Collections Japonaises en France

I. Les collectionneurs d’Art japonais en France

 1. Introduction

            Comment imaginer le japonisme sans y relier la notion de collections?

            On ne soulignera jamais assez que c’est en France que débuta un intérêt tout à fait particulier pour le Japon, dès le milieu du XIXème siècle. Hayashi Tadamasa disait à Goncourt: « qu’il n’y avait que les collectionneurs parisiens pour les choses délicates du Japon ». Que ce soit dans le domaine politique, économique ou culturel, sous le Second Empire, la France semble prendre la succession de la Hollande dans les relations modernes avec le Japon: Dans le domaine économique, lorsque Philipp Franz von Siebold souhaite créer une société internationale d’exploitation du Japon, c’est tout particulièrement vers Napoléon III qu’il effectue les plus importantes démarches. C’est aussi dans le milieu artistique parisien que se forme un attrait nouveau vers l’art japonais qui deviendra le japonisme.

 2. Premières rencontres avec l’Art japonais

            Au XVIIIème siècle, il était d’usage dans quelques cabinets de curiosité et au sein des familles nobles de collectionner quelques rares objets de provenance japonaise, souvent importés par l’intermédiaire de la Hollande ou du Siam. On connaît bien sûr les collections de laques japonais de Marie-Antoinette et les céramiques chinoises et japonaises qui ornaient les demeures princières et seigneuriales. Cette tradition sera poursuivie au XIXème siècle par le duc de Morny et le duc de Montebello.

            C’est en 1862 que la première mission officielle japonaise vint en Europe et souleva un certain intérêt tout en laissant quelques traces de la civilisation japonaise. Cette mission visita l’exposition internationale de Londres la même année.

            En 1867, l’exposition universelle de Paris mit également le Japon à la mode.

A l’occasion du premier congrès international des Orientalistes tenu à Paris en 1873 se renforça le goût nouveau pour le Japon et pour l’art japonais qui devint bientôt plus qu’une mode, un véritable engouement et même parfois une folie (cf. Ernest Chesnau, "Le Japon à Paris", décembre 1878).

            Entre 1878 et 1883, Louis Gonse prépare l’édition de son ouvrage "l'art japonais" qui fera connaître les particularités artistiques de l’empire du Soleil Levant.

 3. Les premiers collectionneurs

            Un petit cercle d’amateurs d’art japonais, les Japonisants, se réunit à Paris, dont Philippe Burty, les frères Goncourt, Baudelaire, Frédéric Villot, l’industriel Falize, Cernuschi...

            En 1871 Henri Cernuschi et Théodore Duret (1) se rendirent au Japon où ils glanèrent les premiers éléments de leurs futures collections. En 1876, Émile Guimet et Félix Régamey sont également partis en voyage au Japon et ont ramené les importantes collections qui formeront la base d’un futur musée à Lyon, puis à Paris. Bing y séjourne en 1880 et y laisse son beau-frère Auguste qui organise depuis Yokohama les envois vers Paris.

            En 1878, l’exposition universelle de Paris qui comporte une section japonaise, donne de nouveaux exemples de la haute qualité des objets japonais. Cette même année, Siegfried Bing ouvre à Paris un magasin d’antiquités japonaises. Il fondera plus tard, en 1888, la revue Le Japon artistique.

            En 1882-1883, un Rémois, Hugues Kraft, part en voyage autour du monde et séjourne au Japon où il réalise de nombreuses photographies. Il en ramène aussi un pavillon japonais qu’il fait installer près de Versailles et qu’il appelle « Midori no Sato » où il présente une partie de ses collections du Japon.

 4. Collections japonaises de la fin du XIXème siècle

D’autres collectionneurs acharnés viennent se joindre au groupe primitif, comme Pierre Barbouteau, Camille Benoit, Paul Brenot, Henri Bouilhet, Cartier, Paul Corbin, Jean Dollfus, Jacques Garié, Charles Gillot (1853-1904), Henri Vever (1854-1942), Théodore Duret (1838-1927), Sarah Bernhardt, Auguste Dreyfus, Charles Ephrussi, René Haase, Raymond Koechlin, Charles Haviland, José-Maria de Hérédia, Leblanc du Vernet, Gaston Migeon, le chocolatier Marquis, Manzi, A. de la Narde, Georges Petit, Antonin Proust, Léon Roches, Edmond Taigny, Louis-Charles-Émile Vial, le Docteur Mourier, Alexis Rouart, Georges-Antoine-François-Ludovic de la Vergne, Marquis de Tressan, Abraham, Isaac et Nissim de Camondo, et Giuseppe de Nittis.

