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Contexte et contextualisation en analyse du discours : regard sur les travaux de T. Van Dijk

Raphaël Micheli

Index

Plan

Texte intégral

Introduction

La notion de contexte est « à la fois indispensable et problématique », affirmait Catherine Kerbrat-Orecchioni dans un numéro spécial de la revue Scolia (1996 : 38). Il suffit, pour se convaincre de la pertinence de cette remarque, de jeter ne serait-ce qu?un rapide coup d??il sur quelques publications importantes de ces quinze dernières années. « Indispensable », la notion de contexte semble l?être au vu de la fréquence croissante des travaux qui lui sont consacrés ; « Problématique », elle l?est sans doute, au vu de sa plasticité et des multiples acceptions qu?elle est susceptible de recevoir. En langue anglaise, deux volumes collectifs ? Rethinking Context (1992) et The Contextualization of Language (1997) ? donnent une bonne idée des travaux menés en sociolinguistique interactionnelle, en ethnographie de la communication et en analyse des conversations, avec des contributions importantes de John Gumperz, Charles Goodwin ou encore Emmanuel Schegloff. En langue française, le numéro spécial de la revue Scolia (1996), déjà cité, réunit des articles de divers représentants francophones de l?analyse du discours ? que celle-ci soit d?obédience interactionniste (Catherine Kerbrat-Orecchioni) ou davantage dans la ligne de l?Ecole française (Dominique Maingueneau)1.

Cet article a pour objectif d?offrir une présentation critique des nombreux travaux que Teun Van Dijk a consacrés et consacre aujourd?hui encore à la théorie du contexte. Même s?ils occupent, depuis une dizaine d?années au moins2, une place grandissante dans l??uvre du chercheur hollandais, ces travaux sont encore relativement peu connus et peu discutés dans les études francophones sur le discours. Le constat peut paraître surprenant, dans la mesure où leur auteur n?a, pour sa part, rien d?un inconnu. La contribution décisive de Van Dijk à l?émergence et au développement du paradigme de la Critical Discourse Analysis lui a en effet assuré une renommée qui, à l?heure actuelle, dépasse de loin les frontières du monde académique anglophone. Il me semble toutefois qu?au sein des courants de recherche francophones, on se réfère plus souvent à Van Dijk lorsqu?on analyse, par exemple, la reproduction discursive du pouvoir et de l?inégalité sociale que lorsqu?on cherche à expliciter la notion de contexte. Je souhaite donc ici modestement contribuer à une meilleure connaissance de travaux dont l?intérêt et, pourrait-on ajouter, l?attrait résident dans leur grande cohérence, mais également dans leur caractère incisif au plan théorique. Van Dijk élabore sa définition du contexte en avançant une série de critiques parfois radicales à l?endroit de certains automatismes et impensés qui, selon lui, obscurcissent trop souvent les diverses approches de la notion. Il y a là un refus de tout irénisme théorique qui confère aux propositions du chercheur hollandais un caractère discutable ? dans une acception positive de ce terme : qui peut et mérite d?être discuté. Les travaux de Van Dijk doivent être replacés dans le cadre plus large du débat qui anime divers courants des sciences du langage autour de la notion de contexte, et c?est ce que le présent article s?efforcera, dans la mesure de ses moyens, de faire.

Mon propos tentera d?abord de situer cette théorie du contexte par rapport à d?autres théories voisines, notamment celles qui émanent de la sociolinguistique interactionnelle, de l?ethnographie de la communication ou encore de l?analyse conversationnelle. Il s?agira, dans un premier temps, de montrer qu?il existe, jusqu?à un certain point, de réelles affinités entre ces approches et celle du chercheur hollandais. Je m?emploierai ainsi à déterminer quels peuvent être leurs postulats communs (1.1. et 1.2.). Dans un second temps, il s?agira de faire apparaître la spécificité de la démarche de Van Dijk et de comprendre en quoi celle-ci prétend mettre le doigt sur ce que l?on peut appeler la tache aveugle des théories du contexte (2.1.). J?expliquerai alors que cette démarche consiste essentiellement en l?introduction, par le biais de la notion de « modèle de contexte », d?une « interface cognitive » entre la situation sociale et les structures de surface du discours (2.2.). Il conviendra, à ce stade, de s?interroger sur le rendement, aussi bien théorique que pratique, d?une telle introduction. Je montrerai d?abord qu?à un niveau très général, les travaux de Van Dijk se donnent pour objectif de rétablir un chaînon manquant dans l?explication des relations texte-contexte. Pour terminer, il faudra se demander, plus concrètement, quelles conséquences la notion de modèle de contexte est susceptible d?engager en termes de procédures d?analyse (2.3.).

