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Oil & Gas Science and Technology – Rev. IFP

Vol. 60 (2005), No. 6, pp. 899-912

Copyright © 2005, 

Institut français du pétrole

Méthode de préconcentration par extraction 

en phase solide : principe et application 

aux industries environnementales et pétrolières

F. Chapuis

1

, V. Pichon

1

et M.-C. Hennion

1

1  Laboratoire Environnement et Chimie analytique, École supérieure de Physique et Chimie industrielles de la Ville de Paris, 

10, rue Vauquelin, 75005 Paris - France

E-mail: florence.chapuis@espci.fr - valerie.pichon@espci.fr - marie-claire.hennion@espci.fr

Résumé  — Cet article a pour objectif de présenter les caractéristiques de l’extraction en phase solide
pour les analyses environnementales à partir de matrices ou d’extraits liquides. Les principes fondamen-
taux qui régissent l’extraction sont expliqués afin de pouvoir choisir la nature et la quantité de phase
extractante selon la matrice des échantillons et les propriétés des solutés recherchés en s’appuyant sur les
mécanismes de rétention des phases. Les derniers développements concernant les formats disponibles, la
nature des phases et l’automatisation sont présentés. Un intérêt particulier est porté aux phases sélectives
émergentes, notamment celles qui agissent par reconnaissance moléculaire telles les immunoadsorbants
ou les polymères à empreinte moléculaire permettant en une seule étape d’avoir un extrait propre. Les
performances de leur couplage en ligne avec la séparation par chromatographie en phase liquide sont
illustrées par des exemples dans le domaine environnemental. Quelques exemples particuliers à l’analyse
des produits pétroliers sont également présentés.

Abstract  —  Preconcentration by Solid Phase Extraction: Principles and Applications in the
Environmental and Petroleum Industries 
— The aim of this paper is to present the characteristics of
solid phase extraction for environmental analysis using liquid matrices or extracts. The basic principles
controlling the extraction are presented in order to aid in the choice of the nature and quantity of the
extracting phase according to the sample matrix and the solute properties, based on the mechanisms of
phase retention. Recent developments in available formats, types of phases and automation are conside-
red. Special emphasis is placed on emerging selective phases, in particular those, such as immunoabsor-
bants molecularly imprinted polymers, which function via molecular recognition and allow selective
extraction in a single step. Performance in on-line coupling with liquid phase chromatography is illustra-
ted by examples from environmental analysis. Some examples specific to analysis of petroleum products
are also presented.

Trace Analysis in the Petroleum Industry / Analyse de traces dans l’industrie pétrolière

IFP International Workshop

Rencontres scientifiques de l’IFP

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Oil & Gas Science and Technology – Rev. IFP, Vol. 60 (2005), No. 6

INTRODUCTION

L’analyse environnementale est dans la majeure partie des

cas une recherche de micropolluants présents  à  l’état de
traces (ng/l à mg/l) dans des échantillons  à matrice parfois
très complexe (rejets urbains et industriels, sols, boues de sta-
tion d’épuration, etc.). Malgré les récents progrès de l’instru-
mentation analytique en termes de séparation et de détection,
notamment avec la spectrométrie de masse, le recours à un
traitement d’échantillon est nécessaire. Les analytes recher-
chés doivent être concentrés au préalable pour être détec-
tables, surtout si la chromatographie en phase liquide (CPL)
est utilisée comme méthode séparative. Cependant, dans les
matrices complexes, on est confronté au problème de la co-
extraction d’autres analytes présents dans la matrice de
l’échantillon et risquant d’interférer avec la méthode de sépa-
ration et de détection utilisée. L’élimination des interférents
avant analyse est souvent une étape fastidieuse. À ce jour, on
estime que le prétraitement des échantillons avant séparation
chromatographique compte pour les deux tiers du temps total
et constitue la première sources d’erreurs dans les résultats. 

Aujourd’hui l’extraction en phase solide (SPE) est de loin

la méthode la plus utilisée pour le traitement des échantillons
liquides avant analyse [1]. C’est un domaine très actif des
sciences séparatives et de nombreuses compagnies actuelle-
ment produisent et développent des nouveaux formats et
phases d’extraction. Son émergence est particulièrement liée
aux réglementations sur les solvants organiques mais aussi au
fait que l’extraction liquide-liquide, longtemps utilisée, ne
peut  être appliquée  à  l’extraction de composés polaires qui
ont peu d’affinité pour ces solvants. Son évolution a été faci-
litée par la commercialisation de phases très diverses dédiées
à des composés et des matrices très variées soutenue par une
évolution rapide des formats disponibles (cartouches de dif-
férentes capacités, disques, plaques à 96 puits), ainsi que des
automates adaptés à ces différents formats.

La sélection d’un adsorbant conduisant, pour les analytes

étudiés,  à une forte rétention de ceux-ci est primordiale
puisque, dans ce cas, il sera possible de percoler de grands
volumes d’échantillons. Ceci est indispensable pour l’analyse
des eaux pour laquelle les faibles niveaux de concentration
recherchés impliquent l’obtention par l’étape d’extraction-
concentration de facteurs d’enrichissement élevés. Pour l’ex-
traction de composés contenus dans des échantillons aqueux,
l’obtention d’une forte rétention implique l’utilisation de sup-
ports pour lesquels l’eau présente une faible force éluante. Il
s’agit donc de supports hydrophobes comme les silices gref-
fées par des chaînes hydrocarbonées de type C

8

ou C

18

, des

polymères de styrène divinylbenzène ou des phases de car-
bone. De par leur nature, ces supports induisent un méca-
nisme de rétention basé sur des interactions hydrophobes que
les derniers développements tendent à amplifier notamment
par augmentation de leur surface spécifique. Cependant, ce
type d’interaction n’est pas sélectif et conduit aussi à une

forte rétention de composés pouvant interférer au cours de
l’analyse chromatographique. Malgré  l’émergence de détec-
teurs sélectifs comme les spectromètres de masse, la quantifi-
cation reste souvent délicate en raison de la présence de ces
interférents. Il apparaît donc de plus en plus important de
développer des méthodes d’extraction plus sélectives. Ceci
peut se traduire par l’adjonction de procédures de purifica-
tion, mais celles-ci peuvent être longues et l’ajout d’étape
induit systématiquement une perte de temps et une augmen-
tation de l’incertitude sur le résultat. Les dernières avancées
en SPE se concrétisent alors par le développement de sup-
ports permettant un gain en sélectivité par l’association de
plusieurs mécanismes comme celle du mécanisme de partage
par interaction hydrophobe à  l’échange d’ions pour les
phases dites mixtes ou l’exclusion pour les phases à accès
restreint. Ce gain en sélectivité est aussi la base du dévelop-
pement de phases stationnaires dont le mécanisme de réten-
tion est lié  à la reconnaissance structurale. Il s’agit, d’une
part, d’immunoadsorbants, c’est-à-dire de supports greffés
par des anticorps spécifiques capables de reconnaître des
composés ayant une structure proche de celle du composé
utilisé comme molécule de base pour l’immunisation, et
d’autre part, de polymères  à empreinte moléculaire dont la
synthèse conduit à la création de cavité de la taille et de la
forme de l’analyte recherché  où siègent des interactions de
nature variée et fonction de l’analyte. 

Les paramètres qui guident le développement d’une pro-

cédure SPE sont résumés ci-dessous :
– la méthode séparative utilisée et la sensibilité de la détec-

tion. Ceci va dicter le volume d’échantillon nécessaire pour
la préconcentration. Si la détection est très sélective, l’élimi-
nation des interférents n’est pas forcément nécessaire ;

– le nombre de composé  à rechercher simultanément et 

leurs propriétés physico-chimiques (gamme de polarité,
solubilité, etc.) ; 

– La nature de l’échantillon et la quantité disponible ;
– Nombre d’échantillons  à analyser (automatisation ou 

non, couplage en ligne extraction-séparation chromato-
graphique) ;

– La réponse aux demandes actuelles : la diminution de

l’emploi des solvants organiques, (surtout les solvants
chlorés), le besoin d’analyses de plus en plus rapides et à
moindre coût, le besoin de simplification de la procédure
en limitant les interventions comme les évaporations ou
transferts de solvants.

