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Institut de Recherches Economiques et Sociales de l'Université Catholique de Louvain

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De  tous  temps,  de  nombreuses  activitĂ©s  de  taille  trĂšs
rĂ©duite  (qualifiĂ©es  habituellement  de  micro-entreprises)

se sont dĂ©veloppĂ©es dans les pays du Sud pour permettre aux populations pau-
vres de subsister. Celles-ci regroupent des activitĂ©s aussi diverses que marchands
ambulants, petits artisans, kiosques Ă  journaux, taxis, vendeurs de rue, bazars, etc.
Au-delĂ  de leur diversitĂ©, ces petites activitĂ©s Ă©conomiques de subsistance revĂȘ-
tent des caractĂ©ristiques communes : le capital investi est rĂ©duit et provient prati-
quement exclusivement du patrimoine familial, elles emploient moins de 10 per-
sonnes  qui  proviennent  essentiellement  du  cercle  familial,  ces  personnes  sont
gĂ©nĂ©ralement peu qualifiĂ©es et faiblement rĂ©munĂ©rĂ©es, elles recourent aux horai-
res  de  travail  flexibles  et  opĂšrent  bien  souvent  partiellement  ou  totalement  en
marge des rĂšgles lĂ©gislatives et administratives. 

Parmi les multiples contraintes auxquelles sont confrontĂ©es les micro-entreprises,
la difficultĂ© d’accĂšs Ă  des sources de financement extĂ©rieures reprĂ©sente encore
aujourd’hui une entrave principale Ă  leur bon dĂ©veloppement. Elles ont en effet
besoin d'un capital suffisant pour financer leurs Ă©quipements, leurs achats de four-
nitures, de matiÚres premiÚres, etc. Or, ce capital leur a longtemps fait défaut, car
les petites sommes demandĂ©es par ces micro-entrepreneurs, l’absence de garan-
ties Ă  offrir et bien souvent la nature risquĂ©e du projet rebutaient les banques com-
merciales  traditionnelles

1

.  C’est  pourquoi,  diffĂ©rents  intermĂ©diaires  financiers

spĂ©cialisĂ©s dans l’attention Ă  ce type de clientĂšle ont vu le jour. Ces intermĂ©diai-
res  sont  souvent  qualifiĂ©s  d’ â€œinstitutions  de  microfinance”  (IMF).  Leur  rĂŽle
consiste Ă  offrir des services financiers de base (Ă©pargne, crĂ©dit, assurance, trans-
fert de fonds, etc.), aux montants rĂ©duits, Ă  des populations pauvres afin de leur
donner la possibilitĂ© d’investir et de se prĂ©munir en cas de coups durs (conditions
climatiques dĂ©favorables Ă  la production, dĂ©penses imprĂ©vues liĂ©es Ă  une maladie
ou Ă  la perte de biens, etc.). Par ailleurs, la microfinance favorise Ă©galement des

ÉCONOMIQUES

R E G A R D S

Publication préparée

par les Ă©conomistes de l'UCL

Plein feu sur la microfinance
en 2005 !

En atteste la consĂ©cration par
les Nations Unies de l’annĂ©e
2005 â€œAnnĂ©e Internationale du
MicrocrĂ©dit”, le microcrĂ©dit
s’impose Ă  l’heure actuelle
comme un instrument privilĂ©-
giĂ© de lutte contre la pauvretĂ©.
Ce numĂ©ro de Regards Ă©cono-
miques en profite pour faire le
point sur les grandes Ă©volu-
tions qui ont marquĂ© les Ă©tapes
de la microfinance jusqu’à nos
jours et faire le lien avec 
l’actualitĂ© politique belge.

1

Dans le jargon propre Ă  la littĂ©rature, il est souvent Ă©crit qu'elle n'est pas considĂ©rĂ©e comme â€œbancable”. Nous approfondirons par

la suite les raisons de l’exclusion bancaire.

ValĂ©rie de Briey

Mars 2005 â€ą NumĂ©ro 28

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retombĂ©es positives sur la famille en gĂ©nĂ©ral : amĂ©lioration des conditions de vie,
valorisation de l’auto-estime, financement de la scolarisation, des soins de santĂ©,
etc. 

Il a cependant fallu attendre les annĂ©es quatre-vingt et en particulier le succĂšs de
la cĂ©lĂšbre â€˜Grameen Bank’ fondĂ©e par le Professeur Yunus au Bengladesh pour
que ce secteur soit vĂ©ritablement reconnu comme gĂ©nĂ©rateur de revenus et crĂ©a-
teur d’emplois. Aujourd’hui, la microfinance fait partie intĂ©grante des politiques
de dĂ©veloppement des pays pauvres. En 1998, l’AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale des Nations
Unies avait proclamĂ© l’annĂ©e 2005 â€œAnnĂ©e internationale du microcrĂ©dit

2

” pour

marquer l’importance de cet instrument pour Ă©radiquer la pauvretĂ©. Son objectif
Ă©tait de rĂ©duire de moitiĂ© les populations pauvres qui vivent sous le seuil de pau-
vretĂ© d’ici 2015 (Objectifs de DĂ©veloppement pour le MillĂ©naire). 

Depuis les expĂ©riences pionniĂšres jusqu’à sa forte mĂ©diatisation de nos jours, le
champ de la microfinance a fortement Ă©voluĂ©. Il existe une pluralitĂ© d’institutions
de  microfinance  faisant  appel  Ă   des  statuts  juridiques  diffĂ©rents  (fondations,
coopĂ©ratives  d’épargne  et  de  crĂ©dit,  banques  publiques,  sociĂ©tĂ©s  anonymes,
)
dont les modes de fonctionnement et les objectifs diffĂšrent fortement. Les IMF
sont aujourd’hui largement tributaires d’un discours nĂ©o-libĂ©ral prĂŽnant l’absolu-
tisation du marchĂ© et l’adoption d’une dĂ©marche commerciale. Pour des institu-
tions telles que Banque Mondiale ou les Nations Unies, il faut en effet parvenir Ă 
la construction de â€œmarchĂ©s financiers intĂ©grants” afin de mettre en place des sys-
tĂšmes de microfinance pĂ©rennes et qui touchent un grand nombre de populations
pauvres.  Elles  prĂ©conisent  dĂšs  lors  l’institutionnalisation  des  programmes  de
microfinance, autrement dit, la mise en place d’institutions de microfinance ren-
tables, rĂ©pondant aux lois des marchĂ©s financiers concurrentiels et faisant appel Ă 
un mode de gouvernance efficace. Pour ces organismes en effet, les institutions Ă 
vocation sociale (de type ONG) sont la plupart du temps fragiles, tributaires des
subsides en provenance des bailleurs de fonds et disposent d’une capacitĂ© limitĂ©e
Ă  faire face Ă  la demande massive de microcrĂ©dits. D’autres personnes au contrai-
re, soucieuses de rester au service des plus dĂ©munis, s’interrogent sur les dĂ©rives
potentielles de l’adoption d’une telle dĂ©marche et craignent que la poursuite de
but de lucre conduise Ă  l’écartement d’une clientĂšle plus dĂ©favorisĂ©e afin de satis-
faire les critĂšres de rentabilitĂ© propres aux marchĂ©s financiers.

