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Agnès LOTH- LycĂ©e de Bois d’Olive 

L’insurrection de Madagascar en 1947 

 
L’insurrection de 1947 Ă  Madagascar est un Ă©pisode de l’histoire coloniale française Ă  la fois 
cĂ©lèbre et mal connu. C’est un exemple de conflit entre mĂ©moire et histoire, oĂą le 
dĂ©roulement rĂ©el des Ă©vĂ©nements a laissĂ© la place Ă  une lĂ©gende noire qui continue 
aujourd’hui de diviser ceux qui s’y intĂ©ressent. 
 

Document 1 : les causes de l’insurrection 
« Vous nous avez affamĂ©s en nous privant de riz par votre stupide rĂ©quisition.[…]Vous nous 
avez fait mourir de froid en rĂ©servant les tissus aux seuls EuropĂ©ens. Vous nous tenez en 
esclavage au moyen de l’indigĂ©nat et de votre justice indigène. Vous nous avez menti en nous 
disant que vous vous intĂ©ressiez Ă  nous alors que vous n’êtes que des exploiteurs. Nous avons 
lu la Charte de l’Atlantique. Nous avons assez souffert. Nous en avons assez. Allez-vous 
en…

 Â» [Ceci rĂ©sume l’état d’esprit de l’élite malgache]. Dans une pareille conjoncture, l’éveil 

Ă  la vie politique de l’île, avec l’élection de deux dĂ©putĂ©s malgaches Ă  l’AssemblĂ©e 
constituante française en octobre 1945, va donner Ă  la crise un tour aigu.[…] A partir 
d’octobre 1946, une double Ă©volution va dĂ©boucher sur l’insurrection. D’une part, le pouvoir 
colonial se raidit dans une politique de rĂ©pression, qui se traduit notamment par l’arrestation 
de nombreux cadres du MDRM*.[…] Une sociĂ©tĂ© secrète, la JINA [ou Jiny](Jeunesse 
nationaliste), noyaute le MDRM : les Français nous ont privĂ©s de notre indĂ©pendance par la 
violence, nous devons la reprendre par le mĂŞme moyen. Ce credo est Ă  l’origine de 
l’insurrection que la JINA va lancer le 29 mars 1947. 
J.FrĂ©migacci, 

La vérité sur la grande révolte de Madagascar

, l’Histoire n°318, mars 2007 

 

Le MDRM est le Mouvement DĂ©mocratique de la RĂ©novation Malgache, parti nationaliste souhaitant 

l’indĂ©pendance dans l’Union Française

 

 
 

Document 2 : le dĂ©clenchement de l’insurrection divise encore 
La thèse de la provocation  

FormĂ©es dans le culte des mouvements de rĂ©sistance Ă  la colonisation, les deux principales 
sociĂ©tĂ©s secrètes du moment, Panama (Patriotes nationalistes malgaches) et Jiny (…) 
entendaient arracher l’indĂ©pendance par la force. Avec le recul, elles considèrent cependant 
qu’elles ont Ă©tĂ© jetĂ©es prĂ©maturĂ©ment dans la bataille : un groupe manipulĂ© par la police avait 
lancĂ© le signal de l’action, les obligeant Ă  suivre. La thèse de la provocation (de la police, des 
colons, voire des Anglo-Saxons) est dĂ©sormais retenue par la plupart des chercheurs. 
Philippe Leymarie, 

Madagascar 1947, le début de la fin

, Manière de voir, 2002 

 

Une jacquerie paysanne 

Ecartons d’abord la thèse rĂ©pandue, mais fausse, selon laquelle l’insurrection aurait Ă©tĂ© le 
rĂ©sultat d’une manipulation de la sĂ»retĂ© coloniale destinĂ©e Ă  Ă©craser le MDRM. Parmi les 
arguments en faveur d’une telle hypothèse, certains avancent la totale imprĂ©paration de la 
rĂ©volte. 
De fait, le mouvement dĂ©marre le 29 mars sans aucune organisation ni projet d’ensemble.(…). 
Des centaines d’hommes hâtivement rassemblĂ©s, armĂ©s de sagaies et d’antsy (coupe-coupe 
malgache), sont lancĂ©s contre Moramanga et son camp militaire, contre les villes cĂ´tières de 
Manakara et de Vohipeno, et contre les concessions coloniales de ces districts. Outre les 
EuropĂ©ens, les insurgĂ©s attaquent tous ceux qui sont plus ou moins rĂ©putĂ©s pro-français (…). 
J.FrĂ©migacci, 

La vérité sur la grande révolte de Madagascar

, l’Histoire n°318, mars 2007 

 
 

Quels ont Ă©tĂ© les vrais instigateurs de l’insurrection ? 

