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Le chat et la musique 

par Marie Françoise Bourdot

Les Egyptiens
Au Moyen-Age

XVIe siècle
XVIIe siècle
XVIIIe siècle

XIXe siècle
XXe siècle

Marqueté, longue queue, une humble contenance ;
Un modeste regard et pourtant l'œil luisant :
Je le crois fort sympathisant
Avec Messieurs les rats, car il a des oreilles
En figure aux nôtres pareilles.
Jean de La Fontaine : extrait de "Le Cochet, le Chat et le Souriceau".

Le chat, par son pelage soyeux, ses gestes gracieux, sa démarche voluptueuse, son regard intense, ses miaulements si divers et expressifs, son caractère indépendant, a charmé et inspiré de nombreux artistes : peintres, écrivains, poètes, sculpteurs, danseurs et musiciens.

Chers lecteurs, je vous présente ici quelques musiciens qui, tout au long des siècles, ont été séduits par le chat, en mettant en musique sa voix, sa démarche et en le personnifiant par le timbre d'un instrument de musique, mais aussi en s'inspirant de textes et de poèmes. Il manque le son dans cet article mais vous pourrez trouver ces enregistrements dans les discothèques de vos villes, quartiers...

Ce sont Les Egyptiens qui les premiers, il y a plus de 4 000 ans, ont "domestiqué" le chat. Il a vite conquis ses lettres de noblesse puisqu'il va même trôner aux côtés des pharaons et sera   sacré demi-dieu. Dans son livre, L'Antiquité expliquée (1722), Bernard de Montfaucon nous fait part de la découverte de statuaires égyptiennes représentant des sistres ornés de plusieurs chats et la déesse Bastet, (qui incarne la féminité, la fertilité et les différents aspects protecteurs de la maternité) avec un corps de femme et une tête de chat, tenant un sistre dans une main.


Au Moyen-Age
,
le chat est considéré comme une créature maléfique. L'Église trouve un lien obscur entre chat et sorcellerie et lui fait subir des procès et des tortures. C'est à la fin de cette période, au moment des grandes épidémies propagées par les rats, qu'il va être réhabilité. Mais je n'ai trouvé aucune trace du chat dans les musiques de cette période.

A la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle , Adriano Banchiri, moine organiste,  a composé, pour voix a cappella : Festin du Jeudi-Gras ou Contraponto bestiale (1608), mettant en scène un chien, un chat, un coucou et une chouette qui chantent dans une composition musicale proche du charivari, tumulte organisé et très écrit :

Cucù cucù

Chiùchiù

Gnau gnaugnara gnau (Miaou en italien ancien)

Babau babau.

   - Le violoniste italien, Carlo Farina, a écrit pour violons un Capriccio stravagante (1627) composé d'un extrait court appelé : Il gatto.

Cet extrait commence comme le début d'une chaconne. Puis, c'est le silence et très vite un violon imite les miaulements du chat, puis deux, puis trois…puis tous les violons miaulent. L'extrait se termine vivement en staccatissimo (très détaché) joué par l'ensemble des violons dans la nuance forte, comme pour faire taire les chats.                                   


Au XVIIe siècle, au théâtre, lors des fêtes royales, des divertissements musicaux ou intermèdes étaient chantés ou dansés le plus souvent sans rapport avec la pièce représentée. Ainsi pour la comédie de Molière La Comtesse d'Escarbagnas (1672) Marc-Antoine Charpentier a  composé un intermède musical appelé le Trio des grotesques qui est chanté, avec beaucoup d'humour, par trois hommes accompagnés au clavecin.

Oh ! La belle symphonie

Qu'elle est douce

Qu'elle a d'appâts

Mettons-y la mélodie

Des chiens, des chats et des rossignols d'Arcadie (ce sont les ânes) :

Coua, caou, miaou, oua,oua,oua, oua, ou,

Miaou, miaou, miaou,

Hi han, hi han,  hi han, hi han, hi han,  hi han;

Oh, oh, oh, le joli concert, et la belle harmonie.

- Au même siècle, Domenico Scarlatti, claveciniste italien transplanté en Espagne, a écrit le dernier des 30 : Sonate n°30 dite Fuga del Gato (1738). En préambule de cette sonate, Scarlatti a écrit pour l'élève : Ne cherche pas dans ces compositions une érudition profonde, mais plutôt un jeu ingénieux avec l'art […].
À l'écoute on imagine facilement la démarche du chat courant joyeusement sur les touches du clavecin.

