Lab.RII
UNIVERSITĂ DU LITTORAL CĂTE D'OPALE
Laboratoire Redéploiement Industriel et Innovation
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L
N°71
Janvier
2004
ModĂšles et individus de lâorganisation
Chrystelle GAUJARD
Laboratoire Redéploiement Industriel et Innovation http://www-heb.univ-littoral.fr/rii
Maison de la Recherche â 21, quai de la Citadelle â 59140 DUNKERQUE
tĂ©lĂ©phone : 03.28.23.71.47 â fax : 03.28.23.71.43 â email : labrii@univ-littoral.fr
site web : http://www-heb.univ-littoral.fr/rii
MODELES ET INDIVIDUS DE LâORGANISATION
PATTERNS AND INDIVIDUALS OF ORGANIZATION
Chrystelle GAUJARD
Résumé -
Lâorganisation est une entitĂ© complexe que beaucoup dâauteurs ont
cherchĂ© Ă comprendre dans toutes ses dimensions. Câest pour cette raison que des
outils de lecture, comme les modĂšles ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s. Lorsque lâon observe « lâhistoire
des organisations », trois grands paradigmes se distinguent: tout dâabord le courant
Tayloriste, basé sur la mécanisation des tùches, ensuite un courant venu Outre-
atlantique, incarné par le systÚme de management par objectif, et, enfin, dans les
années 80, un courant « made in Japon », marqué par la qualité.
Grùce aux travaux de nombreux sociologues, les salariés ont été considérés comme
des individus, dotĂ©s de comportements, dâattitudes. Car, plus que des processus, des
procĂ©dures et des outils, lâorganisation est composĂ©e dâĂȘtres humains qui ont vĂ©cu et
qui ont intégré des valeurs selon leurs époques. Les générations sociales montrent
que les individus sont imprégnés des événements économiques, des avancées
technologiques, du contexte politique. Ces mĂȘmes « Ă©vĂ©nements » insufflent le
changement au cĆur des organisations : dĂ©localisation des lieux de production,
développement des compétences, agrandissement des marchés, réseaux
internationaux...
Abstract -
Organization is a complex entity which several authors wanted to
understand in its all dimensions. Itâs the reason why some tools were created, like
models. From an historic point of view the « Organizational Review » there are 3
main paradigms. The first one has been built from Taylorâs vision which is based on
the tasks mechanization. The second one has been emerged through the management
by objectives. The third one has been pushed by the Japanese management and its
quality politic.
Thanks to sociologistsâ works, employees have been considered as
individuals who can develop behaviour and have the ability to influence the
companyâs structure. Individuals have integrated the economic, social and politic
context in their behaviour.
Those contexts have the capability to modify the
companies. We can observe many changes within companies: arise of the offshore
activities, competences improvement, international marketsâŠ
© Laboratoire Redéploiement Industriel et Innovation
UniversitĂ© du Littoral CĂŽte dâOpale, janvier 2004
MODELES ET INDIVIDUS DE LâORGANISATION
PATTERNS AND INDIVIDUALS OF ORGANIZATION
Table
Introduction 5
1. La notion dâidĂ©al-type de Weber
5
2. Les 3 grands paradigmes
6
2.1. La théorie X : le management autoritaire
6
2.2. La théorie Y : le management participatif
7
2.3. La théorie Z : le modÚle japonais
8
3. Le besoin dâadaptation des organisations
10
3.1. La théorie de la contingence
10
3.2. HypothĂšses de Mintzberg : les liens entre organisation
et environnement
10
4. Les individus de lâorganisation
11
4.1. Les individus : acteurs de lâorganisation
11
4.2. La notion de génération et ses implications
13
Conclusion 16
Bibliographie 17
INTRODUCTION
La théorie des organisations fut alimentée grùce à de grands auteurs comme Taylor (1856-
1915), précurseurs du courant rationnel. A Taylor, il faut ajouter Henri Fayol (1841-1925),
considéré comme le fondateur du management, mais aussi Henry Ford (1863-1947), qui fit
naßtre les débuts de la production de masse. Max Weber (1864-1920) quant à lui est
l'inventeur de l'organisation bureaucratique. Elton Mayo (1880-1949) développa la théorie des
relations humaines et K. Lewin (1908-1970) sâintĂ©ressa Ă la dynamique de groupe, alors que
Maslow (1908-1970) construisit la pyramide des besoins et Herzberg (1923-...) bùtit la dualité
des facteurs.
Les entreprises ont su développer des savoirs, des compétences, des stratégies. Elles ont su
sâadapter Ă un marchĂ© mouvant et instable, elles ont su rester pĂ©rennes et prospĂšres, elles ont
mis au point des techniques, des solutions technologiques. Au-delà de cette capacité
dâadaptation, les entreprises ont Ă©tĂ© capables dâinnover, de se perfectionner. Ceci sâest traduit
au cours du temps, par des changements majeurs ou difficilement matérialisables. On peut par
exemple parler de « raccourcissement des lignes hiĂ©rarchiques » et de « lâaplatissement » de
la structure. Par ailleurs, transversalité, processus, organisation en réseau et par projet,
polyvalence et groupes autonomes, décentralisation, subsidiarité, ⊠sont les principaux mots
dâordre des deux derniĂšres dĂ©cennies en matiĂšre dâorganisation et de management. Ces
Ă©volutions trouvent deux traductions concrĂštes au niveau des situations de travail : une
autonomie accrue et officialisée à tous les niveaux de la chaßne hiérarchique et une plus
grande coopĂ©ration entre les salariĂ©s appartenant Ă des services, dĂ©partementsâŠ
Force est de constater que la dimension humaine au sein de la théorie des organisations fut
incorporĂ©e peu Ă peu, en fonction de lâenrichissement de la connaissance que les auteurs ont
eu des individus. En effet, perçu comme une « piĂšce interchangeable », lâHomme gagna en
consistance au sein des organisations au cours du temps. Les études en témoignent. Elles
furent de plus en plus détaillées : de la simple analyse des gestes effectués sur une chaßne
industrielle Ă lâanalyse des comportements sociaux dans lâentreprise. Les individus ont eu un
rĂŽle Ă jouer lors de cette Ă©volution organisationnelle, au travers de leurs valeurs quâils ont
acquises au cours du temps, et selon la génération à la quelle ils appartiennent.
