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LACAN 

1972-73

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2

Ce document de travail a pour sources principales : 
-  Encore, sténotypie incomplète datée de 1981.  
-  La version critique d’Encore établie par l’

E.L.P.

 

 

-  La bande son des séances enregistrées, disponible sur le site de Jacques SIBONI : 

Lutécium

 
Pour que s’affiche « 

les formules de la sexuation

 », il faut la police de caractères spécifique,  

dite « Lacan », disponible sur la page d’accueil du superbe site de Pascal GAONAC’H : 

Gaogoa

.  

 
 Les références bibliographiques privilégient les éditions les plus récentes.  
 Les schémas sont refaits. 
 
 
N.B.    

Ce qui s’inscrit entre crochets droits [  ] n’est pas de Jacques LACAN. 

 

 

 

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3

Table des matières 

 
 

1    

21 novembre

      1972  

2    

12 décembre

      1972  

3    

19 décembre

      1972  

4    

09 janvier

           1973   

5    

16 janvier

           1973 

6    

13 février

           1973   

7    

20 février

           1973 

8    

13 mars

              1973  

9    

20 mars

              1973  

10  

10 avril

               1973  

11  

08 mai

                1973  

12  

15 mai

                1973   

13  

26 juin

                1973

  

 

 

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4

21 Novembre 1972

                        

Table des matières

 

 
 
 
 
 
 
 
Il m'est arrivé de ne pas publier l'

Éthique de la psychanalyse 

1

En ce temps-là, c'était une forme - chez moi –  
de la politesse : 

« 

après-vous, j'vous-en-prie

 », « 

j'vous-en-pire

 »,  

« 

passez-donc-les-près-vous…

 »

 

 
Avec le temps, j'ai pris l'habitude de m'apercevoir 
qu'après tout je pouvais en dire un peu plus.  
Et puis, je me suis aperçu que ce qui constituait mon 
cheminement c'était quelque chose de l'ordre du  
« 

je n'en veux rien savoir

 !

 ».  

C'est sans doute ce qui aussi, avec le temps,  
fait que – 

encore

 - je suis là, et que vous aussi  

vous êtes là, je m'en étonne toujours, 

encore

 ! 

 

 

Il y a quelque chose, depuis quelque temps,  
qui le favorise c'est qu'il y a aussi chez vous,  
chez la grande masse de ceux qui sont là, un même…  

en apparence 

…un même « 

je n'en veux rien savoir

 !

 ».  

Seulement - tout est là ! - est-ce le même ?  
Le « 

je n'en veux rien savoir

 !

 » d'un certain savoir qui vous 

est transmis par bribes, est-ce bien de cela qu'il 
s'agit ?  
Je ne crois pas.  
 

 

Et même, c'est bien parce que vous me 

supposez

 partir 

d'ailleurs dans ce « 

je n'en veux rien savoir

 !

 » que 

supposer

 vous 

lie à moi.  
De sorte que s'il est vrai que je dise qu'à votre 
égard je ne puis être ici qu'en position d'analysant 
de mon « 

je n'en veux rien savoir

 !

 » d'ici que vous atteigniez 

le même, il y aura une paye.  
 

                                                 

 

 
1 Jacques Lacan, L'éthique de la psychanalyse, livre VII, Paris, Seuil, 1986. 

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5

Et c'est bien, c'est bien ce qui fait que c'est 
seulement, que quand le vôtre vous apparaît 

suffisant

vous pouvez… 

si vous êtes, inversement mes analysants 

…vous pouvez normalement vous détacher de votre 
analyste. Il n'y a - contrairement à ce qui s'émet - 
nulle impasse de ma position d'analyste avec ce que 
je fais ici à votre égard. 
 
L'année dernière, j'ai intitulé ce que je croyais 
pouvoir vous dire «… 

ou pire

 », puis « 

ça s'oupire

 

»,  

(s apostrophe). Ça n'a rien à faire avec 

je

 ou 

tu

 :  

« 

je ne t'

oupire

 pas

 », ni « 

tu ne m'

oupires

 

».  

Notre chemin, celui du discours analytique,  
ne progresse que de cette limite étroite,  
de ce tranchant du couteau qui fait qu'ailleurs  
ça ne peut que « 

s’oupirer

 »

.  

C'est ce discours qui me supporte, et pour le 
recommencer cette année, je vais d'abord vous 
supposer au lit… un lit de « 

plein emploi

 », à deux. 

 

 

 

Ici il faut que je m'excuse auprès de quelqu'un,  
qui ayant bien voulu s'enquérir de ce qu'est mon 
discours… 

un juriste, pour le situer 

…j'ai cru pouvoir… pouvoir pour - à lui - faire 
sentir ce qui en est le fondement… 

c'est à savoir que le langage  

ça n'est pas

 l'être parlant  

…je lui ai dit que je ne me trouvais pas déplacé 
d'avoir à parler dans une faculté de droit, celle où 
il est sensible… 

sensible par ce qu'on appelle l'existence des 
codes, du code civil, du code pénal et de bien 
d'autres  

…que le langage ça se tient là, c'est à part,  
et que l'être parlant… 

ce qu'on appelle les hommes 

…il a affaire à ça tel que ça s'est constitué au 
cours des âges.  
Alors commencer, commencer par vous supposer au lit, 
bien sûr il faut qu'à son endroit je m'en excuse !  
Je n'en décollerai pas pourtant aujourd'hui !  
 

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6

Et si je peux m'en excuser c'est à lui rappeler,  
lui rappeler que, au fond de tous les droits, il y a 
ce dont je vais parler, à savoir 

la  jouissance

.  

Le droit ça parle de ça, le droit ça ne méconnaît pas 
même ce départ, ce bon droit coutumier dont se fonde 
l'usage du concubinat, ce qui veut dire 

coucher  ensemble

 
Évidemment je vais partir d'autre chose, de ce qui 
dans le droit reste voilé, à savoir ce qu'on en 
fait : s'étreindre.  
Mais ça c'est parce que je pars de la limite,  
d'une limite dont en effet il faut partir pour être 
sérieux, ce que j'ai déjà commenté : pouvoir établir 
la série

2

, la série de ce qui s'en approche. 

 
L'usufruit

3

 ça c'est bien une notion de droit et qui 

réunit en un seul mot ce que déjà j'ai rappelé…  

dans ce séminaire sur l'

 Éthique

  

dont je parlais tout à l'heure 

…à savoir la différence qu'il y a de 

l'outil 

4

, qu'il y a 

de 

l'utile,

 à la jouissance. 

L'utile ça sert à quoi ?  
C'est ce qui n'a jamais été bien défini en raison 
d'un respect - d'un respect prodigieux - que grâce au 
langage l'être parlant a pour le 

moyen

.  

 
L'usufruit ça veut dire qu'on peut jouir de ses 

moyens

 

mais qu'il faut pas les gaspiller.  
Quand on a reçu un héritage, on en a l'usufruit,  
on peut en jouir à condition de ne pas trop en user. 
C'est bien là qu'est l'essence du droit :  
c'est de répartir, de distribuer, de rétribuer,  
ce qu'il en est de la jouissance. 
Mais qu'est-ce que c'est que la jouissance ?  
 
C'est là précisément, ce qui pour l'instant,  
se réduit à nous d'une instance négative :  

la jouissance c'est ce qui ne sert à rien 

!  

Seulement ça n'en dit pas beaucoup plus long. 
 

                                                 

2 La série de Fibonacci, Cf. séminaire  Logique du fantasme (1966-67),  séances du 22-02 au 14-06. 
3 Usufruit : Droit réel temporaire d'usage et de jouissance d'un bien appartenant à un tiers, le nu-propriétaire, à charge pour le 

titulaire de conserver la substance et la destination de ce bien.

 

4 Outil : au XVI

ème

 siècle souvent 

util

 par croisement avec l'adjectif utile, in O. Bloch et W. Von Wartburg, p. 452.

 

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7

Ici je pointe, je pointe la réserve qu'implique  
ce champ du droit, du droit à la jouissance.  
Le droit c'est pas le devoir.  
Rien ne force personne à jouir, sauf le surmoi.  
Le surmoi c'est 

l'impératif de la jouissance

 : 

jouis

 !  

C'est le commandement qui part… d'où ?  
C'est bien là que se trouve le point tournant 
qu'interroge le discours analytique.  
C'est bien sur ce chemin que j'ai essayé dans un 
temps… 

le temps de l'« 

après-vous

 »  

…que j'ai laissé passer, pour montrer que si 
l'analyse nous permet d'avancer dans une certaine 
question, c'est bien que nous ne pouvons nous en 
tenir à ce dont je suis parti… 

assurément respectueusement 

…à ce dont je suis parti, soit de l'

Éthique 

d'ARISTOTE

5

pour montrer quel 

glissement

 s'était fait avec le temps.  

Glissement qui n'est pas progrès, glissement qui est 
contour, glissement qui, d'une considération au sens 
propre du terme, d'une considération de l'

être

  

qui était celle d'ARISTOTE, a fait venir au temps  
de 

l'utilitarisme

 de BENTHAM

6

, au temps de la 

Théorie des fictions

 7

,  

au temps de ce qui du langage a démontré la valeur 
d'

outil

, la 

valeur d'usage

.  

 
Ce qui nous laisse enfin revenir à interroger ce 
qu'il en est de cet 

être

, de ce « 

Souverain Bien

 » posé là 

comme objet de contemplation, et d'où on avait cru 
pouvoir édifier une éthique. 
Je vous laisse donc sur ce lit à vos inspirations.  
Je sors, et une fois de plus j'écrirai sur la porte…  

afin qu'à la sortie - peut-être - vous puissiez 
vous rendre compte des rêves que vous aurez, sur 
ce lit, poursuivis 

…la phrase suivante : 

la jouissance de l'Autre

…  

de l'Autre avec… il me semble que depuis le temps 
– hein - ça doit suffire que je m'arrête là.  
 

                                                 

5 Aristote, 

Éthique à Nicomaque

, Paris, Vrin, 1990. 

6 Cf. 

Écrits

, pp. 125-149, et le séminaire 

L'éthique de la psychanalyse

 , 

Paris, Seuil, 1986, séances des 18-11-1959 et 11-05-1960.

  

7 Jeremy Bentham, 

De l’ontologie et autres textes sur les  fictions

, Points Seuil essais n° 353, 1997.

 

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8

Je vous en ai assez rebattu les oreilles de ce 
grand A qui vient après, vu que maintenant  
il traîne partout, ce grand A mis devant l'Autre, 
plus ou moins opportunément d'ailleurs,  
ça s'imprime à tort et à travers  

la jouissance de l'Autre, du corps de l'Autre qui Le

…  

 

lui aussi avec un grand L  

 

du corps de l'Autre qui Le symbolise,  n'est pas le signe de l'amour

.  

 

 

J'écris ça, et je n'écris pas après :  

terminé

, ni 

amen

, ni 

ainsi soit-il

.  

Il 

n'est pas 

le signe… c'est néanmoins la seule 

réponse

.  

Le compliqué c'est que la réponse elle est déjà 
donnée au niveau de l'amour, et que la jouissance,  
de ce fait, reste une question, question en ceci  
que la réponse qu'elle peut constituer n'est pas 

nécessaire

 d'abord.  

C'est pas comme l'amour.  
L'amour – lui - fait signe, et comme je l'ai dit 
depuis longtemps, il est toujours réciproque.  
J'ai avancé ça très doucement en disant que les 
sentiments sont toujours réciproque, c'était pour que 
ça me revienne :  
- Et alors… et alors… et l'amour… et l'amour il est 
toujours réciproque ? - Mais z’oui ! mais z’oui ! 

[ Rires ]

 

 
C'est même pour ça qu'on a inventé l'

inconscient

, c'est 

pour s'apercevoir que « 

le désir de l'homme c'est le désir de l'Autre

 », 

et que l'

amour

 c'est une passion qui peut être l'

ignorance

 

de ce désir, mais qui ne lui laisse pas moins toute 
sa portée. Quand on y regarde plus près on en voit  
le 

ravage

Alors bien sûr ça explique que 

la  jouissance

 du corps de 

l'autre – elle - ne soit pas une réponse nécessaire.  
Ça va même plus loin, c'est pas non plus une réponse 
suffisante parce que l'amour – lui – demande l'amour, 
il ne cesse pas de le demander, il le demande 

encore  

.

  

 

Encore

, c'est le nom propre de cette faille  

d'où dans l'Autre part la demande d'amour. 
Alors d'où part, d'où part 

ça

 qui est capable, certes… 

mais de façon non nécessaire, non suffisante 

…de répondre par la jouissance, jouissance du corps, 
du corps de l'autre ? 

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9

C'est bien ce que l'année dernière, inspiré d'une 
certaine façon par la chapelle de Sainte-Anne,  
qui me portait sur le système, je me suis laissé 
aller à appeler l'

(a)mur 

8

.  

L'

(a)mur

 c'est ce qui apparaît en signes bizarres  

sur le corps et qui vient 

d'au-delà

, du 

dehors

, de cet 

endroit que nous avons cru, comme ça, pouvoir lorgner 
au microscope sous la forme du 

germen

, dont je vous 

ferai remarquer qu'on ne peut dire que ce soit là  
la vie puisqu'aussi bien ça porte la mort, la mort  
du corps, que ça le reproduit, que ça le répète,  
que c'est de là que vient l'

en corps

.  

 

 

Il est 

faux

 de dire « 

séparation

 » du 

soma

 et du 

germen

puisque de 

porter

 ce 

germen

 le corps porte des 

traces

.  

Il y a des traces sur l'

(a)mur

.  

L'être du corps est sexué, certes, mais c'est 

secondaire

 

comme on dit. Et comme l'expérience le démontre, ce 
ne sont

 

pas

 de ces 

traces

 que dépend la jouissance  

du corps en tant que l'Autre il symbolise.  
C'est là ce qu'avance la plus simple considération 
des choses. De quoi s'agit-il donc dans l'amour ?  
 
Comme la psychanalyse l'avance… 

avec une audace d'autant plus incroyable  
que 

toute son expérience

 va contre,  

que 

ce qu'elle démontre c'est le contraire

 

…l'amour c'est de faire 

Un

.  

C'est vrai qu'on ne parle que de ça depuis longtemps, 
de l'Un : la fusion, l'Éros seraient tension vers 

l'Un

.  

 
« 

Y a d'l'Un

 », c'est de ça que j'ai supporté mon discours 

de l'année dernière, et certes pas pour confluer dans 
cette confusion originelle… celle du désir qui ne 
conduit qu'à la visée de la faille où se démontre  
que 

l'Un ne tient que de l'essence du signifiant

.  

Si j'ai interrogé FREGE 

9

 au départ c'est pour tenter 

de démontrer la béance qu'il y a, 

de

 cet 

Un

 à 

quelque chose

 

qui tient à l'

être

, et derrière l'

être   

à la 

jouissance

 

 

 

 

                                                 

8  Cf. Le savoir du psychanalyste (Entretiens de Sainte-Anne), séance du 06-01-1972 .  
9 Cf. séminaire « Problèmes cruciaux de la psychanalyse »  séances des 20-01-1965, 27-01-1965, 24-02-65.  

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10

Je peux quand même vous dire par un petit exemple :  
l'exemple d'une perruche 

[ Rires ]

 qui était amoureuse  

de PICASSO, ça se voyait à la façon dont elle lui 
mordillait le col de sa chemise et les battants de sa 
veste. Cette perruche était bien en effet amoureuse 
de ce qui est 

essentiel

 à l'homme, à savoir son 

accoutrement

.  

Cette perruche était comme DESCARTES, pour qui  
des hommes c'était des habits en « 

pro-ménade

10

 »,  

si vous me permettez, bien sûr c'est « 

pro

 », ça 

promet

 

la 

ménade

11

… c'est-à-dire quand on les quitte.  

Mais ce n'est qu'un mythe, un mythe qui vient 

converger

 

avec le lit de tout à l'heure.  
Jouir d'un corps quand il n'y a plus d'habits  
c'est quelque chose qui laisse intacte la question  
de ce qui fait l'Un, c'est-à-dire de l'

identification

.  

La perruche s'identifiait à PICASSO habillé. 
Il en est de même de tout ce qui est de l'amour. 
Autrement dit, l'habit aime le moine parce que c'est 

par là

 qu'ils ne sont tous qu'Un. Autrement dit, ce 

qu'il y a sous l'habit, et que nous appelons le corps  
ce n'est peut-être, en l'affaire, que ce 

 

reste

 que 

j'appelle l'objet(a).  
 
Ce qui fait tenir l'image c'est un 

reste

, et ce que 

l'analyse démontre c'est que l'amour dans son essence 
est narcissique, que le baratin sur l'

objectal

 est 

quelque chose dont – justement - elle sait dénoncer 
la substance dans ce qui est 

reste

 

 dans le désir,  

à savoir 

sa cause

, et ce qui le soutient de son 

insatisfaction voire de son impossibilité. 
L'impuissance de l'amour, quoiqu'il soit réciproque, 
tient à cette ignorance d'être le désir d'être Un.  
Et ceci nous conduit à l'

impossible

 d'établir la relation 

d'eux

 - la relation d'eux qui ? - les deux sexes. 

Assurément, ai-je dit, ce qui apparaît sur ces corps, 
sous ces formes énigmatiques que sont les caractères 
sexuels qui ne sont que secondaires, sans doute fait 
l'être sexué. Mais l'être c'est la jouissance du 
corps comme tel, c'est-à-dire comme (a)sexué… 

                                                 

10 Cf. Descartes, 

Méditations métaphysiques

, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1953, p. 281 : «.. si par hasard je ne regardais d'une fenêtre 

des hommes qui passent dans la rue, à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout de même que je dis 
que je vois de la cire, et cependant que vois-je de cette fenêtre sinon des chapeaux et des manteaux ».

 

11 Ménade :. Nymphe champêtre, nourrice, puis accompagnatrice de Dyonisos. On les représentait échevelées, nues ou vêtues de 
voiles légers dissimulant à peine leur nudité, poussant des hurlements. 

 

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11

mettez-le comme vous voudrez 

comme asexué, puisque ce qui est dit 

jouissance sexuelle  

est dominé, marqué par l'

impossibilité

 d'établir comme tel, 

nulle part dans l'énonçable, ce seul 

Un

 qui nous 

intéresse : l'Un de la relation « 

rapport sexuel

 ».  

C'est ce que le discours analytique démontre,  
en ceci justement que pour ce qui est d'un de ces 
êtres comme sexué, l'homme en tant qu'il est pourvu 
de l'organe dit phallique… 

j'ai dit « dit » 

…le sexe corporel, le sexe de la femme… 

j'ai dit de 

La

 femme : justement il n'y en a pas, 

il n'y a pas 

La

 femme, la femme n'est « 

pas toute

 »  

…le sexe de la femme ne lui dit rien si ce n'est par 
l'intermédiaire de la 

jouissance

 du corps.  

 

Ce que le discours analytique démontre c'est…  
permettez-moi de le dire sous cette forme 

…que 

le phallus

 c'est l'objection de conscience faite par 

un des deux êtres sexués au 

service

 à rendre à l'Autre.  

Et qu'on ne me parle pas des caractères sexuels 
secondaires de la femme parce que, jusqu'à nouvel 
ordre, ce sont ceux de la mère qui priment chez elle. 
Rien ne distingue comme être sexué la femme sinon 
justement le sexe.  
 
Que tout tourne autour de la jouissance phallique 
c'est très précisément ce dont l'

expérience analytique

 

témoigne, et témoigne en ceci que la femme se définit 
d'

une position

 que j'ai pointée du « 

pas toute

 » à l'endroit 

de la jouissance phallique. 
Je vais un peu plus loin : la jouissance phallique 
est 

l'obstacle

 par quoi l'homme n'arrive pas - dirai-je -  

à jouir du corps de la femme, précisément parce que 
ce dont il jouit c'est de 

cette jouissance

, celle de 

l'organe.  
Et c'est pourquoi le surmoi, tel que je l'ai pointé 
tout à l'heure du « 

jouis !

 », est corrélat de la 

castration

 

qui est le signe dont se pare l'aveu que la 

jouissance

 

de l'Autre, du corps de l'autre, ne se promeut que de 
l'

infinitude

, je vais dire laquelle : celle que supporte 

le paradoxe de ZÉNON, ni plus ni moins, lui-même. 
 
 
 

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12

Achille et la tortue, tel est le schème du jouir,  
d'un côté de l'être sexué.  
Quand ACHILLE a fait son pas, tiré son coup auprès  
de BRISÉIS, telle la tortue, elle aussi a avancé d'un 
peu, ceci parce qu'elle n'est « 

pas toute

 », pas toute à 

lui, il en reste, et il faut qu'ACHILLE fasse  
le second pas, et comme vous savez, ainsi de suite. 
C'est même comme ça que de nos jours… 

mais de nos jours seulement 

…on est arrivé à définir 

le nombre

, le vrai, ou pour 

mieux dire, le réel.  
 
Parce que ce que ZÉNON n'avait pas vu, c'est que  
la tortue 

non plus

 n'est préservée de cette fatalité 

d'ACHILLE, c'est que comme son pas - à elle –  
est de plus en plus petit, il n'arrivera 

non plus

 jamais 

à la limite.  
Et c'est en ça que se définit un nombre quel qu'il 
soit s'il est réel.  
Un nombre a une limite, et c'est dans cette mesure 
qu'il est infini.  
ACHILLE, c'est bien clair, ne peut que dépasser  
la tortue, il ne peut pas la rejoindre, mais il ne la 
rejoint que dans l'

infinitude

 
Seulement en voilà, de dit pour ce qui est de la 
jouissance en tant qu'elle est sexuelle.  
La jouissance est marquée d'un côté par ce 

trou

 qui ne 

l'assure que d'autre voie que de la 

jouissance   phallique

.  

Est-ce que de l'Autre côté, quelque chose ne peut 
s'atteindre, qui nous dirait comment ce qui jusqu'ici 
n'est que faille, béance dans la jouissance, serait 
réalisé ? 
C'est ce qui - chose singulière - ne peut être 
suggéré que par des aperçus très étranges.  
Étrange c'est un mot qui peut se décomposer :  
l'

être  ange

, c'est bien quelque chose contre quoi  

nous met en garde l'alternative d'être aussi bête  
que la perruche de tout à l'heure.  
Mais néanmoins, regardons de près ce que nous inspire 
l'idée que dans la jouissance - dans la jouissance 
des corps - la jouissance sexuelle ait ce privilège 
de pouvoir être interrogée comme étant spécifiée - au 
moins - par une impasse.  

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13

C'est dans cet espace - espace de la jouissance - 
prendre quelque chose de borné, fermé, c'est un lieu, 
et en parler c'est une topologie.  
Ici nous guide ce que… 

dans quelque chose que vous verrez paraître en 
pointe de mon discours de l'année dernière 

…je crois démontrer : la stricte équivalence de 

topologie

 

et 

structure

12

, ce qui distingue 

l'anonymat

 de ce dont  

on parle comme jouissance…  

à savoir ce que « 

ordonne

 »  le droit :  

une géométrie – justement - l'

hétérogénéité

 du 

lieu

 

…c'est qu'il y a un lieu de l'Autre. 
 
De ce lieu de l'Autre… 

d'un sexe comme Autre, comme Autre absolu 

…que nous permet d'avancer le plus récent 

développement

 

de cette topologie ?  
J'avancerai ici le terme de compacité.  
Rien de plus compact qu'une faille, s'il est bien 
clair que quelque part, il est donné que l'

intersection

 

de tout ce qui s'y ferme étant admise comme existante 
en un nombre fini d'ensembles, il en résulte… 

c'est une hypothèse 

…que l'intersection existe en un nombre infini.  
Ceci est la définition même de la compacité

13

.  

 
Et cette intersection dont je parle c'est celle que 
j'ai avancée tout à l'heure comme étant ce qui 

couvre

ce qui fait l'

obstacle

, au 

rapport sexuel

 supposé.  

À savoir, à ce dont j'énonce que l'avancée du 
discours analytique tient précisément en ceci :  
que ce qu'il démontre c'est que son discours ne se 
soutenant que de l'énoncé qu'

il n'y a pas

, qu'il est 

impossible de poser 

le rapport sexuel

, c'est de par là  

qu'il détermine ce qu'il en est réellement aussi  
du statut de tous les autres discours.  
Tel est dénommé, le point qui 

couvre

,

 qui 

couvre

 

l'impossibilité du 

rapport sexuel

 comme tel.  

La 

jouissance

 en tant que sexuelle est 

phallique

, c'est-à-

dire qu'elle ne se rapporte pas à l'Autre comme tel. 
Suivons là le complément de cette 

hypothèse de compacité

                                                 

12 Jacques Lacan, « L'Étourdit », 

Scilicet 4,

 Paris, Seuil, le champ freudien, 1973. 

13 Cf. Séminaire : «La logique du fantasme», avec la série de Fibonacci, sous la forme de l'incommensurabilité de «a» à 1.

 

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14

Une formule nous est donnée par la topologie que j'ai 
qualifiée de la plus récente, à savoir d'une logique 
construite, construite précisément sur l'

interrogation

 

du nombre et de ce vers quoi il conduit :  
d'une restauration d'un lieu qui n'est pas celui  
d'un espace homogène.  
Le complément de cette hypothèse de compacité est 
celui-ci :  
dans le même espace borné, fermé, supposé institué, 
l'équivalent de ce que tout à l'heure j'ai avancé  
de l'intersection passant du fini à l'infini est 
celui-ci : c'est qu'à supposer ce même espace borné, 
fermé, recouvert d'ensembles ouverts… 

c'est-à-dire de ce qui se définit comme excluant 
sa limite, de ce qui se définit comme plus grand 
qu'un point, plus petit qu'un autre, mais en 
aucun cas égal ni au point de départ ni au point 
d'arrivée, pour vous l'imager rapidement 

…le même espace donc étant supposé recouvert 
d'espaces ouverts, 

il est équivalent

 - ça se démontre - 

de dire que l'ensemble de ces espaces ouverts s'offre 
toujours à un sous-recouvrement d'espaces ouverts, 
eux tous constituant une finitude, à savoir que la 
suite des dits éléments constitue une suite finie.  
 
Vous pouvez remarquer que je n'ai pas dit qu'ils sont 
comptables

14

, et pourtant c'est ce que le terme fini 

implique. Pour être comptables, il faut qu'on y 
trouve un ordre, et nous devons marquer un temps 
avant de supposer que cet ordre soit trouvable.  
 
Mais ce que veut dire en tout cas la finitude, 
démontrable, des espaces ouverts, capables de 
recouvrir cet espace borné, fermé en l'occasion,  
de la jouissance sexuelle, ce qui implique en tout 
cas c'est que les dits espaces… 

et puisqu'il s'agit de l'

Autre côté

 

 

mettons les au féminin 

…peuvent être pris 

1 par 1

 

ou bien encore « 

une  par une 

 

». 

 
Or, c'est cela qui se produit dans cet espace de la 
jouissance sexuelle qui de ce fait s'avère compact. 

                                                 

14 Lacan utilise ici le terme de comptable au sens de dénombrable. 

 

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15

Ces femmes « 

pas toutes

 »

,

 telles qu'elles s'isolent dans 

leur 

être sexué

, lequel donc ne passe pas par le corps 

mais par ce qui résulte d'une exigence dans la 

parole

d'une exigence 

logique

, et ce très précisément en ceci 

que la logique, la cohérence inscrite dans le fait 
qu'

ex-siste

  

le langage, qu'il soit 

hors

 de ces corps qui en 

sont agités, l'Autre… 

l'Autre avec un grand A, maintenant qui s'

incarne

si l'on peut dire, comme être sexué  

…exige cet « 

une  par une 

 

».

 [  

L’Un de l’être rencontre l’1 du nombre 

 ]

 

 

 

Et c'est bien là qu'il est étrange, qu'il est 

fascinant

… 

c'est le cas de le dire :  
Autre fascination, Autre 

fascinum

 

…cette exigence de l'Un, comme déjà étrangement  
le 

Parménide 

15

 

pouvait nous le faire prévoir,  

c'est de l'Autre qu'elle sort.  
Là où est l'être, c'est l'exigence de l'

infinitude

Je commenterai, j'y reviendrai, sur ce qu'il en est 
de ce lieu de l'Autre.  
Mais dès maintenant pour faire image, et parce 
qu'après tout, je peux bien supposer que quelque 
chose dans ce que j'avance puisse vous lasser,  
je vais vous l'illustrer. 
 
On sait assez combien les analystes se sont amusés 
autour de ce Don Juan dont ils ont tout fait,  
y compris ce qui est un comble, un homosexuel !  
Est-ce qu'à le centrer sur ce que je viens de vous 
imager de cet espace de la jouissance sexuelle,  
à être recouvert de l'

Autre côté 

16

, par des ensembles 

ouverts et aboutissant à cette finitude… j'ai bien 
marqué que je n'ai pas dit que c'était le nombre,  
et pourtant, bien sûr que ça se passe :  
finalement on les compte.  
 
 

                                                 

15 Référence  au concept de l’Un chez Parménide ( cf Le poème )  et  à ce qu’en a traité Platon dans le 

Parménide

16 Autre avec un grand A à «Autre côté» pour bien marquer que c'est du côté de la jouissance de l'Autre, considérée comme un 

espace compact où se déploient des recouvrements ouverts à l'infini dont on peut, précisément parce que cet espace est compact, 
extraire un sous-recouvrement fini (donc extraire du «une par une» de l'infini). La jouissance de l'Autre côté est ici opposée à la 
jouissance phallique, elle aussi considérée comme un espace compact mais où se déploie cette fois une sous-famille finie d'espaces 
fermés dont l'intersection est non vide, ce qui permet, toujours parce que l'espace est compact, de conclure que toutes les familles 

- y compris donc les familles infinies - ont elles-mêmes une intersection non vide (donc tirer une conclusion sur de l'infini là où 
l'hypothèse porte sur du fini). [Note de l’édition critique E.L.P.] 

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16

Ce qui est l'essentiel dans le mythe féminin de  
Don Juan c'est bien ça, c'est qu'il les a « 

une  par une 

 

», 

et c'est cela qu'est l'Autre sexe, le sexe masculin 
pour ce qu'il en est des femmes. 
 
C'est bien en cela que l'image de Don Juan est 
capitale, c'est dans ce qui s'indique de ceci 
qu'après tout il peut en faire une liste,  
et qu'à partir 

[ du moment ]

 ou il y a les noms, on peut les 

compter : s'il y en a « 

mille  e  tre

 » c'est bien qu'on 

peut les prendre « 

une  par une 

 

», et c'est là l'essentiel. 

Vous le voyez, il y a là tout autre chose que l'Un de 
la 

fusion universelle

.  

 
Si la femme n'était pas « 

pas toute

 », si dans son corps 

ce n'était pas « 

pas toute

 » qu'elle est comme être 

sexué, rien de tout cela ne tiendrait.  
Que j'aie pu pour imager des faits qui sont des faits 
de discours, ce discours dont nous sollicitons dans 
l'analyse la sortie - au nom de quoi ? – du 

lâchage

 de 

tout ce qu'il en est d'autres discours, l'apparition 
de quelque chose où le 

sujet

 se manifeste dans sa 

béance

dans ce qui cause son désir. 
 
S'il n'y avait pas ça, je ne pourrais faire le joint, 
la couture, la jonction, avec quelque chose qui nous 
vient bien tellement d'ailleurs :  
une topologie dont pourtant nous ne pouvons dire 
qu'elle ne relève pas du même ressort, à savoir d'un 
autre discours, d'un discours combien plus pur, 
combien plus manifeste dans le fait qu'il n'est 
genèse que de discours, et que cela converge avec une 
expérience, 

à ce point

 que cela nous permette de l'

articuler

est-ce qu'il n'y a pas là quelque chose de fait aussi 
pour nous faire revenir, et justifier dans le même 
temps, ce qui dans ce que j'avance se supporte,  
se 

s'oupire

 de ne jamais recourir à aucune substance,  

de ne jamais se référer à aucun être,  
d'être en rupture de ce fait avec quoi que ce soit 
qui s'énonce comme philosophie.  
 
 
 
 

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17

Est-ce que cela n'est pas justifié ?  
Je le suggère…  

c'est plus tard que je l'avancerai plus loin 

…je le suggère de ceci que tout ce qui s'est articulé 
de l'

être

… 

tout ce qui le fait de se refuser au prédicat,  
de dire « 

l'homme est

 » par exemple sans dire quoi  

…que l'indication par là nous est donnée que tout ce 
qui est de l'être est étroitement relié précisément  
à cette section du prédicat et indique que rien  
en somme, ne peut être dit… 

sinon par 

ces

 

détours en impasse

,  

par 

ces démonstrations d'impossibilité logique

  

par où aucun prédicat ne suffit  

…et que ce qui est de l'

être

… 

d'un 

être

 qui se poserait comme absolu  

…n'est jamais que 

la fracture,  la cassure,  l'interruption

,

 de la 

formule « 

être sexué

 » en tant que l'être sexué  

est intéressé dans la jouissance. 

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18

12 Décembre 1972                                                                      

Table des matières

 

 
 

Exposé de François RÉCANATI

 

 
 
 
Jacques LACAN 
 
Lacan paraît-il, pour son premier séminaire, comme on 
l'appelle, de cette année, aurait parlé - je vous le 
donne en mille - de l'

amour

, pas moins ! 

 
La nouvelle s'est propagée ! 
Elle m'est revenue même de… pas très loin bien sûr, 
d'une petite ville de l'Europe 

[ Amsterdam ]

 où on l'avait 

envoyée en 

message

Comme c'est sur mon divan que ça m'est revenu, je ne 
peux pas croire que la personne qui me l'a rapportée 
y crût vraiment, vu qu'elle sait bien que ce que  
je dis de l'amour c'est assurément qu'on peut pas en 
parler. « 

Parlez-moi d'amour

 », ça veut dire des 

chansonnettes. J'ai parlé de 

la lettre d'amour

, de 

la déclaration 

d'amour

, c'est pas la même chose que 

la parole

 

d'amour

Enfin je pense qu'il est clair… 

même si vous ne vous l'êtes pas formulé 

…il est clair que dans ce premier séminaire  
j'ai parlé de 

la bêtise

, de celle qui conditionne  

ce dont j'ai donné cette année le titre à mon 
séminaire, et qui se dit 

Encore

Vous voyez le risque !  

