Cauchy-Schwarz par le calcul diff´erentiel
Dominique Hoareau, 26-10-2003
domeh@wanadoo.fr
On propose de d´emontrer le th´eor`eme du multiplicateur de Lagrange (ou
th´eor`eme des extrema li´es), accessible d`es que l´on dispose du th´eor`eme des
fonctions implicites dans
R
2
, puis on l´utilise pour justifier l´in´egalit´e de
Cauchy-Schwarz.
Fonctions implicites : cas de deux variables r´eelles
Enonc
´
e
: Soit
U
un ouvert non vide de
R
2
,
f
:
U
â
R
une fonction
C
1
,
(
a, b
)
â
U
tel que :
f
(
a, b
) = 0
.
On suppose que
âf
ây
(
a, b
)
6
= 0
.
Alors il existe :
â˘
des voisinages ouverts
I
et
J
de
a
et
b
â˘
une fonction
Ď
:
I
â
R
C
1
tels que :
â
(
x, y
)
â
U
[(
x, y
)
â
I
Ă
J et f
(
x, y
) = 0]
â
[
x
â
I et y
=
Ď
(
x
)]
.
La d´erivation licite par rapport `a
x
dans la relation
f
(
x, Ď
(
x
)) = 0 donne :
â
x
â
I Ď
0
(
x
) =
â
âf
âx
(
x, Ď
(
x
))
âf
ây
(
x, Ď
(
x
))
.
Commentaire
: Sous les conditions du th´eor`eme, apr`es un zoom sur le point
(
a, b
), la ligne de niveau 0 de
f
est, dans la âlucarneâ
I
Ă
J
(localement autour
de (
a, b
)), le graphe d´une fonction
Ď
de classe
C
1
.
Sa tangente au point
a
est dirig´ee par le vecteur
Âľ
1
,
â
âf
âx
(
a,b
)
âf
ây
(
a,b
)
Âś
qui est orthogonal `a la direction
(
âf
âx
(
a, b
)
,
âf
ây
(
a, b
)
.
La condition
âf
ây
(
a, b
)
6
= 0 s´interpr`ete donc intuitivement
comme la donn´ee d´une âtangente non verticaleâ en (
a, b
) pour la courbe
d´´equation
f
(
x, y
) = 0
.
1 Th´eor`eme du multiplicateur de Lagrange
´
Enonc´e
Soit
U
un ouvert non vide de
R
n
,
f
:
U
â
R
et
g
:
U
â
R
deux fonctions
C
1
.
On pose :
M
=
{
x
â
U
;
g
(
x
) = 0
}
.
Soit
a
â
M
tel que
dg
a
6
= 0
.
Si
f
|
M
pr´esente en
a
un extr´emum local, alors il existe un r´eel
ν
, appel´e
multiplicateur de Lagrange, tel que
df
a
=
νdg
a
.
Interpr´etation
En tout point
a
extr´emum de
f
sur
M
, la ligne de niveau
f
(
a
) de
f
et
M
ont mËeme âespace tangent en
a
â (
ker df
a
=
ker dg
a
). En notant
< , >
le
1
produit scalaire usuel de
R
n
, on peut dire que les vecteurs gradients
5
f
a
et
5
g
a
d´efinis par
df
a
=
<
5
f
a
,
â˘
>
et
dg
a
=
<
5
g
a
,
â˘
>
, sont colin´eaires.
Preuve
On choisit
v
dans
R
n
tel que :
dg
a
.v
6
= 0
.
Soit
u
â
R
n
.
On pose :
⌠=
{
(
Îť, Âľ
)
â
R
2
;
a
+
Îťu
+
Âľv
â
U
}
.
Puisque
U
est un ouvert de
R
n
contenant
a
et (
Îť, Âľ
)
7â
a
+
Îťu
+
Âľv
est
continue sur
R
2
, ⌠est un ouvert de
R
2
contenant (0
,
0)
.
Soit Ψ l´application
(
Îť, Âľ
)
7â
g
(
a
+
Îťu
+
Âľv
) de ⌠dans
R
.
Ψ est
C
1
sur ⌠car compos´ee de
fonctions
C
1
.
