Marqueté, longue queue, une humble contenance
;
Un modeste regard et pourtant l'œil luisant :
Je le crois fort sympathisant
Avec Messieurs les rats, car il a des oreilles
En figure aux nôtres pareilles.
Jean de La Fontaine : extrait
de "Le Cochet, le Chat et le Souriceau".
Le chat, par son pelage soyeux, ses gestes gracieux, sa démarche
voluptueuse, son regard intense, ses miaulements si divers et
expressifs, son caractère indépendant, a charmé et inspiré de
nombreux artistes : peintres, écrivains, poètes, sculpteurs,
danseurs et musiciens.
Chers
lecteurs, je vous présente ici quelques musiciens qui, tout au long
des siècles, ont été séduits par le chat, en
mettant en musique sa voix, sa démarche et en le personnifiant par le
timbre d'un instrument de musique, mais aussi en s'inspirant de textes
et de poèmes. Il manque le son dans cet article mais vous pourrez
trouver ces enregistrements dans les discothèques de vos villes,
quartiers...
Ce sont Les
Egyptiens qui les premiers, il y a plus de 4 000
ans, ont "domestiqué" le chat. Il a vite conquis ses
lettres de noblesse puisqu'il va même trôner aux côtés des
pharaons et sera sacré
demi-dieu. Dans son livre, L'Antiquité expliquée (1722),
Bernard de Montfaucon nous fait part de la découverte de statuaires
égyptiennes représentant des sistres ornés de plusieurs chats et la
déesse Bastet, (qui incarne la féminité, la fertilité et les différents
aspects protecteurs de la maternité
avec un corps de femme et une tête de chat, tenant un sistre dans une
main.
Au Moyen-Age
,
le chat est considéré comme une créature
maléfique. L'Église trouve un lien obscur entre chat et sorcellerie
et lui fait subir des procès et des tortures. C'est à la fin de
cette période, au moment des grandes épidémies propagées par les
rats, qu'il va être réhabilité. Mais je n'ai trouvé aucune trace
du chat dans les musiques de cette période.
A
la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle
,
Adriano Banchiri, moine organiste, a
composé, pour voix a cappella : Festin du Jeudi-Gras ou
Contraponto bestiale (1608), mettant en scène un chien, un
chat, un coucou et une chouette qui chantent dans une composition
musicale proche du charivari, tumulte organisé et très écrit :
Cucù cucù
Chiùchiù
Gnau gnaugnara
gnau (Miaou en italien ancien)
Babau babau.
- Le violoniste italien, Carlo Farina, a écrit pour
violons un Capriccio stravagante (1627) composé d'un extrait
court appelé : Il gatto.
Cet extrait commence comme le début d'une chaconne. Puis,
c'est le silence et très vite un violon imite les miaulements du
chat, puis deux, puis trois…puis tous les violons miaulent.
L'extrait se termine vivement en staccatissimo (très détaché)
joué par l'ensemble des violons dans la nuance forte, comme
pour faire taire les chats.
Au
XVIIe siècle, au théâtre, lors des fêtes
royales, des divertissements musicaux ou intermèdes étaient chantés
ou dansés le plus souvent sans rapport avec la pièce représentée.
Ainsi pour la comédie de Molière La Comtesse d'Escarbagnas (1672)
Marc-Antoine Charpentier a composé
un intermède musical appelé le Trio des grotesques qui est
chanté, avec beaucoup d'humour, par trois hommes accompagnés au
clavecin.
Oh ! La belle
symphonie
Qu'elle est
douce
Qu'elle a d'appâts
Mettons-y la mélodie
Des chiens, des
chats et des rossignols d'Arcadie (ce sont les ânes) :
Coua, caou,
miaou, oua,oua,oua, oua, ou,
Miaou, miaou,
miaou,
Hi han, hi han,
hi han, hi han, hi han, hi
han;
Oh, oh, oh, le
joli concert, et la belle harmonie.
- Au même siècle, Domenico Scarlatti, claveciniste
italien transplanté en Espagne, a écrit le dernier des 30 : Sonate n°30
dite Fuga del Gato (1738). En préambule de cette sonate,
Scarlatti a écrit pour l'élève : Ne cherche pas dans ces
compositions une érudition profonde, mais plutôt un jeu ingénieux
avec l'art […].
À l'écoute on imagine facilement la démarche du chat courant
joyeusement sur les touches du clavecin.