L’administration coloniale, les colons français (…) sont convaincus de la responsabilitĂ© du 
MDRM. Pour des membres de ce parti et ses partisans français de mĂ©tropole, les Ă©vĂ©nements 

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Agnès LOTH- LycĂ©e de Bois d’Olive 

de 1947 et 1948 ont Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment provoquĂ©s par une administration coloniale dĂ©cidĂ©e Ă  
tout mettre en Ĺ“uvre pour anĂ©antir ce parti gĂ©nant. En revanche, pour les acteurs mĂŞme de 
l’insurrection, il s’agit d’un mouvement nationaliste authentique nĂ© de la volontĂ© de 
Malgaches dĂ©terminĂ©s Ă  chasser de Madagascar le colonisateur français par la lutte armĂ©e. 

Histoire générale de l’Afrique

, Edition abrĂ©gĂ©e, tome 8, PrĂ©sence africaine/Edicef/UNESCO, 

1998 
 

Document 3 : la rĂ©pression et le bilan, quels chiffres ? 

 

Des chiffres exagĂ©rĂ©s 

Les pratiques rituelles lors des poussĂ©s de violence paysanne (mutilation des cadavres…) crĂ©e 
un climat de paranoĂŻa qui permet de situer les crimes de guerre commis alors par les forces 
coloniales. Ils ont revĂŞtu une gravitĂ© particulière Ă  deux reprises (entre 120 et 160 cadres 
innocents du MDRM mitraillĂ©s dans un wagon en mai 1947 et une centaine de personnes 
massacrĂ©es dont un groupe de prisonniers jetĂ©s d’un avion) mais ont Ă©tĂ© amplifiĂ©s pour 
donner naissance Ă  une lĂ©gende noire, faisant de crimes d’exception la norme de la rĂ©pression. 
En fait, les armĂ©es coloniales n’avaient que peu Ă  craindre des insurgĂ©s qui, vu le dĂ©sĂ©quilibre 
de l’armement, optèrent vite pour une stratĂ©gie de harcèlement et furent progressivement 
isolĂ©s et affamĂ©s jusqu’à la capitulation en novembre 1948. 
Les Français organisent un grand procès qui cherche en rĂ©alitĂ© Ă  se dĂ©barrasser des chefs de 
partis nationalistes qui seront condamnĂ©s Ă  mort avant que leur peine soit commuĂ©e en prison 
Ă  vie en 1949. 
On estime le nombre de morts entre 30 000 et 40 000 : 10 000 de mort violente (au plus 2000 
victimes civiles des insurgĂ©s, entre 1000 et 2000 victimes des crimes de guerre coloniaux, et 
entre 5000 et 6000 insurgĂ©s tombĂ©s face aux militaires français ; et entre 20 000 et 30 000 
victimes de malnutrition et de la maladie. 
A partir de J.FrĂ©migacci, 

La vérité sur la grande révolte de Madagascar

, l’Histoire n°318, 

mars 2007 
 

Une pacification meurtrière 

Selon les comptes de l’Etat-major (…), la « pacification Â» a fait 89000 morts, avec tortures, 
exĂ©cutions sommaires, regroupement forcĂ©s, mise Ă  feu de villages. Le haut commissaire de 
ChevignĂ©, Ă  l’AssemblĂ©e nationale, avait donnĂ© une fourchette plus large : entre 90 000 et  
100 000. Et pour beaucoup de malgaches, la saignĂ©e a Ă©tĂ© plus massive encore. (…) Quant 
aux insurgĂ©s, ils sont responsables de la mort de 1900 malgaches et 550 europĂ©ens. 
Philippe Leymarie, 

Madagascar 1947, le début de la fin

, Manière de voir, 2002 

 

Questions sur les documents : 

1-

 

Relevez les causes de l’insurrection malgache en distinguant celles qui sont liĂ©es Ă  la 
situation coloniale et celles qui sont liĂ©es Ă  la guerre. 

2-

 

Quelle forme prend l’insurrection ? Quelles incertitudes existent encore sur son 
dĂ©clenchement ? Comment les expliquer ? 

3-

 

Comment se termine l’insurrection ? En quoi le dĂ©saccord sur le bilan de la rĂ©pression 
montre-t-il un conflit de mĂ©moires ? Quel problème cela pose-t-il pour Ă©crire 
l’Histoire ? 

4-

 

Le nationalisme malgache a-t-il Ă©tĂ© Ă©crasĂ© par cette rĂ©pression ? Cherchez dans un 
dictionnaire la date et les modalitĂ©s de l’accession dĂ©finitive de Madagascar Ă  
l’indépendance.