1 PRINCIPE DE L’EXTRACTION EN PHASE SOLIDE 

ET SON ANALOGIE AVEC LA CHROMATOGRAPHIE
EN PHASE LIQUIDE

L’extraction sur phase solide est fondée sur la distribution
des composés entre une phase solide (adsorbant) et une phase
liquide (échantillon). 

900

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F Chapuis et al. / Méthode de préconcentration par extraction en phase solide

1.1 Procédure d’extraction

Une procédure de l’extraction sur phase solide comporte trois
ou quatre étapes en général. La première est le conditionne-
ment de l’adsorbant contenu dans la cartouche d’extraction.
Cette  étape permet de mouiller le support en solvatant les
groupements fonctionnels présents à sa surface. Ainsi un sup-
port hydrophobe est tout d’abord mouillé par un solvant
organique, puis par un solvant de polarité similaire à celle du
solvant constituant l’échantillon, généralement l’eau (ou un
mélange eau-solvant organique). Lors de la seconde étape, on
procède  à la percolation de l’échantillon sur le support. Les
interférents n’ayant aucune affinité avec la phase solide ne
sont pas retenus sur le support lors de cette étape. Par contre,
les molécules cibles et éventuellement des composés présen-
tant une forte affinité avec l’adsorbant sont fixés sur le sup-
port. Selon la nature de l’échantillon (eaux, extraits de sol,
etc.) et des composés à analyser et selon le facteur d’enrichis-
sement recherché, le volume d’échantillon percolé peut varier
de quelques microlitres jusqu’au litre pour la recherche de
micropolluants organiques dans les eaux. 

Une  étape supplémentaire de lavage (étape 3) peut être

effectuée de manière à éliminer les composés interférents fai-
blement retenus par le support. On choisira de ce fait un sol-
vant de faible force éluante de façon  à  éluer les interférents
tout en gardant fixés les composés d’intérêt.

Enfin, on procède à l’élution des composés ciblés en fai-

sant percoler un solvant spécifiquement choisi pour rompre
les interactions mises en jeu entre les analytes d’intérêt et le
support solide en évitant, dans la mesure du possible, d’éluer
des composés interférents fortement retenus sur le support.

1.2 Analogie avec la chromatographie 

en phase liquide

Par sa mise en œuvre décrite précédemment, il apparaît clai-
rement que l’extraction sur phase solide est bien fondée sur
un processus chromatographique, le support solide jouant le
rôle de phase stationnaire et le solvant de l’échantillon puis
l’éluant jouant successivement le rôle de phase mobile. 

La mise en place d’un protocole d’extraction débute par

l’étude des propriétés physico-chimiques des composés  à
analyser ainsi que la quantité et la nature de l’échantillon.
Cette étude permet de choisir la nature chimique de l’adsor-
bant et la quantité de support conduisant à une forte affinité
avec les analytes. Pour la recherche de micropolluants orga-
niques tels que des pesticides dans des eaux de surface, il est
important de définir, au préalable, le volume minimal à per-
coler pour atteindre une concentration suffisante d’analytes
détectable par le système analytique. Cependant, lors de la
percolation d’un grand volume d’échantillon sur la phase
solide dans le but de concentrer au maximum les composés,

901

Détecteur UV

Détecteur UV

Solvant de

l'échantillon

a

b

Absorbance

Absorbance

Volume de

l'échantillon

Volume

V

r

Vf

Vr

Précolonne

Précolonne

Échantillon dopé

par des traces

(

µ

g.l

-1

) de soluté S

Injection directe d'une

solution concentrée

de S (mg.l

-1

)

A

o

Figure 1

Détermination expérimentale du volume de rétention par chromatographie frontale (a) ou par chromatographie d'élution (b). Adapté de [2].

Experimental determination of retention volume by frontal chromatography (a) or by elution chromatography (b). Adapted from [2].

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Oil & Gas Science and Technology – Rev. IFP, Vol. 60 (2005), No. 6

il est possible d’observer une perte de rétention de certains
d’entre eux. En effet, pendant l’étape de percolation, le sol-
vant constituant l’échantillon agit comme une phase éluante
pour les solutés, si bien qu’à partir d’un certain volume per-
colé, appelé volume de fin de fixation, certains composés ne
sont plus retenus quantitativement sur l’adsorbant.

Pour obtenir de bons rendements d’extraction, il est donc

nécessaire de s’assurer de percoler un volume d’échantillon
inférieur au volume de fin de fixation. Une connaissance
préalable de ce volume est donc indispensable pour la mise
en place d’un protocole d’extraction en particulier pour les
échantillons environnementaux pour lesquels un facteur
d’enrichissement élevé est recherché.

L’analogie de l’extraction sur phase solide avec un 

processus de chromatographie en phase liquide a été large-
ment  étudiée [1-5]. La figure 1a présente le front d’élution
obtenu par percolation en continu d’un  échantillon d’eau
dopée par un soluté S sur un adsorbant en sortie duquel un
dispositif de détection spectrophotométrie UV a été installé.
Tant que le composé est retenu sur le support, l’absorbance
mesurée est nulle. Par contre, sous l’effet  éluant du solvant
de percolation, le composé commence à  être  élué de la 
précolonne ce qui se traduit par une augmentation de l’absor-
bance. Le signal finit par atteindre une valeur constante A

0

qui correspond à l’absorbance de la concentration initiale du
soluté dans la solution percolée, la précolonne ne retenant
donc plus le soluté. Le front d’élution a idéalement l’allure
d’une courbe bi-logarithmique correspondant à l’intégrale du
pic d’élution obtenu par injection directe du soluté en chro-
matographie d’élution, incluant une colonne remplie par le
même adsorbant et une phase mobile identique (fig. 1b). Le
point d’inflexion de la courbe correspond au volume de
rétention  V

r

du soluté dans le solvant donné. Le volume de

fin de fixation V

f

est défini pour un volume correspondant à 

1 % de A

0  

l’absorbance initiale de l’échantillon. 

La détermination des volumes de fin de fixation par ana-

lyse frontale est en fait peu utilisée car elle est difficile à
mettre en œuvre expérimentalement. En effet, l’expérience
est longue et la lecture du volume correspondant à 0,1 % de
A

souvent imprécise. Enfin, pour des composés ayant une

très forte affinité avec le support, le front d’élution sera très
étalé. Deux autres approches peuvent être envisagées. L’une
d’entre elles consiste à préconcentrer des volumes croissants
d’échantillon dopé toujours à quantité constante de composé.
Tant que le V

f

n’est pas atteint, le composé est retenu lors de

la percolation, on obtient alors des rendements d’extraction
constants, égaux à 100 % dans le cas idéal. Les rendements
sont calculés en prenant, comme aire de référence, l’aire du pic
d’élution obtenu après injection directe d’une quantité équiva-
lente en chromatographie en phase liquide [6]. Après percola-
tion d’un volume supérieur à V

f

, le composé commence à être

élué lors de la percolation de l’échantillon ce qui se traduit
naturellement par une diminution de l’aire du pic chromatogra-
phique et par conséquent du rendement d’extraction. Une

autre méthode s’appuie sur la détermination du facteur de
rétention du soluté, noté k. En effet, en première approxima-
tion, le volume de fin de fixation peut être assimilé au
volume de rétention (V

r

). Pour une phase stationnaire, un

soluté et une phase mobile donnés, le volume de rétention et
le facteur de rétention sont liés par l’équation suivante : 

V

= (1 + kV

0

V

0

est le volume mort de la précolonne et k, le facteur de

rétention du soluté dans l’eau pure. Le volume mort peut se
calculer à partir de la porosité et de la géométrie du support.
Le facteur de rétention peut donc être déterminé par CPL en
utilisant une colonne analytique remplie par le même adsor-
bant que celui que l’on souhaite utiliser en SPE. En ce qui
concerne le facteur de rétention dans l’eau pure (en général
trop  élevé pour être mesurable directement), il peut être
estimé  à partir de la mesure des log du soluté pour diffé-
rentes proportions de solvant organique dans l’eau de la
phase mobile. En effet, il existe une relation linéaire ou qua-
dratique, suivant les conditions utilisées, entre le pourcentage
de solvant organique introduit et la valeur de log k. Ainsi, à
partir de quelques mesures rapides de log k  pour différents
pourcentages de solvant organique, on obtient, par extrapola-
tion, la valeur de log dans l’eau pure (k

w

). Il s’agit d’une

donnée approximative mais qui permet de prévoir rapide-
ment le comportement d’un composé sur un support SPE. 