De plus :
â
Ψ
âÂľ
(0
,
0) =
dg
a
.v
6
= 0 donc le th´eor`eme des fonctions
implicites permet d´exprimer localement
Âľ
en fonction de
Îť
: on choisit
Îą >
0 et
h
: ]
â
Îą, Îą
[
â
R
C
1
tels que :
â
Îť
â
]
â
Îą, Îą
[ (
Îť, h
(
Îť
))
â
âŚ;
h
(0) = 0; Ψ(
Îť, h
(
Îť
)) = 0
.
On consid`ere alors l´application
F
:
Îť
7â
f
(
a
+
Îťu
+
h
(
Îť
)
v
) de ]
â
Îą, Îą
[ dans
R
.
On a d´eplac´e le probl`eme initial vers un probl`eme d´une seule variable.
F
est
C
1
et pr´esente un extr´emum local en 0 (int´erieur `a ]
â
Îą, Îą
[) donc :
F
0
(0) = 0
.
Par ailleurs :
F
0
(0) =
df
a
.
(
u
+
h
0
(0)
v
) =
df
a
.
(
u
â
â
Ψ
âÎť
(0
,
0)
â
Ψ
âÂľ
(0
,
0)
v
) =
df
a
.
(
u
â
dg
a
.u
dg
a
.v
v
)
donc
df
a
.u
=
df
a
.
(
dg
a
.u
dg
a
.v
v
) =
df
a
.v
dg
a
.v
dg
a
.u.
On a trouv´e
ν
=
df
a
.v
dg
a
.v
ind´ependant
de
u
tel que :
df
a
.u
=
νdg
a
.u.
D´o`u :
df
a
=
νdg
a
.
Voici deux applications du th´eor`eme du multiplicateur de Lagrange.
Caract´erisation de
SO
(
n,
R
)
dans
SL
(
n,
R
)
(cf
T h
`
emes de g
´
eom
´
etrie
, M. Alessandri, Dunod)
M
n
(
R
) est muni du produit scalaire classique :
< A, B >
=
trace
(
t
AB
)
.
On veut calculer la distance euclidienne entre la matrice nulle et le ferm´e
SL
(
n,
R
) de
M
n
(
R
)
.
Il s´agit donc de minimiser
f
:
M
7â
< M, M >
sous
la contrainte
g
(
M
) =
det
(
M
)
â
1 = 0
.
Soit
d
cette distance. Pour tout
p
â
N
â
, la boule ferm´ee
B
p
de centre 0 et
de rayon
d
+
1
p
rencontre
SL
(
n,
R
) d´o`u l´existence d´une suite (
M
p
)
p
>
1
de
SL
(
n,
R
) telle que :
â
p
â
N
â
d
6
k
M
p
k
6
d
+
1
p
.
Par compacit´e des
B
p
(ferm´es born´es en dimension finie), quitte `a en extraire une sous-suite, on
peut supposer que (
M
p
) converge. Sa limite not´ee
M
0
appartient au ferm´e
SL
(
n,
R
) =
det
â
1
(
{
1
}
) et v´erifie
< M
0
, M
0
>
=
d
2
(passage `a la limite). On
retiendra qu´en dimension finie, la distance `a un ferm´e est toujours atteinte
(argument de locale compacit´e).
2
On a de fa¸con classique :
df
M
0
=
<
2
M
0
,
â˘
>
;
dg
M
0
=
< com
(
M
0
)
,
â˘
>
o`u
com
(
M
0
) d´esigne la comatrice de
M
0
(cf infra). Par le th´eor`eme du
multiplicateur de Lagrange, il existe
ν
â
R
tel que :
M
0
=
νcom
(
M
0
)
.
On
a :
M
â
1
0
=
t
(
com M
0
) donc
t
M
0
M
0
=
νI.
Il vient :
det
(
t
M
0
M
0
) =
ν
n
= 1
avec, puisque
t
M
0
M
0
sym´etrique d´efinie positive,
ν
â
R
â
+
.
De l`a :
ν
= 1 et
M
0
â
SO
(
n,
R
)
.
Or, pour
M
â
SO
(
n,
R
),
< M, M >
=
n
donc
d
=
â
n
et
on a caract´eris´e
SO
(
n,
R
) dans
SL
(
n,
R
) comme l´ensemble des ´el´ements de
norme euclidienne minimum.
Justification rapide de :
â
M
â
GL
n
(
R
)
d det
M
=
< com M,
â˘
> .
Pour
H
â M
n
(
R
),
det
(
M
+
H
) =
det
(
M
)
det
(
I
+
M
â
1
H
)
.