Au  XVIIIe siècle, nous savons aujourd'hui que Wofgang Amadeus Mozart a écrit et   orchestré le duo : "Nun Liebes Weibchen" (Alors chère petite femme), lied en fa majeur (K. 625) pour soprano et basse ainsi que le finale de l'acte II de l'opéra La Pierre philosophale - Der Stein der Weisen en 1790 (le librettiste est Emanuel Schikaneder). C'est le musicologue David Buch qui a retrouvé en 1996 un manuscrit complet de cet opéra dans lequel chaque numéro est attribué à un compositeur. Dans cet opéra Lubano et Lubanara sont deux bergers tout juste mariés, mais Lubanara est une femme un peu frivole. Ayant suivi le méchant Eutifronte aux enfers, ce dernier, pour l'empêcher de raconter ce qu'elle a vu, lui retire l'usage de la parole : elle ne peut que miauler. Dans le duo, après une introduction d'orchestre, Lubano retrouve sa femme et découvre    qu'elle a été ensorcelée par le diable. Il pense que rien ne peut la sauver mais il espère que malgré tout elle lui restera fidèle. Lubanara ne lui répond que par des miaulements expressifs  acquiesçant les paroles de Lubano (rassurez-vous, lecteur, à la fin de l'opéra, Eutifronte retournera aux enfers et Lubanera retrouvera sa voix).

Au  XIXe siècle, nous trouvons le fameux  Duetto buffo die due Gatti (vers 1822) pour deux voix, soprano et mezzo-soprano, ou soprano et baryton, avec accompagnement au piano. Ce duo ne serait pas de Gioacchino Rossini car une copie l'attribue à un dénommé Berthold, dont je n'ai trouvé aucune référence(Ami lecteur, si vous le connaissez, faites- le moi savoir). Rossini s'est approprié ce morceau puisqu'il relate un événement qui lui est réellement arrivé à Padoue, lorsqu'il  imitait, toutes les nuits à trois heures du matin, les miaulements d'un chat sous les fenêtres de sa maîtresse pour qu'elle le reconnaisse et le laisse entrer.

Comme le nom de cette œuvre l'indique, c'est une bouffonnerie, l'utilisation des miaulements est comique. Il commence par un Adagio, les Mia- u, Mi-au  s'échangent lentement entre les chanteurs : deux chattes qui se cherchent ou une chatte et un chat qui se découvrent et s'attirent ? Puis, après deux crachements félins écrits sur la partition : soffio = souffle, le rythme s'accélère : Allegretto, les Mia-au et Mia-u  sont plus légers.Et dans la dernière partie, c'est un festival de vocalises miauliques très joyeuses, les deux chats se sont trouvés. Pour bien insister sur le plaisir de la rencontre, ce passage est chanté et joué deux fois.

- Frédéric Chopin a composé  pour le piano Trois valses brillantes (op. 34) (1838). La troisième en fa majeur, Vivace, est une pièce très courte, plein de malice. C'est  […]  une valse de salon pleine de brio. Elle se caractérise surtout par de pittoresques appogiatures (42 mesures) bondissantes qui lui ont valu le surnom de "Valse du chat" et qui auraient été inspirées à Chopin par les sauts légers d'un petit chat sur les touches de son clavier.(La musique de piano et de clavecin. Adélaïde de Place. Éditions Fayard) . Cette œuvre est souvent désignée par ce surnom, mais il n'est vraisemblablement pas de Chopin qui détestait les sous-titres accolés à ses œuvres.

- Jacques Offenbach a composé à partir de la fable de La Fontaine : La chatte métamorphosée en Femme, un "opéra-comique" du même nom, qui sera créé aux Bouffes Parisiens le 19 avril 1858. 
Il raconte les amours du jeune Guido pour sa chatte Minette. Dig-Dig, un jongleur indien, propose au jeune homme, en invoquant Brahma, de transformer la chatte en jeune fille. Guido accepte et se trouve confronté à l'espiègle Minette. En fait cette féline apparition n'est autre que la cousine de Guido qui, aidée par son intendant (faux Dig-Dig), désirait donner une leçon à Guido. Finalement on suit bien l'histoire ! (Le livret, arrangement de la fable de La Fontaine, est de  Eugène Scribe et de Honoré Duveyrier dit Mélesville). Les journalistes apprécieront cette pièce surtout le rôle de Minette par son jeu et son chant : " Il faut voir avec quel charme elle trempe ses doigts dans la crème, avec quelle coquetterie elle vous distribue ses petits coups de griffes, avec quelle savante mimique elle remplit son rôle de chatte et de femme !"( n °647 du 25 avril 1858, critique de La Chatte métamorphosée en Femme par J. Lovy.) . Cette œuvre n'est plus jouée en France mais fréquemment en Allemagne.