1. La notion dâidĂ©al type de Weber
Weber, afin de pouvoir comprendre les organisations a mis en place un outil, baptisé « idéal-
type »
. Cet « idéal-type » est un instrument de la recherche du sens et de l'explication
causale. LâidĂ©al-type regroupe dans un tableau les caractĂ©ristiques essentielles dâun
phénomÚne. « Il ne reflÚte pas la réalité mais facilite son analyse en accentuant certains
traits ». Câest un moyen pour Weber dâĂ©mettre des hypothĂšses pour comprendre ce quâil
observe. Autrement dit, câest une reconstruction stylisĂ©e d'une rĂ©alitĂ© dont l'observateur a
isolé les traits les plus significatifs.
Lâexemple le plus citĂ© est celui de la bureaucratie. La bureaucratie est un idĂ©al-type c'est Ă
dire une forme pure dont on ne rencontre jamais aucun exemplaire dans la réalité mais qui
permet de cerner les tendances propres à cette catégorie d'organisation sociale, à savoir :
- Un pouvoir fondé sur la compétence
1
WEBER M.,
Economie et Société
, Paris, 1922, Editions Plon, 1971.
- Un fonctionnement sâappuyant sur une rĂ©glementation impersonnelle
- Une exécution des tùches divisées en fonctions spécialisées
- Une carriÚre réglée par des critÚres objectifs (ancienneté, qualification).
Câest donc Ă partir de ce concept dâ« idĂ©al-type » que nous allons pouvoir « dessiner » les
traits des 3 grands paradigmes organisationnels, à partir des travaux de Mac Grégor et de
Ouchi. Câest aussi grĂące Ă ce concept « dâidĂ©al-type » que nous allons chercher Ă dĂ©gager des
tendances lourdes pour un modĂšle organisationnel de demain.
2. Les grands paradigmes
2.1. La théorie X de Mac Gregor : le management autoritaire
Psychosociologue américain, spécialisé dans le comportement humain à l'intérieur des
organisations, Douglas Mac Gregor
(1974) a formulé la Théorie X (le management
autoritaire) et la Théorie Y (le management participatif). Mac Gregor pense que la maniÚre
dont une organisation est dirigée résulte directement de la conviction de ses dirigeants. Nous
pouvons à ce propos cité une phrase de son livre :
« DerriÚre chaque décision de
commandement ou d'action, il y a des suppositions implicites sur la nature humaine et le
comportement des hommes ».
Mac Gregor est l'un des premiers Ă rejeter globalement les techniques de management qui
reposent sur la théorie classique (qu'il appelle " théorie X ") et cela pour les raisons suivantes
- la théorie classique est bùtie sur des modÚles (Armée, église ...) qui ne sont plus du tout
adaptés aux réalités de l'entreprise moderne (surtout aprÚs la 2Úme guerre mondiale)
- la théorie classique ne tient pas compte de l'influence du milieu dans lequel elle évolue
(environnement Ă©conomique et politique, concurrence ....)
- les hypothĂšses concernant les comportements humains sont simplistes, voire inexactes
(aversion pour le travail et les responsabilités, recherche de la sécurité maximum ...)
- la théorie classique a pour pivot central la notion d'autorité alors que ce concept n'est qu'un
outil, parmi d'autres, du management et de la motivation.
La ThĂ©orie X suppose que les ĂȘtres humains sont paresseux pour la plupart d'entre eux, qu'ils
n'aiment pas le travail et qu'ils ont besoin Ă la fois de la carotte et du bĂąton pour avancer,
qu'ils sont fondamentalement immatures, enfin qu'ils ont besoin d'ĂȘtre dirigĂ©s et sont
incapables de prendre des responsabilités. Selon Mac Gregor,
« l'homme est un animal de
désir - dÚs qu'un de ses besoins est satisfait, un autre apparaßt à la place. Ce processus est
sans fin. Il perdure de la naissance Ă la mort. L'homme poursuit continuellement ses efforts...
pour satisfaire ses besoins. »
Etant donné qu'une majorité d'entreprises modernes - à l'époque
- pourvoyait relativement bien aux besoins à la fois physiologiques et de sécurité des dirigés,
Mac Gregor a insisté sur la satisfaction des besoins sociaux, égoïstes et d'accomplissement de
soi comme facteurs de motivation.
« A moins qu'ils n'aient la possibilité de satisfaire ces besoins de haut niveau dans le travail,
les gens seront insatisfaits, et leur comportement reflétera ce manque »
affirme Mac Gregor.
Mac Gregor poursuit :
« La philosophie du management par la direction et le contrÎle (dur ou
doux) ne propose aucun facteur de motivation, tout simplement parce que la satisfaction des
1
MCGREGOR D.,
La Dimension Humaine de lâentreprise
, Gauthier-Villars, 1974.
besoins humains sur laquelle elle s'appuie a un effet relativement peu important sur le
comportement dans notre société actuelle. La direction et le contrÎle motivent insuffisamment
ceux dont les besoins essentiels sont sociaux et Ă©goĂŻstes... Tant que les hypothĂšses de la
Théorie X influenceront la stratégie des dirigeants, nous ne parviendrons pas à découvrir -
encore moins à utiliser- les potentialités de l'individu moyen. »
Ce modÚle correspond au modÚle taylorien, les hommes sont spécialisés par métier et les
tĂąches sont standardisĂ©es. Cependant, lâaspect « sĂ©curitĂ© de lâemploi » favorise la crĂ©ativitĂ©
des salariés. Ce modÚle est applicable pour le secteur industriel ou des services. Il est possible
de lâidentifier comme le modĂšle rationnel, douĂ© pour la productivitĂ© et efficace dans le
domaine de production de masse et des Ă©conomies dâĂ©chelles. Il sâagit essentiellement
dâentreprises mono produit oĂč le marchĂ© est mĂ»r, dans un environnement stable. Par
conséquent, si l'encadrement se focalise sur la satisfaction des besoins physiologiques, il y a
peu de chances que les récompenses distribuées soient efficaces, la seule solution possible
Ă©tant alors la menace de punition.