 5. Les collections japonaises à leur apogée

            C’est entre 1880 et 1890 que les collections japonaises atteignent une ampleur maximale grâce à l’apport de quelques magasins spécialisés, et en particulier celui de Bing ou des Japonais Hayashi Tadamasa (1854- 1906 ) et Wakai Kenzaburô (1834-1908).

A cette époque aussi, les collections japonaises se modifient et se spécialisent: on voit apparaître des collectionneurs qui retiennent plus particulièrement les armes (Francis Ponsetton ou le Docteur Édouard Mène) ou uniquement les estampes, dessins et pochoirs (collections Manzi ou Émile Javal). D’autres se prennent d’affection pour les livres anciens japonais, ou même parfois le mobilier japonais.

           Des vocations tardives naissent aussi, comme celle de Jacques Doucet, collectionneur de peintures du XVIIIème et d’objets gothiques qui débuta une collection d’objets d’Extrême-Orient vers 1906, en souhaitant devenir l’un des derniers grands amateurs de cet art.

            C’est à cette époque qu’apparaissent les premières expositions thématiques, comme celle sur la gravure japonaise qui eut lieu à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts en avril et mai 1890.

            Malheureusement, dès la fin du siècle, et peu après l’exposition internationale de 1900, la plupart de ces grandes collections seront mises à l’encan.

 6. Les grandes ventes de collections japonaises en France

    Peu après l’apogée de la plupart de ces grandes collections survint leur dispersion: souvent à la suite d’un décès, parfois par un mouvement d’humeur du collectionneur ou de sa famille. Dés le début des années 90, on assiste à la mise en vente d’une des premières grandes collections: celle de Philippe Burty, qui ira grossir de nombreuses autres collections parisiennes et étrangères. En 1893, Pierre Barbouteau rédige le catalogue de ses collections japonaises ramenées du Japon et la collection des Goncourt est mise en vente. Mais la plus importante vague de ventes survient dans les années qui suivent le début du XXème siècle (vente Hayashi et Brénot en 1903, Gillot en 1904). Quelques ventes ont lieu aussi peu avant la première Guerre Mondiale (vente Alexis Rouart en 1911, Dollfus en mai 1912).

           C’est à partir des années 20 que reprennent les ventes d’autres collections, comme celles de Louis Gonse en 1924 et 1926, d’Alphonse Isaac en décembre 1925, ou celle de Hugues Kraft en février 1925.

            Une nouvelle vague de ventes de collections plus spécialisées aura lieu à partir des années 50, et plus tardivement comme la collection Ernest Le Véel en 1979.

 7. Devenir des collections japonaises et françaises

            Certains collectionneurs, comme les Goncourt, se refusent absolument à voir leurs collections disparaître dans les réserves des musées. D’autres, comme Duret ou Migeon, préfèrent les céder aux grands musées nationaux. Enfin, certains réussissent (comme Émile Guimet, Henri Cernuschi, Kraft ou d’Ennery) à sauvegarder leurs collections au sein de leurs propres musées. Ainsi d’Ennery a réuni dans son petit musée parisien plus de 2.000 netsuke. Il faut attendre la fin de ce vingtième siècle pour que la véritable valeur historique de ces collections soit enfin reconnue. Même pour ce qui concerne les collections d’Emile Guimet, on a longtemps estimé qu’il ne s’agissait que de pièces d’un intérêt secondaire. La mise en valeur récente de son panthéon bouddhique montre combien les collectionneurs du XIXème siècle ont su choisir avec tact leurs collections.