- Modeste Moussorgsky, musicien russe, composa Enfantines ou La Chambre d'Enfants (1872). C'est un cycle de sept mélodies pour mezzo-soprano, avec accompagnement au piano dont l'une des mélodies est Mimi Brigand ou Le Chat Matelot.Sur des mouvements assez rapides : Vivo, Allegro, Moderato  puis Allegro meno vivo, elle raconte l'histoire d'un enfant qui revient dans la chambre pour chercher une ombrelle et qui surprend le chat de la maison, essayant d'attraper le bouvreuil dans sa cage :  

Je regarde un instant la fenêtre : oh, je vois, notre chat noir, notre Mimi couché sur la cage du bouvreuil !

Le pauvre oiseau tremblant se cache et crie.

Va, attends, monstre ! Oh, oh ! Tu veux croquer notre oiseau gare ! Je te tiens ! Oui gare !

Je restais bien tranquille sur place, faisant l'aveugle, mais d'un œil je surveille sa patte : chose étrange !

Il dardait ses prunelles vertes sur moi, fourrant ses griffes dans la cage :

Dès qu'il voulut attraper mon bouvreuil ! Je l'ai frappé fort ! Ici il y a un point d'orgue : suspense.

La fin de l'histoire est écrite dans un mouvement Moderato. L'enfant en tapant sur les barreaux pour faire partir le chat s'est fait mal aux doigts :

Mère que cette cage était dure […] Mais ce chat quel brigand, maman dis !

Ces derniers mots de l'enfant sont voulus ad lib. parlendo (parlé à volonté) par Moussorgsky. Alors que le récit de l'enfant est forte, lorsqu'il parle du chat : couché sur la cage du bouvreuil… fourrant ses griffes dans la cage… la nuance est, brusquement  pianissimo, comme pour ne pas attirer le chat mais le surprendre au bon moment. Le morceau se termine par un accord qui laisse en suspens la fin de cette histoire.

Au XXe siècle, le pianiste de jazz, Zez Confrey, a composé en 1919, dans un style très joyeux,  Kitten on the Keys (Minet sur les touches du piano) qu'il enregistra d'abord pour piano mécanique, puis pour le phonographe.C'est l'histoire d'un chat malicieux qui court sur le clavier, ce morceau eut un succès énorme. Nous avons trouvé ce même thème chez Domenico Scarlatti dans l'écriture de sa Fugue du chat pour clavecin, trois siècles plus tôt. Il semblerait que Zez Confrey, ayant fait des études classiques en musique au Conservatoire de Chicago, ait entendu la Fugue du chat et a cherché à s'en inspirer.

Igor Stravinsky a composé, sur des textes populaires russes, Berceuses du chat (1915), suite de quatre mélodies courtes pour contralto et trois clarinettes : la mère (la voix) et l'enfant, la chatte et les chatons (les trois clarinettes). À partir de cette période, le chat sera souvent représenté par le jeu et le timbre de la clarinette.       

I.  Sur le poêle

Dors sur le poêle, bien au chaud, chat ;

La pendule bat ; elle bat, mais pas pour toi.

L'ambiance est calme, sereine.

II. Intérieur

Le chat, dans un coin casse des noisettes.

La chatte sur le foyer, fait sa toilette et les petits chats ont mis des lunettes.

Guignent, les petits si le vieux n'a pas fini ; pas encore mais tant pis.

Ici les clarinettes font des mélismes (groupes de notes en ornement de la mélodie) soulignant les attitudes différentes des chats.

III. Dodo

Dodo, l'enfant do, l'enfant dormira bientôt…

Aujourd'hui le chat a mis son bel habit gris, pour faire la chasse aux souris.

Dodo, l'enfant do, l'enfant dormira bientôt…

Ôtera son bel habit si l'enfant n'est pas gentil

Dodo, l'enfant do, l'enfant dormira bientôt…

Une réminiscence de la chanson populaire : Dodo l'enfant do.