2.2. La théorie Y de Mac Gregor : le management participatif
La Théorie Y postule au contraire que les individus ont, en réalité, psychologiquement besoin
de travailler, qu'ils désirent s'accomplir personnellement et exercer des responsabilités, en
somme que les dirigés sont adultes. La Théorie Y se fonde sur l'observation suivante : la
pensée du management s'est considérablement écartée de l'approche traditionnelle « dure » et
de la réaction « douce » qui suivirent les années de la Dépression.
Il formule ainsi les six postulats fondamentaux de la Théorie Y :
1. La dépense d'effort physique et mental dans le travail est aussi naturelle que le jeu et le
repos. L'individu moyen n'éprouve pas d'aversion innée pour le travail. Dans certaines
situations contrĂŽlables, le travail peut ĂȘtre une source de satisfaction (et sera
volontairement accompli) ou une source de sanction (et sera évité, si possible).
2. Le contrĂŽle externe et la menace de sanction ne sont pas les seuls moyens pour obtenir
un effort dirigĂ© vers des objectifs. L'homme peut se diriger et se contrĂŽler lui-mĂȘme
lorsqu'il travaille pour des objectifs envers lesquels il se sent responsable.
3. La responsabilité envers certains objectifs existe en fonction des récompenses
associées à leur réalisation. La plus importante de ces récompenses, c'est à dire la
satisfaction de l'ego et du besoin de réalisation de soi, peut s'obtenir directement par
l'effort dirigé vers des objectifs.
4. L'individu moyen apprend, dans les conditions voulues, non seulement Ă accepter mais
à rechercher des responsabilités.
5. Les ressources relativement élevées d'imagination, d'ingéniosité et de créativité pour
résoudre des problÚmes organisationnels sont largement et non pas étroitement
distribuées dans la population.
6. Dans les conditions de la vie industrielle moderne, le potentiel intellectuel de
l'individu moyen n'est que partiellement employé.
De telles hypothĂšses, souligne Mac Gregor, ont des implications particuliĂšres pour la
direction. Alors que la Théorie X offrait à l'encadrement une excuse facile en cas d'échec - la
nature innée et les limitations propres aux ressources humaines - la Théorie Y replace tous ces
problÚmes « dans le giron du management ». Si des employés sont paresseux ou ne veulent
pas montrer d'initiatives ou prendre des responsabilités, s'ils sont indifférents ou
intransigeants, la faute en incombe aux méthodes de direction. Mac Gregor reprend en
d'autres termes le vieil adage militaire :
« Il n'y a pas de mauvais soldats, il n'y a que des
mauvais chefs ».
La Théorie Y ne nie pas tout besoin d'autorité, mais elle refuse que l'autorité s'immisce dans
tous les domaines, y compris pour
« obtenir des engagements d'objectifs »
. La Théorie Y dit
que les
« gens exercent une auto direction et un autocontrÎle dans l'accomplissement des
objectifs organisationnels dans la mesure oĂč ils sont concernĂ©s par ces objectifs... Les
politiques et les pratiques managériales affectent matériellement ce degré d'engagement. »
Simplement, Mac Gregor croit que les individus peuvent révéler des potentiels beaucoup plus
importants que l'encadrement des entreprises ne pouvait alors l'imaginer. Si la Théorie X nie
mĂȘme l'existence de ce potentiel, la ThĂ©orie Y dĂ©fie l'encadrement
« d'innover, de découvrir
de nouveaux moyens d'organiser et de diriger l'effort humain, mĂȘme si nous reconnaissons
que l'organisation parfaite, comme le vide total, est pratiquement hors d'atteinte ».
Ce modÚle est souvent associé au modÚle DPO, le management participatif par objectif. Les
objectifs gĂ©nĂ©raux sont dĂ©multipliĂ©s en autant dâobjectifs partiels quâil y a dâunitĂ©s
opĂ©rationnelles. Ce modĂšle est viable et mĂȘme performant sur un marchĂ© en croissance
rapide. Lâautonomie existe sur le terrain seulement si lâindividu obĂ©it Ă la « rĂšgle du
reporting ». Ce modÚle est doué pour la croissance.
2.3. William Ouchi, la théorie Z : le modÚle japonais
La thĂ©orie Z est lâextension de la thĂ©orie XY de Mac GrĂ©gor. La thĂ©orie Z fut dĂ©veloppĂ©e par
William Ouchi
.
Ouchi est professeur de management de UCLA Ă Los Angeles. La
thĂ©orie Z est souvent associĂ©e au style de management japonais (la thĂ©orie Z de lâorganisation
repose sur une synthÚse des caractéristiques respectives de firmes japonaises et nord-
américaines qui ont connu le succÚs).
Ouchi et Jaeger
(1978) ont opposé une grande entreprise américaine (Type A) à sa
contrepartie japonaise (Type J) :
Type A (Américaine)
Type J (Japonaise)
Emploi Ă court terme
Emploi Ă vie
Prise de décision individuelle
Prise de décision par consensus
Responsabilité individuelle
Responsabilité collective
Evaluation rapide des promotions
Evaluation et promotion lentes
ContrĂŽle formel et explicite
ContrĂŽle informel et implicite
CarriÚres spécialisées
CarriÚres non spécialisées
Préoccupations divisées
Préoccupations holistiques
Ces deux auteurs soutiennent que les Ă©lĂ©ments centraux sont la loyautĂ© et lâidĂ©ologie grĂące Ă
un exemple confrontant une organisation japonaise classique à orientation idéologique et une
organisation bureaucratique amĂ©ricaine traditionnelle : « Lors dâune visite faite Ă une banque
1
OUCHI W. G.,
Theory Z : How American Business Can Meet the Japanese Challenge
, Reading, Mass :
Addision-Wesley, 1981.