 
Je vous dis ça uniquement pour vous dire ce qui fait 
ici le poids, le poids de ma présence :  
c'est que vous en jouissez.  
Ma présence seule, du moins j'ose le croire,  
ma présence seule dans mon discours,  
ma présence seule est ma 

bêtise

. Je devrais savoir que 

j'ai mieux à faire que d'être là. C'est bien pour ça 
que je peux avoir envie tout simplement qu'elle ne 
vous soit pas assurée en tout état de cause. 
Néanmoins, il est clair que je ne peux pas me mettre 
dans une 

position de retrait

, de dire : qu'encore et que 

ça dure c'est une 

la bêtise

, puisque moi-même j'y 

collabore

.  

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19

Évidemment je ne peux me placer que 

dans le champ de cet Encore

Et peut-être à remonter un certain discours qui est 
le 

discours analytique

 jusqu'à ce qui fait le conditionnement 

de ce discours, à savoir cette vérité, la seule qui 
puisse être incontestable de ce qu'elle n'est pas, 
qu'il n'y a pas de rapport sexuel, ceci ne permet 
d'aucune façon de juger de ce qui est, ou n'est pas, 
de la 

la bêtise

.  

Et pourtant il ne se peut pas - vu l'expérience -  
qu'à propos du discours analytique quelque chose  
ne soit pas interrogé, qui est à savoir s'il ne tient 
pas essentiellement de s'en supporter de cette 
dimension de la bêtise.  
Et pourquoi pas après tout ne pas se demander quel 
est le 

statut

 de cette dimension pourtant bien présente. 

Car enfin il n'y a pas eu besoin du 

discours analytique

  

pour que… 

c'est là la nuance 

…comme 

vérité

 soit annoncé qu'« 

il n'y a pas de rapport sexuel

 

». 

 
Ne croyez pas que moi j'hésite à me mouiller.  
Ce n'est pas d'aujourd'hui que je parlerai de  
Saint PAUL, je l'ai déjà fait.  
C'est pas ça qui me fait peur, même de me 

compromettre

 

avec des gens dont le statut, la descendance n'est 
pas à proprement parler ce que je fréquente. 
Néanmoins « 

les hommes d'un côté, les femmes de l'autre

 », ce fut  

la conséquence du message, voilà ce qui au cours des 
âges a eu quelques répercussions. Ça n'a pas empêché 
le monde de se reproduire à votre mesure.  
La bêtise tient bon, en tout cas. 

 

C'est pas tout à fait comme ça que s'établit le 
discours analytique, ce que je vous ai formulé du 
petit(a) et de l’S

2

 qui est en dessous et de ce que ça 

interroge du côté du sujet. Pour produire quoi ? 
C'est bien évidemment que ça s'installe là-dedans, 
dans 

la bêtise

 - pourquoi pas ? - et que ça n'a pas ce 

recul, que je n'ai pas pris moi non plus, de dire que 
si ça continue c'est de la bêtise.  
Au nom de quoi le dirais-je ?  
Comment sortir de la bêtise ? 

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20

Il n'en est pas moins vrai qu'il y a quelque chose, 
un 

statut

 à donner de ce qu'il en est de 

ce neuf discours

,  

de son approche de la bêtise, quelque chose s'en 
renouvelle. Sûrement qu’il va plus près, car dans  
les autres c'est bien ce qu'on fuit.  
Le discours vise toujours à 

la moindre  bêtise

, ce qu'on 

appelle 

la bêtise

 

sublime

, car sublime veut dire ça :  

c'est le point le plus élevé de ce qui est en bas. 
 
Où est dans le 

discours analytique

 le sublime de 

la bêtise 

?  

Voilà en quoi je suis en même temps légitimé à mettre 
au repos ma participation à 

la  bêtise

 en tant qu'ici  

elle nous englobe, et à 

invoquer

 qui pourra m'apporter 

la réplique de ce qui… sans doute dans d'autres 
champs… mais non bien sûr ! puisqu'il s'agit de 
quelqu'un qui ici m'écoute, qui de ce fait est 
suffisamment introduit au discours analytique. 
Comment ? 
 
C'est là ce que déjà au terme de l'année dernière

17

j'ai eu le bonheur de recueillir d'une bouche qui va 
se trouver la même.  
C'est là que dès le début de l'année j'entends que 
quelqu'un m'apporte, à ses risques et périls,  
la réplique de ce qui dans un discours, nommément  

le philosophique

, résout, oblique, mène sa voie,  

la fraye d'un certain statut à l'égard de la moindre 
bêtise. 
 
Je donne la parole à François RÉCANATI que vous 
connaissez déjà. 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

                                                 

17 Intervention de François Récanati le 14 juin 1972, publiée sous le titre : «Intervention au séminaire du docteur Lacan», 

Scilicet 4

Paris, Seuil, Le champ freudien, 1973, pp. 55 à 73.

 

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21

François RÉCANATI

  

 
 
 
Je remercie le docteur LACAN de me donner la parole 
une deuxième fois, parce que ça va m'introduire 
directement à ce dont je vais parler, en ce sens que 
ce n'est pas sans rapport avec la répétition.  
 
Mais d'autre part, je voudrais aussi bien prévenir 
que cette répétition c'est une répétition infinie, 
mais que ce que je vais dire - là aussi, ça ne sera 
pas fini en ce sens que je n'aurai absolument pas le 
temps de venir au terme de ce que j'ai préparé. 
C'est-à-dire qu'ici, en quelque sorte, c'est 
véritablement au bouclage de la boucle que devait 
prendre sens ce qui comme préliminaire va m'y amener.  
Là je vais être obligé à cause du temps et à moins de 
reprendre ça une autre fois, de m'en tenir aux 
préliminaires, c'est-à-dire proprement de ne pas 
encore entrer de plain-pied dans cette bêtise dont  
a parlé le docteur LACAN. 
 
Vous vous souvenez que ce que la dernière fois 
j'avais essayé de vous montrer, c'est que la 
répétition ne se produit qu'au troisième coup,  
qui était le coup de l'interprétant.  
Ça veut dire que la répétition, c'est la répétition 
d'une opération, en ce sens que pour qu'il y ait du 
terme à répéter, il faut qu'il y ait une opération 
qui produise le terme, c'est-à-dire que ce qui doit 
se répéter, il faut bien que ça 

s'inscrive

 et 

l'inscription

 de 

cet objet ne peut se faire elle-même qu'au terme de 
quelque chose de l'ordre d'une 

répétition

 
Il y a là quelque chose qui ressemble à un cercle 
logique, et qui est en fait un peu différent, plutôt 
quelque chose de l'ordre d'une spirale, en ce sens où 
le terme d'arrivée et le terme de départ, on ne peut 
pas dire que ce soit la même chose : ce qui est 
donné, c'est que le terme d'arrivée est le même que 
le terme de départ, mais le terme de départ lui-même 
n'est pas déjà le même, il devient le même,  
mais seulement après coup. 

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22

Il y a donc deux répétitions à envisager, 
dissymétriques, la première qui est le procès par où 
se donne cet objet qui doit se répéter, et on peut 
appeler ça en quelque sorte l'identification de 
l'objet au sens où il s'agit du déclin de son 
identité, et on voit très bien ce que ça veut dire : 
quand on décline cette identité de l'objet, cette 
identité décline aussi sec.  
 
Et la tautologie initiale « A est A

 

» dont on se 

souvient que WITTGENSTEIN dit que c'est un coup de 
force dénué de sens, c'est proprement ce qui institue 
le sens, car il passe quelque chose là-dedans.  
C'est-à-dire que dans le « A est A

 

», A

 

se présente 

tout d'abord comme le support indifférencié tout à 
fait potentiel de tout ce qui peut lui arriver comme 
détermination.  
Mais dès qu'une détermination effective lui est 
donnée, dès que c'est d'existence qu'il s'agit et pas 
du n'importe quoi de toutes ses déterminations 

possibles

alors précisément il y a une sorte de transmission de 
pouvoir, c'est-à-dire que ce qui devait faire 

fonction

  

de support, en l'occurrence ce A indéterminé,  
ce A potentiel, est en quelque sorte marqué par le 
fait qu'il y a de l'

être

 tout d'un coup qui s'intercale 

entre lui et lui-même, c'est-à-dire que lui-même se 
répète, et il se répète sous la forme d'un prédicat,  
c'est-à-dire qu'il y a une espèce d'amoindrissement, 
et cet amoindrissement se symbolise par ceci que dans 
« A est A

 

», le A qui avait fonction de support tout 

d'un coup se voit lui-même supporté par quelque chose 
de l'ordre de l'

être

 qui le supporte, qui le dépasse, 

qui l'englobe, et lui-même n'est dans cette relation 
que ce qui prédique la prédication en tant que la 
prédication, c'est ce que supporte l'être.  
Sur ceci je vais revenir… 
 
LACAN   
 
D'ailleurs chacun sait que « 

La guerre est la guerre

 »  

n'est pas une tautologie, non plus que « 

un sou est un sou

 »! 

 
 
 

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23

François RÉCANATI 
 
Exactement. Je vais revenir là-dessus parce que c'est 
à peu près le nerf de toute l'affaire et que je 
voudrais parler… 

c'est de ça que je crains  
de n'avoir pas le temps de le faire 

…de la logique de Port-Royal

18

, parce que c'est une 

théorie de la substance, justement, et qu'il a été 
dit la dernière fois qu'on ne se réfère pas ici à 
aucune substance. Mais j'y viendrai tout à l'heure.  
 
Qu'on sache simplement que 

la répétition

 effectivement,  

la première, répète l'indétermination initiale de  
cet objet qui se donne comme potentiel, mais qu'en 
répétant cette indétermination, l'indétermination se 
trouve soudain déterminée d'une certaine façon. 
C'est-à-dire qu'on peut bien poser que la répétition 
du vide ou la répétition de l'impossible… 

enfin que ce type de répétition de quelque chose 
qui n'est pas donné et qu'il faut donc produire 
dans le temps qu'on voudrait le répéter 

…on peut bien poser que c'est l'impossible,  
et c'est ce que dit à peu près tout le monde,  
mais il suffit que ce soit impossible pour qu'il y 
ait quelque chose là d'assuré, et que cette assurance 
permette justement une répétition, c'est d'ailleurs 
une deuxième répétition. 
 
Plutôt que de m'étaler là-dessus, je cite cette 
phrase de KIERKEGAARD :  
 

« 

La seule chose qui se répète, c'est l'impossibilité  de la répétition

 ».  

 
Ça fait très bien voir ce qu'il en est, et ça fait le 
joint avec ce que j'avais dit l'année dernière de la 
triade qui supporte toute répétition :  
la triade 

objet -  representamen - interprétant

.  

C'est-à-dire qu'entre l'

objet

 et le

 

representamen

 on change 

en quelque sorte d'espace, ou au moins il y a quelque 
chose comme un 

trou

 qui fait justement l'

objet

 et le

 

representamen

 inapprochables dans cette relation.  

                                                 

18 Cf. La logique de Port-Royal A. Arnauld, P. Nicole, 

la logique ou l'art de penser

, Paris, Gallimard, 1992. 

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24

Mais ce 

trou

, en tant qu'il insiste, ceci permet de 

fonder une vraie répétition dans ce sens que le coup 
d'après, il y a quelque chose qui va incarner ce 

trou

 

qui sera l'

interprétant

, et qui pourra en quelque sorte 

répéter de deux façons ce qui passait entre l'

objet

 et 

le

 

representamen

 : d'une part l'inscrire en disant :  

« 

il  y avait du trou

 » et en permettant que cette 

impossibilité ou ce trou, ça se répète.  
 
Mais d'autre part il va non pas seulement le 

signifier

 

mais le répéter parce que, entre l'impossibilité de 
départ qui passait entre l'

objet

 et le

 

representamen

 et son 

signifiant qui est l'interprétant, il y a le même 
rapport impossible qu'il y avait justement entre l'

objet

 

et le

 

representamen

, c'est-à-dire qu'il faudra un deuxième 

interprétant

 pour prendre en charge la répétition de cette 

impossibilité. 
 
Dans l'interprétant, il y a quelque chose comme 
l'effectuation d'une impossibilité jusque là 
potentielle, et l'impossibilité inscrite par 
l'interprétant c'est disons le premier terme de cette 
existence dont le zéro potentiel était porteur,  
au sens où de quelque manière, le tout conduit au  
« 

il existe

 » et j'y reviendrai également. 

 
Ce qui est important, c'est que l'impossibilité du 
rapport 

objet - representamen  

se donne comme telle pour 

l'interprétant.  
L'interprétant dit : « Ça, c'est impossible »  
mais, dans la mesure où elle se donne pour 
l'interprétant comme telle, dès que l'interprétant 
lui-même se donne pour un autre interprétant,  
c'est alors que cette impossibilité est vraiment un 
terme, terme fondateur d'une série.  
C'est-à-dire que ça permet au nouvel interprétant 
d'assurer quelque chose de solide, comme si cette 
solidité, c'était l'interprétant premier qui l'avait 
fondée à partir de quelque chose originairement 
fluide. 
Ce qui échappait dans le rapport 

objet -  representamen

,  

ça vient s'emprisonner dans l'interprétant.  
 

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25

Mais on voit bien, et je l'ai déjà dit, que ce qui 
s'emprisonne dans l'interprétant et ce qui échappait 
dans le rapport 

objet - representamen

, ce n'est pas exactement 

la même chose, puisque précisément ce qui échappait 
dans le rapport 

objet - representamen

, ça continue à échapper 

dans le rapport entre ce rapport et l'interprétant. 
C'est-à-dire que de toute façon, il y a le même 
décalage, la même inadéquation.  
 
Et c'est bien l'impossibilité de la répétition…  

sur laquelle je vais maintenant appuyer un peu,  

…qui produit ce qui se passe et qu'on peut constater, 
c'est-à-dire la répétition de l'impossibilité. 
Ce qui institue le décalage… 

ce décalage d'où s'origine la répétition 

…c'est 

l'impossibilité pour quelque chose d'être à la fois ce quelque chose et en même 

temps de l'inscrire

.  

 
C'est-à-dire que l'existence de quelque chose ne 
s'inscrit que pour autre chose et, par suite, ça ne 
s'inscrit que quand c'est autre chose qui est donné. 
Et si tant est que c'est d'existence ponctuelle qu'il 
s'agit, l'existence de quelque chose ne s'inscrit 
qu'au moment où elle décline justement, du moment où 
c'est d'une autre existence qu'il est question. 
Cette disjonction, c'est à peu près ce qui passe 
entre 

l'être

 et 

l'être prédiqué

, et j'espère avoir le temps 

d'arriver jusqu'à la logique de Port-Royal qui était 
théoriquement le noyau de mon exposé, mais c'est 
douteux. 
 
Vous vous souvenez que la dernière fois, LACAN a 
caractérisé 

l'être

 comme étant « 

section de prédicat

 ». Et c'est 

à proprement parler de cela qu'il est question.  
 
Et tout de suite je vais donner quelques réflexions 
sur - ne fut-ce que - cette formule « 

section de prédicat

 » 

qui fait sentir immédiatement la récurrence où se 
construit ce qui justement est supposé  

supporter

 tout 

prédicat, c'est-à-dire l'être, ce qui supporte les 
prédicats avant, ça se donne après les prédicats.  
Et d'une certaine manière, s'il y a « 

section de prédicat

 » 

pour trouver l'être, ça veut dire que ce qui supporte 
les 

prédicats

, c'est ce qui 

n'est pas

 dans les 

prédicats

.  

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26

C'est justement ce qui est absent des prédicats,  
ce qui est absent dans la prédication. 
 
C'est donc 

l'absence d'être

 - d'une certaine manière –  

qui porte les prédicats, ce qui implique aussi et de 
façon un peu indirecte que les prédicats ne sont  
eux-mêmes prédicats que de cette absence. 
Que le prédicat puisse être coupé, c'est comme si en 
quelque sorte il y avait déjà une partition 
élémentaire, comme si une ligne était donnée en 
pointillé, une frontière et qu'il suffit de découper 
comme dans certains emballages. 
 
LACAN   
 
Articulez bien la notion de section de prédicat 
puisque c'est ce que vous avez accroché dans ce que 
j'ai laissé, et j'ai juste presque achoppé là-dessus. 
 
François RÉCANATI   
 
La « 

section de prédicat

 », c'est proprement le noyau de mon 

exposé. On peut imaginer ça comme une 

vibration

,  

c'est-à-dire que c'est à partir d'une espèce de 

halo

 

que je vais essayer, en faisant le tour 

véritablement

de cerner ce noyau qui va apparaître dans tous les 
exemples que je vais donner. 
 
« 

Section de prédicat

 », c'est donc comme si ça pouvait être 

coupé. Je n'insiste pas là-dessus, sinon qu'il est 
évident que ce n'est pas d'avoir coupé la coupure 
qu'on va retrouver l'insécable, et que la frontière, 
une fois qu'on a tailladé dedans, elle insiste 
d'autant plus qu'elle se manifeste comme trou. 
Disons que la section, pour prendre les sens qui 
viennent, c'est aussi bien faire deux de ce qui était 
un, et si je signale ce sens qui n'est pas ce qui se 
reçoit ici, c'est parce que c'est celui que GRODDECK 
donne à un de ses concepts, qui s'appelle justement 
la « 

sexion

 », c'est-à-dire que ça n'est pas sans 

intéresser le sexe, d'une certaine manière.  
Et ça, c'est la manière pour GRODDECK de faire 
référence à PLATON, et quand je dis PLATON, il ne 
s'agit pas du 

Parménide

 mais du 

Banquet

.  

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27

Vous vous souvenez que, dans le discours 
d'ARISTOPHANE, est soulevé le problème de ce mythe de 
l'androgyne originaire qui aurait été coupé en deux. 
Ç'aurait été ça, la « 

sexion

 » avec un x. 

 
Or, ce sur quoi je voudrais insister, c'est sur 
quelque chose qui ressort très bien du 

Banquet

, non pas 

spécifiquement du discours d'ARISTOPHANE mais un peu 
de tous les discours, même ceux qui sont supposés 
contradictoires, et je vais ne prendre que deux 
exemples : le discours de DIOTIME d'une part, celui 
d'ARISTOPHANE de l'autre.  
Et le 

Banquet

, ça porte sur l'amour. 

L'amour, dit DIOTIME, c'est ce qui, partout où il y a 
du 

deux

, fait office de frontière, de milieu, 

d'intermédiaire, c'est-à-dire d'interprétant.  
Quand je dis « interprétant », c'est parce qu'on peut 
très bien traduire comme ça le mot que PLATON 
emploie, qui est un mot dérivé de 

Μαντιχή

 

[ mantiké ]

, qui 

veut dire l'interprétation et PLATON dit que ce mot 
vient de  

Μανιχή

 

[ maniké ]

 qui veut dire le délire.  

C'est ce qui fait office d'interprétant.  
 
Mais le seul intérêt de cette formule… 

parce que somme toute, personne  
dans l'assemblée du 

Banquet

 ne la conteste 

…c'est ce qui permet de s'ensuivre ceci :  
que l'amour en aucun cas ne saurait être beau… 

parce que ce qui se pose comme objet de l'amour, 
ce qui comme série tombe sous le coup de l'amour, 
l'amour étant comme une marque qui fait défiler, 
qui instaure une espèce de couloir où une série 
d'objets va passer, les objets qu'il a marqués 

…l'amour ne peut pas être beau parce que ses objets 
sont beaux, et il est dit qu'en aucun cas, ce qui est 
l'agent d'une série, l'instance même de la série ou 
le terme ultime de série, ce qui chapeaute une série 
ne peut avoir les mêmes caractères que les objets qui 
sont dans cette sériation, c'est-à-dire que les 
objets de l'amour sont beaux, l'amour ne peut pas 
être beau.  
 

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28

C'est là à proprement parler un caractère de cette 
instance de sériation, un caractère de l'interprétant 
que personne, parmi les polémistes présents dans 
l'assemblée du 

Banquet

, ne remet en question. 

 
Et on peut voir assez facilement le rapport qu'il y a 
avec ARISTOPHANE, même si ça paraît plus lointain, 
c'est que quand il dit qu'à l'origine, les hommes 
avaient quatre jambes, quatre bras, deux visages et 
deux sexes, ils devenaient un peu trop arrogants 
parce qu'ils n'avaient plus vraiment de désir, il ne 
leur manquait pas grand-chose, alors ZEUS a décidé de 
les couper en deux pour qu'ils deviennent humiliés.  
 
Mais ce qu'a dit ZEUS, c'est que ça ne compte pas, 
une coupure, s'il n'y a pas des effets de coupure, 
c'est-à-dire que si la coupure est ponctuelle et 
qu'après ça continue comme avant, ça ne sert à rien.  
 
Alors ce qu'il a voulu, c'est que ça reste, qu'il y 
ait un effet, et pour cela, il a tourné les visages, 
qui étaient alors comme les sexes dans le dos… 

et l'endroit de la coupure, c'était proprement le 
ventre puisqu'il y a le nombril qui est l'indice 
de la coupure 

…il a décidé de tourner les visages du côté du 
nombril, pour que les hommes s'en souviennent,  
de cette coupure.  
 
Et puis pendant qu'il y était, il a tourné les sexes 
également, pour qu'ils puissent essayer de se 
recoller et que ça les occupe. 
 
Mais l'important…  

et ce pourquoi j'ai déroulé tout ça,  
en rapport avec le discours de DIOTIME 

…c'est que le résultat de toute cette opération, qui 
peut apparaître dérisoire, c'est simplement que 
l'homme, on lui a tourné le visage, il ne peut plus 
regarder derrière lui, il ne voit plus qu'en avant, 
il voit seulement ce qui le précède.  
 
 

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29

Est-ce qu'on voit bien que c'est précisément 
également ce que dit DIOTIME, c'est-à-dire que c'est 
ça la fin de tout, c'est-à-dire la fin du tout en 
tant qu'à toute série, il manquera le terme ultime de 
la sériation, le point de vue :  
ce d'où la sériation se construit. 
 
LACAN - C'est bien ce que je disais tout à l'heure :  
qu'il ne voit pas l'

encore

 
François RÉCANATI   
 
Ce que je viens là d'isoler à partir de deux 
discours, on va le retrouver comme deux points très 
liés à propos des ordinaux. 
Ce qui fait l'ordinal - on vous l'a déjà dit - c'est 
quelque chose de l'ordre d'un nom de nom…  

et on va voir plus précisément  
de quoi il retourne  

…en ce sens que l'ordinal, c'est un nom, mais si 
c'est un nom, la fonction de ce mot, c'est de nommer 

quelque chose

 qui n'est pas, justement, son propre nom.  

C'est en quelque sorte le nom second de ce qui 
précède, du nom qui précède et qui - comme nom lui-
même - est bien un nom, mais ne sert qu'à nommer 
quelque chose qui précède etc.  
Voilà le rapport avec ARISTOPHANE. Je n'insiste pas. 
 
Il y a un problème qui va se poser tout de suite,  
et je tâcherai de l'aborder, c'est que le premier 
ordinal, lui n'est pas vraiment un nom de nom,  
parce qu'il n'y a pas de nom qui le précède, si tant 
est qu'il soit le premier.  
C'est pourquoi j'ai écrit à côté le « 

nom du nom

 » parce 

que c'est ça le premier ordinal.  
Et je dirai même : si c'est cela qui se passe au 
début, c'est à cause de ça qu'après il y a du 

nom de nom

parce que justement, dès lors qu'on donne un nom à ce 
qui n'en a pas, c'est dans l'identification justement 
quelque chose comme le déclin de l'identité en ce 
sens qu'on en dit un peu plus, et que ce plus qu'on 
dit, il va falloir lui-même non pas tant le résorber 
mais l'identifier, lui donner un nom, et à partir de 
là c'est le décalage infini.  

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30

Nommer, en général, c'est faire le point de ce qui 
précède dans la série. Mais le point, en tant que 
lui-même fonctionne comme nom, précède quelque chose 
à venir également, et ce quelque chose à venir, si on 
le considère absolument, ce qui est toujours à venir, 
ce sera ce qu'on pourrait appeler l'«

 

encore

 

» qui lui, 

ne précède rien qui ne soit lui-même, c'est-à-dire  
ne détient pas de nom, 

innommable

 de ce fait.  

 
On voit que de ce point de vue là, ce que j'appelle 
l'

encore

, c'est l'index de l'infini. 

Et d'autre part, on peut dire que l'infini est déjà 
là : il est donné dès le départ dans l'homonymie du 
nom et du non.  
C'est-à-dire que le nom, c'est quelque chose comme  
la propagation du 

non

 plus radical qui… 

avant toute nomination, dans l'instant  
de toute nomination  

…se donne comme quelque chose d'infini.  
 
On voit donc quelque chose se détacher comme deux 
bornes, le 

non

 d'une part et l'

encore

, et l'ordination, 

c'est ce qui passe entre les deux.  
 
C'est-à-dire que ce qui va m'intéresser… 

et on peut voir le rapport de ceci avec  
la « 

section de prédicat

 » c'est-à-dire avec cette 

expression et cette récurrence 

…c'est le rapport entre les deux. 
 
Le système de la nomination en général, vous voyez à 
peu près comment on peut l'appréhender :  
c'est l'enrobage d'un impossible de départ, enrobage 
qui justement dans ce rapport à l'impossible,  
ne se soutient que de l'encore comme indice de cette 
transcendance de l'impossible par rapport à tout 
enrobage.  
 
Et si l'impossible, c'est ce qui dit non… 

ce qui n'est pas évident et je regrette de 
n'avoir pas le temps de développer ce point 

…il faudra l'entendre à peu près comme une dénégation 
radicale, en tant que la dénégation, c'est quelque 
chose qui est déjà infini.  

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31

C'est-à-dire que, en tant que c'est déjà infini,  
la dénégation se moque pas mal de ce qui arrive,  
en quelque sorte, derrière elle, ce qu'elle supporte, 
c'est-à-dire tout le jeu de prédication, tout le jeu 
d'objectivation prédicative qui prend la dénégation 
par exemple pour la nier, en 

disant non

 ou en 

disant oui

.  

Ça ne donne jamais de oui.  
La dénégation reste intacte, avec des petits jeux qui 
se passent sur son corps, pourrait-on dire.  
Et alors, ce n'est même pas pour l'infini de la 
dénégation, une chatouille. 
 
Alors ceci nous amène à penser - 

c'est une parenthèse

 - 

que même si ce que j'ai appelé « 

la manipulation logique 

sur fond d'infini

 », ça devient infini à son tour, ça ne 

veut pas dire qu'on va guérir 

l'infini

 à coup 

d'infini

 et que 

ça va donner tout d'un coup du fini, ou quelque chose 
comme du oui.  
 
Au contraire, ça va devenir 

pire

 en ce sens que ce qui, 

dans la nomination, peut devenir infini, ce n'est pas 
la même chose que ce qui est déjà là comme infini 
dans ce que j'appelle cette dénégation initiale,  
en ce sens que ce qui, dans la manipulation logique, 
vient comme infini, c'est la nomination de l'infini, 
et que ce qui est déjà là comme dénégation infinie, 
c'est ce qui infinitise toute nomination.  
C'est l'infini de la nomination.  
 
Ce qui fait que la nomination de l'infini, elle sera 
une nomination comme les autres, c'est-à-dire qu'elle 
sera aussi bien sujette à cette infinitisation qui 
est déjà là, qui part d'une source qui est au début. 
C'est-à-dire que ça ne va rien changer et qu'on peut 
poser quelque chose comme 

oméga

, le plus petit ordinal 

infini, ça ne va pas s'arrêter là, ça continue dans 
l'ensemble des parties d'oméga, dans les 

alephs

 etc. 

 
Dès lors que l'

infini

 est donné dans cette position là, 

il faut que l'infini lui-même soit infini, c'est-à-
dire qu'on continue ces passages d'infini à l'infini, 
etc., qu'on continue « 

encore

 ». Comme si ce qui veut 

s'atteindre dans cette histoire, c'est précisément 
l'encore lui-même. 

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32

L'encore a donné comme la limite de l'extension de ce 
non radical dont j'ai parlé, et je vais maintenant 
parler du rapport entre le 

non

 radical et l'

encore

puisque c'est à ça que va m'introduire 

rétroactivement

 

ce sur quoi je vais revenir, c'est-à-dire la «

 section de 

prédicat

 ». 

La «

 section de prédicat

 » - on le voit immédiatement –  

c'est à la fois ce qu'il y a après toute prédication, 
c'est-à-dire une fois qu'on peut dire « 

il n'y en a 

plus, des prédicats

 » et c'est aussi bien ce qui, avant 

toute prédication, la supporte.  
 
Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que cet 

avant

 et 

cet 

après

, c'est la même chose, c'est-à-dire que c'est 

ce qui constitue, ce qui soutient la prédication 
comme l'enrobage d'une impossibilité, cette 
impossibilité qu'il faut comprendre comme 
l'impossibilité même de la prédication, c'est-à-dire 
l'impossibilité de fournir tous les prédicats, de les 
mettre ensemble, sans qu'au-moins un se détache comme 
représentant dans l'impossibilité, dans l'existence 
l'impossibilité ou si l'on veut l'encore. 
 
Plus précisément quant aux ordinaux, l'ordinal nomme 
le nom de celui qui le précède. Cela veut dire deux 
choses : qu'un ordinal ne se nomme pas lui-même mais 
est nommé par son successeur, et qu'à chaque ordinal 
appartient la sommation mécanique de tous ceux qui le 
précèdent. Puisqu'un ordinal nomme son précédent, son 
précédent nomme son précédent etc., c'est-à-dire 
qu'il y a, accrochée à chaque ordinal, la série de 
tous les ordinaux qui l'ont précédé. 
 
Or, déjà ces deux points impliquent une discordance 
essentielle entre le nom et le 

nom de nom

, et c'est ce 

que j'appellerai un effet d'écrasement. 
Ce qui vient identifier le zéro par exemple, dans une 
définition du zéro, comme quelque chose comme 
l'élément unique de l'ensemble identique à zéro,  
ou pour l'ensemble vide on peut très bien dire :  
ce qui est élément unique de l'ensemble de ses 
parties, ou simplement cet ensemble de ses parties 
dont il est l'élément qu'il vient identifier 
proprement, ceci se donne comme prédicat du zéro.  

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33

Or, on voit bien que dans ce prédicat, il y a quelque 
chose 

en plus

 qui est donné, 

en plus

 que l'ensemble vide,  

en plus

 que le zéro.  

Et c'est tellement tangible.  
La preuve en est que justement le zéro et le un qui 
n'est censé être autre que l'identification du zéro, 
ça fait justement deux. 
On voit qu'on change de niveau, que ça n'a aucun 
rapport, que ça ne se situe pas - il y a un décalage, 
on passe d'un niveau à un niveau supérieur.  
 
Mais ce qui est remarquable, c'est que ce zéro et ce 
un qui n'ont rien à voir, qui ne se situent pas au 
même niveau, on les met ensemble comme les éléments 
de ce nouvel ensemble constitué par l'ordinal deux. 
Zéro et un, ça fait deux justement au sens où le zéro 
et le un sont en quelque sorte nivelés, mis sur un 
même plan dans le deux. Et pour le deux lui-même, 
l'opération va se répéter dans ce passage du deux au 
trois etc. 
 
Le 

representamen

 n'a là avec 

l'objet

 pas de rapport possible, 

et c'est toujours ce 

cursus

 de 

l'interprétant

 qui intervient, 

c'est-à-dire que c'est incarné par quelque chose,  
et dans la mesure où c'est incarné, où le quelque 
chose qui échappe est bridé, il resurgit également 
juste après cette incarnation. 
On peut prendre la formule d'un ordinal pour mieux 
voir ce dont il est question. 
 
LACAN  - Rendez-le à Cantor quand même ! 
 
François RÉCANATI   
 
Voici la formule qu'on peut considérer comme la 
formule du 4. 

            0           0        I        :        0         I              2 
    0, { 0 },     { 0, { 0 } }     :       { 0, { 0 },  { 0, { 0 }}}    
      0    I                  2           :                    3 

 
Dans cette formule, que se passe-t-il ?  
On sait que c'est le terme ultime de cette série qui 
compte.  

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34

On voit que dans le 4, ce qui est répété, c'est le 3. 
Et on voit que le 3 répète lui-même le 2, qui lui-
même répète le 1, qui lui-même répète le 0. 
Mais ce qui est important, c'est que le 4 n'est pas 
seulement la mise entre parenthèses, la nomination du 
3 qui lui-même met entre parenthèses et nomme le 2 

etc.

 

Ce n'est pas seulement l'exposition, même répétitive, 
c'est-à-dire avec des parenthèses en plus, de ce qui 
déjà se donnait dans le 3.  
 
C'est la mise dans un même ensemble du 3 déjà comme 
écrasement, comme « 

ensemblisation  

» de termes hétérogènes, 

c'est-à-dire la même chose que dans le 2, le fait 
qu'il y ait le 0 et le 1 qui soient mis absolument 
sur le même plan.  
 
Dans le 3, c'est déjà un écrasement du 0, du 1 et du 
2, c'est-à-dire qu'on les met dans un même ensemble. 
Et le 4, c'est ici précisément la mise en rapport 
dans un même ensemble du 3 comme écrasement, comme 
cette « 

ensemblisation  

» forcée, avec les éléments que le 3 

a écrasés, séparés du 3, hors du 3.  
C'est-à-dire que c'est une 

répétition

.  

 
On voit que 

la partie de gauche

 et 

la partie de droite

c'est la même chose, à part qu'à droite, il y a des 
parenthèses en plus.  
C'est ici (entre 2 et 3) qu'il y a comme 

une barre de clivage

ce qui me permet de dire qu'on peut voir dans cette 
formule que si le 3 déjà est la désignation de ce qui 
s'est passé, d'un passage-écrasement, entre le 0 et 
le 1, et du 0 et du 1 au 2, si le 3 est déjà cet 
écrasement, c'est-à-dire une manière de désigner ce 
qui s'est passé d'une rupture avant, d'une rupture 
qui est précisément le passage du 0 au 1, d'une 
rupture c'est-à-dire d'un éclatement des parties  
de ce qui déjà se donnait comme ensemble, on voit que 
ce qui se désigne dans la formule du 4,  
c'est précisément cette désignation même,  
en tant qu'on peut voir exposés sur le même plan 
d'une part toutes les parties de ce qui forme le 3, 
et d'autre part le 3 lui-même.  
 
 

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35

C'est-à-dire que l'écrasement lui-même, le fait de 
mettre des parenthèses en plus, ce n'est pas 
suffisant comme résultat pour laisser prégnant  
ce passage du 0 à son écrasement dans le 1,  
du 1 à son écrasement dans le 2 etc., le 2 ou le 1 
comme résultat n'exprimant plus ce passage.  
 