1. La théorie du contexte de Van Dijk face aux théories voisines : de quelques postulats communs

1.1. Le contexte en tant que situation et le problème de la description a priori

Le point de départ de Van Dijk consiste à remettre en question l?automatisme théorique qui tend à rabattre la notion de contexte sur celle de situation. Si l?on se borne à définir le contexte comme la situation dans laquelle le discours advient, on se heurte immédiatement au problème de sa descriptibilité a priori par l?analyste. L?extrême complexité de toute situation fait courir à la description un risque bien réel : celui de ne jamais finir. On part le plus souvent du contexte » local » pour examiner les propriétés des participants et des circonstances spatio-temporelles immédiates, mais rien n?empêche que l?on étende ensuite la description à des contextes aussi « globaux » que, par exemple, le néo-libéralisme ou le postmodernisme3. Chaque contexte peut, selon le principe des poupées gigognes, venir s?emboîter dans un contexte plus large : on tend ainsi à une logique d?addition, pour ne pas dire de prolifération des informations contextuelles. Il importe toutefois de souligner que ce risque de développement à l?infini ne concerne pas uniquement le passage qui, par cercles concentriques, mène du contexte « local » au contexte « global ». En réalité, le problème se pose dès le niveau « local ». Une description en apparence purement factuelle des circonstances d?une interaction peut induire des effets d?évidence dont il est prudent de se méfier. Les tenants de l?analyse conversationnelle incitent à ne pas prendre de telles descriptions pour argent comptant :

[T]he aspects of the situations in which some interaction might be described to be occurring [are virtually infinite]. The sheer correctness of some description of a possible invocation of context, e.g. that an interaction took place in [?] a courtroom is equivocal in its import : for we know that not everything that goes on in a courtroom has anything to do with the law, and we know as well that endless numbers of other descriptions would also be « correct » (e.g. that it was in a north facing room). (Schegloff 1992 : 195)4

Ce propos de Schegloff a le mérite de rappeler que si l?on veut établir l?importance d?une description situationnelle pour l?analyse d?une interaction, il ne suffit pas d?en souligner le caractère incontestable au plan factuel. Reprenons brièvement l?exemple donné. Si l?on affirme qu?une interaction a lieu dans un tribunal, on se retrouve potentiellement face à deux objections. La première a trait non tant à l?ajustement de la description qu?à son caractère relatif : n?existe-t-il pas, en effet, de nombreuses descriptions alternatives des circonstances spatiales (voire institutionnelles) de l?interaction qui seraient tout aussi » correctes » ? La seconde objection découle de la première : s?il existe non pas une mais plusieurs descriptions acceptables des circonstances d?une interaction, ne faut-il pas dissocier, d?une part, l?ajustement empirique d?une description et, d?autre part, sa pertinence pour l?analyse ? Comme le relève Schegloff, on peut fort bien convenir du fait qu?une interaction prend place dans un tribunal, mais objecter que tout ce qui se passe en ce lieu n?a pas forcément de rapport avec l?exercice de la loi5. Ainsi, la description des circonstances d?une interaction peut fort bien s?appuyer sur des données peu sujettes à caution, mais cela n?implique pas automatiquement qu?elle soit utile à la bonne compréhension de cette interaction. En d?autres termes, l?ajustement empirique n?est pas, à lui seul, garant de pertinence.

On conçoit aisément, sur la base de cet exemple, que la description d?une situation implique, sous peine d?être infinie, des procédures de limitation. Celles-ci semblent passer, en première instance, par le choix d?un nombre limité de traits situationnels que le chercheur constitue en paramètres. Reste à déterminer sur quels principes on appuie un tel choix. En général, on l?appuie de façon tacite sur l?importance présumée d?un trait situationnel : on part de l?idée que le sexe ou la profession d?un locuteur sont autrement déterminants pour le déroulement de l?interaction que ne le sont la couleur de ses chaussettes ou la longueur de ses cheveux. Or, sur ce point, les traditions de l?ethnométhodologie, de l?ethnographie de la communication et de l?analyse conversationnelle se rejoignent dans une même critique véhémente : celle de la posture d?extériorité et, à vrai dire, de souveraineté adoptée par l?analyste qui prétendrait fixer lui-même, a priori et une fois pour toutes les paramètres contextuels, pour ensuite seulement analyser l?interaction. Cette posture aboutit à ce que Lorenza Mondada appelle une conception » statique » du contexte : celui-ci y est approché par le biais d?un » ensemble prédéfini de paramètres [?] permettant d?isoler des variables comparatives (tels que, par exemple, le lieu, le temps, les catégories caractérisant les participants, [?]) » (1998 : 248). Suivant une telle conception, l?analyste passe la situation au crible de paramètres contextuels stables et en fournit ainsi une description qui est préalable à l?analyse de l?interaction per se. Il peut ensuite, dans un second temps, examiner si et dans quelle mesure le contexte décrit a des incidences sur le déroulement de l?interaction proprement dite. La conception » statique » repose fondamentalement sur l?idée qu?une grille stable de paramètres en nombre fini permet une description a priori du contexte. Elle comporte, en cela, deux présupposés critiquables. (i) Elle présuppose que le contexte est donné à l?ouverture de l?interaction, et qu?il ne va pas changer au cours de et sous l?influence même de l?interaction. (ii) De plus, et même si, en restreignant le nombre de paramètres, elle met un frein au développement infini des descriptions contextuelles, elle ne règle le problème de la pertinence qu?au prix d?une pétition de principe : ne sont pertinents que les traits situationnels que l?analyste déclare être pertinents au vu de la théorie sociale ou discursive à laquelle il adosse son propos. Le sociolinguiste Peter Auer (1997 : 22) relève, à la suite des travaux de John Gumperz, que certains traits situationnels apparemment incontournables ne sont parfois pas pris en compte dans une interaction et que, inversement, d?autres peuvent émerger au fil de l?interaction ? sans être prédictibles à partir de la seule analyse « sociale » ou « matérielle » de la situation que l?analyste effectuerait au préalable et « de l?extérieur ».