2
OUCHI W.G. et JAEGER A.M.,
Type Z Organizations : Stability in the Midst of Mobility
, Academy of
Management Review, 1978.
japonaise en Californie, le président japonais et les vice-présidents américains de la banque
sâaccusaient mutuellement dâĂȘtre incapables de formuler des objectifs. Les amĂ©ricains
voulaient dire que le président japonais ne pouvait ou ne voulait pas leur donner des cibles
explicites et quantifiables Ă atteindre dans les 3 ou 6 mois Ă venir, alors que les japonais
laissaient entendre que les amĂ©ricains nâarrivaient pas Ă comprendre quâil suffisait de saisir la
philosophie de la banque pour pouvoir dĂ©duire soi-mĂȘme les objectifs convenant Ă nâimporte
quelle situation imaginable.»
Dans une autre Ă©tude, Ouchi avec Jonhson
(1978) ont mis en Ă©vidence dans une entreprise
amĂ©ricaine une plus grande loyautĂ© envers lâentreprise, une forte orientation collective, une
spécialisation plus modérée et une plus grande confiance en les contrÎles informels. Par
exemple, dans ces entreprises de type Z, on peut remarquer « un nouveau manager restera
sans affectation prĂ©cise pendant une pĂ©riode dâau moins quatre Ă cinq ans. Câest le temps quâil
faut avant que lâon dĂ©cide sâil convient rĂ©ellement Ă lâorganisation et si lâon peut avoir
confiance en lui ». Câest pourquoi, Ouchi transforma le type « J » en type « Z ».
Ouchi choisit ce nom « la théorie Z » pour faire également référence à la théorie de Mac
Grégor, en tant que prolongement logique de la pensée de ce dernier. La théorie Z combine le
meilleur de la théorie Y et le management japonais, introduisant beaucoup de liberté et un
climat de confiance avec les salariés. Le management japonais prÎne que les salariés doivent
ĂȘtre loyaux et amĂ©liorent leur travail dâĂ©quipe, ainsi que lâorganisation. Dans ses travaux, y
sont décrits les cercles de contrÎle de qualité, et une culture particuliÚre, appelée Z est
longuement exposée. Une typologie des cultures d'entreprise est dressée. Ces diverses
investigations, avaient pour objectif de préciser les raisons organisationnelles pour lesquelles,
les entreprises japonaises se sont montrées depuis les années cinquante, Úre de l'économie
managériale, plus performantes que les entreprises américaines.
La théorie Z offre plus de fiabilité basée sur les attitudes et les responsabilités des salariés,
alors que la théorie XY de Mac Grégor est essentiellement focalisée sur un management et sur
la motivation des perspectives des managers et de lâorganisation. Il s'est ainsi avĂ©rĂ© que ce
succÚs résultait de la maniÚre d'envisager autrement l'entreprise et était redevable de la
considération systématique des différents styles de collaboration. Les diverses observations
réalisées à l'intérieur des entreprises nippones ont permis de dégager le principe selon lequel
le bon fonctionnement de l'entreprise dĂ©pend de la capacitĂ© de la part de l'organisation Ă
appréhender globalement l'ensemble des informations, tout en témoignant d'une flexibilité
importante.
Selon OUCHI, il y a deux types de formes dâentreprise : H ou M.
âą
Le type H (en référence au
Holding
) est le conglomérat traditionnel ou l'aspect
financier est prépondérant. Ce type de configuration se retrouve chez ITT.
âą
Le type M (multifonctions) intÚgre une multitude de départements généralement
organisés autour d'un pÎle technologique de base. On retrouve ce modÚle chez les
grands complexes tels que SONY, MATSUSHITA, TOYOTA et IBM.
Ce modÚle correspond au modÚle qualiticien dont la vocation est la qualité et le souci
dâoptimisation, oĂč lâon y trouve les cercles de qualitĂ©s. Georges Archier et HervĂ© Serieyx
estimaient que
« Le modĂšle japonais va sâimposer partout ».
Le modÚle japonais a surtout été
appliqué dans les années 80 dans les organisations, au travers de la « qualité totale ». Dans ce
1
OUCHI W.G. et JOHNSON B.,
Types of Organizational Control and their Relationship to Emotional Well
Being
, Administrative Science Quaterly, 1978.
2
ARCHIER G. et SERIEYX H.,
Lâentreprise du troisiĂšme type
, Paris, Calmann-LĂ©vy, 1991.
modĂšle, la communication est la base. Il existe en effet une certaine
« fluidité dans la
circulation de lâinformation, de haut en bas et, de bas en haut, de maniĂšre transversale entre
tous les acteurs concernĂ©s par un mĂȘme processus »
, explique André Safir dans
Avantage
France
(oĂč il appelle ce modĂšle, le modĂšle spirituel). Par ailleurs, la culture, les normes, les
procĂ©dures sont intĂ©riorisĂ©es par chacun. Lâorganisation doit ĂȘtre flexible et capable de
mobiliser Ă tout instant sur un projet, un problĂšme les individus.
3. Le besoin dâadaptation des organisations
3.1. La théorie de la contingence
Les contraintes du contexte agissent sur lâorganisation et lâorganisation rĂ©agit Ă ses
contraintes. Elle est capable de concevoir et de développer des modes de structuration
spĂ©cifiques en fonction de lâenvironnement dans lequel elle opĂšre. Il nây a donc pas de
solution optimale et universelle. Cette approche est celle du modÚle contingent, qui a suscité
tout un mouvement de réflexion. Les idées maßtresses du modÚle contingent, sont basées sur
les travaux de précurseurs tels que ceux de Burns et Stackler
(1961). Le modĂšle sâest
également développé à partir des recherches et des travaux de Lawrence et Lorsch
1989).