Il faut que dans l'ensemble constitué par le 4 soient 
présents à la fois les termes séparés des différents 
passages et la série des passages-écrasements,  
pour que le 4, comme nomination de tous ces passages 
impossibles mais effectifs, prenne en charge dans sa 
propre formule, l'histoire de la progression qu'on 
voit ici répétée, c'est-à-dire laisse ouvert ce qui 
se pose comme question, comme irrésolution dans ce 
mouvement, c'est-à-dire l'insistance dans cette 
course de ce qui, à travers les différentes limites 
successives qui font en quelque sorte opposition au 
passage du 0 au 1, du 1 au 2 etc., l'insistance à 
travers ces limites successives de ce qui se donne 
comme limite absolue et qui serait l'

encore

 
Et si le 4, comme écrasement totalitaire…  

c'est-à-dire comme sommation de tout ce qui s'est 
passé avant lui, de tous les écrasements 
impuissants à s'achever 

…si le 4 laisse ouverte cette question, c'est bien 
parce que lui-même, en tant qu'écrasement, répondant 
à cette faille qui appelle une fermeture impossible, 
il ne peut à son tour que s'écraser encore, c'est-à-
dire reproduire la faille, nommément dans la nouvelle 
formule qui l'inclut comme élément, et c'est-à-dire 
le 5, et qui pour ce faire le confronte à tous les 
éléments qu'il contient, mis à côté de lui, pour 
faire surgir entre tous ces éléments et leur 
écrasement dans le 1 l'

impossible identité

 
Il suffirait donc de répéter tout ce qu'il y a là ici 
et de remettre les parenthèses pour obtenir le 5. 
L'

impossible identité

, c'est ce qui se répète à chaque nouvel 

écrasement avec ceci que dans la suite, dans la 
confrontation, à l'intérieur du 4, du 3 constitué et 
de tous ses éléments, c'est déjà les écrasements qui 
s'écrasent encore un peu.  

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36

Alors que le paradigme de l'écrasement, on peut le 
trouver au début dans le passage du 0 au 1 et,  
cet écrasement, il faut le comprendre de façon tout à 
fait concrète, comme celui d'Icare, c'est-à-dire 
qu'il y a quelque chose qui prend son vol et qui 
s'écrase misérablement, et qui ne s'écrase pas dans 
le trou qui devait être survolé, qui s'écrase sur la 
falaise de l'autre côté en quelque sorte. 
 
On peut considérer qu'entre un ordinal et un autre, 
ou plutôt entre le rien de l'ensemble vide et son 
inscription dans le 1, il y a quelque chose comme une 
barrière, une frontière, ou bien un trou.  
Mais ce trou, on ne peut pas l'atteindre, exactement 
dans le sens où, comme le rappelait LACAN la dernière 
fois, comme dans le cas d'ACHILLE, on peut dépasser 
ça mais on ne peut pas l'atteindre.  
 
Si une fois qu'un écrasement est donné, il se répète, 
c'est justement parce que ce qui se pose comme 
frontière n'a pas été atteint, elle est toujours là, 
cette frontière, existante.  
On n'est jamais dans l'entre-deux, l'entre deux 
ordinaux, mais toujours dans l'un 

ou

 dans l'autre, 

l'un étant l'ensemble qui prend en charge mais n'est 
pas soi-même compté, et l'autre étant ce qui prend 
l'ensemble premier mais n'est toujours pas lui-même 
compté. 
 
C'est dire que la limite dont je parle et qui 
s'atomise et qui se fragmente en une série de 
frontières qu'on ne peut jamais atteindre et qui donc 
se reproduit, se pose comme limite absolue,  
c'est donc le tout, le tout c'est-à-dire 

le quelque chose

 

qui se soutient tout seul, qui n'a pas besoin d'autre 
chose et qui est pour la philosophie 

la substance

, ou 

encore « 

la substance des substances

 », c'est-à-dire 

l'être

 
Cette limite insiste comme 

toujours ailleurs

, et le passage 

qui la manifeste comme trou, entre quelque chose et 
son support, ce passage pas un instant ne peut être 
saisi comme entre deux.  

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37

On le voit en ce qui concerne le passage du fini à 
l'infini par exemple car, comme je l'ai dit, on peut 
poser le plus petit ordinal infini.  
Néanmoins, cela ne se présente pas de façon 
harmonieuse comme précédé justement du plus grand 
fini ou précédé de quelque chose de fini, parce que 
cet infini ne serait dès lors que du fini plus un. 
Entre les deux, il y a véritablement ce trou qui n'a 
pas pu être atteint, et qui se répète dès lors dans 
l'infinitisation des infinis. 
 
Cela dit, cette insistance de la limite en tant 
qu'elle est exclue, en tant qu'elle ex-siste, plus 
exactement, ça ne fait pas qu'exprimer qu'il y a un 
fossé entre le 0 et le 1, mais c'est bien plutôt leur 
écrasement dans le 2 qui implique une certaine 
méconnaissance de ce fossé, un refus véritablement, 
quelque chose qui ressemble à un déni ou à une 
dénégation c'est-à-dire quelque chose qui participe 
de ces procédés inconscients qui définit la logique 
formelle d'une certaine façon puisqu'ils mettent en 
œuvre l'infini, et que mettre en œuvre l'infini, 
c'est véritablement désarmer la plupart des procédés 
de la logique. 
 
Je cite un exemple que j'ai lu dans un article récent 
sur les mathématiques modernes où il était dit que 
dans une classe d'école, quand on demande un exemple 
d'ensemble infini, il n'est jamais répondu par 
quelque chose comme « les entiers », il n'est jamais 
répondu numériquement, mais toujours par un ensemble 
fini, un grand ensemble fini comme « les cailloux de 
la terre » ou quelque chose comme ça.  
 
Ça montre bien que pour ce qui est justement du 
nombre, il y a quelque chose qui fait croire que ça 
peut s'arrêter, et en même temps c'est très juste, 
parce que ça n'arrête pas de s'arrêter.  
 
Mais si je dis « 

ça n'arrête pas de s'arrêter

 », c'est bien ça, 

c'est-à-dire que ça n'arrêtera jamais de s'arrêter. 
 
 

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38

La limite dont j'ai parlé, on peut la concevoir en 
analogie avec la mort, avec le silence, et je 
regrette de n'avoir pas beaucoup le temps de le 
développer, mais en général c'est ce vers quoi 
converge le discours, c'est-à-dire que la répétition, 
c'est le

 

  representamen

 de la mort. Et je voudrais montrer, 

en prenant un minimum d'exemples, que dans le rêve 
par exemple, on l'a déjà dit, il y a quelque chose 
qui se manifeste comme 

équation du désir = 0

.  

 
Mais cette équation du désir, elle est en plus, elle 
est en retrait. C'est celui qui interprète le rêve 
qui dit : « 

c'est l'équation du désir

 » qui se débrouille 

pour faire zéro. Le rêve lui-même, il est dans du 
zéro, c'est-à-dire que ça s'équilibre. 
En même temps « 

équation du désir = 0

 », ça ne s'arrête 

évidemment pas là.  
Ça ne peut pas s'arrêter là, parce que le rêve 
justement, continue à produire des énoncés,  
ça continue à parler.  
Et bien sûr, ça voudrait bien être égal à zéro,  
mais il faudrait pour ça que ça se taise,  
ce qui n'est pas le cas. 
 
Or, le zéro, s'il est inséré dans cette équation, 

équation du désir = 0

, ça signifie qu'il est 

supporté

,  

qu'il est désigné par l'équation qui le produit  
comme ce à quoi elle aboutit. 
 
Or, le fait qu'il soit désigné, qu'il soit supporté, 
c'est proprement la transformation déjà de ce 0 en 1. 
Le 0, quand on lui met des 

accolades

, ça devient du 1. 

Or, c'est précisément la tâche de l'interprétation 
que de rendre sensible - dans ce 0 - le 1 dont il est 
porteur, le 1 dont en tant que le 0 se manifeste, 
en tant qu'il est désigné, c'est alors qu'il se 
produit à partir du 1.  
 
Et on peut comprendre comment il se fait que 
l'interprétation soit comme un wagon rajouté à une 
équation déjà donnée, c'est que précisément, le rêve 
lui-même c'est le terme ultime de la série, c'est par 
exemple le 1.  

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39

Mais quand on est dans le 1, le 1 porte tout entier, 
il est focalisé sur ce 0 qu'il inscrit, et s'il fait 
lui-même 1, c'est pour autre chose, c'est-à-dire pour 
la venue de quelque chose d'autre qui arrive dans 
l'interprétation.  
Ce qui se donne comme résistance à l'interprétation 
du rêve dans une analyse, cette espèce 

d'ennui

 à parler 

d'un rêve, comme si c'était déjà pas mal tel quel, 
comme si tel quel c'était bien, et comme s'il ne faut 
rien y rajouter, ça a à voir avec la barre résistante 
à la signification qui est censée séparer le 
signifiant du signifié. 
 
À se laisser garder, dans la mesure où il est 
question d'interprétation, par PIERCE plutôt… 

s'il y a une opposition entre eux 

…que par SAUSSURE, il faut bien se souvenir que  
le signifié dont on parle, ce n'est pas autre chose 
que du signifiant, mais dans une série, au sens où 
précisément il y a des fonctions dans cette série, 
des rôles qui s'échangent, et qu'on peut dire 
qu'effectivement il y a un rôle de signifié par 
rapport à un rôle de signifiant.  
Mais le signifié, c'est un signifiant plongé dans 
l'interprétation au sens de PIERCE, et qui se trouve 
en quelque sorte écrasé, minimisé, amoindri, 
singularisé, dans le surgissement d'un 

autre

 signifiant, 

surgissement d'un autre qui permet, par cette 
confrontation - qui est la même qu'on voit ici –  
de comprendre qu'on a affaire à des unités d'un autre 
ensemble, à des éléments d'un ensemble plus large.  
 
Et cet écrasement a lieu sans que ce qui fait trou 
entre les deux, dans le surgissement de ce nouveau 
signifiant entre les deux signifiants, soit à 
proprement parler produit, mais c'est dans la 

répétition

 

de ce phénomène, dans son caractère infini qu'est 
donné quelque chose comme 

la limite

 de 

l'interprétation

Et la limite de l'

interprétation

 ou de la 

signification

 

pour PIERCE, c'est la béance du potentiel, c'est-à-
dire quelque chose qu'il faut mettre en rapport avec 
le sujet et, quitte à le mettre en rapport avec 
quelque chose, on peut également voir s'il est en 
liaison avec ce qu'on appelle « 

l'ensemble de tous les ensembles

 

». 

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40

Parce que « 

l'ensemble de tous les ensembles

 

» peut-être, 

précisément c'est ce potentiel infiniment silencieux 
dont parle PIERCE et qui se trouve au début et à la 
fin de toute série.  
 
Dire qu'il n'existe pas, c'est aussi bien dire qu'il 
existe comme limite de toute inscription, et aussi 
bien comme grain de sable dans la machinerie de toute 
équation qui veut s'égaler à zéro, car dans le temps 
de cet « 

égal à 0

 » le zéro se produit comme ce terme,  

et dès lors il peut être confronté à quelque chose 
d'autre qu'on prendrait dans l'équation qui lui a 
donné naissance, et qui le singulariserait dans un 
autre ensemble plus général où il figurait à titre 
d'un élément. 
 
Si je dis cela, c'est parce que j'ai entendu, il n'y 
a pas longtemps, un analyste déclarer que la plupart 
du temps, les futurs analysants viennent le voir pour 
un entretien préliminaire dès lors qu'il s'est passé 
quelque chose, c'est-à-dire dès lors 

qu'un grain de sable

,  

un petit quelque chose de 

rien du tout

 est venu enrayer, 

est venu rendre insupportable une économie jusque là 
très bien supportée.  
 
Or ce grain de sable, ce n'est pas autre chose que  
ce 1 dont j'ai parlé, c'est-à-dire qu'il se constitue  
de la prise en compte globale de cette équation,  
de cette économie très satisfaisante dans leur 
extrême singularité qui n'est pas rien, c'est-à-dire 
en opposition à quelque chose d'autre, quelque chose 
qu'on peut éventuellement prendre au dedans de cette 
équation, et singulariser c'est-à-dire poser comme 
actuellement en face de l'équation toute entière. 
 
Il suffit qu'un seul trait de l'équation soit produit 
isolément pour qu'il brise l'équilibre de l'équation 
elle-même qui était un équilibre de repli sur soi-
même et pour qu'il fonctionne comme grain de sable.  
 
 
 
 
 

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41

Il suffit d'un léger glissement… 

je ne peux pas ici citer d'exemples et c'est 
dommage car cela paraît extrêmement bien 

…d'un changement de niveau tout à fait dérisoire, 
c'est-à-dire d'un transport, d'un transport de ce qui 
se donne comme équation dans quelque chose d'autre, 
où il y a d'autres éléments qui sont en jeu pour que 
cette équation satisfaite d'elle-même, cet ensemble 
fermé, devienne tout d'un coup autre chose, c'est-à-
dire pour qu'on se rende compte qu'il peut aussi bien 
fonctionner comme un élément d'un autre ensemble, 
comme partie d'un autre ensemble qui peut précisément 
être l'ensemble de ses parties comme ici on le voit, 
c'est-à-dire comme un élément d'un ensemble où le 
tout de l'équation précédente figure à côté de 
n'importe quoi, à côté de n'importe quel trait et au 
même titre que l'ensemble vide par exemple. 
 
Il n'est pas de « 

tout

 » qui ne puisse être ravalé, 

être éclaté au rang de singularité élémentaire  
dans quelque chose qui se donne comme un ensemble 
plus grand, c'est-à-dire l'ensemble de ses parties.  
Et cette singularité, dès lors qu'elle se donne, 
précisément dans un instant de flottement, appelle 
aussi bien l'écrasement, le nivellement dans un 
nouvel ensemble, qui lui garantit, à elle, cette 
nouvelle singularité, une place en propre, une 
fonction, quelque chose comme un emploi. 
 
Le passage d'un ensemble à l'ensemble de ses parties, 
c'est donc la débandade de « 

tout

 ».  

Mais cette débandade prend des formes singulières, 
dès lors qu'elle n'a lieu, qu'il ne se produit 
d'éparpillement que pour reformer un nouveau « 

tout

 », 

que pour se récraser immédiatement dans un nouveau 
« 

tout

 », c'est-à-dire pour que ce qui s'éparpille  

se reconsolide, mais de manière qui ne revient pas au 
point de départ mais suivant une progression,  
se consolide dans autre chose qui - cette fois - 
forme un ensemble compact. 
 
 
 

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42

Peut-être en définitive la victoire va à 

l'éparpillement

 

en ce sens que si l'impossibilité de la répétition 
peut se répéter,  l'impossibilité de la totalisation 
ne peut pas, elle, se totaliser.  
 
Puisque si l'on prend l'ensemble de tous ces « 

tout

 » 

dont la 

totalisation

 est rompue par leur fractionnement 

dans l'ensemble de leurs parties, si véritablement 
cet ensemble se constitue de tous ces « 

tout

 » comme 

de ses parties, alors il subit le même destin,  
c'est-à-dire que lui-même peut se fractionner, ce qui 
implique que jamais tous ces « 

tout

 » ne pourront se 

totaliser, sinon ce serait autre chose que l'ensemble 
de ses parties, autre chose que ce que l'on connaît 
d'une totalisation ou d'un écrasement possibles. 
 
On voit que les ruptures d'ensembles ça conduit à la 
constitution de nouveaux ensembles, à l'écrasement, 
et ces nouveaux ensembles tendent, eux aussi, vers la 
rupture, ce qui permet de dire qu'en définitive…  

et je n'insisterai pas là-dessus  
quoique ce soit important 

tout est une question de rythmes. À un niveau tant 
soit peu général, il n'est de système que de rupture, 
et je regrette aussi de ne pas pouvoir m'étaler un 
peu là-dessus, mais ce fut une des erreurs du 
linguicisme contemporain de postuler quelque chose 
comme une régulation intra-systématique dans un 
ensemble, sans la poser fonction de quelque chose qui 
participe à un ordre, fonction d'une limite exclue.  
 
LACAN - Fonction d'une… ? 
 
Fonction d'une limite exclue. 
Quelque chose comme l'interprétation de PIERCE a été 
perçu en linguistique comme seulement une partie de 
ce que pour PIERCE est l'interprétation, c'est-à-dire 
la possibilité par exemple dans un système de passer 
d'un signifiant à un autre, alors que ce sur quoi 
cette opération élémentaire fait fond, c'est sur un 
travail sémiotique plus essentiel - je ne fais que le 
mentionner - qui est précisément, pour un même 
signifiant ou pour un même ensemble de signifiants, 
le passage d'un système à un autre de type différent. 

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43

Il y a là quelque chose comme la torsion, 
l'écrasement du signifiant et au demeurant il suffit  
de regarder le rêve pour s'apercevoir de ce que ça 
peut signifier.  
C'est-à-dire que la surdétermination doit se 
comprendre non pas seulement comme surdétermination 
sémantique dans un système, mais plus proprement 
comme surdétermination sémiotique, comme possibilité 
d'un passage pour un même signifiant d'un système à 
un autre, comme écrasement du signifiant. 
 
La remarque d'un tel processus… 

liée à quelque chose d'autre  
qui est intéressant, que je vais dire 

…on la trouve chez BACON qui, à partir de ses 
réflexions sur le langage, a fondé un procédé de 
cryptographie. 
Ce procédé consiste à passer d'une lettre intérieure 
à une lettre extérieure et à faire le trajet dans les 
deux sens, c'est-à-dire à sauter une frontière que ce 
passage met en relief.  
Je ne vais pas insister sur ce en quoi il y a 

changement 

de système

 chez BACON, mais j'en donne l'exemple pour 

voir quelque chose qui est proprement ce qui déjà 
insistait dans cet exemple ici, quelque chose qu'on 
retrouve à tous les carrefours, qui est nommément 
quelque chose comme l'omission des parenthèses,  
et qui permet justement le passage de la frontière, 
quelque chose qui a rapport avec la possibilité d'une 
substitution de deux termes, c'est-à-dire que, dans 
la substitution de deux termes, tout est fonction des 
parenthèses, et si je me suis permis d'ignorer les 
parenthèses ou de changer la place des parenthèses  
ou des accolades, à ce moment là tout est possible.  
 
C'est d'ailleurs ce que reprochait FREGE à LEIBNIZ, 
ce qu'il lui reprochait d'avoir fait, et c'est ce 
qu'on retrouve chez BACON dans son procédé 

cryptographique

 

dont je vous donne l'exemple. 
À chaque lettre de l'alphabet… 

latin en l'occurrence c'est-à-dire de 24 lettres 

…on fait correspondre un groupe de cinq lettres.  
Et ce groupe est formé uniquement de a et de b, selon 
une des 32 combinaisons possibles.  

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44

C'est là le premier temps : c'est 

une interprétation

 simple. 

Dans le deuxième temps, c'est le message qu'on va 
transformer par le biais de cette transposition.  
Le message qui est uniquement en a et en b va être 
retransformé en alphabet latin selon une autre 
interprétation, selon une autre 

loi de transformation

 
    A              B                C 
 (aaaaa)        (aaaab)           (aaaba)     
 
LACAN  - … ? 
 
François RÉCANATI   
 
La première opération est donc celle-ci.  
Maintenant, le phénomène essentiel du changement de 
système… 

quoique je ne pointe pas que ce soit précisément 
un changement de système, mais ce qui fait qu'il 
y a interprétation 

…c'est qu'une fois qu'on a un message formé 

uniquement

 

en 

a

 et en 

b

 par la transcription à partir de chacune 

des lettres dans ce tableau, on va retranscrire dans 
l'alphabet originel latin… 

en prenant non pas chaque groupe de 

5 a

 ou de 

5 b

parce que ce serait proprement réeffectuer ce 
découpage qu'il s'agit de masquer 

…on va prendre chaque 

a

 et chaque 

b

 séparément,  

et chaque 

a

 et chaque 

b

, comme ce sont les deux seules 

lettres dont est formé le message moyen, le message 
frontière, il pourra correspondre à chacun un nombre 
énorme de lettres de l'alphabet latin.  
 
Si on prend un alphabet latin compliqué de majuscules 
et d'italiques, chaque lettre apparaissant en 

majuscule

 

et 

majuscule italique

minuscule

 et 

minuscule italique

,  

on aura 4 fois 24 lettres, et le 

a

 et le 

b

 auront 

chacun la moitié de ces lettres comme traduction 
possible.  
C'est-à-dire que la seule chose qui va compter,  
ce sera l'ordre des lettres du message, dans la 
mesure où le décodeur sait qu'il faut couper le 
message en portions de 5. 

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45

Par exemple, on se donne une série ordonnée de 
manière très simple de 

a

 et de 

b

, dans l'ordre, et on 

fait correspondre ensuite l'alphabet à chaque 

a

 et à 

chaque 

b

, ce qui fait qu'à chaque fois qu'on aura un 

a

, on pourra mettre ce qu'on voudra qui lui 

correspond

et à chaque fois qu'on aura un 

b

, ce sera la même 

chose. L'essentiel, ce sera la position des italiques 
et l'ordre général des lettres. 
 

a           b          a            b            a            b            a           b 

 

   

        A           .           a             .            B            .             b            . 

 
Ce qui s'est passé entre les deux, c'est justement 
qu'on a fait tomber ces parenthèses qui regroupaient 
les groupes de 5. On les a fait tomber, et c'est là 
l'essentiel. Cela dit, je regrette de n'avoir pas le 
temps de développer ce point. 
Ce qui permet la rupture et l'éclatement dont j'ai 
parlé, c'est donc la structure ouverte de 

l'ordination

.  

C'est d'ailleurs ce fait que le terme, l'agent de la 
série… 

c'est ce que je disais au début 

…est absent de la série qu'il agence, c'est-à-dire 
qu'il n'y sera présent qu'un coup d'après.  
De cela, de cette absence naît la possibilité du 
décalage qui est 

la réobjectivation

 de la série 

toute entière

 
Il est très sensible dans un récit de cas que le 
grain de sable dont nous avons parlé, s'il manifeste 
un changement de niveau, c'est que ce qui était 
proprement 

l'agent totalisant

 de la formation précédente, 

c'est-à-dire ce qui était les dernières parenthèses, 
en quelque sorte, de la formation précédant le grain 
de sable, cela devient un élément, cela est compté 
dans la série pour un nouvel 

agent totalisant

.  

C'est-à-dire qu'il est clair que le point de fuite  
ou le point de chute d'une formation en général, 
d'une formation inconsciente par exemple, ce point 
est absent de la formation au niveau du désigné,  
au niveau de ce qu'elle désigne, de ce qu'elle 
manifeste et de ce qu'elle met en scène.  
 

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46

C'est-à-dire qu'il s'agit, à partir du désigné,  
de faire cette remontée, de mettre en évidence ces 
parenthèses, en quelque sorte qui sont là, mais qui 
sont absentes.  
Qu'on prenne un seul exemple qui est celui de ce 
rêve, où alors vraiment ça va de soi, commenté par 
Freud à l'époque où il cherchait partout des 
réalisations de désir où justement il y a une 
patiente qui lui amène sur un plateau un rêve  
où il n'y a pas de désir apparent.  
 
On peut se casser la tête, on ne trouvera pas de 
désir, on ne trouvera pas d'équation du désir,  
mais de réalisation de désir. Mais FREUD, qui a très 
bien compris ce processus dit :  
 

« 

Justement, son désir, c'est qu'il n'y ait pas de 

désir dans le rêve, c'est-à-dire que j'aie tort

 ».  

 
Ce qui montre bien que ce qui, dans le rêve, est 
présent, c'est le zéro, le pas de désir, le pas 
d'équation etc. Mais tout ce zéro, il est encerclé 
dans des parenthèses, il est inséré dans l'ensemble 
plus général, comme une partie de cet ensemble qui 
représente le désir dans sa généralité.  
C'est-à-dire qu'il est supporté par un désir, et le 
désir, en tant qu'il a là la fonction de support,  
il est absent du désigné. Et c'est à l'interprétation 
de faire surgir ce 1 qui était à l'état potentiel 
dans ce zéro. 
 
Il y a quelque chose dans la rupture qui ne veut pas 
s'achever, ce que j'ai appelé la méconnaissance,  
et qui conduit aux écrasements successifs.  
Et l'écrasement – lui - ne peut pas s'achever, il ne 
peut pas être complet.  
Mais ce vers quoi tend le processus, puisque déjà 
j'en ai un peu parlé, c'est l'écrasement. 
L'écrasement de tout ce qui peut se passer,  
c'est-à-dire de toutes les ruptures, un écrasement 
complet qui délimiterait et qui achèverait  
la totalité des ruptures possibles.  
« 

L'ensemble de tous les ensembles

 », c'est l'ensemble de tout ce 

qui peut produire, 

par rupture

, un nouvel ensemble.  

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47

Et s'il est dit que tout ensemble, 

par rupture

, donne 

naissance à un nouvel ensemble, alors « 

L'ensemble de tous les 

ensembles

 » se définit comme un possible. 

Or justement ce qui est impossible, c'est d'encercler 
une rupture, de la mettre en boîte.  
Car dès que d'une rupture se produit 

un nouvel ensemble

c'est pour repousser, pour décaler la rupture qui,  
du nouvel ensemble va faire encore un autre. 
 
La rupture n'est jamais dans l'ensemble, même si 
l'ensemble ne tient que de vouloir encercler la 
rupture, et « 

L'ensemble de tous les ensembles

 », celui qui 

engloberait la rupture, est impossible. 
Après ces préliminaires, on peut dire que ce qui 
passe… 

puisque je reviens à mon point de départ  
qui était la question du « A est A

 

» 

…entre 

un sujet

 et 

l'opération qui l'objective

, le définit ou  

le limite dans la prédication, ça a partie liée avec 
la catégorie de ce qui se soutient soi-même. 
 
Or, puisque ce qui soutient quelque chose n'est 
soutenu que par autre chose, on vient de le voir,  
la catégorie de ce qui se soutient soi-même,  
il semble que ce soit impossible.  
Mais si c'est impossible, cette impossibilité même 
peut avoir des effets sur la prédication, qui n'est 
autre qu'un encerclement supporté par ce qui veut 
être encerclé.  
Et ça va de soi à regarder que quelque chose supporte 
son prédicat mais que le prédicat en même temps va 
essayer d'encercler ça, de lier ce qui le supporte. 
 
Ce qu'il y a de réel dans ces effets pourrait 
apparaître un peu n'importe où. Ç'aurait été sans 
doute plus attrayant de voir ce qui en apparaît par 
exemple dans l'œuvre de PROUST, mais enfin j'ai pris 
la logique de Port-Royal parce que c'est précisément 
une théorie de la substance, une théorie de ce qui se 
soutient soi-même, et qu'une telle théorie ne peut 
fonctionner que - je pense - sur ce qu'on vient de 
voir, même si c'est afin de reproduire sans cesse une 
méconnaissance. 
 

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48

Ce qui m'a amené à la logique de Port-Royal,  
où on trouve un enchevêtrement de thèmes intéressants 
comme 

le signe, la prédication, la substance  

et

 l'être

, c'est ce qui a été 

dit d'une section de prédicat caractérisant l'être, 
car dans la logique de Port-Royal, la prédication 
élémentaire «

 l'homme est

 » y est considérée comme la 

forme vide de toute prédication, comme si le prédicat 
était en l'occurrence « 

pas de prédicat

 », imprédicable. 

 
Il y a dans la logique de Port-Royal une série 

d'objets

 

qui se prédiquent justement de ne pas se prédiquer, 
et cela participait à la fois de leurs préoccupations 
jansénistes d'une part et cartésiennes de l'autre. 
Je développe un peu cette question du prédicat et  
de la substance pour montrer que si on pousse un peu 
à bout ces concepts qui se trouvent une théorie de la 
substance, on obtient quelque chose qui est à peu 
près ce que j'ai dit avant. 
 
Un prédicat, c'est quelque chose dans l'ensemble  
qui est supporté par une chose, une substance,  

la substance étant ce qui se soutient soi-même

. La substance, c'est ce 

que l'on conçoit comme subsistant par soi-même et 
comme le sujet de tout ce que l'on y conçoit. 
Le prédicat, c'est ce qui, étant conçu dans la chose 
et comme ne pouvant subsister sans elle, la détermine 
à être d'une certaine façon et la fait nommer telle. 
Ce sont deux définitions qu'on trouve au début.  
 
Or, déjà à partir de là il y a quelque chose qui va 
rater, il va y avoir un point d'achoppement qui va 
être en quelque sorte produit par le langage courant. 
Dans la logique, il est dit qu'un nom de substance, 
c'est tout naturellement un substantif ou absolu, 
tandis qu'un nom de prédicat, c'est un adjectif ou 
connotatif.  
Le problème qui se pose, c'est qu'il y a des 
substantifs qui n'ont rien à voir avec les 
substances, apparemment, qui ne sont pas des choses, 
des substances comme la terre, le soleil, le feu, 
l'esprit, qui sont les exemples donnés de substances 
dans la logique de Port-Royal.  
 

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49

C'est-à-dire qu'à part ces substantifs dont je viens 
de parler, il y a aussi les noms qui expriment des 
qualités connotatives, c'est-à-dire des noms qui 
participent de la prédication.  
Par exemple la rondeur. Il est dit d'une part :  
 

« 

l'idée que j'ai de la rondeur me représente une manière 

d'être ou un mode que je ne conçois pouvoir subsister 
naturellement sans la substance dont il est mode

 ».  

 
Et tout de suite après, il est dit :  
 

« 

Les noms qui signifient premièrement et directement les 

modes parce qu'en cela ils ont quelque rapport avec la 
substance, sont aussi appelés substantifs et absolus, 
comme dureté, chaleur, justice, prudence 

». 

 
Autrement dit, c'est à partir d'un point de détail 
assez dérisoire qu'on peut concevoir… 

et ça se déroule dans la logique de Port-Royal 

…que ce qui a tout d'abord été 

mode

, ou dans le 

discours 

prédicat

, après avoir premièrement et 

directement été tel, il suffit d'un certain décalage 
pour que ça devienne à son tour de la substance,  
la substance étant ce qui se soutient soi-même. 
 
Or, ce décalage, il va falloir essayer de le cerner, 
et vous allez voir que ça a rapport avec l'ensemble 
des parties d'un ensemble.  
C'est le passage par exemple dans le discours d'un 
prédicat « rond » au substantif « rondeur ».  
Or participent de la rondeur tous les objets qui 
peuvent être prédiqués ronds.  
 
C'est-à-dire que la rondeur, pour employer une autre 
expression, c'est l'extension du prédicat « rond ». 
Et l'extension du prédicat, ce n'est pas un prédicat, 
c'est une substance. Ce qui fait qu'à partir d'une 
extension de prédicat, on obtient une substance - et 
je vais creuser cette affaire - vous voyez bien 
qu'une substance comme terre, soleil etc., c'est-à-
dire une collection de prédicats, c'est un objet à 
quoi se rapportent une 

multiplicité de prédications

 possibles.  

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50

Tandis qu'une extension de prédicat, c'est proprement 
un prédicat qui se soutient de pouvoir être référé à 
une série d'objets possibles qui sont dès lors dans 
la position de prédiqués de prédicat, ce qui fait 
qu'à partir d'une extension de prédicat, on obtient 
une substance, ça a quelque chose à voir avec 

l'ensemble 

des parties d'un ensemble

.  

Et nommément il est dit dans la logique de Port-Royal 
que l'abstraction, c'est ce qui consiste à considérer 
les 

parties

 indépendamment du 

tout

 dont elles sont partie. 

Et il est dit que c'est ainsi qu'on peut concevoir 
l'attribut, c'est-à-dire le prédicat, indépendamment 
de la 

substance singulière

 qui le supporte actuellement. 

 
On part d'un ensemble, une chose comme ensemble de 
prédicats, à qui appartiennent, mais 

inessentiellement

 

donc ces prédicats.  
On sépare les parties, les prédicats, de la chose,  
et à partir de là, de manière en quelque sorte 
magique, on peut considérer une nouvelle substance 
qui est ce par quoi les prédicats singuliers peuvent 
avoir rapport à l'unité, indépendamment de toute 
relation actuelle à une substance singulière. 
 
Il y a donc un processus qui, à partir du 

morcellement

 

d'une unité, conduit à une autre unité. 
Il faut comprendre que ce qui se donne au début comme 
substance, c'est-à-dire comme l'objet à quoi peuvent 
se rapporter une série de prédicats possibles, c'est 
la même chose que le premier A du « A est A ».  
C'est quelque chose de potentiel, c'est-à-dire que ça 
se donne comme le support de tout ce qui peut arriver 
comme prédication, support potentiel, c'est-à-dire 
qu'il fonctionne au niveau du tout, au niveau du 
n'importe quoi.  
Mais dès que quelque chose est donné, dès qu'il 
existe du prédicat, le support potentiel part en 
fumée, c'est-à-dire que dès qu'une parole actuelle 
est donnée, le support cesse d'être sujet : il est 
rapporté à son prédicat actuel, comme si lui-même 
n'était qu'un objet pertinent pour ce prédicat,  
ce prédicat s'érigeant en extension de prédicat, 
c'est-à-dire en valeur intrinsèque.  

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51

Et c'est le prédicat qui devient support, substance 
dans l'extension, c'est-à-dire qu'il y a une 

inversion

 

des rôles. 
L'extension de prédicat, c'est un ensemble d'objets 
rapportés à un prédicat, les objets prédiquent le 
prédicat.  
Alors que dans la substance potentielle, c'étaient 
tous les prédicats possibles qui étaient rapportés  
à l'objet. 
 
Or, ce qui passe entre ces deux types de substance, 
collection potentielle de prédicats et extension de 
prédicats, c'est de l'ordre de ce qu'on a vu à propos 
des ordinaux.  
(J'aimerais bien que cela apparaisse tout seul). 
La substance potentielle, c'est un ensemble de 
prédicats, et l'extension de prédicat, c'est un 
ensemble d'objets.  
On fait sortir de la substance potentielle un 
prédicat qu'elle contient, qu'elle est supposée 
contenir.  
Et on met la substance et ce prédicat actuel en 
rapport, l'un en face de l'autre, dans un nouvel 
ensemble comme là on a mis en rapport le 3 comme 
enfermement de parties qu'on retrouve juste à côté de 
lui-même, tout ça dans un même ensemble. 
 
Ce prédicat actuel dans un nouvel ensemble, mis à 
côté de la substance potentielle, c'est-à-dire la 
désignation de la désignation qui s'effectuait dans 
la première mise ensemble, c'est-à-dire dans la 
première substance, c'est ça qui donne l'extension de 
prédicat. 
Maintenant, si les prédicats abstraits de la 
substance première, ça arrive à faire de l'Un quand 
même, c'est grâce à la singularité de ce qui s'érige 
en première substance, de ce qui prend le relais, 
c'est-à-dire l'extension de prédicat.  
 