Pour comprendre les arguments des diffĂ©rentes personnes, il nous a semblĂ© utile
de prĂ©senter dans une premiĂšre partie la toile de fond de ces vues contrastĂ©es en
retraçant  les  grandes  Ă©volutions  des  diffĂ©rentes  approches  de  la  microfinance.
Nous exposerons ensuite dans une deuxiĂšme partie le dĂ©fi qui se pose actuelle-
ment Ă  certaines institutions de microfinance. Nous verrons que la finalitĂ© pour-
suivie par les protagonistes des diffĂ©rentes approches les conduit Ă  l’adoption de
critĂšres d’évaluation des programmes de microcrĂ©dit diffĂ©rents. Nous Ă©voquerons
dans  une  troisiĂšme  partie  les  arguments  prĂ©sents  dans  la  littĂ©rature  scientifique
pour Ă©tayer le point de vue des protagonistes de chacune des deux approches et
donnerons notre point de vue Ă  ce propos. Nous clĂŽturerons enfin ce numĂ©ro de
Regards Ă©conomiques en prĂ©sentant dans une quatriĂšme partie, un point d’actua-
litĂ© qui illustre cette toile de fond : le sĂ©minaire de rĂ©flexion organisĂ© par la plate-
forme belge de Microfinance et la DGCD les 3 et 4 mars au Palais d’Egmont Ă 
Bruxelles  Ă   l’occasion  de  l’annĂ©e  2005  dĂ©clarĂ©e  â€œAnnĂ©e  Internationale  du
MicrocrĂ©dit” par les Nations Unies.

REGARDS Ă‰CONOMIQUES

2

Plein feu sur la microfinance en 2005 !

2

Plus restreint que le concept de microfinance, le microcrĂ©dit consiste en l’octroi de petits crĂ©dits Ă  des populations exclues du sys-

tĂšme bancaire traditionnel.

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Comme Ă©voquĂ© dans la partie introductive, de nombreux micro-entrepreneurs ont
longtemps  Ă©tĂ©  rejetĂ©s  du  systĂšme  bancaire  traditionnel  et  se  sont  dĂšs  lors  vus
contraints de se tourner vers des sources de financement alternatives. La premiĂš-
re  section  aura  pour  objectif  de  comprendre  pourquoi,  jusqu’il  y  a  peu,  les
banques commerciales traditionnelles se sont dĂ©tournĂ©es des micro-entrepreneurs
aux  revenus  modestes  et  aux  activitĂ©s  Ă©conomiques  de  petite  envergure.  Puis,
dans une deuxiĂšme section, nous prĂ©senterons les alternatives qui s’offrent Ă  ces
petits producteurs. Tout au long de ces deux sections, nous nous rĂ©fĂ©rerons aux
thĂ©ories contractualistes car il s’agit du cadre thĂ©orique habituellement mobilisĂ©
dans  la  littĂ©rature  scientifique  pour  expliquer  le  phĂ©nomĂšne  d’exclusion  des
micro-entrepreneurs  du  marchĂ©  du  crĂ©dit  et  l’émergence  de  modes  de  finance-
ment alternatifs.

PrĂ©cisons  au  prĂ©alable  qu’au  sein  des  thĂ©ories  contractualistes,  l’accent  est  mis
sur les contrats qui se nouent entre les individus. Les contrats, modes de coordi-
nation  de  l’activitĂ©  Ă©conomique  alternatifs  au  marchĂ©,  se  caractĂ©risent  par  leur
relation  d’agence  :  une  ou  plusieurs  personnes  (le  principal)  engage(nt)  une  ou
plusieurs  autre(s)  personne(s)  (les  agents)  pour  exĂ©cuter  en  leur  nom  une  tĂąche
qui implique la dĂ©lĂ©gation d’un certain pouvoir de dĂ©cision Ă  ces derniers (Jensen
et Meckling, 1976). 

Toute  relation  d’agence  donne  bien  souvent  lieu  Ă   une  asymĂ©trie  d’information
entre les individus car, d’une part, les agents en savent gĂ©nĂ©ralement plus sur la
tĂąche Ă  accomplir que le principal et, d’autre part, il est souvent difficile et onĂ©-
reux  pour  le  principal  de  â€œmesurer  les  efforts  dĂ©ployĂ©s  par  un  agent dans  l’ac-
complissement de ses obligations et par consĂ©quent, de spĂ©cifier par contrat, ce
que doivent ĂȘtre ces derniĂšres” (Charreaux et al., 1987, p.25). Or, ces thĂ©ories font
Ă©galement  l’hypothĂšse  d’une  rationalitĂ©  substantive  des  individus  :  les  agents
vont  chercher  Ă   maximiser  leurs  prĂ©fĂ©rences.  Qui  plus  est,  ils  sont  supposĂ©s
opportunistes. Les agents sont dĂšs lors enclins Ă  profiter de leur avantage infor-
mationnel pour poursuivre leurs propres intĂ©rĂȘts personnels au dĂ©triment de ceux
du principal.

Le refus des banques commerciales de financer jusqu’il y a peu les micro-entre-
preneurs  rĂ©sultait  de  l’importance  des  problĂšmes  de  dĂ©tection  (“screening  pro-
blem”)  et  du  bon  respect  des  contrats  (“enforcement  problem”)  (Hulme  et
Mosley, 1996). La relation de crĂ©dit peut en effet ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une rela-
tion d’agence par laquelle le prĂȘteur (le principal) â€œloue” une part de sa richesse
aux micro-entrepreneurs (les agents) qui s’engagent Ă  rembourser le principal et
Ă  lui payer les charges d’intĂ©rĂȘt aux Ă©chĂ©ances et conditions fixĂ©es dans un contrat
Ă©tabli au prĂ©alable entre les parties. Un problĂšme d’agence se pose car il est cer-
tain que dans toute relation de crĂ©dit, les intĂ©rĂȘts de l'emprunteur et du prĂȘteur dif-
fĂšrent  :  alors  que  le  premier  est  essentiellement  concernĂ©  par  la  rentabilitĂ©  des
capitaux  empruntĂ©s,  l'autre  l’est  par  la  solvabilitĂ©  du  premier  (Jullien  et
Pallanque, 1995) et la rentabilitĂ© des fonds prĂȘtĂ©s. 

Depuis  Stigler  (1967)  et  surtout  Stiglitz  et  Weiss  (1981),  le  fonctionnement
imparfait du marchĂ© du crĂ©dit a largement Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©. Celui-ci rĂ©sulte de l’exis-
tence d’asymĂ©tries d’information entre les prĂȘteurs (le principal) et les emprun-
teurs (les agents), rendant difficile ex-ante l’évaluation de la qualitĂ© du deman-
deur (risque de sĂ©lection adverse), et ex-post, la vĂ©rification du bon respect des
termes du contrat (risque d’alĂ©a moral). En consĂ©quence, les banques ont tendan-
ce Ă  â€œbloquer” les taux d’intĂ©rĂȘt Ă  un prix qui ne satisfaisait pas la demande. Il

REGARDS Ă‰CONOMIQUES

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Plein feu sur la microfinance en 2005 !

1. La microfinance 
expliquĂ©e par les thĂ©ories
contractualistes

1.1. Les raisons de 

l’exclusion bancaire : 

l’analogie de la relation 

de crĂ©dit Ă  la relation 

d’agence

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REGARDS Ă‰CONOMIQUES

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Plein feu sur la microfinance en 2005 !