Voici les idées maßtresses du modÚle :
- les organisations sont des systĂšmes ouverts qui ont besoin dâĂȘtre soigneusement
administrĂ©s si on veut rĂ©pondre aux besoins internes, les Ă©quilibrer et les adapter Ă
lâenvironnement et Ă ses modifications,
- il nâexiste pas une seule façon dâorganiser le travail. Tout dĂ©pend du type de tĂąche ou
du type dâenvironnement auquel on a affaire,
- les dirigeants doivent avant tout arriver à opérer les bons ajustements entre les diverses
composantes internes et le contexte dans lequel opĂšre lâorganisation : telle est la clĂ©
principale du succĂšs.
3.2. HypothĂšses de Mintzberg : les liens entre organisation et environnement
Mintzberg caractĂ©rise lâenvironnement comme Ă©tant le contexte extĂ©rieur de lâorganisation, en
lâoccurrence les marchĂ©s, le climat politique, les conditions Ă©conomiques⊠Mintzberg
dĂ©veloppĂ© des liens entre lâenvironnement et lâorganisation : « Plus lâenvironnement est
dynamique, et plus la structure est organique ».
Mintzberg précise que cette hypothÚse tient au fait que dans un environnement stable -
lorsquâil nây a aucun changement notable - une organisation peut prĂ©voir les conditions Ă
venir et ainsi,
« toutes choses étant égales, utiliser la standardisation comme mécanisme de
coordination ».
Cependant, lorsque les conditions sont trĂšs variables - le besoin de
changement frĂ©quent des produits, une grande instabilitĂ© de lâemploi et des conditions
politiques instables - lâorganisation ne peut plus standardiser, mais au contraire,
« devenir trÚs
flexible, au moyen, soit de la supervision directe soit de lâajustement mutuel pour assurer sa
1
BURNS T.R. et STACKLER G.M.,
The management of innovation
, Tavisock, 1966.
2
LAWRENCE P.R. et LORSCH J.W.,
Adapter les structures de lâentreprise. IntĂ©gration ou diffĂ©renciation
,
(traduit de lâAmĂ©ricain, 1
Ăšre
Ă©dition : 1967), Paris, Editions dâOrganisation, 1989.
3
MINTZBERG H.,
Mintzberg on Management. Inside Our Strange World of Organizations
, the Free Press,
New York 1989, traduction française :
Voyage au centre des organisations
, Editions dâOrganisation, 2001.
coordination, et cela conduit à une structure plus organique »
. Il cite comme exemple, celui
des armées qui,
« ont tendance Ă ĂȘtre hautement bureaucratiques en temps de paix et peuvent
devenir des structures organiques lorsquâelles sont engagĂ©es dans des actions militaires de
type guérilla. »
« Plus lâenvironnement est complexe, plus la structure est dĂ©centralisĂ©e ». Il se justifie par le
fait que la premiĂšre raison qui pousse Ă dĂ©centraliser une structure, câest
« lorsque toutes les
informations nĂ©cessaires Ă une prise de dĂ©cision ne peuvent ĂȘtre rĂ©unies dans une seule
tĂȘte ».
Ainsi, lorsque
« les opĂ©rations dâune organisation sont fondĂ©es sur un corps complexe
de connaissances »
, il apparaßt, habituellement, un besoin de décentraliser le pouvoir de la
prise de dĂ©cision. Il remarque : « Un environnement simple peut-ĂȘtre stable ou dynamique,
comme ce peut ĂȘtre le cas, dâun environnement complexe. »
« Plus lâorganisation a des marchĂ©s diversifiĂ©s, plus elle a tendance Ă se scinder en unitĂ©s
organisĂ©es sur la base de ses marchĂ©s, en divisions, dans la mesure oĂč les Ă©conomies dâĂ©chelle
le permettent.
» Quand une organisation peut identifier différents marchés-régions
géographiques, clients -sans pour autant que ce soit des produits ou des services spéciaux- elle
est prédisposée
« à se scinder en unités de haut niveau et à donner à chacune des grandes
parties, le contrÎle de ses propres opérations ».
En termes simples
, « la diversification amÚne à la divisionnalisation ».
Chaque unité peut
recevoir toutes les fonctions associées à son propre marché. Mais cela suppose que des
Ă©conomies dâĂ©chelle le permettent :
« si le centre opĂ©rationnel ne peut ĂȘtre diversifiĂ©, il est
alors Ă©vident quâune divisionnalisation totale est impossible. »
« Une hostilitĂ© extrĂȘme de son environnement amĂšne toute organisation Ă centraliser sa
structure de façon temporaire. » Lorsquâune organisation est menacĂ©e par une extrĂȘme
hostilité de son environnement,
« elle aura tendance Ă centraliser son pouvoir, en dâautres
termes, en retenant parmi les moyens de coordination le plus rapide et le plus puissant : la
supervision directe »
. Dans un tel cas, seul le leader de lâorganisation peut en effet, « assurer
une réponse coordonnée rapide et puissante à la menace (du moins temporairement). »
4. Les individus de lâorganisation
Lâindividu modifie, ajuste son rapport Ă lâentreprise. Les auteurs qui ont dominĂ© cette thĂ©orie
sont Crozier et Friedberg
. Ils ont identifiĂ© lâindividu comme un acteur de lâentreprise pour
contrer le concept de déterminisme, selon lequel, les gens sont des « agents, jouets de forces
obscures ». Eux, considĂšrent que les individus Ă©taient capables dâutiliser leur marge de libertĂ©,
faire des choix et Ă©laborer des stratĂ©gies, ayant pour but dâaccroĂźtre son influence, en fonction
de ses valeurs et de sa perception.
4.1. Les individus : acteurs de lâorganisation
Plusieurs auteurs ont tenté de dresser des typologies synthétisant les facteurs susceptibles de
rendre les salariĂ©s satisfaits, sans ordre hiĂ©rarchique particulier. Prenons lâexemple de R.