Au
XVIIIe siècle, nous savons aujourd'hui
que Wofgang Amadeus Mozart a écrit et orchestré
le duo : "Nun Liebes Weibchen" (Alors chère petite
femme), lied en fa majeur (K. 625) pour soprano et basse
ainsi que le finale de l'acte II de l'opéra La Pierre philosophale
- Der Stein der Weisen en 1790 (le librettiste est Emanuel
Schikaneder). C'est le musicologue David Buch qui a retrouvé en 1996
un manuscrit complet de cet opéra dans lequel chaque numéro est
attribué à un compositeur. Dans cet opéra Lubano et Lubanara sont
deux bergers tout juste mariés, mais Lubanara est une femme un peu
frivole. Ayant suivi le méchant Eutifronte aux enfers, ce dernier,
pour l'empêcher de raconter ce qu'elle a vu, lui retire l'usage de la
parole : elle ne peut que miauler. Dans le duo, après une introduction d'orchestre, Lubano retrouve sa
femme et découvre qu'elle
a été ensorcelée par le diable. Il pense que rien ne peut la sauver
mais il espère que malgré tout elle lui restera fidèle. Lubanara ne
lui répond que par des miaulements expressifs
acquiesçant les paroles de Lubano (rassurez-vous, lecteur, à
la fin de l'opéra, Eutifronte retournera aux enfers et Lubanera
retrouvera sa voix).
Au
XIXe siècle, nous trouvons le fameux Duetto
buffo die due Gatti (vers 1822) pour deux voix, soprano et
mezzo-soprano, ou soprano et baryton, avec accompagnement au piano. Ce
duo ne serait pas de Gioacchino Rossini car une copie l'attribue à un
dénommé Berthold, dont je n'ai trouvé aucune référence(Ami
lecteur, si vous le connaissez, faites- le moi savoir). Rossini s'est
approprié ce morceau puisqu'il relate un événement qui lui est réellement
arrivé à Padoue, lorsqu'il imitait,
toutes les nuits à trois heures du matin, les miaulements d'un chat
sous les fenêtres de sa maîtresse pour qu'elle le reconnaisse et le
laisse entrer.
Comme le nom de cette œuvre l'indique, c'est une
bouffonnerie, l'utilisation des miaulements est comique. Il commence
par un Adagio, les Mia- u, Mi-au s'échangent
lentement entre les chanteurs : deux chattes qui se cherchent ou une
chatte et un chat qui se découvrent et s'attirent ? Puis, après deux
crachements félins écrits sur la partition : soffio =
souffle, le rythme s'accélère : Allegretto, les Mia-au et
Mia-u sont plus légers.Et
dans la dernière partie, c'est un festival de vocalises miauliques très
joyeuses, les deux chats se sont trouvés. Pour bien insister sur le
plaisir de la rencontre, ce passage est chanté et joué deux fois.
- Frédéric Chopin a composé pour
le piano Trois valses brillantes (op. 34) (1838). La troisième
en fa majeur, Vivace, est une pièce très courte, plein
de malice. C'est […]
une valse de salon pleine de brio. Elle se caractérise surtout
par de pittoresques appogiatures (42 mesures) bondissantes qui
lui ont valu le surnom de "Valse du chat" et qui auraient été
inspirées à Chopin par les sauts légers d'un petit chat sur les
touches de son clavier.(La musique de piano et de clavecin. Adélaïde
de Place. Éditions Fayard)
. Cette œuvre est souvent désignée par ce surnom, mais il n'est
vraisemblablement pas de Chopin qui détestait les sous-titres accolés
à ses œuvres.
- Jacques Offenbach a composé à partir de la fable
de La Fontaine : La chatte métamorphosée en Femme, un
"opéra-comique" du même nom, qui sera créé aux Bouffes
Parisiens le 19 avril 1858.
Il raconte les amours du jeune Guido pour sa chatte Minette. Dig-Dig,
un jongleur indien, propose au jeune homme, en invoquant Brahma, de
transformer la chatte en jeune fille. Guido accepte et se trouve
confronté à l'espiègle Minette. En fait cette féline apparition
n'est autre que la cousine de Guido qui, aidée par son intendant
(faux Dig-Dig), désirait donner une leçon à Guido. Finalement on
suit bien l'histoire ! (Le livret, arrangement de la fable de La
Fontaine, est de Eugène
Scribe et de Honoré Duveyrier dit Mélesville). Les journalistes apprécieront
cette pièce surtout le rôle de Minette par son jeu et son chant : "
Il faut voir avec quel charme elle trempe ses doigts dans la crème,
avec quelle coquetterie elle vous distribue ses petits coups de
griffes, avec quelle savante mimique elle remplit son rôle de chatte
et de femme !"( n °647 du 25 avril 1858, critique de La
Chatte métamorphosée en Femme par J. Lovy.)