... La microfinance expliquĂ©e par
les thĂ©ories contractualistes

s’ensuit une situation de rationnement de crĂ©dit

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S'il est vrai que toute relation de crĂ©dit se caractĂ©rise par cette incertitude, celle-
ci  est  d'autant  plus  forte  dans  les  pays  pauvres.  En  effet,  dans  nos  pays,  les
banques tentent de diminuer le risque de sĂ©lection adverse en rĂ©coltant des infor-
mations  sur  le  demandeur  de  crĂ©dit  et  le  risque  d’alĂ©a  moral  en  exigeant  des
garanties  tant  matĂ©rielles  que  financiĂšres  qui  seront  saisies  en  cas  de  non-rem-
boursement.  Dans  les  pays  pauvres  au  contraire,  les  registres  comptables  (lors-
qu'ils existent) ne peuvent offrir aux banques une connaissance fiable sur la qua-
litĂ© et la solvabilitĂ© des clients potentiels dans la mesure oĂč la plupart du temps
une partie importante des ventes sont non-dĂ©clarĂ©es. Il est donc trĂšs difficile pour
les prĂȘteurs de rĂ©colter des informations pour dĂ©terminer la qualitĂ© des dĂ©biteurs.
De telles recherches entraĂźneraient un coĂ»t dĂ©mesurĂ© pour les prĂȘteurs au vu des
faibles montants de prĂȘts demandĂ©s. Par consĂ©quent, le risque de sĂ©lection adver-
se est bien prĂ©sent dans ces pays. Par ailleurs, les prĂȘteurs ne peuvent se protĂ©ger
contre  le  risque  d'alĂ©a  moral  et  ce  essentiellement  pour  deux  raisons.
PremiĂšrement,  la  pauvretĂ©  des  emprunteurs  est  telle  que  ceux-ci  ne  sont  pas  Ă 
mĂȘme de pouvoir offrir les garanties matĂ©rielles traditionnellement requises par
les institutions financiĂšres. DeuxiĂšmement, l’appareil judiciaire est bien souvent
trop faible dans ces pays pour pouvoir jouer efficacement son rĂŽle (rĂ©cupĂ©ration
des  biens  mis  en  garanties,  etc.).  Il  convenait  dĂšs  lors  que  des  mĂ©canismes  de
financement alternatifs soient mis en place. ConformĂ©ment Ă  l’article de Stiglitz
et Weiss (1981), ceux-ci se devaient de rĂ©duire l’asymĂ©trie d’information exis-
tant entre les agents Ă©conomiques.

Les sources de financement informelles

Jusque  dans  les  annĂ©es  1950,  l’alternative  principale  pour  les  micro-entrepre-
neurs Ă©tait de se tourner vers des sources de financement informelles (tontines,
banquiers  ambulants,  etc.).  Ce  secteur  trĂšs  diversifiĂ©  regroupe  â€œtoutes  les  tran-
sactions  financiĂšres  (emprunts  et  dĂ©pĂŽts)  qui  ne  sont  pas  rĂ©glementĂ©es  par  une
autoritĂ©  monĂ©taire  centrale  ou  par  un  marchĂ©  financier  central”  (Adams,  1994,
p.14).  Ces  transactions  relĂšvent  gĂ©nĂ©ralement  du  court  terme,  sont  fondĂ©es  sur
des relations personnelles et se caractĂ©risent par une trĂšs grande souplesse. Deux
caractĂ©ristiques essentielles contribuent au succĂšs de leurs activitĂ©s : (i) la proxi-
mitĂ© (gĂ©ographique, locale et culturelle) que les prĂȘteurs informels entretiennent
avec les micro-entrepreneurs et (ii) les mĂ©canismes incitatifs auxquels ils recou-
rent,  essentiellement  la  pression  sociale  et  la  subordination  d’un  prĂȘt  au  rem-
boursement  du  crĂ©dit  antĂ©rieur  (Aryeetey  et  Udry,  1997).  Ces  mĂ©canismes  leur
permettent en effet de diminuer les risques de sĂ©lection adverse et d’alĂ©a moral et
donc, les coĂ»ts de transaction associĂ©s Ă  l’opĂ©ration de prĂȘt. Ces sources de finan-
cement sont toutefois limitĂ©es et parfois fort onĂ©reuses, raison pour laquelle les
termes de â€œprofits monopolistiques”, d'intermĂ©diaires â€œrequins” et â€œexploiteurs”
ont Ă©tĂ© longtemps associĂ©s au secteur financier informel (Adams, 1994).

Les institutions publiques de microcrĂ©dit

Dans les annĂ©es soixante, afin de pallier les imperfections de marchĂ©, les gouver-
nements des pays du Sud ont rĂ©glementĂ© les taux d’intĂ©rĂȘt Ă  des niveaux fort bas
et mis en place des institutions publiques de microcrĂ©dit subsidiĂ©es et dirigĂ©es vers
une clientĂšle cible. Ils espĂ©raient ainsi Ă  la fois Ă©vincer le secteur informel, aug-
menter l'efficacitĂ© Ă©conomique (en rendant le crĂ©dit disponible pour les pauvres)
et rĂ©duire l'inĂ©quitĂ© (en rĂ©duisant les taux d'intĂ©rĂȘt que ceux-ci devaient payer).

1.2. Mise en place

de mĂ©canismes 

de financement alternatifs

3

Stiglitz et Weiss (1981) ont dĂ©montrĂ© que ce taux d'intĂ©rĂȘt d'Ă©quilibre correspond au taux d'intĂ©rĂȘt Ă  partir duquel les rendements

escomptĂ©s par les prĂȘteurs commencent Ă  dĂ©croĂźtre car l’augmentation du taux d’intĂ©rĂȘt va attirer les individus dont les projets sont
plus risquĂ©s afin de leur permettre de compenser les charges d'intĂ©rĂȘt plus importantes.

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REGARDS Ă‰CONOMIQUES

5

Mais la faillite de nombreuses institutions publiques et la persistance d'un secteur
informel ont montrĂ© que l’Etat n’était pas mieux adaptĂ© que le secteur commer-
cial  pour  rĂ©soudre  les  problĂšmes  d’asymĂ©trie  d’information  existants.
L’explication tient vraisemblablement Ă  l’action standardisĂ©e de l’Etat (Laville et
Nyssens, 2001) ne leur permettant pas d’établir des relations personnalisĂ©es avec
les emprunteurs, ni d’avoir un ancrage local fort ou encore de flexibiliser leurs
procĂ©dures pour les adapter aux besoins des emprunteurs. 

Le secteur financier semi-formel

A la suite de la dĂ©route connue par de nombreuses banques Ă©tatiques, un secteur
financier semi-formel a Ă©mergĂ©. Le qualificatif de â€œsecteur intermĂ©diaire” est Ă©ga-
lement couramment utilisĂ© pour dĂ©signer ces institutions qui sont formelles dans
la mesure oĂč elles sont lĂ©galement reconnues, mais informelles dans le sens qu’à
quelques exceptions prĂšs, elles ne sont pas sujettes Ă  la rĂ©gulation et supervision
bancaire (Ledgerwood, 1999). Les institutions les plus courantes qui composent
ce  secteur  sont  les  coopĂ©ratives  d’épargne  et  de  crĂ©dit  (Ă©galement  identifiĂ©es
comme  des  mutuelles  ou  encore  des  â€˜credit  unions’)  et  les  Organisations  Non
Gouvernementales  (ONG),  principalement  sous  la  forme  d'associations  ou  de
fondations. 

Les  coopĂ©ratives  sont  constituĂ©es  de  membres  qui  prĂ©sentent  la  caractĂ©ristique
commune d’avoir des besoins qui ne peuvent ĂȘtre satisfaits dans le cadre du fonc-
tionnement normal de l’économie de marchĂ© (en l’occurrence ici, du crĂ©dit) et qui
dĂ©cident de mener une action collective en crĂ©ant une institution particuliĂšre qui
soit  Ă   mĂȘme  de  rĂ©pondre  Ă   leurs  besoins (Soulama,  2002).  La  coopĂ©rative  prĂ©-
sente la particularité que ses membres doivent obligatoirement prendre une parti-
cipation Ă  son capital. Par ailleurs, les fonds de cette institution peuvent provenir
de deux autres modalitĂ©s de financement : (i) grĂące Ă  l’épargne des membres qui,
outre leur prise de participation au capital, ont bien souvent la possibilitĂ© d’opĂ©-
rer  des  dĂ©pĂŽts  et  (ii)  grĂące  Ă   des  financements  extĂ©rieurs  (emprunts,  subsides
publics, donations, etc.) (Hugon, 1996 ; Platteau, 1987). Le pouvoir y est exercĂ©
dĂ©mocratiquement selon le principe â€œun homme, une voix” et non pas selon l’im-
portance des participations comme c’est le cas dans une sociĂ©tĂ© anonyme. Pour
garantir le respect des engagements des emprunteurs, les membres des coopérati-
ves d'Ă©pargne et de crĂ©dit comptent sur le respect des valeurs coopĂ©ratives

