (la circulaire
DE/DFP 91/10 du 1 mars 1991; la circulaire SDF no. 93 du 16 mars 1993; la circulaire DE/DFP 92/33 et SDF
92/14 du 17 aoĂ»t 1992). Le service dĂ©concentrĂ© des droits des femmes Ă©tait chargĂ© de lâapplication des ces
mesures. En 1992, des crédits de 6 millions de francs y était consacrés (Libération 5.3.92)
45
Les
facteurs
explicatifs
-- Les AGF et surtout les services administratifs des droits des
femmes ont pris un rĂŽle de plus en plus grand dans lâanimation du rĂ©seau fĂ©ministe dâĂ©galitĂ©
professionnelle. Les rĂ©unions du Conseil SupĂ©rieur pour lâEgalitĂ© Professionnelle, de moins
en moins frĂ©quentes, ont vu une assistance peu enthousiaste. LâĂ©limination dâun poste
ministériel pour les droits des femmes en 1993 par le nouveau gouvernement de droite a
signalĂ© davantage la mise en cause de la politique de lâĂ©galitĂ© professionnelle ainsi que des
structures assurant son application. Les femmes ont continué de se mobiliser autour des
questions de la parité et du harcÚlement sexuel dans les lieux de travail. Une mobilisation qui
ne sâapprochait guĂšre du niveau des mouvements de femmes des les annĂ©es soixante-dix.
Etant donné que les gouvernements de gauche avaient mis en marche le rejet officiel
dâune approche genrĂ©e Ă la formation professionnelle et que le sort des AGF Ă©tait dĂ©jĂ mis en
question avant les Ă©lections de 1993, on ne peut pas dire que lâarrivĂ©e de la droite au pouvoir
a beaucoup changé cette dynamique. Cependant, les représentants des AGF, ont vu la
supression du secrĂ©tariat dâĂtat comme une atteinte importante Ă une politique efficace des
droits des femmes. Le sous-systĂšme de formation professionnelle nâa pas vu de tels
changements sous le nouveau gouvernement Balladur. Les acteurs de formation
professionnelle ont suivi la mĂȘme ligne de rĂ©sistance quant Ă une approche genrĂ©e dans la
formation professionnelle tant sous le gouvernement dâEdouard Balladur que sous celui de
Pierre Bérégovoy.
Débat 5: La formation professionnelle et la décentralisation, la loi quinquennale de
1993: Marginales/ Non RĂ©ponse
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
--Titre III de la loi de 1993 a mise en place
un transfert de lâautoritĂ© de lâEtat aux rĂ©gions dans la formation des jeunes. Comme le texte
de loi affirme, âA lâissue dâune pĂ©riode de cinq ans ... la rĂ©gion aura compĂ©tence pour
lâensemble de la formation professionnelle continue en faveur de jeunes de moins de 26 ans
(JO: 17779).â Les contrat Ătat-rĂ©gion par le volet emploi serait lâinstrument principal de la
planification régionale en direction de la formation des jeunes ainsi que le COREF. Etant
donné que les régions avaient revendiqué les compétences pour la formation initiale aussi
bien que continue pour les jeunes, beaucoup dâobservateurs ont considĂ©rĂ© cette rĂ©forme
comme un compromis (Le Monde 9.22.92 et 2.11.93). Depuis, la décentralisation a été mise
sur lâagenda politique, lâĂtat affichait une certaine rĂ©ticence Ă abandonner ses compĂ©tences
sur la formation professionnelle. Depuis 1994, la part de lâĂtat dans le budget global de
formation professionnelle sâest accrue atteignant un taux plus Ă©lĂ©vĂ© que celui des rĂ©gions.
Aucune dĂ©centralisation de lâAFPA nâa Ă©tĂ© envisagĂ©e non plus (Le Monde 3.11.93).
Bien que les rĂ©gions aient revendiquĂ© une dĂ©centralisation de la formation, ce nâest
quâen 1993 que quelques prĂ©sidents du Conseils rĂ©gionaux de lâUDF lâont exigĂ© en forme de
proposition de loi. Le gouvernement de droite a refusĂ© la demande dâun projet de loi Ă part,
mais sâest mis dâaccord pour inclure un article dans le projet de loi quinquennale.
ImmĂ©diatement, une commission fut Ă©tablie afin dâĂ©tudier le problĂšme sous la prĂ©sidence du
MinistĂšre du Travail qui Ă©tait aussi le prĂ©sident du Conseil rĂ©gional de lâIle-de-France. La
commission a présenté le rapport Cambon qui a transmis la demande principale des régions
pour un transfert des compétences de la formation initiale et continue.
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
-- Les discussions qui se sont déroulées autour
du transfert des compĂ©tence aux rĂ©gions nâĂ©taient pas du tout genrĂ©s. Ni les reprĂ©sentants des
rĂ©gions et le rapport sur la question, ni les acteurs de lâĂtat ont fait mention des questions
46
homme-femme. Cette absence est attestée par le rapport et les débats parlementaires sur la loi
(Rapport de la Commission des Affaires Culturelles de lâAssemblĂ©e Nationale no. 547).
Bien que le niveau régional apparaisse comme un lieu important dans la mise en place des
mesures spécifiques par les Déléguées régionales des droits des femmes, ni les AGF, ni aucun
autre acteur fĂ©ministe nâont jamais revendiquĂ© un volet âfemmesâ dans la dĂ©centralisation de
la formation professionnelle en cours.
ActivitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
-- Comme pour les autres
dĂ©bats examinĂ©s, aucune trace de prise homme-femme nâapparaĂźt dans les sections de la loi
quinquennale sur la décentralisation.
Les facteurs explicatifs
--Voir la discussion du débat précédent.
Conclusion
Lâanalyse de ces cinqs dĂ©bats a montrĂ© une continuitĂ© nette dans lâinfluence limitĂ©e
des AGF dans la politique de la formation professionnelle. Tandis quâil est certain que le
rĂ©seau fĂ©ministe dâĂ©galitĂ© professionnelle, en dehors du sous-systĂšme de formation
professionnelle dĂ©jĂ en place, a connu des succĂšs dans le domaine de la politique de lâĂ©galitĂ©
professionnelle, elles ne se sont pas traduites dans les politiques de formation professionnelle,
Ă lâexception la loi Rigout. NĂ©anmoins, le dĂ©veloppement des mesures spĂ©cifiques pour les
femmes en formation professionnelle est porteur dâefforts considĂ©rables des AGF, en
collaboration avec le rĂ©seau fĂ©ministe. Bien quâaucun des dĂ©bats nâait Ă©tĂ© genrĂ©, lâanalyse a
montrĂ© le rĂŽle fondamental des AGF dans lâarticulation dâune problĂ©matique homme-femme
dans ce domaine.
La similarité des dynamiques politiques des cinq débats est due à la résistance du
sous-systÚme de formation professionnelle aux idées féministes et notamment à son approche
universaliste. Une résistance qui a persisté sans interruption pendant trente ans, sous les
gouvernements de gauche aussi bien que de droite, lors des moments de mobilisation des
femmes assez importants et face Ă une montĂ©e du rĂ©seau fĂ©ministe dâĂ©galitĂ© professionnelle.
LâĂ©tendue des idĂ©es universalistes et lâopposition Ă une approche genrĂ©e ont clairement
émergé quand les acteurs de la formation professionnelle, sous un gouvernement de gauche,
ont pris la dĂ©cision dâexclure une optique genrĂ©e dans le DOCUP de 1993 pour le FSE. Une
décision, il faut signaler, qui amenait à une réduction des financements provenant du FSE
dans le cadre de lâĂ©galitĂ© de chance. Câest ainsi quâun rattachement Ă lâuniversalisme ne se
définit pas forcément par un esprit logique ou rationnel.
La thĂ©se habituelle dâun fĂ©minisme organisĂ© mais faible en France est mise en
question par lâanayse de ces dĂ©bats. Certes, une bonne part des mouvements de femmes ne
sâest pas intĂ©rĂ©ssĂ© aux questions de lâemploi. Mais, on a pu constatĂ© que la force du rĂ©seau
dâĂ©galitĂ© professionnelle Ă©tait due Ă lâappui du fĂ©minisme organisĂ© au sein des partis
politiques et des syndicats à la fin des années soixante-dix. La seule réussite féministe dans
les cinq dĂ©bats en 1984 est apparue lors de lâapogĂ©e de ce rĂ©seau. Cependant, les AGF se
sont trouvés de plus en plus seuls à promouvoir un agenda féministe à partir de la fin des
années quatre-vingts.
La politique du gouvernement actuel depuis 1997 soulĂšve clairement la question de la
durĂ©e du rĂ©fĂ©rentiel rĂ©publicain. Lâinclusion du principe de la paritĂ© homme-femme dans la
Constitution exclut tout rejet juridique Ă©ventuel dâune problĂ©matique genrĂ©e, comme la
47
décision du Conseil Constitutionnel en 1982. La négociation du nouveau DOCUP en 1997 a
menĂ© Ă un affichage officiel du âmainstreamingâ dans une optique genrĂ©e. En outre, le
gouvernement Jospin semble poursuivre une application des politiques de lâEurope Sociale en
France sans prĂ©cĂ©dent. Un sĂ©minaire de la DATAR sur âla mise en oeuvre du principe
dâĂ©galitĂ© des chances entre les hommes et les femmesâ en fĂ©vrier 1999 montre que le modĂšle
europĂ©en dâune Ă©galitĂ© genrĂ©e peut atteindre mĂȘme les plus hauts niveaux de lâĂtat.
Un renouvellement de la politique de lâĂ©galitĂ© professionnelle par le projet de loi en
cours suggĂšre aussi un intĂ©rĂȘt agrandissant pour un rĂ©fĂ©rentiel genrĂ©. Ce rĂ©fĂ©rentiel apparaĂźt
aussi au niveau rĂ©gional dans les nĂ©gociations actuelles sur les Contrats Ătat-RĂ©gion. Dans au
moins un Contrat, on voit lâintroduction des clauses sur lâĂ©galitĂ© homme-femme dans le
prĂ©ambule, Ă lâinstar de la DĂ©lĂ©guĂ©e rĂ©gionale des droits des femmes. Certes, le rĂ©fĂ©rentiel
sâopĂšre toujours sur le terrain. Mais, ces actions symboliques constituent les Ă©tapes prĂ©ables
et necĂ©ssaires pour changer le rĂ©fĂ©rentiel de lâuniversalisme rĂ©publicain.
Lâanalyse de ces cinq dĂ©bats, ainsi que les dĂ©veloppements politiques en cours,
indiquent que les AGF seuls ne peuvent pas rendre les démocraties plus démocratiques. Dans
le cas de la formation professionnelle, ils ont besoin de soutien du haut et du bas pour faire
avancer les idĂ©es qui mettent en cause les valeurs fondatrices mĂȘme de la dĂ©mocratie
française. Autrement dit, le rĂ©fĂ©rentiel universaliste, ne peut ĂȘtre changĂ© que par lâappui de
lâhiĂ©rarchie de lâĂtat et une valorisation approfondie auprĂšs des instances intermĂ©diaires
censĂ©es reprĂ©senter les intĂ©rĂȘts divers des français et des françaises.
48
Chapitre 3: La représentation politique: la difficile remise en cause de la neutralité sexuelle du
citoyen
par Claudie Baudino
______________________________________________________________________
Au cours des débats sur la représentation politique, les AGF ont eu des activités
extrĂȘmement diverses puisqu'elles peuvent ĂȘtre classĂ©es de symboliques Ă alliĂ©es.
ParallÚlement alors que la représentation politique ne constituait pas un enjeu pour les
féministes à la fin des années soixante-dix, elle a progressivement atteint le sommet de leur
agenda. Bien plus, ce dossier a constitué depuis le début des années quatre-vingt-dix une
source de consensus indéniable au sein d'un mouvement traditionnellement divisé. Les vingts
années qui viennent de s'écouler ont été déterminantes pour la formulation de ce débat et ce,
d'autant plus que son enjeu dépasse la question de la représentation des femmes dans les
assemblées politiques.
ActivitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
______________________________________________________________________
AAGF IMF
1.Les quotas censurés par le Conseil Constitutionnel en 1982
Symboliques Devancement
2.Lâintroduction de la reprĂ©sentation proportionnelle aux lĂ©gislatives 1986
Symboliques Non réponse
3. Le débat sur la parité I 1995 Marginales Réponse double
4. Le débat sur la parité II 1999/2000 Alliés Récupération
______________________________________________________________________
Le contexte
La définition de la représentation politique
Le principe de "l'Ă©gal accĂšs des femmes et des hommes aux mandats Ă©lectoraux et aux
fonctions électives" a, depuis le 8 juillet 1999, pris une valeur constitutionnelle. Cette réforme
dite paritaire a suscité un large consensus pourtant, son évaluation demeure trÚs controversée.
Le gouvernement insiste sur les changements majeurs qu'elle devrait introduire dans la vie
politique française et la place bien évidemment à son actif ; mais, pour les nombreux groupes
49
et associations fĂ©ministes qui ont ĆuvrĂ© pendant plus de dix ans Ă sa concrĂ©tisation, les textes
adoptés sont bien en-deçà de leurs espérances et le ton est plutÎt à la déception
29
.
Aujourd'hui comme hier, de façon paradoxale, les mesures en faveur de l'accÚs des
femmes au politique suscitent tout Ă la fois consensus et vive controverse. Il y a consensus
depuis longtemps sur le constat de la regrettable et indéniable absence des femmes de la vie
politique et depuis peu sur la nécessité d'agir ; il y a, par contre, controverse sur les moyens
d'agir.
Quel que soit leur objectif, les nombreuses contributions au débat sur la parité ont
systĂ©matiquement Ă©grĂ©nĂ© les mĂȘmes dates et les mĂȘmes chiffres aboutissant Ă un double
constat peu susceptible d'ĂȘtre contestĂ©: non seulement les Françaises ont Ă©tĂ© parmi les
derniÚres ressortissantes des démocraties occidentales à accéder à la citoyenneté politique
mais leur proportion dans les différentes assemblées est demeurée pour ainsi dire résiduelle.
La qualité d'électrice allant de pair avec celle d'éligible, il a longtemps été admis que
les femmes avaient conquis l'égalité politique avec l'ordonnance de 1944 et que le temps ferait
le reste. Ainsi, leur relative absence de la vie politique a d'abord été formulée en terme de
retard. Aujourd'hui, cette thĂšse est de moins en moins souvent dĂ©fendue puisque mĂȘme les
plus hostiles à la parité se prononcent en faveur de mesures volontaristes à l'intérieur des
partis politiques. Mais il est clair qu'elle a prévalu pendant de nombreuses années. Cette
longévité, elle la doit sans doute pour une bonne part au fait que le mouvement féministe
français ne s'est pas emparé immédiatement de la question de l'accÚs des femmes au politique.
D'abord caractĂ©risĂ© par sa dĂ©fiance Ă l'Ă©gard de l'appareil d'Ătat et des partis politiques
traditionnels, le féminisme français s'est construit en marge du systÚme politique. Traversé par
de nombreux débats sur l'adhésion au réformisme, il n'est pas surprenant que ce mouvement
n'ait pas fait de l'accĂšs des femmes aux fonctions Ă©lectives et aux mandats Ă©lectoraux une
revendication prioritaire. Ainsi, ce n'est qu'à partir du milieu des années quatre-vingts que les
féministes ont pris conscience de l'enjeu que représentait l'accÚs au politique. Et ce, aprÚs
avoir pris acte de l'incapacité du scrutin proportionnel à pallier l'absence de mesures de
discriminations positives, un dispositif auquel les institutions républicaines s'étaient opposées
avec virulence. La période récente a été marquée par le ralliement de l'ensemble des groupes
et organisations féministes au mot d'ordre paritaire.
La question des moyens de l'accÚs des femmes au politique n'a pas divisé le milieu
militant, acquis pour l'essentiel à la réforme paritaire ; par contre, le paysage politique français
a été traversé par un profond clivage opposant défenseurs et détracteurs de la parité, un
clivage qui n'a pas épousé la division droite/gauche ni la division par sexe de la société. Ainsi,
tandis que la gauche s'affiche traditionnellement comme une alliée des femmes, ce sont deux
personnalitĂ©s de gauche, mari et femme, qui ont pris la tĂȘte du combat contre l'inscription de
l'égal accÚs au politique dans notre Constitution. Depuis le milieu des années quatre-vingt-
dix, l'intellectuelle Ălisabeth Badinter - que les mĂ©dias qualifient de fĂ©ministe bien qu'elle
n'appartienne à aucun groupe militant - a incarné à travers de nombreux articles de presse
l'opposition à la parité au nom de la défense des insitutions républicaines ; tandis que Robert
29
Les bilans de l'action du gouvernement publiés dans la presse avant le passage à l'an 2000 illustrent plus
particuliĂšrement le triomphalisme des gouvernants en la matiĂšre. Dans la presse grand public, seul le journal
Libération laissait entendre, à la veille de l'examen par le Conseil des ministres du projet de loi sur la parité, que
les groupes et associations féministes demeuraient sceptiques quant à la concrétisation de ce nouveau principe
constitutionnel (
Libération
12.8.99).
50
Badinter relayait au sein du Sénat son argumentation universaliste. Si la grande majorité des
acteurs politiques déplore l'absence des femmes des assemblées, certains se sont donc
violemment opposés aux mesures positives pour défendre un systÚme politique et juridique
qui, en se revendiquant indifférent aux différences, prétend faire barrage aux discriminations.
Les débats qui ont eu lieu tout au long de la décennie quatre-vingt-dix montrent que
l'enjeu d'une politique en faveur de la représentation politique des femmes est vaste, sa mise
en Ćuvre interroge le fondement de nos institutions, leur indiffĂ©rence Ă la diffĂ©rence des
sexes.
DÚs l'origine, le projet de recherche du RNGS a souligné la place particuliÚre du débat
sur la représentation démocratique. à la différence des autres domaines - IVG, Prostitution et
formation professionnelle - qui ont fait l'objet d'une sélection, l'étude de la représentation
démocratique s'est imposée dans un travail dont l'ambition premiÚre était mesurer l'impact des
activités des AGF sur la représentation des femmes. Faisant écho à cette réflexion à l'intérieur
de ce domaine d'étude, il nous semble possible, dans le contexte français, de montrer que ce
débat a une place particuliÚre dans la politique féministe et dans ce travail de recherche
puisque il a permis de poser et de discuter la nécessité de genrer la politique.
Ainsi, tandis que les institutions républicaines ont profité de l'introduction d'un timide
quota aux élections municipales pour rappeler la neutralité fondatrice du citoyen français; les
partisans de la réforme ont insisté sur la possibilité et la nécessité de raisonner en terme de
parité au-delà du débat sur l'accÚs au politique.
Le systÚme de décision de la représentation
Pour décrire et analyser le systÚme de décision en matiÚre de représentation politique
des femmes, il est nécessaire de distinguer deux périodes : avant et aprÚs le 18 novembre
1982.
Le 18 novembre 1982, le conseil constitutionnel a censuré, sans en avoir été saisi, une
disposition de la loi modifiant le code Ă©lectoral et le code des communes qui limitait le
pourcentage de personnes du mĂȘme sexe sur les listes de candidats aux Ă©lections
municipales
30
. à partir de cette décision historique et controversée, il devenait impossible
d'introduire par la loi des quotas par sexe. Autrement dit, le gouvernement - et par lĂ mĂȘme
les AGF - se sont vus dépossédés de l'initiative en la matiÚre. Pour améliorer la représentation
des femmes et favoriser leur accÚs à la décision politique, il fallait s'en remettre désormais soit
au bon vouloir des partis politiques soit au plus haut niveau de l'Ătat - PrĂ©sident de la
république et Premier ministre - pour modifier la Constitution.
Certes, avant cette décision, à l'exception d'un projet de loi préparé par la MinistÚre
délégué à la condition féminine de Monique Pelletier en 1979, peu d'initiatives avaient été
prises par les AGF pour favoriser la participation politique des femmes. Cependant, les
critiques Ă©mises Ă l'Ă©gard d'un ministĂšre des droits de la femme inerte au moment de la
discussion sur la disposition censurée montrent bien que ces institutions étaient considérées
comme particuliÚrement concernées par ces décisions.
30
Décision n° 82-146 du 18 novembre 1982, Journal officiel, Lois et décrets n° 269 du 19 novembre 1982, pp.
3475-3476.
51
Si la dĂ©cision relĂšve depuis 1982 du plus haut niveau de l'Ătat, il faut cependant noter
que la réflexion et l'impulsion politique qui ont rendu possible la réforme paritaire sont
venues tout Ă la fois des institutions internationales et du milieu associatif. Les premiĂšres
initiatives en faveur de la représentation politique des femmes ont été prises par des femmes
qui, telles Monique Pelletier ou GisÚle Halimi, étaient intégrées au systÚme politique et
avaient fait l'expérience de son uniformité sexuelle. La notion de parité qui a relancé le débat
sur les discriminations positives en politique a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e au cĆur des institutions
europĂ©ennes pour ĂȘtre ensuite relayĂ©e par les militantes et les partis politiques. Autrement dit,
si la décision politique est trÚs réservée par contre, la réflexion s'est démocratisée et étendue
au milieu militant et au-delĂ .
Cette tendance semble se refléter dans les AGF puisque si elles sont privées du
pouvoir de décider, elles vont s'enrichir d'un nouveau membre, l'Observatoire de la parité
entre les femmes et les hommes, qui pourrait ĂȘtre dĂ©fini comme une instance de rĂ©flexion.
Cette création institutionnelle vient tout à la fois compléter et complexifier l'ensemble des
institutions chargĂ©es de ces questions en France. Mais, en mĂȘme temps, justement parce que
l'Observatoire n'a pas de pouvoir de décision, la question se pose de son appartenance à cet
ensemble.
DÚs sa premiÚre page, le projet de recherche du RNGS donne une définition précise de
son objet d'étude, les AGF, qui se résume à deux critÚres ; le premier concerne la nature de la
mission qui leur a été confié, le second évoque le contexte de leur création. Ainsi, les AGF
sont ces institutions gouvernementales formellement chargées de promouvoir le statut des
femmes et l'égalité entre les sexes, des institutions créées en réponse aux demandes des
groupes féministes.
Or, en ce qui concerne le premier critĂšre, il est clair que la mission de l'Observatoire
de la paritĂ© telle qu'elle est dĂ©finie par le dĂ©cret du 18 octobre 1995 consiste essentiellement Ă
recueillir des informations afin "d'Ă©clairer les pouvoirs publics [...] dans leur dĂ©cision." et Ă
"faire toutes recommandations et propositions de réformes législatives et réglementaires."
31
Cette institution ne contribue donc que de façon indirecte à promouvoir les femmes dans la
société. Cependant, il faut reconnaßtre que sur un sujet aussi controversé la recherche
d'informations et la consultation des personnalités les plus diverses représentent un préalable
indispensable à la décision publique. Par ailleurs, en ce qui concerne le second critÚre, on peut
dire que l'Observatoire y correspond parfaitement. Sa création en octobre 1995 représente la
concrétisation des engagements pris par le candidat Jacques Chirac sous la pression du
mouvement paritaire naissant.
Lâunivers des dĂ©bats et la sĂ©lĂ©ction des dĂ©bats pour lâĂ©tude
Cet Ă©pisode de la lutte fĂ©ministe confirme l'appartenance de l'Observatoire Ă
l'ensemble des AGF. Il représente aussi, dans le cadre de cette étude, une décision formelle -
le décret du 18 octobre 1995 - qui permet de scinder le débat sur la parité en deux périodes.
L'analyse de ce débat qui s'est déroulé tout au long de la décennie quatre-vingt-dix s'est
imposée pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il est clair que c'est la notion de parité qui a
permis de relancer l'idée d'un quota par sexe sur la scÚne publique puis de la faire avancer sur
l'agenda politique. Par ailleurs si la premiÚre période de ce débat est marquée par l'absence
31
Décret n° 95-1114 du 18 octobre 1995 portant création d'un Observatoire de la parité entre les femmes et les
hommes, Journal officiel, Lois et décrets, n° 244 du 19 octobre 1995, p. 15249.
52
des AGF, par contre, la seconde nous donnera l'occasion d'Ă©valuer la part prise par
l'Observatoire de la parité dans la révision constitutionnelle de juin 1999 et dans la loi qui
l'organise - deux décisions formelles qui clÎturent sans doute momentanément le débat. Avant
ce long dĂ©bat, nous en avons sĂ©lectionnĂ© deux autres dont la reprĂ©sentativitĂ© peut ĂȘtre
justifiée.
Le débat qui s'est conclu par la censure du Conseil Constitutionnel nous est apparu
particuliÚrement représentatif des discussions et des projets émis jusqu'au début des années
quatre-vingt. Certes le débat avait été ouvert en 1979 à l'occasion de la présentation du projet
de Monique Pelletier. Déjà un juriste célÚbre, Georges Vedel, était intervenu pour défendre
l'idée d'un quota par sexe et démontrer qu'elle n'était en aucun cas contraire à la Constitution
(Le Monde 2.3.1979). Mais pressé par les échéances électorales, le gouvernement de l'époque
n'est pas allĂ© jusqu'au bout de cette rĂ©forme controversĂ©e. Ce projet n'a jamais Ă©tĂ© inscrit Ă
l'ordre du jour du Parlement. Ainsi, d'une certaine façon, le dĂ©bat de 1982 est celui qui porte Ă
son terme la réforme initiée trois ans plus tÎt. La discussion parlementaire et les nombreux
commentaires qui ont suivi la censure de cette disposition législative ont permis le
développement et la confrontation des argumentations en présence à l'époque. Leur analyse
permet de mettre Ă jour la timide justification des discriminations positives Ă laquelle s'oppose
les dĂ©fenseurs de l'universalisme. Bien entendu, l'intĂ©rĂȘt de ce dĂ©bat rĂ©side aussi dans les
profondes transformations du systÚme de décision qui en ont résulté.
Enfin, nous avons également choisi d'analyser le débat sur l'introduction de la
représentation proportionnelle aux élections législatives qui s'est déroulé en 1985. Car, il va
nous permettre de discuter ce que "genrer les débats" veut dire dans ce domaine. Quand
Yvette Roudy, ministre des droits de la femme, est intervenue pour appuyer un mode de
scrutin réputé plus favorable aux candidatures féminines, elle a certes essayé de mettre en
Ă©vidence l'intĂ©rĂȘt que les femmes pouvaient avoir Ă cette rĂ©forme. Mais, elle a aussi fait
preuve de solidarité gouvernementale. Car, il faut bien reconnaßtre qu'en 1985, la
représentation proportionnelle apparaßt comme un pis-aller par rapport aux quotas, une façon
de défendre les femmes à travers un projet finalement formulé en termes neutres. Or, la
relative mobilisation en 1985 d'un ministÚre absent de débats en 1982 nous semble
particuliÚrement révélatrice de sa conception de la politique féministe. Enfin, la déception qui
va suivre le vote et l'application de cette loi - décision formelle - vont implicitement montrer
que la seule réforme envisageable en la matiÚre est de nature constitutionnelle.
Lâanalyse des dĂ©bats
Débat 1: Les quotas censurés par le Conseil Constitutionnel en 1982: Symboliques/
Devancement
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant--
Au cĆur de la discussion d'un projet
visant à démocratiser la vie politique, la question de la représentation politique des femmes a
émergé une seconde fois sur la scÚne politique. Certains parlementaires l'ont souligné, le vote
de la disposition limitant Ă 75% la proportion de personnes de mĂȘme sexe sur les listes
municipales représente en quelque sorte la concrétisation du projet élaboré par le ministÚre de
Monique Pelletier en 1979. Surtout, alors que l'interruption du processus avait laissé en
suspens la question de la conformité de cette disposition avec la Constitution, cet épisode a
permis de la trancher d'une façon qui a profondément et durablement modifié le systÚme de
décision.
53
Avant mĂȘme que cette dĂ©cision soit prise et prive les AGF de l'initiative en la matiĂšre,
il faut bien noter que le MinistÚre des droits de la femme a été quasiment absent de ce débat.
Alors que Monique Pelletier a été associée au premier projet, c'est GisÚle Halimi, députée
apparentée socialiste et présidente de l'association Choisir, qui est associée au second et non
la ministre, Yvette Roudy. Son retrait illustre les réticences du gouvernement à remplir ses
engagements dans ce domaine et la faible propension de cette nouvelle institution Ă introduire
la notion de genre dans les débats publics. Cette frilosité se retrouve d'une certaine façon chez
les rares partisans des quotas qui sont encore bien loin d'affirmer que la différence des sexes
est la premiÚre de toutes les différences. Paradoxalement, on peut presque dire que c'est le
conseil constitutionnel qui va véritablement poser la question de la place de la différence des
sexes en politique tout en interdisant bien entendu la réouverture de ce débat.
En 1975, Yvette Roudy, alors militante du Parti socialiste, publie un livre intitulé La
Femme en marge dans lequel elle aborde assez briĂšvement la question des droits politiques
des femmes. Son propos est révélateur de la façon dont les féministes réformistes et la gauche
socialiste envisagent cette question Ă l'Ă©poque.
Sept pages sur neuf du chapitre "Les Droits politiques" sont consacrées à un historique
de l'accÚs des femmes à la citoyenneté qui vise à démontrer que l'égalité des droits étant
acquise depuis 1944, le temps et la pratique feront le reste. Autrement dit, ce chapitre illustre
parfaitement le raisonnement en termes de retard qui prévaut à l'époque dans ce débat. Par
ailleurs, les deux derniĂšres pages consistent en une courte digression sur l'Ă©volution du vote
des femmes qui confirme, qu'Ă gauche, la conquĂȘte Ă mener est bien celle du vote des femmes.
Cette formulation du débat a été contestée de façon marginale mais significative au
sein mĂȘme du Parti socialiste. Ă partir de la fin des annĂ©es soixante-dix, un petit groupe de
femmes socialistes, inspirées par les thÚses du nouveau mouvement féministe, a critiqué la
doctrine du Parti. Refusant de s'inscrire dans la logique réformiste et égalitaire incarnée par
les personnalités féminines du Parti
32
, elle affirme leur droit à la différence et plaide en faveur
de sa reconnaissance. En tant que femmes, elles prétendent qu'"un autre rapport à la politique
est possible (Mignonnes, allons voir sous la rose 1980: 3)". Ainsi, en tant que militantes, elles
veulent Ă©chapper Ă l'alternative suivante: "ĂȘtre des femmes mais dans des commissions
spĂ©cialisĂ©es dans l'Ă©tude de [leurs] problĂšmes, ou ĂȘtre des hommes pour parler de politique
dans le Parti (Ibid.)". Autrement dit, elles montrent qu'en repensant la place des femmes dans
un parti et dans la politique, c'est toute la politique que l'on doit repenser. Leur réflexion
inspirée de la pensée de la différence les conduit à faire des propositions novatrices puisqu'au
début des années quatre-vingts elles se prononcent en faveur du non-cumul des mandats
politiques. Cependant, force est de constater que leur discours n'a pas eu de vĂ©ritable Ă©cho. Ă
l'intĂ©rieur mĂȘme du Parti, elles n'ont jamais obtenu les soutiens suffisants pour constituer un
courant officiel. Néanmoins, en critiquant d'un point de vue féministe le discours d'un parti
qui se prétendait à l'avant-garde en matiÚre de droits des femmes, elles ont grandement
contribué à lui faire amender sa doctrine.
DĂšs le 15 janvier 1978, par "Le manifeste du Parti socialiste sur les droits des
femmes", le P.S. reconnaĂźt la double oppression Ă©conomique et patriarcale des femmes. Mais
surtout, conscient que les femmes sont une composante essentielle des couches moyennes
salariĂ©es (le "front de classe") sur lesquelles s'appuie sa stratĂ©gie de conquĂȘte du pouvoir, le
candidat François Mitterrand multiplie les promesses dans le domaine de l'accÚs au politique.
32
Nous pensons notamment ici à Colette Audry, Marie-ThérÚse Eyquem et Yvette Roudy.
54
La 47Úme proposition de son programme de gouvernement prévoit que, pour les
élections au scrutin de liste, "Chaque liste comportera au moins 30% de femmes." Convié à la
veille de l'élection présidentielle à un débat public par l'association "Choisir" présidée par
GisĂšle Halimi, François Mitterrand affirme sa volontĂ© de former un gouvernement oĂč les
femmes auront un nombre de portefeuilles substantiels et non spécialisés, par ailleurs, en
prenant l'exemple du parti qu'il dirige, il se prononce Ă contre-cĆur en faveur d'un systĂšme de
quota par sexe (Choisir la cause des femmes 1981: 34, 95-101).
Parvenu au pouvoir avec l'appui des femmes et des féministes, il met en place une
institution chargée de promouvoir l'égalité entre les sexes, le ministÚre des droits de la femme,
avec Ă sa tĂȘte une femme militante, Yvette Roudy. PrĂšs d'un an plus tard, le 8 mars 1982, la
premiÚre célébration officielle de la journée de la femme lui donne l'occasion de renouveler
ses engagements. Dans un discours qui fait la part belle à l'égalité économique, il reconnaßt
une nouvelle fois la nécessité d'avoir recours aux quotas pour véritablement faire avancer
l'égalité politique.
Cette célébration a marqué selon Jane Jenson et Mariette Sineau "l'apogée du
féminisme présidentiel (Jenson et Sineau 1995: 195)". En ce qui concerne la question
participation des femmes au pouvoir, on peut leur donner raison puisqu'aucune initiative n'a
été prise au sein du gouvernement pour concrétiser ces promesses si souvent réitérées. Actif
en matiÚre d'égalité professionnelle, le nouveau MinistÚre des droits de la femme reste inerte
dans le domaine de la représentation politique.
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat--
Les socialistes sont arrivés au pouvoir avec la
volonté affichée de démocratiser la vie politique ; dÚs 1982, ils proposent en vue des élections
municipales de 1983 de changer le scrutin municipal en introduisant la représentation
proportionnelle. C'est au cĆur de la discussion parlementaire sur la rĂ©forme du code Ă©lectoral
que la question des quotas a resurgi. Mais alors que la 47Ăšme proposition du candidat
Mitterrand liait la représentation proportionnelle aux quotas par sexe, ce n'est pas un membre
du gouvernement qui a profité de l'occasion pour ouvrir le débat sur la représentation des
femmes. C'est une nouvelle fois GisÚle Halimi, présidente du mouvement réformiste "Choisir"
mais aussi députée apparentée socialiste, qui, en déposant un amendement à l'Assemblée, a
mis le gouvernement face Ă ses promesses. Autrement dit, ce qu'il est important de souligner
ici c'est que la Ministre des droits des femmes n'a pas saisi l'occasion qui lui était donnée de
genrer le débat sur la démocratisation de la vie politique.
Le débat déclenché à l'Assemblée nationale par l'amendement de GisÚle Halimi est
plein d'enseignements. Il permet de mettre en évidence les réserves de la gauche sur cette
question et, finalement, l'absence de véritable clivage politique.
Le 27 juillet 1982, GisĂšle Halimi a dĂ©posĂ© l'amendement n° 106 qui prĂ©voit d'insĂšrer Ă
l'article L. 256 du code électoral deux nouveaux alinéas ainsi rédigés :
Le nombre de candidats du mĂȘme sexe figurant sur les bulletins distribuĂ©s aux
Ă©lecteurs ne peut dĂ©passer, pour une mĂȘme liste, la proportion de 70 p. 100, le rĂ©sultat
Ă©tant Ă©ventuellement arrondi Ă l'entier le plus proche. Cette disposition ne s'applique
que si tous les siĂšges de conseillers municipaux sont Ă pourvoir.
55
Il est tenu compte des dispositions qui précÚdent pour la présentation des candidats de
chaque liste. à cet effet, la proportion qu'elles prévoient est appliquée successivement
Ă chaque tiers des candidats de la liste, le nombre obtenu dans le calcul du tiers Ă©tant
Ă©ventuellement arrondi Ă l'entier le plus proche."
33
Face à cette initiative, la majorité fait mine de reprendre l'initiative par l'intermédiaire
du député Alain Richard mais elle demeure trÚs réservée sur le sujet. Le discours d'Alain
Richard en faveur des discriminations positives n'a abusĂ© personne. Il est d'abord destinĂ© Ă
substituer à l'amendement de GisÚle Halimi un nouvel amendement (n° 118) réduisant le
quota de femmes à 25% et ne réglementant pas la place des femmes dans les listes. L'article L;
260 bis que le dĂ©putĂ© propose Ă la discussion est en effet rĂ©digĂ© ainsi : âLes listes de candidats
ne peuvent comporter plus de 75 p. 100 de personnes du mĂȘme sexe. Cette proportion
s'apprécie au sein de l'ensemble de la liste."
34
DÚs le report de la discussion de l'amendement n° 106, la droite ne s'est pas privée
d'ironiser sur la timiditĂ© de la majoritĂ©. Certains dĂ©putĂ©s de droite sont mĂȘme allĂ©s jusqu'Ă
défendre GisÚle Halimi malgré elle, puisqu'elle a finalement accepté de retirer son
amendement. Ainsi, Jacques Toubon a surenchéri en rappelant combien il était important de
prévoir l'alternance des candidatures masculines et féminines sur les listes afin de ne pas
autoriser les partis politiques Ă placer l'ensemble des femmes en fin de liste. Soulignant les
résistances du gouvernement en la matiÚre, il s'est prononcé en faveur des dispositions
initialement présentée par la députée apparentée socialiste.
L'attitude de Jacques Toubon est pleine d'ironie mais elle est aussi révélatrice de
l'atmosphÚre d'irréalité qui rÚgne dans l'hémicycle au moment de cette discussion. Toubon se
paie le luxe de surenchĂ©rir car, au fond, il est presque certain que cette disposition va ĂȘtre
censurée par le Conseil constitutionnel.
En effet, l'idée que cette forme de discrimination positive est inconstitutionnelle était
dans les tĂȘtes depuis 1979, depuis que Monique Pelletier avait dĂ©posĂ© un projet comparable
qui n'a jamais été porté jusqu'à son terme. Alain Richard a bien essayé de démontrer que cet
amendement ne contrevenait Ă aucune disposition constitutionnelle mais, lĂ encore, il n'a pas
convaincu. Le député Jean Brocard l'a explicitement souligné, en préambule à sa prise de
parole, en rappelant que sa démonstration a été "trÚs faible"
35
. C'est Gaston Deferre, alors
Ministre de l'intérieur et de la décentralisation, qui en s'exprimant au nom du gouvernement a
tout à la fois confirmé les résistances de celui-ci et, en préparant la censure du Conseil
constitutionnel, a autorisĂ© toute les dĂ©rives dĂ©magogiques - y compris celle qui va consister Ă
voter cet amendement à l'unanimité.
Prenant la parole à la demande du président de l'Assemblée, Gaston Deferre avoue
clairement les réticences du gouvernement à concrétiser ses promesses électorales. Il rappelle
en effet que :"le Gouvernement considĂšre que c'est aux partis politiques qu'il appartient de
prendre de telles décisions et de les faire appliquer dans leurs rangs."
36
33
Assemblée nationale, Débats parlementaires, Compte rendu intégral, séance du 27 juillet 1982, Journal
officiel
du 28 juillet 1982, 4899.
34
Ibid., 4912.
35
Ibid., 4914.
36
Ibid., 4913.
56
Et, si par sa voix, le gouvernement se rallie néanmoins à cet amendement, il fait une
déclaration qui constitue indéniablement une invitation à l'adresse de Sages qui sauront
d'ailleurs l'entendre :
Je souhaite, si la disposition qu'il a proposée est adoptée qu'elle figure dans un article
sĂ©parĂ© de façon que, au cas oĂč le Conseil constitutionnel l'annulerait, la loi puisse
nĂ©anmoins ĂȘtre appliquĂ©e.
37
C'est à la lumiÚre de cette petite phrase qu'il faut interpréter les déclarations de bonnes
intentions entendues à gauche comme à droite de l'hémicycle tout au long de la discussion
ainsi que le vote qui a vu l'adoption de cet amendement Ă 476 voix contre 4.
Le jour mĂȘme de ce dĂ©bat, GisĂšle Halimi signe un point de vue dans Le Monde dans
lequel elle développe longuement son argumentation et tente de répondre à toutes les
critiques. à la fin de cet article, elle interpelle ouvertement François Mitterrand et lui
remémore ses promesses électorales en la matiÚre. Mais, surtout, elle pose une question
révélatrice de la place prise par Yvette Roudy dans ce débat : "un ministre des droits des
femmes, pour quoi faire? (Le Monde 7.27.82)"
Cette interrogation vient en effet rappeler que la ministre n'a non seulement pas profité
du débat sur le scrutin municipal pour faire avancer la question de la représentation des
femmes sur l'agenda politique ; mais, surtout, qu'elle n'est pas intervenue dans le débat pour
soutenir cet amendement. Il a d'ailleurs fallu attendre la censure du Conseil constitutionnel
pour que la ministre se manifeste. Encore faut-il préciser qu'elle l'a fait en tant que femme et
non en tant que ministre
38
.
Le 18 novembre 1982, le Conseil constitutionnel a rendu une décision trÚs
controversĂ©e. Se saisissant lui-mĂȘme, fait extrĂšmement rare, des dispositions introduisant des
quotas par sexe, il les a invalidées en se fondant sur l'article 3 de la Constitution et, surtout,
sur l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Son argumentation
reposait principalement sur l'idée qu'à travers les quotas, on introduisait entre les citoyens des
distinctions autres "que celles de leurs vertus et de leurs talents"
39
; autrement dit, que ces
dispositions allaient Ă l'encontre d'un principe Ă valeur constitutionnelle.
La juriste DaniÚle Loschak a réfuté cette démonstration dans un article devenu célÚbre
(Loschak 1983: 131-137). Sans reprendre chacun de ses arguments particuliĂšrement
pertinents, on peut rappeler qu'elle a plus particuliÚrement insisté sur la faiblesse d'un
raisonnement qui se fonde et interprÚte à la lettre un texte vieux de deux siÚcles, rédigé à une
Ă©poque oĂč les femmes n'Ă©taient pas citoyennes dans le seul but d'assurer la disparition
définitive des privilÚges.