2 FORMATS ET AUTOMATISATION

L’étape de préconcentration peut être totalement dissociée de
l’analyse chromatographique (préconcentration dite « en dif-
féré ») et consiste alors en l’utilisation de cartouches (réser-
voirs remplis de particules de 40-60 

µ

m) ou de disques

imprégnés de phases jetables. Après percolation de l’échan-
tillon sur l’adsorbant, les solutés piégés sont élués par pas-
sage d’un petit volume de solvant de force éluante  élevée
dont une partie est injectée dans le système chromato-
graphique choisi. Cet extrait peut être réduit par évaporation
avant injection de manière à gagner en facteur d’enrichisse-
ment. Cette étape peut également  être intégrée au système
chromatographique selon une préconcentration dite « en
ligne ». Dans ce cas, la phase stationnaire est contenue dans
une précolonne installée sur une vanne 6 voies à la place de
la boucle d’injection : après préconcentration de l’échan-
tillon par une première pompe (position de chargement), la
phase mobile amenée par la pompe analytique assure ensuite
le transfert des composés piégés vers la colonne analytique
(position d’élution). Dans ce cas, la totalité des composés
piégés sur l’adsorbant est transférée vers le système d’ana-
lyse. Il n’y a donc aucune perte en facteur d’enrichissement
ce qui permet de traiter des volumes plus faibles que dans le
cas de la méthode en différé pour laquelle seule une fraction
de l’extrait est injectée et analysée.

902

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F Chapuis et al. / Méthode de préconcentration par extraction en phase solide

Les développements en SPE les plus récents concernent la

commercialisation de phases sous de nombreux formats. Des
phases sont disponibles en cartouche dans des réservoirs de
tailles variées adaptées aux volumes d’échantillons à traiter.
Des automates s’adaptant à tous les formats (cartouches rem-
plies de particules ou de disques, plaques 96-puits, préco-
lonnes pour les systèmes en ligne) permettent de traiter un
grand nombre d’échantillons. 

Outre la nature des phases qui reste le paramètre essentiel

de la performance d’une méthode SPE, des supports particu-
liers ont été développés pour faciliter leur application à cer-
taines matrices. En effet, si désormais les phases disponibles
sont propres et directement utilisables, la qualité du polypro-
pylène et polyéthylène utilisés pour les réservoirs et les frittés
a été adaptée aux exigences de certains domaines d’applica-
tion comme celui de la santé. Des systèmes de filtres ont été
intégrés aux cartouches d’extraction de manière à éviter leur
colmatage au cours de la percolation d’échantillons chargés
en particules. Les disques se développent de plus en plus.
Leur utilisation peut permettre de diminuer les volumes
d’élution. Ils sont disponibles dans des réservoirs tout comme
les phases à base de particules de façon à pouvoir être utilisés
dans les automates. Ils se présentent aussi, chez certains four-
nisseurs, sous forme de disques de fibre de verre imprégnée
de phases et sont donc plus fins et plus rigides que les mem-
branes de PTFE et utilisables dans de simples dispositifs 
de filtration.

3 CHOIX DE LA PHASE D’EXTRACTION

Le choix de la phase d’extraction dépend d’abord de la
matrice de l’échantillon. Si la phase est aqueuse, comme dans
la majorité des échantillons biologiques et environnemen-
taux, des supports hydrophobes conviennent parfaitement
puisque l’eau est, sur ce type de phase, la phase mobile la
moins éluante. Par contre, si l’échantillon est une phase orga-
nique, comme le sont les matrices huileuses ou à base de
pétrole après dissolution dans un solvant apolaire comme
l’isooctane, les extractants retenus seront polaires, tels les
silices vierges ou greffées polaires, ou les alumines.

Dans un deuxième temps, le choix de la phase va

dépendre des caractéristiques physico-chimiques des solutés
recherchés et notamment de leur polarité. La polarité  d’un
soluté est difficile à  définir, mais elle peut être toutefois
reliée  à la notion d’hydrophobie définie  à partir de la
constante de partage octanol-eau (P

oct

). Ainsi, sont considé-

rés comme modérément polaires des composés dont le loga-
rithme de P

oct

est compris entre 1 et 3, comme polaires ceux

dont le logarithme de P

oct

est inférieur  à 1 et comme apo-

laires ceux dont le logarithme de P

oct

est supérieure  à 3.

C’est en fonction de ce classement que peut s’effectuer la
sélection des supports. 

3.1 Phases hydrophobes

3.1.1 Silices greffées 

Déjà largement utilisées comme phases stationnaires en CPL,
les silices greffées C

ou C

18

ont été longtemps les phases les

plus utilisées en SPE pour le traitement d’échantillons
aqueux. Leur évolution a été menée avec des objectifs diffé-
rents de ceux de la CPL à savoir favoriser les interactions
hydrophobes par augmentation de la surface spécifique jus-
qu’à 500-600 m

2

/g. Pour les silices greffées C

18

, on peut faci-

lement estimer le volume de fin de fixation à partir de la 
constante de partage octanol-eau, puisque la valeur de log k
dans l’eau pure (k

w

) des solutés est du même ordre de gran-

deur, comme le montre le tableau 1.

TABLEAU 1

Volumes de rétention calculés V

r

pour 100 mg de silice greffée C

18

à partir des valeurs extrapolées log k dans l’eau pure. Adapté de [2].

Retention volumes V

r

for 100 mg of C

18

grafted silica, calculated 

by extrapolation of values for log k for pure water. Adapted from [2].

Composés

Log P

oct

Log k

V

r

, 100 mg 

de support

pentachlorophénol

5

4,8

7350

2, 4, 5-trichlorophénol

4,1

4,0

1064

3, 5-trichlorophénol

3,56

3,5

370

2, 4-dichlorophénol

3,2

3,1

160

4-chlorophénol

2,4

2,3

32

phénol

1,49

1,55

4,4

Ainsi, on peut voir la limitation des silices C

18 

pour 

l’extraction de composés polaires comme le phénol, puisque
avec 100 mg de phase le rendement sera inférieur  à 100 %
dès que le volume dépassera 5 ml.

Parallèlement, si la suppression des silanols résiduels pour

les phases de CPL peut avoir son importance sur la qualité
des séparations, la présence de ces fonctions peut conduire en
SPE à des interactions additionnelles et favoriser l’extraction
de composés polaires, les interactions hydrophobes restant
cependant prépondérantes dans le mécanisme de rétention.
De ce fait, l’application de ces supports se limite générale-
ment aux composés peu polaires, caractérisés par des valeurs
de log P

oct

supérieures à 2 surtout lorsqu’il est nécessaire de

percoler de grands volumes d’échantillons comme c’est le
cas pour l’analyse des eaux.

Pour des composés fortement hydrophobes pour lesquels

ces supports conviennent, il peut être intéressant d’optimiser
le choix du greffage en optant par exemple pour des chaînes
hydrocarbonées courtes ce qui facilite leur élution ou des
phases greffées par des fonctions cyclohexyle ou phényle qui
sont adaptées  à  l’extraction de composés possédant des 
noyaux aromatiques.