Si on repousse encore un peu la différence qui fonde 
l'Un, on peut très bien s'interroger, à considérer 
les extensions indépendamment des prédicats :  
qu'est-ce qui soutient l'extension ?  

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52

C'est-à-dire que, si l'extension est l'interprétant 
qui soutient les prédicats dans leur rapport actuel 
de substance potentielle, qu'est-ce qui soutient les 
extensions, quel est leur interprétant, dans leur 
rapport à ce rapport lui-même ? 
 
On voit que, dans la mesure où, dans le passage de la 
collection potentielle de prédicats à l'extension de 
prédicat, il y a une inversion des rôles, d'un point 
de vue formel, les deux substances c'est la même 
chose : c'est qu'il y a quelque chose qui supporte et 
quelque chose qui est supporté, même si dans un cas 
c'est le contraire que dans l'autre.  
 
Mais si l'on ajoute à cela la dimension proprement 
historique ou ordinale, celle que j'ai essayé de 
pointer au début, on obtient que, dans la 
constitution d'un ensemble, il y a quelque chose 
comme la substantification d'un prédicat et qui est 
corrélatif de la prédication d'une substance.  
Et ça, c'est exactement ce que nous avons reconnu 
comme rupture-écrasement dans 

l'interprétation

 
Or, il est possible que le jeu de la collection… 

ou on peut dire compréhension 

…et de l'extension dans la logique de Port-Royal,  
ça recouvre la dialectique de la rupture et  
de l'écrasement.  
Et si c'est le cas, c'est bien évidemment dans un 
sens très particulier qu'il va falloir entendre cette 
propriété de la substance de se supporter soi-même.  
 
Parce que cette autonomie de la substance, dès lors, 
elle est toute relative, c'est-à-dire qu'elle tient 
dans le rapport dyadique qui l'oppose à ce qui la 
prédique, à son prédicat, c'est-à-dire que l'un 
supporte et l'autre est supporté, mais si de la 
substance se prédique et du prédicat se substantifie, 
ça signifie qu'il faut envisager une relation 
triadique où s'établit quelque chose comme une 
réciprocité décalée, une réciprocité discordante. 
 

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53

Si du prédicat devient substance pour supporter dans 
l'extension des objets qui, le coup d'avant, 
supportaient - dans la collection - des prédicats,  
ce manège peut aussi bien continuer encore un peu,  
de telle sorte que l'extension à son tour soit 
supportée par quelque chose donc dont elle ne soit 
que le prédicat.  
La relation substance-prédicat se présente comme 
celle du multiple singulier, je l'ai dit, et c'est la 
même chose dans un sens et dans l'autre.  
Après la collection et l'extension, il peut y avoir 
quelque chose de l'ordre d'une 

collection d'extensions

c'est-à-dire un ensemble dont les éléments soient 
précisément ces nouvelles substances que sont les 
extensions, mais 

désubstantifiées

, prises comme prédicats 

d'une substance supérieure qui les supporte. 
 
Or, c'est proprement la catégorie des « 

ensembles 

suprêmes

 », parce que dans la logique de Port-Royal, 

tout a une fin, et là on touche à quelque chose qui a 
à voir avec l'Être. 
L'extension de prédicat comme substance, c'est ce qui 
fait tenir ensemble un sujet et un prédicat dans une 
relation actuelle. 
C'est-à-dire que si, dans la relation dyadique,  
le sujet supporte le prédicat, dans la relation 
triadique, c'est l'extension de prédicat qui supporte 
la relation dyadique.  
L'extension comme substance a donc la fonction de 
l'interprétant, je l'ai déjà dit. 
 
Alors quel est le nouvel interprétant… 

je répète cette question 

…qui supporte la relation dyadique entre la première 
relation dyadique et l'extension comme interprétant ? 
Si tant est que le terme ultime d'une relation 

sérielle

 

la représente toute entière moins lui-même… 

et vous avez sans doute remarqué qu'on n'arrête 
pas de travailler dans cette hypothèse 

…alors, de même que l'ensemble des relations objet-
prédicat, c'est-à-dire l'extension, « 

tient lieu de…

 » 

et interprète ces relations, ce sera 

l'ensemble de toutes les 

extensions

 qui sera l'interprétant de l'extension.  

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54

C'est-à-dire que si l'on répète le processus, 
l'extension substantialisée du prédicat va se 

désubstantialiser

 et être rapportée comme prédicat à ce qui 

supporte toute extension, l'Être.  
L'Être, c'est la seule chose qui est dite se 
supporter véritablement soi-même, c'est-à-dire qu'il 
n'est le prédicat de rien.  
 
Une fois l'Être produit comme terme de la série, on 
peut revenir, on peut régresser jusqu'à des 

substances

 

telles que « 

l'étendue

 », « 

la pensée

 », et les fonder.  

C'est - y compris - à partir de l'Être qu'on va peut-
être saisir de manière plus aiguë ce que représente 
la prédication, car on a vu que, de proche en proche, 
c'est finalement sur l'Être que s'appuie la relation 
prédicative. 
 
De l'Être, dans la logique de Port-Royal, il est dit 
qu'il fait partie de ces choses qui ne peuvent en 
aucun cas se prédiquer pour la raison évidente que, 
s'il est prédicable, ce prédicat qu'on lui donnerait, 
si on le substantifie, il sera quelque chose de plus 
vaste que l'Être, et l'Être sera lui-même rapporté 
comme prédicat à cette substance nouvelle qui sera 
l'extension de ce prédicat.  
Or, l'Être ne peut pas être un prédicat donc l'Être 
n'a pas de prédicat. Je cite la logique à propos de 
l'Être et de la pensée :  
 

« 

Il ne faut pas nous demander que nous expliquions 

ces termes parce qu'ils sont du nombre de ceux qui 

sont si bien entendus par tout le monde qu'on les 
obscurcirait en voulant les expliquer

 ».  

 
C'est généralement ce qu'on dit dès qu'il est 
question de choses comme ça.  
Parler de l'Être, c'est le réduire à du moindre être, 
de même que parler de la pensée, puisque si la pensée 
est l'ensemble de tout ce que l'on peut penser et de 
tout ce que l'on peut en dire, elle est forcément 
quelque chose en plus que tout ce qu'on pourra en 
dire, en même temps, de ce fait que l'Être ne saurait 
être prédiqué et de cet autre que l'Être est le 
support de toute prédication.  

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55

Il y a quelque chose comme une disjonction entre cet 
Être qui ne supporte rien parce qu'il ne peut être 
séparé de rien, et ce tout qui ne peut se concevoir 
que supporté par l'Être.  
Mais ceci n'est disjonction qu'à considérer dans un 
premier temps l'Être d'une part et les prédicats de 
l'autre.  
 
On va voir que cette conception est fausse.  
Et si l'Être est proprement ce 

rien

 dans le discours, 

il est l'ensemble de tout le discours, c'est-à-dire 
ce qui échappe au discours, ce qui le constitue. 
Ce qui échappe au discours, c'est le discours  
lui-même, de ce point de vue là, puisqu'il n'y a de 
discours comme mise ensemble, comme écrasement, 
qu'afin de rattraper ce qui précisément lui échappe. 
 
Ainsi l'Être, il faudra certainement le situer aussi 
bien au début du discours, dans le « 

non

 » radical,  

qu'à la fin dans l'

encore

Or, la différence que nous avons isolée entre la 
substance potentielle comme possibilité d'une 
prédication, et toute prédication actuelle qui ravale 
la substance au rang de prédicat devenu substance, 
cette différence nous permet de comprendre ce qu'est 
l'être. 
 
Ce n'est pas rien qu'un ensemble comme totalité 
fermée, par exemple le 3 que vous voyez au tableau, 
soit différent de l'ensemble de ce qu'on peut 
recenser comme parties de cet ensemble.  
 
La substance comme support, collection de prédicats, 
comprend de façon potentielle la série des prédicats 
qui lui appartiennent, mais indépendamment d'aucune 
actualisation du prédicat, car dès qu'on actualise un 
prédicat, dès qu'il existe un prédicat, au contraire, 
c'est de l'expulsion hors de la substance d'un 
prédicat qu'il s'agit. 
C'est une rupture, la rupture qui par démembrement, 
met en rapport la substance avec tout ce qu'elle 
supporte. 
 

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56

C'est ici qu'est le nœud de l'affaire, car s'il y a 
une différence entre :  

-

 

d'une part la mise en rapport sur le mode 
prédicatif actuel de la substance avec les 
prédicats qui la définissent,  

-

 

et d'autre part la substance elle-même en tant 
qu'elle est supposée n'être rien d'autre que son 
rapport aux prédicats, le fait de les supporter, 

alors il faudra conclure que la substance, c'est 
autre chose qu'un support de prédicat, autre chose 
que ce à quoi se rapportent les prédicats. 
 
Néanmoins, il n'y a pas autre chose dans la substance 
que des prédicats ensemble, et ça, c'est dit.  
Et pourtant, si on met en rapport la substance, comme 
ensemble de prédicats, avec ces prédicats dont elle 
est l'ensemble, on se trouve en face non pas d'une 
simple redondance mais proprement d'une différence.  
Et ce qu'il y a de plus dans la substance, ce qui 
fait cette différence, le fait que les prédicats 
soient ensemble, ce n'est pas seulement une simple 
détermination supplémentaire des prédicats, car il 
est dit dans 

La Logique

 que la substance toute entière 

tient dans cette différence entre le fait pour les 
prédicats d'être ensemble ou de ne pas l'être.  
 
C'est-à-dire que si l'on supprime la possibilité de 
cette différence, il ne peut plus y avoir de 
substance, c'est-à-dire qu'il reste un niveau de 
prédicats, univers indifférencié… 

ce que PIERCE appelle l'univers du « 

peut-être

 » 

…qui est aussi bien le néant absolu, dans la mesure 
où il est dit dans 

La Logique

 que sans la substance,  

les prédicats ne tiennent pas, ils ne sont plus rien. 
La substance est ce qui fait tenir quelque chose,  
ce qui permet des relations, c'est-à-dire ce qui est 
« 

en plus

 » quand les prédicats sont ensemble. 

 
Or, en même temps, nous n'avons cessé de constater 
que ce « 

en plus

 » tient à ce qu'un ensemble de 

prédicats devient un terme singulier, fait du Un, et 
que ce terme singulier ne fait pas partie de ce dont 
il est l'ensemble au moment où il désigne ce dont il 
est l'ensemble. 

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57

Ainsi la substance, c'est ce qui, quand un ensemble est donné, le constitue et lui manque, 
 cela dans le même temps

.  

Autrement dit, ce qui manque dans un ensemble,  
c'est ce qui le constitue : la substance. 
 
Maintenant, si on regarde ce qui manque explicitement 
dans la logique de Port-Royal…  

parce qu'il est dit qu'il y a  
quelque chose qui manque 

…on s'apercevra malheureusement - ou non –  
que ce n'est pas la substance, justement.  
Ce qui manque, c'est de l'ensemble :  
ce qui, quand il n'y a pas autre chose que ce qui 
manque, est équivalent à rien.  
C'est une définition comme une autre.  
Et il est dit dans 

La Logique

 que si, de ce « 

tout

 » formé 

de la substance et des prédicats, on enlève la 
substance, alors il ne reste rien, pour ceci que les 
prédicats et les attributs n'existent que parce qu'il 
y a de la substance. 
 
Là, on est véritablement embarqué dans un couloir 
logique dont on ne peut pas sortir, une série de 
propositions qui nous entraînent.  
La substance n'est autre que les prédicats plus 
quelque chose. Ce « plus » se définit comme manquant.  
Et les prédicats sont ce qui seul n'est rien, mais 
qui se produit quand de la substance est donnée.  
C'est-à-dire, les prédicats ne sont rien sans quelque 
chose : la substance, qui n'est autre que l'addition 
à ces prédicats supposés 

contradictoirement

 déjà donnés, 

de ce qui de toute façon, dans la somme, fera défaut. 
La substance supporte les prédicats, mais aussi d'une 
certaine manière les prédicats supportent la 
substance, comme ce rien encore dont par 
substantification va naître la singularité d'une 
différence. Les prédicats ne sont que du zéro. La 
substance est ce qui s'ajoute à zéro pour faire un, 
mais dans ce Un constitué, il n'y a que les 
prédicats, c'est-à-dire le zéro, qui apparaisse, car 
ce qui fait Un, justement, dans l'inscription du 
zéro, c'est absent de ce qu'inscrit le Un, c'est-à-
dire 

du contenu

, du 

désigné du Un

, c'est-à-dire le zéro. 

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58

Ces contradictions donc, que j'ai relevées par ces 
quelques formules, semblent pouvoir se réordonner à 
partir de la réintroduction du point de vue ordinal 
qui a précédé au début de cette prise en vue de la 
logique de Port-Royal, c'est-à-dire l'opposition 
entre la collection et l'extension.  
Ça se comprend comme ça : la substance supporte  
le prédicat qui, défini, porte sur la substance. 
 
Maintenant on va prendre toutes les propositions 
contradictoires une par une et n'en accepter qu'une à 
la fois, c'est la meilleure solution.  
Après, tout va marcher. 
La substance étant ce qui manque, le prédicat est un 
effet de manque, ce qui porte sur un manque, 
l'enrobage du manque.  
Mais d'autre part, le prédicat n'est rien sans  
la substance, et il est impossible de différencier  
la substance du prédicat actuel comme manifestation 
de la substance manquante. 
 
Cependant, puisqu'il est dit que le prédicat n'est 
rien sans la substance, et puisqu'il est dit qu'il 
n'y a pas de substance, qu'elle manque, alors comme 
il y a du prédicat, on est forcé de déduire que le 
prédicat, c'est la substance.  
Puisque sans la substance, il n'y a pas de substance, 
le prédicat, ça devrait n'être rien, or ça donne du 
Un, ce qui implique que ce Un du prédicat, c'est non 
pas le prédicat mais à proprement parler la 

substance

 
Or, ça ne se comprend qu'à partir de ce point de vue 
ordinal qui est la question de la substantification 
du prédicat. 
Le prédicat qui n'est censé être rien sans la 
substance, s'il se manifeste comme quelque chose,  
ce quelque chose comme autre que le rien du prédicat 
est forcément la substance.  
C'est-à-dire que dans l'extension du prédicat,  
le prédicat est substantifié, c'est-à-dire que  
le prédicat dans l'extension va 

tenir lieu

 de substance 

de façon ponctuelle, pour quelque chose qui va tenir 
lieu de prédicat, c'est-à-dire les objets de 
l'extension.  

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59

Et, en même temps, maintenant il y a de la substance, 
il y a de la substance, or elle est supposée manquer, 
en même temps, dès que la seconde classe de prédicats 
est produite, l'opération se répète, et ce qui dans 
le premier temps a tenu lieu de la substance,  
va manquer comme substance, puisque, par l'opération 
que j'ai pointée, ça va s'appliquer comme prédicat  
au nouveau terme qui apparaît comme une substance 
provisoire.  
 
Et ceci à l'infini c'est-à-dire que, dès qu'une 
substance est donnée, elle s'inscrit en s'actualisant 
par les prédicats qui s'y appliquent, mais dès que 
les prédicats s'actualisent, la substance se rapporte 
à ces prédicats qui acquièrent une valeur 

substantielle

 

qui est l'extension, c'est-à-dire qu'il est 

impossible

 à 

la substance d'être à la fois donnée et inscrite dans 
le même temps. 
 
La substance peut donc très bien se définir comme ce 
qui manque et comme ce qui fait l'ensemble. D'une 
part un prédicat s'appuie sur le premier prédicat 
tenant lieu de substance, pour le définir, pour 
l'identifier, pour le prédiquer.  
Et d'autre part le premier prédicat-substance 
rapporté en cette relation au second qui acquiert une 
extension, il disparaît en tant que substance, pour 
ne devenir qu'un élément dans l'extension du prédicat 
second et lui conférer le relais de cette fonction de 
substance. La substance est une fonction que celui-ci 
transmettra à un troisième prédicat etc. 
 
On voit que la première substance, celle qui est 
supposée être au début, la substance potentielle,  
est tout à fait 

mythique

. Ce qui compte, c'est ce jeu de 

relais, c'est la relation actuelle de prédication 
qui, rendue possible par la substance potentielle, 
l'inscrit et la transforme en terme, en prédicat dans 
un rapport, étant entendu que le terme ultime du 
rapport joue à son tour le rôle de substance,  
c'est-à-dire manque dans le rapport, et ne s'inscrit 
qu'à devenir autre chose que de la substance,  
c'est-à-dire du prédicat. 

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60

Les substances successives sont donc la série des 
incarnations transitoires de ce qui manque et qui 
soutient toute pseudo-substance comme enrobage du 
manque. 
L'être, c'est bien ce qui supporte tout discours en 
tant que le discours, c'est ce qui se produit sur le 
bord du trou qu'il constitue.  
L'Être est donc à la fois ce qui est avant le 
discours, qui porte le discours, et qui est après,  
la fin de tout discours, son point de convergence,  
sa limite. 
 
Dans la logique de Port-Royal… 

je voudrais resituer les choses 

…ce n'est pas une telle théorie du discours qu'on 
peut trouver, c'est le contraire.  
Mais, dans la mesure où c'est le contraire, il y a 
quelque chose comme cette théorie qui insiste au sein 
même de ce discours qui est tenu, alors que le projet 
initial de Port-Royal, c'était de 

construire un métalangage

  

et que c'est dit nommément, c'est au contraire que 
quelque chose insiste dans Port-Royal - malgré Port-
Royal - c'est-à-dire cela prend ses effets à partir 
de ceci : que dès lors que l'Être est présenté comme 
ce qui ne peut pas être prédiqué, comme ensemble de 
tout ce qui peut être attribué, cette imprédication 
de l'être est présentée dans une formule déjà 
éloquente. Il est dit : « 

L'Être est imprédicable

 »,  

or justement « 

imprédicable

 », c'est peut-être là  

ce premier prédicat qui, dans cet essai de signifier 
l'impossible, ne fait que le répéter par le fait 
d'exposer sa propre vacuité et qui, par là, trace 
d'un seul coup la limite de ce qui est possible et de 
ce qui ne l'est pas. 
 
En ce sens, le possible, le potentiel, c'est ce qui 
est impossible à effectuer, c'est ce qui ne peut pas 
se donner sans se transformer et changer de fonction. 
Tandis que l'impossible, c'est la seule chose qui 
peut se réaliser, en laissant ouverte ce qui fonde 
cette impossibilité, c'est-à-dire cette béance, car 
le type de réalisation de l'impossible laisse béante 
l'impossibilité, ceci par exemple qu'est la 

prédication

 

de l'imprédicable. 

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61

Je termine sur quelque chose qui nous amènerait un 
peu plus loin, mais je n'ai pas envie de conclure, 
c'est-à-dire de boucler ce discours qui n'était qu'un 
préliminaire :  

le langage, c'est ce qui représente l'Être pour la parole

, c'est-à-dire que la 

parole est dans la position de l'interprétant, entre 
l'arbre et l'écorce, de même que le fini, c'est ce 
qui se tisse entre deux infinis. 
 
 
                 Applaudissements 
 
 
LACAN   
 
Je conclurai avec ces mots : 

avec le temps, ça sort

 !  

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62

19  Décembre 1972

                       

Table des matières

 

 
 
 
 
 
Il paraît 

difficile

 de ne pas parler bêtement du langage.  

C'est pourtant JAKOBSON… 

puisque tu es là, vous me permettrez  
de le tutoyer puisque nous avons vécu  
déjà un certain nombre de choses ensemble 

…c'est pourtant JAKOBSON ce que tu réussis à faire.  
Et une fois de plus dans ces entretiens que JAKOBSON 
nous a donnés, j'ai pu l'admirer assez pour lui en 
faire maintenant l'hommage.  
 
Il faut pourtant, il faut pourtant nourrir la bêtise.  
Non pas parce que tous ceux qu'on nourrit soient 
« 

bêtes

 », si je puis dire d'un terme sur quoi cette 

année nous aurons à revenir 

essentiellement

, c'est-à-dire 

parce qu'il soutient leur 

forme

, mais plutôt parce 

qu'il est démontré que se nourrir fait partie de  

la bêtise

 
Dois-je ré-évoquer devant cette salle, où l'on est en 
somme au restaurant et où l'on 

croit

 d'ailleurs…  

on 

s'imagine,

 qu'on se nourrit parce qu'on n'est pas au 

restaurant universitaire, mais cette dimension 
imaginative c'est justement 

en ça

 qu'on se nourrit.  

Ce que j'évoque c'est ce que… je vous fais confiance 
pour vous souvenir de ce qu'enseigne 

le discours analytique

 : 

cette vieille liaison avec la nourrice, mère en plus 
comme par hasard, avec derrière, cette histoire 
infernale du désir de la mère et de tout ce qui s'en 
suit. C'est bien ça dont il s'agit dans la 

nourriture

c'est bien quelque sorte de bêtise, mais que le même 
discours 

assoit

 - si je puis dire - dans son droit. 

 
Un jour je me suis aperçu qu'il était 

difficile

…  

je reprends le même mot de la première phrase 

…de ne pas entrer dans la linguistique à partir du 
moment où l'inconscient était découvert.  
 

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63

D'où j'ai fait quelque chose, qui me paraît à vrai 
dire la seule objection que je puisse formuler  
à ce que vous avez pu entendre, l'un de ces jours,  
de la bouche de JAKOBSON, c'est à savoir que 

tout

 ce 

qui est du langage relèverait de la linguistique,  
c'est-à-dire en dernier terme du linguiste, non que 
je ne le lui - très aisément – accorde, quand il 
s'agit de la poésie à propos de laquelle il a avancé 
cet argument

19

.  

 
Mais si on prend tout ce qui s'en suit du langage,  
et nommément de ce qui en résulte dans cette 

fondation

  

du sujet, si renouvelé, si subverti que c'est bien là 
le statut dont s'assure tout ce qui de la bouche  
de FREUD s'est affirmé comme l'inconscient,  
alors il me faudra forger quelque autre mot pour 
laisser à JAKOBSON son domaine réservé, et si vous le 
voulez j'appellerai ça la « 

linguisterie

 »

.

  

Je donne dans la 

linguisterie

,

 ce qui me laisse quelque 

part aux linguistes, non sans expliquer tant de fois 
que des linguistes je ne subisse, je n'éprouve…  

et après tout 

allègrement  

de la part de tant de linguistes  

…plus d'une remontrance.  
Certes 

pas

 de JAKOBSON, mais c'est parce qu'il m'a  

« 

à la bonne

 », autrement dit il m'aime, c'est la façon 

dont j'exprime ça dans l'intimité.  
Mais si vous attendez ce que je pourrais dire de 
l'amour, ceci ne fera en somme que confirmer cette 
certaine disjonction, que par bonheur ce matin…  
Enfin j'ai trouvé ça ce matin… 

exactement à huit heures et demie, en commençant 
à prendre des notes, c'est toujours l'heure où je 
le fais pour ce que j'ai enfin à vous dire, ce 
n'est pas que je n'y pense depuis longtemps, mais 
cela ne se rédige qu'à la fin 

…j'ai trouvé ça : 

linguisterie

.

 

Ça comporte des effets, nommément, au niveau pas du 

dit

, parce qu'après tout il y a des 

dits

 qui sont communs 

aux deux champs, c'est bien là-dessus que je prends 
référence, c'est de là que je peux dire que : 

l'inconscient 

est structuré comme un langage

.  

                                                 

19 Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, Paris, Minuit, 1973, pp. 209-248

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64

Mais il est suffisamment clair qu'en ayant posé  
ce dire… 

comme j'en ai depuis avancé d'autres,  
enfin c’est déjà pas mal qu'un certain  
nombre en reste à celui-là : il est important  

…ce dire après tout n'est pas du champ de la 
linguistique, c'est une porte ouverte sur ceci que 
vous verrez commenté dans ce qui va apparaître 
développé dans le prochain numéro de mon bien connu 
« 

a-périodique

 », avec pour titre 

L'Étourdit

, D.I.T 

20

 
J'y reprends, j'y pars de la phrase que j'ai l'année 
dernière, à plusieurs reprises, écrite au tableau

21

 

 

sans jamais lui donner de développement…  

parce que j'ai trouvé que j'avais mieux à faire  
c'est-à-dire à entendre quelqu'un qui après avoir 
bien voulu prendre la parole ici, nommément ce 
RÉCANATI que vous avez entendu une fois de plus 
la dernière fois, et grâce à quoi je peux relever 
la légitimité du titre de séminaire  

… grâce à lui donc je n'ai pas donné suite à ceci que  
 
« 

le dire est justement ce qui reste oublié derrière ce qui est dit dans ce qu'on entend 

». 

 
C'est pourtant aux conséquences du 

dit

 que se juge  

le 

dire

Mais ce qu'on en fait du dire, reste ouvert.  
On peut faire des tas de choses avec les meubles  
à partir du moment, par exemple, où on a essuyé  
un siège ou un bombardement. 
 
Il y a un texte de RIMBAUD dont j'ai fait état,  
je pense l'année dernière. J'ai pas été rechercher… 
j'ai pas été rechercher où il se trouve 

textuellement

,  

et puis c'est parce que j'étais pressé ce matin… 
c'est ce matin que j'y ai repensé, je crois quand 
même que c'est l'année dernière.  
 
 

                                                 

20 L'Étourdit in Scilicet 4, Paris, Seuil, Le champ freudien, 1973, pp. 5-52. 

21 Cf.  les débuts des séances des 14 et 21 Juin 1972 : «  Qu'on dise, comme fait, reste oublié derrière ce qui est dit, dans ce qui 
s'entend ».

 

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65

C'est ce texte qui s'appelle 

À une raison 

22

 qui se scande 

de cette réplique qui en termine chaque verset : « …

un 

nouvel amour

 ». 

Et puisque je suis 

censé

 la dernière fois avoir parlé 

de l'amour, pourquoi pas le reprendre à ce niveau. 
Pour ceux qui savent, qui ont déjà là-dessus un petit 
peu entendu quelque chose, je le reprendrai au niveau 
de ce texte, et toujours sur ce point de marquer la 
distance de la linguistique à la 

linguisterie

.  

 
L'amour c'est… 

chez RIMBAUD, dans ce texte 

…le signe, le signe pointé comme tel de ce qu'on 
change de 

raison

, c'est bien pourquoi c'est à cette 

raison

 

qu'il 

s'adresse 

 « 

À une raison

 » : on a changé de discours. 

 
Je pense que quand même… 

quoiqu'il y en ait qui s'en aillent  
dans les couloirs en demandant qu'on leur 
explique ce que c'est que 

les quatre discours

23

 

 

    

    

    

 

 

Maître               Hystérique           Analyste            Universitaire 

 
…je pense que comme ça, au collectif je peux me 
référer à ceci que j'en ai articulé quatre et  
que je n'ai pas besoin de vous en refaire la liste.  
Je veux vous faire remarquer que ces quatre discours 
ne sont à prendre en aucun cas comme une suite 
d'émergences historiques : qu'il y en ait eu un  
qui soit venu depuis plus longtemps que les autres 
n'est pas là ce qui importe. 
 
 

                                                 

22    Arthur Rimbaud, À une raison in «  Illuminations ». 
Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie. 
Un pas de toi, c'est la levée des nouveaux hommes et leur en-marche. 
Ta tête se détourne : le nouvel amour ! 

Ta tête se retourne, - le nouvel amour ! 
« Change nos lots, crible les fléaux, à commencer par le temps », te chantent ces enfants.  
« Élève n'importe où la substance de nos fortunes et de nos voeux » on t'en prie. 
Arrivée de toujours, qui t'en iras partout.

 

 

23 Cf. séminaire 1969-70 : La psychanalyse à l’envers, séance du 17-12-1969, ou L’Envers de la psychanalyse, Seuil, 1991, p.31. 

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66

En disant que 

l'amour c'est le signe de ce qu'on change de discours

,  

je dis proprement ceci :  
que le dernier à prendre ce déploiement qui m'a 
permis de les faire 

quatre

… 

mais ils n'existent 

quatre

 que sur le fondement de 

ce 

discours psychanalytique

 que j'articule de quatre places  

et sur chacune de la prise de quelque 

effet de signifiant

 

stipulé comme tel 

…ce 

discours psychanalytique,

 il y en a toujours quelque 

émergence à 

chaque passage

 d'un discours à un autre.  

Ça vaut la peine d'être retenu… 

non pas pour faire de l'histoire,  
puisqu'il ne s'agit de ça en aucun cas 

…mais pour si on se trouve, par exemple, placé dans 
une condition historique, si l'on repère, si l'on 
s'avance, mais c'est 

libre

 qu'on considère que la 

fondation de l'université au temps de CHARLEMAGNE 
c'était le passage d'un 

discours du Maître

 à l'orée d'un 

autre discours.  
Simplement à retenir qu'à appliquer ces catégories, 
qui ne sont elles-mêmes structurées que de l'

existence…

  

qui est un 

terme

 mais qui n'a rien de 

terminal

 

…du 

discours psychanalytique

, il faudrait seulement dresser 

l'oreille à la mise à l'épreuve de cette vérité : 
qu'il y a émergence du 

discours analytique

 à chaque « 

passage   

»,

  

de ce que le 

discours analytique

 permet de pointer comme 

franchissement

 d'un discours à un autre. 

 
La dernière fois, ce que j'ai dit, que « 

La jouissance de 

l'Autre…

  

je vous passe la suite, vous pouvez la reprendre  

…n'est pas le signe de l'amour

 ».  

Et ici je dis que « 

l'amour est un signe

 ».  

L'amour tient-il dans le fait que ce qui apparaît ce 
n'est rien d'autre, ce n'est rien de plus que le 

signe

.  

C'est ici que 

La logique de Port-Royal

, l'autre jour évoquée, 

viendrait nous prêter aide.  
Le signe, avance-t-elle cette logique… 

et l'on s'émerveille toujours de ces dires  
qui prennent un poids quelquefois bien longtemps après  

…le signe c'est ce qui ne se définit que de la 
disjonction de deux substances qui n'auraient aucune 

partie commune

, ce que de nos jours nous appelons 

intersection

Ceci va nous conduire à des réponses, tout à l'heure. 

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67

Ce qui n'est pas 

le signe de l'amour

… 

je le reprends donc de la dernière fois 

…ce que j'ai énoncé de 

la jouissance de l'Autre

, ce que je viens 

de rappeler à l'instant, en commentant, le corps qui 
Le symbolise.  

La jouissance de l'Autre

… 

avec le grand A  
que j'ai souligné en cette occasion  

…c'est proprement celle de 

l'Autre sexe

, et je commentais : 

du corps qui 

Le

 symbolise. 

 
Changement de discours, assurément c'est là qu'il est 
étonnant que ce que j'articule à partir du discours 
psychanalytique, eh bien, ça bouge, ça noue,  
ça se traverse… personne n'accuse le coup !  
J'ai beau dire que cette notion de discours elle est 
à prendre comme 

lien social

, comme tel 

fondé sur le langage

,  

et différenciant ses fonctions à propos de cet usage 
du langage, il semble donc comme tel, n'être pas sans 
rapport avec ce qui dans la linguistique se spécifie 
comme grammaire… rien ne semble s'en modifier…  
cet usage 

instituant

 nul ne le soulève, du moins à ce qui 

apparaît…  
 
Peut-être ça pose la question de savoir ce qu'il en 
est de la notion d'

information

Est-ce qu'à prendre le langage dans la 

linguisterie

…  

la notion qui semble promue comme appareil aisé, 
propice à faire fonctionner le langage dans la 
linguistique d'une façon pas bête, celle qui 
impliquait codes et messages, transmission, sujet 
donc, et aussi bien espace, distance 

…est-ce que malgré le succès foudroyant de cette 
fonction d'information, succès tel qu'on peut dire 
que la science tout entière vient à s'en infiltrer… 

nous en sommes au niveau de l'information 
moléculaire, du gène et des enroulements des 
nucléoprotéines autour des tiges d'ADN, elles-
mêmes enroulées l'une autour de l'autre, et tout 
ça est lié par des liens hormonaux, ce sont 
messages qui s'envoient, qui s'enregistrent. 
 
 

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68

Qu'est-ce à dire, puisqu'aussi bien le succès de 
cette formule prend sa source incontestable dans 
une linguistique qui n'est pas seulement 

immanente

 

mais bel et bien formulée.  
Bref la notion qui va à s'étendre jusqu'aux 
fondements même de la pensée scientifique,  
à s'articuler comme 

néguentropique

  

…est-ce qu'il y a là quelque chose qui ne peut pas 
nous faire poser question, si c'est bien ce que 

d’ailleurs

, de ma 

linguisterie,

 je recueille – et légitimement - 

quand je me sers de la fonction du 

signifiant

 ?  

 

Qu'est-ce que le signifiant

 ? 

 
Le signifiant tel que je l’hérite d'une tradition 
linguistique qui - il importe de le remarquer -  
n'est pas spécifiquement saussurienne

24

,  

elle remonte bien plus haut - ce n'est pas moi  
qui l'ai découvert

25

 - jusqu'aux Stoïciens, elle se 

reflète chez Saint-Augustin

26

.  

Elle est à structurer en termes topologiques.  
En ce qui concerne le langage, le signifiant est 
d'abord qu'il a effet de signifié, qu'il importe de 
ne pas élider qu'entre les deux il y a ce qui s'écrit 
comme une barre, qu'il y a quelque chose « de barre » 
à franchir. Il est clair que cette façon de 

topologiser

 ce 

qu'il en est du langage est illustrée, certes sous la 
forme la plus admirable, par la phonologie, au sens 
où elle incarne du phonème ce qu'il en est du 

signifiant

, mais que 

le signifiant 

d'aucune façon ne peut 

se 

limiter

 à ce support phonématique. 

 

Qu'est-ce  qu’un  signifiant

 ? 

 
Il faut déjà que je m'arrête à poser la question sous 
cette forme : « 

un

 » mis avant le terme, est en usage 

d'article indéterminé, c'est-à-dire que déjà il 
suppose que le signifiant peut être collectivisé, 
qu'on peut en faire une collection, c'est-à-dire en 
parler comme de quelque chose qui se totalise.  

                                                 

24 Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 2006.  