D'autres commentaires ont bien évidemment accueilli cette décision. GisÚle Halimi a
dénoncé "l'antique réflexe de misogynie "d'une institution supposée incarnée la sagesse et
l'impartialité (Le Monde 24.11.1982). Mais, c'est surtout la réaction d'Yvette Roudy qui nous
37
Ibid., 4913.
38
Au lendemain de la décision des Sages, elle a en effet signé un point de vue dans
Le Monde
pour la
commenter qui était introduit par la précaution suivante : "Comme membre de gouvernement, je dois m'incliner.
Comme femme, je m'interroge sur cette dĂ©cision. Sur plusieurs points." dans Yvette Roudy, "La âpart qui
revient Ă chacun ( Le Monde 24.11.1982).â.
39
Article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
57
intéresse ici. à lire les premiers mots de son article par lesquels elle s'affranchit de sa charge
de ministre et du devoir de réserve qui lui est attaché, on s'attend à une critique sans
concession de la fameuse censure. Or, il n'en est rien, bien au contraire. Sous couvert de la
colÚre, elle s'accommode trÚs bien de la décision rendue.
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
--Il est clair tout d'abord
que cet évÚnement politique n'est qu'un prétexte pour Yvette Roudy. Elle ne s'intéresse pas
vraiment au contenu de la décision qui ne transparaßt à aucun moment de son texte. Le
Conseil constitutionnel s'est opposé à toute division par catégorie des électeurs ou des
éligibles. Il ne s'est pas opposé aux mesures destinées à garantir l'égalité entre les sexes. Or,
Yvette Roudy conteste cette décision comme si elle interdisait toute politique en faveur des
femmes. Cette approche lointaine du texte lui permet d'éviter d'entrer dans le débat sur la
neutralité sexuelle du citoyen. Un débat dans lequel elle n'est pas trÚs à l'aise puisqu'au fond
sa politique est pensée en termes neutres.
Ă travers les commentaires de la ministre, le lecteur peut imaginer que les Sages ont
interdit toute mesure positive envers les femmes en arguant du principe d'égalité posé au
fondement de nos institutions. Cette interprétation rapide la conduit à dénoncer les excÚs du
"juridisme". Puis, elle poursuit en rappelant que dans bien des domaines l'égalité des droits ne
suffit pas à assurer l'égalité de fait. Le débat est élargi à l'ensemble de la politique en direction
des femmes, les exemples sont plus particuliĂšrement issus du monde du travail. Quand elle
revient Ă la question de la formation des listes Ă©lectorales c'est pour rappeler que les quotas
constituent "l'ultime moyen de débloquer une situation lorsque tout le reste a échoué". Enfin,
elle termine par une rĂ©flexion qu'elle qualifie elle-mĂȘme de "paradoxe" : au moment oĂč les
discussions autour des listes municipales battent leur plein, la décision du Conseil
constitutionnel vient "à point pour sensibiliser encore une opinion publique déjà bien alertée
sur cette affaire."
40
. Au fond, en matiÚre de représentation politique, cette décision ne semble
pas si défavorables aux femmes.
L'analyse de la stratégie adoptée par le ministÚre tout au long de ce débat permet de
conclure que ses activités ont été symboliques. Non seulement, la ministre n'a pas essayé de
genrer le débat alors que l'opportunité de prendre le Président au mot se présentait. Mais,
intervenant tardivement dans le débat, elle n'a pas véritablement plaidé en faveur des quotas.
Pire, elle a semblé s'accommoder d'une décision qui interdisait toute forme de discrimination
positive. Autrement dit, elle n'a pas abondé dans le sens de l'argumentation des quelques
féministes qui sont intervenues dans ce débat.
Comme nous venons de le montrer, ce n'est pas l'AGF qui a déterminé le retour de
cette réforme sur l'agenda politique mais une femme, GisÚle Halimi. Pourtant, sa qualité de
membre de la majorité parlementaire et son relatif isolement du nouveau mouvement
féministe ne permettent pas de conclure, à partir de son initiative, que les femmes ont été
intégrées au processus politique.
En 1978, insatisfaite des mesures concernant les femmes inscrites dans le programme
commun de la gauche, GisÚle Halimi avait fait dissidence en présentant des femmes contre
des candidats socialistes aux législatives. Sa stratégie annonçait alors la contestation des
femmes au sein du P.S.. En 1982, critique vis-Ă -vis de la politique du nouveau gouvernement
40
L'ensemble des citations sont issues de Yvette Roudy, "La âpart qui revient Ă chacun (Le Monde,
11.24.1982).â
58
socialiste, elle dépose un amendement pour le rappeler à ses engagements envers les femmes.
Plus qu'une intégration des revendications féministes au processus politique, les interventions
de GisÚle Halimi, militante réformiste, représentent la manifestation de la conscience
féministe du P.S. ; d'ailleurs, la conception des discriminations positives qu'elle défend est
non seulement timide mais aussi entiÚrement déconnectée des revendications du mouvement
féministe.
Dans l'article publié dans Le Monde le jour de la discussion parlementaire sur son
amendement, GisÚle Halimi développe une argumentation en creux par rapport à celle qui
sera élaborée dans les années quatre-vingt-dix par les partisans de la parité. AprÚs avoir
rappelé la gauche à ses promesses, elle aborde le fond du problÚme: la question de
l'inconstitutionnalitĂ© d'une disposition soulignant que les citoyens appartiennent avant tout Ă
l'un ou l'autre des deux sexes. Or, pour convaincre ses lecteurs, elle s'appuie d'abord sur les
arguments du professeur Georges Vedel qui avait notamment affirmé, dÚs 1979, que le
plafonnement du pourcentage de personnes de mĂȘme sexe - et non la fixation d'un
pourcentage minimum de femmes - suffirait Ă contourner l'obstacle juridique. Ainsi, GisĂšle
Halimi plaide en faveur de cette formulation faussement neutre qui s'intĂšgre parfaitement Ă sa
réflexion sur le sujet. En effet, quand il s'agit de répondre à ceux qui craignent une dérive
communautariste, elle ne va pas jusqu'à affirmer que la différence des sexes est la premiÚre
des différences. Par contre, de façon plus timide, elle rappelle que "les femmes ne sont pas
une catégorie mais toutes les catégories à la fois (Le Monde 27.7.82."
En consĂ©quence, mĂȘme si son amendement est le plus favorable aux femmes, elle
accepte et défend l'idée d'un quota inférieur à 50%. Les femmes qui prennent parti pour cette
réforme du mode de scrutin sont, à l'époque, rares. Le nouveau mouvement féministe,
originellement hostile à l'intégration des femmes au systÚme politique, n'a pas fait de leur
représentation dans les différentes assemblées élues une priorité. Ainsi, les partisans de cette
réforme sont essentiellement des femmes déjà intégrées au systÚme politique telles que
Monique Pelletier ou GisÚle Halimi, des femmes qui ont été confrontées à son uniformité
sexuelle. Lors du débat parlementaire, quelques députées qui n'étaient pas des personnalités
politiques de premier plan sont intervenues pour défendre cet amendement. Odile Sicard a
notamment fait une intervention particuliÚrement révélatrice de maniÚre dont les femmes
politiques se positionnent sur cette question.
Pour résumer, on pourrait dire qu'elle s'est attachée à rassurer ses collÚgues en
affirmant qu'il s'agissait "non de la représentation des femmes et des hommes, mais de leur
participation."
41
. Une façon de dire que nos institutions - et plus particuliÚrement le systÚme
de la représentation nationale - ne seraient pas bouleversées par cet amendement et qu'il ne
s'agissait là que d'un aménagement de leur mode de fonctionnement.
Malgré ces arguments imaginés pour rassurer, il n'a pas échappé à la classe politique
que la question était exceptionnelle, qu'elle était de celles qui divisent indépendamment des
clivages politiques et sur laquelle on prend parti en son propre nom
42
. Les déclarations de
bonnes intentions faites par la plupart des intervenants au débat avec en toile de fond la
censure promise par le ministre de l'Intérieur ont contribué à produire une atmosphÚre
41
Assemblée nationale, Débats parlementaires, Compte rendu intégra
l
, séance du 27 juillet 1982, Journal
officiel
du 28 juillet 1982, p. 4905.
42
Au cours de la discussion, deux députés, Jean Brocard et Jean Foyer, ont tenu à souligner qu'en la matiÚre , ils
s'exprimaient Ă titre personnel.
59
d'exception. Cette configuration se reflĂšte parfaitement dans le vote final obtenu Ă la quasi
unanimité des voix mais promis à une remise en cause rapide.
Ce vote constitue une décision formelle mais, selon nous, c'est une autre décision
formelle, la censure du Conseil constitutionnel, qui vient clore le débat. C'est cette décision
qui a eu l'impact le plus grand sur le sous-systÚme de décision, et, d'une certaine façon, c'est
elle qui a véritablement posé le problÚme. La procédure et l'argumentation du Conseil
constitutionnel sont discutables. Cependant, elles témoignent du fait que ces dispositions
portent en germe un profond renouvelement de la réflexion sur la représentation et le
fonctionnement de notre systÚme politique. Au fond, en réaffirmant le caractÚre fondateur de
la neutralité sexuelle du citoyen dans nos institutions, les Sages ont contribué à genrer le
débat de maniÚre négative. Ils ont interdit l'introduction de quotas mais ils ont révélé le
véritable enjeu d'une réforme de la représentation politique.
Bien entendu leur décision est aussi celle qui a profondément modifié le sous systÚme
de décision. Les Sages ont interdit toute initiative législative en la matiÚre. Autrement dit, ils
ont privé les AGF du pouvoir de prendre les mesures nécessaires à l'amélioration de la
représentation politique des femmes. Au lendemain de cette décision, la seule issue réside
dans la bonne volonté des partis politiques ou dans une révision de la Constitution qui ne
semble pas alors Ă l'ordre du jour. D'ailleurs, les commentaires soulignent bien que le seul
recours réside dans une procédure exceptionnelle. DÚs le mois de novembre, GisÚle Halimi
annonce que : "Choisir a décidé de saisir la Cour européenne des droits de l'homme d'un
recours contre la décision du Conseil constitutionnel."
43
Au moment de la préparation des
élections municipales, le débat s'intensifie et la sénatrice Brigitte Gros évoque la possibilité de
faire un rĂ©fĂ©rendum sur la question au cas oĂč les Ă©lections seraient dĂ©cevantes pour les
femmes (Le Monde 27.1.1983).
Les facteurs explicatifs
--Le classement des variables dépendantes permettant de
caractĂ©riser les activitĂ©s des AGF et l'interface entre l'Ătat et le mouvement fĂ©ministe dans les
catĂ©gories "symbolique" et "devancement" peut ĂȘtre expliquĂ© par deux variables essentielles.
La premiÚre constituerait en quelque sorte une variable négative puisqu'il s'agirait du
dĂ©sintĂ©rĂȘt du mouvement fĂ©ministe pour les questions relatives Ă la reprĂ©sentation politique
des femmes.
Comme les autres mouvements sociaux revendicatifs, les actions du mouvement
féministe français ont été d'une certaine façon paralysées au début des années quatre-vingts et,
plus particuliÚrement par l'arrivée de la gauche au pouvoir. Cette époque est marquée par la
satisfaction des principales revendications du nouveau mouvement féministe, des
revendications concernant les droits des femmes Ă disposer librement de leur corps. Ainsi,
cĂŽtĂ© mouvement social, les fĂ©ministes peinent Ă se remobiliser. Par ailleurs, mĂȘme si le
féminisme réformiste incarné par le ministÚre des droits de la femme est éloigné des
conceptions différentialistes qui prévalent dans le mouvement social, celui-ci, conscient que
l'arrivée de la gauche au pouvoir représente une opportunité pour les femmes, va minorer ses
critiques. En conséquence, au moment de la discussion parlementaire sur l'amendement
introduisant un quota par sexe, non seulement le mouvement féministe n'a pas de proposition
alternative à faire ; mais l'agenda de la politique féministe élaboré par le ministÚre est dominé
par les questions professionnelles.
43
Publication d'une lettre de GisĂšle Halimi intitulĂ©e par le journal "Mme Halimi dĂ©nonce âl'antique rĂ©flexe de
misogynie ( Le Monde 24.11.1982).
60
Cependant, ce qui explique plus particuliĂšrement le faible engagement du ministĂšre
dans ce débat et la censure radicale opérée par les Sages, c'est la conception du citoyen - de sa
neutralité sexuelle - qui prévaut à l'époque. La décision du Conseil constitutionnel est claire
sur ce point : le sexe n'est pas une variable pertinente en matiÚre de citoyenneté politique. De
l'autre cÎté, les arguments des partisans des quotas ne sont pas de nature à remettre en cause
cette conception. Au lieu d'attaquer de front, ils prétendent que leur réforme est une simple
question de bon sens et qu'elle n'agit que sur le fonctionnement du systĂšme politique. En ce
qui concerne le ministÚre des droits de la femme, l'analyse du second débat va permettre de
montrer que sa politique est définie en termes neutres ; autrement dit, qu'elle est congruente
avec les valeurs défendues par le Conseil constitutionnel et, en conséquence, incapable de
véritablement promouvoir les femmes.
DĂ©bat 2: Lâintroduction de la reprĂ©sentation proportionnelle aux lĂ©gislatives 1986:
Symboliques/Non réponse
LâĂ©volution du dĂ©bat, le cadre dominant et lâintroduction du genre dans le dĂ©bat --
Ă
travers l'analyse de ce débat, on va découvrir que, dans un premier temps, l'amélioration de la
représentation politique des femmes a emprunté la voie la plus timide, celle qui, d'une façon
ou d'une autre, permettait d'éviter la révision constitutionnelle. Soucieux de démocratiser la
vie politique et aussi, bien entendu, de remporter les prochaines Ă©lections, au milieu des
années quatre-vingts, les socialistes ont à nouveau ouvert le débat sur les modes de scrutin
avec l'intention d'introduire la proportionnelle aux élections législatives.
La rapide discussion sur l'impact de ce mode de scrutin sur la représentation des
femmes confirme combien, dans les faits, la représentation politique des femmes est liée au
débat sur la démocratisation de la vie politique. Néanmoins, il faut souligner que ce débat
peut avoir lieu sans que l'on Ă©voque la question des femmes. Car, si la proportionnelle est
réputée améliorer la représentation des minorités, les femmes qui constituent 53% de
l'électorat n'en sont pas. Autrement dit, le débat sur le mode de scrutin n'est pas
obligatoirement genré.
Or, l'intĂ©rĂȘt de celui qui a eu lieu en 1985 rĂ©side dans le fait qu'Yvette Roudy y a pris
part pour Ă©voquer l'intĂ©rĂȘt des femmes. A priori, la ministre semble ĂȘtre intervenue pour
genrer le débat mais l'analyse de sa prise de position en faveur de la proportionnelle tendrait
plutÎt à démontrer le contraire.
Alors qu'elle avait brillé par son absence dans le premier débat, trois ans plus tard, la
ministre intervient pour appuyer cette rĂ©forme. Il ne s'agit pas pour elle de revendiquer, Ă
l'instar de GisÚle Halimi, une dimension féministe dans ce projet. La décision des Sages le lui
interdit mais elle ne semble pas le regretter. Revenant sur l'histoire récente de la
représentation politique des femmes, elle ne déplore pas vraiment la censure de 1982 ; car,
celle-ci a constitué une opportunité pour promouvoir le volontarisme au sein des partis :
la dynamique Ă©tait enclenchĂ©e, cette âloi manquĂ©eâ a portĂ© le dĂ©bat devant l'opinion,
provoqué une prise de conscience des états-majors politiques et donné un coup
d'accélérateur(Le
Monde 16.4.1985).
L'objet de son intervention est donc tout simplement de soutenir ce projet politique car
la représentation proportionnelle est supposée favoriser les femmes. Il y a dans son
61
intervention une volonté de promouvoir la place des femmes en politique mais, aussi et
surtout, de soutenir la ligne politique du gouvernement. Le bref historique auquel elle se livre
place le PS à l'avant-garde du combat pour la représentation politique des femmes et néglige
de souligner ses profondes résistances en la matiÚre. Yvette Roudy passe en effet de
l'introduction de mesures positives au sein du P.S., novateur sur ce terrain, au vote de
l'amendement de 1982 sans mentionner le rÎle d'une personnalité comme GisÚle Halimi.
Son intervention permet de rappeler que la proportion de femmes dans les assemblées
politiques demeure trĂšs faible. Elle permet de souligner que les femmes peuvent ou non avoir
un intĂ©rĂȘt Ă la politique menĂ©e par le gouvernement et, ce faisant, elle engage indirectement Ă
le mettre en Ă©vidence dans d'autres domaines. Cependant, peut-on dire que son intervention
revient à genrer le débat sur la démocratisation de la vie politique? Nous ne le pensons pas.
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes--
En effet, la défense de
la représentation propotionnelle comme moyen de pallier la sous représentation des femmes
revient à promouvoir une conception de la politique qui justement n'est pas genrée. Elle sous-
entend qu'une politique dĂ©finie en termes neutres suffit Ă satisfaire les intĂ©rĂȘts des femmes.
Au fond, on pourrait en conclure que quelques mesures favorables aux minorités quelles
qu'elles soient et un peu de volontarisme suffisent. Ici, la ministre ne genre pas le débat bien
au contraire, elle plaide pour sa neutralité.
Plus encore, si Yvette Roudy se préoccupe de l'amélioration de la représentation
politique des femmes et si le mouvement féministe ne défend pas toujours une position
identifiable dans ce débat, il est possible d'affirmer que l'action du ministÚre n'est pas en phase
avec celle des mouvements de femmes.
Dans le débat précédent comme dans ceux qui l'ont préfiguré au sein du PS, les
femmes les plus influencées par le féminisme ont défendu les discriminations positives et
dénoncé l'inefficacité du volontarisme politique. C'est le cas bien entendu de GisÚle Halimi
mais aussi des femmes qui ont voulu constituer un courant indépendant au sein du P.S. Pour
ces raisons, il nous semble évident que la politique défendue par la ministre dans ce débat
peut ĂȘtre qualifiĂ©e de non fĂ©ministe.
En ce qui concerne l'interface entre l'Ătat et les mouvements de femmes, on peut
affirmer qu'il n'a pas eu lieu. Du cÎté des mouvements de femmes, il est difficile de discuter
l'adéquation du contenu de la politique menée avec leur revendications puisque celles-ci n'ont
pas émergé sur la scÚne politique. Une fois encore, le débat sur la représentation politique des
femmes a mobilisé des femmes déjà intégrées au systÚme politique. Une fois encore, ce débat
n'a pas respecté les clivages politiques traditionnels. Alors que trois ministres socialistes,
Edwige Avice, Edith Cresson et Yvette Roudy, sont intervenues dans les colonnes du Monde
pour s'indigner de la faible place concédée aux femmes sur les listes socialistes (25-
26.8.1985). Une autre militante et responsable du PS, HélÚne Goldet, a signé un article dans
le mĂȘme journal pour dĂ©noncer ces revendications. Pour cette derniĂšre, l'idĂ©e selon laquelle le
sexe serait une variable pertinente en politique constituait "une Ăąnerie (Le Monde Ibid.)". Le
mĂȘme jour, Christiane Papon, PrĂ©sidente de Femme-Avenir et membre du comitĂ© central du
RPR, intervient pour réclamer l'augmentation du nombre de femmes sur les listes électorales
et Ă©voque Ă nouveau la solution des quotas(Le Monde Ibid.). Son intervention montre bien
que l'expérience politique, dans quelque parti politique que ce soit, est une clef de la
mobilisation des femmes sur ce dossier. Elle confirme par ailleurs que, lorsqu'elles ne sont pas
tenues par les obligations de la discipline gouvernementale, les femmes sensibles Ă cette
62
question se prononcent en faveur des discriminations positives. Tandis que le laisser-faire est
la ligne de conduite préconisée par celles qui ne reconnaissent pas l'existence d'un problÚme
de représentation politique des femmes.
Enfin, en ce qui concerne l'intégration des femmes au processus politique, on peut dire
qu'elle a été nulle. Les militantes étant absentes du débat, la ministre n'a pas réclamé
l'intégration des femmes au processus politique puisque, selon elle, l'introduction de la
proportionnelle devait suffire Ă combler l'Ă©cart entre hommes et femmes. Ce qu'elle
revendiquait par contre, c'était l'intégration des femmes sur les listes électorales, préalable
indispensable à leur élection. Or, sur ce terrain, il est clair qu'elle a été déçue. Peu de temps
aprÚs la modification du mode de scrutin, la ministre a dénoncé la façon dont les listes
socialistes avaient été constituées en vue des législatives de mars 1986. Plus que de la
déception, ces propos laissaient transparaßtre de l'amertume ; parlant au nom des femmes
socialistes, elle déclarait en juillet 1985 : "Nous avons été traitées comme des paillassons (Le
Monde 11.7.1985)." Ă partir de lĂ , il Ă©tait devenu Ă©vident que le changement de mode de
scrutin ne pouvait pas seul résoudre le problÚme de la représentation politique des femmes ;
les Ă©lections de mars 1986 allaient le confirmer.
Facteurs explicatifs--
Si l'on peut encore dire que l'indifférence des féministes à ce
dossier et la conception dominante du citoyen sexuellement neutre sont responsables des
valeurs prises par les variables dans ce débat, il est clair que c'est la derniÚre fois. à notre
avis, ce dĂ©bat et plus largement la fin de la mission d'Yvette Roudy Ă la tĂȘte du ministĂšre
marquent un tournant. Arrivée au pouvoir avec une conception neutre et réformiste de la
politique féministe, elle n'a pas réussi à faire véritablement avancer la cause des femmes. Les
mesures neutres n'ont donné aucun résultat ; quant à celles qui impliquaient la reconnaissance
d'un intĂ©rĂȘt spĂ©cifique aux femmes, elles ont Ă©tĂ© censurĂ©es par les institutions rĂ©publicaines.
La violente réaction d'Yvette Roudy à la constitution des listes socialistes constitue une étape
Ă sa prise de conscience ; une Ă©tape qui va aboutir Ă sa mobilisation dans le combat paritaire.
à partir du milieu des années quatre-vingts, pour Roudy comme pour l'ensemble des
féministes, il n'est plus possible de penser que la représentation des femmes peut s'améliorer
d'elle-mĂȘme avec le temps ou grĂące Ă des mesures neutres. La dĂ©cennie quatre-vingt-dix va
ĂȘtre caractĂ©risĂ©e par leur engagement et leur combat pour les discriminations positives.
Débats 3 et 4: Parité I, 1995:Marginales/Symboliques Parité II, 1999/2000 Alliés/
Récupération
La décennie quatre-vingt-dix a été synonyme de renouveau en matiÚre de réflexion sur
la représentation politique des femmes. L'analyse des deux débats précedents a montré que
toutes les voies permettant de l'améliorer sans réviser la Constitution et modifier la conception
du citoyen qui la sous-tend ont été explorées sans résultat probant. à la fin des années quatre-
vingt, la sous-représentation des femmes dans les assemblées est toujours aussi flagrante.
Aucune mesure positive n'a été prise pour résoudre ce problÚme mais, d'une certaine façon, la
réflexion a avancé. Il devient de plus en plus évident que seule une révision de la Constitution
pourrait promouvoir un véritable changement. Cependant, le systÚme politique ne semble pas
prĂȘt d'autant plus que le retour de la droite au pouvoir en 1986 n'est pas favorable Ă cette
solution. Une autre solution semble alors envisageable. Prenant sa source aux marges du
systĂšme politique, elle repose sur le bon vouloir des partis politiques et le militantisme des
associations et groupes fĂ©ministes. Loin d'ĂȘtre antagonistes, les deux solutions vont se rĂ©vĂ©ler
complémentaires car d'une certaine façon, la seconde va préparer la premiÚre.
63
Ces deux solutions soulignent que les AGF sont hors-jeu. à l'intérieur du systÚme
mais privés de l'initiative, les AGF qui succÚdent au MinistÚre des droits de la femme n'ont
pas joué un rÎle clef dans le renouveau de ce débat. Par contre, ils vont en jouer un dans la
phase de concrétisation de la réforme paritaire à travers une nouvelle institution,
l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.
Les échecs successifs des différentes tentatives pour améliorer la représentation des
femmes ont contribué à mobiliser les féministes. Ainsi, la décennie quatre-vingt-dix va voir
l'Ă©mergence de cette question sur l'agenda des militantes. Leur mobilisation en obligeant les
partis politiques Ă prendre position dans le dĂ©bat va ĂȘtre une clef de l'avancement de la
réforme paritaire sur l'agenda dui gouvernement.
Pour caractériser les activités des AGF dans le débat sur la parité, il est nécessaire de
distinguer deux périodes: avant 1995 et aprÚs 1995, avant et aprÚs la création de
l'Observatoire de la parité. Avant cette date, les AGF ont eu un rÎle marginal. L'époque est en
effet marquée par un renouveau de la réflexion sur la représentation politique des femmes, un
renouveau qui a lieu aux marges du systĂšme politique et, plus particuliĂšrement, au sein des
institutions internationales. Tout en adhérant à l'évolution en cours, les AGF n'ont pas eu la
possibilité de genrer le débat.
LâĂ©volution du dĂ©bat, le cadre dominant et lâintroduction du genre--
Pour caractériser
la période, il est important de rappeler plusieurs évÚnements fondateurs. En 1989, le mot
"parité" fait son entrée sur la scÚne politique internationale lors d'un séminaire organisé par le
Conseil de l'Europe. On peut considérer que les actes de ce séminaire et, plus
particuliĂšrement, l'article d'Ălisabeth Sledziewski ont lancĂ© le premier appel au
renouvellement des fondements de la démocratie (1992). En 1992, des femmes politiques de
différents pays d'Europe ont repris le flambeau en signant la Charte d'AthÚnes. Cette
déclaration, adoptée le 3 novembre 1992 par des personnalités réunies à l'occasion du premier
sommet européen "Femmes et pouvoir", faisait le constat du déficit démocratique engendré
par l'absence politique des femmes et appelait de ses vĆux l'introduction de mesures positives
en faveur de la participation des femmes au pouvoir. Enfin, en 1995, la fameuse conférence
internationale sur les femmes organisée à Pékin sous l'égide des Nations Unies a souligné
combien, à travers le monde, la question de la participation des femmes à la prise de décision
devenait centrale.
Face à cette évolution, les AGF, plurielles, instables et privées du pouvoir d'initiative,
n'ont pu qu'accompagner le mouvement avec plus ou moins de bienveillance. AprĂšs la
disparition du ministĂšre des droits des femmes en 1986, le portefeuille des droits des femmes
n'a pas été systématiquement attribué ; dans tous les cas, il n'a jamais repris la forme d'un
ministÚre indépendant. Parfois les droits des femmes ont été attribués à une ministre dont ce
n'Ă©tait pas le portefeuille principal - c'est le cas de Colette Codaccioni qui du 18 mai 1995 au
7 novembre 1995 a été Ministre de la solidarité entre les générations chargée des droits des
femmes. Parfois, un secrétariat spécifique en a été chargé, sa titulaire ayant souvent une
charge secondaire - c'est le cas de VĂ©ronique Neiertz, secrĂ©taire d'Ătat aux droits des femmes
et Ă la vie quotidienne du 16 mai 1991 au 21 mars 1993 et aussi, actuellement, de Nicole Pery,
secrĂ©taire d'Ătat chargĂ©e des droits des femmes et de la formation professionnelle. La seule
institution qui a eu une pérennité certaine et qui a pu incarner la continuité dans ce domaine
est le Service des droits des femmes mĂȘme si son rattachement a souvent Ă©tĂ© flou.
64
Comme nous l'a confirmé Catherine Lesterpt en charge du dossier concernant les
femmes dans la prise de décision au sein du Service des Droits des Femmes
44
, les différents
AGF ont pris la mesure de l'Ă©mergence du dossier paritaire sur l'agenda politique. NĂ©anmoins,
leur marge de manĆuvre et leur volontĂ© d'agir sont demeurĂ©es limitĂ©es ; la seconde dĂ©pendant
du chef de service en poste. En tout Ă©tat de cause, il leur Ă©tait impossible de mettre une
question relevant de la compĂ©tence du plus haut niveau de l'Ătat Ă l'ordre du jour de leurs
activités.
Ainsi, ces derniĂšres peuvent ĂȘtre qualifiĂ©es de marginales. Car, si les membres des
AGF ont assisté aux différents évÚnements comme la conférence de Pékin, ils n'ont pas eu de
prise sur la formulation de la politique.
Le militantisme des différents groupes, associations et réseaux féministes a conduit les
partis politiques Ă prendre position. Des femmes politiques de droite comme de gauche ont
signĂ© deux manifestes en faveur de la paritĂ© (Le Monde 11.19.1993 et LâExpress 6.6.1996).
Entre 1994 et 1997, prÚs d'une dizaine de propositions de loi instaurant la parité ont été
déposées par des parlementaires de différents courants politiques ; en 1994, Michel Rocard a
conduit la premiÚre liste entiÚrement paritaire aux élections européennes. Et, bien entendu,
pour reprendre les termes employés par Janine Mossuz-Lavau, la parité est devenue "thÚme
de campagne Ă©lectorale en 1995 (1998: 51)".
Sommés de répondre aux questions des militantes, les candidats à l'élection
présidentielle ont pris des engagements. Le 7 avril 1995, dans son discours au Conseil
National des Femmes Françaises, Jacques Chirac se prononce pour "les quotas de fait" -
autrement dit contre les mesures de discriminations positives - et il promet la création d'un
observatoire de la parité
45
.La mission qu'il assigne Ă cette nouvelle institution consiste Ă
"alerter l'opinion et [Ă ] se prononcer dans tous les domaines qui concernent les femmes, et en
particulier celui de la vie publique."
46
L'observatoire devait exercer des pressions sur les
partis politiques. Instrument des quotas de fait, il a été pensé comme un substitut à la réforme
paritaire. ĂlĂ©ment du dispositif assurant l'ouverture du dĂ©bat public, il est aussi, bien que
Jacques Chirac s'en défende, un obstacle de plus sur la route conduisant à la révision
constitutionnelle.
Avec le recul, il apparaßt clairement que les activités de cette structure dépendent
d'abord du pouvoir politique qui en a la responsabilité et, seulement dans un second temps,
des personnalités qui l'animent. Ainsi, durant la premiÚre phase de son existence - de sa
création aux législatives de 1997 - consacrée à la réflexion, on peut dire que le travail de
l'observatoire n'a pas été pleinement utilisé et mis en valeur.
L'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes a été mis en place par un
décret du 18 octobre 1995 ; Roselyne Bachelot a été sa premiÚre rapporteuse. Les discours
prononcés le 19 octobre 1995 à l'occasion de la cérémonie de sa mise en place sont
révélateurs des limites de la mission assignée à cette institution par les responsables politiques
de l'Ă©poque.
44
Entretien réalisé le 15 avril 1999 à son bureau du service des droits des femmes.
45
Jacques Chirac, "Discours de monsieur Jacques Chirac. Conseil National des Femmes Françaises", Vendredi
7 avril 1995, Document photocopié, p. 5.
46
Ibid.
65
Trois discours ont été prononcés : le premier par Alain Juppé alors Premier ministre,
le second par Colette Codaccioni, ministre de la solidarité entre les générations chargée des
droits des femmes et le troisiĂšme par Roselyne Bachelot. Ce qui est tout d'abord frappant c'est
que les deux premiers discours prennent position contre les discriminations positives. Alain
JuppĂ© s'avoue explicitement dĂ©favorable aux quotas au motif que cette mĂ©thode reviendrait Ă
poser "l'incapacité des femmes à devenir dans les faits les égales des hommes."
47
. Quant Ă
Colette Codaccioni, elle réaffirme la nécessité de donner aux femmes la place qui leur revient
dans la société mais, citant Jacques Chirac, elle précise : "Cette place aucune loi, aucun quota
ne leur garantira."
48
. Ces prises de positions permettent bien entendu aux responsables
politiques de souligner la faible pertinence de la différence des sexes en politique ; ainsi, pour
Alain Juppé, il est important de réaffirmer que : "Les femmes sont des hommes comme les
autres."
49
. Le discours de Roselyne Bachelot reste tout Ă la fois plus flou et plus ouvert sur
cette question. La nouvelle rapporteuse se contente en effet d'affirmer que "des mesures
spécifiques et volontaristes sont indispensables."
50
sans préciser leur contenu.
Globalement, il est important de souligner qu'Alain Juppé plaide en faveur d'une
conception Ă©largie de la paritĂ©, Ă©largie au-delĂ du domaine politique Ă l'Ă©conomie et Ă
l'éducation. Or, en la matiÚre, l'expérience permet d'affirmer que plus la parité est élargie
moins elle est politique.
Enfin, des précisions sont apportées dans ces discours sur la répartition des
compétences entre les différents AGF. Juppé et Codaccioni rappellent ce que l'article 7 du
décret du 18 octobre 1995 pose explicitement, à savoir que le service des droits des femmes
assure le secrétariat de l'Observatoire. Autrement dit, plus que jamais, le service est privé du
pouvoir d'initiative en matiÚre de représentation politique des femmes et il se voit conforter
dans son rÎle d'accompagnateur de la réforme en marche.
Le déroulement des travaux de l'observatoire confirme le peu d'empressement du
pouvoir dans ce dossier et, en conséquence, le rÎle mineur joué par cette nouvelle institution.
L'observatoire a été organisé dÚs sa création en commissions chargées de différents domaines.
La commission pour la parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique a été co-
dirigée par Roselyne Bachelot et GisÚle Halimi. Durant sa premiÚre année d'existence,
l'observatoire, par l'intermédiaire de cette commission, a mené un travail de consultation et de
recueil de données auprÚs de personnalités de tous horizons. Il a ainsi rempli une part
essentielle de sa mission qui consistait à ouvrir le débat public. Le rapport qui est issu de ce
travail est tout à la fois révélateur des convictions paritaires de ses responsables et de la
pluralité des avis émis sur cette question (Halimi 1999).
Terminé en décembre 1996, ce rapport analyse la situation des femmes dans la vie
politique en France, propose des données et des hypothÚses pour expliquer leur faible
participation au pouvoir politique. Mais surtout, il présente toute une série de propositions
allant de la révision constitutionnelle à la simple incitation financiÚre ; des propositions qui
47
Alain Juppé, "Discours de Monsieur le Premier Ministre portant installation de l'Observatoire de la parité
entre les hommes et les femmes", document photocopié, p. 7.
48
Colette Codaccioni, "Discours prononcé par Madame Colette Codaccioni , Ministre de la solidarité entre les
générations lors de l'installation de l'Observatoire de la Parité", Jeudi 19 octobre 1995, p. 6.
49
Alain Juppé, "Discours de Monsieur le Premier Ministre portant installation de l'Observatoire de la parité
entre les hommes et les femmes", document photocopié, p. 7.
50
Roselyne Bachelot, "Installation de l'Observatoire de la parité - Matignon 19 octobre 1995 - Intervention de
Roselyne Bachelot, Rapporteur général de l'observatoire de la parité", Document photocopié, p. 5.
66
sont donc parfois incompatibles mais qui sont aussi marquées par la modération puisque le
rapport prĂ©conise de les mettre en Ćuvre pendant une pĂ©riode limitĂ©e.
Remis à Alain Juppé le 15 janvier 1997, ce rapport a été discuté à l'Assemblée
nationale seulement le 11 mars. à cette occasion, le Premier ministre a proposé la mise en
place de mesures timides en faveur de la parité, des mesures qui ont confirmé la faiblesse de
son engagement dans ce dossier. Ainsi, il a proposĂ© de mettre en Ćuvre des mesures de
discriminations positives limitées dans le temps pour les seules élections au scrutin de liste.
La dissolution de l'Assemblée nationale ne lui a pas permis de concrétiser ses timides
engagements. Néanmoins, il faut souligner qu'ils ont suscités la déception des féministes qui
se battaient depuis le début de la décennie. Et, s'ils ont conforté l'observatoire de la parité dans
son rÎle de laboratoire d'idées, capable d'influer sur la formulation du débat ; ils ont aussi
montré que cet observatoire ne pouvait rien sans une volonté politique réelle.
La campagne électorale des législatives de 1997 a donné l'occasion aux groupes et
réseaux féministes engagés dans le combat pour la parité d'exercer des pressions définitives
sur les responsables politiques. Chaque camp a pris des engagements en faveur de la parité
qui ont été renouvelés et précisés au début de la cohabitation. Dans son discours de politique
générale prononcé le 19 juin 1997, Lionel Jospin a clairement affirmé son intention de réviser
la Constitution afin d'y inscrire la parité. à l'occasion de la célébration du 14 juillet, Jacques
Chirac s'est aligné sur cet objectif en déclarant qu'il s'était finalement rallié à l'idée des quotas.
L'arrivée de la gauche au pouvoir a été synonyme d'accélération dans le domaine de la
parité et, bien entendu, l'intensification du rÎle et de l'influence de l'observatoire. Cependant,
il est nécessaire de relativiser l'empressement de la classe politique dans ce dossier. En effet,
dans un contexte oĂč les propositions existent - dans le rapport de l'observatoire disponible
depuis décembre 1996 - et la volonté politique est affirmée, il a fallu attendre le printemps
1998 pour que la réforme soit véritablement engagée.
Ă la suite des Ă©lections locales de 1998, les accord conclus localement entre certains
Ă©lus de droite et d'extrĂȘme droite ont rouvert le dĂ©bat sur la dĂ©mocratisation de la vie
politique. Dénonçant ces alliances locales, le Président de la République a lancé un appel à la
démocratisation. Pris au mot par les féministes, il a été rappelé à ses engagements, tout
comme le Premier ministre. Ce débat a donc permis de faire remonter la parité sur l'agenda
politique. à partir de là , les discussions se sont engagées sur les modalités de la révision
constitutionnelle.
DÚs octobre 1997, un compte rendu d'une réunion de l'Observatoire - et plus
particuliÚrement de sa commission dédiée à la vie politique - indiquait que ses membres
avaient signifiĂ© au Premier ministre leur volontĂ© "d'ĂȘtre partie prenante de la finalisation et de
la mise en Ćuvre des rĂ©formes Ă©ventuelles."
51
.Ils n'ont pas été déçus. DÚs le 14 octobre 1998,
une décision du Conseil des ministres a élargi le champ d'action de l'Observatoire de la parité:
L'observatoire de la parité entre les femmes et les hommes a désormais pour mission
de centraliser, faire produire et diffuser les données, analyses, études et recherches sur
la
situation des femmes aux niveaux national et international, Ă©valuer la
51
Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Compte rendu de la réunion du 16 octobre 1997,
Document photocopié daté du 23 octobre 1997, p. 2.
67
persistance des
inégalités entre les sexes et identifier les obstacles à la parité,
notamment dans les domaines politique, Ă©conomique et social, Ă©mettre des avis sur
les projets de textes législatifs et réglementaires dont il est saisi par le Premier
ministre, et faire des recommandations et propositions de réforme afin de prévenir et
de résorber les
inégalités entre les sexes et promouvoir l'accÚs à la parité.
52
Ainsi, non seulement son champ d'action a été élargi mais les bases ont été posées
pour que cette institution deviennent un véritable partenaire de la réforme paritaire. Par
ailleurs, à l'occasion du renouvellement des membres de cette institution, le pouvoir a nommé
des femmes et des hommes dont l'engagement paritaire ne faisait aucun doute
53
. Au cours des
années 1998 et 1999, non seulement le pouvoir de cette institution s'est accru mais ses travaux
ont constitué une référence essentielle dans le débat parlementaire. Ainsi, ouvrant la
discussion Ă l'AssemblĂ©e nationale, la garde des sceaux Ălisabeth Guigou a tenu Ă remercier
tout particuliÚrement l'observatoire de la parité en soulignant que la révision constitutionnelle
était le résultat de ses travaux
54
.
Une fois la révision constitutionnelle votée, en juin 1999, confirmant sa volonté
d'associer l'Observatoire à la réforme en cours, Lionel Jospin a chargé sa rapporteuse,
Dominique Gillot, de rédiger un rapport organisant l'égal accÚs des femmes et hommes aux
mandats électifs. Autrement dit, il s'agissait de faire des propositions destinées à alimenter la
discussion parlementaire.
MĂȘme si les responsables politiques conservent le pouvoir d'initiative et d'arbitrage
parmi les propositions faites par l'Observatoire ; il est clair que sa mission initiale et son
renforcement au moment de l'arrivée de la gauche au pouvoir l'ont placé dans une situation
qui lui a permis d'influer sur les termes du débat. Les propositions discutées à l'occasion de ce
débat étaient les siennes; ses analyses et ses recommanadtions ont constitué des références.
Tout en organisant ses consultations sous le signe du pluralisme, il est clair que l'observatoire
a poursuivi des objectifs féministes. DÚs le 11 décembre 1996, concluant le rapport sur la
parité dans la vie politique publié en 1999, GisÚle Halimi énonçait clairement l'objectif de son
action, un objectif auquel les militantes engagées dans ce combat auraient sans aucun doute
souscrit unanimement :
Passer de la
démocratie inachevée
dans laquelle nous vivons, à une démocratie duelle,
implique, quel qu'en soient les moyens, que soit instituée la représentation d'une juste
mixité, c'est-à -dire la reconnaissance de l'identité sexuée dans la population citoyenne.
Cette reconnaissance, qui se traduirait par une pratique rigoureusement paritaire dans
l'élection de nos assemblées politiques, devrait permettre, par un
effet en retour
de
redéfinir un véritable universalisme (Halimi 1999: 55)."
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes--
L'Observatoire de la
parité s'est donc affirmé au cours de ses cinq années d'existence comme un AGF allié dans le
52
Bulletin Quotidien, 29 janvier 1999, p. 15.
53
L'observatoire compte ainsi parmi ses membres des professeurs et chercheurs tels que Janine Mossuz-Lavau,
Olivier Duhamel ou Michelle Perrot qui sont intervenus dans le débat public à travers différentes publications
pour affirmer leur soutien à la parité. Parmi les personnalités politiques, on compte notamment la sénatrice
DaniÚle Pourtaud et la conseillÚre régionale Jacqueline Victor qui sont connues à l'intérieur du Parti socialiste
pour leur engagement en faveur des droits des femmes et du projet paritaire.