. Cette œuvre n'est plus jouée en France mais fréquemment en
Allemagne.
- Modeste Moussorgsky, musicien russe, composa Enfantines
ou La Chambre d'Enfants (1872). C'est un cycle de sept mélodies
pour mezzo-soprano, avec accompagnement au piano dont l'une des mélodies
est Mimi Brigand ou Le Chat Matelot.Sur des mouvements
assez rapides : Vivo, Allegro, Moderato
puis Allegro meno vivo, elle raconte l'histoire d'un
enfant qui revient dans la chambre pour chercher une ombrelle et qui
surprend le chat de la maison, essayant d'attraper le bouvreuil dans
sa cage :
Je regarde un
instant la fenêtre : oh, je vois, notre chat noir, notre Mimi couché
sur la cage du bouvreuil !
Le pauvre
oiseau tremblant se cache et crie.
Va, attends,
monstre ! Oh, oh ! Tu veux croquer notre oiseau gare ! Je te tiens !
Oui gare !
Je restais bien
tranquille sur place, faisant l'aveugle, mais d'un œil je surveille
sa patte : chose étrange !
Il dardait ses
prunelles vertes sur moi, fourrant ses griffes dans la cage :
Dès qu'il
voulut attraper mon bouvreuil ! Je l'ai frappé fort ! Ici
il y a un point d'orgue : suspense.
La fin de l'histoire est écrite dans un
mouvement Moderato. L'enfant en tapant sur les barreaux pour
faire partir le chat s'est fait mal aux doigts :
Mère que cette
cage était dure […] Mais ce chat quel brigand, maman dis !
Ces derniers mots de l'enfant sont voulus ad
lib. parlendo (parlé à volonté) par Moussorgsky. Alors que le récit
de l'enfant est forte, lorsqu'il parle du chat : couché sur
la cage du bouvreuil… fourrant ses griffes dans la cage… la
nuance est, brusquement pianissimo,
comme pour ne pas attirer le chat mais le surprendre au bon moment. Le
morceau se termine par un accord qui laisse en suspens la fin de cette
histoire.
Au
XXe siècle, le pianiste de jazz, Zez
Confrey, a composé en 1919, dans un style très joyeux, Kitten
on the Keys (Minet sur les touches du piano) qu'il enregistra
d'abord pour piano mécanique, puis pour le phonographe.C'est
l'histoire d'un chat malicieux qui court sur le clavier, ce morceau
eut un succès énorme. Nous avons trouvé ce même thème chez
Domenico Scarlatti dans l'écriture de sa Fugue du chat pour
clavecin, trois siècles plus tôt. Il semblerait que Zez Confrey,
ayant fait des études classiques en musique au Conservatoire de
Chicago, ait entendu la Fugue du chat et a cherché à
s'en inspirer.
Igor Stravinsky a composé, sur des textes populaires russes, Berceuses
du chat (1915), suite de quatre mélodies courtes pour contralto
et trois clarinettes : la mère (la voix) et l'enfant, la chatte et
les chatons (les trois clarinettes). À partir de cette période,
le chat sera souvent représenté par le jeu et le timbre de la
clarinette.
I. Sur
le poêle
Dors sur le poêle,
bien au chaud, chat ;
La pendule bat
; elle bat, mais pas pour toi.
L'ambiance est calme, sereine.
II. Intérieur
Le chat, dans
un coin casse des noisettes.
La chatte sur
le foyer, fait sa toilette et les petits chats ont mis des lunettes.
Guignent, les
petits si le vieux n'a pas fini ; pas encore mais tant pis.
Ici les clarinettes font des mélismes (groupes
de notes en ornement de la mélodie) soulignant les attitudes différentes
des chats.
III. Dodo
Dodo,
l'enfant do, l'enfant dormira bientôt…
Aujourd'hui le
chat a mis son bel habit gris, pour faire la chasse aux souris.
Dodo, l'enfant
do, l'enfant dormira bientôt…
Ôtera son bel
habit si l'enfant n'est pas gentil
Dodo, l'enfant
do, l'enfant dormira bientôt…
Une réminiscence de la chanson populaire : Dodo
l'enfant do.