25 Lacan fait référence à Jakobson. 
26 Cf. séminaire Les écrits techniques de Freud, séance  du 23-06-54.

 

 

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69

Puisque le linguiste sûrement aurait de la peine,  
me semble-t-il à expliquer, parce qu'il n'a pas de 
prédicat pour la fonder cette collection, pour la 
fonder sur un « 

le

 », comme JAKOBSON l'a fait 

remarquer très nommément hier :  
ce n'est pas 

le mot

 qui peut le fonder ce signifiant,  

le mot n'a d'autre point où se faire collection  
que le dictionnaire, où il peut être rangé. 
 
Pour vous faire sentir que « 

le

 » signifiant dans 

l'occasion, comme très proprement de sa réflexion 
sémantique JAKOBSON le faisait remarquer, pour vous 
le faire sentir, je ne parlerai pas de la fameuse 
« 

phrase

 »… 

qui pourtant est bien là aussi l'unité 
signifiante, et qu'à l'occasion on essaiera dans 
ses représentants typiques de collecter comme il 
se fait à l'occasion pour une même langue 

…je parlerai plutôt du « 

proverbe

 » auquel je ne peux 

pas dire qu'un certain petit article de PAULHAN 

27

…  

qui m'est tombé récemment sous la main  

…ne m'ait pas fait m'intéresser d'autant plus 
vivement que PAULHAN semble avoir remarqué dans cette 
sorte de dialogue tellement ambigu…  

qui est celui qu'il se fait de l'étranger  
avec une certaine 

aire

 de compétence linguistique 

comme on dit 

…s'est aperçu, en d'autres termes, qu'avec ses 
Malgaches 

le proverbe

 avait un poids qui lui a semblé 

jouer un rôle tout à fait spécifique.  
 
Qu'il l'ait découvert à cette occasion ne m'empêchera 
pas de ne pas aller plus loin mais de faire remarquer 
que dans les marges de la fonction proverbiale il y a 
des choses, à la limite et qui vont montrer comme 
cette signifiance est quelque chose qui 

s'éventaille

  - 

si vous me permettez ce terme - du 

proverbe

 à la 

locution

.  

Ce que je vais vous demander, ou vous chercherez dans 
le dictionnaire, l'expression « 

à tire-larigot

 ».  

Faites-le, vous m'en direz des nouvelles !  
 
 

                                                 

27 Jean Paulhan, « L'expérience du proverbe»( 1925 ), éd. L' Échoppe, 1993. Cf. notament pp.61-66 l’histoire de Ra-Chrysalide. 

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70

Et puis dans l'interprétation, la construction,  
la fabulation : on va jusqu'à inventer un monsieur, 
juste pour l'occasion, qui se ferait appeler LARIGOT, 
c'est à force de lui tirer la jambe aussi qu'on 
aurait fini par créer « 

à tire-larigot

 ».  

Qu'est-ce que ça veut dire « 

à tire-larigot

 » ? 

Il y en a bien d'autres locutions aussi extravagantes 
qui ne veulent dire rien d'autre que ça : la 

submersion

 

du désir, c'est le sens d’« 

à tire-larigot

 » - par quoi ? -

par le tonneau percé - de quoi ? - mais de la 

signifiance

 

elle-même, « 

à tire-larigot

 » : un bock de signifiance. 

 
Alors qu'est-ce que c’est… qu'est-ce que c'est  
que cette signifiance ? 
Au niveau où nous sommes : c'est ce qui des effets  
de signifié. Mais n'oublions pas qu'au départ si l'on 
s'est attaché et tellement à l'élément signifiant,  
au phonème, c'était pour bien marquer que cette 
distance, qu'on a à tort qualifiée de fondement de 
l'arbitraire, c'est comme s'exprime probablement 
contre son cœur SAUSSURE.  
Il avait à faire, comme ça arrive n’est-ce pas, à des 
imbéciles, il pensait bien autre chose, bien plus 
près du texte du 

Cratyle 

28

 quand on voit ce qu'il a  

dans ses tiroirs : des histoires d'

anagrammes 

29

.  

 
Ce qui passe pour de l'arbitraire c'est que les 
effets de signifié, eux, sont bien plus difficiles à 
soupeser, c'est vrai qu'ils ont l'air d'avoir rien à 
faire avec ce qui les cause.  
Mais s'ils n'ont rien à faire avec ce qui les cause 
c'est parce qu'on s'attend à ce que ce qui les cause 
ait un certain rapport avec du réel.  
 
Je parle : avec du réel sérieux.  
Ce qu'on appelle du réel sérieux, il faut bien sûr en 
mettre un coup pour l'approcher, pour s'apercevoir 
que le sérieux ça ne peut être que le 

sériel

, il faut un 

peu avoir suivi mes séminaires. 
 

                                                 

28 Platon, Cratyle ou de la rectitude des mots, in Œuvres complètes T.1, p.613, Paris, Gallimard, Pléiade, 1950. 

29 Jean Starobinski, Les mots sous les mots. Les anagrammes de Ferdinand de Saussure, Paris, Gallimard, 1971.

  

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71

En attendant, ce qu'on veut dire par là c'est que les 
référents, les choses, à quoi ça sert ce signifié,  
à en approcher… eh ben justement elles restent 
approximatives, elles restent macroscopiques par 
exemple. C'est pourtant pas ça qui est important, 
c'est pas que ce soit imaginaire, parce qu'après tout 
ça 

suffirait

 déjà très bien si le signifiant nous 

permettait de pointer 

cette image

 qu'il nous faut pour 

être heureux. Seulement c'est pas le cas.  
 
C'est dans cette approche que le signifié a pour 
propriété…  
sauf introduction du sériel, du sérieux, mais cela ne 
s'obtient qu'après un très long temps 

d'extraction du langage  

de ce quelque chose qui y est pris

, et dont nous… 

au point où j'en suis de mon exposé 

…nous n'avons qu'une idée lointaine, ne serait-ce 
qu'à propos de ce « 

un

 » indéterminé et de ce « 

le

 » 

dont nous ne savons pas, à propos du 

signifiant

, comment 

le faire fonctionner pour qu'il le 

collectivise

.  

À la vérité il faut renverser :  
au lieu « 

d’un signifiant

 » qu'on interroge, interroger  

le  signifiant

 « 

un

 ». Mais nous n'en sommes pas encore là. 

 
Au niveau de la distinction signifiant/signifié,  
ce qui caractérise le signifié… 

quant à ce qui est là pourtant comme  
tiers indispensable, à savoir le référent 

…c'est proprement que le signifié le rate…  
C'est que le collimateur ne fonctionne pas.  
Le comble du comble c'est qu'on arrive quand même  
à s'en servir en passant par d'autres trucs ! 
 
En attendant… en attendant pour caractériser  
la fonction du signifiant, pour le 

collectiviser

 d'une façon 

qui aussi bien ressemble à une prédication, eh bien 
nous avons quelque chose qui est ce d’où je suis 
parti aujourd'hui, puisque RÉCANATI… 

toujours de la logique de Port-Royal 

…vous a parlé des adjectifs substantivés :  
de la rondeur qu'on extrait du rond, pourquoi pas  
de la justice du juste et de la prudence de quelques 
autres formes substantives.  

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72

C'est bien tout de même ce qui va nous permettre 
d'avancer notre 

bêtise

, pour trancher que peut-être bien 

n'est-elle pas comme on le croit 

une catégorie  sémantique

,  

mais un mode de 

collectiviser  le  signifiant

. Pourquoi pas ? 

Pourquoi pas ? Le signifiant c'est 

bête

 ! 

 
Il me semble que c'est 

de nature

 à engendrer un sourire, 

un 

sourire bête

 naturellement !  

Mais un sourire bête comme chacun sait… 

il n’y a qu'à aller dans les cathédrales 

…un 

sourire bête

 c'est un 

sourire d’ange

.  

C'est même là la seule justification, vous savez,  
de la 

semonce  pascalienne

30

, c'est sa seule justification.  

 
Si l'ange a un 

sourire si  bête

 c'est parce qu'il nage dans 

le 

signifiant suprême

, se retrouver un peu au sec ça lui 

ferait du bien, peut-être qu'il ne sourirait plus.

 

 

C'est pas que je ne croie pas aux anges, chacun le 
sait, j'y crois 

« 

inextrayablement

 »

 

et même 

« 

inexteilhardement

 ».

 

C'est simplement que je ne crois pas, par contre, 
qu'il apporte le moindre message, et c'est sur ce 
point-là, au niveau du signifiant n'est-ce pas, en 
quoi… en quoi il est vraiment 

signifiant

 justement. 

 
Alors, il s'agirait quand même de savoir 

où tout ça nous 

mène

, et de nous poser la question de savoir pourquoi 

nous mettons tant d'accent sur cette 

fonction  du  signifiant

.  

Il s'agirait de la fonder, parce que quand même, 
c'est le fondement du symbolique, nous le maintenons, 
quelles que soient ses dimensions qui ne nous 
permettent d'évoquer que 

le discours analytique

 
J'aurais pu aborder les choses d'une autre façon, 
j'aurais pu vous dire comment on fait pour venir me 
demander une analyse, par exemple.  
Je voudrais pas toucher à cette fraîcheur, il y en a 
qui se reconnaîtraient, Dieu sait ce qu'ils 

penseraient

ce qu'ils s'imagineraient de ce que je pense.  
Peut-être qu'ils croiraient que je les crois bêtes, 
ce qui est vraiment la dernière idée qui pourrait me 
venir dans un tel cas, il n'est pas question - mais 
pas du tout ! - de la bêtise de tel ou tel. 

                                                 

30 Pascal ( Pensées ): « L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête. » 

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73

La question est de ce que 

le discours analytique

 introduit  

un adjectif substantivé : la bêtise, en tant qu'elle 
est une dimension, en exercice, du signifiant. 
Là, il faut y regarder… plus près.  
Car après tout dès qu'on 

substantise

 

c'est pour supposer 

une substance, et les substances - mon Dieu ! –  
de nos jours, nous n'en n'avons pas à la pelle :  
d’abord « 

la substance  pensante

 » et « 

la substance  étendue

 ».  

 
Il conviendrait peut-être d'interroger à partir de là 
où peut bien se caser « 

de la dimension  substantielle

 »,  

qui justement quelque distante qu'elle soit de nous, 
et jusqu'à maintenant ne nous faisant que 

signe

,  

quel peut bien être ce à quoi nous pourrions 

accrocher

 

cette substance en exercice, cette dimension…  

qu'il faudrait écrire : 

dit-mension  

(d.i.t. trait d'union mension) 

…à quoi 

la fonction du langage

 est d'abord ce qui y veille, 

avant tout usage meilleur et plus rigoureux. 
 
D'abord « 

la substance  pensante

 » on peut quand même dire  

que nous l'avons sensiblement modifiée.  
Depuis ce « 

je pense...

 » qui se supposant lui-même,  

en déduit l'existence, nous avons eu un pas à faire,  
et ce pas est très proprement celui de l'inconscient. 
Si j'en suis aujourd'hui à traîner dans l'ornière : 

l'inconscient  comme  structuré  par  un  langage

, eh bien tout de même 

qu'on le sache c'est que ça change totalement  
la fonction du sujet comme existant :  
le sujet n'est pas celui qui pense, le sujet est 
proprement celui que nous engageons - à quoi ? –  
non pas, comme nous le lui disons comme ça pour le 
charmer, à tout dire… 
Je sais qu'il est tard et que je ne veux pas fatiguer 
celui dont je me considère en l'occasion comme 
l'hôte, à savoir JAKOBSON. Je sais que je n'arriverai 
pas aujourd'hui à dépasser un certain champ. 
Néanmoins, si je parle du « 

pas tout

 », celui qui 

tracasse beaucoup de monde, si je l'ai mis au premier 
plan pour être la visée de cette année de 

mon discours

c'est bien là l'occasion de l'appliquer :  
on ne peut 

pas tout

 dire, mais qu'on puisse dire des 

bêtises, tout est là.  
 

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74

C'est avec ça que nous allons faire l'analyse  
et que nous entrons dans le nouveau sujet  
qui est celui de l'inconscient. 
C'est justement dans la mesure où il veut bien ne 
plus penser - le bonhomme - qu'on en saura peut-être 
un petit peu plus long et qu'on tirera quelques 
conséquences des 

dits

, des 

dits

 justement dont on ne peut 

pas se dédire, c'est ça qui est la règle du jeu.  
 
De là surgit 

un dire

 qui ne va pas toujours jusqu'à 

pouvoir 

ex-sister

 au 

dit

, à cause justement de ce qui vient 

au 

dit

 comme conséquence, et que c'est là l'épreuve où 

un certain réel dans l'analyse de quiconque - si bête 
soit-il - peut être atteint. 
Statut du 

dire

 : il faut que je laisse tout ça de côté 

pour aujourd'hui. 
Mais quand même je peux bien vous dire que ce qu'il 
va y avoir cette année de plus emmerdant c'est qu'il 
va bien tout de même falloir soumettre à cette 
épreuve un certain nombre de dires de la tradition 
philosophique. 
 
Ce que je regrette beaucoup c'est que PARMÉNIDE

31

... 

je parle de PARMÉNIDE, de PARMÉNIDE, de ce que nous 
en avons encore de ses dires, enfin de ce que la 
tradition philosophique en extrait, de ce d'où part 
par exemple mon maître KOJÈVE c'est la pure position 
de l'être. Heureusement ! heureusement que PARMÉNIDE 
a écrit, a écrit en réalité des poèmes.  
Il s'y confirme justement ce en quoi il me semble 
que, le témoignage du linguiste ici fait prime.  
C’est que justement à employer ces appareils,  
ces appareils qui ressemblent beaucoup à ce que  
je vais - juste à la fin - pouvoir pointer, à savoir 
l'articulation mathématique : l'alternance après la 
succession, l'encadrement après l'alternance.  
Enfin c'est bien parce qu'il était 

poète

 que PARMÉNIDE 

dit en somme ce qu'il a à nous dire de la façon la 
moins bête. 
Mais autrement « 

que l'être soit

 » et « 

que le non-être ne soit pas

 »,  

je ne sais pas ce que ça vous dit à vous,  mais moi 
je trouve ça 

bête

                                                 

31 Parménide, Le Poème, 

Les Pré-Socratiques

, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1988, pp. 231- 272. 

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75

Il faut pas croire que ça m'amuse de le dire.  
C'est fatigant parce que quand même nous aurons cette 
année besoin de l'être, de quelque chose que - Dieu 
merci ! - j'ai déjà avancé : le signifiant « 

un

 », 

pour lequel je vous ai l'année dernière, suffisamment 
me semble-t-il, frayé la voie à dire : « 

y'a d'l'Un

 ». 

C'est de là que ça part le sérieux, si bête que ça en 
ait l'air, ça aussi. 
 
Nous aurons donc tout de même quelques références  
à prendre… à prendre et à prendre 

au minimum

 de la 

tradition philosophique.  
 
Ce qui nous intéresse c'est où nous en sommes.  
Et où nous en sommes avec « 

la substance pensante

 » et à  

son complément la fameuse « 

substance étendue

 »  

dont on ne se débarrasse pas non plus si aisément, 
puisque c'est là l'espace moderne.  
 
Substance contre ce 

pur espace

 si je puis dire, ce 

pur espace

 

comme on dit ça : on peut le dire comme on dit « 

pur 

esprit

 », et on ne peut pas dire que ce soit prometteur. 

Ce 

pur espace

 se fonde sur la notion de 

parties

 à condition 

d'y ajouter ceci : que toutes sont externes 

partes, extra 

partes

 c'est à ça que nous avons affaire.  

On est arrivé même avec ça à s'en tirer, c'est-à-dire 
à en extraire quelques petites choses mais il a fallu 
faire de sérieux pas.  
 
Pour situer - avant de vous quitter - mon signifiant, 
je vous propose, je vous propose de soupeser ce qui, 
la dernière fois, s'inscrit au début de ma première 
phrase qui comporte le jouir d'un corps, d'un corps 
qui, « l'Autre, Le symbolise » et comporte peut-être 
quelque chose de nature à faire mettre au point une 
autre forme de substance : la 

substance jouissante

Est-ce que ce n'est pas là ce que suppose proprement…  

et justement sous tout ce qui s’y signifie 

…l'expérience psychanalytique.  

 
Substance du corps

, à condition qu'elle se définisse 

seulement de « 

ce qui se jouit

 ».  

 
 

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76

Seulement propriété du corps, vivant sans doute,  
mais nous ne savons pas ce que c'est d'être vivant, 
sinon seulement en ceci qu'un corps ça se jouit.  
Et plus : nous tombons immédiatement sur ceci qu'il 
ne se jouit que de le 

corporiser

 de façon 

signifiante

 
Ce qui veut dire quelque chose d'autre que la 

pars

  

extra  partem

 de la substance étendue, comme le souligne 

admirablement cette sorte de… cette sorte de kantien 
disons-le…  

c'est un vieux bateau qui est quelque part  
dans mes 

Écrits 

32

, qu'on lit plus ou moins bien 

…cette sorte de kantien qu'était SADE, à savoir :  

qu'on ne peut jouir que d'une partie du corps de l'autre

, comme il l'exprime 

très très bien, pour la simple raison qu'on n'a 
jamais vu un corps s'enrouler complètement, 
totalement, jusqu'à l'

inclure

 et le 

phagocyter

 autour  

du corps de l'autre.  
 
C'est même pour cela qu'on en est réduit simplement à 
une petite étreinte comme ça, un avant-bras ou 
n'importe quoi d'autre. 

[ Rires ]

 

 
Et que jouir a cette propriété – fondamentale !-  
que c'est en somme le corps de l'un qui jouit d'une 

part

 du corps de l'autre.  

Qu’elle - cette part - peut jouir aussi, ça agrée  
à l'autre plus ou moins, mais c'est un fait  
qu'il ne peut pas y rester indifférent.  
 
Et même qu'il arrive qu'il se produise quelque chose, 
qui dépasse ce que je viens de décrire, marqué de 
toute l'ambiguïté signifiante, à savoir que  
le « 

jouir du corps

 » est un génitif dont, selon que vous 

le faites objectif ou subjectif, a cette note 
sadienne, sur laquelle j'ai mis juste une petite 
touche, ou au contraire extatique, 

subjestive

, qui dit 

qu'en somme 

c'est l'autre qui jouit

Bien sûr il n'y a là qu'un niveau qui est bien 

localisé

le plus élémentaire dans ce qu'il en est de 

la  jouissance

de la jouissance au sens où la dernière fois j'ai 
promu qu'elle n'était pas un signe de l'amour.  

                                                 

32 Cf. Kant avec Sade,  in Écrits, Paris, Seuil, Le champ freudien, 1966, pp. 765-790.

 

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77

C'est ce qui sera à soutenir et bien sûr que cela 
nous mène, de là, du niveau de la jouissance 
phallique à ce que j'appelle proprement la jouissance 
de l'Autre, en tant qu'elle n'est ici que symbolisée 
c'est encore tout autre chose à savoir ce « 

pas tout

 » 

que j'aurai à articuler.  
 
Mais dans cette articulation que veut dire,  
qu'est le signifiant ?  
Le signifiant pour aujourd'hui… 

je vais 

clore

 là-dessus, vu les motifs que j'en ai  

…je dirai : le signifiant se situe au niveau de  
la substance jouissante comme étant… 
bien différemment de tout ce que je vais évoquer 
…en résonance de la physique et - pas par hasard - de 
la physique aristotélicienne.  
La physique aristotélicienne qui seulement de ne 
pouvoir être sollicitée comme je vais le faire,  
nous montre à quel point justement elle était  
une physique illusoire. 
 
Le signifiant c'est 

la cause

 de la jouissance. 

Sans le signifiant, comment même aborder cette partie 
du corps ?  
Comment sans le signifiant centrer ce quelque chose 
qui, de la jouissance est la cause matérielle ?  
C'est à savoir que, si flou, si confus que ce soit, 
c'est une partie qui, du corps, est signifiée dans 
cet abord. 
 
Et après avoir pris ainsi ce que j'appellerai  

la cause matérielle

, j'irai tout droit… 

ceci sera plus tard repris, commenté 

…à 

la cause finale

, « 

finale

 » dans tous les sens du terme, 

proprement en ceci qu'elle en est le terme.  
Le signifiant c'est ce qui fait halte à la 

jouissance

.  

 
Après  ceux  qui  s'enlacent

 

[ qui s’en lassent 

?

]

 si vous me permettez : 

hélas !

 

et 

après  ceux  qui  sont  las

 

[ qui sont  là 

]  

holà

 !  

 
l'autre pôle du signifiant, le coup d'arrêt est là, 
aussi à l'origine que peut l'être le vocatif du 
commandement. 
 

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78

Et l'efficience… 

l'efficience dont ARISTOTE nous fait la troisième 
forme de la cause 

…n'est rien enfin que ce projet dont se limite la 
jouissance.  
 
Toutes sortes de choses sans doute, qui paraissent 
dans le règne animal nous font parodie à ce chemin  
de la jouissance chez l'être parlant.  
Justement c'est chez eux que quelque chose se 
dessine, qu'ils participent beaucoup plus de la 
fonction du message : l'abeille transportant  
le pollen de la fleur mâle à la fleur femelle,  
voilà qui ressemble beaucoup plus à ce qu'il en est 
de la communication. 
 
Et l'étreinte, l'étreinte confuse d'où la jouissance 
prend sa cause, sa cause dernière, qui est formelle, 
est-ce que ce n'est pas beaucoup plus quelque chose 
de l'ordre de 

la grammaire

 qui la commande ?  

 
Ce n'est pas pour rien que « 

Pierre bat Paul

 » est au 

principe des premiers exemples de grammaire,  
ni que Pierre… pourquoi ne pas le dire comme ça 
« 

Pierre épaule

 » donne l'exemple de la conjonction,  

à ceci près qu'il faut se demander après :  
qui épaule l'autre. 

[ Rires ]

 

 
J'ai déjà joué là-dessus depuis vingt ans.  
On peut même dire que le verbe ne se définit que de 
ceci : c'est d'être un signifiant « 

pas si bête

 »,  

il faut écrire ça en un mot, 

passibête

 

que les autres 

sans doute, lui aussi qui fait le passage d'un sujet, 
d'un sujet justement à sa propre division dans la 
jouissance, et qu'il l'est encore moins qu'il devient 

signe

, quand cette division il la détermine en 

disjonction. 
 
 
J'ai joué un jour autour d'un lapsus littéral, 

calami

qu'on appelle ça.  

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79

J'ai fait toute une de mes conférences de l'année 
dernière

33

 sur le lapsus orthographique que j'avais 

fait :  
 

« 

Tu ne sauras jamais combien je t'ai aimé

… »  

 
adressé à une femme, et terminé « …mé ».  
On m'a fait remarquer depuis, que pris comme lapsus, 
cela voulait peut-être dire que j'étais homosexuel. 
Mais ce que j'ai articulé l'année dernière c'est que, 
quand on aime, il ne s'agit pas de sexe.  
 
Voilà sur quoi, si vous le voulez bien, j'en resterai 
aujourd'hui. 
 

 
 

Applaudissements 

 

 

                                                 

33 Cf. séminaire 1971-72 .

.. ou pire

, séance du 09-02-72. 

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80

09 Janvier 1973                                                                             

Table des matières

 

 

 

 
 
 
 
Je vais entrer tout doucement dans ce que je vous ai 
réservé pour aujourd'hui, qui est 

à mes risques

, qui comme 

vous allez le voir… ou peut-être ne pas le voir - qui 
sait ? - en tout cas, moi, avant de commencer, il me 
parait 

casse-gueule

. Je dois mettre un titre, comme ça : 

ce que je vais vous dire va être centré… puisqu’en 
somme il s’agit encore de quelque chose qui est  
le 

discours analytique

.   

 
Il s'agit de la façon dont, dans ce discours,  
nous avons à situer la fonction de l'écrit. 
Évidemment, il y a là-dedans de l'anecdote, à savoir 
que un jour j’ai écrit sur la page d'un recueil que 
je sortais…  

Ce que j’ai appelé la poubellication  

…j'ai pas trouvé mieux à écrire, sur la page 
d’enveloppe de ce recueil, que le mot 

Écrits

 
Ces 

Écrits

, il est assez connu, disons qu'ils ne se 

lisent pas facilement.  
Je peux vous faire, comme ça, 

un petit aveu autobiographique

 : 

c’est qu’en écrivant 

Écrits

 c'est très précisément ce 

que je pensais… ça va peut-être même jusque-là : 
J’ai pensé qu'ils n'étaient pas à lire.  
En tout cas c'est un bon départ. 
 
Bien entendu que la lettre ça « 

se lit

 ».  

Ça semble même être fait dans le 

prolongement

 du mot : 

ce « 

lit

 » et « 

littéralement

 ».  

Mais justement ce n'est peut-être pas du tout la même 
chose de « 

lire une lettre

 » ou bien de « 

lire

 ».  

Pour introduire ça d’une façon qui fasse image,  
je  veux pas partir tout de suite du 

discours analytique

 
 

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81

Il est bien évident pourtant que, dans le discours 
analytique, il ne s'agit que de ça, de ce qui « 

se lit

 », 

de ce qui « 

se lit

 » 

au-delà

, de ce que vous avez incité  

le sujet à dire, qui est… 

comme je l'ai souligné je pense,  
au passage, la dernière fois 

…qui est pas tellement de 

tout dire

, que de 

dire n'importe quoi

et j’ai poussé la chose plus loin :  
ne pas hésiter - car c’est la règle - ne pas hésiter 
à dire… 

ce dont j’ai introduit cette année la 

dit-mension

 

comme étant essentielle au 

discours analytique

 

…à dire des 

bêtises

 
Naturellement, ça suppose que nous développions cette 
dimension, et ceci ne peut pas se faire sans le

   dire

.  

Qu'est-ce que c'est que la dimension de la 

bêtise

 ?  

La 

bêtise

… 

au moins celle-ci qu'on peut proférer,  
… c’est que la 

bêtise

 ne va pas loin.  

Dans le discours, 

le discours courant

, elle tourne court. 

 
C'est bien sûr quelque chose dont, si je puis dire, 
je m'assure quand je fais cette chose… 

que je ne fais jamais sans tremblement 

…à savoir de retourner à ce que - dans le temps - 
j'ai proféré. Ça me fait toujours une sainte peur,  
la peur justement d'avoir dit des 

bêtises

, c’est-à-dire 

quelque chose que, en raison de ce que j'avance 
maintenant, je pourrais considérer comme tenant pas 
le coup. 
 
Grâce à quelqu'un qui a repris ce Séminaire annoncé  

le premier de l'École Normale  
qui va sortir bientôt 

…j'ai pu avoir…  

ce qui ne m’est pas souvent réservé puisque comme 
je vous le dis j’en évite moi-même le risque   

…j'ai pu avoir le sentiment que je rencontre 
quelquefois à l'épreuve, que ce que dans cette année 
là par exemple j'ai avancé, n'était pas si bête,  
ne l'était au moins pas tant que de m'avoir permis 
d'avancer d'autres choses, dont il me semble, parce 
que j'y suis maintenant, qu'elles se tiennent. 

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82

Il n'en reste pas moins que ce « 

se relire

 » représente 

une dimension, une dimension qui est à situer 
proprement dans ce qu'est que, au regard du 

discours 

analytique

, la fonction de ce qui 

se lit

 
Le 

discours analytique

 a à cet égard un privilège.  

Il me paraît difficile…  

et c'est de là que je suis parti 

dans ce qui m'a fait date « 

de ce que j'enseigne

 », comme  

je me suis exprimé, qui ne veut peut-être pas  
tout à fait dire ce que ça avait l’air d’énoncer,  
à savoir qu’ils mettent l’accent sur le « 

je

 »,  

à savoir ce que je puis proférer, mais peut-être 
aussi de mettre l’accent sur le « 

de

 », c’est-à-dire 

d'où ça vient

, un enseignement dont je suis l'effet.  

 
Depuis, j'ai mis l’accent sur ce que j’ai 

fondé

  

d'une articulation précise, celle qui s’écrit…  

justement c’est écrit au tableau  

…de quatre lettres, de deux barres et de quelque 
traits, nommément cinq qui relient chacune de ces 
lettres.  
Une de ces barres…  

puisqu'il y en a quatre 

[ lettres ]

,  

il devrait y en avoir six, six barres 

…une de ces barres y manque. 
 
Ce qui de cette façon dont c’est écrit, que j’appelle

 

discours analytique,   

ceci est partie d'un rappel, d'un rappel 

initial, d'un rappel premier : c’est à savoir que le 

discours analytique

 est ce mode de rapport nouveau qui s’est 

fondé seulement de ce qui fonctionne comme parole, et 
ce, dans quelque chose qu'on peut définir comme un 
champ.  

Fonction et champ

… ai-je écrit justement …

de la parole et du langage

 

j'ai terminé… 

en psychanalyse

, ce qui était désigner, 

désigner ce qui fait l'originalité d’un certain 
discours qui n'est pas homogène à un certain nombre 
d'autres qui font office, et que seulement de ce fait 
nous allons distinguer d'être officiels. Il s'agit 
jusqu’à un certain point de discerner quel est 
l'office du 

discours analytique

, et de le rendre lui aussi, 

sinon officiel, du moins officiant. 

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83

C'est dans ce discours, tel qu’il est dans sa 
fonction et son office qu'il s'agit d’y cerner… 
C’est aujourd’hui la voie que je prends  
…ce que peut – ce discours – révèler de la situation 
très particulière de l’écrit quant à ce qui est  
du langage.  
C’est une question qui est très 

à l’ordre du jour

,  

si je puis m’exprimer ainsi. Néanmoins ça n’est pas à 
cette pointe d’actualité que je voudrais tout de 
suite en venir. J’entends particulièrement préciser  
quelle peut être, si elle est spécifique, quelle peut 
être la fonction de 

l'écrit

 dans le 

discours analytique

 
Chacun sait que j’ai produit, avancé, l'usage… 

pour permettre d'expliquer  
les fonctions de ce discours 

…d'un certain nombre de lettres.  
 
Très nommément pour les réécrire, les réécrire au 
tableau :  
 
le (

a

), que j'appelle 

objet

, mais qui, quand même,  

n'est rien qu'une 

lettre

.  

 
Le A, que je fais fonctionner dans ce qui de la 
proposition n'a pris que formule écrite, est 
production de 

la logico-mathématique

 ou de 

la mathématico-logique

 

comme vous voudrez l’énoncer.  
Ce A je n’en ai pas fait n’importe quoi, j'en désigne 
ce qui d'abord est un lieu, une place.  
J'ai dit : 

le lieu de l'Autre

, comme tel désigné par 

une lettre

 
En quoi 

une lettre

 peut-elle servir à désigner un lieu ? 

Il est clair qu'il y a là quelque chose d'abusif  
et que quand vous ouvrez par exemple la première page 
de ce qui a été enfin réuni sous la forme d'une 
édition définitive sous le titre de la 

Théorie des ensembles

et sous le chef d’auteurs 

fictifs qui se dénomment

 du nom 

de Nicolas BOURBAKI, ce que vous voyez, c'est la mise 
en jeu d'un certain nombre de signes logiques. 
Ces signes logiques précisément désignent… 

en particulier l'un d'entre eux   

…la fonction « 

place

 » comme telle. Ce signe logique 

est désigné à l'écrit par un petit carré : 

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84

Je n'ai donc pas d’abord, à proprement parler fait un 
usage strict de la lettre quand j'ai dit que  

le lieu de l'Autre

 se symbolisait par la lettre A.  

Par contre, je l'ai marqué en le redoublant de ce S 
qui ici veut dire 

signifiant

, signifiant du A en tant 

qu'il est barré : 

S

(

A

)

.

 

 

 
Par là, j'ai articulé dans l’écrit, dans la lettre, 
quelque chose qui ajoute une dimension à ce 

lieu du A

,  

et très précisément en montrant que comme lieu il ne 
tient pas, qu'il y a en ce lieu, en ce lieu désigné 
de l’Autre, une faille, un trou, un lieu de perte,  
et c’est précisément de ce qui au niveau de 

L'objet(a)

 

vient fonctionner au regard de cette perte,  
que quelque chose est avancé de tout à fait essentiel 
à la fonction du langage. 
 
J'ai usé aussi de cette lettre : 

Φ

, je parle de ce 

que j’ai introduit qui fonctionne comme lettre,  
qui introduit comme telle une dimension nouvelle. 
J’ai utilisé…  

le distinguant de la fonction seulement 
signifiante qui se promeut dans la théorie 
analytique jusque-là, du terme du phallus 

…j’ai avancé 

Φ  

comme constituant

 

quelque chose 

d'original, quelque chose que je spécifie, ici 
aujourd'hui, d'être précisé dans son relief par 
l'écrit même. 
C’est une lettre dont la fonction se distingue des 
autres, c’est d’ailleurs bien pour cela que ces trois 
lettres sont différentes. Elles n'ont pas la même 
fonction, comme déjà vous pouvez l’avoir senti  

de ce que j’ai d’abord énoncé 

S

(

A

)

 

et du (

a

). 

Elle est d’une fonction différente et pourtant elle 
reste une lettre. 
 
C’est très précisément de montrer le rapport que, de 
ce que ces lettres introduisent dans la fonction  
du signifiant, qu’il s’agit aujourd’hui de discerner 
ce que nous pouvons, à reprendre le fil du discours 
analytique, en avancer.  
 
 

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85

Je propose, je propose ceci, c’est que vous 
considériez l'écrit comme n’étant nullement du même 
registre, du même tabac si vous me permettez cette 
sorte d’expressions qui peuvent avoir bien leur 
utilité, que ce qu’on appelle 

le signifiant

 

Le signifiant

 c’est une dimension qui a été introduite  

de la linguistique, c'est-à-dire de quelque chose, 
qui dans le champ où se produit la parole, ne va pas 
de soi. Un discours le soutient, qui est le discours 
scientifique.  
Un certain ordre de dissociation, de division est 
introduit par la linguistique grâce à quoi se fonde 
la distinction de ce qui semble pourtant 

aller de soi,  

c’est que quand on parle ça 

signifie

, ça comporte  

le 

signifié.

  Bien plus, jusqu’à un certain point,  

ça ne se supporte que de la fonction de 

signification

 
Introduire, distinguer la dimension du 

signifiant

,   

c’est quelque chose qui ne prend relief, précisément  
que de poser que le 

signifiant

 

comme tel… 

très précisément ce que vous entendez,  
au sens je dirai littéralement 

auditif

 du terme,  

au moment ou ici et là où je suis,  
de là où je suis, je vous parle 

…c’est poser très précisément ceci, mais par un acte 
original : que ce que vous entendez a avec ce que ça 
signifie, n’a avec ce que ça signifie aucun rapport. 
 