54
Voir Journal officie
l
, Assemblée nationale, compte rendu intégral des séances du mardi 15 décembre 1999,
n°118 A.N., p. 10495.
68
dĂ©bat paritaire. Ă cĂŽtĂ© de lui les autres AGF tels que le SDF ou le secrĂ©tariat d'Ătat de Nicole
Pery n'ont pas joué un rÎle essentiel. Le discours prononcée par cette derniÚre le jour de
l'ouverture du débat à l'Assemblée souligne bien que cet AGF est suiviste dans ce dossier et
que sa seule contribution consiste Ă envisager ses propres dossiers - concernant l'Ă©conomie et
l'éducation - dans une optique paritaire. Compte tenu du fait que les AGF ont été privées de
l'initiative en matiÚre de représentation politique, seule une institution chargée d'une mission
d'information et de concertation pouvait avoir un impact sur le débat.
La nomination Ă sa tĂȘte de femmes dont l'engagement paritaire Ă©tait clair a assurĂ© la
défense d'objectifs féministes en son sein ; et, bien entendu, l'arrivée de la gauche au pouvoir
a permis de maximiser son potentiel d'influence sur les termes du débat. Ainsi, si au début des
années quatre-vingt-dix, les AGF n'ont pu avoir que des activités marginales ; à partir de
1995, à travers l'observatoire, elles sont devenues alliées de la parité.
Il est clair que le déroulement de la réforme paritaire a assuré l'intégration des femmes
au processus politique. Plus que la volonté des responsables politiques, il est nécessaire de
souligner ici la mobilisation des féministes qui a fait des militantes, des interlocutrices
incontournables. Le rebondissement de cette question dans le débat public est lié à des
initiatives militantes, nous l'avons déjà souligné. Ainsi, lorsque, répondant aux pressions, les
responsables politiques ont organisé la concertation au sein de l'observatoire de la parité, ils
ont tout naturellement associé le milieu militant.
Malgré ses résistances à l'idée de parité, Alain Juppé a insisté sur la nécessité
d'associer les militants au travail de l'Observatoire. Ainsi, quand il s'est agi d'Ă©voquer sa
composition, il a d'abord cité "les représentantes et représentants des associations"
55
en
rendant hommage à leur travail. Animé dÚs son origine par des militantes actives de la
participation des femmes Ă la politique - Roselyne Bachelot et GisĂšle Halimi -, l'Observatoire
a Ă©galement recueilli les propositions de nombreuses associations au cours de son travail de
concertation. Le rapport rédigé fin 1996 contient de larges extraits de ces audiences. Les
personnes entendues ont été classées en plusieurs catégories : il y a bien sûr "le mouvement
associatif féminin" représenté par les associations et militantes suivantes : Odile Arpin et
Alexandra Rettien pour
Choisir-La-Cause-des-femmes
, MichĂšle Idels pour
Club parité 2000
,
Colette Kreder pour
Demain la parité
, RĂ©gine Saint-Criq pour
Parité
, Ăliane Viennot pour
Parité-infos
et Ernestine Ronai pour l'
Union des femmes françaises
.
Mais il faut souligner que parmi la catégorie des chercheurs on trouve aussi des
femmes qui peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme de vĂ©ritables militantes de la paritĂ© Ă l'instar de
Françoise Gaspard, Janine Mossuz-Lavau ou GeneviÚve Fraisse. De plus, il est clair que si,
dans un esprit d'ouverture, l'observatoire a entendu les représentants des grands courants de
pensĂ©e et les juristes, ses propositions reflĂštent essentiellement les intĂ©rĂȘts des fĂ©ministes et
certaines préoccupations des juristes. Enfin, rappelons qu'à l'occasion du renouvellement de
ses membres, le gouvernement socialiste a intégré à cette institution des femmes connues pour
leur engagement en faveur de la parité.
Au-delĂ de l'Observatoire, le discours d'Ălisabeth Guigou Ă l'AssemblĂ©e nationale
rappelle que de nombreuses militantes ont ĆuvrĂ© pour la paritĂ©. En leur rendant hommage, ce
discours souligne que des femmes comme Françoise Gaspard, Claude Servan-Schreiber,
55
Alain Juppé, "Discours de Monsieur le Premier Ministre portant installation de l'Observatoire de la parité
entre les hommes et les femmes", document photocopié, p. 10.
69
Anne Le Gall ou Sylviane Agacinski ont joué un rÎle déterminant dans la réémergence de
cette question sur l'agenda politique.
Il faut aussi mentionner qu'au cĆur du dĂ©bat paritaire, le gouvernement a enrichi
l'ensemble déjà complexe des AGF d'une structure à vocation interministérielle : la
Délégation inetrministérielle aux droits des femmes. En la confiant à GeneviÚve Fraisse, une
chercheuse connue pour sa réflexion sur l'exclusion politique des femmes et son engagement
paritaire, le gouvernement a montré sa volonté de faire avancer le débat ; surtout, il a assuré
l'intégration d'une féministe convaincue au cours du processus politique.
Bien entendu, les femmes ont aussi été intégrées au processus politique à travers la
prise en compte de leurs intĂ©rĂȘts. Introduire la paritĂ© dans les institutions c'est d'abord affirmer
que notre systÚme démocratique n'est pas abouti car il n'assure pas la représentation des
femmes. C'est aussi poser que l'humanité est duelle, faite d'hommes et de femmes. Cette
réflexion nous conduit à l'analyse des textes votés et à l'évaluation de leur congruence avec
les buts du mouvement féministe.
Alors que le débat sur l'universalisme républicain a été trÚs nourri dans les colonnes de
la presse tout au long de la réforme, il a semblé, dÚs le départ, que le gouvernement avait
tranché en faveur de la position paritaire, acceptant de réformer les institutions.
L'argumentation dĂ©veloppĂ©e par Ălisabeth Guigou le 15 dĂ©cembre 1998 l'atteste. Pourtant
l'analyse des résultats montre que les responsables politiques ont essayé au maximum de
préserver les institutions, renonçant au renouvellement des fondements de la démocratie
auquel ils semblaient souscrire.
Début 1999, le débat s'est engagé sur l'article de la Constitution à réviser. Fallait-il
réviser l'article 3 relatif à la souveraineté nationale ou l'article 4 relatif aux partis politiques?
Une alternative qui pouvait se formuler de diffĂ©rentes façons : fallait-il agir Ă l'intĂ©rieur ou Ă
l'extérieur du systÚme? modifier les fondements de nos institutions ou seulement faire reposer
la réforme sur la bonne volonté des partis politiques? La réforme de l'article 3 avait ceci de
cohérent que les Sages s'étaient appuyés sur lui pour censurer les quotas aux élections
municipales. Suivant cette logique le projet gouvernemental a initialement proposé de lui
ajouter un amendement précisant que "la loi favorise l'égal accÚs des femmes et des hommes
aux mandats Ă©lectoraux et fonctions Ă©lectives." Arguant que cette formulation laissait place Ă
l'appréciation du juge constitutionnel, l'Assemblée nationale lui a préféré : "la loi détermine
les conditions dans lesquelles est organisé l'accÚs des femmes et des hommes aux mandats
Ă©lectoraux et fonctions Ă©lectives.". Au terme des navettes entre les deux chambres, le texte
final a entériné la formulation initiale proposée par le gouvernement auquel les sénateurs ont
ajouté un amendement à l'article 4 ainsi rédigé : "Ils [les partis politiques] contribuent à la
mise en Ćuvre du principe Ă©noncĂ© au dernier alinĂ©a de l'article 3 dans les conditions
déterminées par la loi."
56
.
En raisonnant en termes quantitatifs, on peut penser que les femmes sont gagnantes.
Cependant il semblerait plutÎt que cette adjonction soit le signe d'une volonté d'introduire la
parité seulement aux marges du systÚme. Annoncée comme un refondement de la démocratie,
la réforme paritaire s'est concrétisée par un texte dont le mot parité est absent et qui insiste sur
le rÎle joué par les partis politiques.
56
Loi contitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes, Journal
officie
l
, n°157, 9 juillet 1999, p. 10175.
70
En ce qui concerne les lois qui assurent l'application de ce dispositif, lĂ encore les
rĂ©sultats ont Ă©tĂ© placĂ©s sous le signe de la dĂ©ception. Au moment oĂč ce rapport est en train
d'ĂȘtre Ă©crit, les deux lois n'ont pas encore Ă©tĂ© votĂ©es par les deux chambres. NĂ©anmoins, le
vote de la seule Assemblée nationale et les débats parlementaires - concernant un projet de loi
déclaré d'urgence et un projet de loi organique - permettent de mettre en évidence les lignes
de clivage.
Alors que Dominique Gillot préconisait un quota d'au moins 40% dans un premier
temps (Gillot 1999: 44), le Premier ministre a semblé surenchérir en proposant de passer
immédiatement à 50%. Pendant un court moment, on a pu penser que le gouvernement allait
tirer le meilleur parti de cette réforme, mais, bien vite, la présentation du projet
gouvernemental a laissé voir les résistances des responsables politiques.
Pour résumer, on peut dire que le débat s'est engagé sur trois fronts : Tout d'abord, les
élections concernées par les mesures positives : doit-on instaurer un quota aux législatives
quitte à introduire d'autres modifications du mode de scrutin ou introduire la parité seulement
grùce à des incitations financiÚres? Ensuite, les communes concernées par la réforme du mode
de constitution des listes aux Ă©lections municipales : doit-on retenir le seuil des communes de
plus de 3500 habitants quitte Ă exclure l'essentiel des communes ou abaisser ce seuil Ă 2000
habitants? Enfin, la place des femmes sur les listes Ă©lectorales : doit-on s'assurer qu'elles ne
seraient pas reléguer en fin de liste en instaurant une alternance obligatoire ou compter sur la
pression morale exercer sur les partis politiques?
Comme dans le débat sur la révision constitutionnelle, l'Assemblée nationale a
renforcé le dispositif prévu par le gouvernement. Elle a adopté le systÚme d'incitation
financiÚre prévu pour les élections législatives
57
. Néanmoins, elle a abaissé aux communes de
plus de 2000 habitants le seuil d'applicabilité du texte. Enfin, elle a imposé l'alternance par
tranche de six candidats pour les Ă©lections au scrutin de liste Ă deux tours (municipales et
rĂ©gionales) et une stricte alternance entre candidate et candidat pour les Ă©lections au scrutin Ă
un tour (européennes et sénatoriales).
Il est vraisemblable que le Sénat revienne sur cet approfondissement de la réforme et
que le texte final soit une nouvelle fois le fruit d'un compromis. NĂ©anmoins, on peut dĂ©jĂ
noter que la partie essentielle de la représentation nationale (les députés) a été épargnée par
cette rĂ©forme. Il est clair aujourd'hui encore que, mĂȘme si les rĂ©sultats sont rĂ©els, les pouvoirs
publics ont saisi toutes les occasions pour minorer l'ampleur des réformes introduites. Les
militantes se sont déclarées déçues par ces résultats mais leur déception n'a guÚre été relayée
par les médias. Au cours du processu politique, elles ont été entendues par les responsables
politiques mais on peut aussi avancer qu'elles ont été victimes de cette politique de
partenariat. L'idĂ©e que la pĂ©riode reprĂ©sentait une opportunitĂ© pour la paritĂ© les a conduit Ă
accepter certains compromis. Dans la vigilance, avec conscience, comme le rappelle Monique
57
"La pénalisation porte sur la premiÚre fraction de l'aide publique aux partis et groupemenst politiques, celle
qui est calculée en fonction du nombre de voix obtenues par les partis présentant au moins cinquante candidats
aux élections législatives. Le montant de cette premiÚre fraction fait l'objet d'une diminution lorsque l'écart entre
le nombre de candidat de chaque sexe dépasse 2% du nombre total des candidats. dans ce cas, le montant de
l'aide est diminué d'un pourcentage égal à 50% de l'écart netre le nombre de candidats de chaque sexe rapporté
au nombre total des candidats." Discours de Jean-Pierre ChevĂšnement, DĂ©bats parlementaires SĂ©nat, compte
rendu intégral, séance du mardi 29 février 2000, Journal officie
l
, 1er mars 2000, p. 989.
71
Dental coordinatrice du réseau "Femmes pour la parité"
58
, elles ont accepté de discuter
certains éléments de la réforme. N'ayant pas alerté les médias au cours du débat, ces derniers
n'ont pas été sensibles à leur déception.
Ainsi, en ce qui concerne les valeurs permettant de caractériser la participation des
femmes, on peut hésiter entre "réponse double" et "récupération". Il est certes indubitable que
les femmes ont été intégrées au processus politique néanmoins, il est clair aussi que le
contenu de la réforme a été minoré par rapport aux ambitions des féministes et ceci avec leur
quasi consentement.
Facteurs explicatifs--
Il est évident que, dans ce débat, la variable indépendante la plus
importante a été la conception dominante du citoyen. Si le débat a avancé et a produit des
résultats au cours des vingt années qui viennent de s'écouler, il est cependant évident que la
neutralité sexuelle du citoyen n'a pas encore été définitivement remise en cause. Le vote
définitif des lois et la pratique politique mériteront bien entendu dans les mois et les années
qui viennent d'ĂȘtre analysĂ©s. Une chose est certaine : ce dĂ©bat a un enjeu essentiel car il a la
capacité de renouveler les fondements de la démocratie et, ce faisant, de permettre la mise en
Ćuvre d'une vĂ©ritable politique fĂ©ministe.
Conclusion
L'analyse des débats concernant la représentation politique des femmes en France
montre une évolution nette du rÎle joué par les AGF en place. Au début de la période, elles
jouent un rÎle symbolique et elles n'assurent pas l'intégration des femmes au processus
politique. Paradoxalement, alors qu'une décision du Conseil constitutionnel les a privé de
l'initiative en la matiÚre, à partir des années quatre-vingt-dix, les AGF vont devenir
progressivement des alliées du mouvement féministe et assurer, à travers l'observatoire de la
parité, l'intégration des femmes au processus politique.
Cette collaboration et cette convergence indéniables avec les mouvements de femmes
ne signifie pas pour autant que les AGF ont réussi à renverser la conception dominante d'un
citoyen sexuellement neutre. Cet élément central de l'universalisme républicain demeure le
principal obstacle à l'instauration d'une véritable réforme paritaire mais son renversement n'est
pas Ă la portĂ©e des AGF, il dĂ©pend du plus haut niveau de l'Ătat.
Pour résumer, les conclusions concernant les trois principaux débats étudiés, on peut rappeler
les principales idées suivantes :
Le débat sur les quotas de femmes aux élections municipales - la censure du Conseil
constitutionnel - 1982. Dans ce débat, les activités des AGF ont été symboliques. Le MDF n'a
pas contribué à genrer le débat ; par ailleurs, la relative hostilité d'Yvette Roudy aux quotas a
montré que les objectifs poursuivis par son administration ne rencontraient pas ceux des rares
fĂ©ministes qui se sont exprimĂ©es sur cette question. Entre l'Ătat et les mouvements de femmes,
on peut dire qu'il y a eu devancement. Alors que la représentation politique n'est pas un
domaine de revendications pour les féministes, les députés ont introduit des quotas de femmes
qui devaient leur assurer une représentation directe plus importante.
58
Entretien réalisé le 12 juillet 1999.
72
La décision du Conseil constitutionnel est celle qui clÎt véritablement le débat. Elle
permet de montrer qu'à cÎté de la faible implication des féministes dans ce débat, la variable
essentielle qui explique ces valeurs est la conception dominante d'un citoyen sexuellement
neutre. Une conception qui domine au sein des institutions républicaines mais aussi au sein du
MDF.
Les débat sur l'introduction de la représentation proportionnelle aux législatives -
1985. Les activités des AGF sont classées dans la catégories symboliques. En effet, ce débat a
été marqué par l'intervention d'Yvette Roudy pour soutenir un projet de modification du mode
de scrutin (donc neutre) au nom des femmes. Cette intervention revenait Ă affirmer qu'il est
inutile de genrer les débats pour assurer la promotion des femmes. Bien qu'elle est été faite au
nom des femmes et pensée comme féministe, on peut dire que la prise de position d'Yvette
Roudy interdisait la dĂ©finition d'une vĂ©ritable politique fĂ©ministe. L'interface entre l'Ătat et les
mouvements de femmes a été dans ce débat nul. (non réponse)
L'intĂ©rĂȘt de l'analyse de ce court dĂ©bat est de mettre en Ă©vidence la conception de la
politique fĂ©ministe dĂ©fendue par le ministĂšre (neutre). Ce dĂ©bat marque aussi un tournant : Ă
partir de cette période, il apparaßt clairement que le volontarisme politique et les politiques
définies en termes neutres sont inefficaces pour promouvoir la représentation des femmes.
Le débat sur la parité - I. 1995/II. 2000. En ce qui concerne les activités des AGF, il
est essentiel de distinguer deux périodes avant octobre 1995 et aprÚs (création de
l'Observatoire de la parité). Avant, ces activités sont marginales, aprÚs, elles sont alliées.
Marginales, parce que les AGF n'ont pas les moyens ni le pouvoir de mener une politique
dans ce domaine. Alliées parce que l'Observatoire va relayer l'argumentation féministe. En ce
qui concerne la participation des femmes, la valeur se situe entre RĂPONSE DOUBLE et
récupération. En effet, si les femmes et plus particuliÚrement les groupes de femmes ont été
intĂ©grĂ©s Ă la discussion. Il est clair que le contenu de la politique peut ĂȘtre Ă©valuĂ© de
différentes maniÚres et qu'il est le fruit d'un compromis entre institutions et associations.
Les variables essentielles sont ici nombreuses : la conception dominante du citoyen, la
proximitĂ© du gouvernement avec les partis de gauche et l'intĂ©rĂȘt portĂ© Ă cette question parmi
les féministes plus le consensus sur le sens des revendications semblent avoir joué un rÎle
primordial.
73
Chapitre 4. LâIVG: Des AGF militants et un mouvement mobilisĂ©: clefs de la prĂ©servation du
droit Ă l'IVG
par Jean Robinson, traduit par Claudie Baudino et Frédéric FouchÚres
___________________________________________________________________________
Dans les quatre débats analysés dans ce chapitre, les AGF ont poursuivi des objectifs
assez variés. On peut dire qu'ils ont soutenu des objectifs féministes dans seulement deux
d'entre eux et qu'ils ont contribué à genrer le débat une seule fois. Par ailleurs, les AGF ont
été absents d'un débat. Cependant, les résultats de ces débats reflÚtent certaines revendications
des groupes et mouvements fĂ©ministes mĂȘme si ceux-ci n'ont pas systĂ©matiquement pris part
aux discussions.
Les activitĂ©s des AGF et lâImpact du Mouvement des Femmes
_____________________________________________________________________
AAGF IMF
1. Le vote dĂ©finitif de la loi sur lâIVG, la loi Pelletier de 1979
Non FĂ©ministes Devancement
2. Le remboursement de lâIVG, la loi de 1983 AlliĂ©es RĂ©ponse Double
3. RU 486, la dĂ©cision du Conseil dâEtat de 1990
Symboliques Devancement
4. Les commandos anti-IVG, la loi Neiertz de 1993
Marginales DĂ©vancement
___________________________________________________________________
Le contexte
La définition de l'IVG
En France, l'avortement a été légalisé avec certaines restrictions en 1975. La "loi Veil"
qui porte le nom du ministre de la santé d'alors, Simone Veil
59
, constitue l'aboutissement de
plusieurs années de débat public et de revendications sociales souvent houleuses. Le coup
d'envoi de ce débat a été donné par 343 femmes célÚbres qui ont reconnu avoir avorté dans un
59
Simone Veil ne voulait pas que la loi porte son nom. Elle a déclaré : "Il n'y a pas une loi Simone Veil ; il y a
une loi voulue par le Président de la République, discutée et adoptée par le Conseil des ministres et dont le
gouvernement assume la pleine responsabilité( Berger 1975: 260)." Cependant, dans la recherche comme dans
les débats publics, la loi de 1975 porte son nom.
74
manifeste publié par Le Nouvel Observateur, "le manifeste des 343 salopes". De nombreux
évÚnements ont ponctué les années qui se sont écoulées entre la signature de ce manifeste et le
vote de la loi Veil : parmi ceux-ci, on peut citer le procÚs d'une jeune femme ayant avorté
(1972), la pétition signée par 331 médecins ayant pratiqué l'avortement (1973), la création
d'un vaste mouvement d'opinion en faveur de la contraception et de l'avortement et la prise en
compte politique des revendications des femmes.
La question de l'avortement soulĂšve des questions essentielles pour le SDF dont la
mission est de promouvoir les droits des femmes. La difficulté consiste bien souvent pour ce
service à prendre des positions dans un débat trÚs controversé.
Le systÚme de décision de l'IVG
Le vote de la loi de 1975 n'a pas mis un terme au débat public, à l'action sociale et aux
interrogations récurrentes sur la place de l'avortement dans le droit et la médecine.
Généralement, c'est l'Assemblée Nationale qui prend les décisions les plus importantes sur
l'avortement, que celles-ci concernent son financement ou ses conditions d'accĂšs. Certaines
décisions sont administratives, prises par le ministre de la santé, l'AGF ou un groupe
interministériel. Le texte final est presque toujours voté par le Parlement et approuvé par le
Président. Les discussions parlementaires font souvent émerger des débats plus vastes, relatifs
à des questions démographiques ou morales.
Comme dans la plupart des pays, les mouvements sociaux et les groupes d'intĂ©rĂȘts ont
joué un rÎle important dans ce débat. Malgré ses divisions internes, le mouvement féministe a
unanimement défendu le droit des femmes à disposer de leur corps.
En 1970, un groupe de femmes, le MLF, s'est constitué pour lancer une campagne en
faveur de l'avortement. Mais le Mouvement de Libération des Femmes a plus été un
catalyseur qu'un véritable acteur de ce débat. Ce sont plutÎt le MFPF (Mouvement Français
pour le Planning Familial) et le MLAC (Mouvement pour la Liberté de l'avortement et pour la
Contraception) qui ont joué un rÎle prédominant dans la montée sur l'agenda politique de ce
problĂšme.
à ses débuts, le MFPF s'était donné une double mission : informer et prescrire des
contraceptifs. TrÚs vite, ce mouvement a été divisé entre les partisans de l'information sur la
contraception et les partisans de la légalisation de l'avortement. Les radicaux l'ont emporté ; et
ce mouvement est devenu au début des années soixante-dix l'un des mieux organisés et des
plus efficaces dans la bataille pour l'avortement. Les médecins dissidents se sont regroupés
dans l'IFRES (Institut de Formation et de Recherche pour l'Ăducation Sexuelle) (Hassoun,
1997). Le fait que l'avortement constitue le seul recours en cas d'Ă©chec de la contraception
explique cet engagement radical.
Le MFPF est certainement le groupe revendicatif le plus institutionnalisé dans ce
domaine. Il appuie ses revendications sur des bases médicales autant que sur des choix
féministes raisonnés. Il est aussi le plus ancien puisqu'il milite depuis le début des années
soixante-dix
60
.
60
Le sigle IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) a trÚs vite remplacé le terme avortement sans doute trop
explicite et trop direct. Ce changement terminologique mériterait une étude.
75
Le MLAC avait une image plus radicale. Il a débuté en 1973 en pratiquant des
avortement illégaux (méthode Karmann) dans différentes villes françaises. Son action a
également consisté à stigmatiser le droit qui interdisait l'avortement. Son objectif était alors de
soulever les problĂšmes des femmes et de pousser les institutions Ă mettre en Ćuvre une
réforme nécessaire. Le MLAC n'a jamais fait de compromis. DÚs le début son rÎle a été de
faire entendre "la voix des femmes". Reconnaissant que la contraception était préférable, en
1973 et 1974, le MLAC a argué du fait que "pour supprimer les avortements clandestins, il
était nécessaire que tous les avortements soient libres et gratuits." (Berger, p. 122). Bien qu'il
ait cessé de fonctionné, il a constitué par ses méthodes d'action l'une des voix majeures de ce
débat.
Choisir
, le mouvement crée par GisÚle Halimi a essentiellement milité sur le terrain
juridique. Ce mouvement a défendu les femmes qui signÚrent le manifeste de 1971 et toutes
celles qui avaient avorté. L'un des procÚs les plus célÚbres dans lequel GisÚle Halimi est
intervenu a été, bien entendu, le procÚs de Bobigny. La défense de cette jeune fille et des
personnes qui l'avait aidée a permis de sensibiliser l'opinion publique au problÚme de
l'avortement. La notoriété de
Choisir
, gagnĂ©e lors de ces procĂšs, lui a permis d'ĂȘtre encore
plus efficace dans son combat contre les lois qui criminalisaient l'avortement avant 1975.
AprÚs le vote de la loi de 1975, ce mouvement a continué à militer en faveur de l'extension du
droit Ă l'avortement et, plus largement, en faveur du droit des femmes Ă choisir.
D'autres associations et groupes féministes ont lutté sur le front de l'avortement.
Récemment des groupes se sont fédérés pour mettre en commun l'information et organiser des
manifestations afin de faire pression sur les gouvernants. La CADAC (Coordination nationale
des Associations pour le Droit à l'Avortement et à la Contraception), fondée en 1990, est
probablement le plus important d'entre eux. Il rassemble des représentants de 166 groupes
aussi différents que le MFPF 95, la Fédération Anarchiste, des syndicats et de partis
politiques de gauche (P.C. et P.S.). La CADAC organise des réunions mensuelles et des
manifestations, met en place des rencontres avec des responsables politiques et finance le
Collectif National pour les Droits des femmes, bras armé de l'organisation. Les comptes
rendus des réunions mensuelles de la fin des années quatre-vingt-dix révÚlent l'ampleur des
actions et des centres d'intĂ©rĂȘt de la CADAC (de la sous-reprĂ©sentation des femmes dans les
gouvernements de gauche à la nécessité de légaliser le RU 486). Tous les groupes féministes,
des réformistes aux révolutionnaires, ont réclamé un accÚs légal et facile à l'avortement et à la
contraception. En général, ces groupes ainsi que les AGF ont formulé le problÚme en termes
de droits des femmes, de liberté des femmes et de santé des femmes.
Le mouvement français anti-avortement, à l'instar de ses adversaires est composé
d'une grande variĂ©tĂ© de groupes et traversĂ© par de multiples intĂ©rĂȘts. Ă la diffĂ©rence du
mouvement réformateur qui n'a pas de base institutionnelle, le mouvement anti-avortement est
bien organisé en partie grùce à ses liens avec les institutions religieuses. Parmi des dizaines
de groupes on peut citer "La trĂȘve de Dieu", "SOS tout-petit", "Laissez-les vivre",
"l'association des médecins pour le respect de la vie" et "l'association pour l'objection de
conscience Ă toute participation Ă l'avortement".
L'Ăglise catholique et ses reprĂ©sentants ont frĂ©quemment Ă©tĂ© impliquĂ©s dans les dĂ©bats
sur l'avortement. Certains groupes formés pour contrer les réformateurs s'appuient
uniquement sur des valeurs catholiques ; ils regroupent essentiellement des médecins, des
infirmiĂšres et des jeunes. Ainsi, l'APF (Association pour la Promotion de la Famille) est
affiliée à l'Opus Dei. "Laissez-les vivre" a des liens étroits tout à la fois avec des organisations
76
catholiques et le Front national. Leurs actions vont du refus du personnel médical de
participer Ă ces interventions jusqu'Ă l'occupation de cliniques et au harcĂšlement des patientes
et du personnel (Venner 1995). Ces derniÚres actions appelées "commandos anti-IVG"
fonctionnent sur le modĂšle de celles organisĂ©es par les groupes amĂ©ricains (Golias 1995). Ă
l'exception du groupe "Pro-Vie" calqué sur le modÚle américain, la plupart de ces
organisations ne parlent pas en termes de droit, sauf pour le fĆtus. Ils prĂ©fĂšrent dĂ©fendre
l'idĂ©e selon laquelle la raison d'ĂȘtre des femmes est la maternitĂ©. Pour eux, les femmes qui ont
avorté ne sont pas de "vraies" femmes et une expression comme les droits des femmes n'est
pas pertinente (Venner 1995 : 70).
Au-delĂ des organisations pour ou contre l'avortement, bien des acteurs sociaux ont
exercĂ© des pressions sur les partis politiques et les gouvernants. Ainsi, l'Ăglise catholique, le
milieu médical, les experts en matiÚre d'éthique, les juristes, des hommes et des femmes de
toutes les classes sociales ont pris part au débat. Contrairement à d'autres questions
féministes, l'avortement est un problÚme difficile à éviter pour les responsables politiques.
L'univers des débats
Les principaux débats publics sur l'avortement ont porté sur les questions suivantes :
1. RĂ©affirmation de la loi de 1975 Ă travers la loi dite "Pelletier".
2. Suppression des dispositions concernant l'avortement dans le Code pénal.
3. AccÚs libre à l'avortement pour les résidentes de courte et longue durée, remboursement des
avortements non thérapeutiques par la sécurité sociale, production et distribution du RU 486.
4. Publicité sur les moyens de contraception.
5. Commandos anti-avortement.
6. Décisions de bioéthique en matiÚre de technologies de reproduction.
7. L'inscription du "droit Ă la vie" dans la Constitution.
Le dĂ©bat sur l'avortement a Ă©tĂ© long et n'est pas prĂȘt d'ĂȘtre clos. Depuis le vote de la loi
de 1975, il y a eu des débats presque tous les ans. C'est une question qui interpelle fortement
le public et mobilise les mouvements de femmes. Les sondages montrent cependant que
depuis le milieu des années soixante-dix l'opinion y est de plus en plus favorable. Ainsi, en
1982, 74% des personnes interrogées étaient favorables au remboursement de l'IVG (Le
Monde 11.12.1982). Néanmoins, une opposition forte et organisée à ce droit existe toujours
en France et est prĂȘte Ă se mobiliser dĂšs qu'il est question de l'Ă©tendre. Ainsi, certains
responsables politiques et groupes religieux ont pris le parti de renverser la tendance
réformiste comme l'atteste plusieurs propositions de loi.
La sélection des débats
1. Le vote définitif de loi sur l'IVG.
2. Le remboursement de l'IVG.
3. Le RU 486
4. Les commandos anti-IVG
La plupart des débats analysés se sont terminés par un vote au Parlement. Cependant,
certains ont été conclus par une décision administrative. En dehors des périodes de
cohabitation, l'essentiel des discussions a lieu au niveau ministériel. L'un des débats illustre ce
cas. Ces quatre cas permettent d'analyser l'impact des changements de majorité sur les AGF :
77
le premier cas se déroule sous un gouvernement de centre droit, le second cas sous un
gouvernement et un parlement socialistes, le troisiĂšme cas sous un gouvernement socialiste
contraint par le contexte politique, le quatriÚme cas durant une période de renouveau du
conservatisme.
DĂ©bat 1: Le vote dĂ©finitif de la loi sur lâIVG, la loi Pelletier de 1979: Non FĂ©ministes/
Devancement
L'évolution du débat et de son cadre dominant--
La loi de 1975 prévoyait que, dans les
cinq ans, l'Assemblée nationale mesurerait son impact et déciderait ou non de sa confirmation.
Comme en 1973-74, la question a été largement débattu au Parlement et dans la presse. Des
journaux féminins tels que Elle ont devancé le débat ; une organisation comme le CADAC a
organisé des manifestations et a tenté de sensibiliser les responsables politiques.
On a retrouvé dans ce débat l'ensemble des acteurs du premier. Les opposants à l'IVG
ont profité de l'occasion pour réaffirmer leur position. Comme en 1974, certains députés ont
comparĂ© l'avortement Ă un meurtre en demandant oĂč cela s'arrĂȘterait? Ă quand l'Ă©limination
des enfants handicapés ou l'euthanasie? (J.O., # 113 A.N., 29 décembre 1979, p. 10 799). Les
militants anti-avortement ont appuyé leur position sur trois arguments. Le premier basé sur la
morale chrĂ©tienne affirmait qu'il faut ĂȘtre mĂšre pour devenir une vraie femme et qu'avorter
revenait à tuer des vies innocentes. Le second mettait en avant le coût social de l'avortement.
Comme l'a déclaré une membre de
l'union féminine pour le respect de la vie
: âQui va payer
pour ces avortements? La sĂ©curitĂ© sociale? Mon mari m'a dit âje refuse de payer des impĂŽts
pour financer le plaisir de ma voisine!â (Berger 1975: 135). On retrouve ici en creux la
question de la sexualité féminine, bien qu'elle ait été rarement soulevée. Enfin, il y avait aussi
l'argument des politiques. Giscard d'Estaing a dĂ©clarĂ© qu'il y avait pour l'Ătat quatre principes
inviolables : le respect de la vie, l'aide aux femmes dont la vie est en danger, le droit de
chaque femme à élever son enfant dans les meilleures conditions, la liberté de conscience
pour chaque médecin (Ibid., 165). En conséquence, la loi de 1975 a été une loi limitée et
contrainte par ces principes
61
.
L'introduction du genre dans le débat--
Les deux formulations dominantes de ce débat
ont été données d'une part par le gouvernement de centre droit soucieux de limiter
l'avortement pour des raisons démographiques et éthiques et, d'autre part, par les féministes
préoccupées par les droits des femmes.
Une des préoccupations majeures du gouvernement de droite était la peur que la
croissance de la population française soit trop faible comparée à celle des résidents étrangers.
Ces inquiétudes concernant la démographie ont déterminé la politique familiale de la période.
Des aides financiÚres ont été accordées aux familles, les AGF ont été chargées de trouver les
moyens pour concilier vie professionnelle et vie familiale, certains ont évoqué le risque d'une
crise démographique. Bien entendu, ces questions ont rapproché les militants anti-
avortements des membres de l'extrĂȘme droite. Des amendements ont Ă©tĂ© proposĂ©s en 1979
pour restreindre le droit à l'avortement. Par exemple, il a été question d'interdire aux femmes
61
L'avortement a Ă©tĂ© autorisĂ© jusqu'Ă la dixiĂšme semaine dans les cas de dĂ©tresse. Lâavortement thĂ©rapeutique
est autorisĂ© uniquement dans les cas oĂč la femme risque sa vie. L'intervention doit ĂȘtre rĂ©alisĂ©e par un mĂ©decin
mais ceux-ci ont le droit de refuser. Lors de la consultation préalable, le médecin doit informé la patiente des
risques médicaux encourus, lui faire connaßtre les aides sociales dont elle peut bénéficier, lui proposer de faire
adopter son enfant et lui donner les coordonnées des centres de planning familial et des cliniques proches de son
domicile.
78
mariées ayant moins de deux enfants d'avorter ou encore de l'interdire aux familles dont le
revenu serait quatre fois supérieur au SMIC, on a aussi parler d'administrer une leçon sur la
démographie française aux femmes qui voulaient avorter (Mossuz-Lavau 1991: 120). Tandis
que les deux premiÚres ont été écartées, la derniÚre a été intégrée à la loi de 1979. Elles
témoignent d'une volonté d'affirmer le caractÚre essentiel du rÎle reproducteur des femmes
pour la nation. Le devoir des femmes est de donner la vie. Ceci est non seulement un
impératif de la morale chrétienne mais aussi un sacrifice pour le bien de la nation. Les
conservateurs ont donc genré le débat mais ils l'ont fait d'une façon trÚs traditionnelle.
Un des arguments souvent avancé a été que la légalisation de l'avortement allait mener
à une "banalisation" de celui-ci sans plus de considération de culpabilité ou de responsabilité.
L'avortement allait devenir normal et l'argument moral voulait qu'il ne le soit pas (JO 112,
AN, 28 novembre 1979, p. 10737). Ce point de vue annonçait les problÚmes qu'allait
rencontrer le Parti socialiste quelques années plus tard pour poursuivre la réforme sur
l'avortement. En 1979, dans le discours féministe, il était question de faire aboutir les droits
des femmes, de vĂ©ritablement les concrĂ©tiser. L'avortement, mĂȘme aprĂšs la loi Veil, n'a jamais
été libre. Le pouvoir était dans les mains des médecins, les femmes ne pouvaient exercer leur
droit librement. La loi de 1975 posait que : "La femme est la seule juge de cette décision." En
fait, seuls les médecins pouvaient dire s'il y avait un risque ou non (durant le second
trimestre) ; et, eux seuls, pouvaient arguer de la clause de conscience (JO, Loi n°75-17,
janvier 1975, 18 janvier 1975). Or, pour les féministes, c'étaient tout à la fois une question de
santé et de droit.
Les groupes fĂ©ministes demandaient quâau moins cinq questions soient rĂ©examinĂ©es par le
gouvernement : l'autorisation parentale pour les mineurs, le fait que les femmes Ă©trangĂšres
devaient résider en France depuis au moins trois mois pour y avoir accÚs, la clause de
conscience des médecins, la faible prise en charge par la sécurité sociale, le traitement
différent des autres procédures médicales, le caractÚre criminel des avortements réalisés en-
dehors du cadre médical.
Les critiques féministes les plus radicales de cette loi, relayées par la presse féminine,
soulignaient que la réforme avait une fois encore échoué dans la protection et la promotion
des droits des femmes.
Aucun de ces arguments ne reçut d'écho au ministÚre délégué auprÚs du Premier
ministre à la Condition féminine et à la Famille (MDCFF). Bien que Monique Pelletier n'ait
jamais nié la nécessité de cette loi, elle est restée muette pendant ce débat public. à part
fournir des statistiques démontrant qu'il n'y avait pas eu une augmentation significative des
avortement en France depuis 1975 et que le nombre d'infections avaient considérablement
diminué, la ministre a dit peu de choses concernant les droits des femmes. Sollicité sur cette
question, le MDCFF a pris position pour une confirmation de la loi car elle Ă©tait favorable Ă la
santé des femmes. Suivant la ligne présidentielle, le MDCFF s'est plutÎt attaché à faciliter les
adoptions d'enfants non désirés qu'à lutter pour la libération de l'avortement (Le Matin,
2.11.1979). à l'Assemblée, les projets de loi les plus importants émanaient du ministÚre de la
santé et non du ministÚre responsable de la condition féminine! Ainsi, la discussion s'est
déplacée du terrain des droits des femmes à celui de la santé
ActivitĂ©s des AGF et lâ impact des mouvements de femmes--
Bien qu'il serait faux de
dire que le MDCFF a voulu enterrer la loi Veil, il est clair qu'il a montré peu d'enthousiasme
dans ce dossier pour se démarquer des conservateurs. Un rapport officiel soulignant le
difficile accĂšs Ă l'avortement mentionnait que Mme Pelletier avait promis que ces problĂšmes
79
serait résolus aprÚs le vote définitif de la loi. Mais ce rapport publié dans Libération se
terminait par un cynique : "Nous aviserons." (1.12.1979).
Au bout du compte, la loi a été votée définitivement à une courte majorité (255 voix
pour, 212 contre et 8 abstentions) avec des restrictions significatives (JO, loi n° 79-1204, 31
décembre 1979, 1er janvier 1980). Les médecins étaient tenus d'informer leurs patientes sur
les conséquences de cet acte et sur la situation démographique du pays. L'adjonction de cette
clause était une réponse aux inquiétudes concernant la démographie et le rÎle des femmes
dans la société. Un député RPR bien connu, Hector Rolland, avait souligné lors des débats
que "le slogan prĂ©fĂ©rĂ© des femmes qui manifestent dans les rues de Paris est âNous sommes
libres de notre corpsâ. Cependant, si les hommes suivent le mĂȘme raisonnement, ils peuvent
aussi descendre dans la rue pour refuser de sacrifier leur vie en cas de guerre." (JO, n° 112,
AN, 28 novembre 1979). M. Rolland sous-entendait clairement que les femmes, elles aussi,
avaient un devoir envers la Nation : porter ses enfants. La nouvelle loi de 1979 réaffirmait ce
devoir et l'AGF ne s'y opposait pas. Pour les groupes féministes, le vote de la loi Pelletier
constituait au mieux une victoire imparfaite. Il existait encore des limitations importantes Ă
l'exercice de ce droit. Plus encore, le cadre dominant du débat se réduisait à des
considérations démographiques et pro-natalistes insupportables pour des groupes tels que le
MLAC, le MFPF et le MLA.
Les amendes pour avortements illégaux ont été augmentées de façon significative (de
80% à 120% en plus par rapport à la loi de 1975) préfigurant ainsi les débats à venir. Les
avortements n'ont pas été décriminalisés par la loi de 1979 tout au contraire les peines ont été
alourdies probablement à cause du cas La Pergola dans lequel deux avorteurs ont été jugés
pour infanticide
62
. La presse a largement couvert cette affaire. La clinique La Pergola du
18Ăšme arrondissement de Paris est devenue le symbole de tout ce qui Ă©tait mauvais dans la loi
de 1975. Pour les opposants à la légalisation, cette affaire redonnait à l'avortement l'image
d'infanticide. Pour ses dĂ©fenseurs, ce cas soulignait les manques de cette loi notamment Ă
l'Ă©gard des mineurs (Le Matin, 2.11.1979 ; Collectif FĂ©ministe contre la RĂ©pression et
Coordination des Groupes Femmes Paris).
Les
facteurs
explicatifs
--Les groupes féministes les plus actifs en France étaient ceux
qui se concentraient sur les questions de droit Ă l'avortement et de droit Ă la contraception.
Ainsi, malgré un déclin certain du militantisme, ils ont réussi à se mobiliser fortement dans ce
débat sans pouvoir imposer leur formulation.
Si la gauche était globalement favorable à cette réforme, elle n'était pas au pouvoir. Et,
bien que Giscard d'Estaing ne soit pas favorable à un recul en la matiÚre, il a toujours été plus
enclin Ă reprendre l'argumentation des opposants que celle des partisans Ă l'avortement.
à la fin des années soixante dix, l'AGF en place a été paradoxalement chargé de mettre en
Ćuvre une politique qui Ă©tait plus nataliste que fĂ©ministe. De toutes façons, il n'a jamais
disposer des moyens suffisants pour mener une véritable action. Dans son discours, les
femmes n'ont jamais Ă©tĂ© une partie de la population ayant des problĂšmes et des intĂ©rĂȘts
spécifiques mais plutÎt, des mÚres. On peut dire que la structure que dirigeait Monique
Pelletier n'a jamais été féministe ; par contre, il s'agissait d'une organisation destinée à prendre
en charge tous les problÚmes relatifs à la conciliation entre maternité et travail.