903

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Oil & Gas Science and Technology – Rev. IFP, Vol. 60 (2005), No. 6

3.1.2 Polymères de polystyrène-divinylbenzène (PS-DVB)

L’extraction de composés plus polaires se fait préférentielle-
ment sur des supports à base de polymères. Les premiers
polymères développés comme phases de SPE ont été des
supports utilisés en CPL. Il s’agit des copolymères apolaires
de polystyrène-divinylbenzène de PLRP-S (Polymer
Laboratories) et de PRP-1 (Hamilton) de surface spécifique
de 550 et 415 m

2

/g respectivement. Ces phases ne sont dispo-

nibles qu’en format de précolonne  à utiliser en ligne. Des
supports similaires disponibles en cartouches ou sous forme
de disques d’extraction ont ensuite été commercialisés. De
nombreuses  études ont montré  l’intérêt de ces supports par
rapport aux phases de silice greffée C

18 

permettant, de par

leur plus grand pouvoir hydrophobe, d’augmenter d’un fac-
teur 10 à 40 les volumes percolables sans perte en rendement,
surtout pour les composés  à noyaux aromatiques sujets aux
interactions de type 

π

-

π

[7]. De plus, contrairement aux

phases de silice greffée, ces phases peuvent être utilisées sur
toute la gamme de pH entre 0 et 14. Cependant, pour aug-
menter la rétention et extraire des composés de plus en plus
polaires, des supports de plus haute surface spécifique ont été
développés plus récemment. Ainsi pour un composé polaire
comme la deisopropylatrazine (log P

oct 

= 1,2) le rendement

d’extraction est d’environ 20 % en percolant 500 ml d’échan-
tillon sur un cartouche remplie de 500 mg de silice C

18

, alors

que le volume de fixation est supérieur  à 1 litre en utilisant
une cartouche remplie de 200 mg de PS-DVB ayant une sur-
face spécifique de 1000 m

2

/g. De nombreuses études menées

dans le domaine environnemental ont montré l’intérêt de dis-
poser de grandes surfaces spécifiques avec notamment des
applications aux métabolites polaires des triazines [5] et aux
phénols [8]. Des polymères fonctionnalisés par des groupe-
ments polaires ont aussi été synthétisés de manière à amélio-
rer le contact avec l’échantillon aqueux pendant la 
percolation. Parallèlement, des phases basées sur une copoly-
mérisation de divinylbenzène avec un monomère polaire
(comme le N-vinylpyrolidone pour la phase Oasis HLB) ont
aussi  été  développées pour améliorer la mouillabilité des
phases et favoriser les interactions avec les composés
polaires. Des polymères modifiés par des groupements
ioniques sont aussi disponibles et engendrent des méca-
nismes différents (voir phases mixtes). 

3.1.3 Carbone graphite poreux (PGC)

Le support carboné le plus utilisé est le GCB (Graphitized
Carbon Black, noir de carbone). Il est caractérisé par une
structure homogène bien ordonnée de surface spécifique de
l’ordre de 120 m

2

/g. Malgré cette faible surface spécifique, sa

plus grande efficacité que la silice greffée C

18

à piéger les

composés polaires a été largement démontrée tout comme la
possibilité  d’utiliser des charges résiduelles positives pour
réaliser des extractions fractionnées de composés acides
d’une part, neutres et basiques d’autre part [9]. Un autre sup-

port de carbone caractérisé par une structure cristalline en
feuillet de plans d’atomes de carbone, le PGC (Porous
Graphitic Carbon, carbone graphite poreux) a lui aussi été
très utilisé pour l’extraction de composés polaires. Sur ce
support, les composés sont retenus par interactions hydro-
phobes mais aussi électroniques permettant d’extraire aussi
bien des composés apolaires que des composés polaires très
solubles dans l’eau [10-12]. 

Des facteurs de rétention dans l’eau pure pour la simazine

et différents métabolites polaires des triazines ont été  déter-
minés pour une colonne de silice greffée C

18

. Ils sont 

comparés aux facteurs de rétention obtenus sur une phase
polymérique de PS-DVB (PRP-1, Hamilton) et pour une
colonne de carbone graphitisé poreux (PGC, Hypersil). Ces
valeurs sont répertoriées dans le tableau 2, les composés sont
classés suivant leur caractère hydrophobe. 

TABLEAU 2

Facteurs de rétention (log k) mesurés dans l’eau pure ou obtenus 

par extrapolation sur différents supports [5].

Retention factors (log k) for different supports measured in pure water 

or obtained by extrapolation [5].

Composés

log P C

18

log k

log PRP-1

log PGC

Amméline

– 1,2

< 0,5

< 0,5

2,4 ± 0,2

Ammélide

– 0,7

< 0,5

< 0,5

2,5 ± 0,2

OH DIA

– 0,1

1,0 ± 0,1

1,0 ± 0,1

3,0 ± 0,2

OH DEA

0,2

1,5 ± 0,1

1,8 ± 0,1

2,8 ± 0,2

DIA

1,2

2,3 ± 0,1

3,1 ± 0,1

>3,5

DEA

1,4

2,7 ± 0,1

3,5 ± 0,3

3,2 ± 0,2

Simazine

2,3

3,4 ± 0,2

> 4

> 4

La rétention des composés polaires est tellement forte

qu’il apparaît dans ce cas impossible d’utiliser ce support en
ligne avec une colonne analytique de silice greffée C

18

. En

effet, la rétention sur silice greffée C

18

implique pour ces

composés polaires une phase mobile riche en eau qui, de ce
fait, n’est pas suffisamment éluante pour transférer les solutés
de la précolonne de PGC sur la colonne analytique. Le même
problème peut être rencontré lorsque l’on utilise des copoly-
mères de très haute surface spécifique. Toutefois il peut être
contourné par l’utilisation d’une colonne analytique de PGC
pour la séparation qui est alors réalisée avec une phase
mobile plus riche en solvant organique [13]. Il est aussi pos-
sible d’utiliser une pompe analytique permettant de désorber
les solutés de la phase carbonée par le solvant organique pur
auquel est ajoutée, après la précolonne et avant la colonne
analytique et ce par une pièce en T, la quantité d’eau néces-
saire pour constituer la phase mobile adaptée à la séparation
sur silice greffée [14]. Diverses applications des phases car-
bonées  à  l’extraction de composés polaires de matrices
aqueuses sont présentées dans la référence [12]. 

904

background image

F Chapuis et al. / Méthode de préconcentration par extraction en phase solide

3.1.4 Limitation des supports hydrophobes

La classification des composés en fonction de leur hydropho-
bie permet de faire un choix raisonné des phases à utiliser.
Quand l’étape d’extraction doit s’adapter  à des composés
appartenant  à une large gamme de polarité, il peut s’avérer
nécessaire de procéder  à deux extractions distinctes : une
méthode pour les composés les plus polaires sur des phases
de polymères à haute surface spécifique ou de carbone ; les
composés apolaires étant traités par extraction sur silice gref-
fée avec l’ajout  éventuel d’une faible proportion de solvant
organique pour limiter les pertes dues à  l’adsorption des
composés très hydrophobes sur les parois des matériels utili-
sés [15]. Cependant, si l’on arrive dans bien des cas à adapter
le choix des phases aux composés  à extraire, l’application
seule de ces supports à des matrices complexes, comme les
fluides biologiques ou des eaux fortement contaminées,
conduit  à la co-extraction par interactions de nature hydro-
phobe d’autres composés présents dans l’échantillon qui peu-
vent nuire à la détection et la quantification des analytes
recherchés. De nombreuses méthodes de purification des
extraits sur des supports polaires (silice, alumine, Florisil, etc.)
ont été décrites dans la littérature. Elles permettent de limiter
l’injection dans le système chromatographique d’une grande
partie des interférents. Cependant, le mode de rétention/élu-
tion étant encore lié, sur ces supports, à la polarité des compo-
sés, ces étapes longues à mettre en œuvre ne sont pas toujours
suffisamment performantes. Il apparaît donc de plus en plus
important d’utiliser des supports apportant davantage de
sélectivité dans les mécanismes de rétention. 