C'est là 

acte

 qui ne s'institue que d'un discours,  

dit 

discours scientifique

. Cela ne va pas de soi.  

Et ça va même tellement peu de soi que ce que vous 
voyez sortir d’un dialogue, qui n'est pas d’une 
mauvaise plume puisque c'est le 

Cratyle

 du nommé PLATON, 

ça va tellement peu de soi que tout ce discours est 
fait de l'effort de faire que justement ce rapport…  

ce rapport qui fait que ce qui sénonce  
c’est fait pour signifier et que ça doit bien 
avoir quelque rapport 

…tout ce dialogue est tentative… 
que nous pouvons dire, d’où nous sommes, être 

désespérée

 

…pour faire que ce 

 signifiant 

 - de soi-même ! – soit 

présumé vouloir dire quelque chose.  

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86

Cette tentative désespérée, est d’ailleurs marquée de 
l'échec, puisque c’est d'un 

autre discours

… 

mais d’un discours qui comporte  
sa dimension originale 

discours scientifique

, qu’il se promeut, qu’il se produit…  

et d’une façon, si je puis dire, dont il n’y a 
pas à chercher l’histoire 

qu’il se produit de 

l’instauration

 même de ce discours, 

que le 

signifiant

 ne se pose que d’avoir 

aucun rapport

 
Les termes là dont on use sont toujours eux-mêmes 
glissants. Même un linguiste aussi pertinent que peut 
l’être, qu'a pu l'être Ferdinand de SAUSSURE parle 
d'

arbitraire

.  

Mais c'est là 

glissement

, glissement dans un autre 

discours, discours du décret, ou pour mieux dire  

discours du maître

 pour l'appeler par son nom.  

L'

 arbitraire

 n'est pas ce qui convient. 

 
Mais d’un autre coté nous devons toujours faire 
attention, quand nous développons un discours,  
si nous voulons rester dans son champ même,  
et ne pas perpétuellement produire ces 

effets de rechute

,  

si je puis dire, dans un autre discours, nous devons 
tenter de donner à chaque discours sa 

consistance

, et pour 

maintenir sa 

consistance

 n'en sortir 

qu'à bon escient

.  

 
Dire que « le 

signifiant

 est arbitraire » n'a pas la même 

portée que de dire simplement que « le 

 signifiant

 n'a pas 

de rapport avec son effet de 

signifié

 ». 

C’est ainsi qu’à chaque instant… 

et plus que jamais dans le cas où il s’agit 
d’avancer comme 

fonction

 ce qu’est un discours 

…nous devons…  

au moins à chaque fois, à chaque instant 

…noter ce en quoi nous glissons dans une autre 

référence

 
Le mot 

référence

 en l'occasion ne pouvant se situer que 

de ce que constitue comme lien le discours comme tel.  
Il n’y a rien à quoi le signifiant comme tel se 
réfère, si ce n'est à un discours, à un mode de 
fonctionnement du langage, à une utilisation - comme 
lien - du langage. 

background image

 

87

Encore faut-il préciser à cette occasion ce que veut 
dire, ce que veut dire 

le  lien

.  

Le lien

…  

bien sûr nous ne pouvons  
qu'y glisser immédiatement  

…c'est un lien entre ceux qui parlent.  
Et vous voyez tout de suite où nous allons, à savoir 
que ceux qui parlent, bien sûr, ce n'est pas 
n'importe qui, ce sont des êtres que nous sommes 
habitués à qualifier de 

vivants

, et peut-être est-il 

très difficile d'exclure de ceux qui parlent,  
cette dimension qui est celle de la vie, à moins que 
nous ne nous apercevions aussitôt… 

ce qui se touche du doigt 

…que  dans le champ de ceux qui parlent, il nous est 
très difficile de faire entrer 

la fonction de la vie

 

sans faire en même temps entrer 

la fonction de 

la mort

et que,

 

de là résulte une 

ambiguïté signifiante

  justement  

qui est tout à fait radicale, de ce qui peut être 
avancé comme étant fonction 

de vie

 ou bien 

de mort

.

  

Il est assez clair que rien ne conduit de façon plus 
directe à ceci que le 

quelque chose

 d'où seulement la vie 

peut se définir, à savoir la reproduction d'un corps, 
cette 

fonction de reproduction

 elle-même ne peut s'intituler  

ni spécialement 

de la vie

, ni spécialement 

de la mort

puisque comme telle, en tant que cette reproduction 
est sexuée, comme telle elle comporte les deux,  
vie et mort. 
Mais déjà, rien qu’à nous avancer dans ce 

quelque chose

 

qui est déjà dans le fil, dans le courant du discours 
analytique, nous avons fait ce saut, ce glissement 
qui s'appelle « 

conception du monde

 », qui doit bien 

pourtant être pour nous être considéré comme ce qu'il 
y a de plus comique, à savoir que nous devons 
toujours faire très attention que ce terme  
« 

conception du monde

 », suppose lui-même un tout autre 

discours, qu’il est,qu’il fait partie de celui de 

la 

philosophie,   

que rien après tout n’est moins assuré… 

si l’on sort du discours philosophique 

…que l’

existence

 comme telle d’un monde, qu’il n’y a 

souvent que l’occasion, l’occasion de sourire dans ce 
qui est avancé par exemple du discours analytique 
comme comportant 

quelque chose

 qui soit de l’ordre d’une 

telle conception.

 

 

background image

 

88

Je dirai même plus loin, que jusqu’à un certain 
point, il mérite aussi qu’on sourie de voir avancer 
un tel terme pour désigner par exemple disons ce qui 
s’appelle marxisme.  
Le marxisme ne me semble pas… 

et à quelque examen que ce soit,  
fut-ce le plus approximatif 

…ne peut passer pour conception du monde.  
Il est au contraire, par toutes sortes de coordonnées 
tout à fait frappantes, de l'énoncé de ce que dit 
Marx… 

ce qui ne se confond pas obligatoirement  
avec la conception du monde marxiste  

…c'est à proprement parler autre chose, que j'appel-
lerai plus formellement un évangile, à savoir  
une 

annonce

, une 

annonce

 que quelque chose qui s’appelle 

l’Histoire instaure une autre dimension du discours, 
en d’autres termes la possibilité de subvertir 
complètement la fonction du discours comme tel, 
j’entends à proprement parler, du 

discours philosophique

en tant que sur lui repose une 

conception du monde

 
Le langage s'avère donc beaucoup plus vaste comme 
champ, beaucoup plus riche de ressources que d'être 
simplement celui où puisse s’inscrire un discours  
qui est celui qui, au cours des temps, s’est instauré 
du 

discours philosophique

.  

Ce n’est pas parce que il nous est difficile de ne 
pas du tout en tenir compte… 

pour autant que de ce discours - 

discours philosophique 

 - 

certains points de repère sont énoncés qui sont 
difficiles à éliminer complètement de tout usage 
du langage 

…ce n’est pas à cause de cela que nous devons à tout 
prix nous en passer, à condition de nous apercevoir 
qu’il n’y a rien de plus facile que de retomber dans 
ce que j'ai appelé ironiquement, voire avec la note 
comique « 

conception du monde

 », mais qui a un nom plus 

modéré, bien plus précis et qui s’appelle 

l'ontologie

L'ontologie est spécialement ceci qui, d’un certain 
usage du langage, a mis en valeur, a produit d’une 
façon accentuée, a produit l'usage dans le langage de 
la copule, d’une façon telle qu’elle ait été en somme 
isolée comme signifiant.  

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89

S'arrêter au verbe 

être

…  

ce verbe qui n'est même pas, dans le champ 
complet de la diversité des langues,  
d'un usage qu'on puisse qualifier d'universel 

…le produire comme tel, est queque chose qui comporte 

une accentuation

une accentuation

 qui est pleine de risques. 

Pour – si l’on peut dire - la détecter, et même 
jusqu’à un certain point l’exorciser, il suffirait 
peut-être d'avancer que rien n'oblige… 

quand on dit que : « 

quoi que ce soit

, c'est ce que c'est

 »  

…d'aucune façon, ce « 

être

 », de l’

isoler

, de l’

accentuer

.  

 
Ça se prononce « 

c'est ce que c'est

 », et ça pourrait aussi 

bien s'écrire « 

seskecé

 », que on n’y verrait - à cet 

usage de la copule - on n’y verrait, si je puis dire 
que du feu.  
On n'y verrait que du feu si un discours, qui est  

le discours du maître

… 

discours du maître qui ici  
peut aussi bien s’écrire « 

m'être

 » 

…ce qui met, ce qui met l'accent sur le verbe « 

être

 ». 

C’est ce quelque chose qu’ARISTOTE lui-même regarde  
à deux fois à avancer puisque pour ce qui est de 

être

 

qu’il oppose au 

τό  τί  ἑστι 

[ to ti esti ]

 

,

  

à la 

quiddité

, à ce que 

« 

ça est

 »

, il va jusqu’à employer le

   τό  τί  ἦν  εἶναι 

[ to ti en einaï ]

    

à savoir

   

:

 

«

 

ce qui se serait bien  produit,  si  c’ était venu à  être  tout court,  ce qui était à être

  

»

 

 
Et il semble que là, 

le pédicule

 se conserve qui nous 

permette de situer d'où se produit ce discours de 
l'être.  
Il est tout simplement celui de :  

-

 

« 

l'être à la botte

 »

,  

-

 

de 

« 

l'être aux ordres

 »

,  

-

 

« 

ce qui allait 

être,

 si tu avais entendu ce que je t'ordonne

 ». 

 
Toute dimension de l'

 être

 se produit de quelque chose 

qui est dans le fil, dans le courant du 

discours du maître

de celui qui - proférant le 

signifiant

 - en attend ce qui 

est un de ses effets de lien assurément à ne pas 
négliger, qui est fait de ceci que le 

signifiant

 commande.  

Le signifiant est d'abord, et de sa dimension, 

impératif

 

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90

Comment, comment retourner… 

si ce n'est d'un 

discours spécial

 

…à ce que je pourrais avancer d’une 

réalité  prédiscursive

 ?  

 
C'est là ce qui bien entendu est le rêve, le rêve 
fondateur de toute idée de 

connaissance

, mais ce qui aussi 

bien est à considérer comme 

mythique

 :  

il n'y a aucune 

réalité pré-discursive

.  

 
Chaque réalité se fonde et se définit d'un discours. 
Et c'est bien en cela qu'il importe que nous nous 
apercevions de quoi est fait 

le discours analytique

, et de ne 

pas méconnaître ce qui sans doute n'y a qu'une place, 
une place limitée, à savoir - mon Dieu – que :  
on y parle de ce que le verbe 

foutre

 énonce 

parfaitement, on y parle de foutre…  

je veux dire le verbe 

to fuck

 

…et on y dit que « 

ça ne va pas

 ». 

 
C'est une part importante de ce qui se confie dans  

le discours analytique

, et il importe très précisément  

de souligner que ce n'est pas son privilège.  
Il est clair que dans ce que j'ai appelé tout à 
l'heure le « 

discours

 », et en l’écrivant presque en un 

seul mot : le disque, le « 

disque-ourcourant

 », le disque 

aussi hors-champ, hors jeu de tout discours, à savoir 
le disque tout court.  
Dans le disque qui est bien, après tout, l’angle sous 
lequel nous pouvons considérer tout un champ du 
langage, celui qui en effet donne bien sa substance, 
son étoffe, à être considérer comme disque, à savoir 
que ça tourne, et que ça tourne très exactement pour 
rien, ce disque est exactement ce qui se trouve dans 
le champ, dans le champ d'où les discours se 

spécifient

le champ où tout ça se noie, où tout un chacun est 
capable, tout aussi capable, de s'en énoncer autant  
mais, par un souci de ce que nous appellerons à très 
juste titre 

décence

, le fait - mon Dieu ! - le moins 

possible. 
Ce qui fait le fond de la vie en effet, c'est que 
tout ce qu'il en est des rapports des hommes et des 
femmes, ce qu'on appelle collectivité, « 

ça ne va pas

 ». 

Ça ne va pas, et tout le monde en parle, et une 
grande partie de notre activité se passe à le dire. 

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91

Il n'empêche qu'il n'y a rien de sérieux si ce n'est 
ce qui s'ordonne d'une autre façon comme discours, 
jusques et y compris ceci : que précisément ce 
rapport, ce rapport sexuel… 

en tant qu'il « 

ne va pas

 »  

…il 

va quand même

 - grâce à un certain nombre de 

conventions, d'interdits, d'inhibitions, de toutes 
sortes qui sont l'effet du langage…  

qui ne sont à prendre que  
de cette étoffe et de ce registre 

…et qui réduisent très précisément ceci qui tout d’un 
coup nous fait revenir, nous fait revenir comme il 
convient au champ du discours 
 
Il n'y a pas la moindre 

réalité  pré-discursive

, pour la bonne 

raison que ce qui fait collectivité, et que j'ai 
appelé, en l’évocant à l’instant « 

les hommes, les femmes  

et les enfants

 », ça ne veut très exactement rien dire comme 

réalité pré-discursive, 

Les hommes, les femmes et les enfants

,  

ce ne sont que des 

signifiants

Un homme, ce n'est rien d'autre qu'un 

signifiant

.  

Une femme cherche un homme au titre de 

signifiant

.  

Un homme cherche une femme au titre…  

ça va paraître curieux 

…de ce qui ne se situe que du discours… 

puisque, si ce que j'avance est vrai,  
à savoir que la femme n'est 

pas-toute

  

…il y a toujours quelque chose qui chez elle  
échappe au discours. 
 
Alors, il s'agit de savoir, dans tout cela, ce qui 
dans un discours se produit de l'effet de l'écrit. 
Vous le savez peut-être…  

vous le savez en tout cas  
si vous avez lu ce que j'écris 

…le 

signifiant

 et le 

signifié

, c'est pas seulement que la 

linguistique les ait distingués.  
La chose peut-être vous paraît aller de soi.  
Mais justement, c'est à considérer que 

les choses vont 

de soi

 qu'on ne voit rien de ce qu'on a pourtant 

devant les yeux, et devant les yeux concernant 
justement l'

écrit

.  

 
 

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92

S'il y a quelque chose qui peut nous introduire à la 
dimension de l'

 écrit

 comme tel, c'est nous apercevoir 

que pas plus que le 

signifié

 – pas le 

signifiant

 - n'a à faire 

avec les oreilles, mais seulement avec la lecture,  
à savoir de ce qu'on 

entend

 de 

signifié

.  

Mais le 

signifié

, c'est justement pas ce qu'on entend.  

Ce qu'on entend, c'est le 

signifiant

.  

Et le 

signifié

, c'est l'effet du 

signifiant

 
Il y a 

quelque chose

 qui n'est que l'effet du discours, 

l’effet du 

discours en tant que tel

, c'est-à-dire  

de 

quelque chose

 qui fonctionne déjà comme 

lien

.  

Eh bien c’est ce 

quelque chose

 qui au niveau d'un écrit  

effet de discours, de discours scientifique :  
du S, fait pour connoter la place du 

signifiant

,  

et du s dont se connote comme place le 

signifié,

  

cette fonction de place n'est créée que par le 
discours lui-même : « 

chacun à sa place

 », ça ne fonctionne 

que dans le discours.  
Eh bien, entre les deux, il y a la barre .  
Et ça n'a l'air de rien quand vous écrivez une barre, 
faut expliquer. Ce mot « 

expliquer

 », a toute son 

importance puisqu'il n'y a rien moyen de comprendre  
à une barre, même quand elle est réservée à signifier 
la négation. 
C'est très difficile de comprendre ce que ça veut 
dire, la négation. Si on y regarde d'un tout petit 
peu près, on s'apercevra en particulier qu'il y en a 
une très grande variété de négations, et qu'il est 
tout à fait impossible de réunir toutes les négations 
sous le même concept.  
La négation de l'

existence 

 

]

, ce n'est pas du tout  

la même chose que la négation de la 

totalité  

.

]

,  

pour me 

limiter à l’usage que j’ai pu faire de la négation. 
Mais il y a une chose qui est en tout cas encore plus 
certaine, c’est que le fait d’ajouter la barre à la 
notation S et s…  

qui déjà se distinguent très suffisament 

…pourrait se soutenir d’être seulement marqué par la 
distance de l'écrit.  
 
 
 

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93

Y ajouter la barre a quelque chose de superflu, voire 
de futile, et qu’en tout cas, comme tout ce qui est 
de l'écrit, comme tout ce qui est de l'écrit se 
supporte que de ceci : c’est que justement l'écrit, 
ça n'est pas à comprendre. 
C'est bien pour ça que vous n'êtes pas forcés de 
comprendre les miens. Si vous ne les comprenez pas, 
c’est un bon signe, tant mieux, ça vous donnera 
justement l'occasion de les expliquer.  

[ Rires ]

 

 
La barre, la barre c'est pareil.  
La barre, c'est très précisément le point, où dans 
tout usage du langage, il y aura occasion à ce que se 
produise l'

écrit

.  

Si, dans SAUSSURE même, S c’est barre au-dessus de s, 
sur la barre, c'est grâce à ça que dans 

L'Instance de la lettre

 

qui fait partie de mes 

Écrits

 j'ai pu démontrer, d'une 

façon qui s'

écrit

, rien de plus, que rien ne se supporte 

des effets dits « 

de l'inconscient

 », si grâce à cette 

barre… 

s'il n'y avait pas cette barre,  
rien ne pourrait en être expliqué 

…il y a du signifiant qui passe sous la barre. 
 
S'il n'y avait pas de barre vous ne pourriez pas voir 
qu’il y a du signifiant s'injecte dans le signifié. 
Grâce à l’écrit se manifeste, se manifeste ceci  
qui n’est qu’effet de discours, car s'il n'y avait 
pas de 

discours analytique

, vous continueriez à parler très 

exactement comme des étourneaux, c'est-à-dire à dire 
ce que je qualifie du 

disque-ourcourant

, c'est-à-dire de 

continuer le disque, le disque continuant ce quelque 
chose qui est le point le plus important que révèle 
le 

discours analytique 

seulement, c’est à savoir ceci qui ne 

peut s’articuler que grâce à toute la construction du  

discours analytique  

c’est que très précisément, 

il n’y a pas

… je 

reviens là-dessus puisque après tout c’est la formule 
que je vous serine, mais de vous la seriner, faut-il 
encore que je l'explique parce qu’elle ne se supporte 
que de l'écrit précisément, et de l'écrit en ceci : 
« 

que le rapport sexuel ne peut pas s'écrire

 ».   

C’est ce que ça veut dire. 
 

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94

Ou plus exactement que tout ce qui est écrit est 
conditionné de façon telle que ça part du fait qu'il 
sera à jamais impossible d'écrire comme tel  
le rapport sexuel.  
Que l’écriture comme telle est possible, à savoir 
qu'il y a un certain effet du discours qui s'appelle 
l'écriture.  
Voyez vous, on peut à la rigueur écrire (x R y)  
et dire : x c'est l'homme, y c'est la femme,  
et R… c'est le rapport sexuel 

[ Rires ]

. Pourquoi pas ?  

 
Seulement voilà, c’est ce que je vous disais tout à 
l’heure : c'est une 

bêtise

, c'est une 

bêtise

 parce que  

ce qui se supporte sous la fonction de 

signifiants

,  

de 

homme

 et de 

femme

, ce ne sont que des 

signifiants,

  

ce ne sont que des 

signifiants

 tout à fait liés à cet usage 

courcourant

 du langage.  

Et s'il y a un discours qui vous le démontre,  
c'est que la femme ne sera jamais prise…  

c’est ce que le 

discours analytique  

 met en jeu  

…que 

quoad matrem

, c'est-à-dire que « 

la femme

 » 

n'entrera en fonction dans le rapport sexuel  
qu'en tant que « 

la mère

 ». 

 
Ça c’est des vérités massives, et qui…  

quand nous y regardons de plus près 

…bien entendu nous mèneront plus loin.  
Mais grâce à quoi ? Grâce à l'écriture qui d’ailleurs 
ne fera pas objection à cette première approximation, 
puisque justement c'est par là qu'elle montrera que 
c'est une suppléance de ce « 

pas-toute

 » sur quoi repose 

– quoi ? - 

la jouissance

 de la femme.  

C’est à savoir que cette 

jouissance

 qu'elle n'est 

pas-toute

c'est-à-dire qui quelque part la fait absente d'elle-
même, absente en tant que sujet, qu’elle y trouvera 
le bouchon de ce (

a

) que sera son enfant. 

Mais d’un autre côté, du côté de l'(x), à savoir de 
ce qui serait l'homme si ce rapport sexuel pouvait 
s'écrire d'une façon soutenable, soutenable dans un 
discours, vous verrez que l'homme n'est qu'un 

signifiant

 

parce que, là où il entre en jeu comme 

signifiant

, il n'y 

entre que 

quoad castrationem

 c'est-à-dire en tant  

qu'il a un rapport – un rapport quelquonque - avec  
la 

jouissance phallique

.  

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95

 
De sorte que c'est à partir du moment où… 

de quelque part, d’un discours qui aborde  
la question sérieusement, le 

discours analytique 

 

…que c'est à partir du moment où ce qui est 

la  condition  

de l'écrit,   

à savoir 

qu'il se soutienne d'un discours

, que 

tout se 

dérobera

, et que le rapport sexuel, vous ne pourrez 

jamais l'écrire… 

naturellement dans la mesure  
où il s’agit d'un vrai écrit 

…c'est-à-dire de 

l’écrit en tant que c'est ce qui du langage, se conditionne d'un 

discours

 
La lettre, radicalement, est effet de discours. 
Ce qu'il y a de bien… 

n'est-ce pas, si vous me permettez  

…ce qu'il y a de bien dans ce que je raconte,  
c'est que c'est toujours la même chose 

[ Rires ]

.  

C’est à savoir… non pas, bien sûr que je me répète, 
c'est pas là la question.  
 
C'est que ce que j'ai dit antérieurement…   
la première fois, autant que je me souvienne, que 
j'ai parlé de la lettre… 
    j’ai sorti ça je ne sais plus quand, maintenant  

je vais plus rechercher, je vous dit :  
j’ai horreur de me relire, mais il doit bien  
y avoir quinze ans, quelque part à Sainte-Anne 

…j'ai essayé de faire remarquer cette petite chose 
que tout le monde connaît bien sûr… 

que tout le monde connaît quand on lit un peu,  
ce qui n'arrive pas à tout le monde 

…qu'un nommé Sir 

FLINDERS PETRIE

34

 

par exemple avait 

cru remarquer que les lettres de l'alphabet phénicien 
se trouvaient bien avant le temps de la Phénicie sur 
de menues poteries égyptiennes où elles servaient de 
marques de fabrique.  
 
Ce qui veut dire, ce qui veut dire simplement ceci : 
que le marché, qui est typiquement un effet de 
discours, c’est là que d'abord est sortie la lettre, 
avant que quiconque ait songé à user des lettres.  

                                                 

34 

Sir FLINDERS PETRIE,  The formation of the alphabet, London, Macmillan, 1912

.

 

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96

Pour faire quoi ?  
Quelque chose qui n'a rien à faire avec la 
connotation du signifiant, mais qui l'élabore, qui le 
perfectionne. Il faudrait bien sûr prendre les choses 
au niveau de l'histoire de chaque langue.  
 
Parce qu’il est clair que la lettre chinoise…  

celle qui nous affole tellement  
que nous appelons ça, Dieu sait pourquoi,  
d'un nom différent, de « 

caractère

 »  

… à savoir que la lettre chinoise il est manifeste 
qu’elle est sortie du discours chinois très ancien 
d'une façon toute différente de la façon dont sont 
sorties nos lettres.  
À savoir qu’en somme les lettres, les lettres qu’ici 
je sors, elles ont une valeur différente…  

différentes comme lettres parce qu’elles sortent 
du discours analytique 

…de ce qui peut sortir comme lettres par exemple de 
de 

la théorie des ensembles

, à savoir l'usage qu'on en fait,  

et qui pourtant - c'est là l'intérêt - n'est pas sans 
avoir de rapport, un certain rapport de 

convergence

,  

sur lequel j’aurai certainement, dans ce qui sera la 
suite, l’occasion d’apporter quelques développements. 
La lettre en tant qu’effet : n'importe quel effet de 
discours a ceci de bon qu'il fait de la lettre. 
 
Alors – mon Dieu - pour terminer, pour terminer 
aujourd’hui ce qui n'est qu'une amorce que j'aurai 
l'occasion de développer, ce que je reprendrai à 
propos… en vous distinguant, discernant par exemple 
la différence qu’il y a de l'usage de la lettre dans 
l'algèbre ou de l'usage de la lettre dans 

la théorie des 

ensembles

, parce que ceci nous intéresse directement.  

Pour l'instant, je veux simplement vous faire remar-
quer qu’il se produit quand même quelque chose qui 
est corrélatif de l’émergence au monde, au monde, 
c’est le cas de le dire, au monde en décomposition, 
Dieu merci,  au monde que nous voyons ne plus tenir, 
puisque même dans le discours scientifique il est 
clair qu'il n'y a pas le moindre monde, à partir du 
moment où vous pouvez ajouter aux atomes un truc qui 
s'appelle le quark, et que vous trouvez que c'est là 
le vrai fil du discours scientifique.  

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97

Vous devez quand même vous rendre compte qu'il s'agit 
d'autre chose : il s’agit de voir d’où on parle. 
 
Eh bien, référez vous quand même, parce que c’est un 
bonne lecture, il faut que vous vous mettiez tout de 
même à lire un peu des auteurs…  

je ne dirai pas de votre temps, je ne vous dirai 
pas de lire Philippe SOLLERS, il est illisible, 
comme moi, oui 

…lire JOYCE par exemple.  
Alors là vous verrez comment ça a commencé de se 
produire. Vous verrez que le langage se perfectionne 
et sait jouer avec l'écriture. 
JOYCE, moi je veux bien que ça ne soit pas lisible.  
C'est certainement pas traductible en chinois !  
 
Seulement JOYCE qu'est-ce c’est ?  
C’est exactement ce que je vous ai dit tout à 
l’heure : c’est le 

signifiant

 qui vient truffer le 

signifié

.  

JOYCE c’est un long texte écrit…  

lisez 

Finnegan's Wake

 

…c’est un long texte écrit dont le sens provient de 
ceci : c'est que c’est du fait que les 

signifiants

 

s'emboîtent, se composent…  

si vous voulez, pour faire image pour ceux qui 
n’ont même pas l’idée de ce que c’est  

se télescopent

.  

Que c’est avec ça que se produit quelque chose,  
qui - comme 

signifié

 - peut paraître énigmatique,  

mais qui est bien ce qu'il y a de plus proche de ce 
dont nous autres analystes, grâce au 

discours analytique

,  

nous savons 

lire

, qui est ce qu’il y a de plus proche  

du 

lapsus

.  

 
Et c'est au titre de 

lapsus

 que ça 

signifie

 quelque chose, 

c'est-à-dire que ça peut se lire d'une infinité de 
façons différentes.  
Mais c'est justement pour ça que ça se lit mal,  
ou que ça se lit de travers, ou que ça ne se lit pas. 
Mais cette dimension du « 

se lire

 », est-ce que ce n’est 

pas suffisant pour montrer que nous sommes dans  
le registre du 

discours analytique

 
 

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98

Que ce dont il s'agit dans le 

discours analytique

,  

c'est toujours : à ce qui s'énonce de 

signifiant

, que vous 

donniez une autre lecture que ce qu'il 

signifie

Mais c’est là que commence la question, parce que… 
voyons, pour me faire comprendre, je vais prendre une 
référence dans ce que vous lisez, dans le grand livre 
du monde. Par exemple vous voyez 

le vol d'une abeille

L’abeille vole, elle butine, elle va de fleur en 
fleur. Ce que vous apprenez, c'est que elle va 
transporter au bout de ses pattes le pollen d'une 
fleur sur le pistil, et du même coup aux œufs d'une 
autre fleur. Ça, c'est ce que vous 

lisez

 dans le vol de 

l'abeille, ou n’importe quoi d’autre.  
 
Vous voyez… je sais pas moi… quelque chose que vous 
appelez tout d’un coup, comme ça : un vol d'oiseau 
qui vole bas…  

vous appelez ça un vol, c'est un groupe,  
en réalité, un groupe à un certain niveau 

…vous y lisez qu'il va faire de l'orage.  
 
Mais est-ce qu'ils lisent ?  
Est-ce que l'abeille lit qu'elle sert à la 

reproduction

 

des plantes phanérogamiques ?  
Est-ce que l'oiseau lit 

l'augure de la fortune

, comme on 

disait autrefois, c'est-à-dire de la tempête? 
Toute la question est là.  
C'est pas exclu, après tout, que l'hirondelle ne lise 
pas la tempête, mais c'est pas sûr non plus. 
 
Ce qu’il y a dans votre 

discours analytique

, c’est que le 

sujet 

de l'inconscient

, vous le supposez 

savoir lire

.  

Et ça n'est rien d'autre, votre histoire de 

l'inconscient

Non seulement vous le supposez 

savoir lire

, mais vous 

le supposez pouvoir 

apprendre à lire

Seulement ce que vous lui apprenez à lire n'a alors 
absolument rien à faire, en aucun cas, avec ce que 
vous pouvez en écrire. 
 

 

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99

16 Janvier 1973

                               

Table des matières

 

 
 
 
 
 
 
 
Qu'est-ce que je peux avoir à vous dire, 

Encore

 ? 

Depuis le temps que ça dure, et que ça n'a pas tous 
les effets que j'en voudrais.  
Et bien, justement à cause de ça, ce que j'ai à dire, 
ça ne manque pas, néanmoins, comme on ne saurait tout 
dire, et pour cause, j'en suis réduit à cet étroit 
cheminement qui fait qu'à chaque instant, il faut que 
je me garde de reglisser dans ce qui déjà se trouve 
fait de ce qui s'est dit.  
C'est pourquoi, aujourd'hui, je vais essayer une fois 
de plus de maintenir ce difficile frayage, puisque  
de par un titre, nous avons du même coup un 

horizon

 

étrange, d'être qualifié de cet 

Encore

 
Il faut que je donne aujourd'hui le repérage d'un 
certain nombre de points qui seront cette année  
nos points d'orientation. Il y a quelque chose qui, 
la dernière fois, s'est formulé : 

la fonction de l'écrit

.  

C'est un de nos points, cette année, un de nos 
points-pôle.  
 
Je voudrais vous rappeler pourtant que je pense,  
que la première fois que je vous ai parlé - si je ne 
me trompe - j'ai énoncé que :  

« 

la jouissance, la jouissance de l'Autre, que j'ai dit 

symbolisée par le corps, n'est pas un signe de l'amour

 ».  

Naturellement ça passe.  
Ça passe parce que, on sent que c'est du niveau de ce 
qui a fait le précédent 

dire 

35

, ça ne fléchit pas. 

Pourtant il y a là-dedans des termes qui méritent 
bien d'être commentés.  

La jouissance

 c'est bien ce que j'essaie de rendre présent 

par ce 

dire

 même.  

 

                                                 

35 Qu'il n'y a pas de rapport sexuel. 

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100

Ce « l'

Autre 

 

»

, il est plus que jamais mis en question,  

il doit être de nouveau martelé, refrappé, pour qu'il 
prenne son plein sens, sa résonance complète.  
Lieu, d'une part, mais d'autre part avancé comme le 
terme qui se supporte, puisque c'est moi qui parle, 
qui ne puis parler que d'où je suis, identifié à ce 
que j'ai qualifié la dernière fois pur 

signifiant

.  

L'homme, une femme, ai-je dit, ce ne sont rien que 

signifiants

, et c'est dès là qu'ils prennent comme tels…  

je veux dire en tant qu'

incarnation

 distincte du sexe 

…qu'ils prennent leur fonction. 
 
L'Autre, dans mon langage, ce ne peut donc être que 
l'Autre sexe. Qu'est-ce qu'il en est de cet Autre ? 
Qu'est-ce qu'il en est de sa position au regard de ce 
autour de quoi se réalise le rapport sexuel ?  
C'est à savoir une jouissance que 

le discours analytique

  

a précipité cette fonction du phallus dont, en somme, 
l'énigme reste entière puisque il ne s'y articule  
que « d’effets d'absence ».  
 
Est-ce à dire pourtant qu'il s'agit là… 

comme on a cru pouvoir trop vite le traduire 

…du signifiant de ce qui manque dans le signifiant ? 
C'est bien là ce autour de quoi cette année devra 
mettre un point terme 

36

.  

C'est à savoir : du phallus, dire quelle est - dans 
le discours analytique - la fonction.  
Nous n'y arriverons pas tout droit.  
Mais à seule fin de déblayer, je dirai que ce que  
la dernière fois j'ai ramené comme étant,  
comme accentuant, la fonction de 

la barre

 n'est pas  

sans rapport avec le phallus. 
 
Il nous reste, dans la deuxième partie de la phrase, 
liée à la première par un 

n'est pas

 :

 « 

…n'est pas le signe de 

l'amour

 », c'est bien en quoi aussi pointe notre 

horizon

Il nous faut, cette année, articuler ce dont il 
s'agit qui est bien là comme au pivot de tout ce qui 
s'est institué de l'expérience analytique : l'amour. 
L'amour, il y a longtemps qu'on ne parle que de ça.  

                                                 

36 Mettre un point final (écriture) et mettre un terme (par la parole). 

 

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101

Ai-je besoin d'accentuer qu'il est au centre, qu'il 
est au cœur, très précisément du 

discours philosophique

 et que 

c'est là assurément ce qui doit nous mettre en garde. 
 
Si le discours philosophique s'est entrevu comme ce 
qu'il est : cette variante du 

discours du maître

…  

Si la dernière fois j'ai pu dire de l'amour, en tant 
que ce qu'il vise c'est l'être, à savoir ce qui dans 
le langage se dérobe le plus, ce sur quoi j'ai 
insisté comme 

ce qui allait être

, ou ce qui justement d'être  

a fait surprise… 
Si j'ai pu ajouter que cet 

être

, nous devons nous 

interroger s'il n'est pas si près de cet être du 
signifiant 

m'être 

: m, apostrophe, e accent grave

[ lapsus de 

Lacan ]

, s'il n'est pas l'être au commandement, s'il n'y 

a pas là le plus étrange des leurres. 
 
Est-ce que ce n'est pas aussi pour, avec le mot 

signe

,

 

nous commander d'interroger ce en quoi le signe  
se distingue du signifiant ? 
Voilà donc quelques points dont l'un est 

la  jouissance

dont l'autre est 

l'Autre

, le troisième 

le signe

,  

le quatrième 

l'amour

Quand nous lisons ou relisons ce qui s'est émis d'un 
temps où le discours de l'amour s'avouait être celui 
de l'être, quand nous ouvrons ce livre qui est celui 
de Richard de SAINT VICTOR 

37

 sur la trinité divine, 

c'est de 

l'être

 que nous partons.  