62
Le cas La Pergola concernait l'arrestation de deux médecins qui avaient avorté deux jeunes femmes en état de
grossesse avancé. Dans un cas, on a dit que le bébé avait pleuré aprÚs l'intervention. dans les deux cas, les
enfants ont disparu. Les médecins ont été condamnés pour infanticide en octobre 1979.
80
Débat 2 : Le remboursement de l'IVG, la loi de 1982 : Alliées/Réponse double
L'évolution du débat et son cadre dominant
--En 1978, le Parti socialiste a pris la
décision d'introduire dans son programme le remboursement des avortements non
thérapeutiques
63
. DÚs 1979, les propositions du PS concernant l'avortement débutaient par
l'affirmation suivante : "La liberté de disposer de son corps est un droit inaliénable." (PS
1979). Cette idée a été reprise par les magazines féminins (Elle, 9 septembre 1980).
Avec la nomination d'Yvette Roudy Ă la tĂȘte du ministĂšre des droits de la femme, tout
semblait prĂȘt pour que la rĂ©forme avance. DĂ©crite par certains comme une fĂ©ministe militante
(Adler 1993: 194), Roudy s'était fait une réputation à l'intérieur du PS en le forçant à prendre
en compte les droits des femmes. Sa gestion du ministÚre a montré sa détermination à pousser
sur l'agenda des propositions controversées dont l'adoption n'était pas garantie. Les premiÚres
mesures prises en novembre 1981 concernaient l'information sur la contraception. Entre
novembre 1981 et mars 1982, 88 nouveaux centres de planning familial ont été mis en place
sous l'égide du ministÚre. La seconde étape a consisté à augmenter le nombre des hÎpitaux
pratiquant l'avortement. La troisiÚme a consisté à travailler au remboursement des
avortements non thérapeutiques.
La campagne en faveur du remboursement de l'avortement par la sécurité sociale a
commencé début janvier 1982. Pendant une émission télévisée, Roudy a expliqué que la
premiÚre priorité de son ministÚre était l'emploi et la formation, la seconde était la diffusion
d'informations sur la contraception et la volonté de rembourser l'avortement. Elle a déclaré :
Selon deux sondages, 70% des français pensent qu'il est juste de rembourser
l'avortement. La loi permet aujourd'hui Ă un certain nombre de femmes d'avorter parce
qu'elles ont l'argent et l'information nécessaire... C'est une loi bourgeoise. La loi doit
ĂȘtre la mĂȘme pour toutes. Notre projet est cohĂ©rent, juste et Ă©galitaire. Cette
proposition coûtera 150 millions dans un budget de 9 milliards... L'avortement
constitue un dernier recours, ce n'est pas un mode de contraception. Mais si une
femme doit y recourir la loi doit le permettre Ă toutes (Le Monde 5.1 1982).
En mars 1982, Roudy a annoncé qu'une réunion interministérielle avait approuvé le
remboursement de l'avortement dĂšs septembre. Un peu plus tard dans la semaine, dans le
cadre de la célébration de la journée de la femme, Roudy a déclaré que le 8 mars n'était pas
seulement une date symbolique mais le début d'une nouvelle Úre dans la défense des droits des
femmes (Le Matin 5.3.1982). Cependant, la semaine suivante, des opposants Ă l'avortement
ont organisé une manifestation à la Bastille pour protester contre cette mesure qui a rassemblé
entre 10 et 15 mille manifestants. Un professeur a déclaré que le fondement de notre
civilisation n'Ă©tait pas le droit des femmes mais la protection des plus jeunes et des faibles, le
fĆtus Ă©tant le plus faible de tous. D'autres ont dĂ©clarĂ© : "Stop au massacre d'innocents." (Le
Monde 18.5.1982). La bataille a donc vu l'affrontement d'une féministe reconnue utilisant la
rhétorique du droit et de la lutte des classes et des groupes conservateurs utilisant le langage
de la moralité, du meurtre et de la protection de l'innocent.
Au cours du printemps, la bataille s'est déroulée dans la presse, au sein du
gouvernement et plus tard à l'Assemblée nationale. Roudy a signé des lettres ouvertes dans
63
Appleton et Mazur (1993) ont souligné que François Mitterrand a été le seul à répondre à l'invitation de
Choisir
au cours de la campagne présidentielle de 1981.
81
lesquelles elle reconnaissait que l'avortement n'est pas "un acte banal" (Le Monde 18-
19.4.1982) mais que le remboursement est une question de justice. Plus tard, des députés
favorables à ce remboursement ont officiellement demandé à Roudy ce qu'il en était
(Questions écrites, 2 et 8 juillet 1982). Mais, en août, la sécurité sociale a publié un rapport
remettant à plus tard la question du remboursement. Pierre Bérégovoy, ministre des affaires
sociales, a déclaré que ce n'était pas "une question d'argent" mais qu'il était nécessaire de
consulter "les différentes familles spirituelles". Les responsables catholiques ont considéré
qu'ils avaient remporté une victoire partielle tandis que la gauche ainsi que les groupes
féministes et les syndicats ont considéré cette décision comme une trahison et un affront fait
aux femmes (
Le Monde
5.8.1982). Yvette Roudy s'est retrouvée coincée entre les partisans de
la réforme en colÚre et ses opposants. Quant à Bérégovoy, personnellement opposé à la
banalisation de l'avortement, il a posé la nécessité de passer par le Parlement pour trancher ce
sujet controversé.
La bataille s'est intensifiée en automne. Un grand nombre d'articles ont été publiés
dans des journaux comme Le Quotidien du médecin
,
Le Matin
et Le Monde ainsi que dans la
presse féminine. Des organisations telles que le MFPF, le SNES, la CFDT sont entrées dans
le débat (Cahiers du Féminisme 1982). Finalement la question n'était plus de savoir si
l'avortement serait remboursé mais de quelles façons il le serait. Bérégovoy s'opposait au
remboursement par la sécurité sociale car, à ses yeux comme à ceux de Mitterrand, il
banalisait cet acte. Tandis que le ministĂšre des droits de la femme (ainsi que
Choisir
, le MFPF
et le PS) voulait justement qu'il soit considéré comme n'importe quel autre acte médical. à la
fin octobre, de nombreuses manifestations ont été organisées à Paris en faveur du
remboursement ce qui a conduit le Président à rencontrer les représentants du MFPF. Pendant
cette période Roudy et son ministÚre semblent avoir été actifs dans ce combat. Fortement
soutenue par les organisations ainsi que par les promesses électorales du PS, Roudy a passé
l'année 1982 à pousser la réforme de l'avortement sur l'agenda.
L'introduction du genre dans le débat--
En décembre 1982, Yvette Roudy a convaincu
le Conseil des ministre ; il accepte de rembourser l'avortement à 70%. Il a par ailleurs été
dĂ©cidĂ© que le code d'enregistrement de la procĂ©dure serait K30, le mĂȘme que pour la
circoncision.
Par les arguments qu'il a soulevé d'un cÎté comme de l'autre, le débat sur le
remboursement a été caractéristique des autres débats sur l'avortement.
Sous le ministÚre d'Yvette Roudy, la question de l'avortement a été formulée en termes
d'émancipation féministe et de justice sociale.
Les activités des AGF et l'impact des mouvements de femmes
--Au départ, Roudy
pensait pouvoir traiter la question administrativement sans passer par l'Assemblée. Mais, face
à ceux qui craignaient la banalisation de cet acte (Bérégovoy et Mitterrand), elle a dû porter la
discussion devant l'Assemblée. Adoptée aprÚs déclaration d'urgence à l'Assemblée, elle a été
rejetée par le Sénat puis adoptée en deuxiÚme lecture le 20 décembre 1982.
Bien que Roudy ait entretenu de bonnes relations avec les groupes féministes, certains
se sont méfiés la sachant acculée au compromis. Il est évident que le ministÚre a soutenu les
objectifs des mouvements de femmes et a essayé de genrer le débat. D'ailleurs, en février
1983, le MFPF a reconnu la contribution féministe du ministÚre qualifiant la bataille pour le
remboursement de "victoire des femmes contre les forces réactionnaires" (Communiqué du
82
MFPF, fĂ©vrier 1983). Le ministĂšre lui-mĂȘme s'est prĂ©sentĂ© comme une organisation dĂ©vouĂ©e Ă
la cause des femmes et son discours l'accrédite.
Le résultat politique n'a pas été celui escompté par les organisations féministes.
Cependant, il Ă©tait en accord avec les revendications d'organisations telles que Choisir et le
MFPF. Des documents et des lettres Ă©manant des organisations militantes montrent que
Roudy a été contactée et qu'elle a accordé de l'attention aux revendications exprimées. Dans
une lettre du MFPF du 24 février 1983, on peut lire à l'adresse de la ministre : "Nous
reconnaissons l'énergie et la volonté déterminée avec laquelle vous et votre administration
avait défendu notre cause et nous vous en remercions."
Les facteurs explicatifs--
Bien que le mouvement féministe ait été en déclin, il a été trÚs
mobilisé sur cette question et trÚs uni. L'environnement politique était caractérisé par un
pouvoir socialiste dominant qui était lié par ses promesses de campagne à l'égard des femmes.
Néanmoins, il faut aussi souligner les divisions importantes sur cette question à l'intérieur
mĂȘme du gouvernement, des divisions qui expliquent bon nombre de ses rĂ©sistances. Pour
résumer, on pourrait dire qu'Yvette Roudy soutenue par Pierre Mauroy a dû affronter les
résistances de François Mitterrand et de Pierre Bérégovoy. Si Roudy a pu parvenir à ses fins
c'est sans doute parce qu'elle s'est appuyée sur un mouvement social fort et déterminé qui n'a
cessé de rappeler les socialistes à leur engagements. Par ailleurs, comme le montre les
sondages de l'époque, l'opinion publique était aussi de son cÎté. La force d'Yvette Roudy a
sans doute résidé pour une bonne part dans son rattachement administratif à un premier
ministre qui Ă©tait favorable aux droits des femmes.
DĂ©bat 3 : RU 486, la dĂ©cision du Conseil d'Ătat de 1990 - Symbolique/Devancement
L'évolution du débat et le cadre dominant
--Le mifegyne, plus connu sous le nom de
RU 486, a été élaboré en France en 1982 par Roussel Uclaf et une équipe de chercheurs
dirigĂ©e par Ătienne-Ămile Beaulieu. Sa distribution et son utilisation en tant qu'abortif (sous
contrÎle médical) a été autorisée par le gouvernement en 1988. Un mois plus tard, harcelé et
menacé par les groupes anti-avortement et par ses concurrents, Roussel Uclaf a décidé de
suspendre sa distribution. Deux jours tard, le gouvernement français qui possédait 36,25% de
l'entreprise l'a mise en demeure de revenir sur sa décision. Dans les quatorze mois qui ont
suivi, des tentatives ont été faites pour amener le gouvernement à retirer son soutien au RU
486. La bataille a pris fin en décembre 1990.
DÚs l'annonce de son exploitation, le RU 486 a cristallisé les controverses. Considéré
par les scientifiques comme un moyen efficace de permettre un avortement précoce, sûr et
individuel, il a été soutenu par la presse féminines et les organisations du planning familial.
Pour ses opposants, le RU 486 Ă©tait au contraire la "pilule de la mort" et une banalisation
supplémentaire de l'avortement. Ainsi, cette innovation a fourni un contexte favorable à un
nouveau débat sur l'avortement.
Le débat sur le RU 486 a été formulé de deux façons.
D'un cÎté, les praticiens et les défenseurs du droit à l'avortement ont déclaré que cette
pilule offrait aux femmes de nouvelles opportunités. On a pu lire dans Le Monde qu'elle
marquait aprĂšs Pincus une Ă©tape nouvelle dans l'histoire de la contraception. Bien qu'elle ne
soit pas Ă proprement parler contraceptive puisqu'elle empĂȘche la fĂ©condation, Beaulieu en
parle comme d'une pilule anti-conceptionnelle. Yvette Roudy a comparĂ© l'Ćuvre de Beaulieu
83
à celle de Pasteur (Gruhier 1982: 44). Les essais médicaux réalisés entre 1982 et 1987 ont
souligné son potentiel et suscité beaucoup d'attentes.
La presse féminine et les groupes féministes ont soutenu cette pilule car elle semblait
représenter une alternative à l'intervention chirurgicale. Les partisans du RU 486 ont
Ă©galement soutenu que cela permettait aux femmes de prendre en charge leur destin. Le RU
486 faisait partie de la panoplie qui permettait aux femmes de disposer de nouveaux choix et
de nouvelles libertés. Interviewé par Elle en 1984, Beaulieu a déclaré :
La femme reste maßtresse de ses décisions y compris de celle de ne pas décider! Je
crois qu'il faut de nombreuses méthodes pour assurer la liberté de chacune et la
maßtrise individuelle de sa fécondité (Renaudin 1984)
En 1984, Elle annonçait "une véritable révolution : une interruption de grossesse sans
hospitalisation, sans acte chirurgical, sans traumatisme psychologique ou moral." (Renaudin,
1984). L'année suivant, Elle a soumis le problÚme à son lectorat tout en déclarant "cette pilule
révolutionnera la vie des femmes, augmentera encore leur pouvoir sur leur fécondité et
notamment leur permettra d'avorter plus facilement, voire trĂšs tranquillement Ă la maison."
("Pilule Abortive ou pilule du lendemain, le RU 486 est-il légal?", Elle 21.10.1985)
Beaucoup de médecins ont considéré ce médicament comme un progrÚs considérable.
Néanmoins, certains gynécologues ont souligné qu'il pouvait détourner les femmes de la
prévention et, ce faisant, soulever des questions morales.
Le débat public dans les journaux comme dans les magazines faisait du RU 486 un
médicament qui pouvait changer la vie des femmes. Dans ce contexte, les AGF sont restés en
retrait dans l'attente de l'avis des commissions gouvernementales qui examinaient l'efficacité
et la sûreté du RU 486. Bien que Roudy ait parlé avec enthousiasme de ce médicament, les
AGF n'ont pas pris part au débat public.
à la fin de l'année 1987, le comité consultatif national d'éthique, présidé par le
professeur Jean Bernard, a publié un rapport sur le RU 486 dans lequel il approuvait son
utilisation soulignant qu'il s'inscrivait dans l'esprit des lois de 1975 et 1979. Le Comité
conseillait que le RU 486 soit autorisé par le ministÚre de la santé à condition qu'il soit utilisé
sous surveillance médicale (Le Monde 17.12.1987).
La seconde formulation du débat a été élaborée sur une période plus longue et a
émergé plus nettement aprÚs janvier 1988. C'est à ce moment là que le ministÚre de la santé a
décidé de reporter temporairement la commercialisation du RU 486. Soutenant que le dossier
présenté par Roussel Uclaf était incomplet, la commission d'autorisation de mise sur le
marché (AMM) du ministÚre de la santé a décidé qu'il y avait encore des questions à résoudre
avant de pouvoir dire que le RU 486 était sûr (Nau 1988). Désormais, un nouveau discours
critique se faisait entendre dans la société française. Roussel Uclaf a souligné que "certains
groupes de pression verraient d'un mauvais Ćil la commercialisation d'un mĂ©dicament
permettant d'interrompre une grossesse, fut-elle trÚs précoce". Laissez-les-vivre voyant dans
cette pilule une tentative de banalisation de l'avortement emboĂźtait le pas des militants
américains anti-avortement qui la qualifiait de "pilule de la mort" (Nouchi 1987). Les
militants anti-avortement ont reçu le soutien de l'Ăglise catholique. Dans ce contexte, il y
avait une opportunité pour l'AGF de réagir en invoquant des arguments féministes et en
défendant le libre accÚs à l'avortement ; néanmoins, le ministÚre est resté silencieux.
84
C'est à ce moment là que la controverse sur le RU 486 a interféré avec l'actualité
politique. Les élections présidentielles se profilaient et, étant donné l'opposition virulente
d'une frange de la population, aucun des deux candidats n'Ă©tait prĂȘt Ă entrer dans le dĂ©bat.
Dans les entreprises par contre, les choix ne pouvaient pas ĂȘtre Ă©vitĂ©s. Roussel Uclaf avait
lourdement investi dans le développement de ce médicament, son approbation par le
gouvernement Ă©tait alors cruciale d'un point de vue Ă©conomique. Il a donc fourni la
documentation demandée par l'AMM à la commission dÚs la mi mars. Cependant, pour des
raisons politiques, celle-ci a décidé de ne pas se réunir avant l'automne. Entre temps, Roussel
Uclaf a fait l'objet de la furie des militants anti-avortement. Ces derniers ont rappelé l'histoire
du groupe. Le propriétaire allemand de Roussel Uclaf, Hoechst, était l'héritier de I.G. Farben,
l'entreprise allemande qui avait fabriqué le gaz des camps nazis. Avec des commentaires
enflammés tels que "vous transformez les utérus en fours crématoires" (Beaulieu 1991: 39),
les opposants ont préfiguré la façon dont le débat serait formulé. Dans cette optique, le RU
486 était pire que les formes traditionnelles d'avortement puisqu'il détruisait non seulement les
vies des enfants Ă naĂźtre mais aussi le corps des femmes. On avait ainsi une nouvelle
formulation du dĂ©bat dans laquelle il n'Ă©tait plus question des droits des femmes ni mĂȘme de
la santé mais de la mort.
L'introduction du genre dans le débat--
En fait, le débat a été véritablement genré par
le ministÚre de la santé, et non par les AGF, puisqu'il a reformulé le débat en termes de droit
des femmes à l'autonomie en matiÚre de reproduction. L'assertion la plus genrée a émané du
ministre de la santé Claude Evin qui a affirmé le droit moral des femmes à obtenir ce
médicament. Cette déclaration a été faite aprÚs plusieurs mois de controverse publique intense
et continue. Bien qu'elles aient insisté sur la nécessité d'un contrÎle médical et d'une
utilisation en milieu hospitalier, les commissions qui conseillaient le ministÚre de la santé
n'ont pas cĂ©dĂ© aux demandes des militants anti-avortement. Il n'en a pas Ă©tĂ© de mĂȘme pour les
fabricants de la pilule. Tandis que l'AMM approuvait son usage commercial en septembre
1988, les pressions sur Roussel Uclaf ont continué à s'exercer. L'annonce de cette approbation
par le ministre de la santé (Voir Le Monde 25-26.9.1988) a été accueillie par des protestations
renouvelée sur les dangers du RU 486. Les pressions continuelles des groupes anti-
avortement et de l'Ăglise catholique ajoutĂ©es aux convictions personnelles de Wolfgang
Hilger, prĂ©sident de la sociĂ©tĂ© mĂšre allemande, et peut-ĂȘtre, plus important encore, Ă la peur
d'un boycott ont conduit les dirigeants de la société Roussel Uclaf à suspendre la distribution
du médicament. Contacté par la presse française, le docteur Beaulieu, qui faisait la promotion
du RU 486 au congrÚs mondial de gynécologie et d'obstétrique à Rio de Janeiro, a déclaré que
la firme avait laissé s'exprimer "l'intolérance" (Le Monde 28.10.1988). Sa condamnation a été
appuyée par d'autres. Finalement, la ministre des droits de la femme a été interrogée (Antenne
2) et s'est déclarée surprise de la tournure prise par les évÚnements - bien que les raisons de sa
surprise ne soient pas claires - : Elle "s'est étonnée ... des réactions d'intolérance qui se
manifestent : c'est trĂšs dommage pour les femmes, c'est un recul." (Le Monde 28.10.1988).
Les féministes et les militants du planning familial ont exprimé leur colÚre avec
beaucoup plus de force que Mme André. Le MFPPF "proteste énergiquement contre ce
nouvel assaut des forces conservatrices religieuses ... Les intégristes et réactionnaires
catholiques veulent imposer leurs lois rétrogrades aux femmes." Le docteur Annie Bureau,
membre de l'ANCIC - une formation qui a participé aux essais concernant le RU 486 - a
dĂ©clarĂ© qu'il Ă©tait "regrettable que le laboratoire ne veuille pas le sortir, au mĂ©pris de l'intĂ©rĂȘt
des femmes. Je suis indignĂ©e et bouleversĂ©e." MĂȘme le PS a fait savoir sa dĂ©sapprobation en
ces termes : "aprÚs les atteintes graves à la liberté des spectateurs de choisir le film à travers
85
l'affaire Scorcese, il s'agit d'une nouvelle atteinte aux libertés des femmes de choisir une
démarche médicale nouvelle (...). Il n'est pas bon pour la démocratie que des groupes
âterroristesâ de pression dĂ©cident de la politique culturelle ou sanitaire d'un pays." ("les
rĂ©actions (Le Monde 28.10.1988).â
64
S'attachant plus aux droits des femmes qu'aux aspects religieux de la controverse,
Claude Evin a ouvert le conflit. Deux jours aprÚs que Roussel Uclaf ait tenté de faire marche
arriÚre, il a appelé Pierre Joly, le vice-président de R.U., pour l'informer qu'il allait adresser
une mise en demeure à sa société pour qu'elle reprenne la distribution du médicament dans
"l'intĂ©rĂȘt de la santĂ© publique". Expliquant la position de son ministĂšre, Evin a dĂ©clarĂ© : "Je
me devais de réagir ... [la pilule abortive est aujourd'hui devenue] moralement la propriété des
femmes." (Nau et Nouchi 1988). En faisant pression sur Roussel Uclaf pour qu'elle revienne
sur sa suspension, Evin, en tant que ministre, a inauguré une nouvelle forme d'action. Son
action innovante s'appuyait sur une loi de 1968 relative aux brevets d'invention qui
reconnaissait au ministre de la santé le droit de céder le brevet d'un médicament à une autre
sociĂ©tĂ© dans le cas oĂč son fabricant refusait de la commercialiser. Le recours Ă l'impĂ©ratif
moral des femmes et à ses prérogatives ministérielles ont permis à Evin de débloquer le débat
en mĂȘme temps qu'il contribuait Ă le genrer. Claude Evin a affirmĂ© son autoritĂ© de ministre en
arguant du droit des femmes Ă faire librement les choix qui concernent leur corps et leur futur.
Il est cependant indéniable que la formulation du débat en termes de santé et d'autonomie des
femmes utilisée par de nombreux groupes de femmes, agences du planning familial et
praticiens de la santé a aidé le ministre à asseoir son autorité (Voir Nau et Nouchi 1988 et
Beaulieu 1975 50). Ainsi, Roussel Uclaf a pliĂ© devant la requĂȘte du ministre et a remis le RU
486 sur le marché.
Ce qui remarquable dans ce débat c'est l'absence des AGF du processus politique
comme des commentaires indignés qui l'ont accompagné. AprÚs les années Roudy marquées
par l'engagement de son ministÚre dans les controverses publiques, la nouvelle équipe a été
quasiment invisible puisque non seulement elle n'a pas contribué à genrer le débat mais,
surtout, elle n'est mĂȘme pas intervenue dans celui-ci. MĂȘme si seul le ministĂšre de la santĂ©
avait autorité pour agir en la matiÚre, il est clair que l'AGF aurait pu réagir d'une façon ou
d'une autre.
L'activité des AGF et l'impact des mouvements de femmes--
Plus de deux plus tard,
c'est le Conseil d'Ătat qui a finalement mis un terme Ă la polĂ©mique sur la pilule abortive en
prenant deux dĂ©cisions qui ont lĂ©gitimĂ© la position du gouvernement. Dans le premier arrĂȘt, le
Conseil d'Ătat affirmait sans Ă©quivoque que les conditions dans lesquelles ce mĂ©dicament et
son usage ont Ă©tĂ© approuvĂ©s Ă©taient correctes (Nouchi 1990). Le second arrĂȘt datĂ© du 21
décembre 1990 a balayé les arguments des militants anti-avortement en affirmant que l'action
et les décisions du ministre de la santé avaient été conformes à la législation française en
vigueur et aux dispositions internationales concernant les droits de l'homme. Entre avril 1988
et septembre 1989, 20 000 femmes ont bénéficié gratuitement de cette pilule dans le cadre
d'un programme strictement encadrĂ© qui a mis en Ă©vidence un taux de rĂ©ussite supĂ©rieur Ă
90%.
La controverse sur ce médicament s'est cependant poursuivie tout au long de la
décennie. L'un de ses épisodes les plus marquants a été la mise en circulation d'une pétition
64
Pour le PS, comme pour d'autres commentateurs, aprĂšs l'affaire autour du film de Scorcese
La derniĂšre
tentation du Christ
, le problĂšme Ă©tait surtout celui de l'influence de l'Ăglise catholique sur la vie publique.
86
par la députée de droite et virulente militante anti-avortement, Christine Boutin. Cette pétition
signée par 37 députés, au nombre desquels on comptait Bruno Durieux, réclamait la création
d'"une commission d'enquĂȘte sur les procĂ©dĂ©s nouveaux permettant l'avortement et les
moyens mis en Ćuvre par les pouvoirs publics pour en autoriser et en contrĂŽler l'utilisation."
(A.N., n°1419). Sans nommer explicitement le RU 486, cette proposition avait pour but
d'évaluer son utilisation et de remettre en question la décision gouvernementale qui l'avait
autorisée. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a rejeté cette
proposition le 24 octobre 1990 (Le Monde 26.10.1990). Celle-ci serait tombée dans l'oubli,
comme la plupart des propositions de Boutin, si, entre temps, l'un de ses signataires, Bruno
Durieux, n'était devenu ministre de la santé. Cet épisode met une nouvelle fois en lumiÚre
l'activisme d'Yvette Roudy, ancienne ministre, qui a Ă©crit une lettre Ă Michel Rocard, et la
faible implication de Mme André dans le débat public. Mme Roudy a voulu insister sur la
contradiction que représentait à ses yeux la nomination d'un adversaire de l'avortement au
ministÚre de la santé : "Vous comprendrez que la nomination d'un militant hostile à la
diffusion de la âpilule du lendemainâ dans un domaine aussi sensible que celui de la santĂ© ne
puisse qu'inquiĂ©ter ceux et celles, nombreux, qui sont attachĂ©s Ă la dĂ©fense du droit Ă
l'avortement, droit reconnu par la loi." (Roudy 1990). Par contre, rien ne montre, dans ce
débat, que les AGF aient été concernés.
Les militants du droit Ă l'avortement et les agences du planning familial se sont
attachés quant à eux à nourrir la discussion notamment dans la presse féminine. Ainsi, ils ont
contribuĂ© Ă genrer le dĂ©bat dans les mĂ©dias. L'Ătat a rĂ©pondu d'une façon qui tend Ă montrer
qu'il partage la position des défenseurs de ce droit. Mais, l'intégration directe de féministes
dans le processus politique a été minimale.
Les facteurs explicatifs--
En 1987, le féminisme français avait perdu une bonne part de
sa cohésion et de son ardeur. Il faut souligner aussi que la bataille sur le RU 486 mettait en
jeu l'accÚs et non le droit à l'avortement, elle était donc moins propice au débat public.
Néanmoins, certains groupes comme le MFPF ont été activement impliqués dans ce débat en
défendant l'idée selon laquelle cette pilule était partie intégrante du dispositif qui assurait aux
femmes leur droit Ă maĂźtriser leur reproduction.
La gauche qui avait perdu la majoritĂ© Ă l'assemblĂ©e Ă©tait en pĂ©riode de reconquĂȘte du
pouvoir. Sa stratégie consistait en une politique d'ouverture au centre qui n'était pas favorable
aux idées féministes. Seuls les militants anti-avortement ont bénéficié d'un contexte favorable
puisqu'ils ont pu à cette époque disposer de l'assistance des groupes américains tels 'Operation
Rescue" beaucoup plus organisés.
Dans ce débat, le sous systÚme de décision a été relativement fermé. En effet, le
caractÚre scientifique et juridique des débats a exclu bon nombre de ceux qui n'étaient pas des
experts. L'activité législative s'est limitée aux réponses adressés aux questions écrites des
militantes anti-avortements - posées bien entendu par l'intermédiaire de leurs représentants.
DĂ©bat 4 Les commandos anti-IVG , la loi Neiertz de 1993 : Marginales/Devancement
L'évolution du débat et de son cadre dominant--
Depuis 1987, des groupes anti-
avortement organisent en France des actions de protestation dans la rue et devant les cliniques
et les hĂŽpitaux publics pratiquant l'avortement ; leurs actions consistent Ă harceler
physiquement et verbalement les patientes et Ă bloquer l'accĂšs des Ă©tablissements. Dans une
étude importante sur le mouvement anti-avortement en France, Fiammetta Venner a dénombré
87
53 incidents entre 1987 et 1991 et 69 entre 1992 et 1995. Environ un quart d'entre eux Ă©taient
violents et quatorze ont consisté en des manifestations non autorisées (la plupart d'entre elles
se sont déroulées dans les années quatre-vingt-dix) (Venner 1995: 141-146).
Ces actions appelées commandos anti-IVG ont été organisées tout à la fois pour attirer
l'attention du public et des mĂ©dias et pour tenter d'empĂȘcher ces interventions. Dominique
Frischer suggĂšre qu'il y a un lien direct entre l'augmentation des attaques des commandos et la
visite du pape Jean-Paul II en France en 1988. Ă cette Ă©poque, il appelait la culture
contemporaine "culture de la mort" et appelait les fidĂšles Ă lutter contre l'avortement, mĂȘme si
celui-ci était autorisé par la loi. (Frischer). Ces groupes ont non seulement reçu l'appui de
l'Ăglise catholique mais aussi le soutien et les conseils de groupes amĂ©ricains anti-avortement
tel que Operation Rescue. Comme aux Ătats-Unis, le but de ces actions Ă©tait Ă la fois de
menacer les femmes candidates Ă l'avortement et les praticiens. Ce n'est qu'Ă partir de 1991
que le gouvernement a décidé de répondre à ces menaces.
En juin 1991, peu aprĂšs son accession au secrĂ©tariat d'Ătat aux droits des femmes et Ă
la vie quotidienne (SEDFVQ), Véronique Neiertz a affirmé sa volonté de lutter contre ces
commandos qui avaient sévi dans plus de vingt hÎpitaux et cliniques à Paris cette année-là . Il
faut noter que ces actions n'avaient pas fait l'objet de procĂšs ou d'une quelconque action
judiciaire. Dans un communiqué de presse de juin 1991, Neiertz a répété que les femmes
avaient le droit à "la libre disposition de leur corps" et que, par conséquent, les autorités
publiques ne pouvaient pas permettre des actions qui empĂȘchaient l'application de la loi de
1975 (SEDFVQ 1991). La ministre a mĂȘme demandĂ© au garde des sceaux d'intervenir car elle
pensait qu'il était de sa responsabilité d'assurer aux femmes l'accÚs aux centres d'avortement.
Son intervention a soulevĂ© une question sous-jacente : quel devrait ĂȘtre le rĂŽle des tribunaux,
de la police et de l'Ătat quand les droits des femmes sont menacĂ©s?
Dans sa correspondance avec le garde des sceaux, elle demandait que l'on continue les
poursuites en s'appuyant sur les plaintes dĂ©posĂ©es (Droits des femmes 1991). Au mĂȘme
moment, le ministre de la santé a fait circulé deux notes, l'une datée de janvier 1991 et l'autre
de février 1992, donnant des instructions sur la procédure à suivre en cas d'attaque. Mme
Neiertz, en tant que responsable d'un AGF, a cherchĂ© les moyens de les arrĂȘter. La requĂȘte de
la ministre n'a cependant pas eu de suite immédiate. Finalement, plus de dix-huit mois aprÚs,
la question a été débattu à l'Assemblée nationale.
à l'automne, la ministre a annoncé la création d'un groupe d'études interministériel
chargé d'étudier les sanctions judiciaires et les mesures concrÚtes à prendre contre les
commandos engagés dans des "opérations anti-IVG dans les hÎpitaux". Les ministres de la
justice, des affaires sociales et de la santé aidés par des administrateurs des hÎpitaux publics
de Paris faisaient partie de ce groupe (Le Monde 19.9.1991).
Pendant que le groupe interministériel travaillait, les militants du droit à l'avortement,
les agences de planning familial, les syndicats et les partis politiques se sont regroupés pour
dénoncer ces commandos. En novembre, la CADAC a dénoncé l'immobilité du gouvernement
en dépit des positions prises par différents ministres (CADAC 1991).
L'introduction du genre dans le débat--
Bien que Neiertz ait clairement tenté de
sensibiliser les autres ministres, il est apparu qu'elle s'était mobilisée uniquement aprÚs la
rĂ©ception de lettres envoyĂ©es par la CADAC, Ă elle-mĂȘme et Ădith Cresson, en juin. Dans ces
lettres, les représentants d'organisations telles que le MFPF, Les Cahiers du féminisme, la
88
CFDT et "Elles sont pour" défendaient l'idée selon laquelle ces actions commandos
entravaient le droit Ă l'avortement. L'une d'elles invitait la ministre Ă les rencontrer pour
discuter des stratégies politiques possibles et se terminait en espérant qu'elle prendrait une
décision favorable aux droits des femmes. Ce qui pouvait sembler superflu étant donné qu'elle
était sensée protéger et promouvoir les droits des femmes ; mais cela montrait le manque de
confiance que la CADAC accordait Ă son action.
Cependant, la ministre a réellement réussi à mettre cette question au centre de la
politique. Dans un communiqué de juin 1991, elle a formulé sa "vigoureuse opposition" aux
manifestations des militants anti-avortement à Paris (SEDFVQ1991). La question a été au
bout du compte formulée en termes de droit puisque le seul argument de Neiertz était le
respect des lois votées par la représentation nationale.
Son argumentation n'Ă©tait pas particuliĂšrement fĂ©ministe dans la mesure oĂč elle
s'appuyait sur la légitimité de la loi. Son approche différait de celle des groupes féministes qui
formulaient leurs revendications en termes de droit des femmes. La différence est ténue mais
tandis que les féministes se préoccupaient des atteintes aux droits des femmes, la ministre se
préoccupait des atteintes au lois.
Les activités des AGF et l'impact des mouvements de femmes
--La commission
interministérielle n'a pas réussi à résoudre le problÚme. Sous la pression de la CADAC,
Neiertz décida d'impliquer le ministre de la santé et l'Assemblée nationale. Finalement en
janvier 1993, l'Assemblée nationale a voté un amendement au code la santé publique qui
introduisait un "délit spécial d'entrave à l'IVG" assorti de sanctions pénales, il donnait aux
associations le droit d'aller en justice. Ce vote a aussi décriminalisé l'auto-avortement.
Connue sous le nom de "loi Neiertz", ces dispositions prévoyaient des amendes allant
de 2000 Ă 30 000 francs pour toute action visant Ă harceler les patientes et les praticiens ou Ă
bloquer les accÚs des cliniques. La loi est plus ou moins appliquée depuis 1993, généralement
les amendes sont suspendues (Venner 1995; Actualités sociales hebdomadaire 6.12.1996).
En tant que SecrĂ©taire d'Ătat, Neiertz a toujours dĂ©clarĂ© que l'avortement Ă©tait un droit
fondamental des femmes. Néanmoins, elle n'a jamais été aussi virulente que celle qui l'avait
précédée, Yvette Roudy. Bien plus, elle a eu tendance à rechercher les solutions
administratives. En été 1991, elle a co-signé avec Bruno Durieux, ministre délégué à la santé,
une circulaire envoyée à tous les hÎpitaux publics qui les enjoignaient à avoir en permanence
le personnel nécessaire pour pratiquer des avortements. Ceci répondait à des revendications
de la CADAC et du MFPF ainsi qu'à des questions posées à l'Assemblée nationale. Neiertz a
également lancé une étude relative aux problÚmes pratiques posés par l'IVG. Le rapport qui en
issu propose plusieurs solutions telles que la formation des praticiens (Jenson et Sineau 1995:
291).
Malgré les efforts de Neiertz et du SEDFVQ soulignés ici, les groupes féministes ont
déploré le fait de ne pas pouvoir véritablement coopérer avec l'AGF. Ces groupes ont
réguliÚrement essayé d'attirer l'attention du public sur le problÚme des commandos. Ils ont
organisé plusieurs évÚnements médiatiques, une conférence, des manifestations, dont une de
deux jours pour mobiliser les opposants. En janvier 1992, le MFPF et d'autres groupes ont
demandé au SEDFVQ de mettre un terme à la détérioration de la loi sur l'avortement et
d'assurer aux familles l'accĂšs aux centres de planning familial et aux cliniques. Ces actions
89
témoignent de leur frustrations à l'égard de l'action de l'AGF. On retrouve l'expression de
cette frustration dans divers magazines féminins dont Elle.
Les
facteurs
explicatifs--
Ă l'exception de la CADAC qui a pris la tĂȘte de l'opposition
aux commandos, on peut dire que le mouvement fĂ©ministe est apparu faible voire en dĂ©clin Ă
travers ce débat. Au cours de la période, le Parti socialiste a perdu la majorité à l'Assemblée.
Cette alternance n'a pas été favorable aux femmes et au droit à l'avortement. Néanmoins,
mĂȘme Ă l'intĂ©rieur de ce parti, la dĂ©fense de ce droit n'Ă©tait plus au sommet de l'agenda et ce,
pour des raisons Ă©lectoralistes.
En ce qui concerne le SEDFVQ, on peut dire qu'il a été marginalisé par rapport à la
période Roudy. Cela est dû en partie à son rattachement au ministÚre du travail, de l'emploi et
de la formation professionnelle et, en partie, au fait que son utilité était considérée comme
moindre par Neiertz elle-mĂȘme.
Conclusion
L'idĂ©ologie, le rĂ©seau politique et l'expĂ©rience de celle qui se trouve Ă la tĂȘte de l'AGF
semblent cruciaux pour assurer la mise sur agenda et le succÚs d'une politique genrée. La
présence d'un gouvernement de gauche est un atout pour les AGF cependant, elle n'assure pas
la prépondérance des idées féministes. Le succÚs des politiques repose aussi sur le soutien
actif des mouvements sociaux et de l'opinion publique.
L'AGF peut mener une politique qui ne soit pas genrée. La réponse au problÚme des
commandos a consisté à engager de longues négociations avec les différents ministres pour
obtenir le soutien des modérés. En ne s'appuyant pas sur les droits des femmes comme Roudy
l'avait fait, Neiertz et ses collÚgues se sont inscrits dans une logique juridique qui modérait les
débats et assurait le ralliement des centristes voire de certains conservateurs. Quand le
pouvoir devient conservateur, les débats ne sont plus genrés mais sont formulés en termes de
santé, de loi et de sécurité.
Quand l'environnement politique devient progressiste, les débats sont formulés dans
une rhétorique féministe en termes de droit, de choix, de corps des femmes et de liberté.
On peut se demander si la rhétorique est plus revendicative quand les féministes dominent les
AGF et si cela assure l'efficacité de leur action. Est-ce que cela assure la participation des
femmes au processus politique? Est-ce que cela rend les démocraties plus démocratiques? Il
est difficile de répondre à cette question. Le débat sur l'avortement a mobilisé en France des
acteurs trÚs divers. Les AGF ont la capacité de mener une action efficace et de mobiliser les
militants.
La relation entre les AGF et les femmes est double. D'un cÎté, la responsable met en
Ćuvre les prioritĂ©s politiques du gouvernement en matiĂšre de droits des femmes. De l'autre,
elle répond aux demandes formulées par les femmes. En ce sens l'AGF peut promouvoir la
démocratie au sein du systÚme politique français en assurant la représentation directe et
indirecte des femmes. Ce faisant, il peut contribuer à combler le déficit démocratique en partie
lié à leur absence et que de nombreux chercheurs ont dénoncé.
90
Chapitre 5. La prostitution: Les AGF: des acteurs parmi dâautres dans un rĂ©gime
abolitionniste par Amy G. Mazur
___________________________________________________________________________
Dans les dĂ©bats sur la prostitution, les activitĂ©s des AGF ainsi que lâimpact des
mouvements de femmes ont variés au cours de vingt-cinq derniÚres années.
ActivitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
_____________________________________________________________________
AAGF IMF
1. Les mouvements de femmes prostituées et la représsion, le Rapport Pinot, 1975
Symboliques RĂ©ponse Double
2. La santé publique/SIDA et la conclusion du débat sur la réglementation, 1990
Alliées Réponse Double
3. La réforme du code pénal concernant le proxénétisme et le racolage, 1992/1994
Marginales Devancement
_____________________________________________________________________
Les discussions lors du rapport Pinot en 1975 ont été marquées par un manque soutien
de la part de la SecrĂ©taire dâĂtat Ă la condition fĂ©minine pour les positions fĂ©ministes ainsi
que par lâabsence des AGF de la scĂšne des dĂ©bats. Cependant, un mouvement de femmes
prostituées a participé au débat. En outre, les idées homme-femme introduites et que le
rapport gouvernemental Ă lâissu de ces discussions a incorporĂ© certaines prises de position
avancées par les femmes prostituées. Les AGF dans le deuxiÚme débat sur la santé publique
ont eu un rĂŽle plus publique. Cette fois-ci la SecrĂ©taire dâĂtat aux droits des femmes a pu
contribuer à une discussion clairement genrée en présentant les arguments provenant du
fĂ©minisme. Comme dans le premier dĂ©bat, les femmes se sont engagĂ©es dâune façon marquĂ©e
et le rĂ©sultat politique a vu les traces nettes de lâinfluence des idĂ©es fĂ©ministes soutenues par
les femmes prostituĂ©es elle-mĂȘmes.
Les réussites féministes dans les deux premiers débats sont différentes des
dynamiques plus classiques du troisiÚme débat concernant une réforme imporante du code
pénal au début des années quatre-vingt-dix. Ici, on a constaté que malgré les efforts mitigés
des AGF pour introduire les analyses de rapports sociaux de sexe, le traitement des questions
sur la prostitution dans les dĂ©bats sur la rĂ©forme du code penal est restĂ© sous lâinfluence de
lâuniversalisme rĂ©publicain. Bien quâ il nây ait pas eu de participation importante de femmes
91
dans les discussions politiques sur la réforme, le texte final de loi a inclus des clauses
coïncidant avec certaines revendications féministes.
Le contexte
La définition de la prostitution
Depuis 1969, la France est lâun des seuls pays dĂ©mocratiques industrialisĂ©s qui ait
adopté un régime abolitionniste sur la prostitution.