1.2. La notion de pertinence

Les conceptions « statiques » tendent, on le voit, à rabattre la notion de contexte sur celle de situation et présupposent que l?on puisse fournir de celle-ci une description a priori, selon un ensemble prédeterminé de paramètres. Comme le résume bien Jonhattan Potter, de telles approches se heurtent tôt ou tard à un même question lancinante, celle de la pertinence :

Given that there are an indefinite number of possible contextual descriptions available for any interaction, how should one particular one be selected as analytically germane ? The researcher may have powerful intuitions about the pertinence of gender, say [?] ; however, that is not the same as showing that these particulars are actually relevant. After all, there are so many potential descriptions that are correct that a stronger criterion of relevance is needed. (Potter 1998 : 30, je souligne).6

Le propos de Potter a l?avantage de présenter avec concision les enjeux qui nous retiennent ici. (i) Les descriptions possibles d?une situation sont en nombre théoriquement infini. (ii) Le fait que ces descriptions paraissent « correctes » sur le plan empirique n?offre pas de garantie quant à leur pertinence pour l?analyse de l?interaction. (iii) En conséquence, et quand bien même sa prégnance ne semble faire aucun doute au plan théorique, chaque paramètre contextuel invoqué doit être soumis à un test de pertinence qui ne se réduise pas à la simple « intuition » du chercheur. Ce « criterion of relevance » est essentiel, en ce qu?il permet précisément de découpler la notion de contexte de celle de situation. Van Dijk voit dans un tel découplage la condition même d?une définition opératoire du contexte (voir aussi, pour un argument similaire, Mondada 1998 : 247) :

To distinguish explicitly between contexts and the full complexity of social situations [?], we define contexts as the structure of all properties of the social situation that are systematically relevant for the production, comprehension, or functions of discourse and its structures. (Van Dijk 1999 : 130)7

La réduction consiste, on le voit, à faire un tri parmi les innombrables propriétés de la situation et ne retenir dans le contexte que celles qui sont pertinentes à la production et à la réception du discours. Une telle réduction ne laisse cependant pas de poser de nouvelles questions. Si l?on considère la pertinence comme le critère décisif qui permet le passage de la situation au contexte, quels sont, alors, les critères de la pertinence elle-même ? Quelles raisons permettent d?affirmer qu?un trait situationnel est pertinent et qu?un autre ne l?est pas ? Ici encore, les courants conversationnalistes, ethnographiques et interactionnistes se rejoignent dans une réponse similaire dont Alessandro Duranti et Charles Goodwin résument bien la teneur : « [There is a crucial importance in] taking as a point of departure for the analysis of context the perspective of the participants whose behavior is being analyzed » (1997 : 4, je souligne)8. La position adoptée est résolument émique, en ce qu?elle donne une claire priorité au point de vue des interactants eux-mêmes, et non à celui de l?observateur. Dans une telle optique, la démarche consiste essentiellement à examiner les processus par lesquels les interactants interprètent la situation d?interaction et en sélectionnent les propriétés pertinentes. La question du contexte peut, dans cette perspective, être reformulée ainsi : « whose context ? » (littéralement : « le contexte de qui ? »). On doit cette interrogation lapidaire et polémique à Schegloff (1992, 1997), qui a donné à la position émique ses formulations les plus tranchées. Pour lui, on ne saurait dire d?une caractérisation contextuelle qu?elle est pertinente sans s?être demandé au préalable pour qui elle l?est. C?est, en fin de compte, la possibilité, pour l?analyste, d?imputer de façon crédible une caractérisation contextuelle aux interactants eux-mêmes qui va décider de sa pertinence :

The issue then becomes which of the possible characterizations of context [?] can be shown to be relevant. Relevant to whom ? [?] If one is concerned with understanding what something in interaction was for its participants, then we must establish what sense of context was relevant to those participants [?]. (Schegloff 1992 : 195, je souligne)9

10 La position assez radicale de Schegloff s?explique par l?aversion qu?il affiche envers le « theoretical imperialism » (1997 : 167) : il est, selon lui, assez étrange que revienne au seul appareil théorique des chercheurs le privilège de stipuler les termes dans lesquels une interaction doit être analysée, alors que les interactants eux-mêmes établissent déjà au cours de l?interaction une grille de termes la rendant intelligible.

11 La théorie du contexte de Van Dijk souscrit explicitement à ce point de vue émique. Elle commence en effet par définir le contexte comme les interprétations individuellement variables de la situation sociale en cours (« individually variable interpretations of the ongoing social situation », 2004 : 350) ou comme les diverses manières dont les participants interprètent la situation communicative présente (« the ways the speech participants interpret the present communicative situation », 1997 : 220). A ce stade, on ne voit pas encore en quoi la position de Van Dijk se distingue de celle des conversationalistes, des ethnographes de la communication ou encore des sociolinguistes. On peut, avant d?aller plus loin, dégager un certain nombre de postulats communs à toutes ces approches. Il y va d?un refus de considérer le contexte comme une situation qui servirait de cadre à l?interaction et qui serait descriptible a priori et de l?extérieur par le seul analyste : les situations sociales pouvant faire l?objet de descriptions multiples, il est nécessaire, pour parer à une telle prolifération descriptive, d?introduire un critère de pertinence. L?argument, on l?a vu, est que la restriction à un nombre limité de paramètres contextuels censément « incontournables » ne règle pas entièrement cette question, fût-elle légitimée par une solide assise théorique. L?analyste n?est donc pas un démiurge qui pourrait disposer comme bon lui semble des paramètres contextuels : il doit apporter la preuve de leur pertinence pour les interactants. Toute description contextuelle doit, selon l?expression de Schegloff, jouir d?une pertinence démontrable pour les participants (« demonstrable relevance for participants », 1992 : 215). Les notions de situation et de contexte doivent être soigneusement différenciées : le contexte est une construction indigène qui résulte de l?effort des participants qui interprètent la situation et en sélectionnent les propriétés pertinentes.