3.2 Phases sélectives

3.2.1 Échangeurs d’ions et phases mixtes

Dans le cas de composés ioniques ou ionisables, les 
interactions mises en jeu lors de l’extraction peuvent être de
nature ionique en adaptant le pH de la solution. Le méca-
nisme de rétention est alors fondé sur un mécanisme
d’échange d’ions. De la silice ou des résines polymériques
sont greffées par des groupements acides (acides carboxy-
lique ou sulfonique) ou basiques (amine) pour jouer le rôle
respectivement d’échangeur de cations et d’échangeur
d’anions. Le principe de l’extraction consiste alors à retenir
les composés par interactions électrostatiques sous leur forme
ionisée et à les éluer en se plaçant  à un pH pour lequel ils
sont sous la forme moléculaire. Dans l’impossibilité de se
placer dans une zone où le composé est neutre, l’élution peut
être réalisée par une solution de grande force ionique.
Cependant, ce mécanisme de rétention est rarement mis en
œuvre pour l’analyse directe de traces de composés dans les
échantillons complexes car ces derniers contiennent de trop
fortes teneurs en ions inorganiques et saturent la capacité de
l’échangeur.

Il a été montré que les silanols résiduels ionisés présents en

quantité non négligeable suivant le pH de l’échantillon sur les
phases de silice greffée par des chaînes alkyles facilitaient
l’extraction de composés basiques azotés. Pour augmenter ces
interactions  électrostatiques, des phases ont été greffées  à la
fois par des chaînes alkyles et des fonctions ionisées de type
acide fort (SO

3

) et bases fortes (NR

3

+

). Le soluté peut alors

être retenu par interactions électrostatiques fortes et par inter-
actions hydrophobes. Au cours de la percolation de l’échan-
tillon, le soluté est piégé par interaction hydrophobe sur le
support alors que les composés polaires non chargés ou por-
tant une charge identique à celle de l’échangeur d’ions greffé
ne sont pas retenus. On percole alors une solution aqueuse
portée à un pH permettant l’ionisation du soluté qui développe
alors des interactions électrostatiques avec l’échangeur d’ions.
Ces interactions étant de forte énergie, il est alors possible de
procéder à un lavage par un solvant organique dans lequel a
été ajouté un acide ou une base pour maintenir l’ionisation du
soluté. Le solvant organique agissant sur les interactions
hydrophobes, les composés uniquement retenus par les
chaînes alkyles sont alors éliminés. Après cette étape de
lavage, le soluté est élué par passage de ce solvant organique
ajusté  à une valeur de pH ne permettant plus son ionisation
afin de rompre les interactions électrostatiques. 

3.2.2 Phases à accès restreint (RAM)

Ces dernières années, des phases dites à accès restreint
(Restricted Acces Media, RAM) ont été développées afin de
fractionner l’échantillon et permettre l’injection directe de
matrices biologiques dans un système en ligne avec la CPL.
Ces phases combinent un mécanisme d’exclusion des molé-
cules de haut poids moléculaire et un mécanisme de partage
permettant la rétention des petites molécules. De nombreuses
phases ont été développées [16,17]. L’une des plus utilisées,
nommée ISRP (Internal Surface Reversed Phase), permet de
combiner un mécanisme d’exclusion et un mécanisme de
rétention par interactions hydrophobes. Une barrière phy-
sique liée  à une taille de pore limitée empêche l’accès des
molécules de grandes tailles comme les protéines à la surface
interne de la phase stationnaire poreuse. De plus, un traite-
ment spécifique permet de rendre hydrophile la surface
externe de la phase et donc de limiter l’adsorption des pro-
téines. Enfin, la présence de chaînes hydrophobes greffées
sur la surface poreuse interne des grains permet la rétention
des solutés à extraire. Ces phases sont utilisées pour éliminer
l’influence des acides humiques dans les eaux de surface 
par exemple.

3.2.3 Immunoadsorbants

Pour augmenter la sélectivité de l’étape d’extraction, des 
supports mettant en œuvre des anticorps spécifiques d’une
molécule et greffés sur un support solide (silice, gel d’aga-
rose) ont été développés. 

905

background image

Oil & Gas Science and Technology – Rev. IFP, Vol. 60 (2005), No. 6

L’emploi d’anticorps comme réactif analytique n’est pas

récent dans le domaine médical et biologique, à la différence
du domaine environnemental pour la recherche de micropol-
luants. Une des raisons réside dans la difficulté de produire
des anticorps très spécifiques de molécules de petite taille.
Les mammifères ne développant pas de réponse immunitaire
envers ces molécules, il est nécessaire de coupler la molé-
cule-antigène choisie à une protéine porteuse ce qui impose
souvent de la modifier au préalable par l’introduction d’un
groupement fonctionnel. 

Dans le cas des molécules de petite taille et qui possèdent

de ce fait peu de groupements caractéristiques, la probabilité
pour que les anticorps ainsi produits reconnaissent d’autres
composés de structure voisine est assez grande. C’est ce
qu’on nomme la réactivité croisée des anticorps. Cette 
propriété est un avantage puisque, dans le cas de la recherche
de polluants, on est souvent amené à rechercher de nombreux
composés d’une même famille en incluant éventuellement
des métabolites. Les développements et l’utilisation de ces
supports ont fait l’objet de nombreuses revues [18-22]. 

La première  étape de synthèse d’un immunoadsorbant

consiste en la production des anticorps. Pour cela, il faut
sélectionner un composé représentatif de la famille ciblée,
l’antigène, qui sera pris comme modèle pour produire les
anticorps. Cet analyte doit souvent être chimiquement modi-
fié afin d’introduire une fonction qui permettra son greffage à
une protéine porteuse. Plusieurs molécules modifiées, appe-
lées haptènes, seront couplées  à une protéine. Cette entité
immunogène, appelée immunoconjugué, est ensuite utilisée
pour immuniser le mammifère. Quelques ml de sérum sont
ensuite prélevés de l’animal après quelques semaines d’im-
munisation. Une purification est mise en œuvre pour isoler
les anticorps (immunoglobulines de type G, IgG) et les gref-
fer chimiquement sur un support solide hydrophile afin qu’il
ne génère pas d’interactions pouvant conduire à terme à une
rétention non spécifique sur l’immunoadsorbant. Dans une
première approche, les immunoadsorbants (IS) sont synthéti-
sés avec des anticorps polyclonaux, à savoir la fraction d’im-
munoglobulines de type G (IgG) que l’on isole du sérum.
Cette fraction contient des anticorps d’affinité variées et seuls
10 à 15 % d’entre eux sont spécifiques de l’immunoconjugué
et donc de la molécule ciblée. Ces anticorps sont moins chers
et plus rapides à produire que les anticorps monoclonaux qui
sont issus de la sélection du clone générant les anticorps de
spécificité souhaitée. Ces derniers sont cependant préconisés
pour la commercialisation des IS car, une fois la lignée sélec-
tionnée, ils sont obtenus de façon reproductible, en grande
quantité et sans recourir à l’utilisation d’animaux. 

Les immunoadsorbants ainsi produits peuvent être intro-

duits dans des réservoirs de type cartouches ou précolonnes
entre deux frittés et être utilisés comme tout support classique
d’extraction : après une étape de conditionnement par un
tampon et de l’eau pure, l’échantillon aqueux est appliqué, un
lavage  à  l’eau pure est alors éventuellement introduit.

L’application d’un solvant d’élution permet de récupérer les
solutés sélectivement retenus par les anticorps.

Les propriétés des immunoadsorbants résultent surtout de

celles des anticorps greffés. Si les anticorps créent des inter-
actions spécifiques avec un antigène donné contre lequel ils
ont été synthétisés, ils sont aussi source de réactions croisées,
c’est-à-dire de réactions avec les analogues structuraux de
l’antigène. En principe, une forte affinité des anticorps est
obtenue pour la molécule utilisée pour la synthèse des 
anticorps (molécule antigène). L’affinité pour les autres
molécules de la même famille chimique va dépendre des
caractéristiques structurales des molécules. Cette affinité va
influer sur la rétention des composés au cours de l’étape
d’extraction et donc sur les rendements d’extraction pour un
volume d’échantillon donné. Par modélisation moléculaire
des triazines et des immunoconjugués et par l’exploitation
des résultats par analyse en composante principale, il a
récemment été mis en évidence l’importance du volume des
groupements caractérisant les différentes molécules et des
interactions  électroniques (mesurées par la répartition des
charges dans les molécules) dans le mécanisme de reconnais-
sance par les anticorps et donc leur affinité vis à vis des 
différents composés de cette famille [23]. 