65
Dans un régime abolitionnniste, les
politiques publiques sâattachent Ă abolir la rĂ©glementation de la prostitution, Ă rĂ©primer la
prostitution organisĂ©e qui sâappuye sur le proxĂ©nĂ©tisme et le racolage, Ă empĂȘcher les
conditions qui mÚnent à la prostitutition et à réinserer les personnes prostituées. La
prostitution individuelle nâest pas, en tant que telle, illĂ©gale, comme dans les rĂ©gimes
prohibitionnistes. Tout de mĂȘme, le but prinicipal dâun rĂ©gime abolitionniste est dâĂ©liminer
les conditions qui mÚnent à la prostitution. Le régime abolitionniste est contradictoire
puisquâil rĂ©prime les personnes prostituĂ©es tout en essayant de les aider Ă sâen sortir. La
question de la prostitution dépasse souvent le clivage classique droite/gauche. On voit
souvent des coalitions entre des acteurs de la gauche qui veulent mettre un terme Ă la
prostitution et des acteurs plutÎt de droite qui sont favorables à la répression criminelle
croissante et veulent mettre un terme à la prostitution pour des raisons réligieuses. Malgré ce
mélange inhabituel, la discussion politique sur la prostitution ne soulÚve pas de débats
fortement politisés.
Jusquâen 1960 la France a Ă©tĂ© un pays rĂ©glementariste. En 1946, la loi Richard a
fermé les maisons closes et a créé un fichier sanitaire et social de la prostitution. En 1960,
toutes les actions rĂ©glementaristes sont dĂ©finitivement arrĂȘtĂ©es avec la ratification par la
France de la convention internationale du 2 dĂ©cembre 1949 âcontre la traite des ĂȘtres humains
et lâexploitation de la prostitution dâautruiâ et lâadoption des ordres administratifs qui ont mis
en place le systĂšme abolitionniste actuel (Legardinier 1997). Depuis 1960, des acteurs
individuels ont parfois évoqué la réouvertures des maisons closes, le dernier débat public sur
cette questions ayant eu lieu en 1990. Aujourdâhui, il nây a plus de remise en cause du
systĂšme abolitionniste en France. Ce consensus sâĂ©tend Ă une majoritĂ© des français. En 1996,
par exemple, un sondage de lâIPSOS a montrĂ© que 74% des personnes questionnĂ©es Ă©taient
contre la prohibition de la prostitution. 84% ont pensé que les pouvoirs publics devraient
dâabord dĂ©velopper la prĂ©vention et la rĂ©insertion avant la rĂ©pression (Le Monde 11.2.96).
Depuis la fin des années quatre-vingt, La France, avec la Belgique, a défendu la
position abolitionniste dans les discussions internationales sur la prostitution auprĂšs de
lâOrganisation des Nations Unie, du Conseil de lâEurope et de lâUnion EuropĂ©enne. Une large
coalition des acteurs de la droite et de la gauche a souvent travaillĂ© ensemble afin dâavancer la
position de la France au niveau international.
Comme les observateurs lâaffirment, il y a un certain niveau âdâincohĂ©rences dans la
politique française (Legardinier 1997).â Par exemple, tandis que la prostitution individuelle
est tolĂ©rĂ©e, le code pĂ©nal la rĂ©prime dans les cas oĂč le racolage âtrouble lâordre publicâ. Le
racolage peut faire lâobjet dâune amende de 20,000 ff. La notion mĂȘme de racolage par son
imprécision a donné à la police et aux juges une certaine latitude pour punir les personnes
65
Il y a trois régimes juridiques sur la prostitution: réglementariste, prohibitionniste et abolitionniste (Le
Gardinier 1989 et 1997 et AVFT 1991)
92
prostituées. Bien que la France ait renoncé à la réglementation, il y a un contrÎle fiscal des
revenus considĂ©rĂ©s comme âles bĂ©nĂ©fices non commerciaux.â Les personnes prostituĂ©es sont
donc obligĂ©es de payer le TVA et de cotiser Ă lâURSAFF (Ibid.). Pour certains ces
incohĂ©rences et contradictions dĂ©coulent de lâabsence dâintĂ©rĂȘt dans la mise en oeuvre rĂ©elle
dâune politique efficace dans ce domaine (Prostitution et SociĂ©tĂ© juillet-aoĂ»t 1988 et Falco
1991).
Le systÚme de décision
Les buts divers du régime abolitionniste impliquent des acteurs multiples avec des
visions souvent trĂšs divergentes sur la prostitution. Cependant, lâadoption de plus de 25
politiques différentes entre 1960 et 1965 (Femmes et Monde 1987: 77), a montré que les
mĂȘmes acteurs revenaient, regroupĂ©s diffĂ©rement selon le problĂšme soulevĂ©. Par exemple,
quand la défense de la position abolitionniste de la France dans les instances internationales
est Ă lâordre du jour, le MinistĂšre des affaires etrangĂšres prend en charge le dossier. Quand
les questions de prĂ©vention et de rĂ©insertion sont sur lâagenda politique, câest plutĂŽt les
acteurs des MinistÚres des affaires sociales et de la santé ou des droits des femmes qui sont
impliqués.
Câest ainsi que le sous-systĂšme qui a emergĂ© autour de la politique de prostitution a
une structure âmodĂ©rĂ©mment fermĂ©eâ selon les critĂšres du RNGS. Il y a une certaine
organisation des relations au sein du sous-systÚme et quelques acteurs réguliers, sans une
codification des relations ou sans groupe dâacteurs dominant. Plus quâun universalisme
républicain, on voit que la dynamique la plus persistante au sein du sous-systÚme est un
certain dĂ©sintĂ©rĂȘt, voire une rĂ©sistance Ă lâĂ©gard de la poursuite rĂ©elle dâune politique globale
sur la prostitution. Hormi quelques agents dâĂtat Ă©parpillĂ©s Ă travers plusieurs services
administratifs, les acteurs les plus concernés par la prostitution sont les associations de lutte
contre la prostitution (loi de 1901) qui animent par dĂ©faut la politique publique. Câest ainsi
que lâĂtat a semblĂ© avoir abandonnĂ© ses responsabilitĂ©s dans ce secteur de lâaction
gouvernementale, surtout en ce qui concerne la réinsertion des personnes prostituées.
Une autre attitude qui caractĂ©rise le sous systĂšme de prostitution. Il sâagit dâun certain
malaise vis Ă vis dâun traitement quelconque de la prostitution. Acteurs et observateurs
ensemble affirment que la prostitution est une question difficile Ă aborder pour les uns et les
autres. Pour certains le malaise résulte du fait que les personnes prostituées sont tolérées mais
que la prostution est reprimĂ©e. Pour les autres, la difficultĂ© est soulevĂ©e par lâaspect sexuel
surtout en ce qui concerne lâintervention de lâĂtat. Il y a encore dâautres personnes qui sont
mal Ă lâaise Ă cause de la nature conservatrice mĂȘme moralisatrice des acteurs et associations
qui y sont impliqués. En tout état de cause, les instances gouvernementales ont souvent
nĂ©gligĂ© leur responsabilitĂ©s dans lâadministration de la prostitution.
En ce qui concerne les organes Ă©tatiques impliquĂ©s, il nây a pas une seule instance qui
prenne réellement en charge tous les aspects de la politique de la prostitution. Aucun de ces
aspects nâa Ă©tĂ© dĂ©centralisĂ© au niveau des rĂ©gions. NĂ©anmoins, le caractĂšre urbain de la
prostitution implique les municipalitĂ©s dâune façon prononcĂ©e dans la rĂ©pression et la
réinsertion. Les services déconcentrés de trois administrations différentes appliquent les
volets de la politique qui sont pris en charge par leurs services nationaux. Bien que ni les
municipalitĂ©s ni les services dĂ©concentrĂ©s aient un rĂŽle officiel dans lâĂ©laboration, ils peuvent
effectuer des changements importants dans la mise en oeuvre. Par exemple, la police peut
poursuivre ou non les procĂšs-verbaux pour racolage. De mĂȘme, les services sanitaires peuvent
93
ignorer les circulaires sur la rĂ©insertion. Câest ainsi que lâabsence de consignes dâenvergure
en provenance des services centraux de lâĂtat permet une certaine autonomie au niveau
territorial.
Au niveau national, il y a deux services plus ou moins permanents qui sont chargés
des questions conernant la prostitution: LâOffice Central pour la RĂ©pression des Etres
Humains (LâOCTREH) rattachĂ© au MinistĂšre de lâintĂ©rieur et un poste dans le DĂ©partement
des Affaires Sanitaires et Sociales (DASS), rattaché au MinistÚre des affaires sociales. Ni
lâun, ni lâautre ont des effectifs importants ou les services dĂ©concentrĂ©s. lâOCTREH est censĂ©
travailler avec âtous les ministĂšres, des organismes internationaux, des organisations non
gouvernementales, des associations de prévention et de réinsertion (Entretien ave le directeur
in Prostitution et SociĂ©tĂ© Juillet-aoĂ»t 1997).â Mais un tel rĂŽle de coordination ne semble pas
ĂȘtre mis en pratique. La coordination concerne le cĂŽtĂ© repressif de la politique de la
prostitution; elle comprend notamment la collecte de données sur le répression et la
collaboration avec dâautres pays sur la rĂ©pression de la traite et la prostitution organisĂ©e ainsi
que le banditisme.
Un seul poste rattaché à la DASS est chargé de la prevention et de la réinsertion sans
retour rĂ©el institutionnel. Jusquâau dĂ©but des annĂ©es quatre-vingt-dix la personne qui a
occupĂ© ce poste, Anny Roucolle, animait seule la politique en sâappuyant pour la plupart sur
la distrbution de crédits déstinés aux associations poursuivant la réinsertion ou la prevention.
Un agent des AGF a estimé que le budget dans les années quatre-vingt-dix était à peu prÚs de
30 millions ff. Une ordonnance de 1960 a créé des Services de Prévention et de Réadaption
(SPRS) auprÚs des services déconcentrés des affaires sanitaires. Etant donné le manque de
retour insitutionnel des SPRS aussi, Ă part quelques services mis en marche aprĂšs
lâĂ©laboration de lâordonnance, leur part dans la politique de la prostitution est vraiment
dĂ©risoire. Le SPRS du dĂ©partement des Alpes-Maritimes sâest constituĂ© en association (loi de
1901).
Les AGF ont été chargés ponctuellement de la coordination de certains aspects de la
prostitution. Une telle attribution a souvent Ă©tĂ© ambigĂŒe par rapport aux deux autres instances
administratives chargées de la prostitution. En outre, le malaise général concernant la
prostitution sâest aussi manifestĂ© auprĂ©s des agents et la direction des AGF. Quand les
questions sur la prostitution sont traitĂ©es par les AGF, il sâagit plutĂŽt du rĂ©sultat dâune
incitation gouvernementale que dâune volontĂ© en soi de prendre en charge le dossier. Les
campagnes de lutte contre les violences faites aux femmes ménées par les AGF dans les
annĂ©es quatre-vingt-dix nâont pas inclus un volet prostitution. De mĂȘme, les guides des
droits des femmes publiĂ©es par les AGF nâont pas mentionnĂ© les droits des femmes
prostituées (MDF 1983).
De 1981 à 1987, le MinistÚre des droits de la femmes a été chargé de certains aspects
du dossier prostitution. Le MDF a réunis le Comité Interministériel de la prostitution en 1981
(Libération 10.6.198) et a animé quelques réunions sur la réforme du code pénal, y compris
les clauses sur la prostitution entre autres clauses sur les violences. De 1986 au 1997, le seul
acteur Ă©tatique intĂ©ressĂ© par la politique de la prostitution Ă part lâOCTREH câĂ©tait Anny
Roucolle à la DASS qui a géré le budget associatif. En 1997, dans le contexte du débat
international sur la prostitution, le gouvernement de droit a décidé de charger encore le
Service des droits des femmes du dossier Prostitution. Ce transfert a été accompli sans
aucune augmentation des effectifs. La ligne des crédits--association est restée à la DASS. La
chargée de mission déjà responsable du dossier-- violences devait prendre en charge la
94
prostitution comme tache supplémentaire. Malgré cette surcharge, on a vu des actions
importantes au sujet de la prostitution du SDF, y compris une circulaire aux services
déconcentrés et aux préfets, des réunions de sensibilisation sur la question avec des acteurs
Ă©tatiques et associations concernĂ©es. Un rapport rĂ©cent du Conseil SupĂ©rieur de lâInformation
Sexuelle a briĂšvement mentionnĂ© la prostitution comme une question dâintĂ©rĂȘt. Depuis le
départ de la chargée de mission, la prise en charge du dossier prostitution par les services
reste actuellement ambiguë.
Au-delĂ du traitement parcellaire de la prostituion par la DASS, LâOCTREH et les
AGF, les ministres de la santĂ©, des finances, de la justice, de lâintĂ©rieur, des affaires
Ă©trangĂšres, de lâĂ©ducation par la police, participent dâune façon pĂ©riodique Ă cette politique.
Les associations de prostitution reçevant des crĂ©dits importants de lâĂtat, pallient
les lacunes institutionnelles. Un guide rĂ©cent sur les associations âface Ă la prostitutionâ,
cofinancé par la Fondation Scelle et le SDF, a fait état de seize associations au niveau national
(1998). Les plus grandes associations comme le NID, ont des antennes territoriales. Il y a
aussi un rĂ©seau assez important dâassociations dans les grandes villes. Toutes les
associations, de bords politiques trÚs divergents, soutiennent le régime abolitionniste. Tandis
que les actions poursuivies par certaines associations peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme
fĂ©ministes, dans la mesure oĂč les populations ciblĂ©es sont souvent les femmes, trĂšs peu de ces
associations sâautodĂ©finissent comme fĂ©ministes. Par exemple, dans le guide des associations
mentionnĂ© ci-dessus, une association, lâUnion contre le traffic des ĂȘtres humains a affichĂ© des
buts qui se situent dans une logique de revendications féministes (Scelle 1998: 19). En dehors
des associations spécifiques, les mouvements et les associations féministes ont poursuivi un
certain engagement sur la question politique de la prostitution. Cependant, les mouvements et
les associations qui se sont intéréssés à la prostitution ne sont pas bénéficiaires des crédit-
associations de la prostitution et ne se définissent pas comme des associations de lutte contre
la prostitution proprement dit.
Univers des débats
Les quatorze débats suivants constituent la liste des discussions publiques se terminant
par une prise de décision étatique qui ont eu lieu depuis le milieu des années soixante-dix.
1. Les droits des personnes prostituĂ©es. Cette question a tendance Ă ĂȘtre soulevĂ©e par les
mouvements de personnes prostitutĂ©es demandant une amĂ©lioration de leurs droits. LâapogĂ©e
de ces mouvements a eu lieu dans les annĂ©es soixante-dix. Jusquâaux annĂ©es quatre-vingt-dix
ils étaient animés par et pour les femmes prostituées.
2. Réforme du code pénal sur le proxénétisme et le racolage -- Le débat sur cette question
sâest prĂ©sentĂ© comme une discussion clĂ© sur la prostitution. Cette question implique souvent
dâautres problĂšmes comme les droits des personnes prostituĂ©es, la rĂ©pression et le soutien
pour le régime abolitionniste.
3. La répression du proxénétisme et du racolage. Ici, on discute les modalités pour la mise en
oeuvre du code pénal par la police et le systÚme judiciaire par ordre du MinistÚre de
lâIntĂ©rieur. Le maintien des droits individuels sâoppose souvent Ă la poursuite de lâordre
public.
95
4. La traite internationale. Une augmentation importante de la traite des personnes destinĂ©es Ă
la prostitution a soulignĂ© le manque de rĂ©pression efficace, surtout contre lâorganisation de la
prostitution par les Français Ă lâĂ©tranger. LâentrĂ©e dâune nouvelle vague de personnes
prostituĂ©es de lâEurope de lâEst dans les annĂ©es quatre-vingt-dix et leurs conditions
Ă©pouvantables de vie en France ont rendu ce problĂšme plus grave.
5. Le tourisme sexuel -- Lâattention internationale sâest tournĂ©e vers lâAsie dans les annĂ©es
quatre-vingt-dix avec le dĂ©veloppement dâinfrastructures destinĂ©es aux touristes des pays de
lâoccident. Le gouvernement français a publiĂ© une brochure dâavertissement pour les
voyageurs Ă destination de lâAsie et a renforcĂ© les pĂ©nalitĂ©s pour les infractions des clients Ă
lâĂ©tranger.
6. Prostitution enfantine. Lâaugmentation de la prostitution des enfants dans les annĂ©es
quatre-vingt-dix a fait lâobjet dâune rĂ©pression spĂ©cifique grace Ă des rĂ©formes du code pĂ©nal
en 1994.
7. Prostitution comme une violence faite contre les femmes. Cette question a été
essentiellement soulevée par les féministes. Ici, la prostitution est définie principalement
comme une violence contre les femmes. Cette approche a vu le jour Ă travers les associations
fĂ©ministe comme lâAVFT en France. Elle a Ă©tĂ© aussi formalisĂ©e par lâONU dans ces actions
contre les violences et, dans cette optique internationale, par la France, dans son rapport sur
les violences faites aux femmes pour la préparation de la quatriÚme conférence mondiale sur
les femmes (Morbois et LoĂŻck 1995).
8. RĂ©insertion. Les discussions sur les modalitĂ©s et lâefficacitĂ© de la rĂ©insertion des personnes
prostituées sont en cours depuis la mise en place du régime abolitionniste. Le réseau des
associations bĂ©nĂ©ficiant de financements importants de lâĂtat continue Ă mettre en question le
manque dâintĂ©rĂȘt de la part des pouvoirs publics.
9. La prévention. Les campagnes de sensibilisation qui ont souvent pour cadre les écoles
publiques font partie de cette action sur la prostitution. Les causes socio-Ă©conomiques de la
prostitution sont souvent soulevées dans les discussions sur la prévention.
10. La santĂ© publique et le SIDA. Le problĂšme de la santĂ© publique est soulevĂ© dâune maniĂšre
ponctuelle. La montée du SIDA à partir de la fin des années quatre-vingt a conforté les
craintes que la prostitution pourrait porter atteinte à la santé publique.
11. Le rejet du rĂšglementarisme en France. Depuis 1960 la question des maisons closes ainsi
que dâautres aspects du rĂ©gime rĂ©glementariste a Ă©tĂ© mise sur lâagenda politique. Câest en
1990 que tout recours à un tel régime a été définitivement rejeté.
12. La dĂ©fense du rĂ©gime abolitionniste dans lâarĂšne internationale. Avec le consensus autour
de lâabolitionnisme en France, la France sâest lancĂ©e dans un dĂ©bat international sur cette
question dans les années quatre-vingt-dix, surtout dans le contexte de la considération du
systĂšme rĂ©glementariste au niveau de lâUnion EuropĂ©enne.
13. La responsabilité politico-administrative. Le traitement étatique parcellaire de ce dossier
et la façon dont les pouvoirs publics ont évité sa prise en charge ont créé des vides importants
souvent comblés par le réseau associatif financé par les crédits publics. Au coeur de ce débat,
96
la question de qui est vraiment responsable de ce dossier sâest posĂ©e: les associations, la
DASS, les AGF, LâOCTREH, etc. Ce dĂ©bat se dĂ©roule souvent loin du regard public.
14. La prostitution masculine. Sans faire lâobjet dâune prise de dĂ©cision politique officielle,
la question de la prostitution masculine est devenue un objet de discussions publiques au
cours des années quatre-vingt-dix.
SĂ©lection des dĂ©bats pour lâĂ©tude
Les trois dĂ©bats suivant, reprĂ©sentatifs de lâensemble, seront Ă©tudiĂ©s.
1. Les mouvements de femmes prostituées et la répression, le Rapport Pinot, 1975
2. La santé publique/SIDA et la conclusion du débat sur la réglementation, 1990
3. La réforme du code pénal concernant le proxénétisme et le racolage, 1992/1994
Le premier débat traite de la question du droit des personnes prostituées au moment de
lâapogĂ©e de leur mouvement. Le problĂšme des modalitĂ©s de la rĂ©pression au niveau local est
posé aussi dans ce débat. Le rapport qui a mis un terme à ce débat est typique des actions
gouvernementales symboliques qui proposent des politiques nâayant pas de suivi rĂ©el. La
controverse publique autour de la proposition de la réouverture des maisons closes avancée
par lâancienne Ministre de la santĂ©, MichĂšle Barzach, en 1990, reprĂ©sente le rejet dĂ©finitif du
rĂ©glementarisme en France. Il a Ă©tĂ© lâun des dĂ©bats sur la prostitution les plus politisĂ©s, les
questions de santé publique et de SIDA y ont aussi été abordés. Le débat sur les sections de
la rĂ©forme du code pĂ©nal sur la prostitution du 1991 Ă 1994 ont constituĂ© lâaboutissement
dâun dĂ©bat en cours depuis les annĂ©es soixante-dix sur les lois portant sur la rĂ©pression du
proxénétisme et du racolage. Ce débat montre le rÎle important du Ministre de la justice dans
lâĂ©laboration dâune telle politique.
Les dĂ©bats sur la rĂ©insertion et la prise en charge du dossier prostitution nâont pas Ă©tĂ©
retenus car depuis les premiĂšres directives de 1960 on nâa pas dâautres dĂ©cisions spĂ©cifiques
des pouvoirs publics. Or, on a pu constaté un refus de prise en charge de ce dossier, un refus
qui est difficile dâattester car il ne fait jamais lâobjet dâune dĂ©claration publique ou dâun texte
officiel en tant que tel. Le débat sur la prise en charge en général du dossier prostitution se
pose de la mĂȘme maniĂšre, câest-Ă -dire quâil y a un manque de prise de dĂ©cision publique
spécifique ainsi que de véritable discussions dans les arÚnes publiques sur la question.
Analyse des DĂ©bats
Sources
Comme dans lâanalyse des trois autres domaines, au moins trois sources pour chaque
dĂ©bat ont Ă©tĂ© consultĂ©es: les dossiers de presse de lâInstitut dâĂtudes Politiques sur la
prostitution depuis les années soixante; les débats et les rapports parlementaires; les dossiers
sur la prostitution au SDF; les articles dans les revues des associations de lutte contre la
prostitution; les livres et les articles plus scientifiques sur la question; et les entretiens avec les
agents des AGF et experts sur la prostitution (cf. annexe 3).
DĂ©bat 1:
Les mouvements de femmes prostituées et la répression, le Rapport Pinot,
1975: Symboliques/ RĂ©ponse Double
97
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant --
Le rapport Pinot, presenté au Président
ValĂ©ry Giscard dâEstaing en Janvier 1976, a constituĂ© une rĂ©ponse aux deux mois dâactions
directs menées par les mouvements de femmes prostituées. En juillet 1975, la Ministre de la
SantĂ©, Simone Veil, a nommĂ© Guy Pinot, PrĂ©sident Ă la Cour dâAppel dâOrlĂ©ans, afin
âdâessayer de comprendre le phĂ©nomĂšne dans son ensemble et de voir si certains aspects
demandent des solutions juridiques et administratives ( Le Monde 25.7.75).â Aucune
nouvelle politique nâa Ă©tĂ© adoptĂ©e Ă lâissue de ce rapport.
66
En 1980, on a fait mention du
rapport dans la presse comme âun dossier oubliĂ© (Le Matin 26.6.80).â MalgrĂ© lâimpact
restreint sur les politiques réelles, le rapport Pinot a mis un terme au débat sur la répression de
la prostitution qui mettait en cause les droits des personnes prostituées.
Le dĂ©bat public a Ă©tĂ© dĂ©clenchĂ© par la dĂ©cision du Ministre de lâintĂ©rieur de veiller sur
lâapplication des lois rĂ©pressives sur la prostitution, mises aux oubliettes par les municipalitĂ©s.
Lyon est devenu un point chaud en 1972, quand le directeur de la brigade de moeurs a été
limogĂ© et inculpĂ© pour corruption et le proxĂ©nĂ©tisme indirect (Le Figaro 12.6.75). A lâissu
de ce scandale, la police Lyonnaise a été réorganisée avec comme priorité une prise en charge
plus efficace de la répression de la prostitution. En 1972, les agents de police, travaillant avec
les services judiciares, ont dressé 6290 procÚs-verbaux aux femmes prostituées, ont mis en
prison 43 proxénÚtes et ont fermé 41 hÎtels de prostitution (Ibid). à la suite à cette répression,
les femmes prostituĂ©es de Lyon ont organisĂ© une premiĂšre manifestation contre ce quâelles
ont perçu comme un abus de pouvoir (Le Monde 29-30.6.74). Au cours des années suivantes,
dans le cadres des directives nationales sur la répression, les juges lyonnais ont mis en oeuvre
des peines allourdies pour rĂ©cidivisme. Câest ainsi quâen avril 1975, soixante-dix femmes
prostitutées ont été condamnées aux peines de trois à six mois (Ibid.). Le meurtre de deux
femmes prostitutées et une intensification des contrÎles fiscaux des personnes prostituées, au
printemps du 1975, ont mis le feu au poudre.
Les femmes prostituĂ©es en colĂšre se sont organisĂ©es en âcollectifâ. Marie-Claude
Massion, alias Ulla Ă©tait la porte-parole de ce mouvement. Dans les premiers mois, le
collectif a occupĂ© une Ă©glise Ă Lyon, a rendu une visite au PrĂ©sident Giscard dâEstaing dans
sa circonscription de député et a essayé de rencontrer plusieurs personnalités politiques, dont
la SecrĂ©taire dâĂtat Ă la condition fĂ©minine, Françoise Giroud (Valeur Actuelles 24.1.75). Un
autre groupement de femmes prostituées a occupé une église à Paris. Le collectif Lyonnais a
organisĂ© âles Etats gĂ©nĂ©raux de la prostitutionâ en Juin Ă Lyon et a participĂ©, en novembre,
aux âAssises nationales de la prostitutionâ Ă Paris. Lâantenne lyonnaise du mouvement du
Nid -- une association catholique de lutte contre la prostitution -- a accueilli des femmes
prostituées fuyant la police et a aidé le collectif à prendre contact avec les personnalités
politiques. Le Mouvement pour le planning familial de Paris a loué la Mutualité pour les
Assises Nationales. Le Collectif lui-mĂȘme ne sâest pas constituĂ© en association de 1901 et
sâest dissout aprĂšs la sortie du Rapport Pinot.
67
Avant lâapparition des mouvements de femmes prostituĂ©es, il y avait trĂšs peu de
discussions publiques sur les droits des personnes prostituĂ©es. Cet aspect du problĂšme nâĂ©tait
66
Bien quâune loi allourdissant les pĂ©nalitĂ©s pour proxĂ©nĂ©tisme ait Ă©tĂ© adoptĂ©e en 1975, son adoption a eu lieu
avant lâĂ©mergence des mouvements de femmes prostituĂ©es. De sucroĂźt, le projet de loi avait Ă©tĂ© Ă©laborĂ© dans une
optique répressive plutÎt que dans une optique des droit de femmes (Legardinier 1997 et Stetson 1987)
67
Il Ă©tait question que les mouvements de femmes prostituĂ©es soient organisĂ©s Ă lâinstar de proxĂ©nĂštes. Ulla a
affirmĂ© dans ses mĂ©moires quâelle a Ă©tĂ© rĂ©compensĂ© pour ses efforts (Falco 1991). Quoi quâil en soit, des
mouvements de femmes prostituées ont réémergé depuis, indiquant ainsi que ces mouvements sont révélateurs
de phénomÚnes sociaux réels.
98
pas traitĂ© lors des dĂ©bats sur la prostitution. Les personnes prostituĂ©es nâĂ©taient presque
jamais identifiĂ©es comme âles femmesâ. De mĂȘme, la prostitution nâĂ©tait pas traitĂ©e dans une
optique de discrimination faite aux femmes ou dâexploitation sexuelle. Cette approche neutre
est exprimĂ©e dans la convention de 1949, ratifiĂ©e par la France en 1969 âsur la rĂ©pression de
la traite des ĂȘtres humainsâ. Lâapellation de LâOCTREH, mise en place afin de faire
appliquer cette convention, a utilisĂ© la mĂȘme façon dâexprimer la prostitution sans mentionner
le sexe des personnes prostituées. Les textes gouvernementaux sur les divers aspects de la
prostitution ont à peine fait mention des personnes prostituées sans mentionner leur sexe.
Comme le dĂ©montre lâextrait ci-dessous, jusquâen 1991 les sections du code pĂ©nal sur la
prostitution nâont pas mentionnĂ© ni la prostitution, ni le sexe des personnes impliquĂ©es dans la
prostitution.
... ceux dont lâattitude sur la voie publique est de nature Ă provoquer la debauche...
ceux qui par des gestes, paroles, écrits ou par tout autres moyens procéderaient
publiquement au racolage des personnes de lâun ou lâautre sexe en vue de les
provoquer à la debauche(cité en Falco 1991: 49).
Pour les pouvoirs publics ainsi que pour les associations de lutte contre la prostitution,
les droits des personnes prostituĂ©es nâĂ©taient pas un enjeu important sauf dans une
problématique des obstacles, comme le fisc ou les amendes, qui ont rendu la réinsertion des
personnes prostituées difficile. Ces associations ont fait mention des femmes prostituées dans
les discussions publiques, mais leur but unique câĂ©tait de supprimer la prostitution et la traite
des ĂȘtre humains (sic.) parce quâils sont des actes fondamentalement immoraux (mais pas
sexistes). Dans la plupart des cas, les associations de lutte contre la prostitution ont défini la
prostitution comme une sorte dâesclavage pas seulement des femmes mais de tous les ĂȘtres
humains. Certaines associations ont mĂȘme parlĂ© de la traite de femmes et des enfants
ensemble, mettant ainsi les femmes dans une catégorie de personnes ne bénéficiant pas des
droits de citoyens Ă part entiĂšre (cf. par exemple Cauly 1974).
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
--Les mouvements de femmes prostituées ont
ouvert dans ce débat de neutre une nouvelle perspective. Pour elles, les droits des femmes
prostituĂ©es devaient ĂȘtre reconnus de la mĂȘme façon que tous les droits des femmes travaillant
au cours de vies ânormales (sic)â. Leur revendications principales Ă©taient que les pouvoirs
publics ainsi que la sociĂ©tĂ© leur accordent un meilleur statut et lâĂ©galitĂ© des chances.
Beaucoup de prostituĂ©es se sentaient harcelĂ©es-- ainsi que leur conjoint -- par la police. Ă
lâĂ©poque les personnes prostituĂ©es pouvaient ĂȘtre inculpĂ©es pour racolage, rĂ©cidivisme et
fraude fiscale. Les zones dâombre de la loi ont aussi permis lâinculpation des conjoints de
prostituĂ©es pour proxĂ©nĂ©tisme. Le mari dâUlla, par exemple, a reçu une peine de 13 mois avec
11 mois de sursis (Valeurs Actuelles 24.11.75).
Il faut aussi constater que les mouvements de femmes prostituées étaient contre la
rĂ©glementation. Une femme prostituĂ©e, dans un entretien avec Le Figaro, a affirmĂ© quâelle ne
voulait pas devenir une âfonctionnaire de sexeâ et que les maisons closes Ă©taient âle plus bel
exemple de lâesclavage des femmes (12.6.75).â Tant que les mouvements nâont pas admis
que les clients Ă©taient des hommes et le âmilieuâ de la prostitution Ă©tait masculine, il y a eu
trĂšs peu de discussions sur la prostitution en tant que systĂšme dâexploitation sexuelle des
femmes. Les appels des collectifs nâont pas intĂ©grĂ© les appels Ă lâĂ©galitĂ© entre les sexes dans
le sens plus large. Câest ainsi que la position des mouvements de femmes prostituĂ©es se
rattachait plutĂŽt Ă un fĂ©minisme libĂ©ral sâappuyant sur le droit des individus et lâĂ©galitĂ© des
chances, plutĂŽt quâ Ă un fĂ©minisme radical, dĂ©fendant lâidĂ©e que le comportement sexuel est
99
un moyen dâemprise des hommes sur les femmes. Les articles de la presse Ă©crite sur les
Assises Nationales ont attestĂ© du conflit entre la vision âpetite bourgeoiseâ des femmes
prostituées, et la vision plutÎt révolutionnaire des féministes du mouvement de la libération
des femmes et des intellectuels de lâextrĂȘme-gauche qui ont apportĂ© un certain soutien aux
mouvements de femmes prostituées (Le Monde 29/30.7.75; 30.11.75 et Le Nouvel
Observateur 24.11.75 ).
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
-- Ces thĂšmes des
rapports de sexe dans une perspective féministe libérale ont été presentés dans le débat en
absence de SecrĂ©taraire dâĂtat Ă la condition fĂ©minine. Françoise Giroud a refusĂ© Ă plusieurs
reprises de se charger des revendications des prostituées, affirmant que la prostitution était un
problĂšme dâhommes et ainsi en dehors de ses compĂ©tences (Le Monde 6.6.1975). Les
femmes, en dehors des AGF, soit comme agents seuls soit en collectif, ont été les actrices les
plus importantes dans ces débats. Bien que les mouvements de femmes prostituées aient reçu
un certain appui des associations pendant leur campagne, câĂ©taient les femmes elles-mĂȘmes
qui ont impulsé le mouvement.
Le rapport Pinot était clairement une réponse aux revendications libérales des femmes
prostituées. DÚs le début, M. Pinot a interrogé tous les acteurs impliqués dans la prostitution,
y compris les femmes prostituées.
Le texte mentionne la dignité de femmes prostituées et
leurs droits Ă un statut professionnel reconnu (Pinot 1975: 1,18,39). Dans une section
intitulĂ©e, âĂ©galitĂ© rĂ©elle pour les femmesâ, le rapport a revendiquĂ© que les pouvoirs publics
assurent âeffectivement Ă la femme lâĂ©galitĂ© des chances par rapport Ă lâhomme en ce qui
concerne la formation professionnelle, les salaires, la promotion sociale, etc (Ibid.: 33).â Le
rapport Pinot sâest appuyĂ© aussi sur une rĂ©pression Ă©quivoque des clients, dĂ©finis comme
hommes, mais un allégement des pénalités contre les proxénÚtes individuels.
Les facteurs explicatifs
-- Les mouvements de femmes en général était à son apogée
lors des activités des femmes prostituées. Les mouvements fragmentés et flous ont pu
sâorganiser autour des campagnes successives pour la lĂ©galisation de lâIVG. Les parties plus
organisées du mouvement, la Ligue des Droits des Femmes (LDF) ou le MFPF, avaient des
liens assez proches avec la gauche, surtout avec le Parti Socialiste. Les parties du mouvement
plus fluides, le MLF ainsi que le MLAC, trouvaient leur origine dans les mouvements de
lâextrĂȘme gauche issus de mai 1968.
68
La question des violences sexuelles faite contre les
femmes avaient une place assez importante sur lâagenda des nouveaux mouvements
fĂ©ministes. La prostitution comme terrain de lutte nâa pas Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e de la mĂȘme maniĂšre.
Par exemple, les âplates-formesâ de la nouvelle LDF et une coalition des associations
fĂ©ministes et fĂ©minines plus Ă©tablies, âlâunion pour amĂ©liorer la condition fĂ©minineâ nâont pas
inclus de points sur la prositution (Le Monde 8.3.1974; 22.5.1975; 30.9.1975).
Le sous-systÚme de décision sur la politique de prostitution a gardé sa forme actuelle -
- âmodĂ©remment fermĂ©â -- pendant cette pĂ©riode. Lâuniversalisme rĂ©publicain Ă©tait la norme
parmi la plupart des acteurs étatiques en dehors des AGF. Les acteurs impliqués dans la
rĂ©pression Ă©taient plus prĂ©sents que dâautres acteurs dans le sous-systĂšme pendant les annĂ©es
soixante-dix. Le collectif des femmes prostituĂ©es a Ă©tĂ© crĂ©Ă© au mĂȘme moment que ValĂ©ry
Giscard dâEstaing Ă©tait Ă©lu PrĂ©sident de la RĂ©publique en Mai 1974. Le libĂ©ralisme de Giscard
sâest traduit dans un certain traitement de lâĂ©galitĂ© des chances et des droits des femmes.
68
Pour les analyses des mouvements de femmes pendant cette période voir notamment: Duchen (1991); Jenson
(1989); Picq (1993) et Guadilla (1981).
100
Françoise Giroud, comme SecrĂ©taire dâĂtat Ă la condition fĂ©minine sâest mise Ă
concrĂ©tiser lâapproche libĂ©rale de Giscard. Aucune de ses actions proposĂ©es Ă la fin de 1975
ont ciblé ni les violences sexuelles faites contre les femmes, ni la condition des prostituées
(Giroud 1976). Bien quâelle ait eu un mandat transversal , elle sâest plutĂŽt intĂ©ressĂ©e Ă la
question de la réconciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale des femmes.
DĂ©bat 2:
La santé publique/SIDA et la conclusion du débat sur la rÚglementation,
1990:Alliées/ Réponse Double
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
--Le 8 juin 1990, lors dâun entretien avec Le
Monde , la maire adjointe de Paris et lâancienne Ministre des affaires sociales et sanitaires,
MichĂšle Barzach, sâest declarĂ©e favorable Ă la rĂ©ouverture des maisons closes afin
dâempecher la propagation montante du SIDA (8.6.1990). Pendant les deux mois suivants,
maintes personnalitĂ©s politiques ont exprimĂ© dans la presse Ă©crite, dâune maniĂšre assez
virulente et définitive, leur oppostion à une telle proposition.
69
La polĂ©mique publique sâest
terminĂ©e en dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e quand MichĂšle Barzach a admis une âfaute de
communication (Entretien avec Gai pied hebdo 6.12.90). Ses déclarations ont permis à une
coalition large des acteurs de se prononcer contre le réglementarisme et ce faisant, ont mis fin,
dâune façon plus ou moins dĂ©finitive, Ă toutes considĂ©ration sĂ©rieuse du rĂ©gime rĂ©glementaire
en France. De mĂȘme, Ă©tant donnĂ© que la dĂ©clararation de MichĂšle Barzach avait fait un lien
direct entre lâessor de lâĂ©pidimie du SIDA et la prostitution, les liens Ă©ventuels entre la santĂ©
des personnes prostituées et la propagation du SIDA ont aussi été dénoncés lors ces débats.
Avant lâAffaire Barzach, on a vu lâĂ©laboration des propositions, en 1978 de loi,
portant sur la réouverture des maisons closes.
La derniÚre avait été mise au jour en 1986.
Dâhabitude de telles propositions provenaient du MinistĂšre des affaires sanitaires et ses
services adminisratifs ou des membres du parlement proche du ministĂšre. Toutes ces
propositions ont Ă©tĂ© avancĂ©es dans la mĂȘme perspective de la santĂ© publique, câest-Ă -dire
quâil y avait un risque considĂ©rable que les personnes prostituĂ©es contribuent Ă la
dissĂ©mination de la maladie, les maladies sexuelles dâabord et Ă partir des annĂ©es quatre-
vingt-dix le SIDA. Les maisons closes auraient donc permis un certain suivi sanitaire des
prostituĂ©es. Il nâĂ©tait jamais question de la santĂ© des clients dans cette argumentation. Les
prostituĂ©es, au fĂ©minin, et non les femmes prostituĂ©es, Ă©taient toujours les seuls objets dâun tel
contrĂŽle sanitaire.
Un article publié dans un bulletin du MinistÚre des affaires sanitaires en octobre 1989,
Bulletin épidémologie hebdomadaire
,
a contribuĂ© Ă la montĂ©e de lâattention publique sur les
liens entre la prostitution et la transmission du SIDA (DeVincenzi 1989). Lâarticle a fait le
point sur les Ă©tudes concernant lâincidence du SIDA parmi les personnes prostituĂ©es.
Lâarticle a constatĂ© un manque dâĂ©tudes scientifiques sur le sujet et donc aucune conclusion
dĂ©cisive ne pouvait en ĂȘtre tirĂ©e. ReflĂ©tant le discours des acteurs de lâadministration
sanitaire, lâarticle nâa utilisĂ© que le fĂ©minin du mot prostituĂ©, au lieu des hommes/femmes
prostitués ou des personnes prostituées. Il a aussi discuté les pratiques sanitaires des
personnes prostituĂ©es en ce qui concerne la santĂ© publique et non le bien-ĂȘtre des femmes
prostituĂ©es. Aucune Ă©tude examinĂ©e par lâarticle ne sâest intĂ©ressĂ©e aux hommes dans la
prostitution, soit en tant que clients soit en tant que personnes prostituées. Malgré le manque
69
Legardinier (1990) a répéré plus de 50 articles de presse dans son analyse du débat.
101
de donnĂ©es sur la question, lâarticle a Ă©tĂ© reçu par la presse comme preuve des liens entre la
prostitution et le SIDA (cf. par exemple Le Monde 27.10.89).
Les craintes publiques sur cette question ont été montrées aussi dans un sondage de
Louis-Harris/VSD réalisé le mois du mai 1990. Les résultats ont dévoilé que 80% des
personnes sondĂ©es pensait que âla rĂ©ouverture des maisons closes permettrait de limiter les
risques de transmission du SIDA par un meilleur contrĂŽle mĂ©dical des prostituĂ©es.â 61 %
considérait que la fermeture des maison closes était mauvaise et 64% était pour la réouverture
(Hebdomodaire de Louis Harris/VSD May 1990).
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
--La dĂ©claration de MichĂšle Barzach elle-mĂȘme
reflĂ©tait la perspective neutre adoptĂ©e par les acteurs de lâadministration sanitaire.
Au risque dâoffusquer de trĂšs nombreuses personnes, je pense que lâon doit se
poser la question de la réouverture des maisons closes. Et à cette interrogation je
réponds trÚs clairement oui..... Installons un véritable systÚme sanitaire et des
obligations de contrĂŽle sanitaire. Mais assez de cette hypocrisie et de cette
irresponsabilité collective (Le Monde 8.6.1990).