Or, si on note
E
i,j
la matrice ´el´ementaire
n
Ă
n
avec des z´eros partout sauf un 1 en position (
i, j
),
pour
H
= [
h
i,j
], on a :
d det
I
.H
=
P
1
6
i,j
6
n
h
i,j
d det
I
.E
i,j
.
On remarque
que :
det
(
I
+
E
i,j
) =
det
(
I
) si
i
6
=
j
,
det
(
I
+
E
i,j
) =
det
(
I
) + 1 sinon. D´o`u :
d det
I
.H
=
trace
(
H
), et
d det
M
.H
=
det
(
M
)
trace
(
M
â
1
H
)
=
trace
(
t
com
(
M
)
H
)
.
cqfd.
In´egalit´e arithm´etico-g´eom´etrique
(
les maths en t
Ë
ete
, Gourdon, Ellipses)
Montrer que :
â
(
x
1
, ..., x
n
)
â
(
R
â
+
)
n
(
Q
1
6
i
6
n
x
i
)
1
n
6
P
n
i
=1
x
i
n
.
On envisage
f
: (
x
1
, ..., x
n
)
â
R
n
7â
Q
1
6
i
6
n
x
i
et, pour
s >
0,
g
s
: (
x
1
, ..., x
n
)
â
R
n
7â
P
n
i
=1
x
i
â
s.
On pose
M
s
=
g
â
1
s
{
0
}
. f
est continue
sur le compact
K
s
=
M
s
âŠ
(
R
+
)
n
(ferm´e born´e de
R
n
), donc
f
|
K
s
admet un
maximum
global
atteint en un
a
= (
a
1
, ..., a
n
) de
K
s
.
a
est n´ecessairement
dans l´ouvert relatif
M
s
âŠ
(
R
â
+
)
n
de
M
s
. a
est donc un maximum
relatif
de
f
sous la liaison
M
s
, et par le th´eor`eme des extrema li´es, il existe
ν
â
R
tel que :
5
f
a
=
ν.
5
(
g
s
)
a
.
On a donc :
â
i
â {
1
, ..., n
}
f
(
a
)
a
i
=
ν
, ce qui
prouve, puisque
f
(
a
)
6
= 0, que les
a
i
sont ´egaux :
â
1
6
i
6
n a
i
=
s
n
.
Bilan :
â
(
x
1
, ..., x
n
)
â
(
R
â
+
)
n
Q
1
6
i
6
n
x
i
6
Âł
P
n
i
=1
x
i
n
´
n
.
2 Multiplicateur de Lagrange
contre Cauchy-Schwarz
dans la Diagonalisation des
endomorphismes sym´etriques de
R
n
(cf
RMS
â
d
´
ecembre
â
1989, J.B Hirriart-Urruty et G. Lion, Vuibert)
On rappelle la version g´en´erale de :
3
In´egalit´e de Cauchy-Schwarz
Soit
B
une forme bilin´eaire sym´etrique sur
R
n
.
On suppose que la forme
quadratique
Q
associ´ee `a
B
est positive (
â
x
â
R
n
Q
(
x
)
>
0).
Pour tous
x
et
y
de
R
n
, on a :
B
(
x, y
)
2
6
Q
(
x
)
Q
(
y
)
.
Lorsqu´on ´etudie la r´eduction d´un endomorphisme sym´etrique
u
de
R
n
,
on commence par prouver que
u
poss`ede au moins une valeur propre r´eelle.
On note
< , >
le produit scalaire usuel de
R
n
et
k k
la norme associ´ee.
On consid`ere la forme bilin´eaire sym´etrique
B
de
R
n
d´efinie par
B
(
x, y
) =
<
x, u
(
y
)
>
, et la forme quadratique
Q
associ´ee.
Q
est continue sur le compact
S
=
{
x
â
R
n
;
< x, x >
= 1
}
donc atteint ses bornes sur
S
. On pose
Îť
= max
x
â
S
Q
(
x
) et on choisit
x
0
sur
S
tel que :
Q
(
x
0
) =
Îť.
La forme
quadratique
Q
1
:
x
7â
Îť
k
x
k
2
â
Q
(
x
) est positive donc par Cauchy-
Schwarz,
B
1
(
x, x
0
)
2
6
Q
1
(
x
)
Q
1
(
x
0
) o`u
B
1
d´esigne la forme polaire de
Q
1
.
Avec
Q
1
(
x
0
) = 0,
â
x
â
R
n
< x, Îťx
0
â
u
(
x
0
)
>
6
0
.