2. La spécificité d?une démarche

2.1. Le reproche d?un déficit explicatif

12 Au vu de ces postulats communs, on peut s?étonner du bilan extrêmement négatif que dresse Van Dijk lorsqu?il évoque les théories linguistiques et discursives du contexte : « Linguists and discourse analysts have paid a great deal of attention to the role of context, but have failed to develop explicit theories of text-context relationships » (1999 : 123, je souligne)10. En quoi peut-on, selon Van Dijk, dresser un tel constat d?échec ? Pour répondre à cette question, il faut d?abord bien comprendre le but précis qu?il assigne à une théorie du contexte.

13 Pour le chercheur hollandais, une telle théorie doit, si elle est bien comprise, commencer par expliquer comment les structures sociales d?une situation peuvent en quelque manière affecter les structures du discours (voir 2004 : 343). L?échec des théories du contexte se cristallise ainsi selon lui dans ce que l?on pourrait appeler un déficit explicatif : elles se contentent de postuler une relation entre les situations d?interaction et les discours, mais n?explicitent en rien la nature exacte de cette relation. La critique de Van Dijk porte principalement sur les approches qui, à l?instar de la sociolinguistique, ne voient dans cette relation qu?une co-variation ou une corrélation. Certes, on ne peut nier que des variables linguistiques puissent co-varier avec certaines variables situationnelles (comme l?âge ou le sexe des locuteurs), mais on sait aussi à quel point une telle relation est vulnérable aux contre-exemples. Si elles peuvent travailler à établir des corrélations entre certaines propriétés de la situation et certaines propriétés du discours, les approches sociolinguistiques ne sont toutefois pas à même d?expliquer, de manière plus fondamentale, comment de telles corrélations sont tout simplement possibles. On ne saurait directement expliquer la présence d?une même propriété linguistique par la présence « objective » d?une propriété situationnelle : l?une peut, tout au plus, être corrélée à l?autre sur la base d?une étude quantitative et statistique. On sait, toutefois, qu?il n?y a pas, à proprement parler, de rapport de cause à effet : la présence de l?une ne garantit en rien, loin s?en faut, la présence de l?autre et c?est un truisme de rappeler que les variations individuelles sont légion. Pour Van Dijk, cela suffit à énoncer par la négative un premier axiome de sa théorie du contexte, à savoir que les situations sociales et leurs diverses propriétés ne sauraient d?elles-mêmes influer sur les usages linguistiques. On voit que Van Dijk dénonce également au passage toute conception externe du contexte qui tenterait de rendre compte des structures du discours par une analyse matérielle et « objective » des « conditions de production ». Il paraîtrait probable, à ce stade de la critique, qu?il se tourne vers les approches conversationnalistes ou ethnographiques : celles-ci, on l?a vu, définissent le contexte comme une construction de la situation et de ses traits pertinents qu?opèrent les participants eux-mêmes. Or, s?il accepte une telle définition, Van Dijk ne le fait qu?à titre préliminaire en dénonçant d?emblée son caractère trop vague. De plus, il ne discute pas de front lesdites approches. On peut s?interroger sur les raisons de ce relatif silence. L?explication que j?avancerai est la suivante. Si Van Dijk rejoint les conversationnalistes et les tenants de la sociologie interactionnelle dans un même refus (celui d?une conception « statique » du contexte) et dans un même noyau définitionnel (basé sur le constructivisme et sur le primat du point de vue émique), il n?en tire absolument pas les mêmes conséquences et ne fixe pas les mêmes priorités à une théorie du contexte. Dans ce qui suit, je tenterai de montrer que le noyau définitionnel fonctionne comme un aiguillage à partir duquel les uns et les autres s?engagent dans des voies radicalement divergentes.

14 Définir le contexte comme une construction des participants implique, pour Schegloff ou pour Gumperz, que la question du contexte cède sa place à celle de la contextualisation. On ne se préoccupe alors plus d?une entité qui serait descriptible par l?analyste préalablement à l?analyse de l?interaction : la question de la contextualisation a plutôt trait à un processus objectivable qui est pris en charge par les participants au cours même de l?interaction. Voyons comment Auer définit, à la suite de Gumperz, la notion de contextualisation :

In most general terms, contextualization [?] comprises all activities by participants which make relevant [?] any aspect of context which, in turn, is responsible for the interpretation of an utterance in its particular locus of occurrence. (Auer 1997 : 4)11

15 Il faut bien souligner qu?une telle définition assimile la contextualisation à un ensemble d?activités accomplies par les participants ? Duranti et Goodwin vont exactement dans le même sens lorsqu?ils affirment : « [W]hat a participant treats as relevant context is shaped by the specific activities being performed at that moment » (1992 : 2, je souligne)12. En choisissant de parler d? « activités » ou d? « indices », la théorie postule ici à la fois l?immanence de la contextualisation et sa pleine observabilité. Si l?on suit Schegloff, la recherche du (ou des) contexte(s) doit commencer par l?analyse de l?interaction elle-même et se fonder sur la « conduite observable » (observable conduct) des participants (1992 : 197). La question cruciale d?une théorie de la contextualisation semble donc pouvoir se formuler ainsi : par quels moyens observables les participants à une interaction sélectionnent-ils et désignent-ils les aspects de la situation qui sont pertinents pour eux ? Pour résumer, on peut dire, avec Schegloff, que le point nodal réside davantage dans la question de l?invocation du (ou des) contexte(s) par le discours que dans l?impact du contexte sur ce discours (1992 : 197).