Le lendemain de lâentretien, Le Monde a aussi publiĂ© les dĂ©clarations des membres du
gouvernement socialiste: le Ministre des affaires sanitaires, Claude Evin, le Ministre de
lâaction humanitaire -- Bernard Kouchner, la SecrĂ©taire dâĂtat aux droits des femmes --
MichÚle André, SégolÚne Royal -- députée socialiste, Charles Million -- président du groupe
parlementaire de lâUDF, Jacques Chirac -- maire de Paris, et le Parti socialiste. Un jour
aprĂšs, le Mouvement du Nid, le MFPF et la Ligue des Droits de lâHomme se sont prononcĂ©s
sur la question (Le Monde 12.6.90). Ă part Bernard Kouchner et Claude Evin, le consensus
sâest Ă©tabli sur la dĂ©nonciation des propositions de MichĂšle Barzach. Tandis que le MinistĂšre
des affaires sanitaires a dâabord montrĂ© un certain soutien pour la considĂ©ration de toutes les
propositions dans la lutte contre le SIDA, le Ministre de lâaction humanitaire, a dĂ©clarĂ©
quâune telle proposition pourrait ĂȘtre envisageable pour veiller sur les conditions sociales et
sanitaires des âprostituĂ©esâ elles-mĂȘmes.
Tous les intervenants, Ă part Jacques Chirac, ont fait mention des droits des femmes
ou de la condition féminine dans leurs déclarations publiques. Les rapports sociaux de sexe
ont été évoqués par le président du groupe UDF et le ministre socialiste, Bernard Kouchner,
tous les deux dans une perspective plus féministe libéral que féministe radical. Charles
Millon a clairement affirmé que la réouverture sera une régression pour la condition féminine.
Le porte-parole du Nid, son fondateur PĂšre Talvas, ne sâest pas rĂ©fĂ©rĂ© aux questions de droits
des femmes ou des rapport sociaux de sexe dans ses commentaires sur le manque de liens
vĂ©ritables entre la prostitution et lâĂ©pidĂ©mie du SIDA ( La Vie 14.6.90).
La SecrĂ©taire dâĂtat aux droits des femmes, le Parti Socialiste et la dĂ©putĂ©e socialiste
ont avancé une perspective plus genrée. Ils ont constaté que la réouverture des maisons closes
contribuerait Ă lâesclavage et lâexploitation des femmes, et non, comme le NID lâavait
constatĂ©, de tous les ĂȘtres humains. SĂ©golĂšne Royal a critiquĂ© la façon dont les femmes
avaient Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©es comme bouc-Ă©missaires dans lâaffaire et MichĂšle AndrĂ© a affirmĂ© que
âla femme nâest pas une marchandise.â
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
--Donc la réaction
nationale contre la réouverture des maisons closes ainsi que contre toutes formes de
102
rĂ©glementation Ă©tait genrĂ©e dans une optique fĂ©ministe avec la participation dâun AGF. Bien
que la campagne de sensibilisation sur les violences conjugales organisées par le Service des
droits des femmes, Ă lâinitiative de la SecrĂ©taire, nâavait pas compris la prostitution, MichĂšle
AndrĂ© a tout de mĂȘme fait une critique clairement fĂ©ministe au cours de la polĂ©mique sur les
maisons closes. Dans sa déclaration citée dans Le Monde ainsi que dans un entretien avec le
Nid, AndrĂ© soutenait les arguments faisant de la prostitution une forme dâoppression sexuelle
des femmes. Ces positions coïncidaient ouvertement avec celles des féministes dans le MFPF
et le porte-parole du Parti Socialiste. Les déclarations du PS ont sans doute été élaborées par
sa commission-femmes. Les élites femmes ont donc joué un rÎle important dans les débats.
De mĂȘme, les positions les plus fĂ©ministes concernant les causes de lâexploitation sexuelle ont
été avancées par les femmes.
La maniĂšre dont les rĂ©sultats de ce dĂ©bat ont vraiment permis dâintroduire une optique
fĂ©ministe dans le traitement de la prostitution en gĂ©nĂ©rale doit ĂȘtre soulignĂ©e. Dâune part, la
DASS a co- financĂ© une ârecherche-actionâ sur la santĂ© des femmes prostituĂ©es, proposĂ©e par
des femmes prostituĂ©es de Paris, dans lâannĂ©e suivante (Coppel et al. 1990). Le rapport sur
ces recherches a clairement adoptĂ© une optique genrĂ©e et fĂ©ministe. Dâautre part, des
interventions par deux membres de lâAcadĂ©mie de MĂ©decine en 1991 sur lâinefficacitĂ© des
maisons closes dans la lutte contre le SIDA ne faisaient aucune référence aux idées homme-
femme (Le Monde 21.3.91).
Les facteurs explicatifs --
Comme lâanalyse des autres chapitres prĂ©cĂ©dents lâa montrĂ©,
les mouvements de femmes étaient dans une période creuse au début des années quatre-vingt-
dix. Les traces des nouveaux mouvements féministes ont presque disparu. Par exemple, la
Ligue des Droits des Femmes nâa fait aucune intervention dans le dĂ©bat sur les maisons
closes. Peut-ĂȘtre la crĂ©ation de lâAVFT en 1989 ainsi que le mouvement sur la paritĂ© Ă©taient
porteur dâune nouvelle vague de mobilisation. Ni lâun, ni lâautre ne se sont engagĂ©s dans la
polĂ©mique autour des maisons closes. LâAVFT devenait un acteur dans les dĂ©bats sur la
prostitution Ă partir de 1991, mais en 1990 lâassociation concentrait ses actions sur la
campagne pour les lois sur le harcÚlement sexuel. Donc les réussites feministes de ces débats
ont eu lieu sans participation importante des mouvements de femmes.
Le sous-systĂšme sur la prostitution en 1990 manifestait toujours les mĂȘmes
caractĂ©ristiques dâun systĂšme de dĂ©cision assez fermĂ©, avec une participation accrue des
acteurs des affaires sanitaires, plutĂŽt que de lâordre public. Lâoptique lâuniversaliste de ces
acteurs, bien reprĂ©sentĂ©e dans les paroles de MichĂšle Barzach, Ă©tait bel et bien Ă lâorigine de
cette polĂ©mique. Les ministres socialistes plus proches de lâadministration sanitaire Ă©taient le
moins hésistant à exprimer un certain soutien pour la réouverture des maisons closes. La
prĂ©sence dâun gouvernement de gauche avec une majoritĂ© prĂ©sidentielle Ă lâAssemblĂ©e
Nationale nâa pas semblĂ© ĂȘtre un facteur clĂ©, puisque la polĂ©mique sâest dĂ©roulĂ©e en dehors
des clivages droite-gauche.
MalgrĂ© lâamoindrissement du poste ministĂ©riel chargĂ© des droits des femmes en 1988
par rapport Ă lâĂ©poque du militantisme dâ Yvette Roudy, les AGF ont pu prendre un certain
rĂŽle dans le dĂ©roulement du dĂ©bat. Lâappui sur les violences faites contre les femmes du
SecrĂ©tariat dâĂ©tat aux droits des femmes a fourni une toile de fond importante pour
lâavancement des ses positions fĂ©ministes dans les dĂ©bats, bien que la prostitution, en tant que
telle, nâait pas Ă©tĂ© dans ces campagnes.
103
DĂ©bat 3:
La réforme du code pénal concernant le proxénétisme et le racolage,
1992/1994:Marginales/ DĂ©vancement
LâĂ©volution du dĂ©bat et le cadre dominant
-- La réforme du code pénal, adopté en
juillet 1992 et entrĂ©e en vigeur le 1 mars 1994, avait un chapitre spĂ©cifique portant sur âle
proxĂ©nĂ©tisme et des infractions assimilĂ©es (loi no. 92-684).â Dans son application, le Conseil
dâEtat a changĂ© la dĂ©finition juridique du racolage dans lâarticle R. 265.8 du code pĂ©nal
(Prostitution et Société octobre, novembre, décembre1994: 26). Les premiers appels publics
pour la réforme des sections du code pénal portant sur la prostitution avaient été lancés par les
mouvements de femmes prostituées dans les années soixante-dix et ainsi que par le rapport
Pinot. Ces appels féministes comprenaient la réduction des peines pour le racolage et la
suppression des lois définissant les conjoints des personnes prostituées comme proxénÚtes.
Le Mouvement du Nid a aussi revendiquĂ© lâalourdissement des peines pour les proxĂ©nĂštes
ainsi quâun allĂšgement des pĂ©nalitĂ©s pour les personnes prostituĂ©es. Ces revendications
étaient élaborées dans une perspective abolitionniste et non féministe. En 1981, Le MinistÚre
des droits de la femme (MDF) par la voie du Comité Interministériel sur la prostitution
avaient aussi avancĂ© le besoin dâune augmentation accrue des peines pour les proxĂ©nĂštes
(Libération 6.10.81). Toutes les demandes pour une réforme du code pénal ont été mises aux
oubliettes jusquâĂ lâarrivĂ©e des socialistes au pouvoir en 1981.
Le gouvernement Fabius a remis les premiĂšres sections de la rĂ©forme du code pĂ©nal Ă
lâAssemblĂ©e nationale en 1986 (Louis 1994: 40). LâĂ©tendue large de ces rĂ©formes Ă©taient
clairement affirmĂ© par le Ministre de la justice en 1989, â... redĂ©finir les valeurs de notre
sociéte, ou plus précisement encore celles de la sociéte du troisiÚme millénaire (cité dans
Louis 1994: 41).â Le projet de loi a Ă©tĂ© proposĂ© pour une discussion parlementaire Ă partir du
mois dâavril 1992 avec lâadoption de la loi en juillet (Travaux prĂ©paratoires citĂ©s dans le texte
de la loi).
70
Le cadre dominant du débat autour de la réforme du code pénal sur la prostitution était
marquĂ© par la neutralitĂ© de lâuniversalisme rĂ©publicain des acteurs du MinistĂšre de la justice.
Une déclaration du Ministre de la Justice sur les buts des réformes était emblématique de cet
universalisme prononcĂ©, âprotĂ©ger, pour la premiĂšre fois dans une loi cette valeur suprĂȘme
que sont les droits de lâhomme (citĂ© dans Louis 1994: 41)â. Le Ministre dĂ©lĂ©guĂ© de la
justice, Michel Sapin, a montrĂ© les deux cĂŽtĂ©s dâun tel âuniversalisme genrĂ©â lors dâun
entretien avec lâAVFT en 1991 sur les rĂ©formes. A propos du cĂŽtĂ© proprement neutre, Sapin
a affirmé que
Dans la mesure oĂč le code pĂ©nal ne fait aucune discrimination selon le sexe de
lâauteur ou de la victime de lâinfraction, il est normal que les femmes, pas plus que les
hommes, ne soient pas considérés de maniÚre spécifique. A cet égard, les dispositions
[sur les violences contre les femmes]... ont vocation Ă sâappliquer de maniĂšre
symĂ©trique aux personnes de lâun ou lâautre sexe.â (citĂ© dans Cromer et al. 1992: 87).
A propos du cÎté genré, voire sexiste, il a constaté que
70
Etant donnĂ© le dĂ©lai entre le moment quâun projet de loi Ă©tait mis sur lâagenda politique, en 1981, et le
traitement parlementaire en 1992, lâanalyse suivante sâappuye sur les dĂ©bats en 1991 et 1992 autour des dĂ©bats
parlementaires. Lâanalyse de Marie-Victoire Louis (1994) des dĂ©bats parlementaires et le travail des
commissions parlementaires sur les sections de la réforme portantes sur les violences faites aux femmes,
comprenant la prostitution, sont une source importante. Son analyse partagent les mĂȘmes axes dâanalyse du
RNGS -- lâintroduction des idĂ©es du genre ainsi que la participation des femmes dans les dĂ©bats.
104
La situation particuliĂšre de la femme est prise en considĂ©ration dans les cas oĂč, pour
des raisons objectives, il est nécessaire de la faire. Ainsi en est-il notamment dans la
dĂ©finition de la personne vulnĂ©rable. La vulnĂ©rabilitĂ© tendant Ă lâĂ©tat de grossesse est
Ă©videmment propre aux femmes(Ibid., 91).
Il est intéressant de remarquer aussi que, selon Louis (1994: 41), les textes
internationaux citĂ©s dans les rapports parlementaires nâont pas fait mention des conventions
qui ont tenu compte dâune perspective genrĂ©e, la convention de lâONU de 1979, par exemple.
Au-delĂ de lâuniversalisme, les acteurs de lâadministration de la justice avaient tendance Ă
traiter les questions sur la prostitution sous lâangle de la rĂ©pression dĂ©finie par les contours du
rĂ©gime abolitionniste; câest- Ă -dire une certaine libertĂ© pour les personnes prostituĂ©es.
Néanmoins, avant 1994, la répression était plus accentuée que les droits des personnes
prostituées proprement dits.
Lâintroduction du genre dans le dĂ©bat
--Comme Louis le montre bien dans son analyse
des dĂ©bats parlementaires, les membres du parlement ne sont pas vraiment Ă©loignĂ©s dâune
vision universaliste accentuant la répression (1994: 64-67). Les débats trÚs courts sur les
sections de la réforme sur la prostitution ont visé la pénalisation du proxénétisme à grande
Ă©chelle et une certaine protection des droits des clients, entendue des hommes, et des
proxĂ©nĂ©tes âsimplesâ sans faire aucune mention des droits des personnes, femmes ou
hommes, prostituĂ©es. Il nây avait aucune discussion sur les aspects genrĂ©s du systĂšme de
prostitution ou dâĂ©vocation de la possibilitĂ© de rapports de force entre les hommes clients et
les femmes prostituées.
71
Pendant la discussion, un dĂ©putĂ© a mĂȘme parlĂ© des relations
complexes entre un proxĂ©nĂšte et âson amie prostituĂ©e.â
En effet il ne sont pas seulement des relations de protecteur Ă protĂ©gĂ©e, ni mĂȘme
seulement fondĂ©e sur la terreur: il y a de cela, mais il y a aussi de lâaffection, pour ne
pas dire de lâamour (p. 933 du dĂ©bat citĂ© dans Ibid.: 65).
Dans les discussions sur la section de la réforme proposant des changements
juridiques dans lâinculpation des conjoints des âprostituĂ©esâ, et non des personnes prostituĂ©es
ou des femmes prostituées, les députés ont semblé plus concernés par le souci de ne pas punir
âles innocentsâ. Tandis que les dĂ©putĂ©s se sont mis dâaccord sur une rĂ©pression accrue du
proxĂ©nĂ©tisme Ă grande Ă©chelle, ils ont souhaitĂ© que âle proxĂ©nĂ©tisme simpleâ ne soit pas
âsurpĂ©nalisĂ©.â (P. 937 dans Ibid.: 66). Un dĂ©putĂ© a affirmĂ© que la rĂ©pression des proxĂ©nĂštes
simple soit aboli-- âje prĂ©fĂšre que lâon en renonce Ă poursuivre (Ibid.).â
Les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvements de femmes
-- La nouvelle Secrétaire
dâĂtat aux droits des femmes et de la vie quotidienne, VĂ©ronique Neiertz, qui a remplacĂ©
MichĂšle AndrĂ© en 1991, nâa pas participĂ© Ă lâĂ©laboration du projet de loi. NĂ©anmoins, comme
André, Neiertz a présenté une analyse assez féministe de la prostitution dans un entretien avec
le Nid en 1991(Prostitution et Société juillet, août, septembre 1991 no. 98 .12-13). Ni
MichĂšle AndrĂ©, en tant que secrĂ©taire dâĂ©tat, ni le Service des droits des femmes nâont
contribuĂ© Ă lâĂ©laboration avant 1991. Or, le MinistĂšre des droits de la femmes sous Yvette
71
DâaprĂšs Louis, dans les dĂ©bats gĂ©nĂ©raux sur la rĂ©forme âaucune analyse sexuĂ©e nâa Ă©tĂ© faite â et âIl nâa mĂȘme
jamais Ă©tĂ© question de violence contre les femmes (Louis 1994: 42)â. Louis a aussi trouvĂ© que la terme, âdroits
des femmesâ Ă©tait utilisĂ©e une fois par une dĂ©putĂ©e communiste en discutant les droits des femmes de choisir
dâĂȘtre mĂšre -- âla libre maternitĂ©(Ibid.:43)â
105
Roudy avait proposé des recommandations spécifiques pour le projet de loi du gouvernment
Fabius en cours.
Une note de la chef de bureau chargĂ©e des droits propres et de lâautonomie Ă âMme la
ministreâ, du 17 janvier 1986 a proposĂ© de rĂ©tablir les peines pour les cas de viol dâune
prostituĂ©e, et une augmentation des peines pour proxĂ©nĂ©tisme et âle grand banditisme (pp. 7-
8)â. Ces propositions nâont pas adoptĂ© une approche genrĂ©e et ainsi ont Ă©vitĂ© toute rĂ©fĂ©rence
aux personnes individuelles; par exemple, ârĂ©tablissement de la circonstance aggravante en
matiĂšre de menace, contrainte ou viol (7).â Bien que cette note adoptait un discours plutĂŽt
neutre en ce qui concerne les rapports sociaux de sexe, les propositions du MDF reflétaient
plus ou moins les prises de position des collectifs des femmes prostituées ainsi que certaines
associations fĂ©ministes comme lâAVFT.
Les sections portant sur la prostitution de la loi finale (chapitre III, section 2 du loi no.
92-684 du 22 juillet) ont incorporé plusieurs revendications féministes. Les trois propositions
avancĂ©es dans la note du MDF ont Ă©tĂ© reprises ainsi quâune dĂ©finition prĂ©cise du
proxénétisme pour éviter toute confusion éventuelle entre les proxénÚtes simples et les
conjoints de personnes prostituĂ©es. Les textes dâapplication provenant du Conseil dâĂtat ont
exclu la différentiation entre le racolage passif et actif qui permettait une répression plus
grande des personnes prostituées. Désormais, la police et les juges seraient obligés de faire
état de la preuve par un procÚs-verbal (Prostitution et Société juillet,août, septembre 1994:
26).
Ces résultats féministes ont été produits sans la participation importante des femmes
ni des fĂ©ministes dans le processus parlementaire. Comme Louis le constate, âAucune
fĂ©ministe nâa Ă©tĂ© entendue par les commissions de prĂ©paration du code (1994: 44).â Les
rapporteurs des commissions Ă©taient tous les des deux hommes; parmi les trente-huit membres
des commissions des deux chambres, trois seulement Ă©taient des femmes (Ibid.). Les femmes
dĂ©putĂ©es nâont pas participĂ© au dĂ©bat parlementaire sur la prostitution.
Les
facteurs
explicatifs
-- LâAVFT sâest engagĂ©e de plus en plus dans les dĂ©bats sur
la question au dĂ©but des annĂ©es quatre-vingt-dix. Depuis 1991, la revue de lâassociation
publie réguliÚrement les articles sur la prostitution avec un numéro entier consacré à la
question en mars 1991. Marie-Victoire Louis, lâancienne prĂ©sidente de lâassociation, est
devenue une espÚce de porte-parole féministe pour la défense du régime abolitionniste dans
les discussions internationales en cours.
72
Etant donné le rÎle central des acteurs des MinistÚre de la justice, le discours principal
du sous-systÚme de prostitution qui a surgi autour des discussions sur la réforme du code
pĂ©nal Ă©tait marquĂ© par lâuniversalisme rĂ©publicain appuyant la rĂ©pression. Les relations et la
structure du sous-systĂšme nâont pas vraiment changĂ© pendant cette pĂ©riode. La parenthĂšse de
la cohabitation du 1986 Ă 1988 nâa apparemment pas eu dâimpact sur le contenu de la rĂ©forme
dâautant plus que le projet de loi de rĂ©forme proposĂ© par le gouvernement Fabius en 1986
avait été repris par le gouvernement Rocard en 1988 et ainsi de suite par la majorité de gauche
Ă lâAssemblĂ©e Nationale.
72
Cf. notamment: Louis 1997 et ses articles dans Le Monde (10/11.5.98) et Le Monde Diplomatique en mars
1997.
106
Le MinistĂšre des droits des femmes en 1986 Ă©taient un ministĂšre Ă part entiĂšre avec
des moyens importants. Le militantisme fĂ©ministe dâYvette Roudy, soutenu par la direction
du PS, a certainement contribuĂ© Ă lâinstutionnalisation des AGF pendant cette pĂ©riode. En
plus, un affichage net des politiques du MDF sur la prostitution au cours du mandat de Yvette
Roudy a mis en place une base importante pour lâĂ©laboration des propositions de politiques
publiques concernant la prostitution. NĂ©anmoins, mĂȘme Ă son apogĂ©e le ministĂšre nâa pas pu
faire entrer une analyse genrée dans le débat pré-parlementaire. Véronique Neiertz avec un
ministĂšre amoindri et un agenda qui nâa pas spĂ©cifiquement incorporĂ© la prostitution nâa pas
pu faire entrer des idĂ©es fĂ©ministes non plus. MalgrĂ© lâaffichage des analyses fĂ©ministes sur
la prostitution, il nâest pas du tout Ă©vident que les AGF aient jamais eu lâintention dâintroduire
des analyses homme-femme dans le courant des débats sur la réforme.
Conclusion
Au contraire du domaine de la formation professionnelle les AGF ont exercé une
influence variable dans les trois dĂ©bats analysĂ©s. Lâimpact des mouvements de femmes a
aussi Ă©tĂ© variable. Dans le premier dĂ©bat, la SecrĂ©taire dâĂtat nâa pas seulement Ă©vitĂ© toute
prise de position, mais les AGF nâont pas essayĂ© de faire entrer une analyse genrĂ©e dans les
dĂ©bats sur la reprĂ©ssion locale et les droits des prostituĂ©es. CâĂ©tait plutĂŽt les mouvements de
femmes prostituées qui ont fait avancer des revendications portant sur le féminisme libéral;
des revendications qui provenaient du Rapport Pinot. Lâappui libĂ©ral du programme
présidentiel a aussi contribué à une ambiance politique favorisant la défense des droits des
femmes prostituĂ©es. Lâuniversalisme du sous-systĂšme dominĂ© par les acteurs du MinistĂšre de
lâintĂ©rieur orientĂ© vers la rĂ©pression nâa pas empĂȘchĂ© lâobtention dâun rĂ©sultat fĂ©ministe. Le
rapport Pinot nâa cependant pas abouti Ă des directives politiques concrĂštes.
Le deuxiÚme débat a fait emergé une relation différente entre les activités des AGF et
lâimpact des mouvement de femmes. Alors que MichĂšle AndrĂ© nâĂ©tait pas la seule
personnalité à avancer les arguments féministes et genrés, elle a pu présenté des arguments
féministes qui allaient de pair avec les idées du féminisme radical. Le débat a éte genré sans
la participation directe des mouvements féministes, mais une présence forte des femmes.
Câest ainsi quâun consensus sâest Ă©tabli, au-delĂ des clivages politiques classiques, dans le
cadre de lâexpression des idĂ©es pas seulement fĂ©ministes mais radicales, sans aucune contre-
partie anti-fĂ©ministe. La dĂ©cision du MinistĂšre des affaires sanitaires de co-financer lâaction-
recherche fĂ©ministe a montrĂ© que le sous-systĂšme sanitaire nâĂ©tait pas forcemment rĂ©sistant
aux analyses genrées.
A lâencontre du dĂ©bat prĂ©cĂ©dent, le discours universaliste du sous-systĂšme justice a
clairement empĂȘchĂ© lâentrĂ©e des analyses genrĂ©es dans les dĂ©bats, bien que les AGF et le
féminisme organisé se soient intéressés tous les deux à la réforme du code pénal. Le manque
important de femmes dans le courant des dĂ©bats parlementaires coincidait avec lâabsence des
analyses genrĂ©es. MalgrĂ© ces lacunes dans lâĂ©laboration de la rĂ©forme du code pĂ©nal, le texte
final porte la marque des revendications du mouvement de femmes et des AGF.
Globalement, lâanalyse de ces trois dĂ©bats Ă©claire la question du rĂŽle des AGF dans les
dĂ©mocraties. Dâabord, tandis que des AGF forts ont la capacitĂ© de contribuer Ă la
représentation directe et indirecte des femmes, une institutionnalisation accrue des AGF ne
produit pas dâemblĂ©e des rĂ©ussites fĂ©ministes. DeuxiĂšmement, les politiques publiques
fĂ©ministes ne sont pas seulement les rĂ©sultats de lâaction des mouvements de femmes actifs et
organisĂ©s ou bien de lâappui des gouvernements de gauche. Les mouvements de femmes ont
107
eu un impact réel dans les débats aux moments creux du féminisme organisé ainsi que sous
les gouvernements de droite. NĂ©anmoins, un mouvement de femmes prostitutĂ©es a contribuĂ© Ă
la réalisation de résultats féministes. Ensuite, le troisiÚme débat sugÚre que quand une
rĂ©forme clĂ© est en cours lâuniversalisme apparaĂźt davantage comme un obstacle. Donc, il faut
tenir compte de lâimportance stratĂ©gique de la politique en question. Il est fort possible que le
dĂ©sintĂ©rĂȘt dans les questions sur la prostitution puisse permettre lâexpression de positions
fĂ©ministes qui nâauraient pas vu le jour dans dâautre domaines plus stratĂ©giques comme la
formation professionnelle. Enfin, et câest peut-ĂȘtre le plus important, les approches
féministes, libérales aussi bien que radicales, sur la prostitution coincidaient avec les contours
et les principes du rĂ©gime abolitionniste en France. Câest ainsi que des revendications
proprement fĂ©ministes provenant des mouvements ou des AGF nâont pas mis en cause le
référentiel global de la politique de prostitution.
108
Chapitre 6. Un cas dâĂ©tude complĂ©mentaire: La RĂ©gion Provence-Alpes-CĂŽtes dâAzur
par Andrew Appleton et Amy G. Mazur
___________________________________________________________________________
Le but de ce volet territorial est de complĂ©ter lâĂ©tude internationale. Les recherches du
RNGS ont porté sur le positionnement et le rÎle des appareils gouvernementaux pour les
femmes dans le dĂ©roulement dâune gamme reprĂ©sentative des politiques publiques nationales.
Or, une autre approche est logique, voire nécessaire. Elle se concentre plutÎt sur les AGF, au
niveau territorial de lâĂtat. Il sâagit dâune problĂ©matique qui vise dâabord les actions et le
fonctionnement des AGF au niveau dĂ©concentrĂ©, et secondairement, lâĂ©laboration et la mise
en place des politiques publiques. Dans cette optique, ce cas dâĂ©tude vient complĂ©ter lâĂ©tude
du RNGS de cinq points.
-Prendre lâautre versant de la question --les AGF rendent-ils les dĂ©mocraties
efficaces?-- en sâappuyant sur les actions des AGF eux-mĂȘmes.
-Ătudier les AGF sur le terrain dâune façon spĂ©cifique.
-Observer les relations entre les AGF et tous acteurs politico-administratifs au
niveau
territorial.
-Fournir un regard plus évaluatif sur les capacités des AGF.
-Présenter une perspective plus actuelle de ces dynamiques politiques.
Vu lâĂ©tendue de lâĂ©tude du RNGS sur la France, il va de soit quâune telle enquĂȘte ne
peut ĂȘtre menĂ©e que dans une seule rĂ©gion. Une Ă©tude plus approfondie et plus systĂ©matique
devra attendre la mise Ă jour dâun autre projet de recherche ciblĂ© sur lâaxe territorial.
NĂ©anmoins, un tel cas dâĂ©tude peut dĂ©boucher sur des connaissances approfondies des acteurs
politico-administratifs fĂ©ministes. Ceci dit, il est important de reconnaĂźtre les limites dâun cas
dâĂ©tude. Il nâest en aucune façon possible dâen tirer des conclusions dĂ©cisives, ni mĂȘme des
tendances gĂ©nĂ©rales Ă lâĂ©gard des AGF. Câest ainsi que ce cas dâĂ©tude rĂ©gional a pour but
principal de produire des hypothĂšses sur le fonctionnement et les actions des AGF en France.
Le Choix de la rĂ©gion Provence-Alpes-CĂŽtes dâAzur
Nous avons retenu la région PACA comme site de recherche pours deux raisons
principales. Elle fait partie des régions les plus dynamiques en France au niveau de
lâapplication de la territorialisation. Ceci dit, une identitĂ© rĂ©gionale PACA nâest pas du tout
acquise (comme en RhÎne-Alpes, par exemple). Donc, la région est à la fois le site des
actions âpilotesâ menĂ©es par les services dĂ©concentrĂ©s de lâEtat et un espace oĂč une identitĂ©
109
rĂ©gionale est en train de se dĂ©velopper. Sans ĂȘtre pionniĂšre, ni Ă la traĂźne en matiĂšre de droits
des femmes, et tout ayant des particularités culturelles et démographiques intéressantes, la
rĂ©gion PACA apparaĂźt comme un choix idĂ©al pour le cas dâĂ©tude exigĂ©e par notre approche.
La variĂ©tĂ© de la rĂ©gion nous fournit aussi un axe dâanalyse important. Trois
départements trÚs urbanisés et cÎtiers (Bouches-du-RhÎne, Alpes-Maritimes, Var), deux
départements trÚs ruraux (Alpes-de-Haute Provence, Hautes Alpes), et un département entre
les deux (Vaucluse), forment un microcosme des différences de la France entiÚre. Une
population traditionnelle, une population mobile et moderne, une population immigrĂ©e, etcâŠ.
la région PACA a fourni un lieu de recherche qui nous permet de faire des comparaisons
internes aussi bien quâexternes.
La méthodologie
Le cas dâĂ©tude se base sur trois sĂ©ries des donnĂ©es. PremiĂšrement, nous avons
dépouillé des archives au Service des droits de femmes qui portent sur les questions
principales de cette enquĂȘte. DeuxiĂšment, nous avons consultĂ© en profondeur les rapports
dâactivitĂ© des AGF en rĂ©gion PACA depuis 1997. Une telle consultation nous a permis Ă la
fois de formuler des hypothĂšses prĂ©alables et dâĂ©laborer les grands axes dâanalyse pour les
recherches de terrain. TroisiĂšment, et ceci reprĂ©sente la partie la plus prenante du cas dâĂ©tude,
nous avons procédé à des entretiens avec les actrices des AGF en région PACA: la Déléguée
Régionale des Droits des Femmes, son équipe, les chargées de mission des droits des femmes
de chaque dĂ©partement, et lâĂ©quipe dâun CIDF Ă Avignon (cf. lâannexe 4 pour la liste des
personnes rencontrées).
Chaque entretien a duré entre deux et trois heures. Dans certains cas, nous avons
procédé à un entretien supplémentaire. Nous avons essayé de constituer une approche
systĂ©matique; chaque entretien a suivi le mĂȘme parcours â le cursus professionnel de
lâintĂ©ressĂ©e, le fonctionnement de son secteur, les actions spĂ©cifiques quâelle a animĂ©es Ă
travers les quatre domaines de politique publique examinĂ©es par le RNGS, et lâauto-critique
de son travail. Nous avons essayĂ© de reproduire ce schĂ©ma dans ce chapitre. Câest ainsi que
la présentation des données recueillies et leur analyse suivra les grands axes suivants: le
cursus des actrices des AGF de la région PACA, le fonctionnement des appareils dans le tissu
politico-administratif et les actions des AGF du PACA dans les quatres domaines. A partir de
lĂ , la conclusion Ă©value les facteurs favorisants la mise en oeuvre des politiques publiques en
direction des femmes, met en évidence des problÚmes constatés, et fait quelques propositions.
Les profils-types des actrices des AGF
A travers nos recherches, nous avons pu constater trois profils-types des agents des
AGF en PACA. LâexpĂ©rience politique et professionnelle ainsi que la formation de chaque
individu jouent un rÎle déterminant dans les choix et les axes de travail.
La féministe militante
--
Dans ce profil-type, la caractéristique la plus importante est
le militantisme féministe, soit dans les associations féministe (MFPF, etc.), soit dans les
mouvements féministes (MLF, MLAC, etc.), soit dans les partis politiques (Commissions
femmes, etc.), soit dans les associations locales (associations de quartier, etc.). Souvent ces
fĂ©ministes militantes ont participĂ© Ă la direction dâassociations et de mouvements, et en ont
tiré un enseignement spécifique.
110
La professionnelle--
Ces femmes sont arrivĂ©es Ă ces postes par la voie dâune activitĂ©
professionnelle sans avoir particuliÚrement milité dans des associations ou des mouvements
fĂ©ministes. Elles disposent souvent dâune formation classique et de compĂ©tence dans des
secteurs spécifiques; elles sont juristes, avocates, formatrices, etc..
Lâadministrative--
Dans ce troisiÚme profil-type se rangent celles qui ont été formées
au sein de lâadministration de lâĂtat. FormĂ©es comme fonctionnaires, elles ont lâexpĂ©rience
du fonctionnement de lâEtat dans dâautres domaines que les droits des femmes.
Le recrutement des femmes responsables des AGF en PACA sâest dĂ©roulĂ© Ă deux
Ă©poques diffĂ©rentes, qui reflĂštent lâĂ©volution de lâadministration des droits des femmes en
France. La premiÚre époque se termine au début des années 90. Pendant cette période, ce sont
des personnes ayant une expérience militante féministe qui ont été recrutées. à partir de cette
date, les recrutements se sont ouverts vers dâautres cursus, lâengagement militant fĂ©ministe ne
semblait plus ĂȘtre obligatoire. Ceci dit, toutes nos interlocutrices, sans exception, se sont
réclamées de valeurs féministes.
Quant au statut, il nây a pas un seul profil. Tandis que la plupart de nos interlocutrices
travaillent Ă plein temps, dâautres ont fait le choix de travailler Ă temps partiel. Certaines ont
un statut contractuel, dâautres un statut de fonctionnaire. Ce manque dâhomogĂ©nĂ©itĂ© a
tendance à pérenniser les inégalités au sein des services des droits des femmes; ceci a été
signalé dans nombre de nos entretiens.
Le fonctionnement des AGF
Le travail des AGF se déroule dans un contexte politico-administratif trÚs complexe.
La mission transversale des AGF impose dâentretenir des relations avec des acteurs multiples,
au sein des services de lâĂtat, dans les collectivitĂ©s territoriales, et dans la sociĂ©tĂ© civile.
Nous avons observé que ces relations se construisent à partir des actions et des réseaux
individuels de chaque acteur dans les AGF. Nos interlocutrices ont souligné que ces relations
dépendent beaucoup des acteurs concernés, et présentent souvent un défaut
dâinstitutionnalisation. Lâanalyse suivante trace les contours des relations qui, dâaprĂšs nos
recherches, constituent lâessentiel du travail quotidien, entre les AGF et les autres acteurs.
LâĂtat
Le préfet et son cabinet
Toutes les agents des AGF nous ont indiqué que la relation la plus déterminante dans
leur travail est celle qui sâinstaure avec le prĂ©fet et son cabinet. Le fait dâĂȘtre membre du
cabinet offre un un accĂšs privilĂ©giĂ© Ă la vie administrative dâun dĂ©partement. La proximitĂ©
avec les services du préfet constitue un atout formidable; néanmoins, elle peut aussi constituer
une faiblesse -- un talon dâAchille. Un atout, car lâappui du prĂ©fet est un Ă©lĂ©ment essentiel
dans la constitution des relations avec dâautres acteurs-clĂ©s dans le dĂ©partement. Un talon
dâAchille, car une telle proximitĂ© implique un comportement qui nâest guĂšre compatible avec
une vision fĂ©ministe de lâĂtat.
Le fait du prince se fait trÚs fortement sentir, particuliÚrement dans les départements
ruraux. LâintĂ©rĂȘt apportĂ© par chaque prĂ©fet ou directeur du cabinet aux droits des femmes,
souvent Ă un titre plutĂŽt personnel, joue un rĂŽle central dans la poursuite des politiques des
111
CMD. Quand le prĂ©fet sâintĂ©resse beaucoup aux questions qui touchent les femmes, les CMD
se voient dotĂ©e de fortes possibilitĂ©s dâimpulsion. Lâabsence dâun tel soutien rend le champ
dâaction des CMD plus Ă©troit. Le âfait du Princeâ est dâautant plus important que le mandat
des préfets est long.
MĂȘme avec le soutien du prĂ©fet, il y a des limites importantes aux actions des CMD.
Ces limites renvoient Ă la position souvent marginale des dossiers des droits des femmes dans
la politique de lâĂtat. Les CMD ont soulignĂ© la prĂ©sence des rĂ©sistances de la part des
directeurs du cabinet, des secrĂ©taires gĂ©nĂ©raux, ou des chefs des services. Câest ainsi que les
CMD se trouvent souvent privĂ©e de parole pendant les tours de table, mises Ă lâĂ©cart des
rĂ©unions de lâĂ©quipe prĂ©fectorale, etc.
Services déconcentrés
Les relations de la mission transversale des droits des femmes sont trÚs compliquées
dans leur relation avec les services dĂ©concentrĂ©s de lâĂtat. Ă lâorigine de cette complexitĂ©, on
trouve lâabsence des lignes directrices cohĂ©rentes concernant lâintĂ©gration des droits des
femmes Ă tous les secteurs. Tandis que les AGF en rĂ©gion PACA se sont investies dans âle
mainstreamingâ et les analyses homme-femme ou genrĂ©es, elles nâont pas rĂ©ussi Ă faire entrer
ces pratiques au sein des administrations déconcentrées.
73
Or, les services déconcentrés ont
leurs propres cultures et pratiques, fondĂ©es sur la notion de lâuniversalisme rĂ©publicain, qui
vont Ă lâencontre dâune approche genrĂ©e des politiques publiques.
Cette analyse est particuliĂšrement vraie pour les Services publics de lâemploi (SPE), Ă
quelques exceptions prÚs. Nous avons remarqué que, dans les départements les moins
urbains, les SPE ont tendance à travailler plus en collaboration avec les Chargées de missions
dĂ©partementales des droits des femmes. Cette collaboration est peut-ĂȘtre une consĂ©quence des
relations personnelles qui se forment dans un milieu administratif plus restreint. Dans
certains cas, la direction du SPE a initié les actions ponctuelles sans suite avec le concours des
CMD.
Toutes nos interlocutrices ont soulignĂ© le problĂšme de ce que lâune dâentre elles a
qualifiĂ© de âdanse des circulairesâ. Cela signifie que les circulaires destinĂ©es aux services
dĂ©concentrĂ©s de lâĂtat, qui portent sur les politiques des droits des femmes, sont de leur point
de vue, insuffisantes pour faire face à la complexité des problÚmes. La multiplication des
circulaires se substitue donc souvent Ă lâefficacitĂ©. DerriĂšre cette danse, dâaprĂšs les agents
des AGF en PACA, il y a une absence de volonté politique au sein du gouvernement.
Les AGF
Le service des droits des femmes
Le manque de moyens toujours systématiquement constaté par les actrices des AGF
en PACA, nâest quâun reflet du manque grave de moyens au niveau national. Un tel manque
global a pour double effet, lâaffaiblissement dâune administration dĂ©jĂ surchargĂ©e, ainsi que
73
âLe mainstreamingâ consiste de lâintĂ©gration de façon transversale une approche homme-femme dans les
politiques publique générales. Une telle approche applique la prise en compte de la situation des hommes par
rapport des femmes et les rapports sociaux qui tournent autour de cette vision sexuée. Ce concepte était
introduit par la Commission EuropĂ©nne dans les annĂ©es quatre-vingt-dix, comme lâapproche principale dans la
promotion de lâĂ©galitĂ© des chances entre les femmes et les hommes.
112
lâaugmentation des conflits entre les agents qui devraient travailler ensemble. Souvent, les
CMD et les chargĂ©es dâĂ©tudes ont Ă©voquĂ© lâabsence dâune politique dâensemble et de
directives claires. Cette absence est renforcée par un faible suivi de la mise en oeuvre des
actions des AGF. Sur le terrain, on a parfois lâimpression que la mission principale nâest pas
clairement définie. Dans le contexte présent, marqué par les nouvelles idées du
âmainstreamingâ, la politique du gouvernement actuel et le poids de lâEurope dans les
politiques envers les femmes, cette impression se renforce. Ce contexte semble annoncer
lâintroduction dâune approche sexuĂ©e dans les politiques publiques gĂ©nĂ©rales, au lieu de
lâĂ©laboration de politiques publiques spĂ©cifiques en direction des femmes, Ă lâĂ©cart du
dispositif des politiques globales.
Toutes nos interlocutrices ont salué les efforts de mutualisation entre les agents des
services déconcentrés et des services nationaux et de formation, menés par les services
nationaux. Les journées des CMD et les DRDF sont un outil important dans la coordination
des actions des AGF. Ceci dit, certaines de nos interlocutrices auraient souhaité un
approfondissement de ces efforts, surtout en ce qui concerne les actions phares des services.
Dans cette optique, on a parfois Ă©voquĂ© le souhait dâun renforcement dâune telle mise en
commun des expériences entre les CMD, de façon à mieux partager les expériences de terrain
des unes et des autres.
La délégation régionale des droits des femmes (DRDF) et les chargées de
mission départementales (CMD)
La DRDF se définit par une double obligation administrative, à la fois dépendante des
services nationaux et du SecrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral de lâaction rĂ©gionale (SGAR). Nous avons
observé que le rÎle de coordination joué par la DRDF entre les CMD en PACA est parfois
mise en cause par cette double charge. En outre, dans lâorganigramme actuel, la DRDF
assure aussi sa mission dans le département principal de PACA (les Bouches-du-RhÎne). Les
intervenants ont indiqué le besoin de clarté entre les responsabilités régionales et
dĂ©partementales, voire lâĂ©tablissement dâune poste du CMD dans le dĂ©partement principal de
la région.
On a aussi constaté un besoin de préciser la division des tùches entre la DRDF et les
CMS, afin dâĂ©viter une multiplication dâefforts dans les mĂȘmes secteurs. Ceci dit, le renfort
que peut apporter la DRDF aux efforts des CMD reprĂ©sente une occasion dâapprofondir la
concertation déjà en cours. Or, il a été constaté que la DRDF ignore parfois les impératifs de
tutelle du préfet dans les activités des CMD. Le travail des chargées de mission se déroule
souvent en situation dâisolationisme. La volontĂ© observĂ©e de travailler en Ă©quipe rĂ©gionale,
dans une ambiance féministe, pourrait atténuer les effets nocifs de cette isolation.