De 

l'être

 en tant qu'il est… 

pardonnez-moi ce glissement d'écrit 

…conçu comme 

l’ être

nel

, comme l'

éternel

 pour les sourds.  

 
Et que, de 

l’ être

, après cette élaboration,  

ce cheminement, pourtant si tempéré chez ARISTOTE,  
et sous l'influence sans doute de l'irruption de ce  
« 

je suis ce que je suis

 »

 

qui est l'énoncé de 

la vérité

 judaïque, 

quand tout ceci vient à culminer dans cette idée…  

cette idée jusque là cernée, frôlée, approchée, 
approximative de 

l’ être

 

…vient à culminer dans ce violent arrachement  
à la fonction du temps, par l'énoncé de l'Éternel,  
il en résulte d'étranges conséquences.  

                                                 

37 Richard de Saint Victor, De la Trinité (

De Trinitate

),  éd. Le Cerf, 1999. 

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102

C'est à savoir l'énonciation :  

-

 

qu'il y a 

l’ être

 qui, éternel, 

l'est de lui-même

… 

-

 

qu'il y a 

l’ être

 qui, éternel, 

ne l'est pas de lui-même

…  

-

 

qu'il y a 

l’ être

 qui éternel…

[ lapsus ] 

qui, non éternel,  

n'a pas cet être fragile, en quelque sorte 
précaire, voire inexistant, 

ne l'a pas de lui-même

…  

mais qui s'arrête à ce qui semble s'en imposer du 
fait des définitions logiques… 

si toutefois la négation suffisait  
dans cet ordre, d'une fonction univoque  
à assurer l'existence  

…qui s'arrête à ceci :  

-

 

que ce qui n'est pas éternel 

ne saurait en aucun 

cas

…  

puisque des quatre subdivisions  
qui se produisent de cette alternance  
de « l'affirmation » et de « la négation »  
de « l'éternel »

 

et du « de lui-même »

  

y a-t-il

, dit-il, 

un être qui non éternel, puisse être de lui-même ?

  

Et assurément ceci paraît…  

au Richard de Saint Victor en question  

…devoir être écarté. 
 
Est-ce qu'il ne semble pas pourtant qu'il y a là 
précisément ce dont il s'agit concernant le 

signifiant

c'est à savoir que le 

signifiant

, aucun 

signifiant

 ne s'avance, 

ne se produit comme tel, comme éternel.  
C'est là sans doute ce que… 

plutôt que de le qualifier d'arbitraire 

…SAUSSURE eût pu tenter de formuler.  
 
Le 

signifiant

, disons : mieux eût valu l'avancer de la 

catégorie du contingent, en tout cas de ce qui n'est 
assurément pas éternel, de ce qui répudie la 

catégorie

 

de l'éternel, mais qui pourtant, singulièrement,  

est

 de lui-même. Ainsi qu'il se propose à nous : ce 

signifiant, de par lui-même, a des effets.  
Et pourtant, s'il y a quelque chose qui peut s'en 
avancer c'est sa participation… 

pour employer une approche platonicienne 

…c'est sa participation à ce 

rien

, d'où effectivement 

c'est l'émergence même de l'idée créationniste que de 
nous dire que quelque chose de tout à fait originel  
a été fait 

ex nihilo

, c'est à savoir de rien.  

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103

Il semble bien… 

ne vous semble-t-il pas, n'y a-t-il pas quelque 
chose qui vous 

apparaisse

, si tant est que 

la 

paresse

 qui est la vôtre puisse être réveillée par 

quelque apparition 

…c'est que la genèse ne nous raconte rien d'autre  
que la création de 

rien

, en effet.  

De quoi ? De rien d'autre que de signifiants.  
Dès que cette création surgit, elle s'articule de  
la 

nomination

 de ce qui 

est

.  

 
Est-ce que ce n'est pas là 

la création

 dans son essence ?  

Est-ce que la création n'est-elle pas rien d'autre 
que le fait de ce qui était là, comme ARISTOTE ne 
peut assurément manquer de l'énoncer, c'est à savoir 
que s'il y a jamais eu quelque chose, c'était depuis 
toujours que c'était là. 
 
N'est-ce pas dans l'idée créationniste…  

essentiellement de la création,  
et de la création à partir de rien 

…du signifiant qu'il s'agit fondamentalement,  
qu'il s'agit d'une façon qui fonde. 
N'est-ce pas là même en quoi consiste ce que nous 
pouvons de ce qui, à se refléter dans une conception 
du monde s'est énoncé comme révolution copernicienne. 
 
Depuis longtemps, je mets en doute ce que FREUD  
là-dessus a cru pouvoir avancer.  
Comme si, de ce que lui a appris 

le discours de l'hystérique

,  

à savoir de cette autre substance, qui tout entière, 
tient en ceci : qu'il y a du signifiant, et que c'est 
de l'effet de ce signifiant qu'il s'agit dans ce  

discours de l'hystérique,

 qu'à le recueillir il a su faire 

tourner de ce 

quart de tour

 qui en a fait 

le discours analytique

.  

 
La notion même de 

quart de tour

 évoque la révolution, mais 

certes pas dans le sens où révolution est subversion. 
Bien au contraire, ce qui tourne… 

c'est ce qu'on appelle révolution 

…est destiné, de son énoncé même, à évoquer le 

retour

Assurément nous n'y sommes point, à l'achèvement  
de ce retour, puisque c'est déjà de façon fort 

pénible

 

que ce 

quart de tour

 s'accomplit.  

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104

Mais il n'est jamais trop d'évoquer d'abord que s'il 
y a eu quelque part révolution ce n'est certes pas au 
niveau de COPERNIC qu'il avait été inutile d'évoquer 
des termes qui ne sont que d'érudition historique. 
C'est à savoir que depuis longtemps l'hypothèse avait 
été avancée que, que le soleil était peut-être bien 
le centre autour duquel ça tournait.  
Mais qu'importe !  
 
Ce qui 

importait

 à ces mathématiciens c'est assurément 

le départ - le départ de quoi ? - de ce qui tourne. 
Ce que nous savons, bien sûr, c'est que cette virée 
éternelle des étoiles de la dernière des sphères…  

celle à quoi ARISTOTE suppose une autre encore, 
qui serait celle de l'immobile, cause première  
du mouvement de celles qui tournent 

…si les étoiles tournent c'est bien assurément  
de ce que la terre, la terre tourne sur elle-même,  
et que c'est déjà merveille que de cette virée,  
de cette révolution, de ce tournage éternel  
de la sphère stellaire, il se soit trouvé des hommes 
pour forger, pour forger ces autres sphères, où faire 
tourner… 

de ce mouvement oscillatoire  
qui est celui du système ptolémaïque  

…les sphères des planètes, de celles qui tournant 
autour du soleil, se trouvent au regard de la terre 
dans cette position ambiguë d'aller et de venir  
en dents de crochet.  
 
Est-ce que, à partir de là, avoir cogité le mouvement 
des sphères ce n'est pas 

un tour de force

 extraordinaire,  

à quoi, après tout, COPERNIC ne faisait que faire 
remarquer que peut-être ce mouvement des sphères 
intermédiaires pouvait s'exprimer autrement,  
que la terre fut au centre ou non, n'était assurément 
pas ce qui lui importait le plus

38

. La révolution 

copernicienne n'est nullement révolution, si ce n'est 
en fonction de ceci que le centre d'une sphère peut 
être supposé - dans un discours qui n'est qu'un 
discours analogique - constituer le point maître.  

                                                 

38 Sur les conceptions de la Gravitation cf. Arthur Koestler, Les somnambules, éd. Calmann-Lévy, 1960. 

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105

Le fait de changer ce point maître, que ce soit la 
terre ou le soleil, n'a rien en soi qui subvertisse 
ce que le signifiant « 

centre

 » conserve de lui-même. 

Ce signifiant garde tout son poids et il est tout à 
fait clair que loin que l'homme… 

ce qui se désigne de ce terme,  
ce qui est - quoi ? - ce qui fait signifié 

…que l'homme ait jamais été en quoi que ce soit 
ébranlé par le fait que la terre n'est pas au centre, 
il y a fort bien substitué le soleil.  
 
L'important c'est qu'il y ait un centre et puisqu'il 
est bien sûr maintenant évident que le soleil n'est 
pas non plus un centre, qu'il est en promenade à 
travers un espace dont le statut est de plus en plus 
précaire à établir, que ce qui reste bien au centre 
c'est tout simplement cette bonne routine qui fait 
que le signifié garde en fin de compte toujours  
le même sens, et que ce sens, il est donné par le 
sentiment que chacun a, de faire partie de son monde 
tout au moins, c'est-à-dire de sa petite famille,  
et de tout ce qui tourne autour, et que chacun,  
chacun de vous, je parle même pour les gauchistes, 
vous y êtes plus que vous ne croyez, et dans une 
mesure dont justement vous feriez bien de prendre 
l'empan, attachés à un certain nombre de préjugés qui 
vous font assiette et qui limitent la portée de vos 
insurrections, au terme le plus court, à celui très 
précisément où cela ne vous apporte nulle gêne, et 
nommément pas dans une conception du monde qui reste, 
elle, toujours parfaitement sphérique, le signifié 
trouve son centre où que vous le portiez.  
 
Ce n'est pas, jusqu'à nouvel ordre, 

le discours analytique…

  

si difficile à soutenir dans son décentrement, 
qui a à faire encore son entrée dans  
la conscience commune  

…qui peut d'aucune façon subvertir quoi que ce soit. 
Pourtant, si on me permet de me servir quand même  
de cette référence dite 

copernicienne

, j'en accentuerai ce 

qu'elle a d'effectif de ceci que ce n'est pas du tout 
d'un changement de centre qu'il s'y agit.  
 

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106

Que « 

ça tourne

 », ça continue à garder toute sa valeur, 

si motivé, réduit que ce soit en fin de compte à ce 
départ que la terre tourne, et que de ce fait il nous 
semble que c'est la sphère céleste qui tourne.  
Elle continue bel et bien à tourner et elle a toutes 
sortes d'effets, ce qui fait que, quand même, c'est 
bien par années que vous comptez votre âge. 
La subversion, si elle a existé quelque part et à un 
moment, ça ne consiste pas du tout à avoir changé  
le point de virée de ce qui tourne, c'est d'avoir 
substitué au « 

ça tourne

 »,

 

un

 

« 

ça tombe

 » : c cédille a, 

« 

ça tombe

 »

.

 

 
Le point vif… 

comme quelques-uns, quand même,  
ont eu l'idée de s'en apercevoir 

…ça n'est ni COPERNIC, un peu plus KEPLER, à cause du 
fait que ça ne tourne pas de la même façon, ça tourne 
en ellipse. Et déjà c'est plus énergique comme 

correctif

 à 

cette fonction du centre : c'est elle qui est mise en 
question. Ce vers quoi ça tombe est en un point de 
l'ellipse qui s'appelle le foyer. Et dans le point 
symétrique, il n'y a rien. Ceci assurément est 

correctif

 

tout à fait essentiel à cette image du centre.  
 
Mais le « 

ça tombe

 » ne prend, si je puis m'exprimer 

ainsi, son poids - son poids de subversion – et 
justement en ceci que, que ce n'est pas seulement de 
changer le centre qui le fait révolution puisque, à 
conserver le centre, la révolution continue 

indéfiniment

et justement pour revenir toujours sur elle-même.  
C'est que le « 

ça tombe

 » aboutit à quoi ?  

Très exactement à ceci et rien de plus que :  

F = grand G facteur de mm' sur r

2

 ou d

2

 

[ F =  (G. mm’) / d2 ]

 : 

la distance qui sépare les deux masses exprimées par 
m et m', et que ce qui s'exprime ainsi, à savoir une 
force, une force en tant que tout ce qui est masse 
est susceptible, au regard de cette force, de prendre 
une certaine accélération, que c'est tout entier dans 
cet 

écrit

, dans ce qui se résume à ces cinq petites 

lettres écrites au creux de la main, avec un chiffre 
en plus, comme puissance, puissance au carré de la 
distance et inversement proportionnel au carré de la 
distance.  

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107

C'est là, c'est dans cet 

effet d'écrit

, que consiste ce 

qu'on attribue donc indûment à Copernic, dans quelque 
chose qui, justement, nous arrache à la fonction 
comme telle, fonction imaginaire, fonction imaginaire 
et pourtant fondée dans le réel, de la révolution. 
Ceci étant énoncé… 

rappel sans doute, mais aussi bien prélude  

…ce qu'il importe c'est de souligner que ce qui est 
produit, ce qui est produit comme tel dans 

l'articulation

  

de ce nouveau discours qui émerge comme étant  

le discours de l'analyste

le discours de l'analyse

, c'est ceci :  

c'est que le fondement, le départ, est pris dans 

l'effet

 

comme tel de ce qu'il en est du 

signifiant

.  

 
Bien loin que soit 

admis

 en quelque sorte par le vécu, 

bien loin que soit 

admis

, comme du fait même que le 

signifiant emporte de ses effets de signifié à partir 
desquels s'est édifiée cette structuration dont je 
vous ai, tout à l'heure, énoncé en rappel combien 
pendant 

des temps

, il a semblé naturel que un monde se 

constituât, dont les corrélatifs étaient ce 

quelque chose

 

au-delà qui était l'être même, l'être pris comme 
éternel : la théologie. 
 
Et que ce monde reste, quoi qu'il en soit, une 
conception - c'est bien là le mot - une vue, un 
regard, une prise imaginaire, un monde conçu comme 
étant le « 

tout

 », le « 

tout

 » avec ce qu'il comporte… 

 

quelque ouverture qu'on lui donne 

…de limité.  
 
Et que de ceci résulte ce 

quelque chose

 qui tout de même 

reste étrange, c'est à savoir que 

quelqu'un

, un « 

Un

 »…  

une partie de ce monde est, au départ, supposé 
pouvoir en prendre connaissance 

…s'y trouve dans cet état qu'on peut appeler  
d'

ex-sistence

, car comment supporterait-il autrement  

de pouvoir prendre connaissance si, d'une certaine 
façon, il n'était pas 

ex-sistant

.  

 
C'est bien là que de toujours s'est marquée 
l'oscillation, l'impasse, la vacillation qui 
résultait de cette 

cosmologie

, de ce quelque chose qui 

consiste dans l'admission d'un monde.  

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108

Est-ce que, il n'y a pas dans 

le discours analytique

…  

tel qu'il s'instaure du quart de tour dont j'ai 
parlé tout à l'heure 

…est-ce qu'il n'y a pas quelque chose qui, de soi, 
doit nous introduire à ceci que toute… tout 

maintien

toute 

subsistance

, toute 

persistance

 du monde comme tel, 

c'est très précisément là ce à quoi nous introduit  
ce discours : c'est que, elle… 

cette subsistance, cette persistance 

…doit comme telle être abandonnée. 
 
Le langage est tel… 

la langue forgée du discours philosophique 

…le langage est tel qu'à tout instant, vous le voyez, 
au moment que j'avance 

quoi que ce soit

 de ce qui peut, 

de ce 

discours analytique

, s'établir, vous marquer, que je ne 

peux faire à tout instant que de re-glisser - dans 
quoi ? - dans ce monde, dans ce supposé d'une 

substance

 

qui, tout de même, se trouve imprégnée de la fonction 
de l'

être

.  

 
Et que de suivre le fil du 

discours analytique

 ne tend à rien 

de moins qu'à re-briser, qu'à infléchir, qu'à marquer 
d'une incurvation propre, et d'une incurvation qui ne 
saurait même être maintenue comme étant celle de 
lignes de force, qui produit comme telle la faille, 
la discontinuité, la rupture qui nous suggère de voir 
dans la langue ce qui, en fin de compte la brise,  
si bien que rien ne paraît mieux constituer  
ce qui peut être l'horizon du 

discours analytique  

que cet 

emploi qui est fait par la mathématique, cet emploi 
qui est fait de 

la lettre

, comme étant 

singulièrement

 ce qui 

d'une part révèle dans le discours ce qui - pas par 
hasard ! - est appelé 

la  grammaire 

: la chose qui ne se 

révèle du langage qu'à l'

écrit

.  

 
Mais ce n'est pas non plus…  

si ce n'est pas par hasard 

…ce n'est pas non plus sans nécessité.  
 
 
 

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109

C'est que si 

la  grammaire

 c'est ce qui dans le langage ne 

se révèle que par l'écrit, c'est qu'

au-delà

 du langage 

cet effet… 

cet effet qui se produit de se supporter 

seulement

  

de l'écriture, qui est assurément l'idéal de la 
mathématique 

…c'est là ce 

autour de quoi

 ce dont il s'agit dans le 

langage se révèle.  
 
C'est à savoir que, à se refuser d'aucune façon  
la référence à l'écrit, c'est aussi s'interdire  
ce qui de tous les effets du langage peut arriver  
à s'articuler, et à s'articuler dans ce 

quelque chose

 que 

nous ne pouvons faire, que 

du langage

 il ne résulte pas, 

c'est à savoir un supposé « 

en deçà

 » et « 

au-delà

 ». 

 
Il suffit déjà que ces références spatiales soient 
évoquées, pour en quelque sorte qu'elles s'imposent. 
À supposer un 

en deçà

  nous sentons bien qu'il n'y a là 

qu'une référence intuitive.  
Et pourtant nous savons bien que le langage se 
distingue de ceci : que dans son effet de signifié  
il n'est jamais, justement, que à côté du signifiant. 
Que ce qu'il faut, ce à quoi il faut nous rompre 
c'est à substituer à cette 

imposition

… 

qui est celle que le langage  
provoque 

…imposition de 

l'être, 

la prise radicale, l'admission  

de départ que de 

l'être

 nous n'avons rien, jamais.  

 
Mais à l'écrire autrement que le « 

par-être

 »

… 

non pas 

paraître comme on l'a dit depuis toujours,  
le phénomène, ce au-delà de quoi il y aurait ce 

quelque 

chose

 dont Dieu sait -  « 

noumen

 

» ! –  

elle nous a en effet menés, c'est-à-dire à toutes les 

opacifications

 qui se dénomment justement de 

l'obscurantisme

.  

Que c'est dans le paradoxe même… 

de tout ce qui arrive à se formuler  
comme 

effet d'écrit

 du langage  

…que c'est au point même où ces paradoxes jaillissent 
que 

l'être se présente

, et ne se présente jamais que de 

par-être

.  

 
 

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110

Il faudrait apprendre en fin de compte, à conjuguer, 
à

 

conjuguer

 

comme il se doit :  

-

 

je pare-suis, 

 

-

 

tu pare-es, 

 

-

 

il pare-est, 

 

-

 

nous pare-sommes 

 

-

 

et ainsi de suite. 

 
Eh bien, tout ceci nous introduit, nous introduit à 
cet énoncé, qui comme vous pouvez bien l'admettre,  
si vous donnez l'accent que cette 

nouvelle

 orthographe 

avec toutes ses conséquences, toutes ces conséquences 
morphologiques qu'il faut savoir assumer, si dans 
cette nouvelle conjugaison que je vous propose,  
c'est bien à partir de là qu'il faut prendre ce qui 
est en jeu dans ce qui se trouve être aussi dans une 
relation de 

par-être

, d'être à côté, d'être 

para

 au regard 

de ce rapport sexuel dont il est clair que dans tout 
ce qui s'en approche, le langage ne se manifeste que 
de son insuffisance, c'est bien au regard de ce 

par-être

 

que ce qui supplée à ce rapport en tant qu'

inexistant

,  

c'est bien dans ce rapport au 

par-être

 que nous devons 

articuler ce qui y supplée, c'est à savoir 
précisément l'amour. 
 
Il est proprement 

fabuleux

 que la fonction de l'Autre, 

de l'Autre comme lieu de la vérité, et pour tout dire 
de la seule place - quoiqu'irréductible – que nous 
pouvons donner au terme de l'être divin, de Dieu pour 
l'appeler par son nom, Dieu est proprement le lieu où 
si vous m'en permettez le terme, se produit le dieu, 

le dieur

le dire

. Pour un rien, 

le dire

 ça fait Dieu. 

 

Aussi longtemps que se 

dira

 quelque chose, « l'hypothèse Dieu » sera là.  

Et c'est bien justement à essayer de dire 

quelque chose

 

que se définit ce fait, qu'en somme, il ne peut  
y avoir de vraiment athées que les théologiens.  
C'est à savoir ceux qui, de Dieu, en 

parlent

.  

Aucun autre moyen de l'être, sinon de cacher sa tête 
dans ses bras au nom de je ne sais quelle trouille, 
comme si jamais ce Dieu avait effectivement manifesté 
une présence quelconque.  
 

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111

Par contre il est impossible de 

 dire

 quoi que ce soit 

sans aussitôt le faire subsister, ne serait-ce que 
sous cette forme de l'Autre, que l'Autre aussi dit la 
vérité. 
 
C'est une chose qui est tout à fait évidente dans  
le moindre cheminement de cette chose que je déteste, 
et que je déteste pour les meilleures raisons,  
c'est-à-dire l'Histoire.  
 
L'Histoire étant très précisément faite pour nous 
donner l'idée qu'elle a un sens quelconque, alors que 
la première des choses que nous ayons à faire c'est 
de partir de ce que nous avons là en face,  
d'un 

dire

 qui est le 

dire

 d'un autre, qui nous raconte 

ses 

bêtises

, ses embarras, ses empêchements, ses émois,  

et que c'est là qu'il s'agit de 

lire

.  

Il s'agit de 

lire

 …  

Il s'agit de 

lire

 quoi ?  

Il s'agit de 

lire

 … rien d'autre que 

les effets de ces dires

.  

 
Et ces effets, nous voyons bien tout ce en quoi  
ça agite, ça remue, ça tracasse les 

êtres parlants

.  

Et bien sûr pour que ça aboutisse à quelque chose,  
il faut bien que ça serve.  
Et que ça serve, mon Dieu, à ce qui s'arrange,  
à ce qui s'accommode, à ce que boiteux-boitillant, 
ils arrivent quand même à donner une ombre de petite 
vie à ce sentiment dit de l'amour. 
 
Il faut, il le faut bien, il faut que ça dure 

encore

,  

à savoir que par l'intermédiaire de ce sentiment 
quelque chose se produise qui en fin de compte…  

comme l'ont très bien vu des gens, qui à l'égard 
de tout ça, ont pris leurs précautions, comme ça, 
sous le paravent de l'Église 

…que ça aboutisse à la reproduction.  
À la reproduction de quoi ?  
À la reproduction des corps.  
 
 
 
 

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112

Mais est-ce que il ne se pourrait pas, il ne se 
sentirait pas, il ne se toucherait pas du doigt,  
que le langage a d'autres effets que de mener  
les gens par le bout du nez à se reproduire encore ? 
En corps à corps, et en corps, comme ça, incarné.  
Il y a quelque chose quand même qui est un autre  

effet de ce langage

, qui est… qui est justement 

l'écrit

 
Il y a quand même ceci de ses caractéristiques,  
si j'ose m'exprimer ainsi, et digne d'être relevé, 
c'est que de l'écrit, depuis que le langage existe, 
nous avons vu des mutations.  
Ce qui s'écrit…  
c'est pas facile à dire  
…ce qui s'écrit c'est 

la lettre

, et 

la lettre

, mon Dieu,  

c'est pas toujours fabriqué de la même façon.  
 
Alors là-dessus on fait de l'histoire, l'histoire de 
l'écriture, et on se casse la tête à imaginer ce à 
quoi ça pouvait bien servir les pictographies mayas 
ou aztèques, et puis un peu plus loin les cailloux  
du Mas d'AZIL.  

  

 

 
Enfin, qu'est-ce que ça pouvait bien être que ces 
drôles de dés, à quoi jouait-on avec ça ? 
Tout ça, comme c'est d'habitude la fonction de 
l'Histoire, il faudrait dire surtout : ne touchez pas 
à la hache, initiale de l'Histoire, ce serait une 
bonne façon de ramener les gens à la première des 
lettres, celle à laquelle je me limite, je reste 
toujours à la lettre A. Il est d'ailleurs tout à fait 
clair que la Bible ne commence qu'à la lettre B,  
elle m'avait laissé la lettre A 

[ Rires ]

 - hein ! –  

pour que je m'en charge ! 

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113

Il y a beaucoup à s'instruire, non pas en recherchant 
les cailloux du Mas d'AZIL, ni même en faisant ce que 
j'ai fait comme ça, pour mon bon public, dans un 
temps

39

 - public d'analystes - un bon petit temps.  

On leur expliquait 

le trait unaire

, l'encoche, c'était à la 

portée de leur entendement.  
Mais il faudrait mieux regarder de plus près ce que 
font les mathématiciens avec les lettres, et 
nommément depuis que… 

au mépris d'un certain nombre de choses,  
et de la façon la plus fondée 

…ils se sont mis, sous le nom de 

théorie des ensembles

, à 

s'apercevoir qu'on pouvait aborder l'

Un

 d'une autre 

façon que 

intuitive, fusionnelle, amoureuse

 enfin.  

 
Nous ne sommes qu'un

.  

Chacun sait, bien sûr que c'est jamais arrivé entre 
deux qu'ils ne fassent qu'un, n'est-ce pas.  
Mais enfin, nous ne sommes qu'un.  
C'est de là que ça part cette idée de l'amour.  
C'est vraiment la façon la plus grossière de donner à 
ce terme… 

à ce terme qui se dérobe manifestement  

…du rapport sexuel, son signifié. 
 
Le commencement de la sagesse devrait être de 
commencer par s'apercevoir que… et c'est en ça que le 
vieux père FREUD a frayé des voies, quand même.  
Il est tout de même très joli, très frappant… 

c'est de là que je suis parti parce que ça m'a 
moi-même, comme ça, un petit peu touché, ça 
pourrait toucher 

n'importe qui

 d'ailleurs, n'est-ce pas 

…de s'apercevoir que le fondement de l'amour,  
si ça a rapport avec l'« 

Un

 », ça a très exactement 

pour résultat de ne jamais faire sortir quiconque de 
soi-même. Si c'était ça…  

c'est tout ça et rien que ça  
qu'il a dit, n'est-ce pas 

…à partir du moment où il a introduit la fonction  
de l'amour narcissique, tout le monde a pu sentir  
que le problème c'était comment il pouvait y avoir  
un amour pour un 

autre

.  

                                                 

39 Cf. séminaire 1961-62,  L'identification, séance du  20-12-1961, et  James Février, Histoire de l’écriture, Payot, 1948. 

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114

Et que, il est bien clair que cet « 

Un

 », dont tout le 

monde a plein la bouche, c'est d'abord et 

essentiellement

  

de nature, n’est-ce pas, de 

ce mirage

 de l'« 

Un

 » qu'on 

se croit être.  
 
Mais enfin ça n'est quand même pas pour dire que ce 
soit là tout l'horizon, c’est à savoir que… il y a, 
il y a autant d'« 

Un

 » qu'on voudra.  

Quand je dis « 

il y a autant d'

« 

Un

 » 

qu'on voudra

 »,  

je veux pas dire : il y a autant d'individus qu'on 
voudra, parce que ça, ça ne veut rien dire, c'est du 
comptage.  
Il y a autant d'

Un

 - comme 

Un

 - mais 

Un   

de la première 

hypothèse du 

Parménide 

40

ces « 

Un

 » se caractérisent de 

ne se ressembler chacun en rien. 
Ce qui est l'irruption, l'intrusion de 

la théorie des ensembles

 

c'est justement de poser ça : parlons de l'« 

Un

 »  

en ceci qu'il s'agit de choses qui n'ont entre elles 
strictement aucun rapport.  
 
À savoir mettons-y ce qu'on appelle 

des objets de pensée

 ou  

des objets du monde

, tout ça, ça compte chacun pour « 

Un

 »,  

et si nous assemblons ces 

choses

 absolument 

hétéroclites

,  

nous nous donnons le droit de désigner cet assemblage 
par 

une lettre

.  

C'est ainsi que s'exprime, au début de 

la théorie des 

ensembles

, par exemple celle que la dernière fois j'ai 

avancée au titre de Nicolas BOURBAKI. 
 
Vous avez laissé passer ceci, c'est que j'ai dit…  

comme d'ailleurs c'est écrit, comme ça s'imprime, 
comme c'est imprimé dans la

 

dite 

théorie des ensembles

  

…que la 

lettre

 désigne un assemblage.  

 
C'est justement, quoique les auteurs… 

puisque comme vous le savez, ils sont multiples, 
les auteurs qui ont fini par donner leur 

assentiment

  

à l'édition définitive de la dite théorie 

…prennent soin de ceci : de dire qu'ils 

désignent

 des 

assemblages.  
 

                                                 

40 Platon, Parménide ou Des Idées, Paris, Gallimard, Pléiade, 1967, p. 193. 

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115

Mais c'est là justement qu'est leur timidité et du 
même coup leur erreur : la 

lettre

 est la seule chose  

qui 

fasse

 ces assemblages. La lettre, ou les lettres, 

sont

 - et non pas 

désignent

 - ces assemblages.  

Et en tant que lettres, elles sont prises,  
comme fonctionnement, 

comme

 ces assemblages mêmes. 

 
Vous voyez qu'à conserver encore ce « 

comme

 »,

  

je m'en tiens à l'ordre de ce que j'avance  
quand je dis que « 

l'inconscient  est  structuré  

comme 

 un  langage

 ».  

Ce « 

comme

 » est très précisément - j'y reviens 

toujours - pensé comme disant… ne disant pas : 
que l'inconscient est structuré 

par

 un langage.  

Il est structuré… 

comme les assemblages dont il s'agit  
dans la théorie des ensembles sont 

…comme une lettre.  
 
Et c'est de ceci qu'il s'agit quand nous avançons 
dans la profération mathématique.  
Quel rôle joue-t-elle ?  
Quel support pouvons-nous y prendre pour lire ?  
Pour lire en tant qu'il y a des lettres, pour lire…  

qu’à ne lire que les lettres 

…pour lire ce dont il s'agit quand nous prenons  

le langage comme étant ce qui fonctionne pour suppléer l'absence de ce qui justement est la 
seule part du réel qui ne puisse pas venir à se former de lettres, à savoir le rapport sexuel

 
C'est dans le jeu même, le jeu même de 

l'écrit  mathématique

 

que nous avons à trouver, si je puis dire, la pointe, 
le point d'orientation vers quoi nous avons à nous 
diriger pour que de cette pratique, de ce 

lien social 

nouveau

…  

qui émerge et singulièrement s'étend, et  
qui s'appelle le discours analytique 

…tirer ce qu'on peut en tirer quant à la fonction 
même de ce langage, de ce langage à quoi nous faisons 
confiance en somme pour que ce 

discours

 ait des effets, 

sans doute moyens mais suffisamment supportables  
pour que ce discours puisse supporter et compléter 
les autres discours. 
 
 
 

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116

Nous verrons à l'occasion…  

puisque depuis quelques temps il est clair que  

le discours universitaire

 s'écrit 

autrement

 et qu'il doit être 

« 

uni vers Cythère

 », qu'il doit répandre 

l'éducation sexuelle

  

…nous allons voir comment ça va se faire, à quoi ça 
aboutira, il faut surtout pas y faire obstacle. 
 
 
L'idée même du « 

point

 » de savoir, se pose très 

exactement dans la situation autoritaire du semblant, 
que de ce point quelque chose puisse se diffuser  
qui ait pour effet d'améliorer, si l'on peut dire, 
les rapports inter-sexes, est quelque chose qui 
assurément est fait, pour un analyste, pour provoquer 
le sourire. Mais après tout, qui sait ? 
Nous l'avons dit déjà, le sourire de l'ange est le 
plus bête des sourires, il faut donc jamais s'en 
targuer, n’est-ce pas.  
Mais très assurément il est clair que cette 

idée même

que la 

démonstration

, si je puis dire, au tableau noir 

de quelque chose qui se rapporte à 

l'éducation sexuelle

 n'est 

certainement pas fait…  

du point de vue du discours de l'analyste,  

…pour paraître plein de promesses de 

bonnes rencontres

 

ou de bonheur, comme on dit de nos jours. 
 
Il y a quand même quelque chose qui - dans mes 

Écrits

 - 

montre, si je puis dire, que ma bonne orientation…  

puisque c'est celle dont  
j'essaie de vous convaincre  

…ne date pas d'hier.  
 
C'est quand même au lendemain d'une guerre, où rien 
évidemment ne semblait promettre des lendemains qui 
chantent, que j'ai écrit quelque chose qui s'appelle 

Le temps logique et l'assertion de certitude anticipée 

41

 où on peut quand même 

très très bien lire - si on écrit - pas seulement si 
on a de l'oreille, que la fonction de la hâte c'est 
la fonction de ce petit(

a

), petit(

a - t

).  

 
 

                                                 

41

 

Cf. 

Écrits

, pp.197-214 

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117

Je veux dire que ce dont il s'agit qui mériterait 
d'être regardé de plus près, c'est pas simplement de 
ceci, qui est déjà très très articulé, n'est-ce-pas, 
à savoir d'une petite devinette liée au fait qu'il y 
a pour trois personnes trois disques blancs et de 
noirs un de moins, que les choses se jouent en fait.  
 
Et que dans cette extrapolation subjective qui fait 
que - en apparence - 

l'instant de voir

l'instant de voir

 deux blancs, 

celui qui ne sait pas qui il est et qui sait que les 
deux autres, en tout cas chacun, peuvent se voir tels 
qu'ils sont, à savoir blancs, et du même coup,  
si par hasard ils se pensaient noirs et que celui qui 
pense de départ, le fut lui-même, saurait très bien,  
du même coup, qu'il est blanc.  
 
Il y a là quelque chose dont j'ai mis seulement en 
valeur le fait que quelque chose comme une 

inter-subjectivité

 

peut aboutir à une issue salutaire, mais qui 
mériterait assurément d'être regardée de plus près. 
Très précisément au niveau de ce que supporte chacun 
des sujets non pas d'être « un entre autres »,  
mais d'être par rapport aux deux autres celui qui est 
l'enjeu de leur pensée, à savoir très précisément 
chacun n'intervient dans ce ternaire qu'au titre 
justement de cet objet petit(

a

) qu'il est sous le 

regard des autres. C'est ce que sans doute j'aurai 
l'occasion d'

accentuer

 dans ce que j'avancerai plus tard. 

En d'autres termes ils sont trois, mais en réalité 
ils sont deux plus (

a

), et c'est bien en ceci que ce 

deux plus (

a

), au point du (

a

), se réduit non pas aux 

deux autres mais à un « 

Un 

+(

a

)».  