16 Or c?est sur ce point précis que je tenterai de faire apparaître la spécificité du questionnement introduit par Van Dijk. Si l?on renverse la formule de Schegloff, on peut dire que Van Dijk ne se donne pas pour objectif premier d?observer l?invocation du contexte par le discours, mais bien plutôt d?expliquer comment l?impact du contexte sur le discours est simplement possible. C?est là, selon lui, la question fondamentale, dont découle toutes les autres, et à laquelle on n?a pas encore pleinement répondu. Pour Van Dijk, une théorie du contexte, si elle est bien comprise, a pour tâche prioritaire d?expliquer par quel processus les propriétés d?une situation sociale peuvent influer en quoi que ce soit sur les propriétés d?un texte ou d?une interaction. Il s?agit, en d?autres termes, d?aborder frontalement un problème, celui de la nature même du lien entre situation et discours ? ce lien que les théories conversationnalistes ou sociolinguistiques du contexte présupposent plus souvent qu?elles ne l?explicitent. Comme on l?a déjà suggéré, le point nodal d?une théorie du contexte réside donc, selon Van Dijk, dans la nécessité de combler un déficit explicatif. On peut alors mieux comprendre pourquoi sa démarche ne place pas au premier rang de ses priorités la description détaillée des indices de contextualisation. Certes, on peut convenir que les participants invoquent le(s) contexte(s) pertinent(s) par leur comportement interactionnel même : ils accomplissent, pour cela, une gamme d?activités matériellement observables, que celles-ci soient d?ordre verbal, paraverbal ou non verbal. Or, et c?est à mon sens ce qui ne satisfait pas Van Dijk, une telle perspective ne possède pas un pouvoir explicatif suffisant. Une description fine des activités de contextualisation repose sur le fait, certes avéré, que les participants invoquent certains aspects de la situation lorsqu?ils interagissent : elle n?explicite pas pour autant le lien qui permettrait de dire comment cette situation peut avoir un quelconque impact sur le déroulement de l?interaction et sur les structures du discours. Le propos de Van Dijk consiste à rétablir ce qui est pour lui le chaînon manquant de toute théorie des « text-context relationships ». Le fait de définir le contexte comme construction des participants n?implique donc pas, pour lui, d?emboîter le pas au conversationnalisme ou à la sociologie interactionnelle, mais bien de porter au jour ce qui constitue l?impensé de toutes ces approches ? à savoir que cette construction, si elle se manifeste par des activités, relève aussi et crucialement de la cognition. Le déficit explicatif doit, selon Van Dijk, se résorber à la faveur de l?introduction d?une interface cognitive. C?est là l?idée qui sous-tend sa notion de modèle de contexte que nous allons à présent envisager plus en détail.

2.2. La notion de « modèle de contexte » et l?introduction d?une « interface cognitive »

17 Je n?entends pas ici discuter de la notion de modèle de contexte en psychologue ou en spécialiste de la cognition. Il ne sera donc pas question ici des tentatives que fait Van Dijk (notamment 1997 et 1999) pour imposer la notion dans le champ de la psychologie, en la situant par rapport aux notions voisines de event model ou de experience model. Mon objectif est plus limité : il s?agit de s?interroger sur le rendement à la fois théorique et pratique de la notion dans le cadre d?une analyse des discours.

18 Pour parer au déficit explicatif qu?il observe dans les théories des relations texte-contexte, Van Dijk propose d?introduire une « interface cognitive » :

[S]ocial situations by themselves can of course not directly influence language use or other social practices, but this is only possible through a cognitive interface, which spells out how the social situation is interpreted, or in fact constructed, by participants. (2004 : 348)13

19 On voit qu?il s?agit ici de rendre explicites les conditions mêmes de possibilité de l?influence des situations sociales sur les structures du discours. L?argument de Van Dijk est que les situations sociales ne peuvent exercer d?influence que dans la mesure où elles sont traitées comme pertinentes par les interactants. Toute définition du contexte devrait donc tenir compte de l?aspect fondamentalement médiat de cette relation d?influence. Voyons comment Van Dijk formule la thèse principale de sa théorie du contexte :

The main thesis of my theory of context is that contexts should not be defined in terms of some kind of social situation in which discourse takes place, but rather as a mental representation, or model constructed by the speech participants of or about such a situation. (2004 : 349)14

20 Le déplacement qu?opère le chercheur hollandais tient à ce que la médiation entre, d?une part, la situation et, d?autre part, les structures du discours, est décrite en termes explicitement cognitifs. Le contexte doit ainsi, selon Van Dijk, être (re)défini comme une représentation mentale qu?élaborent les interactants à propos de la situation sociale et de l?événement communicatif auxquels ils prennent part. Une telle représentation a deux propriétés essentielles : elle est à la fois schématique et dynamique (1999 : 124 ; 2004 : 350). Schématique : elle ne retient des multiples propriétés de la situation que celles qui sont pertinentes pour l?interactant. Dynamique : elle n?est pas formée une fois pour toutes à l?ouverture de l?interaction, mais se voit continuellement reconstruite en fonction du déroulement même de cette interaction. Van Dijk fait l?hypothèse que le modèle de contexte a une structure prototypique qui s?organise autour d?un nombre limité de paramètres (domain, global and local actions, participant roles et cognition, 2004 : 352).