Les DRDF et les CMD représent également un dernier recours pour les femmes en
dĂ©tresse. Difficile Ă dĂ©crire, ce rĂŽle chevauche lâaction des CIDF. Câest aussi comme dernier
recours que le Bureau RĂ©gional de Ressources Juridiques Internationales (BRRJI) agit. Une
nouvelle mission auprÚs de la DRDF et rattachée au CIDF phocéen, le BRRJI est unique dans
les rĂ©gions. Il est vu comme un relais efficace dâexpertise juridique du droit international
pour les femmes étrangÚres et les associations qui les représentent.
Les Centres dâinformation des droits des femmes (CIDF)
113
Les CIDF, organisme Ă statut ambigu (les associations de 1901, mais subventionnĂ© Ă
80% par lâĂtat), ne se sont pas montrĂ©s des acteurs trĂšs prĂ©sents dans les actions des AGF.
Dâune part cette absence relĂšve de leur mission dâinformation au publique, et non de
lâimpulsion de la politique publique. Dâautre part, on a constatĂ© que le rĂŽle des CIDF dans la
rĂ©gion Ă©tait parfois mitigĂ© par les incertitudes de gestion. MĂȘme avec cette ambiguĂŻtĂ©
institutionnelle, les interlocutrices ont mentionnĂ© les nouveaux Bureaux dâaccompagnement
individualisĂ© vers lâemploi (BAIE), sous lâautoritĂ© des CIDF, comme des acteurs importants
sur lâĂ©chiquier de la politique dâemploi. Ătant donnĂ© leurs relations souvent tendues, toutes les
CMD ont souhaité une meilleure définition de la répartition des tùches avec les CIDF.
NĂ©anmoins, les CMD ont reconnu lâimportance de lâappui des CIDF Ă lâĂ©gard du public dans
leurs actions.
Les collectivités territoriales
Le Conseil RĂ©gional(CR)
La décentralisation de la vie politique française a attribué aux conseils régionaux des
pouvoirs importants, voire une position dĂ©terminante dans lâĂ©laboration et lâapplication des
politiques publiques au niveau territorial. En PACA, les actions en faveur des femmes ont été
favorisĂ©es au niveau de la rĂ©gion par la coloration du CR, qui sâest montrĂ©, ces derniĂšres
annĂ©es, trĂ©s prĂ©occupĂ© par la question fĂ©minine. Le Contrat de Plan Ătat-RĂ©gion est devenu
un véhicule pour maintes actions en faveur des droits des femmes, et constitue ainsi une
occasion saisie par la DRDF pour impulser sa politique dans la région. Le co-financement de
plusieurs actions par lâĂtat et la rĂ©gion, a Ă©tĂ© nĂ©gociĂ© par la voie de la DRDF. La DĂ©lĂ©guĂ©e a
Ă©galement rĂ©ussi Ă inscrire le principe dâĂ©galitĂ© des chances dans le prĂ©ambule du Plan 2000.
Les politiques publiques envers les femmes, co-financées par le CR, visent les
secteurs de lâemploi, lâagriculture, la crĂ©ation dâentreprises, la jeunesse et les sports, la santĂ©,
et la violence. Beaucoup de nos interlocutrices ont souligné le rÎle de la vice-présidente
chargĂ©e des droits des femmes au CR, Ă©galement dĂ©putĂ©e Ă lâAssemblĂ©e nationale, est
lâancienne CMD du Var. Lâappui de la vice-prĂ©sidente du CR, aux AGF en PACA, dĂ©passe
le cadre stricte de la DRDF, parce quâelle apporte un soutien direct aux autres CMD.
Les Conseils Généraux (CG)
Comme au CR, la coloration politique des CG peut déterminer les rapports entre les
CMD et les élus. Dans les Bouches-de-RhÎne, le CG a maintenu une déléguée chargée des
droits des femmes, ce qui est unique dans la région. Toutes les CMS avaient essayé de
monter des actions en collaboration avec les CG. Mais, au-delĂ de la coloration politique des
CG se dresse lâobstacle potentiel de la culture politique locale. Dans les dĂ©partements ruraux,
les CMD ont qualifié cette culture de traditionnelle, voire de masculine, situation qui rend
difficile la mise en oeuvre dâactions du âmainstreamingâ.
Les municipalités
En PACA, les AGF ont commencé à essayer de travailler avec les municipalités,
normalement dans le cadre de la politique de la Ville. Toutes les CMD voient les
municipalités comme partenaires potentiels dans leurs actions; la politique de la Ville est une
entrĂ©e importante pour beaucoup dâentre elles. Une Ă©tude co-financĂ©e par la DRDF et le
Commissariat Général du Plan a fait une évaluation de la prise en compte de la problématique
114
âfemmesâ dans les diffĂ©rents contrats de ville de la rĂ©gion. La composition politique des
conseils municipaux peut intervenir. Dans certains cas, elle peut aider Ă faire avancer le
travail des AGF, comme à Marseille, ou existe une adjointe du maire chargée de la condition
fĂ©minine. Dans dâautres cas, elle peut ĂȘtre moins favorable, voire nuisible, comme câest le cas
à Toulon. Nous avons également constaté la présence de conseils extra-municipaux chargés
des droits des femmes dans quelques cas isolés.
Les organismes non gouvernementaux
Les partenaires sociaux
Les AGF en PACA travaillent trĂšs peu avec les partenaires sociaux classiques. La
nĂ©gociation collective nâa pas Ă©tĂ© mentionnĂ©e comme une arĂšne de lâĂ©laboration des droits des
femmes. Ni les syndicats, ni les associations patronales ne sont présents dans les politiques
publiques menées par les AGF. Il se peut que cette observation révÚle plutÎt une faiblesse des
partenaires sociaux classiques en PACA quâun manque de volontĂ© affichĂ©. Nos recherches
ont dĂ©montrĂ© un certain intĂ©rĂȘt de la part des Chambres des MĂ©tiers Ă lâĂ©gard des mesures
spĂ©cifiques pour les femmes en formation professionnelle. Câest souvent par la voie des
Chambres des MĂ©tiers que les entreprises individuelles se sont mise en relation avec les
CMD. Or, il nous a Ă©tĂ© dit que les entreprises sont plus motivĂ©es par lâaide dâun financement
Ă©ventuel en provenance des AGF, que par lâintĂ©rĂȘt de valoriser les droits des femmes.
La
v
ie associative
La vie associative en PACA est trÚs variée selon le département. Dans les
départements plus peuplés, avec les agglomérations urbaines majeures, les associations font
partie intégrante du tissu social et sont considérées comme des partenaires valables. Les
mouvements comme le MFPF, le CODIF, lâUFCS, ou encore les associations moins liĂ©es au
fĂ©minisme comme lâALC et le Nid, participent de façon rĂ©guliĂšre Ă lâĂ©laboration et Ă la mise
en place des actions des AGF. Ces associations recoivent reguliĂšrement des subventions de la
DRDF ou les CMD, mĂȘme si un tel financement nâest pas forcĂ©ment indispensable.
Dans les départements plus ruraux, on constate que la vie associative est en crise.
Lâessouflement du fĂ©minisme organisĂ© a minimisĂ© lâinfluence des associations fĂ©ministes sur
les politiques publiques de lâĂtat. Les CMD dans ces dĂ©partements ont souvent essayĂ© de se
servir des crĂ©dits de lâĂtat pour rĂ©impulser le secteur de la vie associative. Dans ces cas, on
peut constater que les subventions de lâĂtat sont souvent essentielles Ă lâexistence mĂȘme de
ces associations.
Les domaines des politiques publiques
La formation professionnelle
Le problĂšme
La situation des femmes devant les problĂšmes du chĂŽmage, de la formation, et de la
prĂ©caritĂ© reprĂ©sente un dĂ©fi important pour les administrations de lâĂtat. Le marchĂ© du travail
ne suit pas les mĂȘmes formes Ă travers toute la rĂ©gion; ce fait Ă©tait signalĂ© par toutes nos
interlocutrices. Câest ainsi que dans les dĂ©partements ruraux, lâabsence des grandes
entreprises structure le champ dâintervention possible dâune maniĂšre trĂšs diffĂ©rente que dans
115
les départements fortement industrialisés. Il faut aussi souligner que, dans tous les
dĂ©partements, lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© de la population fĂ©minine requiĂšre des politiques de formation
professsionnelle soigneusement adaptées aux besoins spécifiques des sous-populations (par
exemple: les agricultrices, les femmes immigrées, etc.).
Il faut aussi prendre en compte lâampleur du champ dâintervention dans le secteur
emploi-formation professionnelle, qui rend la mission transversale des AGF encore plus
complexe. La multiplication des acteurs fait lâenjeu particulier de ce domaine. Il nây a pas
forcément un manque de ressources dans ce domaine, mais les crédits sont repartis à travers
une gamme trĂšs large de programmes Ă plusieurs niveaux de lâĂtat, et on a souvent constatĂ©
un manque de cohérence dans leur affectation.
Les actions des AGF en matiÚre de formation professionnelle ont été souvent
dĂ©marquĂ©es par une logique individualiste de deux maniĂšres. Dâabord, les rĂ©seaux
relationnels, voire personnels, ont joué un rÎle primordial dans toutes les étapes du processus.
Ensuite, Ă©tant donnĂ© le champ dâintervention vaste et lâabsence dâun projet dâenvergure dans
la formation professionnelle, les actions des AGF ont souvent été déterminées par des
philosophies individuelles.
DâaprĂšs nos entretiens, une forte culture universaliste rĂšgne parmi les acteurs du
Service public de lâemploi. Cette culture empĂȘche lâadaptation des politiques publiques aux
axes de travail sexués. Une telle observation peut sembler abstraite et théorique, mais elle
recouvre lâun des obstacles principal Ă la mise en oeuvre dâune politique dâenvergure, un
obstacle soulignĂ© par toutes les CMD, qui se concrĂ©tise par lâabsence des donnĂ©es et des
diagnostics sexués. La prise en compte des situations comparées des hommes et des femmes
dans les dispositifs de lâemploi est obligatoirement le premier pas vers une politique dâemploi
et de formation professionnelle qui se veut adaptée aux rigueurs du marché du travail.
Les actions
Les actions des AGF dans le domaine de la formation professionnnelle sont de deux
catégories.
Les mesures spĂ©cifiques --Jusquâau 1993, les mesures spĂ©cifiques destinĂ©es aux
femmes reprĂ©sentaient lâapproche principale de lâĂtat. Ă partir de cette date, le
âmainstreamingâ coexiste avec ces mesures spĂ©cifiques. En PACA, les AGF nâont pas
abandonnĂ© les programmes de formation pour les femmes, malgrĂ© beaucoup dâefforts dans la
direction du âmainstreamingâ. Voici quelques exemples des mesures spĂ©cifiques.
--les actions destinĂ©es Ă la diversification du marchĂ© de lâemploi (stages, formation,
crĂ©ation dâemplois, etc.). Ces actions ont pour but lâinsertion des femmes dans les secteurs
dâactivitĂ© Ă©conomique traditionnellement dominĂ©s par les hommes. Dans le Var, une action a
abouti Ă lâembauche de femmes comme conductrices de bus; dans les Bouches-du-RhĂŽne, un
stage a permis à des femmes de trouver des emplois dans la maintenance en matériel
informatique. Une action dans les Hautes-Alpes de la CMD a ouvert le secteur
traditionnellement masculin des remontées mécaniques aux femmes. Néanmoins, certaines
des CMD et la DR ont remarquĂ© quâen PACA, les attitudes freinent souvent lâentrĂ©e des
femmes dans certains secteurs masculins; dâoĂč lâimportance de cibler des secteurs plus
permĂ©ables aux femmes (par exemple la restauration ou lâhĂŽtellerie).
116
-- les actions destinées à la lutte contre le chÎmage, qui ont pour principal but la baisse
du chÎmage féminin, à court et à long terme. Dans les Alpes de Haute Provence, la création
des brigades Ă©questres pour la protection de lâenvironnement avait pour objectif de
âredynamiser des publics en recherche dâemploiâ. Dans les Alpes-Maritimes, la CMD a aidĂ©
Ă la crĂ©ation dâentreprises par des femmes en utilisant les FGIF.
Le
âmainstreamingâ -- Depuis 1996, le concept du mainstreaming est entrĂ© dans le
repertoire des outils des AGF, Ă la suite de lâintĂ©gration de la problĂ©matique de lâĂ©galitĂ© des
chances dans lâensemble des politiques communautaires par la Commission europĂ©enne. Une
telle démarche consiste à intégrer de façon transversale une approche genrée dans toutes les
politiques publiques. Il faut souligner ici lâimportance de lâObjectif 2 du DOCUP 1997-9.
En PACA, les agents des AGF considĂšrent le mainstreaming comme un outil potentiel
particuliĂšrement efficace dans le domaine de la formation professionnelle. Comme lâ a dit
une dâentre elles, âcâest un appel dâoxygĂšneâ. Les actions poursuivies dans une optique du
âmainstreamingâ sont les suivantes:
--la mise en place de mĂ©thodes dâanalyse homme-femme dans les dispositifs de
lâemploi. La DRDF a aidĂ© Ă la crĂ©ation et au financement dâun Observatoire de lâĂgalitĂ©
Professionnnelle dans le cadre de la restructuration de lâObservatoire RĂ©gional des MĂ©tiers.
MalgrĂ© cette dĂ©marche, le manque dâune analyse globale tenant en compte les situations
différentes des hommes et des femmes reste encore la norme parmi les SPE.
--la sensibilisation et la coordination des acteurs des SPE Ă lâĂ©gard de lâadoption dâune
approche genrĂ©e. Lâimplantation des CMD dans le noyau dur de lâemploi Ă©tait signalĂ©e
comme un atout Ă©norme, mais cette situation nâexiste pas dans tous les dĂ©partements
concernés.
--Contrat de Plan Ătat-RĂ©gion. La DRDF a rĂ©ussi Ă intĂ©grer le principe de lâĂ©galitĂ©
des chances dans le préambule du Contrat du Plan Etat-Région 2000. Ce préambule affirme
que âlâĂgalitĂ© des chances entre les femmes et les hommes est dĂ©sormais une prioritĂ© comme
elle est une prioritĂ© de lâUnion EuropĂ©enne.â En intĂ©grant ce concept, le Contrat de Plan met
en oeuvre une double stratĂ©gie: âune approche intĂ©grĂ©e et transversale (mainstreaming) qui
prĂ©voit dâinterroger toutes les politiques mises en oeuvre quant Ă leurs effets sur les femmes
et les hommes et le maintien de mesures spécifiques visant à corriger les inégalités et pouvant
cibler certaines catĂ©gories de femmes.â
Les obstacles
Les obstacles constatés à une politique efficace dans le domaine de la formation
processionnelle sont multiples. La forte résistance à toutes demandes des analyses sexuées,
ainsi que la perte de temps dans lâĂ©laboration de ces demandes, sont considĂ©rĂ©es comme un
blocage grave et omnipresent dans toutes les actions. Dans cette mĂȘme optique, la rĂ©sistance
des acteurs des SPE, souvent situĂ©e dans le cadre des valeurs de lâuniversalisme rĂ©publicain,
bloque tout efforts dâintroduire une politique du âmainstreamingâ. NĂ©anmoins, il est constatĂ©
que le âmainstreamingâ peut arriver par la voie des AGF, surtout dans les cas oĂč il existent
des interlocuteurs dans dâautres administrations qui sympathisent.
La rĂ©sistance Ă cette approche genrĂ©e, dâaprĂšs nos informations, est peut-ĂȘtre moins
importante dans le SGAR que dans les services dĂ©concentrĂ©s de lâĂtat. Ainsi, la
dĂ©centralisation, Ă terme, reprĂ©sente une chance pour le âmainstreamingâ de parvenir Ă
117
intégrer les politiques publiques concernant la formation professionnelle. Ceci dit, il est
difficile dâenvisager la mise en oeuvre dâune politique dâenvergure tandis quâexiste la
prĂ©eminence des relations personnelles et relationnelles dans lâĂ©laboration et la prĂ©paration
des actions des AGF. Dans telles conditions, le manque de volonté de tel ou tel fonctionnaire
peut freiner, voire tout arrĂȘter. Toutes les interlocutrices ont mentionnĂ© que les circulaires
dans ce domaine, souvent signĂ©es par les services nationaux de lâemploi et des droit des
femmes, ne fournissent pas les élément suffisants pour poursuivre une politique systématique,
ni pour les AGF, ni pour les SPE.
La
parité
Le
problĂšme
Dans lâĂ©tude internationale qui encadre ce rapport, le concept de paritĂ© nâest pas
utilisĂ©; on privilĂšgie plutĂŽt le terme reprĂ©sentation dĂ©mocratique. Pour le cas dâĂ©tude
rĂ©gional, nous avons repris le terme de la paritĂ©, afin dâĂ©voquer les politiques qui ont menĂ© Ă
la révision de la Constitution en 1999. Cette observation est faite, parce que certaines de nos
interlocutrices ont compris les questions que nous avons posées dans le cadre strict de
lâapplication de la politique paritaire, tandis que dâautres ont interprĂ©tĂ© les questions de
maniĂšre plus large. Donc, nous avons pu constatĂ© quâil y avait des actions entreprises dans ce
domaine bien avant lâĂ©laboration de la nouvelle lĂ©gislation sur la paritĂ©.
Les actions
Bien que lâadministration des droits des femmes nâait jamais Ă©tĂ© chargĂ©e formellement
du secteur parité, nous avons pu observé que des actions ponctuelles avaient été poursuivies,
particuliĂšrement dans deux directions. NĂ©anmoins, il faut aussi faire le constat que ces
actions sont issues, pour la plupart, des circonstances, et ne représentent pas forcément le
rĂ©sultat dâune politique publique. DâaprĂšs une CMD, âdans ce domaine, on inventeâ.
La
sensibilisation
--les manifestations (réunions, dßners, réceptions publiques, etc.) autour du 8 mars.
Souvent organisées en réponse à une demande transmise par le préfet aux AGF, ces actions
rassemblent les femmes élues du département, de la région, etc. ainsi qui les représentants de
lâĂtat.
--les réflexions publiques (colloques, débats, etc.) sur la parité. Souvent organisées en
collaboration avec les associations, ces actions sont principalement destinées à informer le
public de lâĂ©tat actuel de la reprĂ©sentation des femmes dans la vie politique ainsi quâĂ
examiner les moyens (et les obstacles) dâaugmenter la participation des femmes dans les
institutions.
La formation
--les subventions aux associations (lâUFCS, etc.) qui organisent les stages de
formation pour les femmes, dans le but dâaugmenter le nombre de candidatures fĂ©minines Ă
tous les niveaux (conseils municipaux, conseils gĂ©nĂ©raux, conseil rĂ©gional, lâAssemblĂ©e
nationale, etc.).
118
--les stages organisés avec la participation des AGF, destinés à recruter et à mieux
préparer les femmes qui entrent dans la vie politique.
--autres actions qui sont inscrites dans le cadre plus large de lâĂ©galitĂ© des chances,
dans le contexte des programmes de lâEurope (NOW, etc.).
Les obstacles
Toutes nos interlocutrices ont évoqué le faible taux de femmes élues en PACA, ainsi
quâun manque de femmes candidates. Une CMD a soulignĂ© la nĂ©cĂ©ssitĂ© de considĂ©rer la
prĂ©sence des femmes dans les administrations de lâĂtat comme une dimension de la paritĂ©.
Nous avons observé que la culture politique locale est souvent citée comme un obstacle à la
parité, surtout dans les départements les plus ruraux. Autre obstacle signalé: est le caractÚre
politique du dossier, avec la présence dominante des partis politiques, souvent résistante au
niveau local aux idées paritaires. Dans un département, une CMD a tenté de lancer un
programme de formation, en collaboration avec les partis politiques, faute dâavoir obtenu le
soutien des responsables fĂ©dĂ©raux. Toutes les CMD ont aussi Ă©voquĂ© lâabsence de projet
dâenvergure dans ce domaine. NĂ©anmoins, certaines envisageaient un rĂŽle consultatif des
AGF dans lâapplication de la paritĂ©. Ce rĂŽle ciblerait plus lâaugmentation des femmes dans la
haute fonction publique et dans les administrations, que dans la vie politique.
lâIVG
Le problĂšme
Dans lâĂ©tude internationale du RNGS, le domaine de lâIVG a Ă©tĂ© retenu comme un des
axes principaux de lâenquĂȘte. Dans nos recherches en PACA, nous avons pu constatĂ© que le
sujet de lâIVG est trĂšs liĂ© Ă la contraception et abordĂ© dans la perspective de la prĂ©vention.
Nous avons aussi observé le lien entre les problÚmes dans ce domaine et les femmes les plus
dĂ©favorisĂ©es, qui souffrent du manque dâinformations et dâaccueil et qui ont un accĂšs limitĂ© Ă
lâIVG. Dans les dĂ©partements les plus urbanisĂ©s, les lois sur lâIVG sont en gĂ©nĂ©ral mal
appliquĂ©es, et il y a un manque dâanalyses systĂšmatiques du problĂšme. MalgrĂ© quelques
tentatives pour redresser cette situation, la connaissance du problĂšme repose souvent soit sur
des données peu fiables, soit sur les observations personnelles.
Les actions
La
prévention -- Nous avons recueilli des témoignages qui attestaient du rÎle mitigé de
la campagne nationale de contraception. Dâune part, les CMD ont vu cette campagne comme
un bon outil dans la mise en oeuvre des actions locales; dâautre, on nous a souvent Ă©voquĂ© les
problĂšmes de contexte spĂ©cifique qui existent sur le terrain. Dans lâoptique de ces
programmes de la prévention, les associations (particuliÚrement le MFPF) jouent un rÎle
essentiel dans la perspective des CMD.
Lâinformation -- Les AGF en PACA, en gĂ©nĂ©ral, ont travaillĂ© avec les associations et
les administrations de lâĂtat, afin de mieux informer les femmes, surtout celles issues des
mileux dĂ©favorisĂ©s, sur leurs droits en matiĂšre dâIVG. Les CMD dans les dĂ©partements oĂč les
populations issues de lâimmigration sont nombreuses, ont souvent constatĂ© que les difficultĂ©s
recontrées demandent des méthodes de travail trÚs adaptées; souvent, elles peuvent jouer un
rÎle clé dans ce domaine.
119
LâaccĂšs
--
Le droit Ă lâIVG en PACA est souvent remis en question par des
dĂ©faillances dans les services sanitaires. Les actions visant Ă favoriser lâaccĂšs Ă lâIVG
peuvent ĂȘtre de trois ordres.
--coordination des services de lâĂtat (principalement la DDASS et la DRAS), afin de
soulever les problÚmes de délais et de trouver des solutions.
--impulsion des services sanitaires, afin de fournir plus dâaccĂšs Ă lâIVG.
--pression sur les services sanitaires, pour résoudre les problÚmes actuels, souvent à la
demande des associations. Dans ce cadre, les CMD sont de temps en temps sollicitées pour
suivre des dossiers individuels.
Les obstacles
Les obstacles les plus souvent soulevés par nos interlocutrices sont les délais et le
manque dâinformation dont des femmes souffrent concernant leurs droits. Or, les obstacles Ă
un redresssement de cette situation sont multiples: lâessouflement des associations dans
certains dĂ©partements, la surcharge de ces mĂȘmes associations dans dâautres, des cultures
traditionnelles qui existent dans certains milieux, la mise en avant de la clause de conscience,
qui réduit les effectifs, le manque de volonté souvent constaté au sein des administrations
sanitaires. Pour la plupart des CMD, lâenjeu dans ce domaine consiste en une meilleure
surveillance des services publics par lâĂtat. Dans certains dĂ©partements, lâaugmentation de la
proportion des IVGs dans le secteur privĂ© est un effet direct de ces dĂ©faillances, et peut ĂȘtre
un facteur majeur dans lâessouflement des associations prĂ©citĂ©es.
La prostitution
Le problĂšme
En PACA, la prostitution est un phénomÚne trÚs varié selon le département. Les
grandes villes comme Nice, Marseille, ou Toulon connaissent des problĂšmes importants dans
ce domaine, tandis que câest moins Ă©vident dans les dĂ©partements plus ruraux comme les
Hautes-Alpes ou les Alpes de Haute-Provence. NĂ©anmoins, les CMD de ces derniers ont fait
le constat que la prostitution existe bien, mĂȘme si câest en marge de la vie quotidienne.
Les actions
La
prĂ©vention -- Les activitĂ©s des AGF Ă lâĂ©gard de la prostitution, dans tous les
dĂ©partements en PACA, sâinscrivent pour la plupart dans la prĂ©vention, Ă quelques exceptions
prÚs. Bien que le Service national des droits des femmes soit chargé du copilotage du dossier
de la prostitution, avec la DASS, à partir du mai 1997, les AGF en PACA avaient entamé des
actions dans ce domaine bien avant cette date. Nous avons pu constaté, à travers les
entretiens, que le rÎle de la DASS reste preéminent, en collaboration avec les associations.
Les actions des AGF en matiĂšre de prĂ©vention de la prostitution essaient dâĂȘtre plus
efficaces et plus larges que lâapproche classique de la rĂ©insertion prĂŽnĂ© par certaines
associations. Ces actions comprennent les programmes de sensibilisation auprĂšs des publics
concernés, pour la plupart des jeunes (débats théùtralisés, colloques, interventions dans les
Ă©coles, etc.); lâaide directe (financiĂšre, technique) aux associations et la sollicitation des fonds
européens dans le cadre du programme DAPHNE.
120
La
rĂ©insertion -- MalgrĂ© lâapproche dominante de la prĂ©vention, nous avons pu
observé que les politiques de réadaptation étaient parfois poursuivis en PACA, et notamment
les actions suivantes:
--crĂ©ation dâun poste de mĂ©diateur dans un dĂ©partement.
--crédits formation attribués aux individus sortants de la prostitution dans un autre
département.
--lâinterpellation des AGF dans le cas des dossiers individuels.
La
coordination -- Les AGF en PACA ont joué un rÎle important dans la coordination
de la lutte contre la prostitution, par la mise en place de groupes de travail (regroupant la
police, la justice, la DDASS, les associations, etc.), avant la circulaire de mai 1997, de
comitĂ©s de pilotage, en fonction de cette circulaire et de groupes dâĂ©tudes hors gouvernement
(regroupant universitaires, professionnels, etc.).
Les obstacles
Il semble quâen PACA, comme au niveau national, il y a des rĂ©ticences fortes Ă
lâĂ©gard de la prise en charge de toutes les dimensions de la prostitution par les AGF. Ces
rĂ©ticences existent autant au niveau thĂ©orique quâau niveau pratique. CĂŽtĂ© thĂ©orique, lâaction
devrait renvoyer à une pensée féministe, forcément préventionniste, qui coexiste mal avec
lâapproche plutĂŽt rĂ©pressive ou rĂ©insertionniste des autres administrations. CĂŽtĂ© pratique, on
nous a souvent indiquĂ© que le manque de crĂ©dits et de compĂ©tences empĂȘchent lâarticulation
dâune politique globale efficace de la part des AGF. En outre, le rĂŽle Ă©tabli de la DASS et ses
services dĂ©concentrĂ©s pose ainsi un autre obstacle important Ă lâaboutissement dâune telle
politique. Nous avons observé que les AGF, dans les cas particuliers, ont su surmonter ces
obstacles à travers les réseaux relationnels.
Conclusion
Ce cas dâĂ©tude a permis dâĂ©clairer la zone dâombre qui existe entre la politique
publique envers les droits des femmes, telle quâelle a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e dans les plus hautes
institutions de lâĂtat, et la mise en oeuvre de cette politique au niveau territorial. Ă travers les
actions des AGF et les relations nourries par ces derniers au sein de lâĂtat, avec les
partenaires sociaux et le milieu associatif, nous avons essayé de dégager les points forts de
cette mise en oeuvre, ainsi que les points faibles.
Les facteurs favorisant la mise en oeuvre des politiques envers les femmes
Tout d'abord, il faut souligner le rĂŽle des individus dans la mise en oeuvre des
politiques publiques de l'Ătat envers les femmes. Nous avons eu le privilĂšge de rencontrer,
dans tous les départements concernés, des femmes de grande qualité professionnelle. Elles
travaillent, dâune façon appliquĂ©e, dans des conditions qui sont souvent difficiles. En grande
partie, la réussite que nous avons pu observer sur le terrain est due à ces femmes engagées.
Mais au-delĂ des agents des AGF eux-mĂȘmes, nous avons pu constater le rĂŽle important de
lâappui de certains individus. Ainsi, un directeur de cabinet, ou un directeur dâun des SPE,
qui seraient favorables Ă des mesures en faveur des femmes peuvent constituer de grands
atouts pour les AGF. La nature transversale de leur mission impose la nécessité de trouver des
121
soutiens au sein de l'administration de l'Ătat mĂȘme, et souvent cette tĂąche est accomplie grĂące
aux individus qui se montrent favorables Ă des actions envers les femmes.
Le deuxiÚme constat qu'on peut faire est de noter le poids du préfet dans le
fonctionnement des AGF. Certes, la présence des CMD dans l' entourage immédiat du préfet
confÚre des avantages potentiels pour une politique publique cohérente en direction des
femmes, mais elle est aussi porteuses de dangers réels. Ceci dit, plus le premier représentant
de l'Ătat arrive Ă soutenir les actions des AGF, plus la probabilitĂ© que ces actions soient
efficaces augmente. La proximité du préfet au coeur du systÚme politico-administratif local
constitue donc un atout considérable dans la construction et le maintien des réseaux
relationnels, essentiels Ă l'aboutissement de la mission transversale des AGF.
Le troisiÚme constat que nous avons pu faire concerne la taille du département. La
mise en oeuvre d'une politique publique cohérente envers les femmes se montrent plus facile
dans un département rural, avec un taux d'habitation assez faible. Le constat, a priori
suprenant, est compréhensible. Etant donné que les actions des AGF dépendent surtout des
réseaux relationels, ces derniers sont plus faciles à construire et à maintenir dans un univers
réduit. De plus, vu les moyens faibles dont les AGF sont dotés, l'insertion des CMD dans ces
réseaux est beaucoup plus facile dans les petits départements. Dans les départements de taille
plus grande, il est clair que les AGF doivent sâaffirmer d'autant plus, afin de se positionner au
centre des politiques publiques de l'Ătat.
Le quatriĂšme facteur qui favorise la mise en oeuvre des politiques publiques envers les
femmes, est la dynamique européenne, dans les départements comme au niveau régional. Les
preuves de ce constat se retrouvent aussi bien au plan théorique, avec les idées comme le
mainstreaming, qu'au plan pragmatique, avec le Fonds Social Européen des objectifs 2 et 3.
Ainsi l'UE a un rÎle clé dans l'élaboration des actions envers les femmes dans les régions de
France. Toutes nos interlocutrices ont travaillé dans des programmes de l'UE et sont
unanimes pour souligner l'appui qu'apporte lâUE au travail quotidien des AGF.
Le cinquiĂšme constat concerne le principe du mainstreaming. Bien que souvent
mĂ©connu ou mĂ©prisĂ© dans les administrations de l'Ătat (hormis les AGF), le mainstreaming
constitue aujourd'hui une véritable révolution dans les modalités de la mise en oeuvre des
politiques publiques envers les femmes. La DRDF en PACA a fait un grand effort dans ce
sens. Les réunions organisées afin de mieux comprendre les théories sur lesquelles le
mainstreaming est fondé, nous ont semblé prometteuses. Souvent nous avons pu remarquer
des actions qui relevaient du âmainstreaming avant l'heure' en PACA.
Avant de réaliser ce cas d'étude, nous connaissions le manque général des moyens des
AGF. Chargées de veiller sur un vaste domaine, les CMD dans tous le départements
concernés travaillent avec trÚs peu de moyens; obligées de rédiger leur propre courrier, de
répondre au téléphone, de classer des dossiers, etc., elles sont aussi obligées de participer aux
réunions avec le préfet, son cabinet et les responsables d'autres administrations, etc. Sollicités
par d'autres administrations, ou mĂȘme par le secteur privĂ©, qui pense (Ă tort) que les AGF
détiennent des fonds cosidérables, les AGF ont souvent réussi à accomplir beaucoup avec peu
de moyens.
Dernier constat, l'importance de l'appui des services nationaux des droits des femmes.
Tout le monde a souligné l'importance des journées d'études et des réunions de travail,
organisées à Paris par les services nationaux, tout comme les stages de formation qui ont été
122
montĂ©s dans le passĂ©. Les CMD sont conscientes dâappartenir Ă un corps, avec un esprit et un
engagement particulier. Elles insistent souvent sur le rĂ©confort que reprĂ©sente le fait dâavoir
une ligne claire, avec l'appui et les consignes des services nationaux. En outre, les campagnes
nationales aident beaucoup et renforcent les actions spécifiques des AGF au niveau local.
Les problÚmes constatés
Malgré ces facteurs qui favorisent le bon fonctionnement des AGF sur le
terrain, il faut souligner lâexistence de problĂšmes importants auxquels il faut faire face. Parmi
ces problÚmes, le principale est, d'aprÚs notre analyse, le manque de clarté de la mission des
AGF. Il nous semble qu'il existe, en effet, pas moins de trois missions dont les AGF se
chargent et qui ne sont pas forcément complémentaires. D'abord, les AGF agissent comme
des propulseurs de nouvelles mesures spécifiques pour les femmes, souvent en collaboration
avec d'autres services de l'Ătat. Ensuite, ils exercent une pression sur d'autres administrations
au sein de l'Ătat, afin de faire respecter les lois qui existent dĂ©jĂ et faire appliquer des
circulaires. Mais aussi les AGF essayent, avec peut-ĂȘtre moins de succĂšs, de faire du
mainstreaming, c'est-Ă dire de sensibiliser les administrations diverses de l'Etat Ă la
complexité d'une politique genrée et de mettre une problématique homme/femme au coeur des
actions de ces administrations. Pour nous, cette troisiĂšme voie s'annonce Ă la fois comme la
plus prometteuse et la plus difficile Ă accomplir.
Tant que les travaux des AGF se consacrent principalement Ă monter des actions
spécifiques, la question des droits des femmes reste en marge de la politique publique de
l'Ătat, ce qui rend plus difficile le mainstreaming. Le manque de moyens budgĂ©taires a pour
conséquence que ces mesures spécifiques restent trÚs limitées et qu'elles touchent un
pourcentage trĂšs faibles de femmes en manque de droits. C'est avec le mainstreaming qu'on
peut assurer que toutes les actions de l'Ătat dans le domaine de la politique publique
répondront aux besoins réels des femmes françaises.
Ceci dit, nous avons constatĂ© Ă©galement de grands obstacles au mainstreaming Ă
travers ce cas d'Ă©tude. Dâabord, un manque important dâeffectifs administratifs -- des postes
de direction aussi bien que de secrétariat -- rends trÚs difficile, sinon presque impossible, la
mise en place dâune politique si compliquĂ©e et si transversale. Ensuite, il existe au sein de
l'administration française des cultures qui ne sont pas trÚs favorables, voire hostiles, à la prise
en compte des particularités des femmes dans le monde économique et social. Cette hostilité
se justifie toujours par rapport à la défense des valeurs universelles de la République. Avec
une haute fonction publique qui incarne la rigiditĂ© du principe de lâuniversalisme rĂ©publicain,
l'Ătat français est un terrain difficile pour la conquĂȘte du mainstreaming. En outre, il existe
toujours, surtout dans le monde politique, la tendance de la domination des hommes dans
l'espace public, qui rend encore plus difficile les tentatives d'introduire les principes de base
comme le mainstreaming.
Cette situation est aggravée par le manque de directives qui affichent clairement le
besoin de la prise en compte du mainstreaming dans l 'application des politiques publiques
dâune maniĂšre globale. Nous avons posĂ© la question Ă toutes nos interlocutrices, afin de
savoir qui pourrait les aider au quotidien dans ce domaine. La réponse est unanime; il
faudrait des circulaires, venant de plusieurs ministĂšres en dehors des instances
gouvernementales chargées des droits des femmes, mettant sans ambiguïté en avant le
principe du mainstreaming. Or, nous avons eu souvent l'impression que, Ă cause du principe
de la culture universaliste, une telle volonté n'existe pas encore.
123
Sans le mainstreaming, les actions des AGF resteront dans une logique restreinte des
mesures spécifiques, et les problÚmes des femmes dans la société française moderne resteront
en marge de la politique publique. Il n'est guÚre envisageable que les AGF soient dotées dans
le futur de grands moyens budgétaires, permettant des actions dans tous les domaines qui
touchent les femmes. Selon notre analyse, les AGF sont plus efficaces quand ils se
consacrent Ă faire entrer le genre dans la politique publique et Ă sensibiliser les services de
l'Ătat aux besoins particuliers des femmes.
Un autre obstacle au mainstreaming relĂšve du statut et de la formation des membres
des AGF. Il est souhaitable, Ă notre avis, que les CMD aient tous un statut qui corresponde Ă
leur positionnement dans l'organigramme des services de l'Ătat. Pour accomplir le travail
qu'exige le principe du mainstreaming, il faut que les membres des AGF aient Ă la fois une
bonne connaissance de la théorie qui fonde ce principe et une bonne connaissance dans les
pratiques de la fonction publique.
à défaut d'un projet d'envergure, que constitue le mainstreaming, les actions des AGF
restent toujours trop sensibles au âfait du prince"; c' est-Ă dire que, vu l'importance du rĂŽle du
prĂ©fet et d'autres services de l'Ătat, les AGF se trouvent souvent face Ă des dynamiques trop
personnalisées. Des petites phrases ("Je vous donne des crédits, Madame, pour vous faire
plaisir") trahissent le manque de compréhension et de respect de la part de beaucoup dans la
haute fonction publique pour la mission des AGF.
Les
propositions
En ce qui concerne les AGF, il nous semble impératif que soit menée une réflexion
globale sur le rĂŽle principal des AGF au sein de l'Ătat. Il nous semble que le mainstreaming
est un objectif porteur qui pourrait ĂȘtre atteint avec le peu de moyens qui existent dĂ©jĂ .
D'aprĂšs cette analyse, les AGF fonctionneraient Ă la fois comme les initiateurs des actions du
mainstreaming au sein des administrations de l'Ătat, et comme des "consultants" qui
pourraient aider ces administrations Ă changer de pratique. Loin de faire disparaĂźtre les AGF,
ce dispositif servirait de plaque tournante Ă une politique du mainstreaming.
Pour atteindre cet objectif, il faut d'abord que soit menée au niveau national, en
concertation avec les DRDF, les CMD, et le Services des droits des femmes, une mise au
point concernant la stratégie et la tactique des AGF. Il serait souhaitable, à notre avis, que
cette réflexion constitue le noyau dur d'un changement de cap pour les AGF sur le terrain, qui
leur permettrait de s'éloigner des mesures spécifiques en faveur d'une action stratégique au
sein de l'Ătat lui-mĂȘme. Une telle dĂ©marche s'annonce comme une Ă©tape indispensable dans
l'instutionnalisation progressive des AGF en France.
Une poursuite efficace du mainstreaming doit sâinscrire dans lâaugmentation
importante des effectifs de lâadministration territoriale des droits des femmes: les postes de
chargées de mission des droits des femmes dans tous les départements, les adjointes aux DR
dans toutes les régions, les adjointes aux CMD et un secrétariat à temps plein dans tous les
départements.
Il faut aussi rĂ©gulariser lâarticulation des donnĂ©es et des diagnostics sexuĂ©s. Les
efforts dĂ©jĂ en cours doivent ĂȘtre pousuivis. Comme on nous lâa indiquĂ©, le besoin ici ne
consiste pas seulement en de simples chiffres sexués, mais en une véritable analyse genrée
124
des raisons complexes des inégalités persistantes entre les hommes et les femmes. Une telle
analyse entame forcĂ©ment lâĂ©tablissement de diagnostics Ă travers tous les secteurs et Ă tous
les niveaux de lâappareil Ă©tatique. Les diagnostics et les mĂ©thodes dâanalyse ont besoin de
franchir la barriĂšre des Ă©tudes ponctuelles pour devenir des notes de recherches annuelles ou
bi-annuelles diffusĂ©es Ă tous les services administratifs, les AGF et dâautres services de lâĂtat.
Une telle production ne peut ĂȘtre assurĂ©e que par les institutions dĂ©jĂ en place comme
LâINSEE. Or, il est certain que ces institutions ont besoin de lâappui des experts fĂ©ministes,
ainsi que des acteurs de terrain au niveau territorial et national. On encourage un partenariat
entre les structures dâĂ©tudes dĂ©jĂ en places, les chercheurs et dâautres experts, et les agents des
AGF du service national et des services dĂ©concentrĂ©s. Un tel partenariat pourraient se mettre Ă
la tĂąche de dĂ©velopper les instruments dâanalyse et de mettre en place un programme dâĂ©tude
et de valorisation.
Il nous semble souhaitable que les agents des AGF gardent ce qu'on peut qualifier
dâ"esprit de corps", en nâoubliant jamais lâappui individuel dâune mission. Donc, il est
souhaitable que soit renforcée la formation des CMD et les DRDF, afin de mieux transmettre
et et de mieux partager les objectifs et les modalités de fonctionnement des AGF. La
formation doit ĂȘtre rigoureuse, y compris au niveau thĂ©orique, et doit contribuer Ă la
professionnalisation et à la régularisation des compétences des agents des AGF à tous les
niveaux. Les associations des CMD et des DRDF ont certainement un rĂŽle Ă jouer dans cette
professionalisation dĂ©jĂ en cours. Une telle formation doit ĂȘtre, en plus, renouvelable tous les
ans, afin de mieux partager les expĂ©riences et les avancĂ©es au sein des AGF eux-mĂȘmes.
L'obstacle le plus grand au mainstreaming, Ă notre avis, reste les pratiques
et la culture au sein des administrations qui dépendent de grands ministÚres. Il nous semble
que le moyen le plus efficace pour effectuer un changement de ces pratiques soit de faire
entrer le mainstreaming dans les grandes Ă©coles oĂč sont formĂ©s les agents de la haute fonction
publique. Nous proposons que les services nationaux des droits des femmes, en partenariat
avec le milieu universitaire et scientifique, élaborent une stratégie afin d'accomplir cette tùche,
c'est-Ă dire une modification dans la formation de la haute fonction publique. Tant que les
préfets et d'autres hauts fonctionnaires joueront un rÎle clé dans la mise en oeuvre des
politiques publiques qui touchent les femmes, il nous semblent indispensable qu'ils soient au
minimum conscients des enjeux porteurs du mainstreaming.