            D’autres collectionneurs d’art Japonais en France pourraient encore être cités: Mesdames Bullier, F. Langweil, T. Smet, M. .J. Ballot, Louis Cahen, Messieurs Agache, le Dr. Jean-Marc André, Bergaud, Charles Bermond, Bert, Cerf, Raphaël Collin, d'Ardenne de Tizac, de Boissy, Alfred Forgeron, Maurice Feuillet, Gadiot, Guerbault, Edmond et Marcel Guérin, Alphonse Hirsch, Koepping, Marteau, Louis Metman, le Dr. Jacques Millot, C. Mourier, Mutiaux, Prince Henri d’Orléans, André Portier, Rivière, Reubell, Roubeaud, Charles Salomon, Schmidt, Serpentier, J. Stonborough, Charles Tillot, V.F. Weber (auteur du Ko-ji-hô-ten), Versillé, Charles Vignier, M. Zamacoïs, etc ...

 II. Le commerce d’Art japonais en France

                                     Sans la présence de quelques Japonais qui servirent d’intermédiaires entre l’approvisionnement au Japon et la forte demande en France, il aurait été impossible de constituer les grandes collections de la fin du XIXème siècle. Bien sûr, quelques riches amateurs trouvent le moyen de se rendre au Japon et d’y acheter directement les oeuvres d’art. Toutefois, sans le conseil avisé de Japonais comme Wakai et Hayashi, la connaissance historique des oeuvres d’art japonaises ne pouvait que rester limitée.

 1. Les voyageurs au Japon

            Tout voyageur au Japon subissait la tentation d’y acheter des objets et en particulier des laques: dés l’arrivée des Occidentaux, les commerçants japonais installèrent des marchés spécialisés où ils proposaient des objets répondant aux goûts des Européens. Bien vite, ils remarquèrent aussi l’engouement surprenant de ces visiteurs étrangers pour tout ce qui pouvait passer pour des antiquités.

            Au retour de leur séjour au Japon, quelques voyageurs se prirent de passion pour les collections japonaises ou publièrent des ouvrages qui relataient leurs emplettes, tel que Frédéric Sichel. D’autres partirent au Japon pour des raisons militaires, politiques, administratives, économiques ou d’enseignement. Connus ou inconnus ils y réunirent souvent des collections japonaises de qualité.

            Quelques rares artistes français séjournèrent au Japon. Ce fut le cas de Georges Bigot, mais aussi de Noël Noulet et de Paul Jacoulet dont les oeuvres sont très recherchés par les collectionneurs. .

 2. Le commerce d’art japonais à Paris

            Dés le début du XIXème siècle, il existait en Hollande quelques commerces spécialisés dans l’art chinois et japonais. A Paris également, dans la deuxième partie du XIXème siècle, s’ouvrirent quelques boutiques ayant trait à l’Extrême-Orient.

            A partir de 1860 la boutique A la Porte chinoise, rue Vivienne à Paris, dispose de laques d’origine japonaise. En 1862 la boutique de curiosité du Japon de E. Desoye, et de Mme Desoye qui avait séjourné au Japon, ouvre rue de Rivoli (dans ses mémoires, Edmond de Goncourt affirme que ce fut « l’école » du grand mouvement japonais en France). Comme beaucoup d’antiquaires, Hayashi, qui revendit un nombre considérable d’estampes à Paris, se constitua une collection personnelle. Ce furent les premières grandes ventes (en particulier celles de Burty et des Goncourt) qui révélèrent la qualité et la valeur croissante des objets d’art japonais.

            Hayashi Tadamasa était déjà venu à Paris dans sa jeunesse et ayant rencontré Wakai qui faisait commerce d’œuvres d’art japonaises, ils formèrent une association qui aida beaucoup les collectionneurs d’art japonais à mieux apprécier leurs trésors.

 III. Les collections japonaises en France

 1. Introduction

            En dehors de quelques rares collections conservées intégralement dans des musées ou au sein de quelques familles, la plus grande part de ces collections du passé a aujourd’hui disparu. Toutefois, on en retrouve une trace précise au sein de divers catalogues: catalogues d’expositions, catalogues de présentations ou catalogues de ventes.