4

et le

fait  que  les  emprunteurs  n’ont  que  peu  ou  pas  d’autres  alternatives  de  finance-
ment. La double qualification de propriĂ©taire et de clients est Ă©galement censĂ©e
agir  comme  un  incitant  Ă   exercer  un  contrĂŽle  sur  la  gestion  de  l’institution.
MalgrĂ©  cela,  de  nombreuses  coopĂ©ratives  ont  connu  des  dĂ©routes.  Deux  condi-
tions  semblent  plus  particuliĂšrement  contribuer  aux  succĂšs  des  coopĂ©ratives
(Ledgerwood, 1999) : premiĂšrement, la taille restreinte de l’organisation de telle
sorte que les membres se connaissent et, deuxiĂšmement, que les membres soient
tantĂŽt emprunteurs, tantĂŽt prĂȘteurs, de telle sorte qu’il y ait une convergence d’in-
tĂ©rĂȘts.  Dans  le  cas  contraire  en  effet,  un  conflit  d’agence  apparaĂźt  entre  les
emprunteurs (qui prĂ©fĂšrent payer de faibles taux d’intĂ©rĂȘt et avoir peu de pression
au remboursement) et les prĂȘteurs (qui prĂ©fĂšrent recevoir un taux d’intĂ©rĂȘt Ă©levĂ©
et ĂȘtre assurĂ© Ă  tout moment de la solvabilitĂ© des fonds prĂȘtĂ©s).

PrĂ©sentes dans les pays moins favorisĂ©s dans une optique de dĂ©veloppement des
populations pauvres, les ONG se sont inspirĂ©es des pratiques dĂ©veloppĂ©es par le
secteur informel pour octroyer du crĂ©dit Ă  des personnes exclues du secteur ban-

Plein feu sur la microfinance en 2005 !

... La microfinance expliquĂ©e par
les thĂ©ories contractualistes

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Les valeurs fondamentales retenues par l'Alliance CoopĂ©rative Internationale (A.C.I.) sont : l’entraide mutuelle, la responsabilitĂ©,

la dĂ©mocratie, l’égalitĂ©, l’équitĂ© et la solidaritĂ©.

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REGARDS Ă‰CONOMIQUES

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caire traditionnel. Leur Ă©mergence fut rendue possible grĂące Ă  l’aide de la coopĂ©-
ration internationale qui acheminait un grand nombre de ressources destinĂ©es Ă 
financer ces institutions intermĂ©diaires. Celle-ci voyait en effet d'un bon Ć“il ces
expĂ©riences devant permettre aux pauvres de leur donner les moyens de sortir de
leur  condition  prĂ©caire,  contrairement  aux  politiques  d’aide  au  dĂ©veloppement
menées précédemment et qui maintenaient les pauvres dans un état de dépendan-
ce  par  l'offre  de  services  sociaux  gratuits.  Les  subsides  dont  les  ONG  bĂ©nĂ©fi-
ciaient leur ont permis d’offrir du crĂ©dit Ă  un coĂ»t infĂ©rieur Ă  celui exigĂ© bien sou-
vent dans le secteur informel. Cette vision de la microfinance qui prĂ©valait dans
les annĂ©es quatre-vingt, concevait la microfinance comme faisant partie d’un pro-
gramme intĂ©grĂ© de lutte contre la pauvretĂ© et la vulnĂ©rabilitĂ© et d’amĂ©lioration du
bien-ĂȘtre des populations pauvres (Mayoux, 1998). Cette approche fut qualifiĂ©e
de â€œbien-ĂȘtre” (‘Welfarist Approach’) par Woller, Dunford et Woodworth (1999).
BasĂ©e sur une logique de subsidiation et de dĂ©pendance des bĂ©nĂ©ficiaires, cette
approche  a  toutefois  engendrĂ©  des  taux  d’arriĂ©rĂ©s  ainsi  que  des  coĂ»ts  de  fonc-
tionnement trĂšs importants conduisant Ă  la disparition progressive de nombreux
programmes  de  microcrĂ©dit.  ParallĂšlement  Ă   la  mauvaise  performance  de  ces
institutions, un renouveau de la pensĂ©e Ă©conomique et financiĂšre avait vu le  jour,
marquĂ©e par une volontĂ© de libĂ©ralisation des marchĂ©s financiers. Sous l’effet de
cette double Ă©volution, la â€˜Welfarist Approach’ a fait l’objet de nombreuses cri-
tiques Ă  partir des annĂ©es 1970, puis surtout des annĂ©es 1980. 

Vers une primautĂ© des institutions financiĂšres formelles ?

En rĂ©action aux critiques Ă©mises, une nouvelle approche est apparue soutenue par
la  Banque  Mondiale  et  les  Nations  Unies.  Celle-ci  inscrit  les  programmes  de
microfinance Ă  l’intĂ©rieur d’une logique de marchĂ© et a Ă©tĂ© qualifiĂ©e d’approche
“institutionnaliste”  (‘Institutionalist  Approach’)  par  Woller,  Dunford  et
Woodworth (1999) ou de â€œmarchĂ© financier”. Elle insiste notamment sur les dis-
torsions sur le marchĂ© financier dont les subsides sont Ă  l’origine et la capacitĂ©
limitĂ©e des donateurs Ă  rĂ©pondre Ă  la demande massive de microcrĂ©dits. Ces nou-
velles  initiatives  prĂ©sentent  deux  caractĂ©ristiques  essentielles  :  une  volontĂ©  de
massification  du  crĂ©dit  ainsi  qu'une  volontĂ©  de  pĂ©rennisation  des  institutions.
Cette approche prĂ©conise l’atteinte de la viabilitĂ© financiĂšre et institutionnelle des
programmes de microfinance Ă  un horizon de cinq Ă  douze ans. A cette fin, des
taux  d’intĂ©rĂȘt  parfois  fort  Ă©levĂ©s  sont  exigĂ©s  aux  clients  partant  de  l’hypothĂšse
que ce qui compte avant tout pour ces clients, c’est l’accĂšs au crĂ©dit et pas le coĂ»t
de  celui-ci.  L’objectif  recherchĂ©  n’est  pas  tant  l’amĂ©lioration  du  bien-ĂȘtre  en
gĂ©nĂ©ral des pauvres, mais l’amĂ©lioration de l’accĂšs aux services financiers pour
les  exclus  du  secteur  bancaire  traditionnel.  La  microfinance  ne  doit  plus  ĂȘtre
confinĂ©e Ă  un crĂ©neau spĂ©cifique de dĂ©veloppement de populations pauvres, mais
doit faire partie intĂ©grante du systĂšme financier dans son ensemble (Littlefield et
Rosenberg, 2004). Afin de veiller Ă  l’essor optimal de ce marchĂ© financier global,
des rĂ©gulations sont mises en place.

A l’intĂ©rieur de ce nouveau courant, deux grandes tendances s’observent actuel-
lement : 

‱ Un processus d’upgrading des programmes de microcrĂ©dit : dans les pays oĂč la
lĂ©gislation le permet (au PĂ©rou et en Bolivie notamment), un processus de rĂ©gle-
mentation des organisations spĂ©cialisĂ©es dans le microcrĂ©dit commence Ă  voir le
jour :  en  particulier,  des  ONG  donnent  naissance  Ă   des  institutions  financiĂšres
rĂ©glementĂ©es  au  statut  de  SociĂ©tĂ©s Anonymes  (S.A.)  et  s’inscrivent  clairement
dans une logique de rentabilitĂ©.

‱  Un  processus  de  downgrading des  programmes  de  microcrĂ©dit  :  des  banques
commerciales  traditionnelles  Ă   la  recherche  de  nouvelles  niches  de  marchĂ©  et

Plein feu sur la microfinance en 2005 !