21  Quels sont les gains présumés de l?introduction de cette « interface cognitive » dans la théorie du contexte ? Selon Van Dijk, ils sont principalement de deux ordres. (i) Premièrement, l?introduction de l?interface cognitive permet d?investir la théorie des relations texte-contexte d?une dimension authentiquement explicative : » Theoretically, context models are crucial to explain how to ? connect ? social situations [?] with discourse and its structures, since obviously properties of situations by themselves cannot control text or talk » (2000 : 48). Si l?on (re)définit le contexte comme un modèle mental forgé à propos de la situation d?interaction, on ne se contente pas de postuler que la situation influence le discours ? ce sur quoi tout le monde s?accorde : on se propose d?expliciter les modalités mêmes de ladite influence. Lorsqu?elles tentent d?articuler la situation et le discours, les théories traditionnelles se satisfont, pour reprendre une formule de Van Dijk (1999 : 124), d?un « show that » : elles montrent que celle-ci influe sur celui-là. La notion de modèle de contexte permet en revanche au théoricien de passer du « show that » au « show how » et, partant, de montrer comment celle-ci influe sur celle-là. (ii) Si elle vient en quelque sorte rétablir un chaînon manquant de l?explication, la notion de modèle de contexte a également pour avantage, selon Van Dijk, de rendre compte de la variation individuelle qui caractérise, à des degrés divers, les discours. Van Dijk fait ici usage d?un argument par l?absurde. Si l?on n?adopte pas une conception médiate de la relation texte-contexte, on postule que les caractéristiques d?une situation sociale peuvent en quelque sorte directement déterminer les caractéristiques des discours. Or, si c?était le cas, des caractéristiques identiques exerceraient les mêmes effets sur différents locuteurs et, en toute logique, ceux-ci parleraient ou écriraient de la même façon. Il faut ici bien comprendre que Van Dijk ne présuppose aucunement l?existence de locuteurs libres de toute détermination sociale et qui interagiraient comme bon leur semble. Ce qu?il entend montrer, c?est qu?à strictement parler, un trait situationnel (comme le sexe, l?âge ou la statut professionnel des locuteurs) ne peut devenir opératoire ou, si l?on veut, contraignant qu?à partir du moment où les locuteurs se le représentent comme tel dans leur modèle de contexte :

Despite the constraints of the social [situation], it is the subjective representation of such [situations] that controls text and talk, and such a subjective representation may very well violate socially shared rules for a number of more or less valid reasons : resistance and challenge, creativity and originality, [?] (1997 : 208, je souligne)15

22 L?introduction d?une interface cognitive permet, selon Van Dijk, d?expliquer le principe de la variation individuelle qui plonge les théories sociolinguistiques dans l?embarras. Celles-ci sont certes en mesure d?établir des corrélations chiffrées entre, d?une part, un trait situationnel et, d?autre part, un trait discursif. Toutefois, elles peinent à rendre compte des exceptions : pourquoi tel trait situationnel n?exerce-t-il parfois pas d?effet sur tel aspect du discours, alors que l?on pourrait raisonnablement s?y attendre ? En définissant le contexte comme une représentation mentale de la situation qui, en principe, est susceptible de varier avec chaque participant, on se donne davantage de moyens de penser la variation individuelle. Il faut toutefois relever ici que Van Dijk prend bien soin de ne pas verser de l?eau au moulin de ceux qui rejettent toute description à tendance cognitive sous prétexte qu?elle serait excessivement individualisante et négligerait de prendre en compte les déterminations sociales : « Note that accounting for the cognitive dimensions of language does not imply a reduction to individualism, but only the possibility to explain personal variations of language use » (2004 : 346)16. Il insiste à plusieurs reprises sur la dimension sociale de la cognition. Cette dimension se traduit par le fait que la structure même des modèles de contexte n?est pas entièrement du ressort des interactants : le choix de certains paramètres d?évaluation cognitive au détriment d?autres paramètres possibles est socialement contraint. Le locuteur apprend, par exemple, que l?âge de son allocutaire est dans l?immense majorité des cas un paramètre autrement déterminant que la couleur de ses cheveux lorsqu?il s?agit de se forger un modèle de contexte et de procéder ainsi à la sélection des propriétés pertinentes de la situation qui vont permettre de produire un discours socialement ajusté. L?idée que défend Van Dijk est ainsi la suivante : les modèles de contexte forgés par les interactants dans une situation sont par définition individuels, mais leur structure, elle, ne l?est pas. Le modèle de contexte est ainsi appelé à être une notion d?ordre « socio-cognitif » : à partir d?un ensemble socialement stabilisé de paramètres, il permet des actualisations individuellement variables.