IV. Ce qu'il a, le chat ?

Ce qu'il a, le chat, c'est un beau berceau, coussin blanc, un tout fin drap; un chaud bonnet…

Mon enfant à moi en a un bien plus beau, plus blanc, plus fin, plus chaud …que ça !

Les clarinettes doublent le chant à l'octave supérieure. Dans cette œuvre, Igor Stravinsky associe le timbre des trois clarinettes à celui de la chanteuse, créant une intimité douillette et paisible.

- Erik Satie a composé, pour piano et chant, un recueil de très courtes pièces pleines de surprises : Ludions (1923), écrites sur des poèmes de Léon-Paul Fargue dans un style quelque peu étonnant. Dans sa dernière mélodie il parle gaiement du chat :

Chanson du chat   

1. Il est une bébête Tili petit n'enfant Tirelan

C'est une byronnete, la beste à sa moman Tirelan

Le petit n'enfant c'est un ti blan-blanc, un petit Potasson

C'est mon goret, c'est mon pourçon, mon petit Potasson.

 2. Il saute sur la fenêtre et groume du museau Tirelo

Pasqu'il voit sur la crête s'découper les oiseaux Tirelo

Le petit n'enfant c'est un ti blo-blo, un petit Potasson

C'est mon goret, c'est mon pourçeau, mon petit Potasson.

 Deux strophes régulières sont écrites sur une mélodie légère. Les paroles, en imitant faussement le parlé enfantin, cherchent à attirer l'attention de l'enfant sur le comportement du chat.   

 - Maurice Ravel a composé sur un texte de Colette une Fantaisie lyrique, pour orchestre, solistes et choeurs : L'enfant et les sortilèges (1925). Dans la deuxième partie de cette œuvre, c'est le soir. Voici le texte de Colette :

Le Chat noir sort lentement de dessous le fauteuil. Il s'étire, baille et fait sa toilette. […]

Le Chat joue, et roule une balle de laine […] La Chatte blanche paraît dans le jardin  et lance un appel voluptueux au Chat noir : Mi-in-hou !

Le Chat interrompt son jeu.  

 Ici deux clarinettes représentent les deux chats. Nous entendons uniquement des miaulements très expressifs. Colette, qui aimait les chats, a choisi des onomatopées, tout d'abord, très nasales pour représenter le langage chat ; grave pour le Chat : Môr-nâ-ou-nâ-ou, Moâ-ou ; plus tendre pour la Chatte : M i- in - hou ! Mé-in-hou. Puis les deux chats se livrent à leurs ébats avec sensualité sur des glissandi dans un tempo rapide avec des intensités qui varient beaucoup à l'orchestre. Mais lorsque le Chat tente de s'approcher de la Chatte, celle-ci se dérobe coquette  en crachant  Ft !  Puis le Chat va rejoindre la Chatte sur des  hon-hin-honhin honhin … de plus en plus forts et le plafond s'envole et l'Enfant se trouve, avec le Chat et la Chatte, dans le jardin éclairé par la pleine lune et la lueur rose du couchant. Progressivement la couleur de l'orchestre va s'enrichir par les divisions des pupitres, le tempo va s'accélérer pour exploser en un formidable fortissimo. Ce duo miaulé voluptueux bouscula quelque peu les mentalités bien-pensantes de la société bourgeoise de l'époque.

- Henri Sauguet a écrit en 1927 un ballet en un acte : La Chatte, sur une commande de Diaghilev pour les Ballets Russes avec Georges Balanchine comme chorégraphe. Ce ballet s'inspire d'une fable d'Ésope (VIe siècle avant JC- fabuliste grec qui a inspiré quelques siècles après Jean de La Fontaine.) reprise par La Fontaine (nous avons vu que ce même sujet a été traité par Offenbach mais sous la forme d'opérette.) :

Un jeune homme avait un amour violent pour une Chatte, qu'il pria très instamment la Déesse Vénus de la métamorphoser en femme. Vénus, touchée de compassion pour ce jeune homme, transforma la chatte en une belle jeune fille d'une rare beauté. […] Ils ne furent pas plutôt dans le lit, que Vénus pour éprouver cette fille, et pour savoir si en changeant de figure elle avait aussi changé de tempérament, lâcha un rat dans sa chambre. Alors cette nouvelle épouse oubliant son amant et le lit nuptial, sauta hors du lit, et se mit à poursuivre le rat pour le manger. La Déesse, irritée de sa légèreté, lui rendit sa première forme, et la fit redevenir Chatte.