... La microfinance expliquĂ©e par
les thĂ©ories contractualistes

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REGARDS Ă‰CONOMIQUES

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ayant  Ă©tĂ©  convaincues  des  potentialitĂ©s  du  microcrĂ©dit  commencent  Ă   octroyer
directement  du  crĂ©dit  aux  micro-entrepreneurs  ou  prennent  des  participations
dans des IMF. 

Le succĂšs de plusieurs IMF Ă  vocation commerciale a commencĂ© Ă  attirer de nou-
veaux investisseurs privĂ©s, notamment Ă©trangers, augmentant ainsi la portĂ©e des
activitĂ©s des IMF. Le recours Ă  des nouvelles technologies et l’informatisation ont
permis de rĂ©duire les coĂ»ts et les risques des crĂ©dits, rendant ainsi plus rentable la
prestation de service Ă  une clientĂšle pauvre (Littlefield et Rosenberg, 2004). Par
ailleurs, l’information financiĂšre est de meilleure qualitĂ© et la soliditĂ© financiĂšre
de ces institutions plus grande. De nombreuses grandes IMF n’hĂ©sitent d’ailleurs
pas Ă  se faire Ă©valuer par des agences de notation commerciales afin d’asseoir leur
rĂ©putation. 

Cette  mise  en  perspective  historique  nous  a  permis  de  voir  qu’en  fonction  du
paradigme  de  dĂ©veloppement  retenu  d’une  part  et  des  thĂ©ories  Ă©conomiques
dominantes d’autre part, diffĂ©rents modes d’intervention en matiĂšre de microfi-
nance ont Ă©tĂ© et sont mis en place dans les pays moins favorisĂ©s. Aujourd’hui, un
modĂšle dominant semble s’imposer : l’approche institutionnaliste prĂŽnĂ©e par des
organismes  internationaux  tels  que  la  Banque  Mondiale  et  les  Nations  Unies.
Pourtant, comme nous allons le voir dans le point suivant, des doutes persistent
dans l’esprit notamment de praticiens.

Les  mobiles  qui  sous-tendent  la  conception  de  la  Banque  Mondiale  et  d’autres
partisans en faveur d’une logique de marchĂ© (approche â€œinstitutionnaliste”) sont
certes louables puisqu’ils visent un meilleur accĂšs au micro-crĂ©dit Ă  tous et ce sur
des bases solides et pĂ©rennes. Par ailleurs, l’adoption de pratiques commerciales
telles que le recours Ă  des Ă©tudes de marchĂ©, l’introduction de technologies per-
mettant de rĂ©duire les coĂ»ts, une meilleure information comptable et financiĂšre,
etc. sont certes des conditions essentielles Ă  une plus grande professionnalisation
de  la  microfinance,  ce  qui  est  un  plus  en  soi.  Mais  requiĂšrent-elles  pour  autant
l’institutionnalisation  des  programmes  de  microfinance  et  leur  inscription  dans
une optique de rentabilitĂ© des capitaux investis suite Ă  l’adoption d’un statut de
sociĂ©tĂ©s commerciales ? Certains en doutent.

La vision prĂŽnĂ©e par les partisans de l’approche institutionnaliste a soulevĂ© des
critiques de la part des personnes soucieuses de rester au service des plus dĂ©mu-
nis.  Du  point  de  vue  de  ces  personnes,  la  poursuite  de  but  de  lucre  risque  de
conduire Ă  une dĂ©rive de la mission sociale des institutions de microfinance. En
particulier,  de  nombreuses  ONG  sont  prises  entre,  d’une  part,  leur  volontĂ©  de
trouver  de  nouvelles  sources  de  financement  extĂ©rieures  afin  d’ĂȘtre  en  mesure
d’octroyer davantage de crĂ©dits aux pauvres et d’assurer leur viabilitĂ© financiĂšre
et, d’autre part, leur souci de rester au service d’une clientĂšle dĂ©munie par rapport
Ă  laquelle elles craignent de se dĂ©tourner en appliquant les lois du marchĂ©. Et si
l’histoire rĂ©cente de la microfinance fait Ă©tat de belles rĂ©ussites en matiĂšre d’insti-
tutionnalisation de programmes de microcrĂ©dit (comme la BRI en IndonĂ©sie par
exemple), elle a Ă©tĂ© Ă©galement marquĂ©e d’échecs fracassants. La pratique appel-
le donc Ă  plus de luciditĂ© et Ă  reconnaĂźtre qu’il n’est pas si Ă©vident que cela pour
de  nombreuses  institutions  de  microfinance  de  combiner  viabilitĂ©  sociale  et
financiĂšre (GuĂ©rin, 2002) !

Cette  opposition  contrastĂ©e  entre  ces  deux  courants  de  pensĂ©e  constitue  ce  que
Morduch (1998) a qualifiĂ© de â€˜microfinance schism’. Ce schisme est Ă©galement
marquĂ© par les mĂ©thodes d’évaluation auxquelles recourent les partisans de cha-
cune des deux approches. Pour les partisans d’une approche en termes de â€œbien-

Plein feu sur la microfinance en 2005 !

... La microfinance expliquĂ©e par
les thĂ©ories contractualistes

2. Des vues contrastĂ©es sur
le terrain et des mĂ©thodes
d’évaluation diffĂ©rentes

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ĂȘtre”,  l’efficacitĂ©  d’un  programme  de  microcrĂ©dit  s’évalue  Ă   partir  de  â€˜welfare
studies’ (Ă©galement dĂ©nommĂ©es  â€˜household studies’). Ce type d’étude cherche Ă 
mesurer l’impact du microcrĂ©dit sur les conditions de vie des populations ciblĂ©es
(niveau de revenus, de nutrition et d’éducation des pauvres, accĂšs aux services de
santĂ©, d’assurance, etc.) (Hulme, 1997). Ces Ă©tudes sont critiquĂ©es par les parti-
sans de l’approche de marchĂ© en raison de leur subjectivitĂ©, de leur coĂ»t et des
difficultĂ©s mĂ©thodologiques qu’elles entraĂźnent. C’est pourquoi, les protagonistes
de l’approche â€œinstitutionnaliste” prĂ©fĂšrent recourir Ă  des proxies

5

et procĂšdent Ă 

des â€˜institutional studies’. Pour ceux-lĂ , la bonne santĂ© financiĂšre des program-
mes de microcrĂ©dit constitue le meilleur indice de l’intĂ©rĂȘt portĂ© par les pauvres
aux programmes de crĂ©dit et d’un changement positif pour ceux-ci. Ils s’intĂ©res-
sent Ă  des variables de marchĂ© telles que le nombre de pauvres touchĂ©s, le degrĂ©
d’autosuffisance  financiĂšre,  la  rentabilitĂ©,  la  qualitĂ©  des  services  offerts,  etc.
(Rhyne, 1994). L’accent est mis par consĂ©quent sur l’évaluation de la performan-
ce du point de vue de l’institution plutĂŽt que du point de vue des clients. Les â€˜wel-
faristes’ leur  reprochent  Ă   leur  tour  de  ne  pas  rendre  compte  de  l’effet  rĂ©el  du
microcrĂ©dit sur les pauvres. A l’heure actuelle, aucune mĂ©thode d’évaluation n’a
pu rallier l’unanimitĂ© et s’imposer sur l’autre. Plus rĂ©cemment, des indicateurs de
performance sociale ont vu le jour suite Ă  l’initiative prise par quelques rĂ©seaux
de chercheurs et de praticiens internationaux. C’est ainsi que sont apparus Imp-
Act (mis en place par le CGAP

6

en 2004), le projet de recherche â€˜SPI’ (‘Social

Performance Indicator’) coordonnĂ© par le rĂ©seau CERISE

7

, etc. Pour les prota-

gonistes de ces indicateurs sociaux, la microfinance ne peut ĂȘtre efficace que si la
performance Ă©conomique des IMF s’accompagne d’une performance sociale. La
poursuite d’objectifs Ă  la fois financiers et sociaux est ainsi revendiquĂ©e. Une dis-
tinction est toutefois opĂ©rĂ©e avec l’impact social. Alors que ce dernier cherchait
Ă  mesurer le changement en termes de bien-ĂȘtre et de qualitĂ© de vie des bĂ©nĂ©fi-
ciaires, la performance sociale se mesure au niveau de l’IMF : analyse de la mis-
sion  et  notamment  de  la  cible;  des  principes  managĂ©riaux,  de  la  responsabilitĂ©
sociale, etc. La performance sociale d’une IMF s’évalue par consĂ©quent au regard
de  la  structure  de  l’IMF  et  de  sa  conduite  au  sein  du  marchĂ©  et  Ă   l’égard  de  la
communautĂ© en gĂ©nĂ©ral.