2.3. Quelles implications pour les procédures d?analyse ?

23 On perçoit mieux, à présent, l?inflexion que Van Dijk fait subir aux définitions du contexte que véhiculent la sociologie interactionnelle, l?ethnographie de la communication et l?analyse des conversations : il s?agit, pour lui, de saisir le contexte en tant que représentation mentale forgée par les différents participants à propos de l?événement communicatif auquel ils prennent part. L?introduction de cette « interface cognitive » vise, on l?a vu au point précédent, deux avancées théoriques : expliquer comment les situations sociales peuvent affecter le discours et ses structures, d?une part, et, d?autre part, rendre compte de la variation individuelle. J?aimerais, pour terminer, me déplacer au niveau de la praxis et envisager brièvement les procédures d?analyse que la notion de modèle de contexte engage pour le spécialiste du discours.

24 On s?interrogera sur le référent ultime de l?analyse et sur ce que l?on pourrait appeler sa direction (quels sont, pour ainsi dire, ses points de départ et d?arrivée ?). Il me semble qu?on peut ici envisager deux possibilités. (i) L?analyse se donne comme référent ultime le modèle de contexte défini en tant que représentation mentale. Comme le reconnaît Van Dijk, une telle optique pose le problème de l?observabilité : l?analyste du discours ne bénéficie en effet pas d?un accès direct à la cognition des interactants (2004 : 353-354). Sur quelle base peut-on, dès lors, esquisser la structure des modèles de contexte et leurs principales (sous-)catégories ? Si l?on postule que les interactants ne retiennent dans leur modèle de contexte que les catégories pertinentes pour la production et la réception du discours, on peut s?attendre à ce que ces catégories soient d?une manière ou d?une autre « exhibées » (exhibited, 2004 : 353) dans le discours. Dans un tel cas, l?analyse d?un texte et l?observation de ses caractéristiques ont pour rôle de permettre à l?analyste de faire des hypothèses sur la cognition des interactants. En d?autres termes, la direction de l?analyse pourrait être schématisée ainsi : les propriétés textuelles de surface sont saisies en tant qu?indices de processus cognitifs auxquels elles permettent de remonter et qu?elles permettent, certes indirectement, d?esquisser. Van Dijk envisage la possibilité, pour l?analyste, d?examiner « comment les structures du discours peuvent être utilisées pour aider à construire les modèles de contexte » (« how discourse structures may be used to help construct context models », 1999 : 141). En visant à la description du modèle de contexte et de ses principales catégories, cette première optique semble élire comme référent ultime un processus cognitif. (ii) On peut distinguer une seconde optique, dans laquelle le modèle de contexte n?a cette fois plus le statut de référent ultime, mais celui d?hypothèse explicative. La démarche consiste alors plutôt à se centrer sur certaines propriétés textuelles et à les expliquer en faisant référence à des processus cognitifs imputables aux interactants. Dans ce cas, on utilise la notion de modèle de contexte en vue de rendre compte de la présence de certaines propriétés textuelles : « Si l?on observe la propriété textuelle X, c?est (probablement) parce qu?il y a un processus cognitif Y ». Cela revient, selon une expression que l?on rencontre sous la plume de Van Dijk, à « interpréter les structures de surface en termes de contraintes contextuelles » (« to interpret surface structures in terms of contextual constraints », 1999 : 139).

25 Défini en tant que représentation mentale, le modèle de contexte semble ainsi pouvoir donner lieu à deux démarches dont on se demande laquelle est appelée à prévaloir. Soit on considère le texte comme le terrain d?une observation indirecte des modèles de contexte, de leur fonctionnement, de leur structure prototypique et de leurs paramètres les plus stables. Le texte est alors pris comme l?indice ou la trace d?autre chose que lui-même : son analyse a pour but d?accéder, certes indirectement, à un référent distinct. Soit on se donne le texte comme référent ultime et on le considère l?hypothèse du modèle de contexte comme un facteur explicatif des propriétés textuelles observées. A lire les analyses du chercheur hollandais (notamment celles portant sur le discours parlementaire, 2004), on a parfois l?impression qu?elles courent, si l?on ose l?expression, deux lièvres à la fois. Van Dijk cherche visiblement à établir la correction de l?hypothèse du modèle de contexte qu?il a posée au départ : il s?agit alors de rechercher dans le texte les « traces » de processus cognitifs ? dans le but de montrer que ceux-ci ont bel et bien lieu. Mais, dans le même temps, Van Dijk explique la présence de certaines propriétés textuelles par l?existence supposément avérée de ces processus cognitifs. Il y a là deux mouvements analytiques et argumentatifs dont on peut interroger la coexistence au sein d?un même propos.

3. Conclusion

26 Cet article s?est efforcé de présenter succinctement les propositions les plus saillantes qu?avance Teun Van Dijk dans ses travaux sur la théorie du contexte. L?objectif était de contribuer à une meilleure connaissance de cette dimension de l??uvre du chercheur hollandais dans le cadre des études francophones sur le discours. J?ai tenté de dégager les postulats que partage Van Dijk avec les théorisations voisines de la notion de contexte que l?on rencontre en sociolinguistique interactionnelle, en ethnographie de la communication ou en analyse des conversations. Il s?est ensuite agi de comprendre la teneur des reproches parfois cinglants qu?adresse Van Dijk à ces théorisations et le sens exact du déplacement qu?il vise à instaurer avec l?introduction d?une « interface cognitive ». J?ai suggéré, en fin de parcours, les ambiguïtés auxquelles la notion de context model pouvait donner lieu en termes de procédures d?analyse textuelle et discursive. On pourrait, à partir de là, prolonger, voire déplacer la discussion sur plusieurs fronts. Il conviendrait, par exemple, de se demander à quel point l?inflexion cognitive que Van Dijk fait subir à la notion de contexte est soluble dans les travaux d?analyse du discours issus de l?Ecole française17.