IV. Ce qu'il a, le chat ?
Ce qu'il a, le
chat, c'est un beau berceau, coussin blanc, un tout fin drap; un chaud
bonnet…
Mon enfant à
moi en a un bien plus beau, plus blanc, plus fin, plus chaud …que ça
!
Les clarinettes doublent le chant à l'octave supérieure.
Dans cette œuvre, Igor Stravinsky associe le timbre des trois
clarinettes à celui de la chanteuse, créant une intimité douillette
et paisible.
- Erik Satie a composé, pour piano et
chant, un recueil de très courtes pièces pleines de surprises : Ludions
(1923), écrites sur des poèmes de Léon-Paul Fargue dans un
style quelque peu étonnant. Dans sa dernière mélodie il parle gaiement
du chat :
Chanson du chat
1. Il est une bébête
Tili petit n'enfant Tirelan
C'est une
byronnete, la beste à sa moman Tirelan
Le petit
n'enfant c'est un ti blan-blanc, un petit Potasson
C'est mon
goret, c'est mon pourçon, mon petit Potasson.
2. Il saute sur la fenêtre et groume du museau Tirelo
Pasqu'il voit
sur la crête s'découper les oiseaux Tirelo
Le petit
n'enfant c'est un ti blo-blo, un petit Potasson
C'est mon
goret, c'est mon pourçeau, mon petit Potasson.
Deux strophes régulières sont écrites sur une mélodie
légère. Les paroles, en imitant faussement le parlé enfantin,
cherchent à attirer l'attention de l'enfant sur le comportement du
chat.
- Maurice
Ravel a composé sur un texte de Colette une Fantaisie
lyrique, pour orchestre, solistes et choeurs : L'enfant et les
sortilèges (1925). Dans la deuxième partie de cette œuvre,
c'est le soir. Voici le texte de Colette :
Le Chat noir sort lentement de dessous le
fauteuil. Il s'étire, baille et fait sa toilette. […]
Le Chat joue, et roule une balle de laine
[…] La Chatte blanche paraît dans le jardin et
lance un appel voluptueux au Chat noir : Mi-in-hou !
Le Chat interrompt son jeu.
Ici deux clarinettes représentent les deux chats. Nous
entendons uniquement des miaulements très expressifs. Colette, qui
aimait les chats, a choisi des onomatopées, tout d'abord, très
nasales pour représenter le langage chat ; grave pour le Chat : Môr-nâ-ou-nâ-ou,
Moâ-ou ; plus tendre pour la Chatte : M
i- in - hou ! Mé-in-hou. Puis les deux chats se livrent à
leurs ébats avec sensualité sur des glissandi dans un tempo
rapide avec des intensités qui varient beaucoup à
l'orchestre. Mais lorsque le Chat tente de s'approcher de la Chatte,
celle-ci se dérobe coquette en
crachant Ft ! Puis
le Chat va rejoindre la Chatte sur des hon-hin-honhin
honhin … de plus en plus forts et le plafond s'envole
et l'Enfant se trouve, avec le Chat et la Chatte, dans le jardin éclairé
par la pleine lune et la lueur rose du couchant. Progressivement
la couleur de l'orchestre va s'enrichir par les divisions des
pupitres, le tempo va s'accélérer pour exploser en un
formidable fortissimo. Ce duo miaulé voluptueux bouscula
quelque peu les mentalités bien-pensantes de la société bourgeoise
de l'époque.
- Henri Sauguet a écrit en 1927 un ballet
en un acte : La Chatte, sur une commande de Diaghilev pour les
Ballets Russes avec Georges Balanchine comme chorégraphe. Ce ballet
s'inspire d'une fable d'Ésope (VIe siècle avant JC-
fabuliste grec qui a inspiré quelques siècles après Jean de La
Fontaine.) reprise par La Fontaine (nous avons vu que ce même sujet a
été traité par Offenbach mais sous la forme d'opérette.) :
Un jeune homme avait un amour violent pour une Chatte, qu'il
pria très instamment la Déesse Vénus de la métamorphoser en femme.
Vénus, touchée de compassion pour ce jeune homme, transforma la
chatte en une belle jeune fille d'une rare beauté. […] Ils ne
furent pas plutôt dans le lit, que Vénus pour éprouver cette fille,
et pour savoir si en changeant de figure elle avait aussi changé de
tempérament, lâcha un rat dans sa chambre. Alors cette nouvelle épouse
oubliant son amant et le lit nuptial, sauta hors du lit, et se mit à
poursuivre le rat pour le manger. La Déesse, irritée de sa légèreté,
lui rendit sa première forme, et la fit redevenir Chatte.