Il existe donc Ă  l’heure actuelle de nombreux instruments d’évaluation qui sont
largement revendiquĂ©s pour mesurer la performance des institutions de microfi-
nance (IMF), sans que, Ă  l’heure actuelle, aucun de ces outils n’ait fait l’unani-
mitĂ©  des  personnes  intĂ©ressĂ©es  par  cette  question  (chercheurs  ou  praticiens  du
dĂ©veloppement). Cette polĂ©mique est due, selon nous, en grande partie au fait que
les  auteurs  et  praticiens  s’intĂ©ressant  Ă   cette  problĂ©matique  reconnaissent  des
finalitĂ©s distinctes aux institutions de microfinance, ce qui les conduit Ă  recourir
Ă  des critĂšres d’évaluation de la qualitĂ© des programmes diffĂ©rents. La divergen-
ce de vue examinĂ©e ci-dessus entre les â€œwelfaristes” et les â€œinstitutionalistes” tra-
duit cette conception diffĂ©rente de la finalitĂ© des IMF.

La partie suivante a pour but d’examiner les arguments que l’on peut trouver dans
la littĂ©rature scientifique pour mieux comprendre les positions des protagonistes
des diffĂ©rentes approches et de nous positionner par rapport Ă  celles-ci.

REGARDS Ă‰CONOMIQUES

8

Plein feu sur la microfinance en 2005 !

5

Un â€œproxy” est un indicateur de rĂ©sultats auquel il est fait recours lorsque celui-ci ne peut pas ĂȘtre mesurĂ© directement (Rossi et

Freeman, 1989).

6

Le â€˜Groupe consultatif d’assistance aux plus pauvres’ (CGAP en anglais) est un programme financĂ© par divers bailleurs de fonds

dans le but d’accroĂźtre les ressources en micro-financement aux pauvres via l’établissement d’institutions pĂ©rennes et d’offrir une
expertise technique. Il a son siĂšge Ă  Washington.  (http://www.cgap.org/).

7

Le CERISE ou ComitĂ© d’Echanges, de RĂ©flexion et d’Informations sur les SystĂšmes d’Epargne-crĂ©dit est un rĂ©seau français crĂ©Ă©

en 1998 par 4 organismes français qui travaillent en appui aux Institutions de Microfinance : le CIDR, le CIRAD, le GRET et l’IRAD.

... Des vues contrastĂ©es sur le 
terrain et des mĂ©thodes 
d’évaluation diffĂ©rentes

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REGARDS Ă‰CONOMIQUES

9

La primautĂ© reconnue aux IMF poursuivant un but de lucre est souvent justifiĂ©e
dans  la  littĂ©rature  scientifique  par  l’efficacitĂ©  de  leur  systĂšme  de  gouvernance.
Au sein des IMF se pose en effet un double problĂšme d’agence : entre les clients
et les membres de l’organisation, d’une part, comme cela a Ă©tĂ© discutĂ© ci-dessus,
mais Ă©galement entre les dirigeants de l’IMF et les apporteurs de fonds, d’autre
part. Ces derniers, dans un contexte d’asymĂ©tries d’information, ne seront jamais
complĂštement assurĂ©s que l’argent qu’ils confient aux dirigeants sera utilisĂ© au
mieux  pour  satisfaire  leurs  intĂ©rĂȘts  (quels  qu’ils  soient :  maximisation  de  la
valeur de la firme, objectif de dĂ©veloppement de populations pauvres, etc.) alors
que les intĂ©rĂȘts des dirigeants peuvent ĂȘtre autres (objectif de croissance de l’ins-
titution,  augmentation  de  leur  propre  rĂ©munĂ©ration,  etc.).  Le  â€œsystĂšme  de  gou-
vernance”  peut  se  dĂ©finir,  dans  un  tel  contexte,  comme  Ă©tant  â€œl’ensemble  des
mĂ©canismes organisationnels qui ont pour effet de dĂ©limiter les pouvoirs et d’in-
fluencer les dĂ©cisions des dirigeants, autrement dit qui â€œgouvernent” leur condui-
te et dĂ©finissent leur espace discrĂ©tionnaire” (Charreaux, 1997, p.40). Les mĂ©ca-
nismes  mis  en  place  ont  pour  but  d’aligner  les  intĂ©rĂȘts  des  agents  sur  ceux  du
principal et partant, de minimiser les coĂ»ts d’agence. Ces mĂ©canismes de contrĂŽ-
le peuvent ĂȘtre aussi bien internes (hiĂ©rarchie, conseil d’administration, contrĂŽ-
les budgĂ©taires, etc.) qu’externes (pression exercĂ©e par les marchĂ©s concurren-
tiels, environnement lĂ©gal et rĂ©glementaire, etc.). Or, pour de nombreux auteurs,
ces mĂ©canismes sont amoindris dans les organisations sans but lucratif telles que
les ONG. Par ailleurs, ces mĂȘmes auteurs considĂšrent que la contrainte de non-
distribution des profits qui caractĂ©risent ces organisations entraĂźne une ineffica-
citĂ© productive car, â€œla notion d’incitation au contrĂŽle des coĂ»ts est inexistante”
(Milgrom et Roberts, 1997, p.685) au contraire des institutions privĂ©es lucratives
qui sont conditionnĂ©es par des critĂšres d’efficience (de minimisation de coĂ»ts). 

Pour d’autres auteurs au contraire, la contrainte de non-distribution des profits
confĂšre une plus grande confiance aux organisations financĂ©es par des dons. Ces
organisations se caractĂ©risent en effet par une asymĂ©trie d’information entre les
acheteurs (bailleurs de fonds) et les dirigeants (membres internes de l’organisa-
tion)  car  les  donateurs  ne  savent  pas  Ă©valuer  la  qualitĂ©  du  bien  produit  et  par
consĂ©quent l’utilisation qui a Ă©tĂ© faite de leurs ressources dans la mesure oĂč ils
ne sont pas les consommateurs des services et que l'exercice du contrĂŽle indivi-
duel est coĂ»teux et non justifiĂ© au regard des bĂ©nĂ©fices qu’ils pourraient en reti-
rer. La contrainte de non-distribution des profits limite l’adoption de comporte-
ments opportunistes de la part des dirigeants dans la mesure oĂč ils ne pourront
pas profiter d’un Ă©ventuel excĂ©dent financier. Certaines thĂ©ories mettent Ă©gale-
ment en avant l’engagement des dirigeants d’associations par rapport Ă  la mis-
sion sociale de l’organisation, les valeurs partagĂ©es par les membres internes et
qui garantissent le respect de la finalitĂ© sociale de l’organisation, l’ancrage terri-
torial fort de ces organisations, leur capacitĂ© d’innovation sociale, etc. 

Un mot en particulier pourrait encore ĂȘtre dit Ă  propos des coopĂ©ratives par rap-
port auxquelles la littĂ©rature est Ă©galement partagĂ©e. Comme mentionnĂ© dans la
premiĂšre partie, le succĂšs des coopĂ©ratives d’épargne et de crĂ©dit repose sur un
mĂ©canisme  de  gouvernance  reconnaissant  aux  clients  Ă©galement  la  qualitĂ©  de
propriĂ©taire et dont la rĂ©ussite dĂ©pend d’une combinaison de facteurs comme la
taille restreinte de l’organisation, la connaissance mutuelle des membres, etc. 