Quelques ouvrages aussi firent découvrir l’art japonais et les grandes collections japonaises en Europe: ce fut le cas de deux ouvrages de référence: "L'art japonais"de Louis Gonse publié à Paris en 1883 et tiré à 1400 exemplaires numérotés, et de "The pictorial arts of Japan" de William Anderson publié à Londres en 1886. Par ailleurs, les catalogues apportent souvent des notes biographiques précieuses quant à la constitution des collections. On y trouve aussi parfois des extraits de journaux ou des annotations avec les prix de vente qui donnent une idée assez précise de la qualité de ces grandes collections françaises et de leurs propriétaires.

            Enfin, plus récemment sont apparus des ouvrages et quelques thèses de doctorat qui donnent une approche intime des liens qui pouvaient exister entre les divers collectionneurs français et étrangers

 2. Des expositions qui font découvrir l’art japonais

a. Les expositions internationales

            Lors de l’exposition internationale de 1867 à Paris le Japon est doublement présent par ses représentations de Satsuma et du Bakufu. En 1878, 1889 et 1900 l’art japonais se fera à nouveau de mieux en mieux connaître aux Parisiens.

 b. Les expositions spéciales sur l’art japonais

            Dès 1873, à l’occasion du premier congrès international des Orientalistes à Paris, Henri Cernuschi organise une Exposition des beaux-arts de l’Extrême-Orient. Elle comporte trois sections: l’ethnographie, les religions et les bronzes. En 1883, Louis Gonse organise l’exposition rétrospective de l’art japonais, en avril et mai. Son premier mot d’introduction est pour remercier les nombreux collectionneurs français présents: Sarah Bernhardt, Siegfried Bing, Henri Bouilhet, Louis Cahen, Les comtes Abraham, Isaac et Nissim Camondo, M Deudon, Théodore Duret, Charles Ephrussi, Charles Haviland, J-M de Heredia, Alphonse Hirsch, M Lansyer, E-L de Montefiore, Giuseppe de Nittis, Georges Petit, Antonin Proust, Edmond Taigny, Georges Vibert, auxquels se sont joints les Japonais Wakai et le général Ida, ainsi que les compagnies Kôsho-kaisha et Mitsui.

            En 1890, à la grande Galerie des Beaux-Arts, Siegfried Bing organisa une autre exposition qui convertit de nouveaux adeptes à la religion nouvelle de l’art japonais. Ce fut le cas d’Alphonse Isaac. Y participaient Siegfried Bing, Philippe Burty, Georges Clemenceau, Charles Gillot, Louis Gonse, Edward-Levi. Montefiore, Henri Vever, Roger Marx, Antonin Proust, Edmond Taigny et Charles Tillot.

 3. Des goûts et des ambitions différentes, une influence considérable

            Tous ces amateurs, fous d’Extrême-Orient, enragés de précieuses découvertes lors de leurs achats, n’avaient certainement pas les mêmes raisons de dépenser des sommes considérables dans l’achat des objets d’art japonais: certains furent séduits par la qualité artistique et y trouvèrent une inspiration renouvelée. Le nombre et la qualité de ces collections françaises qui appartenaient à une part non négligeable de l’élite française intellectuelle influencèrent le mouvement artistique de cette fin du XIXème siècle (japonisme) et déteignirent sur la vie culturelle française, soit de manière passagère (phénomène de mode dans la musique ou la peinture), soit de manière plus définitive (création de musées).

            La liste des artistes peintres, des graveurs, des sculpteurs, des céramistes, des écrivains ou des musiciens français attirés par le japonisme est loin d’être close (Peinture: Cézanne, Edgar Degas, Fantin, Paul Gauguin, Edouard Manet, Claude Monet, Gustave Moreau, Odilon Redon, Georges Seurat, Paul Signac, Henri de Toulouse-Lautrec, Giuseppe de Nittis, Vincent van Gogh).Gravure: Buhot, Charles Gillot, Aristide Maillot, Henri Rivière, Gaston Lecreux, Camille Martin, Félix Vallotton, etc.). Sculpture: Bourdelle, Camille Claudel, Rodin, de Villès, Céramique: Bracquemond, Ernest Chaplet, Théodore Deck, Auguste Delaherche, Émile Gallé, Edmond Lachenal, Francis-Eugène Rousseau, Henri Simmen, Solon, etc. Littérature: Zacharie Astruc, Baudelaire, Alphonse Daudet, Anatole France, Edmond et Jules de Goncourt, Octave Mirbeau, Ernest Renan, Musique: Meyerbeer, Charles Pons. 