Bibliographie

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Notes

1 On lira également l?important article de François Rastier (« Le problème épistémologique du contexte et le statut de l?interprétation dans les sciences du langage », 1998) qui examine le rôle dévolu à la notion de contexte dans les problématiques du signe, de la phrase et du texte.
2 On en jugera par la sélection d?articles listés en bibliographie à la fin de ce travail.
3 In « Critical Context Studies », article à paraître disponible à l?heure actuelle sur le site internet de Teun Van Dijk (http ://www.discourse-in-society.org/teun.html).
4 « Les aspects d?une situation dans laquelle une interaction peut être décrite comme ayant lieu [sont quasiment infinis]. Le simple fait que la description d?une invocation possible du contexte soit correcte, par exemple que l?interaction ait eu lieu [?] dans un tribunal est équivoque dans son importance : on sait en effet que tout ce qui se passe dans un tribunal n?a pas forcément de rapport avec la loi, et l?on sait aussi qu?un nombre infini d?autres descriptions seraient aussi ? correctes ? (par exemple le fait qu?il s?agissait d?une pièce regardant vers le nord) » (je traduis).
5 Lorenza Mondada fait une remarque similaire : « Le fait qu?une conversation ait lieu dans un hôpital entre des personnes pouvant être catégorisées comme un docteur et un patient n?autorise pas automatiquement son interprétation en termes d?une conversation médicale ? d?autres descriptions de ces personnes étant tout aussi possibles? » (1998 : 249).
6 « Si l?on considère qu?il existe un nombre infini de descriptions contextuelles possibles pour toute interaction, comment l?une d?entre elles devrait-elle être sélectionnée comme étant pertinente au plan de l?analyse ? Le chercheur peut avoir de puissantes intuitions sur la pertinence du genre, par exemple [?] ; toutefois, ce n?est pas la même chose que de montrer que ce paramètre est effectivement pertinent. Après tout, il y a tant de descriptions possibles qui sont correctes qu?un plus fort critère de pertinence est nécessaire » (je traduis).
7 « Pour distinguer explicitement entre les contextes et la complexité des situations sociales [?], nous définissons le contexte comme la structure de toutes les propriétés de la situation sociale qui sont systématiquement pertinentes pour la production, la compréhension ou les fonctionnements du discours et de ses structures » (je traduis).
8 « Il y a une importance cruciale à prendre comme point de départ pour l?analyse du contexte la perspective des participants dont le comportement est analysé » (je traduis).
9 « Le problème devient ainsi de savoir lesquelles des caractérisations possibles du contexte peuvent être déclarées comme étant pertinentes. Pertinentes pour qui ? [?] Si l?on se soucie de comprendre ce qu?un élément de l?interaction représente pour ses participants, alors on doit établir quel sens du contexte est pertinent pour ces participants » (je traduis).
10 « Les linguistes et les analystes du discours ont consacré beaucoup d?attention au rôle du contexte, mais ont échoué dans le développement d?une théorie explicite des relations texte-contexte » (je traduis).
11 « En termes très généraux, la contextualisation [?] comprend toutes les activités par lesquelles les participants rendent pertinent un quelconque aspect du contexte qui, à son tour, est responsable de l?interprétation d?une énonciation dans son lieu particulier d?occurrence » (je traduis).
12 « Ce qu?un participant traite comme le contexte pertinent est formé par les activités spécifiques qui sont accomplies à ce moment » (je traduis).
13 « [L]es situations sociales ne peuvent bien sûr pas influencer d?elles-mêmes l?usage de la langue ou les autres pratiques sociales, mais cela est seulement possible par le biais d?une interface cognitive qui spécifie la manière dont la situation sociale est interprétée ou, plus précisément, construite par les participants » (je traduis).
14 « La thèse principale de ma théorie du contexte est que les contextes ne devraient pas être définis comme une sorte de situation sociale dans laquelle le discours prend place, mais plutôt comme une représentation mentale, ou comme un modèle construit par les locuteurs à propos d?une telle situation » (je traduis).
15 « En dépit des contraintes de la [situation] sociale, c?est la représentation subjective de ces [situations] qui contrôle le texte et la parole, et une telle représentation subjective peut fort bien violer les règles socialement partagées pour un certain nombre de raisons plus ou moins valables : la résistance et le défi, la créativité et l?originalité, [?] » (je traduis).
16 « Il faut noter que rendre compte des dimensions cognitives du langage n?implique pas une réduction à l?individualisme, mais seulement la possibilité d?expliquer les variations personnelles dans l?usage du langage » (je traduis).
17 Je remercie vivement Rudolf Mahrer pour sa relecture attentive et ses suggestions.

Pour citer cet article

Référence électronique

Raphaël Micheli, « Contexte et contextualisation en analyse du discours : regard sur les travaux de T. Van Dijk », Semen, 21, Catégories pour l'analyse du discours politique, 2006, [En ligne], mis en ligne le 28 avril 2007. URL : http://semen.revues.org/document1971.html. Consulté le 09 janvier 2010.

Auteur

Raphaël Micheli

Université de Lausanne