Ce ballet fut créé à Monte-Carlo le 30 avril 1927 et donné plus de 200 fois entre 1927 et 1929 jusqu'à la mort de Diaghilev. C'est dans un décor très futuriste - structures métallisées- (nous sommes en1927 !) que se joue ce ballet en opposition avec la musique de Sauguet qui est d'une grande richesse mélodique ; on y retrouve à un moment l'écho d'une valse de Richard Strauss (Richard Strauss félicitera Henri Sauguet pour son ballet par l'intermédiaire de Diaghilev.).  
L'œuvre est très gaie, le jeu des danseurs très expressif. Elle eut les faveurs de la critique, ce qui valut à Henri Sauguet d'être reconnu comme compositeur de ballet.

- Henri Sauguet a aussi mis en musique, pour voix et piano, le poème de Charles Baudelaire extrait des Fleurs du mal : Le chat (1938)

Dans ma cervelle se promène

Ainsi qu'en son appartement

Un beau chat, fort, doux et charmant.

Quand il miaule, on l'entend à peine,

 Tant son timbre est tendre et discret ;

Mais sa voix s'apaise et gronde,

Elle est toujours riche et profonde.

C'est là son charme et son secret.

Cette voix, qui perle et qui filtre

Dans mon fonds le plus ténébreux,

Me remplit comme un vers nombreux

Et me réjouit comme un philtre.

 

Elle endort les plus cruels maux

Et contient toutes les extases ;

Pour dire les plus longues phrases,

Elle n'a pas besoin de mots.

 

Non, il n'est pas d'archet qui morde

Sur mon cœur, parfait instrument,

Et fasse plus royalement

Chanter sa plus vibrante corde,

 

Que ta voix, chat mystérieux,

Chat séraphique, chat étrange,

En qui tout est, comme en un ange,

Aussi subtil qu'harmonieux !

 

L'accompagnement lent au piano et les inflexions de la mélodie accentuent la nostalgie de ce poème.

- Serge Prokofiev a écrit un conte musical Pierre et le Loup (1936) en s'inspirant d'un conte russe. Il permet à l'auditeur d'apprendre à reconnaître les instruments et les thèmes musicaux qui représentent chaque personnage du conte. Le chat joue un rôle dans cette histoire. Il est tenu par la clarinette. Un récitant raconte l'action au fur et à mesure de son déroulement. Ici notre chat est le prédateur, il apparaît sournois, rampant dans les hautes herbes : l'oiseau est occupé à discuter (avec le canard). Je vais en faire mon déjeuner. Et comme un voleur, il avançait sur ses pattes de velours. Mais l'oiseau entendant le cri de Pierre va se percher en haut d'un arbre. Lorsque le loup arrive notre chat perd de sa superbe et va aussi se réfugier au sommet d'un autre arbre. De là, il observera, sans prendre aucun risque, l'oiseau aidant Pierre à capturer le loup.

- Manuel Rosenthal a composé en collaboration avec Nino (pseudonyme de Michel Veber, beau-frère de Jacques Ibert) Chansons de Monsieur Bleu (1940). C'est un recueil de12  mélodies pour chant et piano, dont la septième est une complainte bien cruelle et triste, la mort de Minet : Chanson du chat.

C'est le vilain monsieur de la maison voisine

Qui a tué Minet d'un coup de carabine

Nous l'avons mis en terre au fond du jardinet ;

Près de lui j'ai posé la poupée de baudruche, la bobine de fil, le coussin de peluche

Où ronronnait Minet.

Et depuis la pluie tombe et mouille le jardin, le vieux marronnier pleure sur la petite tombe ;

Les feuilles ont du chagrin.

  L'écriture musicale est riche, quelque peu "ravélienne". Le mouvement est modérément lent, très nostalgique rappelant le souvenir de Minet, ses jeux, son comportement. À la fin du morceau, des arpèges au piano suggèrent le chagrin de la nature accompagnant la mort du chat.

 - Luciano Berio a composé l'Opus Number Zoo (1951). Avec beaucoup d'humour, il raconte quatre histoires dont l'une s'appelle : Histoire de matous. Elle est contée par un récitant et accompagnée par une clarinette, un cor, un basson. 

Dans une cité, deux  matous, Omar et Bartholomew, sont jaloux l'un de l'autre. Omar a de belles moustaches et Bartholomew une queue impressionnante. Lors d'une rencontre, ils se battent. Moralité : l'un perd ses moustaches, l'autre sa queue.