4. Origine des collections japonaises

a. Des raisons professionnelles de nature artistique

            Certains y trouvèrent un nécessaire imaginaire pour leurs activités : ce fut le cas des peintres, des décorateurs et des céramistes. La collection japonaise n’était alors qu’un complément à la vogue de l’orientalisme, qu’une raison supplémentaire d’exotisme ou l’occasion de découvrir des motifs et des coloris nouveaux.

 b. Des raisons professionnelles de nature esthétique mais aussi commerciale

Comme dans tout commerce de l’art l’apparition d’un marché et d’une demande considérable ont amené une réponse japonaise parfois excessive. Celle-ci n’a pas manqué d’amener progressivement une dégradation de la qualité des objets exportés.

            C’est aussi le cas des experts des ventes d’Extrême-Orient, comme Bing, Vignier ou Portier.

 c. L’érudition, les sciences et l’étude de l’art

            Quelques collections furent formées dans un but didactique ou de recherche scientifique. A l’étranger, en 1879, le gouvernement suédois n’avait-il pas encouragé et doté financièrement Adolf Erik Nordenskiöld pour qu’il ramène une collection de 6.000 volumes japonais qui seront classés ultérieurement par Léon de Rosny. Face à la gourmandise des habiles trafiquants de l’art japonais, les Occidentaux devaient aussi se défendre contre une majoration excessive des prix et parvenir à une identification et une datation précises des divers objets d’antiquité qui leur étaient proposés.

 d. Au retour d’un voyage ou d’un séjour au Japon

            Nombreux furent les amateurs qui débutèrent une collection d’objets japonais après un séjour ou un voyage au Japon. Ce fut le cas des grandes collections de Cernuschi, de Guimet de Kraft et du bibeloteur Sichel.

 e. La vogue du japonisme

            Comme le signale Louis de Beaumont dans la préface du catalogue de la vente Garié (1906): « Ils sont légion, néanmoins, les disciples d’Edmond Goncourt, à qui la douce convexité d’un inrô, les purs reliefs d’un netsuke, les précieuses miniatures d’un écritoire, d’un kozuka, d’un étui à pipe procurent de subtiles jouissances »!

 f. Un certain standing  à maintenir

Il est incontestable que la valeur et la beauté de certaines collections ne pouvaient laisser indifférentes certaines familles fortunées. Accumuler des céramiques japonaises, des armes, c’était aussi maintenir une tradition d’un luxe qui s’était déjà affirmée au cours du XVIIIème siècle.

 g. La confirmation d’une certaine originalité

            Dans ses mémoires, Edmond de Goncourt estime que ce sont d’abord quelques originaux qui ont été à l’origine de la vogue japonaise et ensuite seulement « des hommes et des femmes du monde ayant la prétention d’être des natures artistiques »!

 5. Des sensibilités différentes

            De nombreuses collections ne débutèrent que par la recherche assidue du « bibelot japonais ». Mais bien vite ces collections se ramifient ou se spécialisent selon des thèmes prépondérants.

            Ainsi Georges Clemenceau (1841-1929) ne collectionnera, de 1890 à 1929, que les kôgô (petites boîtes à encens en céramique). Il en amassera plus de 3.500 aujourd’hui conservées au musée des Beaux-Arts de Montréal.

            Charles Edouard Haviland (1839-1921) réunit une des plus importantes collections japonaises en France, au milieu de nombreux objets d’art antiques, de peintures anciennes et modernes et d’une grande bibliothèque. Il est aussi le beau-fils de Philippe Burty. Ses collections lui servent également de ressource artistique pour des préoccupations professionnelles. Il faudra 18 ventes pour disperser sa collection de 6.338 estampes et de 566 livres illustrés. On y ajoutera aussi des collections de tsuba (1060 gardes de sabres), de céramiques (la collection compte 1002 inrô), sans compter de nombreux masques de théâtres (219). 

