Santé & Forme

Fumeurs, si vous saviez...

Emmanuelle Blanc. Madame Figaro. Photo: Martine Archambault/Le Figaro

Vous fumez? Ce ne sont pas les industriels du tabac qui s'en plaindront; eux qui ne reculent devant rien pour développer leurs marchés. Voici, six bonnes raisons pour boycotter le tabac.

Quel produit de consommation courante – un Français sur trois en use et en abuse, un sur deux entre 16 et 18 ans – tue la moitié de ceux qui l’apprécient? Quel article vendu à tous les coins de rue provoque plus de décès aux États-Unis que le sida, les accidents de voiture, les meurtres, les suicides et les incendies réunis ? Quelle substance, fabriquée à grande échelle et cotée en Bourse, fait autant

de victimes chaque jour dans le monde que trente Boeing 747 qui s’écrasent? Le tabac.

« Pour tout autre produit, une telle démonstration aurait entraîné son interdiction immédiate, s’insurge le Pr Gérard Dubois, président d’Alliance contre le tabac. Pour le tabac, non. On sait, mais on ne fait rien, ou si peu au regard des preuves accablantes. » Car derrière l’écran de fumée prolifère une industrie puissante et manipulatrice. Avec le Pr Gérard Dubois, qui en a fait un livre – « le Rideau de fumée » (éditions du Seuil) – et Nadia Collot, un documentaire – « Tabac, la conspiration », sorti en salle le mois dernier –, nous avons pointé six arguments qui devraient ébranler les fumeurs et dissuader ceux qui voudraient le devenir.

Mensonge

Dès le milieu du siècle dernier, les cigarettiers savaient que 94 % des cancers du poumon se développaient chez les fumeurs. Ils ont néanmoins continué à le nier pendant des décennies, assurant dans des communiqués diffusés dans la presse que si la cigarette se révélait dangereuse, elle serait évidemment retirée du marché! Omerta également sur les risques liés au tabagisme passif, que les fabricants ont eux-mêmes identifiés il y a bien longtemps. La fumée des autres est ainsi responsable de dix décès par jour en France.

Désinformation

Pour contrecarrer les messages alarmants des autorités de santé publique, des scientifiques indépendants ont été recrutés par les compagnies de tabac pour publier, moyennant de confortables cachets, des travaux rassurants... Trop rassurants pour être honnêtes.

Manipulation des plus jeunes

Même s’ils prétendent le contraire, les géants du tabac ont imaginé toutes sortes de stratégies pour séduire les plus jeunes. Comme le révèle un document interne de la société RJReynolds : tout doit être fait pour atteindre les 14-24 ans ! Et même préparer les plus petits. Le personnage Joe Camel, un dromadaire très cool coiffé d’une casquette, n’était-il pas dans les années 80 aussi populaire chez les petits Américains que Mickey ? En France, la distribution de briquets, de cigarettes gratuites, de paquets collectors, de tee-shirts et autres produits dérivés, longtemps tolérée, a fini par être interdite, de même que la commercialisation de paquets enfants (dix cigarettes) et le sponsoring de soirées dans les discothèques. À quand la prochaine offensive ?

Dépendance garantie

Les additifs, qui peuvent représenter de 15 % à 20 % du poids d’une cigarette, ne sont pas seulement là pour en améliorer le goût. L’ajout d’ammoniaque, par exemple, permet à la nicotine d’atteindre plus vite le cerveau et, finalement, d’augmenter la dépendance. Philip Morris, première firme à avoir trouvé le filon, a évidemment été suivie par la plupart de ses concurrents. Son interdiction demandée par de nombreux experts est en discussion au niveau européen. Autre adjuvant autorisé : la théobromine. Quand elle est inhalée, cette substance, naturellement présente dans le chocolat, a la particularité de dilater les bronches, diminuant ainsi l’irritation causée par la fumée et donnant même l’impression de respirer mieux en fumant. Futés, certains fabricants ont lancé des cigarettes sans additifs, laissant

croire qu’elles seraient moins nocives. Ce qui est faux, bien sûr.

Chiffres tronqués

Les taux de nicotine affichés sur les paquets, évalués à partir de tests faits sur des machines à fumer et de méthodes de mesure maison, sont bien en dessous de la réalité. Les bouffées d’un vrai fumeur sont en effet plus profondes, moins espacées et plus nombreuses que celles programmées sur les appareils, donc plus denses en nicotine.

Réseaux parallèles

Les deux ou trois cartouches rapportées de l’étranger par les particuliers sont une goutte d’eau dans l’océan du marché parallèle des cigarettes (en 2000, 30 % des cigarettes exportées ont disparu de la circulation). On sait en effet que la majeure partie du tabac de contrebande arrive par conteneurs entiers. Ce qui suppose une organisation parfaitement rodée et des alliances probables entre industriels du tabac et mafias internationales.