Un rendement d’extraction inférieur à 100 % peut être dû

à une faible affinité des anticorps vis-à-vis du composé étudié
mais aussi à un dépassement de capacité. Il est donc impor-
tant de connaître ce paramètre couramment défini comme le
nombre total de sites de reconnaissance disponibles sur l’IS
et capables de fixer les analytes. Cette capacité est donc
directement liée au nombre et à la nature des anticorps gref-
fés ainsi qu’à leur accessibilité et peut être facilement mesu-
rée par percolation d’un volume constant d’eau dopée par des
quantités croissantes d’analyte-antigène.

Le protocole d’extraction sur immunoadsorbants est 

similaire à celui utilisé pour les supports classiques d’extrac-
tion (silice greffée C

18

, copolymères apolaires, etc.). Après

conditionnement de l’immunoadsorbant par quelques milli-
litres d’eau pure, l’échantillon est percolé. Les solutés sélecti-
vement retenus par les anticorps sont ensuite désorbés par un
faible volume d’éluant. Si les grosses molécules (protéines,
hormones, etc.) sont désorbées par simple changement de
pH, modification de la force ionique de l’éluant ou ajout
d’agents dénaturants, ces conditions sont peu efficaces pour
la désorption de petites molécules. Seuls des solvants orga-
niques comme le méthanol ou l’acétonitrile, permettent une
désorption efficace de l’analyte en un faible volume et des
mélanges hydro-organiques contenant jusqu’à 80 % de
méthanol ou d’acétonitrile peuvent être utilisés sans endom-
mager l’immunoadsorbant  à la différence d’anticorps non
greffés dont la dénaturation est irréversible dans de telles
conditions. En effet, l’IS est régénéré par stockage à 4 °C
dans une solution aqueuse tamponnée contenant un agent
anti-bactérien. 

906

background image

F Chapuis et al. / Méthode de préconcentration par extraction en phase solide

Figure 2

Couplage en ligne de silice greffée C

18 

(A) et d’un immuno-

adsorbant anti-phénylurées (B) avec la 

µ

CPL/UV pour

l’analyse de 5 ml d’eau de Seine. Détection UV à 244 nm de
Chlortoluron (C, 50 ng/l), Isoproturon (I, 220 ng/l), Diuron
(D, 200 ng/l) et Linuron (L, 40 ng/l). D'après [31].

On-line coupling of C

18

silica (A) and an antiphenylurea

immunosorbent (B) using 

µ

CPL/UV for the analysis of 5 ml

of water from the Seine. UV detection at 244 nm of
Chlortoluron (C, 50 ng/l), Isoproturon (I, 220 ng/l), Diuron
(D, 200 ng/l) and Linuron (L, 40 ng/l). From [31].

Généralement conditionnés dans des cartouches d’extrac-

tion en polypropylène, piégés entre deux frittés, les immu-
noadsorbants peuvent également  être introduits dans des 
précolonnes intégrées dans des montages permettant de cou-
pler en ligne l’extraction et l’analyse par CPL. La désorption
est alors réalisée par le gradient de phase mobile utilisé pour
la séparation analytique. Cette phase mobile doit contenir une
quantité suffisante de solvants organiques pour permettre la
désorption des solutés tout en permettant la séparation des
composés ciblés. Des anticorps greffés sur silice ont été utili-
sés pour l’analyse en ligne de triazines, de phénylurées, de
HAP et de colorants dans des eaux [24-33]. Dans ces diffé-
rents cas, une phase mobile contenant de l’eau et de l’acéto-
nitrile a permis un transfert rapide des solutés vers la colonne
analytique sans perte en efficacité.

Un exemple illustrant bien la grande sélectivité des 

immunoadsorbants est donné sur la Figure 2 correspondant à
l’analyse en ligne de 5 ml d’eau de Seine contaminée par des
phénylurées [31]. Le chromatogramme de la Figure 2a, corres-
pondant à la préconcentration de cet échantillon sur silice gref-
fée C

18

, est marqué par la présence de nombreux interférents

aux mêmes temps de rétention que les phénylurées recher-
chées. Ces pesticides sont en revanche facilement quantifiables

après immuno-préconcentration (Fig. 2b) puisque aucun autre
composé  n’a  été co-extrait par les anticorps anti-phénylurées
utilisés pour cette étude. Un autre exemple est représenté
Figure 3, avec l’analyse en ligne des hydrocarbures poly-
aromatiques dans les eaux de surface, montrant qu’à partir de
80 ml d’eau on peut detecter ces composés avec des limites de
détection inférieures à 10 ng/l par UV, avec confirmation par
le spectre UV, très informatif pour ces composés, en plus de la
détection par fluorescence [30].

3.2.4 Polymères à empreinte moléculaire (MIP)

La grande sélectivité apportée par les immunoadsorbants a
conduit à la synthèse de polymères à empreinte moléculaire
(MIP) basés sur la formation, dans le polymère, de cavités
mimant les sites de reconnaissance spécifique obtenus avec
les anticorps. Outre le fait d’être peu onéreux si la molécule
modèle est disponible à faible coût, de tels polymères 
présentent une excellente stabilité chimique, mécanique et 
thermique. Les ouvrages ou revues générales portant sur le
sujet [34-36] et le nombre de publications en augmentation
exponentielle durant ces cinq dernières années témoignent du
grand potentiel des MIP pour l’extraction de polluants de
matrices variées. 

Ils sont obtenus par polymérisation. La première étape de

la synthèse consiste à mettre en contact la molécule modèle,
le(s) monomère(s) fonctionnel(s) et un agent réticulant dans
un solvant porogène qui va permettre de créer une structure
meso- ou macroporeuse. Le monomère est choisi de manière
à développer, avec la molécule empreinte, des liaisons cova-
lentes, non covalentes ou encore des liaisons de coordination.
Cependant, la plus grande simplicité de mise en œuvre de
liaisons non covalentes fait que cette méthode est plus large-
ment représentée dans la littérature pour l’application des
MIP comme support d’extraction. Cette méthode permet un
bon compromis entre une interaction analyte-monomères suf-
fisamment forte pour l’obtention d’une grande sélectivité et
une désorption rapide ce qui est primordial pour un éventuel
couplage en ligne des polymères  à la CPL. Les polymères
sont dans la plupart des cas synthétisés en bloc puis broyés et
tamisés de manière  à obtenir des particules de taille homo-
gène (comprise entre 25 et 50 µm) que l’on conditionne
ensuite sous forme de cartouche ou de colonne. 

Le choix de la molécule modèle est important. De la

même manière que l’haptène et donc l’immunoconjugué
définissent la spécificité des anticorps produits, la structure
de la molécule empreinte, qui possède une géométrie et des
fonctionnalités particulières, va définir la spécificité du MIP
et on peut obtenir des MIP capables de reconnaître une
famille de composés comme les triazines [37]. Après syn-
thèse, il est important d’éliminer totalement cette molécule
empreinte pour qu’elle ne soit pas relarguée par le polymère
au cours de son utilisation conduisant ainsi à des faux posi-
tifs. Cette élimination totale est parfois incertaine [38,39] et
conduit certains groupes à utiliser, comme empreinte pour la

A

B

D

L

I

C

30

20

10

0

0

10

20

30

Time (min)

mAbs

907

background image

Oil & Gas Science and Technology – Rev. IFP, Vol. 60 (2005), No. 6

synthèse, un analogue structural de la molécule cible qui
n’est pas susceptible d’être présent dans les échantillons. 

Le monomère est choisi pour sa capacité  à  établir des

interactions fortes non covalentes avec la molécule empreinte
dans le solvant de polymérisation. La majorité des MIP utili-
sés en extraction ont été synthétisés à partir de l’acide métha-
crylique. Ce monomère est susceptible de développer, sui-
vant les molécules empreintes, des interactions de type
liaison hydrogène ou des interactions électrostatiques. Des
monomères basiques tels que la 4-vinylpyridine pouvant
générer des interactions de type 

π

-

π

avec certains analytes

peuvent également être utilisés. 

