2ème épisode: Il y a arsenic et arsenic...

Par Gerbert :: 10/04/2009 à 16:03 :: Anciennes mines

Sous quelle forme sont les polluants (métalliques)?

Il est des jours où il faut aborder des questions à priori un peu compliquées, mais on le fera à petites doses ...

Pour le dire vite, il n’est pas essentiel de connaître les quantités totales de polluants sauf pour dimensionner un risque ; par exemple, il y a mille tonnes de tel polluant à tel endroit.Pour le dire autrement si les décharges d'ordures étaient confinées (pas d'eau qui en sort, pas d'odeur, pas de vue ...) elles ne poseraient aucun problème d'environnement.

Il est nécessaire de savoir aussi sous quelle forme sont les polluants dans un sol, dans un sédiment ou dans l’eau et de savoir si ces formes sont stables (ce qui sera l’objet du prochain épisode). Il est important aussi de connaître l’état de l’environnement : y a-t-il des barrières naturelles ou artificielles entre la zone polluée et la chaîne alimentaire : cours d’eau, cultures…

Par exemple notre tas de stérile en photo dans le billet précédent (mars) contient 4000 tonnes d’arsenic. Cela fait peur mais ce n’est pas le plus important. La question qu’il faut se poser est « est-ce que ces 4000 tonnes peuvent rejoindre la chaîne alimentaire via l’eau ou les plantes et si oui, à quelle vitesse ? » ce qui nous amène vers deux concepts nouveaux:

  • la stabilité d’un porteur d'élément potentiellement toxique
  • la biodisponibilité de l'élément en question.

Jusqu'où un polluant peut-il aller ?

Si je plante du blé sur un site riche en arsenic (en plomb etc.) est-ce qu’il poussera, s’il pousse est-ce qu’il sera contaminé, si oui quelles sont les parties de la plante qui accumuleront le polluant (les racines, la tige ou les grains), ensuite est-ce que je pourrai manger le pain qui en est issu, combien pourrai-je en manger, au bout de combien de temps serai-je malade et ma voisine (ou mon voisin) qui mange exactement les mêmes quantités que moi sera-t-elle malade en même temps que moi ? Même raisonnement pour l’eau du puits voisin. Et dans le cas de polluants multiples y a-t-il des interactions entre eux ?

Les phases porteuses (la spéciation).

Dans la nature, les métaux sont rarement seuls : qui imaginerait que le fer dans l'eau ne rouille pas ? Or la rouille c’est du fer hydraté (Fe(OH)3). Dans la nature les métaux sont associés à d’autres éléments: si le plomb est lié au soufre, c'est la galène (PbS). Dans la nature les métaux sont présents sous forme de minéraux (cristaux naturels) ou sous forme amorphe (atomes disposés sans ordre).
Les minéraux sont réputés plus stables que les phases amorphes mais ce n’est pas toujours vrai. Leur stabilité dépend des conditions de l’environnement et de la force des liaisons entre atomes : en présence d’oxygène, les sulfures ont tendance à s’altérer (= à être détruits) et donc à relâcher les métaux (toxiques…) qu’ils renferment. Par ailleurs les minéraux qui portent les métaux ne sont jamais seuls : dans un gisement de cuivre il y a aussi des minéraux porteurs de zinc ou de plomb et comme nous l’avons vu, dans un gisement d’or il y a mille fois plus de minéraux porteurs d’arsenic que d'or.

Connaître la forme (solide ou liquide) sous laquelle se trouve un élément (c’est à dire s’il est lié à l’oxygène, au soufre ou à n’importe quelle autre molécule) est très important car ses propriétés diffèrent selon qu’il est associé à tel ou tel autre atome.De plus pour un même élément certaines formes sont plus toxiques que d'autres.
Par exemple lorsque l’arsenic est réduit c'est à dire développé dans un milieu où il y a peu d’oxygène et donc lorsqu'il est sous forme As3+, il est plus toxique que sous sa forme oxydée (As5+). Un traitement possible pour l’eau arseniée peut donc être de l’oxyder (pdf).
Toujours pour l’arsenic, lorsqu’il est associé à des molécules organiques, il est moins toxique que lorsqu’il est associé à des molécules non organiques. Pour l’étain par exemple, c’est le contraire.

La surface spécifique

Ce terme technique dissimule une réalité simple : lorsqu’on fait du café il faut le moudre pour que l’eau chaude qui le traverse se charge de l’arôme du café : l’eau chaude percole dans le café moulu. Il ne viendrait à l’idée de personne de verser l’eau directement sur les grains. Et sur du café moulu, cela marche mieux avec de l'eau chaude qu'avec de l'eau froide.
Dans la nature, le processus est identique. Pour récupérer les métaux dans un minerai brut, on le broie puis on fait passer la poudre dans des bains dont la composition et les autres caractéristiques sont calculées de manière à séparer le métal intéressant. Le résidu est mis en décharge ou ailleurs et il faut à tout prix éviter que les circulations d’eau n’y percolent. Dans les terrils, l’eau se charge en éléments polluants bien plus facilement que si le minerai n’était pas broyé.
Autrement dit, toutes choses égales par ailleurs, un terril avec de gros morceaux est moins sensible qu’un terril broyé. Un gisement non exploité ne contamine que très faiblement l’environnement (ou pas du tout si l’eau n’y infiltre pas) tandis qu’une mine déjà exploitée ou en exploitation permet à l’eau de circuler, de percoler facilement au travers de zones toxiques en entraînant avec elle les polluants.

Ceci nous explique pourquoi une mine exploitée (= où il y a moins de métaux toxiques) est plus polluante qu'une mine qui n'est pas encore exploitée : avant l'exploitation, l'eau ne pouvait pas percoler.

En conclusion pour aujourd’hui

La dangerosité d’un site contenant des métaux s’apprécie en prenant en compte

  • les quantités totales
  • les teneurs que l'on exprime en (milli)grammes par kilogramme (ou en pour cent)
  • la forme c’est à dire le voisinage de l’élément toxique considéré et sa stabilité
  • les conditions de l’environnement (par exemple plus ou moins acide, plus ou moins oxydé…)
  • l’exposition par exemple à l’eau.
En général, les normes ne prennent en compte que les teneurs.

Prochain épisode :

un phénomène géologique important : l’altération.

Pour poursuivre: une étude de cas (pdf) où l'on retrouve notre exemple

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    Le 16/05/2009 à 16:45, par coucou
    coucou

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