Loin de nous la volontĂ© de vouloir procĂ©der Ă  une revue exhaustive de la littĂ©ra-
ture  scientifique  dans  le  cadre  de  ce  numĂ©ro  de  Regards  Ă©conomiques.  Notre
souci est de montrer avant tout qu’il n’existe pas un mode d’organisation Ă©cono-
mique supĂ©rieur aux autres qui devrait s’imposer comme le modĂšle de rĂ©fĂ©rence
pour les institutions de microfinance. Il nous semble au contraire qu’il importe
de revoir les paradigmes de dĂ©veloppement et de reconnaĂźtre l’existence d’une

Plein feu sur la microfinance en 2005 !

3. Quel mode d’intervention
efficace ? Le regard 
des Ă©conomistes

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REGARDS Ă‰CONOMIQUES

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Plein feu sur la microfinance en 2005 !

pluralitĂ© de mĂ©canismes d’intervention en microfinance. Plus qu’antagonistes, les
approches welfaristes et institutionnalistes devraient ĂȘtre envisagĂ©es selon nous
comme  complĂ©mentaires.  La  pertinence  de  l’une  ou  l’autre  doit  s’évaluer  au
regard des acteurs en prĂ©sence, de la cible poursuivie, de la densitĂ© de population,
du contexte Ă©conomique, institutionnel, etc. La pĂ©rennitĂ© d’une IMF ne pourra en
effet ĂȘtre atteinte que dans la mesure oĂč l’institution peut opĂ©rer Ă  grande Ă©chel-
le et avoir un volume d’activitĂ© tel que le point d’équilibre puisse ĂȘtre atteint. Il
est donc par exemple nĂ©cessaire que la densitĂ© de la population soit suffisamment
importante pour toucher facilement un grand nombre d’emprunteurs. La durĂ©e des
visites des chargĂ©s de crĂ©dit sur les lieux de la micro-entreprise requises pour une
Ă©valuation appropriĂ©e des demandes de microcrĂ©dit est en effet largement fonction
de  la  distance  gĂ©ographique  qui  sĂ©pare  les  clients  potentiels  de  l’IMF  et  des
moyens  de  transports  disponibles.  Par  ailleurs,  l’IMF  doit  Ă©galement  disposer
d’une technologie appropriĂ©e pour Ă©valuer rapidement les demandes de crĂ©dit et
maintenir Ă  jour l’information commerciale et financiĂšre. Sans ces conditions, la
productivitĂ© des membres internes Ă  l’IMF ne pourra pas ĂȘtre suffisante et la crois-
sance du portefeuille assurĂ©e. Il est donc nĂ©cessaire qu’en microfinance, les limi-
tes du discours dominant orientĂ© sur une approche de marchĂ©s soient reconnues.

Par  ailleurs,  dans  le  choix  de  l’approche  dans  laquelle  doit  s’inscrire  l’IMF,  il
importe également, selon nous, de se pencher sur le degré de précarité de la cible
visĂ©e. Certaines institutions, soucieuses de veiller Ă  la rentabilitĂ© de leurs opĂ©ra-
tions de prĂȘts, excluent en effet de leurs clients certains secteurs d’activitĂ© jugĂ©s
comme  trop  risquĂ©s  (citons  entre  autres  les  conducteurs  de  taxi)  et  mettent  des
conditions d’accĂšs telles que de nombreux micro-entrepreneurs se trouvent hors
des conditions d’accĂšs (comme par exemple l’anciennetĂ© minimale exigĂ©e ou le
degrĂ© de formalisation de la micro-entreprise). Il nous semble dĂšs lors qu’il pour-
rait y avoir place pour la coexistence d’IMF diffĂ©renciĂ©es (par exemple des sociĂ©-
tĂ©s  anonymes  adoptant  une  logique  de  rentabilitĂ©  et  des  ONG  adoptant  une
logique  de  dĂ©veloppement  de  populations  pau-vres).  Si  pour  les  premiĂšres,  l’a-
doption d’une approche institutionnaliste ne fait pas de doute et passe par la visĂ©e
de l’autonomie financiĂšre, pour les secondes, le maintien de subsides structurels
est selon nous tout Ă  fait envisageable lorsque des objectifs de dĂ©veloppement sont
poursuivis dans des contextes particuliers (faible densitĂ© de population, instrument
financier novateur, cible spĂ©cifique, etc.).

Il faudrait en outre que les bailleurs de fonds adoptent des critĂšres d’évaluation
des IMF en cohĂ©rence avec la mission poursuivie par l’institution d’appui et ses
valeurs fondatrices. Plus qu’antagonistes, les diffĂ©rentes mĂ©thodes d’évaluation
proposĂ©es  dans  le  champ  de  la  microfinance  (Ă©tudes  d’impact,  instruments  de
rating, etc.) sont, Ă  notre sens, elles aussi complĂ©mentaires. Leur utilitĂ© dĂ©pend
tout Ă  la fois de la mission de l’IMF (Ă  vocation sociale ou financiĂšre), de la ou
des  personnes  qui  Ă©valuent  (bailleurs  de  fonds,  membres  internes,  etc.),  de  la
pers-pective adoptĂ©e (du point de vue des clients, des bailleurs de fonds, de l’ins-
titution, etc.) et des moyens dont disposent les Ă©valuateurs. L’important est que
les personnes en prĂ©sence s’accordent sur l’objet de l’évaluation.

Mais tous ces dĂ©bats sont loin d’ĂȘtre clos. C’est la raison pour laquelle un sĂ©mi-
naire  de  rĂ©flexion  est  organisĂ©  par  la  Plate-forme  Belge  de  Microfinance  et  la
coopĂ©ration belge au dĂ©veloppement (DGCD) les 3 et 4 mars prochain au Palais
d’Egmont Ă  Bruxelles, Ă  l’occasion de l’annĂ©e 2005 promue â€œAnnĂ©e Internationale
du MicrocrĂ©dit” par les Nations Unies. 

Etant donnĂ© l’importance de cette annĂ©e pour la microfinance, nous nous attar-
dons dans la quatriĂšme et derniĂšre partie de ce numĂ©ro, sur les objectifs poursui-
vis par les Nations Unies au cours de cette annĂ©e 2005 et prĂ©sentons briĂšvement
l’évĂ©nement national qui est organisĂ© chez nous Ă  cette occasion.

... Quel mode d’intervention 
efficace ? Le regard des 
Ă©conomistes

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REGARDS Ă‰CONOMIQUES

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DĂšs 1998, l’AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale des Nations Unies avait dĂ©clarĂ© 2005 â€œl’AnnĂ©e
Internationale du MicrocrĂ©dit” pour saluer la contribution du microcrĂ©dit Ă  l’allĂ©-
gement de la pauvretĂ©. Le thĂšme gĂ©nĂ©ral de cette annĂ©e est â€œConstruire des sec-
teurs financiers intĂ©grants pour atteindre les Objectifs du MillĂ©naire pour le dĂ©ve-
loppement”

8

. En consacrant l'annĂ©e 2005 “AnnĂ©e Internationale du MicrocrĂ©dit”,

l’AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale voulait donner un Ă©lan aux programmes de microcrĂ©dit Ă 
travers  le  monde.  Car  si  aujourd’hui  quelques  30  millions  de  personnes  ont  pu
accĂ©der Ă  un microcrĂ©dit, l’ONU estime qu’il reste encore 400 Ă  500 millions de
personnes pauvres ou Ă  faible revenu dans le monde en demande de microcrĂ©dit.
Le chemin Ă  parcourir est donc encore long !