La majorité des réaction de polymérisation décrites utilise,

comme agent réticulant, le diméthacrylate d’éthylène glycol,
ce qui s’explique notamment par sa grande stabilité  méca-
nique et thermique.

Le solvant de polymérisation est un paramètre-clé de la

spécificité du MIP puisqu’il conditionne la nature et la force
des interactions entre la molécule empreinte et le(s) 
monomère(s). La spécificité des cavités du MIP dépend de la
stabilité du complexe formé. Les solvants les plus utilisés sont
des solvants peu polaires et aprotiques de façon à favoriser les
interactions préalablement citées comme les liaisons hydro-
gène. La nature du solvant de polymérisation influe aussi sur
la structure et la morphologie du polymère en modifiant sa
porosité (effet porogène) et sa capacité à gonfler en présence
de certains solvants utilisés au cours de l’étape d’extraction.

Pour qu’un analyte soit extrait spécifiquement par le MIP,

il faut que sa structure soit relativement proche de celle de
l’empreinte pour pénétrer dans les cavités et ensuite interagir
avec le polymère. L’analyte cible sera retenu spécifiquement
dans les cavités du polymère s’il développe le même type

908

0

5

10

15

20

Time (min)

25

30

35

0,001 u.a.f.

1

3 4

5

11

12

13

14

15

6

7

8

9

10

0

5

10

15

20

Time (min)

25

30

35

0,00125 u.a.

5

11

12

13

6

7

8

9

10

b

a

200

0

5

10

15

mAU

225

220

367

250

275

Wavelength (nm)

300

325

Pyrène

200

0

2.5

5.0

7.5

10.0

mAU

225

220

367

250

275

Wavelength (nm)

300

325

Benzo(k) fluoranthène

Figure 3

Couplage en ligne d'un immunoadsorbant anti-fluorène avec la CPL pour l'analyse des hydrocarbures aromatiques dans les eaux de surface
(80 ml d'eau de Seine) contenant 10 % d'acétonitrile, dopée avec 20 ng/l de chaque composé (1 - naphthalène ; 3 - acénaphthène ; 
4 - fluorène ; 5 - phenanthrène ; 6 - anthracène ; 7 - fluoranthène ; 8 - pyrène ; 9 - benzo(a)anthracène ; 10 - chrysène ; 
11 - benzo(b)fluoranthène ; 12 - benzo(k)fluoranthène ; 13 - benzo(b)pyrène ; 14 - dibenzo(ah)anthracène ; 15 - benzo(ghi)perylène).
Détection par fluorescence (a) et par UV à 239 nm (b) avec en encart la confirmation par les spectres UV de deux composés. D'après [30].

On-line coupling of an antifluorene immunoadsorbant with LC for the analysis of aromatic hydrocarbons in surface waters (80 ml of water
from the Seine) containing 10% acetonitrile, spiked with 20 ng/l of each component (1 - naphthalene; 3 - acenaphthene; 4 - fluorene; 
5 - phenanthrene; 6 - anthracene; 7 - fluoranthene; 8 - pyrene; 9 - benzo(a)anthracene; 10 - chrysene; 11 - benzo(b)fluoranthene; 
12 - benzo(k)fluoranthene; 13 - benzo(b)pyrene; 14 - dibenzo(ah)anthracene; 15 - benzo(ghi)perylene). Detection by fluorescence (a) and by
UV at 239 nm (b). Insert shows UV spectroscopy confirmation of two compounds. From[30].

background image

F Chapuis et al. / Méthode de préconcentration par extraction en phase solide

d’interactions que celles développées lors de la synthèse.
Cela implique donc l’utilisation pour l’extraction sur MIP
d’un solvant analogue au solvant de synthèse. Le solvant de
polymérisation  étant de nature organique, l’extraction de
composés d’échantillons aqueux implique une première étape
de transfert dans un solvant organique par extraction liquide-
liquide [40] ou par extraction sur un support hydrophobe
conventionnel [41-43]. Un exemple d’application est donné
Figure 4. Il correspond à l’analyse d’une eau de source dopée
par des triazines et leurs métabolites (100 ml à 0.5 

µ

g/l) après

extraction sur un polymère hydrophobe (polystyrène divinyl-
benzène) suivie (a) ou non d’une étape de purification sur un
MIP (b). La comparaison des deux chromatogrammes illustre
le gain en sélectivité puisque le passage sur le MIP a permis
d’éliminer une grande quantité de composés préalablement
extraits par le polymère hydrophobe.

L’échantillon aqueux peut être directement percolé sur le

MIP mais une étape de lavage par le solvant qui permet de
générer les interactions spécifiques au sein des cavités est alors
obligatoire. L’optimisation de cette étape est cruciale pour
aboutir à une sélectivité optimale mais également très délicate

car les interactions analyte-polymère sont plus ou moins fortes
en fonction de la nature de l’analyte et de la structure des cavi-
tés. En effet, toutes les cavités ne sont pas identiques. Ceci
résulte de la structure meso- et macroporeuse des polymères
[34]. De ce fait, l’optimisation de l’étape de lavage consiste à
éliminer les interactions non spécifiques sans perdre les com-
posés les plus faiblement retenus spécifiquement.

Pour vérifier la spécificité des interactions impliquées

dans un processus d’extraction et éventuellement l’optimiser,
l’approche couramment décrite consiste à comparer la réten-
tion des analytes sur le MIP à celle sur un polymère non
imprimé obtenu par la même voie de synthèse mais sans
introduire la molécule empreinte. Dans le cas des composés
très polaires, la réduction des interactions non spécifiques est
difficile car ils interagissent fortement par liaisons hydrogène
avec la matrice polymérique [37]. Une élimination totale de
ces interactions parasites implique l’utilisation d’un solvant
polaire protique ce qui peut entraîner également l’élution des
composés les plus faiblement retenus spécifiquement [44].

Lorsque l’on cherche à appliquer directement un 

échantillon aqueux sur le MIP, il convient, pour développer

909

0

0

Time (min)

1

1

2

2

4

6

8

10

12

m

AU

2

3

4

5

6

3

4

5

6

7

9

8

a

b

0

0

Time (min)

10

1

20

5

10

15

20

25

mA

U

2

3

4

5

6

7

30

40

50

a

b

Figure 4 

Analyse d’une eau de source dopée par des triazines et leurs
métabolites (100 ml à 0.5 

µ

g/l) après extraction sur un

polymère hydrophobe (PS-DVB) suivie (a) ou non (b) d’une
étape de purification sur un MIP. Composés : 1 - déisopropy-
latrazine ; 2 - déséthylatrazine ; 3 - simazine ; 4 - atrazine ;
5 - propazine ; 6 - prométryne. D'après [41].

Analysis of groundwater spiked with triazines and their
metabolites (100 ml at 0.5 µg/l) via preconcentration on a
hydrophobic polymer (PS-DVB) followed (a) or not (b) by a
purification step on a MIP. Compounds: 1 - desisopropyla-
trazine; 2 - desethylatrazine; 3 - simazine; 4 - atrazine;
5 - propazine and 6 - prometryn. From[41].

Figure 5

Chromatogrammes obtenus après extraction de 50 ml d’un
effluent industriel (dilué et dopé par des triazines et des
phénylurées à 1 

µ

g/l) sur styrène divinylbenzène (a) et sur MIP

terbutylazine (b). Triazines : 1 - dééthylatrazine ; 3 - déethylter-
butylazine ; 4 - atrazine ; 6 - terbutylazine. Phénylurées : 
2 - monuron ; 5 - diuron ; 7 - néburon. Détection UV à 220 nm.
D'après [37].