Ce ballet fut créé à Monte-Carlo le 30 avril
1927 et donné plus de 200 fois entre 1927 et 1929 jusqu'à la mort de
Diaghilev. C'est dans un décor très futuriste - structures métallisées-
(nous sommes en1927 !) que se joue ce ballet en opposition avec la
musique de Sauguet qui est d'une grande richesse mélodique ; on y
retrouve à un moment l'écho d'une valse de Richard Strauss (Richard
Strauss félicitera Henri Sauguet pour son ballet par l'intermédiaire
de Diaghilev.).
L'œuvre est très gaie, le jeu des danseurs très expressif.
Elle eut les faveurs de la critique, ce qui valut à Henri Sauguet d'être
reconnu comme compositeur de ballet.
- Henri Sauguet a aussi mis en musique,
pour voix et piano, le poème de Charles Baudelaire extrait des Fleurs
du mal : Le chat (1938)
Dans ma
cervelle se promène
Ainsi qu'en son
appartement
Un beau chat,
fort, doux et charmant.
Quand il
miaule, on l'entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais sa voix
s'apaise et gronde,
Elle est
toujours riche et profonde.
C'est là son
charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds
le plus ténébreux,
Me remplit
comme un vers nombreux
Et me réjouit
comme un philtre.
Elle endort les
plus cruels maux
Et contient
toutes les extases ;
Pour dire les
plus longues phrases,
Elle n'a pas
besoin de mots.
Non, il n'est
pas d'archet qui morde
Sur mon cœur,
parfait instrument,
Et fasse plus
royalement
Chanter sa plus
vibrante corde,
Que ta voix,
chat mystérieux,
Chat séraphique,
chat étrange,
En qui tout
est, comme en un ange,
Aussi subtil
qu'harmonieux !
L'accompagnement lent au piano et les inflexions
de la mélodie accentuent la nostalgie de ce poème.
- Serge Prokofiev a écrit un conte
musical Pierre et le Loup (1936) en s'inspirant d'un conte
russe. Il permet à l'auditeur d'apprendre à reconnaître les
instruments et les thèmes musicaux qui représentent chaque
personnage du conte. Le chat joue un rôle dans cette histoire.
Il est tenu par la clarinette. Un récitant raconte l'action au fur et
à mesure de son déroulement. Ici notre chat est le prédateur, il
apparaît sournois, rampant dans les hautes herbes : l'oiseau est
occupé à discuter (avec le canard). Je vais en faire mon déjeuner.
Et comme un voleur, il avançait sur ses pattes de velours. Mais
l'oiseau entendant le cri de Pierre va se percher en haut d'un arbre.
Lorsque le loup arrive notre chat perd de sa superbe et va aussi se réfugier
au sommet d'un autre arbre. De là, il observera, sans prendre aucun
risque, l'oiseau aidant Pierre à capturer le loup.
- Manuel Rosenthal a composé en
collaboration avec Nino (pseudonyme de Michel Veber, beau-frère de
Jacques Ibert) Chansons de Monsieur Bleu (1940). C'est un
recueil de12 mélodies
pour chant et piano, dont la septième est une complainte bien cruelle
et triste, la mort de Minet : Chanson du chat.
C'est le vilain
monsieur de la maison voisine
Qui a tué
Minet d'un coup de carabine
Nous l'avons
mis en terre au fond du jardinet ;
Près de lui
j'ai posé la poupée de baudruche, la bobine de fil, le coussin de
peluche
Où ronronnait
Minet.
Et depuis la
pluie tombe et mouille le jardin, le vieux marronnier pleure sur la
petite tombe ;
Les feuilles
ont du chagrin.
L'écriture musicale est riche, quelque peu "ravélienne".
Le mouvement est modérément lent, très nostalgique
rappelant le souvenir de Minet, ses jeux, son comportement. À
la fin du morceau, des arpèges au piano suggèrent le chagrin de la
nature accompagnant la mort du chat.
- Luciano
Berio a composé l'Opus Number Zoo (1951). Avec beaucoup
d'humour, il raconte quatre histoires dont l'une s'appelle : Histoire
de matous. Elle est contée par un récitant et accompagnée par
une clarinette, un cor, un basson.
Dans une cité, deux
matous, Omar et Bartholomew, sont jaloux l'un de l'autre. Omar
a de belles moustaches et Bartholomew une queue impressionnante. Lors
d'une rencontre, ils se battent. Moralité : l'un perd ses moustaches,
l'autre sa queue.