Bennett
(1994) qui distingue 8 variables :
1
CROZIER M., FRIEDBERG E., Lâacteur et le systĂšme, Editions Seuil, 1977.
2
R. BENNETT,
Organizational Behavior
, 2
Ăšme
Edition, The M&E Handbook series, 1994.
1.LâĂąge : les salariĂ©s ĂągĂ©s seraient plus satisfaits car ils auraient des attentes moindres
2.Les relations intergroupes : plus les individus sont intégrés, plus ils sont satisfaits
3.La qualité de la supervision : un management participatif est source de contentement
4.Le contenu du travail : la variĂ©tĂ©, lâintĂ©rĂȘt et le dĂ©fi affectent positivement la satisfaction
5.Lâargent et les conditions de travail
6.Le statut
7.La facilité de communication : plus les organisations sont grandes, plus la communication
est défectueuse
8.« Plus curieusement », la performance.
Il sâagit lĂ dâune dĂ©finition non ordonnĂ©e et ne prenant pas en compte les relations qui existent
entre ces variables, câest pourquoi, C. Levy-Leboyer
propose dâanalyser la notion de
satisfaction au travail dans un cadre dâanalyse systĂ©mique, Ă partir de 3 niveaux : externe,
organisationnel, individuel. Pour lui, la satisfaction au travail rĂ©sulte de lâadĂ©quation entre
lâoffre externe et des besoins individuels.
La culture organisationnelle, mieux connue sous lâexpression « culture dâentreprise » est
apparue en Europe dans les années 80, « vulgarisé » notamment par PETERS et
WATERMAN
. Selon ces auteurs, la culture organisationnelle est lâensemble des valeurs, des
croyances, des traditions, des habitudes (implicites ou explicites) qui :
- dicte le comportement de chaque membre de lâorganisation,
- sâenrichit et parfois se modifie au fil du temps,
- donne Ă lâorganisation une identitĂ© propre.
Les composantes sont :
- Les valeurs : ce sont les rĂ©fĂ©rences pour lâaction quotidienne. Elles peuvent ĂȘtre
déclarées ou informelles. Exemples : ponctualité, respect de la vie privée, qualité de
lâinformation, ouverture sur lâextĂ©rieur, importance des rĂšglementsâŠ
- Les croyances et mythes : ils trouvent leur origine dans la vie de lâorganisation et
lâalimentent en mĂȘme temps. Ce sont par exemple des rĂ©fĂ©rences Ă des figures
marquantes, Ă un conflit important dont le dĂ©nouement sâest finalement avĂ©rĂ© salutaire
pour lâorganisation, Ă un projet difficile qui a abouti ; ce sont des anecdotes rĂ©elles,
enjolivées, dramatisées ou légendaires qui circulent concernant des faits ou des gestes.
Câest leur aspect symbolique qui est pertinent. Les croyances peuvent dĂ©terminer les
comportements.
- Les habitudes : ce sont les normes de comportements qui se manifestent par des
symboles matériels ou verbaux, importants ou superficiels. Le langage est direct ou
non, le tutoiement ou le vouvoiement, lâhabillement strict ou dĂ©contractĂ©, la
dimension du bureau de fonction⊠câest la partie visible de la culture.
- Les traditions : ce sont des rites qui célÚbrent certains événements et qui sont souvent
significatifs : le banquet annuel, les départs à la retraite, la remise de distinction⊠Il
peut sâagir aussi de rites dâexclusion sociale : par exemple, un cadre en disgrĂące qui
continue Ă percevoir sa rĂ©munĂ©ration mais auquel on retire ses responsabilitĂ©sâŠLes
traditions peuvent aussi sâattacher Ă des sujets tabous : par exemple la comparaison
des salaires, les avantagesâŠ
1
LEVY-LEBOYER C., P
sychologie des organisations
, PUF, 1974.
2
PETERS T. et WATERMAN R.,
Le prix de lâexcellence
, traduit de lâamĂ©ricain par GARENNE M. et
POMMIER C., Interéditions, 1983.
Dans un de ses Ă©crits, Sainsaulieu
(1985) traite de l'organisation des rapports collectifs dans
toute structure Ă©conomique et sociale. Dix chapitres structurent cet ouvrage: conditionnement
des rapports humains dans l'atelier, conditions de travail et relations entre ouvriers, employés,
agents techniques et encadrement, l'apprentissage des normes de relation, l'action culturelle du
travail organisĂ©. Il a mis ainsi en avant des effets culturels venant perturber lâorganisation. Par
ailleurs, il est nĂ©cessaire dâintroduire des notions caractĂ©ristiques des organisations et de leurs
systĂšmes internes de fonctionnement. Le processus de dĂ©veloppement de lâorganisation
(notamment dans le cas de changement), est conditionné par les décisions passées, les
comportements individuels et collectifs antĂ©rieurs qui crĂ©ent des effets dâentraĂźnement
(thĂ©orie des dominos), cela a conduit les auteurs Ă sâinterroger sur
« comment le passé
détermine le présent et contraint le futur ? »
(J. KIMBERLY et H. BOUCHIKHI, 1995)
, lâorganisation est assimilĂ©e Ă une configuration complexe qui
comporte Ă la fois une infrastructure dâactivitĂ©s productives, une sociostructure de relations et
une superstructure de valeurs. En fait, lâorganisation est considĂ©rĂ©e comme un systĂšme
complexe au sein duquel interagissent un grand nombre dâacteurs et de variables, que nous
pouvons regrouper en trois sous-systĂšmes : un sous-systĂšme productif, un sous-systĂšme
politique ou relationnel et un sous-systĂšme de valeurs. Le sous-systĂšme productif relĂšve de
toutes les techniques liées à des infrastructures « mécaniques » nécessitant la mise en
adĂ©quation des compĂ©tences et des systĂšmes utilisĂ©s, comme lâinformatique, par exemple. Au
niveau du systĂšme relationnel, il sâagit des relations que dĂ©veloppe lâorganisation avec des
entitĂ©s extĂ©rieures. Au niveau du systĂšme de valeurs, il est possible de considĂ©rer lâentreprise
comme vecteur de valeurs, de normes, mais aussi de rĂšgles et de savoirs.