Chromatograms obtained after preconcentration of 50 ml of
an industrial effluent (diluted and spiked at 1 

µ

g/l with

triazines and phenylureas) on styrene–divinylbenzene (a) and
on terbutylazine MIP (b). Triazines: 1 - deethylatrazine; 
3 - deethylterbutylazine; 4 - atrazine; 6 - terbutylazine.
Phenylureas: 2 - monuron; 5 - diuron; 7 - neburon. UV
detection at 220 nm. From [37].

background image

Oil & Gas Science and Technology – Rev. IFP, Vol. 60 (2005), No. 6

une interaction sélective entre les analytes et les cavités 
spécifiques, d’introduire dans la procédure d’extraction, un
solvant permettant de générer les interactions adéquates.
Cependant, quelques travaux mentionnent des problèmes
d’effets de matrice qui se traduisent par des baisses de rende-
ment d’extraction lorsque les solutés sont recherchés dans
des matrices réelles et non plus dans des eaux pures dopées
[43, 45]. Pour un MIP fondé sur l’utilisation de méthacrylate
comme monomère, nous avons mis en évidence des pro-
blèmes liés à la présence de cations dans les eaux naturelles
(notamment Ca

2+

) dont l’effet est de bloquer, par échange

d’ions, les sites d’interaction donneurs de liaisons hydrogène
[37]. Au pH des eaux naturelles, les fonctions carboxyliques
sont ionisées et ne peuvent plus développer des liaisons
hydrogène avec les solutés. Ce problème a été  résolu par 
l’introduction d’une  étape de lavage à  l’acide chlorhydrique
après l’étape de percolation de l’échantillon. La solution
acide permet d’éliminer les cations interagissant avec la
matrice polymérique par échange d’ions avec les protons
avant passage du solvant de lavage favorisant les interactions
polaires (solvant peu polaire et aprotique). Cette méthode a
été appliquée  à  l’extraction sélective de triazines d’un
effluent industriel. Le résultat est illustré Figure 5. L’apport
en sélectivité du MIP est démontré par le fait qu’il permet de
limiter considérablement la présence d’interférents dans 
l’extrait analysé. De plus, l’application de la solution acide de
régénération avant percolation de dichlorométhane (solvant
de lavage) permet de supprimer les effets de matrice et d’ob-
tenir, pour tous les échantillons d’eau analysés, des rende-
ments d’extraction identiques à ceux obtenus pour l’eau pure
dopée. L’apport en sélectivité visible en Figure 5 par la
réduction du massif d’interférents est aussi démontré par le
fait que des phénylurées, composés de même taille et appar-
tenant à la même gamme de polarité que les triazines, n’ont
pas été piégées par le MIP.

4 QUELQUES EXEMPLES D’APPLICATION 

AUX PRODUITS PÉTROLIERS 

De nombreuses publications traitent de l’analyse des hydro-
carbures polyaromatiques dans les eaux, sédiments sols, etc.
suite à une pollution accidentelle par des produits pétroliers.
Le cas des matrices aqueuses a été traité précédemment et
une revue récente est consacrée à leur détermination dans les
huiles et autres matrices graisseuses [46].

Les produits pétroliers sont des milieux extrêmement com-

plexes et les applications de l’extraction en phase solide sur ces
matrices sont surtout un enrichissement et fractionnement
entre composés aliphatiques et aromatiques. En effet la sépa-
ration des pétroles en groupes hydrocarbonés est nécessaire
en géochimie organique car un grand nombre de composés
sont présents  à  l’état de traces et doivent être concentrés
avant analyse par chromatographie en phase gazeuse (CPG)
couplée à une détection par ionisation de flamme ou spectro-
métrie de masse. L’adsorbant souvent utilisé est la silice

vierge et on peut trouver des exemples de fractionnement de
carburants diesel en composés aliphatiques et hydrocarbures
mono-, di- et poly-aromatiques en utilisant des microco-
lonnes en verre remplie de silice vierge [47]. Cependant, il
faut activer la silice ce qui entraîne d’ajuster exactement les
quantités de traces d’eau présentes pour avoir des résultats
reproductibles et d’autre part la sélectivité pour les alkyl-
naphthalenes est faible. 

Bennet et Larter [48] ont décrit une procédure de SPE

employant de la silice imprégnée avec du nitrate d’argent, ce
qui permet une bonne séparation entre les hydrocarbure aro-
matiques et aliphatiques contenus dans un pétrole brut. Une
première  étape consiste en un isolement des hydrocarbures
en percolant 100 mg de pétrole de faible viscosité sur une
cartouche remplie de silice greffée C

18

(non traitée pour 

élimination des silanols résiduels) et en éluant avec 5 ml
d’hexane. Pour les pétroles de haute viscosité et contenant
des hydrocarbures de haut poids moléculaires, le brut est dis-
sous dans du chlorure de méthylène et un cartouche remplie
de Florisil est préférée pour isoler les hydrocarbures totaux.
Dans un second temps, l’extrait (50 

µ

l) de la cartouche C

18

ou de celle de Florisil est fractionné par percolation sur une
silice argentée (550 mg) et les 2 premiers ml d’hexane
contiennent les hydrocarbures aliphatiques alors que les 
4 ml suivants contiennent les aromatiques. La procédure a été
testée avec plusieurs échantillons et à la fois la sélectivité et
la reproductibilité ont été démontrées.

Un autre exemple plus récent a été  développé pour la

détermination rapide des empreintes suite au déversement
accidentel issu du « Prestige ». Un fractionnement rapide et
simple a été  développé pour la quantification des fractions
aliphatiques et aromatiques des résidus pétroliers avant carac-
térisation par GC-MS [49]. Une première cartouche a été
remplie de silice vierge (SiO

2

, 500 mg), une seconde de silice

greffée cyanopropyle (C

3

-CN, 500 mg) et une troisième d’un

mélange de SiO

2, 

1000 mg et C

3

-CN, 500 mg. Une élution a

été  réalisée par des fractions successives d’hexane, puis
d’hexane contenant 20 % de chlorure de méthylène. Un bon
fractionnement entre aliphatiques (92 % dans 4,5 ml
d’hexane) et aromatiques (99 % dans les 4,5 ml suivants
contenant 20 % de CH

2

Cl

2

) a été obtenu avec la troisième

cartouche. Dans la première fraction on trouve la totalité des 
n-alcanes, isoprenoïdes, alkylcyclohexanes, hopanes, stéranes
et diastéranes et dans la seconde, la totalité des polyaroma-
tiques de deux à six cycles aromatiques, des alkyldithioben-
zothiophènes et des stéroides triaromatiques. Seuls les alkyl-
benzènes  à longue chaîne se retrouvent dans les deux
fractions avec les deux tiers dans la première.

Les produits plus polaires sont plus faciles à concentrer

par simple SPE sur silice vierge. Une application récente
concerne l’identification des composés soufrés issus de la
biodésulfuration des méthylbenzothiophènes contenus dans
les pétroles fossiles après dégradation bactérienne [50]. Ces
produits de dégradation sont concentrés par percolation sur
une cartouche remplie de 500 mg de silice vierge. Un lavage

910

background image

F Chapuis et al. / Méthode de préconcentration par extraction en phase solide

par 3 ml d’hexane et 0,5 ml d’éthylacétate-éthanol (6/4, V/V)
permet d’éliminer tous les composés apolaires et les compo-
sés recherché sont élués par 1 ml d’éthylacétate-éthanol (6/4,
V/V). L’analyse par GC-AED et GC-MS a permis l’identifi-
cation des produits de désulfuration de quatre méthyldiben-
zothiophènes.

CONCLUSION

L’extraction en phase solide présente un fort potentiel pour
l’extraction et la concentration de composés  à partir de
matrice liquides. La diversité des supports disponibles permet
d’appliquer cette méthode à des composés de nature physico-
chimiques très variée. Le développement d’automate permet
en plus de traiter en un temps limité un grand nombre
d’échantillons. L’émergence de phases sélectives comme les
immunoadsorbants et les MIP permet d’obtenir des extraits
plus propres. Cela peut rendre alors la quantification finale
plus fiable mais permettre aussi un gain en temps d’analyse
pour laquelle il n’est alors plus nécessaire d’obtenir un grand
pouvoir de séparation, principalement si la détection est réali-
sée par spectrométrie de masse.

Les produits pétroliers sont des matrices très complexes,

mais quelques exemples illustrent bien l’utilité de la SPE
pour concentrer et fractionner des familles de composés
avant analyse. 

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Manuscrit final reçu en septembre 2005

912

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