6. Le cadre associatif et les dîners parisiens

En dehors des expositions temporaires, sans la répercussion des cercles d’amateurs, du milieu associatif et des dîners parisiens, il est probable que les collections japonaises françaises n’auraient eu qu’un intérêt fort limité.

 7. Malheurs et risques des collections japonaises en France

            Si on dispose des catalogues des ventes pour juger de l’importance des collections japonaises en France, il n’existe que peu de données sur les risques encourus par ces collections: ainsi, durant la guerre de 70, ces collections furent exposées à de fréquents déménagements et aux risques des bombardements, en particulier pour les fragiles céramiques. Il suffit de relire le texte de Goncourt en train de courir derrière ses dernières poules avec un sabre japonais pour imaginer combien furent menacées ces collections en période de guerre.

            D’autres menaces plus insidieuses pesaient également sur ces collections: les inondations et l’humidité parisiennes qui détruisirent une partie des estampes et des livres, et les vers qui rongeaient peu à peu le fragile papier japonais.

 8. Renouveau des collections

            Il ne faudrait pas imaginer que malgré la dispersion de la plupart des grandes collections cette tradition soit aujourd’hui disparue en France et en Europe. Il persiste de nombreux amateurs de collections japonaises classiques (armes, netsuke, estampes, etc.). Toutefois on constate une solution actuelle: les collections deviennent probablement plus scientifiques, thématiques, et répondent mieux aux nouvelles connaissances modernes. L’amateur du XXème siècle est aujourd’hui mieux outillé pour découvrir, classer, et conserver les objets anciens du Japon. Il existe une littérature spécialisée internationale et tous les marchés deviennent rapidement accessibles. On voit aussi une modification des goûts: probablement les objets ethnographiques et les tissus sont moins recherchés qu’au XIXème siècle. La documentation et les livres occupent toujours une place importante, mais des thèmes nouveaux apparaissent aussi...Nous vous proposons aujourd’hui d’aborder la collection des collections japonaises en France....

 IV. Évolution des collections

             Si les grandes catégories de collectionneurs subsistent (préhistoire, laques, armes, céramiques, estampes, netsuke, inrô, livres japonais et livres sur le Japon, cartes du Japon, peintures, monnaies anciennes, meubles, etc.... on voit apparaître de nouveaux thèmes ou sous-thèmes: la photographie, les chirimengami, l’estampe moderne avec le shin hanga et l’estampe de Yokohama, les cartes du Japon moderne.

            Nos préoccupations actuelles apparaissent certainement moins tournées vers l’ethnographie qu’au XIXème siècle, l’image prend une place prépondérante, mais certaines collections comme celle des photographies anciennes peuvent sembler non dénuées d’un certain intérêt ethnographique. Même chez les plus jeunes, passionnés par les manga et la B.D. japonaises, ne retrouve-t-on pas, bien vivant, cet attrait mystérieux qui fascinait les collectionneurs du XIXème siècle?

 V. Conclusion

            Il est probable que Louis Gonse et Léon de Rosny n’ont guère eu l’occasion de comparer leurs collections japonaises respectives. On ne connaît pas de réflexions ou d’appréciations écrites par Rosny sur Gonse semblables à celles qu’il laissa sur les choix des Goncourt. On peut cependant aujourd’hui affirmer que ces pionniers de la découverte de la linguistique et de l’art japonais ont laissé des marques de première importance dans la découverte moderne du Japon. Leur rôle ne s’est pas limité à la seule sphère francophone: Rosny a été traduit dans de multiples langues (Russe, hollandais, anglais, italien, etc.) et a été à l’origine de la fondation de la Japan Society de Londres. Gonse a été traduit en anglais et il existe des traductions japonaise et américaine de son ouvrage.

            L’Europe par la richesse de ses collections publiques et privées reste un immense « musée du Japon ». Ainsi une partie des collections japonaises reste à l’abri des possibles outrages des tremblements de terre et des tsunami.

 

Quelques ventes parisiennes et quelques catalogues de collections japonaises en France :

 

 Collotypes de Kazumasa Ogawa en vente sur Abebooks.fr

 geishas's bath

 

Une sélection de livres sur les débuts de la photographie au Japon

Quelques photos de Kimbei, Beato ...

Des photos et des albums de Kimbei sur Abebooks.fr

 

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