4.2. La notion de génération et ses implications
- La notion de « génération »
Selon Louis Chauvel
, le mot " Génération ", est un peu comme " classe sociale ", un terme
plein de sens, complexe, révélateur de liens et de conflits, et qui soulÚve des enjeux politiques
majeurs.
Générations
sociales
Générations démographiques
( = cohortes de naissance)
Groupe neutre dâindividus, « matiĂšre
premiÚre »
Générations historiques
Collectif historiquement
construit, conscient, en
conflit
Figure : la définition des générations selon Louis Chauvel
1
SAINSAULIEU R.,
Identité au travail (L') : Les effets culturels de l'organisation
,
Presses de la fondation nationale des sciences politiques- 461p, Paris : 1985.
2
KIMBERLY J. et BOUCHIKHI H.,
The dynamics of organizational development and change : how the past
shapes the present and contrains the future
, Organization Science, vol.6, n°1, 1995
3
DESREUMAUX A.,
Nouvelles formes dâorganisation et Ă©volution de lâentreprise
, Revue Française de Gestion,
janvier-février 1996.
4
CHAUVEL L.,
Le destin des générations : structure sociale et cohortes en France au XXe siÚcle,
Paris :
Presses universitaires de France, 1998.COPLAND D.,
Génération X
, Robert Laffont, Paris, 1998.
- Les modÚles générationnels
La génération existe vraiment lorsqu'elle partage des traits spécifiques pérennes au long de sa
vie. D'oĂč l'importance de la pĂ©riode dite de socialisation, lorsque l'apprentissage des rĂšgles et
des rÎles de l'ùge adulte et l'ajustement entre aspirations et possibilités sociales de réalisation
imprime des marques durables. Louis Chauvel affirme :
« On est frappé du décalage des
formes de socialisation des générations successives. Le modÚle ancien était fondé sur l'accÚs
précoce à l'indépendance, sur le plein emploi stable, l'acquisition de droits salariaux
importants. Le taux de chĂŽmage Ă©tait de 5 %. Tout Ă©tait fait pour faire entrer les jeunes dans
ce moule, en jouant sur l'attractivité de l'indépendance financiÚre précoce et d'un haut niveau
de vie par rapport aux parents, dÚs l'entrée dans la vie
. »
Selon lui, le modĂšle nouveau est plus difficile Ă identifier. La survie partielle du modĂšle
ancien va de pair avec l'apparition de formes de travail flexible et de familles recomposées,
« s'offrant en apparence comme des alternatives aux carcans d'antan ».
Le cas des retraites
démontre une forte inégalité arrivant à grand pas. En effet, on craint que nombre de jeunes
cotisants ne financent les retraites d'aujourd'hui et ne bénéficient pas à terme du systÚme,
faute de pouvoir accumuler assez d'annuitĂ©s, d'oĂč le soupçon que les anciennes gĂ©nĂ©rations
profitent d'une situation financée sans avantage par les suivantes. Ce soupçon sera fondé tant
que, dans la délibération, il existera un tel déséquilibre. Selon Louis Chauvel
, « les
générations à qui on demandera de payer des cotisations importantes ou qui seront tenues
d'avoir recours Ă une Ă©pargne forcĂ©e pour leurs vieux jours, ou mĂȘme les deux Ă la fois,
doivent ĂȘtre conviĂ©es aux dĂ©bats. »
- Les rapports entre les générations⊠source conflictuelle
En cas de ralentissement de la conjoncture, il est difficile d'honorer les promesses faites aux
anciens et d'intĂ©grer en mĂȘme temps les jeunes. L'arbitrage implicite fut de prĂ©fĂ©rer les
premiers aux seconds. Louis Chauvel soutient : «
Nous sommes alors devant une crise de la
transmission, non pas de celle du patrimoine, mais des projets de long terme et de la
responsabilité ».
- Les générations de Préel
Nous allons « balayer » les générations du XXÚme siÚcle. Bernard Préel
Nom de la génération
NĂ©e entre... et ....
« krasch »
née entre 1916 et 1925
Libération
née entre 1925 et 1935
Algérie
née entre 1935 et 1944
Mai 68
née entre 1945 et 1954
Crise
née entre 1955 et 1964
Gorby
née entre 1965 et 1974
Internet
née entre 1975 et 1984
1
PREEL B.,
Le choc des générations
, Editions la DĂ©couverte, 2000.
2
COPLAND D.,
Génération X
, Robert Laffont, Paris, 1998.
Zoom sur la génération Mai 68 (née entre 1945 et 1954) : les rebelles
La génération 68 est symbolisée par la dérision, la révolte de ces jeunes au cours de cette
pĂ©riode. Quels ont Ă©tĂ© les impacts de cette gĂ©nĂ©ration sur la sociĂ©tĂ© dâaujourdâhui ? HervĂ©
Serieyx répond à cette interrogation :
« Notre génération est celle des affaires. Maintenant,
tout se plaide, on a l'impression que qu'on peut mentir, voler et dire ensuite que cela fait «
pschitt ». Nous sommes dans un pays oĂč ce qui marche est la dĂ©rision, Les Guignols. Et, de
cela, je nous accuse. Nous avons fait notre petit défoulement en 1968, mais nous sommes
devenus des libéraux libertaires libertins. Nos enfants nous voient et ne veulent pas se donner
plus de mal que nous. Nous avons triché avec ce en quoi nous croyons. Par exemple, dire il
est interdit d'interdire... C'est grave. Il n'y a pas de société qui puisse vivre sans interdit. »
Zoom sur la génération Gorby (née entre 1965 et 1974) ou la génération X
Voici comment B. Préel décrit les individus de cette génération :
- une gĂ©nĂ©ration qui doit faire face Ă un marchĂ© de lâemploi difficile :
« placée en attente sur le marché professionnel, elle découvre la galÚre dans des stages
passĂ©s prĂšs de la photocopieuse et des petits boulots, obsĂ©dĂ©e par les entretiens dâembauche
et la rédaction de CV⊠la plupart des contrats sont des CDD ou intérim ».