Les chercheurs et les experts, ainsi que les programmes dâenseignement concernant les
politiques publiques et les questions fĂ©ministes, se prĂ©sentent comme une ressource riche Ă
exploiter afin de faire aboutir les propositions. Le DESS Ă lâuniversitĂ© de Toulouse le Mirail
en âdevĂ©loppement social et rapports sociaux entre hommes et femmesâ nous apparait comme
un exemple dâappui dans la poursuite de la professionnalisation du cadre administratif des
AGF et lâintroduction du mainstreaming dans la formation de la haute fonction publique. Les
groupements de recherche au CNRS, Marché du travail et genre (MAGE) et le GEDISST
pourraient constituer sans doute dâun autre pĂŽle clĂ© dans le dĂ©veloppement des formations
ainsi quâune politique systĂ©matique de production des instruments dâanalyse genrĂ©e.
Dans lâoptique de passer par les grands ministĂšres ainsi que par la haute fonction
publique, en dehors des AGF, il serait indispensable que dâautres ministĂšres prennent le relais
dans la transmission dâune mission globale des droits des femmes. Câest seulement avec
lâautoritĂ© du gouvernement entier quâun projet dâune telle envergure pourrait avancer.
LâĂ©chĂ©ance de lâEurope Ă cet Ă©gard jouerait sans doute une partie trĂšs centrale. Le
125
dĂ©veloppement de lâEurope sociale, et les subventions qui lâaccompagnent, reprĂ©sente un
intĂ©rĂȘt particulier. Il ne faut pas sous-estimer lâampleur des crĂ©dits destinĂ©s Ă promouvoir
lâĂ©galitĂ© des chances entre les hommes et les femmes parmi les pays membres. La volontĂ©
bien Ă©tablie de la France Ă lâĂ©gard de lâEurope sociale pourrait aller de pair avec une politique
en amont du mainstreaming. Les actions du gouvernement actuel se dirigent déjà dans ce
sens. Ătant donnĂ© lâorientation des politiques rĂ©centes en direction de lâĂ©galitĂ© homme-
femme, nous vivons certainement un moment propice Ă lâavancĂ©e dela politique des droits des
femmes ainsi quâĂ une rĂ©forme systĂ©matique de ces structures.
126
Conclusion: HypothĂšses, premiĂšres Ă©valuations et Ă©ventail de propositions
par Amy G. Mazur
___________________________________________________________________________
Ce chapitre fait le point sur les deux volets de cette Ă©tude: lâanalyse des AGF Ă partir
de lâĂ©tude comparative du RNGS et le cas dâĂ©tude rĂ©gional. Les Ă©valuations concernant le
volet du RNGS sont limitĂ©es, bien Ă©videmment, par le cadre plus large de lâĂ©tude
internationale. Le résumé, présenté dans la premiÚre partie du chapitre, des activités des AGF
et de lâimpact des mouvements de femmes dans les seize dĂ©bats en France ne reprĂ©sente
quâune partie des rĂ©sultats de lâĂ©tude internationale. Câest ainsi que les leçons qui pourraient
en ĂȘtre tirĂ©es sont forcĂ©ment provisoires et les hypothĂšses limitĂ©es. Les conclusions
dĂ©finitives doivent attendre la mise en commun des rĂ©sultats de tous les pays de lâĂ©tude du
RNGS. NĂ©anmoins, on peut faire quelques observations sur la question de dĂ©part de lâĂ©tude -
-les AGF rendent-ils les démocraties plus démocratiques? Des observations qui portent sur
les AGF en France et les AGF dans les pays dĂ©mocratiques industrialisĂ©s. A lâinverse de
lâĂ©tat provisoire de ces observations, il est possible, dans la derniĂšre partie de ce chapitre,
dâĂ©mettre quelques propositions plus concrĂštes.
HypothÚses concernant la France dans les seize débats
Nous examinons ici les résultats des recherches concernant les seize débats sur les
politiques publiques Ă partir du modĂšle analytique de base de lâĂ©tude du RNGS. Comme le
modĂšle ci-dessous lâindique, on peut distinguer cinq Ă©lĂ©ments: deux variables dĂ©pendantes --
les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvement des femmes et trois variables explicatives --
les caractéristiques des mouvements de femmes, le milieu de politique publique, les
caractéristiques des AGF.
Le modÚle suggÚre plusieurs questions concernant les AGF et la démocratie. Est-ce
que les actvitĂ©s des AGF favorisent lâimpact des mouvements de femmes? Un mouvement de
femmes actif assure-t-il que les activités des AGF soient féministes et que la politique menée
le soit aussi? De mĂȘme, assure-t-il une participation accrue des femmes dans lâĂ©laboration des
politiques publiques? Quels sont les conditions politiques favorables aux résultats féministes
concernant les activitĂ©s des AGF et lâimpact des mouvement de femmes? Et, enfin, est-ce
quâil y a un profil spĂ©cique dâAGF qui fait naĂźtre le fĂ©minisme dâĂtat ? Les rĂ©sultats des seize
dĂ©bats sont prĂ©sentĂ©s pour chacun de ces six Ă©lĂ©ments, afin dâesquisser quelques hypothĂšses
127
en ce qui concerne la capacité des AGF en France à apporter une contribution réelle à la
démocratie française.
128
HypothĂšses par domaine de politiques publiques
___________________________________________________________________________
AAGF IMF
La formation professionnelle:
La formation en alternance 1980 Marginales Non réponse
La gestion paritaire 1984 Marginales Devancement
La contribution patronale au financement 1991 Marginales Non réponse
Lâinsertion des publics en difficultĂ© 1993 Marginales Non rĂ©ponse
La formation professionnelle et décentralisation 1993
Marginales Non réponse
La représentation démocratique:
Les quotas de femmes aux Ă©lections municipales 1982
Symboliques Devancement
Lâintroduction de la reprĂ©sentation proportionnelle aux lĂ©gislatives 1986
Symboliques Non réponse
Le débat sur la parité I 1995 Marginales Réponse double
Le débat sur la parité II 1999/2000 Alliés Récupération
LâIVG:
Le vote dĂ©finitif de la loi sur lâIVG1979 Non FĂ©ministes Devancement
Le remboursement de lâIVG 1983 AlliĂ©es RĂ©ponse double
Le RU 486 1990 Symboliques Devancement
Les Commandos anti-IVG 1993 Marginales Devancement
La prostitution:
Les mouvements de femmes prostituées et la répression, le Rapport Pinot, 1975
Symboliques RĂ©ponse double
La santé publique/SIDA et la conclusion du débat sur la réglementation, 1990
Alliées Réponse double
La réforme du code pénal concernant le proxénétisme et le racolage, 1992/1994
Marginales Devancement
___________________________________________________________________________
La question qui se pose aprĂšs lâanalyse des rĂ©sultats des dĂ©bats dans les quatre
domaines de politiques publiques est la suivante: est-ce quâil y a des activitĂ©s des AGF
propres Ă certains domaines de politique publique? Est-ce que lâimpact des mouvements est
plus fort dans certains domaines? Si la réponse à cette question est oui, on peut repérer les
tendances nettes Ă travers les quatre domaines, il serait possible de faire des conclusions assez
dĂ©cisives sur lâinfluence politique des AGF en France. Or, comme le tableau ci-dessus le
montre, des tendances Ă©videntes ne peuvent ĂȘtre mises Ă jour que dans un seul domaine.
A travers les cinq débats sur la formation professionnelle, les AGF ont soutenu les
thĂšses fĂ©ministes mais nâont pas pu genrer les dĂ©bats. Les mouvements de femmes avaient
trĂšs peu dâinfluence sur les rĂ©sultats politiques des dĂ©bats. La reprĂ©sentation directe des
femmes dans chaque débat était également dérisoire, à part le débat de 1984 sur la loi Rigout.
Les rĂ©sultats des dĂ©bats sur lâIVG ont Ă©tĂ© plus variĂ©s, surtout en ce qui concerne les activitĂ©s
des AGF qui Ă©taient diffĂ©rentes selon chaque dĂ©bat. Lâinfluence des mouvements de femmes
a suivi le mĂȘme chemin du devancement pour trois sur quatre des dĂ©bats. Bien que deux
débats sur quatre sur la représentation politique étaient marqués par les activités symboliques
des AGF, (soutien des buts fĂ©ministes dans les dĂ©bats, mais absence dâinflĂ©chissement du
129
débat avec une prise en compte des idées homme-femme), les activités des AGF dans les
deux autres dĂ©bats sur lâIVG nâont pas suivi la tendance symbolique. De mĂȘme, lâinfluence
des mouvements de femmes a été différenciée selon chaque débat. Les débats sur la
prostitution ont montré un niveau semblable de variation pour la dimension des activités des
AGF et une certaine tendance Ă la rĂ©ponse double en ce qui concerne lâimpact des
mouvements de femmes.
Le domaine des politiques publiques ne jouent donc pas un rĂŽle primordial dans
lâĂ©chec ou dans la rĂ©ussite des AGF en France, sauf pour les questions de formation
professionnelle. Quand les questions de politique de formation sont Ă lâordre du jour, bien
que les AGF cherchent à représenter les femmes dans les débats, au niveau direct et indirect,
ils nâarrivent pas Ă contrer les dynamiques du sous-systĂšme de la formation professionnelle.
Les dynamiques politiques qui sont définies par les contours de la négociation collective entre
les partenaires sociaux traditionnels et par la culture prononcĂ©e de lâuniversalisme rĂ©publicain
du milieu de politique du travail. Pour les trois autres domaines, il nâest guĂšre Ă©vident que les
AGF poursuivent des buts fĂ©ministes dâune façon systĂ©matique dans les dĂ©bats sur les
politiques publiques. Les AGF nâont soutenu les buts des mouvements fĂ©ministes que dans
six sur onze dĂ©bats Ă travers les trois autres domaines. Et, ils nâont rĂ©ussi Ă genrer que dans
trois cas sur onze.
HypothÚses par activités des AGF
___________________________________________________________________________
AAGF IMF
Marginales (8):
La formation en alternance 1980 Marginales Non réponse
La gestion paritaire 1984 Marginales Devancement
La contribution patronale au financement 1991 Marginales Non réponse
La réforme du code pénal concernant le proxénétisme et le racolage, 1992/1994
Marginales Devancement
Les Commandos anti-IVG 1993 Marginales Devancement
LâInsertion des publics en difficultĂ© 1993 Marginales Non rĂ©ponse
La formation professionnelle et la décentralisation 1993
Marginales Non réponse
Le débat sur la parité I 1995 Marginales Réponse double
Symboliques (4):
Les mouvements de femmes prostituées et la répression, le Rapport Pinot, 1975
Symboliques RĂ©ponse double
Les quotas de femmes aux Ă©lections municipales 1982
Symboliques Devancement
Lâintroduction de la reprĂ©sentation proportionnelle aux lĂ©gislatives 1986
Symboliques Non réponse
Le RU 486 1990 Symboliques Devancement
Alliées (3):
Le remboursement de lâIVG 1983 AlliĂ©es RĂ©ponse double
La santé publique/SIDA et la conclusion du débat sur la réglementation, 1990
Alliées Réponse double
Le débat sur la parité II 1999/2000 Alliés Récupération
130
Non féministes(1):
Le vote dĂ©finitif de la loi sur lâIVG 1979 Non fĂ©ministes Devancement
___________________________________________________________________________
La comparaison des seize débats permet une évaluation nuancée de la capacité de ces
structures politico-administratives Ă reprĂ©senter les intĂ©rĂȘts de femmes. Les AGF ont eu des
activités marginales dans la moitié des discussions, les activités symboliques dans quatre
débats, les activités non féministes dans un seul débat et les activités alliées dans trois débats.
Les trois cas oĂč les AGF ont pu prĂ©senter les analyses genrĂ©es qui correspondaient aux idĂ©es
des mouvements de femmes se sont déroulés, chacun, dans un domaine différent. La
propension aux activitĂ©s marginales suggĂšre quâil y a des obstacles importants Ă
lâintroduction des idĂ©es fĂ©ministes dans les dĂ©bats. Un AGF fĂ©ministe ne mĂšne donc pas
dâemblĂ©e Ă une prise en compte fĂ©ministe des questions de rapports de sexe. Lâabsence dâun
soutien féministe de la part des AGF dans un quart des débats indique aussi que les AGF
français ne sont pas tous féministes.
Malgré les limites des activités des AGF, il y a des liens entre les activités des AGF
hautement féministes -- alliées -- et la réussite des mouvements de femmes. Dans deux des
cas des activitĂ©s alliĂ©es, lâimpact des mouvements de femmes constitutait une double rĂ©ponse.
MĂȘme dans le troisiĂšme dĂ©bat, oĂč lâAGF a pu poursuivre un chemin fĂ©ministe et genrĂ©, il y
avait une prĂ©sence importante des femmes. NĂ©anmoins, dans le cas oĂč les AGF Ă©taient
absents des débats, les mouvements de femmes ont eu une certaine présence dans les débats,
sinon un impact sur les résultats des politiques publiques issus des débats. Sur les quatre
débats affichant les activités symboliques des AGF, les mouvements de femmes ont eu un
impact dans trois. Pour le dernier débat, sur la représentation proportionnelle en 1986, les
activitĂ©s symboliques de lâAGF ont coĂŻncidĂ© avec la non rĂ©ponse des mouvements de
femmes. De mĂȘme, la rĂ©ponse double du rapport Pinot en 1975 sâest dĂ©roulĂ©e dans le
contexte dâindiffĂ©rence du SecrĂ©tariat dâĂtat Ă la condition fĂ©minine. Ces rĂ©sulats prĂ©alables
montrent donc que les actions des AGF ne sont pas toujours en accord avec ceux des
mouvements de femmes.
HypothĂšses par impact des mouvements de femmes
___________________________________________________________________________
AAGF IMF
Devancement (6):
Le vote dĂ©finitif de la loi sur lâIVG1979 Non fĂ©ministes Devancement
Les quotas de femmes aux Ă©lections municipales 1982
Symboliques Devancement
La gestion paritaire 1984 Marginales Devancement
Le RU 486 1990 Symboliques Devancement
La réforme du code pénal concernant le proxénétisme et le racolage, 1992/1994
Marginales Devancement
Les Commandos anti-IVG 1993 Marginales Devancement
Non réponse (5):
La formation en alternance 1980 Marginales Non réponse
Lâintroduction de la reprĂ©sentation proportionnelle aux lĂ©gislatives 1986
Symboliques Non réponse
La contribution patronale au financement 1991 Marginales Non réponse
Lâinsertion des publics en difficultĂ© 1993 Marginales Non rĂ©ponse
131
La formation professionnelle et la décentralisation 1993
Marginales Non réponse
RĂ©ponse double (4):
Les mouvements de femmes prostituées et la répression, le Rapport Pinot, 1975
Symboliques RĂ©ponse double
Le remboursement de lâIVG 1983 AlliĂ©es RĂ©ponse double
La santé publique/SIDA et la conclusion du débat sur la réglementation, 1990
Alliées Réponse double
Le débat sur la parité I 1995 Marginales Réponse double
Récupération (1):
Le débat sur la parité II 1999/2000 Alliés Récupération
___________________________________________________________________________
Lâimpact des mouvements de femmes sur les politiques est aussi assez limitĂ©. Il y a
une tendance forte à inclure les idées provenants des mouvements de femmes dans les
rĂ©sultats des politiques publiques sans que les femmes elles-mĂȘmes participent au processus
dâĂ©laboration. Six sur seize dĂ©bats ont ainsi mis en Ă©vidence une situation de devancement. Il
nây avait aucune rĂ©ponse politique aux mouvements de femmes dans cinq sur seize dĂ©bats.
Et, les intĂ©rĂȘts des femmes ont Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©s dans le deuxiĂšme dĂ©bat sur la paritĂ©. Une
rĂ©ponse purement fĂ©ministe sâest manifestĂ© dans quatre dĂ©bats dont un sur la prostitution,
deux sur lâIVG et un sur la reprĂ©sentation dĂ©mocratique.
HypothĂšses par la composition du gouvernement
___________________________________________________________________________
AAGF IMF
Gouvernement de droite, 1974-1981:
Les mouvements de femmes prostituées et la répression, le Rapport Pinot, 1975
Symboliques RĂ©ponse double
Le vote dĂ©finitif de la loi sur lâIVG 1979 Non fĂ©ministes Devancement
La formation en alternance 1980 Marginales Non réponse
Gouvernement de gauche, 1981-1986, 1988-1993:
Les quotas de femmes aux Ă©lections municipales 1982
Symboliques Devancement
Le remboursement de lâIVG 1983 AlliĂ©es RĂ©ponse double
La gestion paritaire 1984 Marginales Devancement
Lâintroduction de la reprĂ©sentation proportionnelle aux lĂ©gislatives 1986
Symboliques Non réponse
Le RU 486 1990 Symboliques Devancement
La santé publique/SIDA et la conclusion du débat sur la réglementation, 1990
Alliées Reponse double
La contribution patronale au financement 1991 Marginales Non réponse
La réforme du code pénal concernant le proxénétisme et le racolage, 1992/1994
Marginales Devancement
Les Commandos anti-IVG 1993 Marginales Devancement
Gouvernement de droite (1993-1997):
Lâinsertion des publics en difficultĂ© 1993 Marginales Non rĂ©ponse
132
La formation professionnelle et la décentralisation 1993
Marginales Non réponse
Le débat sur la parité I 1995 Marginales Réponse double
Gouvernement de gauche (1997-):
Le débat sur la parité II 1999/2000 Alliés Récupération
___________________________________________________________________________
A lâencontre de la prĂ©somption frĂ©quente du fĂ©minisme de la gauche, la prĂ©sence dâun
gouvernement de gauche ne garantit pas toujours les activités et les réponses féministes.
Certes, les trois cas les plus féministes se sont déroulés sous la gauche. Les politiques
fĂ©ministes, alliĂ©es et rĂ©ponse double, des dĂ©bats sur le remboursement de lâIVG en 1983 et sur
la prostitution et la santé publique en 1990 étaient les produits des gouvernements de gauche.
Le troisiĂšme dĂ©bat sur la paritĂ© en 1999/2000, oĂč les activitĂ©s des AGF Ă©taient alliĂ©es et
lâimpact des mouvement de femmes se caracterisait par la rĂ©cupĂ©ration, a eu lieu aussi dans le
cadre dâun gouvernement socialiste. De mĂȘme, le dĂ©bat avec le rĂ©sultat le moins fĂ©ministe, oĂč
lâAGF a Ă©tĂ© non fĂ©ministe, sâest passĂ© sous un gouvernement de droite en 1979.
Cependant, il faut constater dâune part des Ă©checs sous la gauche: trois sur quatre
débats dans lesquels les activités des AGF étaient symboliques ainsi que deux débats avec
non rĂ©ponse ont vu le jour sous des gouvernements socialistes. Dâautre part, les mouvements
de femmes ont eu des résultats pendant que la droite était au pouvoir: les gouvernements de
droite ont fourni des réponses doubles aux mouvements de femmes dans deux débats. Donc,
ce nâest pas seulement la prĂ©sence des dĂ©cideurs socialistes qui favorise lâĂ©mergence dâun
fĂ©minisme dâĂtat en France. Une autre observation Ă faire, câest que la majoritĂ©
gouvernementale a eu une emprise importante sur les dynamiques des débats dans certains
domaines de politiques publiques plus que dans dâautres. Les dĂ©bats sur lâIVG ont Ă©tĂ© les
plus influencés par la coloration de la majorité parlementaire.
HypothĂšses par type dâAGF
___________________________________________________________________________
AAGF IMF
SecrĂ©tariat dâĂtat Ă la condition fĂ©minine, Françoise Giroud, 1974-76:
Les mouvements de femmes prostituées et la répression, le Rapport Pinot, 1975
Symboliques RĂ©ponse double
MinistÚre délégué de la condition féminine auprÚs du premier ministre et de la famille,
Monique Pelletier, 1978-80
Le vote dĂ©finitif de la loi sur lâIVG 1979 Non fĂ©ministes Devancement
La formation en alternance 1980 Marginales Non réponse
MinistÚre délégué (1981-85)/ MinistÚre (1985-86) des droits des femmes, Yvette Roudy
Les quotas de femmes aux Ă©lections municipales 1982
Symboliques Devancement
Le remboursement de lâIVG 1983 AlliĂ©es RĂ©ponse double
La gestion paritaire 1984 Marginales Devancement
Lâintroduction de la reprĂ©sentation proportionnelle aux lĂ©gislatives 1986
Symboliques Non réponse
133
SecrĂ©tariat dâĂtat aux droits des femmes
,
MichÚle André, 1988-1991
Le RU 486 1990 Symboliques Devancement
La santé publique/SIDA et la conclusion du débat sur la réglementation, 1990
Alliées Reponse double
La contribution patronale au financement 1991 Marginales Non réponse
SecrĂ©tariat dâĂtat aux droits des femmes et Ă la vie quotidienne, VĂ©ronique Neiertz,
1991-93
Les Commandos anti-IVG 1993 Marginales Devancement
La réforme du code pénal concernant le proxénétisme et le racolage, 1992/1994
Marginales Devancement
Services des droits des femmes (absence de poste ministériel) 1993-97
Lâinsertion des publics en difficultĂ© 1993 Marginales Non rĂ©ponse
La formation professionnelle et la décentralisation 1993
Marginales Non réponse
Le débat sur la parité I 1995 Marginales Réponse double
SecrĂ©tariat dâĂtat aux droits des femmes et de la formation professionnelle, 1998-
Nicole Pery
Le débat sur la parité II 1999/2000 Alliés Récupération
___________________________________________________________________________
Prenons le MinistÚre délégué des droits des femmes du 1981 à 1985 et le MinistÚre
des droits des femmes du 1985 Ă 1986, tous les deux sous la direction dâYvette Roudy: on
peut constater quâune telle institutionnalisation et un tel engagement fĂ©ministe ne sont pas les
seules conditions à la réussite des AGF et des mouvements de femmes. Bien que le MDF ait
poursuivi des activitĂ©s alliĂ©es et ait Ă©tĂ© le tĂ©moin dâune rĂ©ponse double dans le dĂ©bat sur
lâIVG, les trois autres dĂ©bats qui ont eu lieu sous lâapogĂ©e du fĂ©minisme dâĂtat nâatteignait
pas le plus haut niveau des résultats féministes. Tandis que le MDF a évité tout recours à une
approche féministe dans les débats sur les quotas et la représentation proportionnelle, le
soutien du ministĂšre des perspectives fĂ©ministes dans la formation professionnelle nâa menĂ© Ă
un résultat féministe que dans le débat sur la loi Rigout.
Il faut donc sâappuyer sur lâapproche au fĂ©minisme du titulaire de lâAGF comme
facteur plus important que le niveau dâinstitutionnalisation des AGF, au niveau national aussi
bien que dĂ©concentrĂ©. Lâapproche de la Ministre des droits des femmes aux questions de la
représentation politique des femmes a semblé le facteur décisif dans les activités symboliques
des AGF dans les deux débats dans ce domaine. En outre, les activités marginales des AGF
se sont manifestées pendant les périodes avec et sans postes ministériels établis. Cette
observation indique aussi que la prĂ©sence dâun poste ministĂ©riel nâest pas la seule condition
pour la réussite des AGF dans les débats.
Lâinfluence mitigĂ©e des AGF institutionnalisĂ©s sâest demontrĂ©e dâautant plus dans
lâimpact des mouvements de femmes. Les reponses doubles aux mouvements de femmes se
sont produites Ă travers toute les pĂ©riodes diffĂ©rentes de lâĂ©volution des AGF: au dĂ©but de leur
existence en 1974, au moment de leur sommet en 1983, ainsi que lors la période de recul des
AGF, en 1990 et en 1995. Les cas de non réponse aux mouvements de femmes se sont
134
Ă©galement dĂ©roulĂ©s au cours de cette montĂ©e et du dĂ©clin du fĂ©minisme dâĂtat. Câest avec
lâanalyse spĂ©cifique des rĂ©sultats des mouvements de femmes quâil faut bien tenir compte
que les AGF fĂ©ministes et puissants en France nâarrivent pas toujours Ă accroĂźtre la
représentation des femmes.
HypothÚses par stade de développement des mouvements de femmes
___________________________________________________________________________
AAGF IMF
Croissance:
Les mouvements de femmes prostituées et la répression, le Rapport Pinot, 1975
Symboliques RĂ©ponse double
DĂ©clin:
Le vote dĂ©finitif de la loi sur lâIVG 1979 Non fĂ©ministes Devancement
La formation en alternance 1980 Marginales Non réponse
Les quotas de femmes aux Ă©lections municipales 1982
Symboliques Devancement
Le RĂ©imbursement de lâIVG 1983 AlliĂ©es RĂ©ponse double
Gestion paritaire 1984 Marginales Devancement
Lâintroduction de la reprĂ©sentation proportionnelle aux lĂ©gislatives 1986
Symboliques Non réponse
Reémergence:
Le RU 486 1990 Symboliques Devancement
La santé publique/SIDA et la conclusion du débat sur la réglementation, 1990
Alliées Reponse double
La contribution patronale au financement 1991 Marginales Non réponse
Les Commandos anti-IVG 1993 Marginales Devancement
La réforme du code pénal concernant le proxénétisme et le racolage, 1992/1994
Marginales Devancement
Lâinsertion des publics en difficultĂ© 1993 Marginales Non rĂ©ponse
La formation professionnelle et décentralisation 1993
Marginales Non réponse
Le débat sur la parité I 1995 Marginales Réponse double
Le débat sur la parité II 1999/2000 Alliés Récupération
__________________________________________________________________________
Mais, est-quâ il faut avoir des mouvements de femmes actifs pour faire surgir les
rĂ©sultats fĂ©ministes? Le tableau ci-dessus ne fait Ă©tat que de lâĂ©volution gĂ©nĂ©rale des
mouvements de femmes en France.
74
En ce qui concerne le stade de développement du
mouvement des femmes en gĂ©nĂ©ral, il ne semble pas que ni les activitĂ©s des AGF, ni lâimpact
des mouvements soient issus dâun mouvement de femmes actif. On constate des Ă©checs et des
réussites pendant la période de chute du mouvement de femmes dans les années quatre-vingt
ainsi que lors dâune certaine reĂ©mergence du fĂ©minisme organisĂ©, autour des questions du
74
LâĂ©tude internationale du RNGS a distinguĂ© trois stades de dĂ©veloppement des mouvements de femmes:
croissance, déclin et reémergence.
135
harcÚlement sexuel et de la parité, dans les années quatre-vingts dix. Cette absence de
lâinfluence de lâĂ©volution du mouvement ne nie pas le rĂŽle important des mouvements, des
associations ou des personnalités féministes dans chaque débat.
Les AGF rendent -ils la démocratie plus démocratique?: Une évaluation préalable
Les hypothÚses suivantes sur la question de la démocratie et les AGF en France sont
suggĂ©rĂ©es par lâanalyse des seize dĂ©bats. Il faut bien rappeler que ces observations
dâensemble sont faites Ă travers seulement 16 cas. Câest ainsi que la liste suivante ne peut que
constituer des pistes empiriques pour les analyses à venir que les conclusions définitives.
1.
Les AGF ont la capacité de rendre la démocratie plus démocratique, mais pas dans
tous les cas.
2. Les activitĂ©s fĂ©ministes des AGF ne favorisent pas toujours lâentrĂ©e des femmes
dans le processsus de politique publique.
3. Les activités féministes des AGF ne favorisent pas toujours la réussite des
mouvements de femmes, soit en ce qui concerne la prise en compte des idées
féministes genrées, soit en ce qui concerne la présence des buts des mouvements
féministes dans le contenu des politiques publiques.
4. Les mouvements de femmes peuvent réussir à influencer les politiques publiques
sans lâappui dâun AGF actif.
5.
Une multitude de conditions peuvent ĂȘtre Ă lâorigine de rĂ©sultats fĂ©ministes (issus
de lâaction des AGF ainsi que des mouvements de femmes).
6.
Les réussites féministes sont variables selon le domaine de politiques publiques.
7.
Lâuniversalisme rĂ©publicain et le processus de nĂ©gociation collective apparaissent
comme des sources de blocages importants aux idées féministes dans le domaine de la
formation
professionnelle.
8 La prĂ©sence dâun gouvernement de gauche ne garantit pas la promotion des idĂ©es
fĂ©ministes, quâelles proviennent des AGF ou des mouvements de femmes.
9. La composition du gouvernement nâest importante pour les rĂ©sulats que dans les
politiques publiques concernant lâIVG.
10. Les AGF institutionnalisĂ©es nâaugmentent pas toujours la reprĂ©sentation directe
et indirecte des femmes.
11. Le titulaire du poste ministĂ©riel de lâAGF national peut jouer un rĂŽle dĂ©cisif dans
la capacité des AGF à rendre les démocraties plus démocratiques.
12. Le stade global de dĂ©veloppement du mouvement de femmes nâest pas un facteur
crucial dans la réussite de la politique des AGF et des mouvements de femmes.
136
Donc, ces douze hypothÚses montrent à quel point la réponse à la question de départ
est compliquĂ©e. Cette complexitĂ© est dâautant plus grande quand il sâagit de tirer des
conclusions thĂ©oriques Ă partir des treize autres pays de lâĂ©tude nationale. NĂ©anmoins, il est
clair que les AGF ont la capacité à rendre la démocratie plus démocratique en France, et par
extension dans dâautres pays dĂ©mocratiques.
La reprĂ©sentation des femmes peut ĂȘtre amĂ©liorĂ©e en dehors de lâaction des AGF. Or,
ces appareils, souvent fĂ©ministes, ont un rĂŽle dâintermĂ©diaire Ă jouer entre un Ătat souvent
resistant et les mouvements sociaux, les associations et les citoyennes qui nâont pas de prise
directe sur le pouvoir. Il reste à comparer ces résultats sur la France avec les résultats des
recherches sur les autres pays dans lâĂ©tude du RNGS pour avoir une rĂ©ponse plus dĂ©finitive Ă
la question de la démocratie et les AGF dans les pays démocratiques industrialisés.
Propositions de recherche, dâĂ©tude et de valorisation
Le but de la prĂ©sentation suivante nâest pas de reprendre les observations dĂ©jĂ
Ă©noncĂ©es en conclusion de lâinventaire du chapitre deux et Ă la suite du cas dâĂ©tude rĂ©gional
du chapitre sept. Cet exposé cherche plutÎt à en faire un résumé afin de mieux mettre en
Ă©vidence les actions suggĂ©rĂ©es. En tant que telle, la liste suivante devrait ĂȘtre considĂ©rĂ©e
comme un Ă©ventail des possibilitĂ©s, plutĂŽt quâun inventaire des recommandations fermes. En
outre, nous nâexcluons pas que certaines actions proposĂ©es soient dĂ©jĂ en cours.
1.
Le
développement du partenariat étude-recherche
(les AGF, les appareils chargés
des Ă©tudes et des statistiques de lâĂtat et des services dĂ©concentrĂ©s --INSEE, les
Services des élections, le CNRS, les universités, les experts qualifiés, etc.)
.
2.
CrĂ©ation dâune instance consultative dâĂ©tudes-recherche.
3.
Recensement rĂ©gulier des AGF Ă tous les niveaux de lâĂtat.
4.
Recensement régulier de la présence des commissions extra-municipales de femmes
et des déléguées des droits des femmes auprÚs des Conseils généraux, régionaux et
municipaux.
5.
LâintĂ©gration du volet âAGFâ dans Femmes en chiffres ou dans LâĂ©galitĂ© en
marche,
chiffres-clés.
6.
RĂ©alisation et publication dâune Ă©tude qualitative des AGF en France, par
exemple dans la série, Que sais-je
.
7.
Publication réguliÚre des données et des diagnostics sexués.
8. Publication en France du volet français de lâĂ©tude du RNGS.
9.
Valorisation et publication en France des rĂ©sultats de lâĂ©tude du RNGS.
Propositions Concernant les AGF
137
1
. Lâaugmentation des effectifs des services dĂ©concentrĂ©s:
les postes de chargées de
mission des droits des femmes dans tous les dĂ©partements, dâadjoints aux DĂ©lĂ©guĂ©es
rĂ©gionales dans toutes les rĂ©gions, dâadjoints aux ChargĂ©es de mission
départementales et de secrétaires à temps plein dans tous les départements et les
régions.
2
.
Une mise au point, avec tous les services des droits des femmes, de la stratégie des
AGF rĂ©alisĂ©e au cours dâune journĂ©e de rĂ©flexion ou de rĂ©unions annuelles,ou
encore,mieux, crĂ©ation dâun comitĂ© de rĂ©flexion.
3.
Le dĂ©veloppement et la mise en oeuvre dâune politique dâenvergure inspirĂ©e par le
âmainstreamingâ.
4. Lâutilisation du concept de âgenreâ au lieu deârapport sociaux de sexeâ, par le
Service national et déconcentré des droits des femmes, comme stratégie permettant
de faire avancer lâĂ©galitĂ© entre les hommes et les femmes.
5.
Le dĂ©veloppement du rĂŽle dâimpulsion et de consultation des AGF.
6.
Le développement et la mise en place permanente des modules de formation
(initiale et continue) pour les agents des AGF -- un concours Ă©ventuel des AGF, des
associations de CMD/ DRDF et le partenariat recherche-Ă©tude. LâĂ©quipe
pédagogique à Toulouse le Mirail, chargée du DESS en politiques publiques et
rapports sociaux de sexe apparaßt comme un partenaire intéressant.
Propositions concernant dâautres services de lâĂtat
1
.
Le développement et la mise en place de modules de formation auprÚs des grandes
Ă©coles et des instances de formation administrative.
2.
Le développement et la mise en oeuvre de relais de transmission des consignes
politiques auprĂšs des ministĂšres.
138
Annexe 1. Documents consultés
___________________________________________________________________________
Actes du Colloque National. 1982. Femmes, féminisme et recherches. Toulouse: AFER.
ActualitĂ©s Sociales Hebdomaires .1996. âLa Cour de Cassation Rejette les Arguments des
Militants anti-IVG.â le 6 dĂ©cembre.
Adler, Laure. 1993. Les Femmes Politiques Paris: Editions du seuil.
Afsa, C. 1996.âLâactivitĂ© fĂ©minine Ă lâĂ©preuve de lâallocation parentale dâĂ©ducation.â
Recherches et prévisions. 46(1-8).
Association Femmes Journalistes. 1997. âLa sexualitĂ© payante est-elle un des droits de
lâhomme?â DĂ©bat organisĂ© par lâAFJ, 15 dĂ©cembre, Paris. Compte rendu.
Association pour la promotion de lâinformation Ă©conomique et aociale (APIES). 1989.
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150
Annexe 2. Grilles de travail du RNGS pour lâanalyse des dĂ©bats
___________________________________________________________________________
Grille de travail I: SĂ©lection des dĂ©bats sur les politiques publiques pour lâanalyse
Domaine de politique publique____________________
ETAPE 1: Construire une liste exhaustive de tous les débats dans ce domaine.
A. Qui et/ou quelles institution(s), quels sous-systÚme(s) de décision prennent les
décisions les plus importantes dans ce domaine?
B. Quelle est la liste des questions qui est soulevée par ces acteurs/institutions/sous-
systĂšmes?
CritÚres de base: 1) les débats ont lieu dans les arÚnes publiques comme le parlement,
les tribunaux, les médias, les congrÚs des partis politiques ou les campagnes éléctorales; 2) les
dĂ©bats se dĂ©roulent dans les arĂšnes oĂč les AGFS auront la possibilitĂ© dâintervenir; 3) les
débats
doivent se terminer par une décision gouvernementale: loi, décret, proposition ou projet de
loi, rapport gouvernemental ou décision juridique.
ETAPE 2: Sélection des débats représentatifs
CritĂšres possibles: 1) Importance dans le systĂšme politique du pays; 2) cycle de vie
des politiques publiques; 3) importance dans le sous-systÚme de décision; 4) importance pour
les mouvements de femmes.
CritĂšres
employés:
Liste des débats ( au moins trois, selon les ressources de chaque équipe):
151
Grille de travail II
. Renseignements sur le débat
1. Nom du débat:
2. Date de la mise sur lâagenda public:
3. Prise de décision terminale:
4. AGF pendant la période:
5. Lieux des débats (associations, niveaux gouvernementaux, etc.)
6. Documents utilisés:
7. Décrire le débat
A. Quel est le problĂšme? quâest-ce qui doit ĂȘtre rĂ©solu? quel est le mal, lâinjustice ou
la menace; quel est la situation qui doit ĂȘtre corrigĂ©e?
B. Qui est responsable de ce problĂšme?
C. Quel sont les étapes à suivre pour résoudre le problÚme?
D. Le contenu genré du débat:
1)Images des femmes et leurs natures.
2)En quoi hommes et femmes diffĂšrent - ils? En quoi sont-ils similaires?
3) La maniÚre dont le genre détermine les situations/ les
identités.
4) Comment résoudre? Mise en question de la domination masculine? Mise en
question des rapports de sexe traditionnels?
E. Est-ce que le débat genré est vraiment féministe?
8. Le processus permettant dâintroduire le genre (gendering) dans le dĂ©bat:
A. Qui a présenté une perspective genrée? (groupes, individus, réseaux, associations,
pouvoirs publics, AGF, etc.)
B. Présence du genre dans le débat principal.
C. Lâinfluence du dĂ©bat sur la dĂ©cision prise -- loi, dĂ©cret, proposition de loi, etc.
D. Position des mouvements de femmes.
9. Participation des femmes (Comment est-ce que les femmes ont-elles participé?) Pas
forcemment les femmes issues des mouvement féministes.
Individus:
Groupes:
RĂ©seaux:
Publics:
152
Grille de travail III:
Valeurs pour les variables du modĂšle analytique
Nom du débat________________
Date du débat________________
1. Variable explicative 1: Les mouvements de femmes
Analyse des mouvement de femmes: Quelles sont les principaux associations,
groupes, mouvements, individus des mouvements de femmes et quelles sont les idées
principales soutenues.
stade de développement:
proximité par rapport à la gauche:
priorités
politiques:
cohésion du mouvement:
forces des contre-mouvements:
2. Variable explicative 2: Le milieu de politique publique
Le sous-systĂšme de politique publique:
Quelles sont les structures et rapports de force?
Quel est le discours dominant?
Quelle est la culture dominante?
Majorité
gouvernementale/parlementaire:
3. Variable explicative 3: Caractéristiques des AGF
Recueillir les données sur chaque appareil.
Compétences (spécifiques, transversales, ou autres):
Approche (politique, administrative, autre?):
Proximité par rapport à la prise de décision gouvernementale:
Effectifs (budget, personnel, services déconcentrés,etc.):
Titulaire (féministe, administratif, politique, etc.):
Mission (axes principaux dâorientation politique):
4. Variable dépendante I: Les activités des AGF (Alliées, marginales, non féministes ou
symboliques)
les AGF ont-ils genré le débat? (Oui ou non):
les AGF ont-ils soutenu les buts des mouvements de femmes? (Oui ou non):
5. Variable dĂ©pendante II: Lâimpact des mouvements de femmes (RĂ©ponse double;
récupération; devancement; non réponse).
Les mouvements de femmes (individus, groupes, réseaux, etc.) ont-ils été acceptés
dans le processus? (Oui ou non):
Le résultat de politique publique a-t-il abouti aux buts des mouvements de femmes?
(Oui ou non):
153
Annexe 3. Personnes rencontrés (1998-2000)
___________________________________________________________________________
Service des droits des femmes
Damielle Barichasse -- Chargée de mission violences
Claudie Brocard-- Chargée de mission formation professionnelle
Sandrine Dauphin -- Mission Ă©tudes, recherches et statistiques
Monique Dental -- Mission Ă©tudes, recherches et statistiques
BĂ©atrice Florentin -- Bureau droits propres
Françoise Gasser -- Chef du service de documentation
CĂ©line Gineste-- Service de documentation
Fabienne Grizeau-Horrau -- Mission Ă©tudes, recherches et statistiques
Laurence Jannicot -- Chargée de mission coordination des services déconcentrés,
CNIDFF-CIDF
Catherine Lesterpt -- Chef du bureau droits propres
Marianne Storagenko -- Chargée de mission IVG et contraception (à interviewer)
Dominique Torsat -- Chargée de mission formation initiale
Sylvie Zimmerman -- Chargée de mission coordination des services déconcentrés,
CNIDFF-CIDF
Services déconcentrés des droits des femmes
BĂ©atrice Borghino -- ChargĂ©e dâĂ©tude PACA
GeneviĂšve Compte -- Adjointe au DRDF Languedoc-Rousillon
Anne-Elisabeth Franck ---CMD Pyrénées Atlantiques
Mija Hermann -- DRDF Languedoc-Roussillon
MattĂ©a Kimmel -- ChargĂ©e dâĂ©tude PACA
MichĂšle Laneau -- CMD Var
Martine Vallon -- CMD Alpes de Haute Provence
Maddy Vedder -- BRRJI PACA
Aline Vergnon-Bondarnaud -- DRDF PACA
Patricia Vincent -- CMD Hautes-Alpes
Centre dâinformation des droits des femmes
Josyane Blavoux -- VIF-CIDFF Avignon
Marie-Josephe Chaumont -- VIF-CIDFF Avignon
Services de lâĂtat
Maryse Huet -- Délégation à la formation professionnelle
Catherine Pone -- Chef du bureau des droits et lâamĂ©nagement du temps du travail,
Direction des Relations du Travail
Autres acteurs
Marie-Victoire Louis -- Association européene des violences faites contre les femmes
Anne-Marie Raffa -- Responsable de formation en entreprise
154
Recherches et gestion de convention
Claire Bernard-Steindecker -- OIP
Jean-Pierre BriĂšre -- Mission des archives nationales du MinistĂšre de lâemploi et de la
solidarité
Lysiane Cherpin --CREDEP
Françoise Gaspard -- CADIS, EHESS
Jacques Gerstlé -- Directeur du CREDEP