Corollairement, l’AssemblĂ©e souhaite que l’AnnĂ©e 2005 permette de mieux faire
comprendre l’importance du microcrĂ©dit et de la microfinance pour l’élimination
de la pauvretĂ©, d’assurer le partage de pratiques efficaces et de renforcer les avan-
cĂ©es  du  secteur  financier  propres  Ă   promouvoir  des  services  financiers  viables
favorables aux pauvres dans tous les pays. Elle appelle Ă  l’établissement de par-
tenariats entre les Etats Membres, les agences des Nations Unies, la sociĂ©tĂ© civi-
le, les secteurs privĂ©s et publics et autres partenaires de microfinance. Elle espĂš-
re que cette annĂ©e sera l’occasion de â€œcombiner Ă  la fois le potentiel mĂ©diatique
d’un Ă©vĂ©nement annuel et l’engagement avouĂ©, profond et global des nations pour
crĂ©er des secteurs financiers intĂ©grants”

9

L’assemblĂ©e GĂ©nĂ©rale des Nations Unies a invitĂ© les Etats Membres Ă  mettre en
place des ComitĂ©s nationaux, responsables de promouvoir la mise en place d’ac-
tivitĂ©s s’inscrivant dans le cadre gĂ©nĂ©ral de l’AnnĂ©e Internationale du MicrocrĂ©dit
2005. Dans la plupart des pays francophones, les opĂ©rateurs de microfinance sont
organisĂ©s en plate-formes nationales. La Plate-forme belge de la microfinance a
Ă©tĂ©  crĂ©Ă©e  en  2003  suite  Ă   l'initiative  prise  par  trois  ONG  belges  spĂ©cialisĂ©es  en
microfinance : SOS-Faim, TRIAS et AQUADEV. DĂšs le dĂ©but, l'initiative s’est
voulue  ouverte.  PlacĂ©e  sous  le  parrainage  de  la  CoopĂ©ration  Belge  (DGCD),  la
Plate-forme associe aujourd’hui diffĂ©rents acteurs belges (francophones, nĂ©erlan-
dophones, non gouvernementaux, publics, acadĂ©miques, privĂ©s) disposant d’une
expertise en microfinance. 

Relayant  le  thĂšme  gĂ©nĂ©ral  des  Nations  Unies,  la  Plate-forme  Belge  de  Micro-
finance,  dont  nous  faisons  partie,  et  la  coopĂ©ration  belge  au  dĂ©veloppement
(DGCD) ont voulu s’interroger sur les potentialitĂ©s de la microfinance en matiĂš-
re d’intĂ©gration sociale dans le cadre d’un sĂ©minaire de rĂ©flexion qui se tiendra
les 3 et 4 mars 2005 au Palais d’Egmont Ă  Bruxelles. Les membres de cette Plate-
forme ainsi que de la DGCD souhaitaient ne pas considĂ©rer comme un Ă©tat de fait
l’inclusion  des  plus  pauvres  dans  les  systĂšmes  de  microfinance,  mais  voulaient
s’interroger sur la portĂ©e rĂ©elle de la microfinance Ă  l’égard de populations mar-
ginalisĂ©es. Car, un des postulats Ă  la base du programme des Nations Unies est
que la microfinance et  le microcrĂ©dit en particulier offrent aux plus pauvres de
meilleures perspectives et assurent un impact durable sur la rĂ©duction de la pau-
vretĂ© et sur le processus de dĂ©veloppement social et humain. Or, s’il est incontes-
table que les institutions de microfinance sont Ă©rigĂ©es avant tout pour des popu-
lations marginalisĂ©es, rien n’est moins sĂ»r que celles-ci sont en mesure de servir
les plus pauvres d’entre les pauvres. Au cours de ces derniĂšres annĂ©es, de nomb-
reux ouvrages et articles ont Ă©tĂ© publiĂ©s afin de mesurer le niveau de pauvretĂ© des

Plein feu sur la microfinance en 2005 !

4. 2005 : l’AnnĂ©e Inter-
nationale du MicrocrĂ©dit !

8

Pour une description plus prĂ©cise de ces objectifs, voir le site de l’ONU : http://www.un.org/french/milleniumgoals/index.html 

9

Se rĂ©fĂ©rer au site consacrĂ© Ă  l’AnnĂ©e Internationale du MicrocrĂ©dit 2005 :

http://www.yearofmicrocredit.org/pages/multilingual/french.asp. 

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REGARDS Ă‰CONOMIQUES

12

clients desservis par les institutions de microfinance

10

sans pour autant qu’aucun

lien  n’ait  pu  ĂȘtre  systĂ©matiquement  Ă©tabli  entre  institutions  de  microfinance  et
degrĂ© de pauvretĂ© des clients de ces institutions. 

Cette remise en question des potentialitĂ©s rĂ©elles de la microfinance et de sa por-
tĂ©e nous apparaĂźt d’autant plus essentielle aujourd’hui compte tenu du discours
actuellement privilĂ©giĂ© par les grandes institutions internationales et qui appelle
Ă   l’élimination  progressive  de  toute  forme  de  subsides  Ă   l’égard  des  IMF  afin
d’assurer la pĂ©rennitĂ© des dispositifs de microfinancement et la viabilitĂ© du sys-
tĂšme financier.

Le sĂ©minaire rĂ©unira des praticiens de la microfinance, les pouvoirs publics et des
acadĂ©miques experts en la question. Quatre ateliers se succĂ©deront : le premier
s’interrogera sur les nĂ©cessitĂ©s et les limites de la commercialisation de la micro-
finance; le deuxiĂšme traitera de l’impact social des IMF; le troisiĂšme abordera les
spĂ©cificitĂ©s  de  la  microfinance  en  milieu  rural  et  le  quatriĂšme  questionnera  la
lĂ©gitimitĂ© des subventions Ă  l’égard des IMF et s’interrogera sur les agents faci-
litateurs du dĂ©veloppement du secteur de la microfinance. 

Nous nous rĂ©jouissons que la microfinance requiert l’attention de tant d’acteurs.
Notre vƓu est que les rĂ©flexions menĂ©es Ă  l’occasion de cette AnnĂ©e Internatio-
nale du MicrocrĂ©dit 2005 puissent contribuer Ă  l’essor d’un monde plus Ă©quitable
oĂč tout un chacun a la capacitĂ© de gĂ©nĂ©rer les ressources qui lui sont nĂ©cessaires
pour assurer sa subsistance et celle de ses proches ainsi que d’assurer son bien-
ĂȘtre  global.  Mais  nous  attirons  toutefois  l’attention  sur  le  fait  que,  malgrĂ©  ses
apports, la microfinance ne doit pas ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme la panacĂ©e du dĂ©ve-
loppement  et  que  tout  homme  n’est  pas  fait  pour  ĂȘtre  â€œmicro-entrepreneur”.
D’autres  mĂ©canismes  d’aide  (construction  d’écoles,  approvisionnement  en  eau,
aide alimentaire directe, etc.) doivent dĂšs lors ĂȘtre maintenus. 

ValĂ©rie de Briey 

Plein feu sur la microfinance en 2005 !

10

Se rĂ©fĂ©rer par exemple Ă  Hulme et Mosley (1996) ; Morduch (1999) ; Guerin et Servet (2004).

ValĂ©rie de Briey est responsable
de recherches au Cerisis (UCL).
Elle est membre de la Plate-forme
belge de la microfinance et 
membre du GRAP-OSC (CUD-
DGCD)

... 2005 : l’AnnĂ©e Internationale
du MicrocrĂ©dit

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REGARDS Ă‰CONOMIQUES

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Regards Ă‰conomiques

a le soutien financier de la Fondation Louvain

et de la Banque Nationale de Belgique.

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Muriel Dejemeppe
ComitĂ© de rĂ©daction : Paul Belleflamme,
Vincent Bodart, Raouf Boucekkine,
Isabelle Cassiers, Muriel Dejemeppe,
Jean Hindriks, Vincent Vandenberghe, 
Vincent Vannetelbosch
SecrĂ©tariat & logistique : Anne Davister, 
Graphiste : Dominos