- Le sentiment dâĂȘtre coupable
« les jeunes gorby ne mettent personne en examen. Sâils avaient Ă dĂ©signer un coupable, câest
peut ĂȘtre Ă eux quâils sâen prendraient en premier, tant on leur a appris dĂšs le biberon quâils
devaient ĂȘtre responsables et prendre leur destin en main ».
- La peur de lâengagement
« si fonder une famille correspond à une aspiration profonde, ils ont du mal à franchir le pas
parce quâils Ă©prouvent aussi la peur de lâĂ©chec. Ils ont une conscience aiguĂ« de la fragilitĂ©
des unions. Câest la premiĂšre gĂ©nĂ©ration Ă avoir autant eu de parents divorcĂ©s »
« la caractĂ©ristique de cette gĂ©nĂ©ration est de sâinstaller dans le provisoire et le rĂ©versible »
« sâils se disent plutĂŽt rĂ©voltĂ©s par la situation qui leur est faite, ils ne semblent pas vraiment
prĂȘts Ă passer aux actes ».
- Une génération fragile et réservée
« cette gĂ©nĂ©ration, les AmĂ©ricains lâont parfois qualifiĂ©e de X, comme si elle Ă©tait
impĂ©nĂ©trable. Tirant son mystĂšre de son refus de se dĂ©voiler, dâaffirmer ou de contester quoi
que ce soit. Ni engagée, ni encore moins enragée. Tout simplement dégagée. Ne voulant
surtout ne pas prendre parti. Si peu sĂ»re dâelle-mĂȘme quâelle avait pris lâhabitude de mettre
un point dâinterrogation Ă la fin de chacune de ses phrases. Restant sur sa rĂ©serve, elle
jugeait Ă plus de 50% que tout Ă©tait foutaise, elle se retranchait de la vie du dehors, se
barricadant chez elle. La génération Gorby était dépeinte comme aspirant à se protéger, à se
prĂ©server. Elle a une philosophie simple : acquiescer en surface et rejeter lâautoritĂ© en
profondeur. Elle donne le change comme elle peut. Avec lâespoir de ne pas se faire
remarquer. Elle baisse la tĂȘte quand elle bosse. Pourquoi ? Parce que aucune gĂ©nĂ©ration nâa
eu comme elle à intégrer autant de changements aussi vite en voyant ses valeurs de base
remises en question. Câest pourquoi elle donne lâimpression de flotter, de manquer de
repÚres. »
- Une gĂ©nĂ©ration portant le sentiment dâĂȘtre victime
« elle se perçoit comme une victime, frappée par le destin, par la conjoncture, par les
mécanismes aveugles du marché. Cette génération entre dans la vie avec un haut degré
dâinquiĂ©tude. Elle a intĂ©riorisĂ© lâidĂ©e quâelle Ă©tait de trop. Au terme de la consultation lancĂ©e
par le Premier Ministre Balladur, les commentateurs lâont qualifiĂ©e de « gĂ©nĂ©ration
courage ». En 1993, plus de 80% des lycéens jugeaient fatal de connaßtre un jour de
chÎmage. »
SphĂšre de lâindividu
SphĂšre organisationnelle
« ils ont envie dâoublier la compĂ©tition sauvage Ă laquelle les oblige le monde du travail, avec
son cÎté, on achÚve bien les chevaux, ses concours de sélection, cette éprouvante « mise en
examen », le contrÎle continu des connaissances qui à tout moment peuvent les éjecter sur les
bas cÎtés ».
Conclusion
Lâindividu et lâorganisation interagissent lâun avec lâautre. Le schĂ©ma montre
lâinterdĂ©pendance des deux sphĂšres. En effet, lorsquâune sphĂšre effectue une rotation, lâautre
est entraßnée par le mouvement de la premiÚre :
-
La sphĂšre de lâorganisation
: celle dans laquelle les individus Ă©voluent
professionnellement. Il sâagit des diffĂ©rents types de structures existantes ou ayant
existées.
-
La sphĂšre de lâindividu : correspond aux dimensions sâintĂ©ressant aux comportements
des individus, Ă la comprĂ©hension de leurs valeurs, aspirations, ainsi que lâimpact du
phénomÚne des « générations ».
Plus concrĂštement, nous pouvons prendre lâexemple des 35h. En effet, depuis la mise en place
de la politique de réduction du temps de travail (environnement) les entreprises ont du
implanter ce changement au sein de lâorganisation et ont donc Ă©tĂ© conduites Ă mener des
modifications de leurs structures, de leur stratégie, de leur gestion des hommes. Les 35 heures
ont par ailleurs modifié le comportement des individus : grùce à cette réduction de temps de
travail, il est possible dâobserver un fort dĂ©veloppement des loisirs.
Les salariĂ©s sont donc au cĆur de ces enjeux organisationnels. Protagonistes de lâentreprise,
les individus ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s, dissĂ©quĂ©s par les spĂ©cialistes de lâorganisation. LâHistoire
montre que plus on sâintĂ©resse Ă lâindividu, plus on comprend les organisations. Car ce sont
des hommes, qui avant tout composent les organisations, les dirigent, les font Ă©voluer. Et câest
donc en nous intĂ©ressant Ă lâHomme dâaujourdâhui et dâhier que nous pourrons comprendre
lâHomme de demain et parallĂšlement lâorganisation de demain.
Chacun des grands modĂšles dĂ©veloppe des aptitudes spĂ©cifiques, et aucun dâentre eux ne
prĂ©tend Ă lâuniversalitĂ© ou au statut de « one best way ». Par ailleurs, les modĂšles nâatteignent
leur efficacitĂ© maximale que lorsquâils se trouvent dans un contexte stratĂ©gique adaptĂ©.
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