En particulier pour
x
=
Îťx
0
â
u
(
x
0
), on obtient :
Îťx
0
â
u
(
x
0
) = 0
.
Autre vision de l´affaire (cf
Calcul differentiel
, Avez, Masson) :
x
0
maximise
Q
sous la contrainte
h
(
x
) =
< x, x >
â
1 = 0
.
On a donc
5
Q
x
0
colin´eaire `a
5
h
x
0
, ce qui donne avec
u
sym´etrique :
u
(
x
0
) colin´eaire `a
x
0
.
3 Cauchy-Schwarz et les extrema li´es
Version d´emontr´ee
< , >
d´esigne un produit scalaire sur
R
n
et
k k
la norme associ´ee.
(CS) : pour tous
x
et
y
de
R
n
,
< x, y >
2
6
k
x
k
2
k
y
k
2
.
Preuve
Soit
x
â
R
n
.
â˘
si
x
= 0, (CS) est clairement v´erifi´ee pour tout
y
de
R
n
.
â˘
On suppose `a pr´esent
x
6
= 0
.
On pose :
S
=
{
x
â
R
n
;
k
x
k
= 1
}
.
,
â
On envisage les applications
f
:
y
7â
< x, y >
2
â k
x
k
2
k
y
k
2
et
g
:
y
7âk
y
k
2
â
1 de
R
n
dans
R
.
L´application
< x,
â˘
>
, forme lin´eaire sur
R
n
, et
y
7âk
y
k
2
sont continues sur
R
n
donc
f
l´est aussi ; sur le compact
S
(ferm´e born´e en dimension finie),
f
atteint sa borne sup´erieure, par exemple
en
y
0
.
,
â
Pour
y
â
R
n
et
h
â
R
n
,
f
(
y
+
h
) =
f
(
y
) + 2
Â
< x, y > x
â k
x
k
2
y, h
ÂŽ
|
{z
}
lin
´
eaire en h
+
< x, h >
2
â k
x
k
2
k
h
k
2
|
{z
}
N
(
h
)
.
On remarque :
N
(
h
)
k
h
k
=
Âż
x,
h
k
h
k
1
2
Ă
2
â k
x
k
2
k
h
k
.
Par continuit´e des
4
applications
h
7âk
h
k
et
h
7â
< x, h >
2
en 0, on a : lim
h
â
0
N
(
h
)
k
h
k
= 0
.
De l`a,
f
est diff´erentiable en
y
et :
df
y
= 2
Â
< x, y > x
â k
x
k
2
y,
â˘
ÂŽ
.
y
7â
df
y
est clairement lin´eaire de
R
n
dans son dual (alg´ebrique, et topolo-
gique) donc
f
est
C
1
sur
R
n
.
On v´erifie que
g
est diff´erentiable en tout
y
de
R
n
,
dg
y
=
<
2
y,
â˘
>
, et
g
est
C
1
sur
R
n
.
,
â
Par le th´eor`eme des extr´ema li´es, on trouve
Îť
â
R
tel que :
2[
< x, y
0
> x
â k
x
k
2
y
0
] =
Îť
2
y
0
c-`a-d :
[
Îť
+
k
x
k
2
]
y
0
=
< x, y
0
> x.
Si
< x, y
0
>
= 0,
f
(
y
0
) =
â k
x
k
2
k
y
0
k
2
6
0, et pour tout
y
de
S
,
f
(
y
)
6
0
.
Si
< x, y
0
>
6
= 0, on remplace
x
par
[
Îť
+
k
x
k
2
]
<x,y
0
>
y
0
dans
f
(
y
0
) et on trouve :
f
(
y
0
) = 0, ce qui donne encore :
â
y
â
S f
(
y
)
6
0
.
,
â
L´in´egalit´e
f
(
y
)
6
0 vraie sur
S
l´est encore sur
R
n
\{
0
}
par homog´en´eit´e.
Pour
y
6
= 0, on a :
f
Âł
y
k
y
k
´
6
0, c-`a-d :
1
k
y
k
2
< x, y >
2
â k
x
k
2
6
0, ou
encore :
< x, y >
2
â k
x
k
2
k
y
k
2
6
0
.
Enfin,
f
(0) = 0, ce qui termine la preuve.
Remerciements `a Dany-Jack Mercier pour sa lecture attentive du texte.
5