Les sonorités musicales frottent, Bério joue beaucoup sur les intensités piano et forte. Cette musique me rappelle, par les timbres et les sonorités, l'Histoire du soldat (1882) de Igor Stravinsky.

- Francis Poulenc a beaucoup écrit pour la voix dont un cycle de sept mélodies, La Courte Paille (1961), pour voix et piano, sur des textes de Maurice Carême. Poulenc disait avoir composé ses mélodies pour que Denise Duval les chante à son petit garçon de dix ans. Ces croquis, tour à tour mélancoliques ou malicieux, sont sans prétention  (Journal de mes mélodies). Je vous laisse découvrir le comportement et le personnage qu'est ce chat, à la lecture du texte de la 4e mélodie : Ba, be, bi, bo, bu…

Ba, be, bi, bo, bu, bé !

Le chat a mis ses bottes

Il va de porte en porte

Jouer, danser, chanter

 
Pou, chou, genou, hibou.

Tu dois apprendre à lire,

À compter, à écrire,

Lui crie-t-on de partout.

 
Mais rikketikketau,

Le chat de s'esclaffer,

En rentrant au château :

Il est le Chat botté !

C'est le… Chat botté, référence au conte de Charles Perrault. La mélodie est très enlevée, voulue par les annotations de Poulenc : Très gai, follement vite et surtout sans ralentir à la fin, nous sommes dans le monde du merveilleux, du rêve.

- En ce jour, où la maison de disques VDE-GALLO rend hommage à Jean-Joël Barbier (1920-1994) poète et musicien, admirateur d'Erik Satie, Jean Wiéner, Claude Debussy, je  me dois de citer l'une de ses mélodie pour voix et piano composée sur un poème de Louis Cadet: Chanson du chat gris (1979)

Heure très belle et très fine,

Où le soleil non pareil qui décline

Promène sur le mur de longues tresses d'or

Oh ! regarde…

Sur le gazon devant la maison…

Le chat gris à la queue rayée

Qui, charmant tigre domestique,

Lève une patte délicate

Et joue avec un moustique.

Après une introduction  au piano, la mélodie décrit le coucher de soleil dans un jardin. Mais des accords interrompent cette description pour admirer les mouvements gracieux et délicats du félin de la maison sur une note répétée, un mi, jouée de plus en plus vite. Le piano seul termine ce morceau, parodiant le jeu du chat qui finit par attraper l'insecte sur une appogiature (ornement) brève mi/fa.

 - Andrew Lloyd Webber a composé la comédie musicale Cats (1981).

L'histoire de chats qui sont réunis dans une décharge publique et qui évoquent leur destin ou celui de leurs amis. Puis la doyenne des chats, Grisabelle, sera guidée par le sage Deuteronome jusqu'au Félinosphère, l'endroit où les chats vont pour leur dernier repos : le paradis des chats.

Elle évoque la vie, l'amour et la mort du monde des félins dans un climat qui capte l'émotion et l'exaltation. Cette comédie musicale eut un grand succès dans les années 1980 à Londres et à Paris.  

- C'est volontairement que je n'ai pas parlé de Gabriel Fauré qui dans sa suite pour piano à quatre mains a écrit Dolly (1896). Pour la pièce Mi-a-ou je fais confiance à Marguerite Long qui nous dit que : "…dans Mi-a-ou, Fauré ne fait pas allusion aux ébats d'un chaton mais au surnom que Dolly donnait à son frère."

- Je ne parle pas non plus de Pierre Boulez dont certains musicologues pensent qu'il se serait inspiré du Chat Murr d'Hoffmann (Roman traduit en français par Madeleine Laval aux éditions Phébus libretto). dans le second livre de ses Structures pour deux pianos. Personnellement je n'ai entendu, ni vu, aucune allusion descriptive, se rapportant aux aventures du Chat Murr quelque peu borné, quoique sachant lire et écrire, et à celles d'un musicien fou, dans l'œuvre de Boulez ou alors… nous avons affaire à un Chat trop savant !

 

Et les chats, que pensent-ils de la musique ?

  Ils prennent en songeant les nobles attitudes

           Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,

     Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin.

                                                    Charles Baudelaire

 

 Pour toutes discographies, ou enregistrements anciens des extraits cités dans cet article, vous pouvez contacter la Société Symphonique et Chorale :

symphonique.chorale@wanadoo.fr 


 

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