Les sonorités musicales frottent, Bério joue
beaucoup sur les intensités piano et forte. Cette
musique me rappelle, par les timbres et les sonorités, l'Histoire
du soldat (1882) de Igor Stravinsky.
- Francis Poulenc a beaucoup écrit pour la voix
dont un cycle de sept mélodies, La Courte Paille (1961), pour
voix et piano, sur des textes de Maurice Carême. Poulenc disait avoir
composé ses mélodies pour que Denise Duval les chante à son
petit garçon de dix ans. Ces croquis, tour à tour mélancoliques ou
malicieux, sont sans prétention (Journal
de mes mélodies). Je vous laisse découvrir le comportement et le
personnage qu'est ce chat, à la lecture du texte de la 4e mélodie
: Ba, be, bi, bo, bu…
Ba, be, bi, bo, bu, bé !
Le chat a mis
ses bottes
Il va de porte
en porte
Jouer, danser,
chanter
Pou, chou, genou, hibou.
Tu dois
apprendre à lire,
À compter, à
écrire,
Lui crie-t-on
de partout.
Mais rikketikketau,
Le chat de
s'esclaffer,
En rentrant au
château :
Il est le Chat
botté !
C'est le… Chat botté, référence au conte de
Charles Perrault. La mélodie est très enlevée, voulue par les
annotations de Poulenc : Très gai, follement vite et surtout sans
ralentir à la fin, nous sommes dans le monde du merveilleux, du rêve.
- En ce jour, où la maison de disques VDE-GALLO
rend hommage à Jean-Joël Barbier (1920-1994) poète et musicien,
admirateur d'Erik Satie, Jean Wiéner, Claude Debussy, je me
dois de citer l'une de ses mélodie pour voix et piano composée sur
un poème de Louis Cadet: Chanson du chat gris (1979)
Heure très belle
et très fine,
Où le soleil non
pareil qui décline
Promène sur le
mur de longues tresses d'or
Oh ! regarde…
Sur le gazon
devant la maison…
Le chat gris à la
queue rayée
Qui, charmant
tigre domestique,
Lève une patte délicate
Et joue avec un
moustique.
Après une introduction
au piano, la mélodie décrit le coucher de soleil dans un
jardin. Mais des accords interrompent cette description pour admirer
les mouvements gracieux et délicats du félin de la maison sur une
note répétée, un mi, jouée de plus en plus vite. Le piano
seul termine ce morceau, parodiant le jeu du chat qui finit par
attraper l'insecte sur une appogiature (ornement) brève mi/fa.
-
Andrew Lloyd Webber a composé la comédie musicale Cats
(1981).
L'histoire de chats
qui sont réunis dans une décharge publique et qui évoquent leur
destin ou celui de leurs amis. Puis la doyenne des chats, Grisabelle,
sera guidée par le sage Deuteronome
jusqu'au Félinosphère, l'endroit où les chats vont pour leur
dernier repos : le paradis des chats.
Elle évoque la vie,
l'amour et la mort du monde des félins dans un climat qui capte l'émotion
et l'exaltation. Cette comédie musicale eut un grand succès dans les
années 1980 à Londres et à Paris.
- C'est volontairement que je n'ai pas parlé de Gabriel Fauré qui
dans sa suite pour piano à quatre mains a écrit Dolly (1896).
Pour la pièce Mi-a-ou je fais confiance à Marguerite Long qui
nous dit
que : "…dans Mi-a-ou, Fauré ne fait pas allusion aux ébats
d'un chaton mais au surnom que Dolly donnait à son frère."
-
Je ne parle pas non plus de Pierre Boulez dont certains
musicologues pensent qu'il se serait inspiré du Chat Murr
d'Hoffmann (Roman
traduit en français par Madeleine Laval aux éditions Phébus
libretto).
dans le second livre de ses Structures pour deux pianos.
Personnellement je n'ai entendu, ni vu, aucune allusion descriptive,
se rapportant aux aventures du Chat Murr quelque peu borné,
quoique sachant lire et écrire, et à celles d'un musicien fou, dans
l'œuvre de Boulez ou alors… nous avons affaire à un Chat trop
savant !
Et
les chats, que pensent-ils de la musique ?
Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin.
Charles
Baudelaire
Pour toutes discographies, ou enregistrements anciens des
extraits cités dans cet article, vous pouvez contacter la Société
Symphonique et Chorale :
symphonique.chorale@wanadoo.fr