 
Vous savez que là-dessus j'ai déjà usé de ces 

fonctions

 

pour essayer de vous représenter l'inadéquat  
du rapport de l'

 Un

 à l'autre, ce que j'ai déjà fait 

en donnant à ce petit (

a

) pour support le nombre 

irrationnel qu'est le nombre dit « 

nombre d'or

 ».

  

C'est en tant que du petit (

a

)

 

les deux autres sont 

pris comme « 

Un 

+(

a

)» que fonctionne ce quelque chose 

qui peut aboutir à une sortie dans la hâte.  
 
 

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118

Cette fonction d'identification, qui se produit dans 
une articulation ternaire, est celle qui se fonde de 
ceci que en aucun cas ne peuvent se tenir pour 
support deux comme tels, que entre deux, quels qu'ils 
soient, il y a toujours l'« 

Un

 » et l'autre, le « 

Un

 » 

et le petit (

a

), et que l'autre ne saurait dans aucun 

cas être pris pour un « 

Un

 » 

42

.  

C'est très précisément en ceci que dans l'écrit, 
quelque chose… quelque chose se joue qui, à partir  
de ceci de brutal, prend pour « 

Un

 » tous les 

Un

 qu'on 

voudra, que les impasses qui s'en révèlent sont par 
elles-mêmes pour nous un accès possible à cet être, 
une réduction possible de la fonction de cet être 
dans l'amour. 
 
C'est en ceci, en ceci que je veux terminer sur ce 
terme par où se différencie le signe du 

signifiant

.  

Le 

signifiant

, ai-je dit, se caractérise de ceci :  

de représenter un sujet pour un autre signifiant

.  

 
De quoi s'agit-il dans 

le signe

 ?  

Depuis toujours la théorie 

cosmique

 de la connaissance, 

la conception du monde fait état de l'exemple fameux 
de « la fumée qu'il n'y a pas sans feu ».  
Et pourquoi ici n'avancerais-je pas ce 

qu'il me semble

C'est que la fumée peut être aussi bien 

le signe du fumeur

et non seulement aussi bien le signe du fumeur,  
mais qu'elle l'est toujours par essence,  
que il n'y a de fumée que de signe du fumeur.  
Chacun sait que si vous voyez une fumée au moment où 
vous abordez une île déserte, vous vous dites tout de 
suite qu'il y a toutes les chances qu'il y ait là 
quelqu'un qui sache faire du feu, et jusqu'à nouvel 
ordre, ce sera un autre homme.  
 
Ce signe, ce signe en tant que le signe n'est pas  
« 

le signe de quelque chose

 », mais est le signe d'un 

effet qui est ce qui se suppose en tant que tel  
d'un fonctionnement du signifiant, qui est ce que 
FREUD nous apprend et ce qui est le départ, départ 
comme tel du discours analytique, à savoir que le 
sujet ce n'est rien d'autre… 

                                                 

42 Cf. séminaire 1966-67,  La logique du fantasme,  séances du  22-02 au 26-04-1967.   

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119

qu'il ait ou non conscience  
de quel signifiant il est l'effet 

…ce n'est rien d'autre comme tel que ce qui glisse 
dans une chaîne de signifiants.  
Ce n'est rien d'autre que cet effet qui est l'effet 
intermédiaire, intermédiaire entre ce qui caractérise 
un signifiant et un autre signifiant, c'est d'être 
chacun « 

Un

 », d'être chacun un élément.  

Nous ne connaissons rien, nous ne connaissons pas 
d'autre - en somme - support par où soit introduit 
dans le monde le « 

Un

 » si ce n'est le signifiant  

en tant que tel, et en tant que nous apprenons  
à le séparer de ses effets de signifié. 
 
Ce qui donc dans l'amour est visé, c'est le sujet,  
le sujet comme tel, en tant qu'il est supposé - à une 
phrase - articulé, à quelque chose qui s'ordonne, 
peut s'ordonner d'une vie entière, mais ce que nous 
visons dans l'amour, c'est un sujet et ce n'est rien 
d'autre.  
 
Un sujet comme tel n'a pas grand chose à faire avec 
la jouissance, mais par contre, dans la mesure où  

son signe

son signe

 est quelque chose qui est susceptible  

de provoquer le désir, là est le ressort de l'amour, 
et par là le cheminement que nous essaierons de 
continuer dans les fois proches pour vous montrer  
où se rejoint l'amour et la jouissance sexuelle. 

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120

13 Février 1973                                                                                  

Table des matières

 

 
 
 
 
Tous les besoins, tous les besoins de l'être parlant 
sont contaminés par le fait d'être impliqués dans  

une  autre satisfaction

 -

 

soulignez ces trois mots - à quoi ils 

peuvent faire défaut, les dits besoins j'entends. 
Comment ça peut-il se faire ?  
Cette première phrase… 

que, mon Dieu, en me réveillant ce matin,  
je l'ai mise sur le papier, comme ça,  
pour que vous l'écriviez 

…cette première phrase emporte l'opposition des 
besoins, si tant est que ce terme…  

dont le recours est commun, vous le savez 

…puisse si aisément se saisir, puisqu'après tout  
il ne se saisit qu'à faire défaut à ce que je viens 
d'avancer comme cette 

autre satisfaction

.

 

 
L'

 autre satisfaction

 … 

tout de même vous devez l'entendre ! 

…c'est bien ce qui se satisfait au niveau de 

l'inconscient

et pour autant que quelque chose s'y 

dit

, et ne s'y 

dit 

pas

 s'il est bien vrai qu'il est 

structuré comme un langage

.  

 
Je reprends là, c'est-à-dire d'une certaine distance 
de ce à quoi depuis un moment je me réfère,  
c'est à savoir la jouissance dont dépend  
cette 

autre satisfaction

, celle qui se supporte du langage. 

Si comme ça, enfin, dans l'intervalle… 

dans l'intervalle des temps  
de ce que j'énonce ici  

…il vous arrive, ça pourrait vous arriver,  
ça pourrait même vous être indiqué par des échos  
que vous auriez de ce qu'en traitant il y a 

longtemps

…  

il y a très longtemps : 58-59 

L'Éthique de la psychanalyse

 

j'ai désigné, enfin ce sur quoi 

j'ai insisté en partant de rien de moins que  
l'

Éthique à Nicomaque 

d'ARISTOTE. Ça peut se lire !  

Il n’y a qu'un malheur pour un certain nombre ici, 
c'est que ça ne peut pas se lire en français.  
C'est manifestement intraduisible.  

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121

Il m'est arrivé, il m'est arrivé de m'assurer… 

je ne le soupçonnais pas jusqu'à présent 

…en m'en faisant venir un exemplaire pendant  
que j'étais à la montagne, en m'en faisant venir  
un exemplaire qu'on a pu me trouver, grâce à je ne 
sais quoi qui arrive dans l'édition…  

les éditeurs m'enragent ! Ce n'est pas une raison 
pour que je leur fasse de 

la réclame

, en en parlant 

justement de ce qu'ils m'enragent  

…dans l'occasion c'est pas ça qui m'enrageait  
du tout, simplement une traduction qui bien sûr 
m'avait servi, à moi comme aux autres… 

parce qu'il ne faut pas croire que je lis  
comme ça aisément, enfin, le grec 

…et alors la traduction, quand elle est en face, 
donne un petit support, enfin… Ouais !  
Enfin bref, il y avait chez GARNIER autrefois une 
chose 

qui a pu me faire croire

 qu'il y avait une traduction, 

d'un nommé VOILLEQUIN, ou VOILQUIN,  
je ne sais pas comment ça se prononce.  
C'est un universitaire évidemment, c'est pas de sa 
faute !… c'est pas de sa faute si le grec ne se 
traduit pas en français !  
Quoi qu'il en soit, pour avoir eu cette traduction 
toute seule, depuis quelques temps les choses s'étant 
condensées de façon telle, qu'on ne vous donne plus 
chez GARNIER que…  

qui s'est en plus réuni à FLAMMARION, ouais !  

…on ne donne plus chez GARNIER que le texte français. 
Ouais ! Alors quand 

vous lisez ça

, vous 

n'en sortez pas

C'est à proprement parler inintelligible.  
 
« 

Tout art et toute recherche

… je sais pas, je commence hein,  

de même que toute action et toute délibération réfléchie

…  

- quel rapport entre ces quatre trucs là ? –  

tendent semble-t-il vers quelque bien. Aussi a-t-on eu parfois parfaitement raison de définir 

le bien : ce à quoi on tend en toutes circonstances.

 

Toutefois

 ça vient là-

dessus comme des cheveux sur la soupe, on n'en a pas 
encore parlé …

il paraît bien qu'il y a une différence entre les fins 

43

». 

                                                 

43 Aristote, 

Éthique de Nicomaque

, traduction, préface et notes par Jean Voilquin, Paris, GF, 1965, ou Classique 

Garnier (Texte grec + traduction), 1940, même auteur. 

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122

Je défie quiconque qui pourra de ce texte s'en 
débrouiller sans d'abondants commentaires, et qui ne 
peuvent pas ne pas faire référence… 

et je vous assure très péniblement toujours  

…au texte grec, pour éclairer cette 

masse épaisse,

  

dont pourtant il est tout de même 

impossible

 de penser 

que c'est simplement parce que c'est 

des notes mal prises

.  

On a été, bien sûr, parce que… il vient, il vient 
comme ça avec le temps quelques 

lucioles

 dans l'esprit 

des commentateurs, il leur vient à l'idée que s'ils 
sont forcés de se donner tant de peine, il y a  
peut-être à ça une raison ! enfin, il est pas forcé 
du tout que ARISTOTE ce soit impensable.  
J'y reviendrai… 
 
Moi ce que j'avais écrit…  

enfin, comme ça, sous la forme de ce qui se tape 

…ce qui 

se trouvait écrit

 de ce que j'avais dit de l'Ethique, 

a paru plus qu'utilisable aux gens mêmes qui 

justement

à ce moment-là, s'occupaient de me faire… de me 
désigner à l'attention de 

l'Internationale de Psychanalyse

,  

avec le résultat que, que l'on sait.  
 
Mais du même coup, enfin… enfin ça aurait été très 
bien si de tout ça il avait quand même flotté  
ces quelques réflexions sur ce que la psychanalyse 
comporte d'éthique : ça aurait été en quelque sorte 
tout profit !  
 
J'aurais fait, moi, plouf !  
Et puis 

L'Éthique de la psychanalyse

 

aurait surnagé. 

Voilà un exemple… 

il faut prendre les choses toujours au plus près 

…un exemple de ceci que le calcul ne suffit pas. 
Parce que… parce que moi j'ai empêché cette  

Éthique de la psychanalyse

 

de paraître !  

 
Je m'y suis refusé simplement, à partir de l'idée que 
- mon Dieu - les gens qui ne veulent pas de moi,  
moi je ne cherche pas à les convaincre.  
Il ne faut pas convaincre : le propre de la 

psychanalyse

c'est de, de ne pas vaincre, 

con ou pas

 ! 

[ Rires ]

 

C'était quand même un séminaire pas mal du tout ! 

[ Rires ]

  

 

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123

À tout prendre, et parce que la chose avait été déjà 
comme ça une fois 

écrite

, et par les soins de quelqu'un

44

 

qui ne participait pas du tout à ce calcul de tout à 
l'heure, qui – lui - avait fait ça, comme ça, franc-
jeu, comme argent, de tout cœur… qu'il avait lui 
alors, qu'il en avait fait un écrit, un écrit de lui. 
Il ne songeait d'ailleurs pas du tout, bien sûr, à me 
ravir. Il l'aurait produit tel que, si j'avais bien 
voulu, bon !  
Alors j'ai pas voulu.  
 
Mais ça n'empêche pas que c'est peut-être de tous les 
séminaires, le seul que je réécrirai moi-même,  
et dont je ferai un écrit.  
Il faut bien que j'en fasse un quoi !  
Pourquoi ne pas choisir celui-là. 
 
Bon ! Vous voyez que ce que j'essaie, ce qu'il faut 
faire, n'est-ce pas, c'est quand même…  
disons : il n'y a pas de raison de ne pas se mettre  
à l'épreuve de voir, une chose comme ça par exemple,  
en quoi FREUD, en 

posant certains termes

 comme il a pu, 

en pensant

 ce qu'il découvrait…  

Comment, comment ce terrain, d'autres le voyaient 
avant lui ? C'est ça que je dis, une preuve de plus, 
une façon 

autre

 d'éprouver ce dont il s'agit,  

c'est que ce terrain n'est pensable que grâce aux 
instruments dont on opère, et que les seuls 
instruments dont nous pouvions voir se véhiculer  
le témoignage, eh bien c'est des 

écrits

.  

 
Il est tout à fait clair, il est rendu sensible par 
une épreuve toute simple, que même à le lire dans la 
traduction française, l'

Éthique à Nicomaque

,  

n'est-ce pas…  

vous n'y comprendrez rien bien sûr, mais pas plus 
qu'à ce que je dis, donc ça suffit quand même  

…vous verrez qu'ARISTOTE c'est pas plus 

compréhensible

 

que ce que je vous raconte, et que ça l'est même 
plutôt moins parce qu'il remue plus de choses,  
et des choses qui nous sont plus lointaines.  
 

                                                 

44 Mustapha Safouan.  

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124

Mais il est clair que cette 

autre satisfaction

 dont je parlais 

à l'instant, eh bien c'est exactement celle, 
repérable de surgir - de quoi ? - …  

eh bien mes bons amis

, impossible d'y échapper si 

vous ne mettez là, au pied du truc, n’est-ce pas 

des universaux : du Bien, du Vrai, du Beau

 
Qu'il y ait ces trois significations, spécifications, 
donne un aspect 

pathétique

 à l'approche qu'en font 

certains textes, comme ça, ceux qui relèvent d'une 
pensée 

autorisée

… 

je dis 

autorisée

 avec le sens, entre guillemets,  

que je donne à ce terme 

…léguée avec un nom d'auteur.  
Il y a certains textes qui nous viennent comme ça de 
ce que je regarde à deux fois à appeler une culture 
très ancienne, parce qu'il est clair que c'est pas de 
« la culture ». La culture en tant que distincte de 
la société, ça n'existe pas. La culture c'est 
justement ça, d'ancien, que nous n'avons plus sur le 
dos que comme une vermine. Parce que nous ne savons 
pas qu'en faire sinon nous en épouiller, moi je vous 
conseille de la garder parce que ça chatouille,  
ça réveille…  
Ça réveillera vos sentiments qui tendent plutôt  
à devenir un peu abrutis sous l'influence des 
circonstances ambiantes, c'est-à-dire de ce que les 
autres, qui viendront après, appelleront votre 

culture

  

à vous.  
 
La culture… 

la culture qui sera devenue pour eux  

de la culture

, parce que depuis longtemps  

vous serez là-dessous 

…tout ce que vous supportez de 

lien social

,

 car en fin de 

compte il n'y a que ça : ce 

lien social

 que je désigne du 

terme de 

discours

.  

Parce qu'il n'y a pas d'autre moyen de le désigner, 
dès qu'on s'est aperçu que le 

lien social

 ne s'instaure que 

de s'ancrer dans une certaine façon dans le langage, 
s'imprime, se situe, se situe sur cette « 

grouille

 », 

c'est-à-dire l'être parlant. 
Faut pas s'étonner, faut pas s'étonner que des 
discours antérieurs… 

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125

et puis il y en aura d'autres 

…des discours antérieurs ne soient plus pensables 
pour nous, ou très difficilement.  
Bon, je veux dire que… en fin de compte de la même 
façon que, moi le discours que j'essaye d'amener  
au jour, il ne vous est pas - comme ça - tout de 
suite accessible de l'entendre, d'où nous sommes  
il n'est pas non plus très facile d'entendre  
le discours d'ARISTOTE.  
Mais est-ce que c'est une raison pour qu'il ne soit 
pas pensable ? Il est tout à fait clair qu'il l'est !  
C'est simplement quand… quand nous imaginons, enfin, 
qu'ARISTOTE veut dire quelque chose, enfin que nous 
nous inquiétons de ce qu’il entoure.  
Parce qu'après tout, ce qu'il entoure, ce qu'il prend 
dans son filet, dans son réseau, ce qu'il retire,  
ce qu'il manie… à quoi il a affaire, avec qui il se 
bat, qu'est-ce qu'il… qu'est-ce qu'il soutient, 
qu'est-ce qu'il supporte, qu'est-ce qu'il travaille, 
qu'est-ce qu'il poursuit ? 
 
Mais évidemment, après tout, ce que je venais de vous 
lire tout à l'heure, les quatre premières lignes, 
vous entendez bien les mots, vous supposez bien que 
ça veut dire quelque chose, comme ça, quelque chose, 
vous ne savez pas quoi naturellement, mais « 

Tout art

 » 

ou « 

toute recherche

 », « 

toute action

 », tout ça :  

qu'est-ce que ça veut dire chacun de ces mots ?  
 
C'est quand même parce qu'il en a mis beaucoup à la 
suite, et puis que ça nous parvient imprimé après 
avoir été écrit, comme ça, pendant longtemps, qu'on 
suppose qu'il y a quelque chose qui fait, qui fait 
prise au milieu de tout ça, et c'est bien à partir  
du moment où nous nous posons la question, la seule : 

où est-ce que ça les

 

satisfaisait

 des trucs comme ça ?  

Peu importe quel en fut alors l'usage, on sait que ça 
se véhiculait, qu'il y avait des volumes d'ARISTOTE. 
Ça nous déroute quand même, et très précisément en 
ceci : « 

où est-ce que ça les satisfaisait

 » n'est 

traduisible que de cette façon « 

où est-ce qu'il y aurait eu faute à 

une certaine jouissance

 ? ».  

 

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126

Autrement dit, pourquoi, dans un texte comme ceci, 
pourquoi est-ce qu'ils se tracassaientt comme ça ? 
Vous avez bien entendu, 

faute

, défaut, quelque chose  

qui ne va pas, quelque chose qui dérape dans ce qui, 
dans ce qui manifestement est visé, et puis ça 
commence comme ça tout de suite, au début,  
le Bien et le Bonheur : « 

DU BI, DU BIEN, DU BENÊT

 

45

 » ! 

 

La réalité est abordée avec les appareils de la jouissance

, voilà encore une 

formule que je vous propose, si tant est que nous 
nous centrions bien sur ceci : que d'

appareil

 il n'y en a 

pas d'autre que le langage.  
C'est 

comme ça

 que chez l'être parlant 

la jouissance

  

est appareillée, et c'est ça ce que dit FREUD,  
bien sûr si nous 

corrigeons

 cet énoncé qui est celui où 

je vais en venir tout à l'heure pour l'accrocher,  
à savoir celui du 

principe du plaisir

.  

Ce que ça veut dire ?  
Pourquoi il l'a dit comme ça ?  
 
Il l'a dit comme ça parce qu'il y en avait d'autres 
qui avaient parlé avant lui et que c'était la façon 
qui lui paraissait la plus audible.  
C'est très facile à repérer en fin de compte,  
et cette conjonction d'ARISTOTE avec FREUD, ça aide  
à ce repérage.  
 
Si je pousse loin au point où maintenant ça peut se 
faire, si l'inconscient est bien ce que je dis,  

structuré comme un langage

, à savoir qu'à partir de là  

ce langage s'éclaire sans doute de se poser comme 

appareil de la jouissance

, mais inversement 

la jouissance

 aussi,  

peut-être qu'en elle-même aussi, elle montre qu'elle 
est en défaut, que pour que ce soit comme ça, il faut 
quelque chose de son côté qui 

boite

 
Qu'est-ce que je vous ai dit : la réalité est abordée 
avec ça, avec les appareils de jouissance.  
Et oui, ça veut pas dire que la jouissance est 
antérieure à la réalité, c'est là aussi un point où 
FREUD a prêté à malentendu, quelque part.  

                                                 

45 

Cf.

 la sempiternelle publicité  de l’époque :  DUBO - DUBON- DUBONNET. 

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127

Et vous trouverez dans ce qui est classé en français 
dans les 

Essais de Psychanalyse 

46

… 

je vous dis ça pour que vous vous repériez,  
si je vous donne simplement 

l'indication bibliographique

vous saurez même pas où c'est  

…c'est dans les 

Essais de Psychanalyse

.  

Il y a quelque chose qui ressemble, qui ressemble  
à l'idée d'un 

développement

, n'est-ce pas, qu'il y a un  

Lust-Ich

 avant un 

Real-Ich

.  

C'est un glissement, c'est un retour à l'ornière, 
cette ornière que j'appelle le 

 développement

, et qui n'est 

qu'une hypothèse de la maîtrise.  
 
Soit disant que le bébé : 

rien à faire avec le Real-Ich.

 

Pauvre lardon… incapable d'avoir la moindre idée  
de ce que c'est que le réel !  
C'est réservé aux gens que nous connaissons,  
à ces 

adultes

, dont par ailleurs il est expressément 

dit 

qu'ils ne peuvent jamais arriver à se réveiller

.  

C'est-à-dire que quand il arrive dans leur rêve 
quelque chose qui menacerait de passer au réel,  
ça les affole tellement qu'aussitôt ils se 
réveillent, c'est-à-dire 

qu'ils continuent à rêver

 !  

Il suffit de lire,  
il suffit d'y être un peu,  
il suffit de les voir vivre,  
il suffit de les avoir en psychanalyse - Ouais ! - 
pour s'apercevoir ce que ça veut dire donc, que le 
« 

développement

 ». 

 
Oui, quand on dit 

primaire

 et 

secondaire

 pour les processus, 

il y a peut-être là une sorte de 

façon de dire

,  

qui fait illusion. En tout cas disons que c'est pas 
parce qu'un processus est dit 

primaire

… 

on peut bien les appeler comme on veut après tout 

…qu'il apparaît le 

premier

.  

Quant à moi, j'ai jamais regardé un bébé sans…  
en ayant le sentiment qu'il n'y avait pas pour lui de 
monde extérieur : il est tout à fait manifeste qu'il 
ne regarde que ça, et que ça l'excite manifestement !  
 

                                                 

46 S. Freud, 

Essais de Psychanalyse

, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1981.

 

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128

Et ce, et ce mon Dieu dans la proportion exacte où il 
ne parle pas encore.  
À partir du moment où il parle, eh ben… 

à partir de ce moment là,  
très exactement, pas avant 

…je comprends qu'il y ait du refoulement.  
 
Le processus est peut-être primaire - du 

Lust-Ich

 –  

et pourquoi pas ?  
Il est évidemment primaire dès que nous commencerons 
à penser, mais il est certainement pas le premier. 
 
Cette idée du développement qui se confond - avec 
quoi ? - avec le 

développement de la maîtrise

… 

je l'ai dit tout à l'heure 

…c'est là qu'il faut quand même avoir un petit peu, 
enfin un peu 

d'oreille,

 comme pour la musique :  

je suis 

m'être

, je progresse dans la 

m'êtrise

,  

le développement c'est quand on devient de 

plus en plus

 

m'être

, je suis 

m'être

 de moi comme de l'Univers.  

Ouais, c'est bien là 

ce dont je parlais tout à l'heure

 : 

de con-vaincu

.  

 
L'univers… 

à partir de certaines petites - comme ça - 
lumières, un peu… que j'ai essayé de vous donner 

…l'univers, l'univers c'est une fleur de rhétorique. 
Alors ça pourrait peut-être aider à comprendre que…  
avec cet écho littéraire, que le 

moi

, peut-être aussi, 

l'est… fleur de rhétorique sans doute, qui pousse  
du pot du 

principe du plaisir

, de ce que FREUD appelle 

Lustprinzip

, et de ce que je définis : « de ce qui se 

satisfait du

 blablabla 

»

. Car c'est ça quand je dis que 

l'inconscient est structuré comme un langage.  
Faut que je mette les points sur les i ! 
 
L'univers, vous pouvez peut-être tout de même 
maintenant vous rendre compte, à cause de la façon 
dont j'ai accentué l'usage de certains mots,  
leur application différente dans les deux sexes,  
à savoir ce que j'ai 

accentué

 du « 

tout

 » et du « 

pas tout

 », 

l'univers, c'est là où de 

dire tout

 réussit…  

Ouais ! Est-ce que je vais me mettre  
à faire là du 

William James

 ?  

…Réussit à quoi ?  

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129

La réponse… 

grâce au point où avec le temps j'ai fini  
par vous en faire arriver, où j'espère avoir  
fini par vous en faire arriver 

… : réussit 

à faire rater le rapport sexuel de la façon mâle

.  

Normalement je devrais recueillir ici des 

ricanements

hélas rien de pareil ! Les 

ricanements

 devraient 

vouloir dire : Ah ! vous voilà donc pris,  
deux manière de la rater l'

affaire

, le rapport sexuel. 

C'est comme ça que se module la musique de 

l'épithalame

.  

L'épithalame

47

, le duo… 

parce qu'il faut quand même  
distinguer le duo du dialogue 

…l'alternance, la lettre d'amour, ce n'est 

pas

  

le rapport sexuel. Ils tournent 

autour

 du fait  

qu'il n'y a pas de rapport sexuel

.  

 
Qu'il y ait donc, la façon mâle de tourner autour  
et puis l'autre, que je désigne pas autrement,  
parce que c'est ça que cette année je suis en train 
d'élaborer, à savoir comment de la façon femelle  
ça s'élabore du « 

pas tout

 ». Seulement comme jusqu'ici 

ça n'a pas beaucoup été exploré le 

pas tout

, c'est ça 

évidemment qui me donne un peu de mal. 
 
Là-dessus je vais vous en raconter une bien bonne 
pour vous distraire un peu. Ouais, c'est que, au 
milieu de mes sports d'hiver, j'ai cru devoir - pour 
tenir une parole – me véhiculer jusqu'à Milan, à une 
heure à vol d'oiseau rapide de Milan que c’était,  
par le chemin de fer ça faisait une journée entière 
d'y aller. Bon, enfin bref, j'ai été à Milan et… 

comme moi je ne peux jamais quitter,  
parce que je suis comme ça vous comprenez 

…j'ai dit que je referais 

L'Éthique de la psychanalyse

, mais 

c'est parce que je la ré-extrais, je ne peux pas ne 
pas rester au point où j'en suis, de sorte que de 
donner ce titre 

absolument fou

 pour une conférence aux 

milanais qui n'ont jamais entendu parler de ça :  

la psychanalyse dans sa référence au rapport sexuel.

  

Ben ils sont très intelligents.  
 

                                                 

47   Poème ou chant composé à l'occasion d'un mariage pour célébrer les nouveaux mariés 

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130

Ils ont tellement bien entendu qu’aussitôt,  
le soir même, dans le journal, il était écrit :  
« 

Pour le Docteur LACAN, les dames, les «  donne », n'existent pas

 ! » 

[ Rires ]

 

Ben c'est vrai que voulez-vous, si 

le rapport sexuel n'existe pas

,  

ben, il n'y a pas de dames quoi, hein ! 

[ Rires ]

 

Il y avait une personne qui était furieuse, c'était 
une dame du M.L.F. de là-bas 

[ Rires ]

. Et même qu'il a 

fallu… qu'il a fallu que je leur explique,  
et j'ai pris le soin de leur expliquer.  
Il y en avait en tout cas une qui était vraiment…  
ah oui ! Je lui ai dit :  
« 

Venez demain matin, je vous expliquerai de quoi il s'agit, je vous expliquerai de quoi 

 il s'agit, que c'est justement de ça que je parle

 ! ». 

 
J'essaie d'élaborer ce qu'il en est de cette affaire 
du rapport sexuel à partir de ceci : que, s'il y a un 
point d'où ça pourrait s'éclairer… 

puisque justement il y a 

quelque chose

  

là qui ne se réunit pas 

…c'est justement du côté des dames, pour autant que 
c'est, de l'élaboration du 

pas tout

 qu'il s'agit… qu'il 

s'agit de frayer la voie, ce qui est mon vrai sujet 
de cette année - derrière cet 

Encore

 – qui est… ben 

voilà : un des sens, que j'essaie – encore - et après 
d'autres.  
 
Ça veut dire que c'est peut-être par une autre voie 
que j'arriverai à faire sortir quelque chose,  
qui ne soit pas tout à fait ce qui s'est sorti 
jusqu'à présent sur la sexualité féminine.  
Parce que quand même c'est bien intéressant,  
et il est même frappant que… il y a une chose en tout 
cas qui de ce 

pas tout

 donne un témoignage éclatant,  

avec une de ces nuances, une de ces oscillations de 
signification qui se produit, parce que la langue  
ça doit tout de même nous habituer à ça.  
Vous voyez ce que ça change de sens, le 

pas tout

, quand 

je vous dis :  
« 

Nos collègues analystes, sur la sexualité féminine, elles ne nous disent pas tout

 ! ». 

C'est même tout à fait frappant, parce qu'on ne peut 
pas dire que ce soit elles qui aient fait avancer 
d'un bout la question. Je parle de 

la sexualité 

féminine

.  

 
 

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131

Elles n'ont pas plus de raisons que les autres  
de ne pas en savoir un bout, il doit y avoir à ça une 
raison plus interne, liée justement à cette structure 
de l'appareil de la jouissance. 
 
Bon alors, pour en revenir donc à ce que tout à 
l'heure je me soulevais à moi-même, bien tout seul, 
comme objection, à savoir que :  
qu'il y avait une 

façon de rater

 mâle et puis une autre.  

Je parle de rater le rapport sexuel, ce qui en est la 
seule forme de réalisation si comme je le pose  

il n'y a pas de rapport sexuel

.  

 
Alors donc, quand je dis que, dire tout réussit,  
hein, ça n'empêche pas de dire 

pas tout

 de réussir aussi, 

à condition que ce soit de la même manière,  
c'est-à-dire que ça rate.  
Il ne s'agit pas d'analyser 

comment ça réussit

.  

Il s'agit de répéter jusqu'à plus soif 

pourquoi ça rate

.  

 

Pourquoi ça rate

, c'est objectif.  

J'y ai déjà insisté. C'est même tellement 
frappant que c'est objectif, que c'est là-dessus 
qu'il faut centrer dans 

le discours analytique

 ce qu'il en 

est de l'objet  

C'est l'objet.  
C'est pas la peine de chercher… 

comme je l'ai déjà dit depuis longtemps 

…le bon et le mauvais objet, et en quoi ils 
diffèrent : l'objet n'est ni bon… il y a le bon,  
il y a le mauvais, oh la la ! justement, aujourd'hui 
j'essaie d'en partir - hein ! - de ce qui a affaire 
avec 

le bon

le bien

, et ce qu'énonce FREUD.  

 
Mais l'objet c'est un raté, c'est l'

essence

 de l'objet 

le ratage. Vous remarquerez – hein - que j'ai parlé 
de l'essence – hein - tout comme ARISTOTE…  
Et puis après !  
Ça veut dire que ces vieux mots sont tout à fait 
utilisables. 
Enfin, dans un temps où je piétinais moins 
qu'aujourd'hui… 

c'est même là que j'en suis passé,  
tout de suite après ARISTOTE 

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132

…j'ai dit que si quelque chose avait un peu aéré 
l'atmosphère après tout ce piétinement grec autour de 
l'eudémonisme… 

ça veut dire le bonheur, tout simplement,  
ça, ça se traduit 

si quelque chose les avait tirés de là, c'était la 
découverte de l'

utilitarisme

.  

 
Ça a fait sur les auditeurs que j'avais alors  

ni chaud ni froid

, parce que l'

 utilitarisme

 ils n'en avaient 

jamais entendu parler, de sorte qu'ils ne pouvaient 
pas faire d'erreur et qu'ils ne pouvaient pas croire 
que c'était le recours à l'utilitaire.  
Je leur ai expliqué ce que c'était que l'

 utilitarisme

  

au niveau de BENTHAM… 

c'est-à-dire pas du tout ce qu'on croit, et qu'il 
faut pour ça lire la Théorie, 

Theory of  fictions 

48

  

…et que l'utilitarisme, ça ne veut pas dire autre 
chose que ça :  
c'est que les vieux mots - c'est de ça qu'il s'agit - 
ceux qui servent déjà, eh ben, c'est 

à quoi

 ils servent 

qu'il faut penser. Rien de plus.  
Et ne pas s'étonner du résultat quand on s'en sert. 
On sert à quoi ils servent :  
« 

à ce qu'il y ait de la jouissance qu'

il faut 

», si vous me suivez jusqu'à 

présent, à ceci près que…  

grâce à quelque chose, que je ne peux tout de 
même pas toujours tout réévoquer, de ce que j'ai 
mis d'accent sur l'équivoque entre 

faillir

 et 

falloir

 

49

  

…ceci nous mène « 

à ce qu'il y ait la jouissance 

qu'il faut

 »,  

à la traduire : « 

à ce qu'il y ait là, jouissance 

qu'il ne faut pas

 ». 

Oui, j'enseigne là quelque chose de positif comme on 
dit, à ceci près que ça s'exprime par une négation.  
Et pourquoi ça serait pas aussi 

positif

 qu'autre chose ?  

Le nécessaire

, ce que je vous propose d'accentuer de ce 

mode, 

ce qui ne cesse

 - de quoi ? - eh ben justement,  

de s'écrire

, c'est une très bonne façon de répartir au 

moins quatre catégories modales.  
Je vous expliquerai ça une autre fois, mais je vous 
en donne un petit bout de plus pour cette fois-ci.  

                                                 

48 J. Bentham, 

De l’ontologie et autres textes sur les  fictions

, Points Seuil n° 353, 1997. 

49 Le verbe faillir se conjugue au présent :  je faux, tu faux, il faut… donc comme falloir : il faut…

 

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133

Ce qui ne cesse de ne pas s'écrire

, c'est une catégorie modale qui 

n'est justement pas celle que vous auriez attendue 
pour s'opposer au 

nécessaire

… 

qui aurait été plutôt 

le contingent

 

…mais figurez-vous que 

le nécessaire

 est 

conjugué à 

l'impossible

.  

Et ce « 

ne cesse de ne pas s'écrire  

», c'en est l'articulation. 

Mais laissons !  
Le nécessaire en tant 

qu'il ne cesse de s'écrire

, c'est que  

ce qui se produit c'est « 

la jouissance qu'il ne faudrait pas

 ».  

C'est là le corrélat de ce 

qu'il n'y ait pas de rapport sexuel

.  

Et c'est le substantiel de la fonction phallique. 
 
Alors maintenant je reprends au niveau du texte. 
C'est « 

la jouissance qu'il ne faudrait pas

 » que j'ai cru dire  

conditionnel.  
Ce qui nous suggère pour son emploi 

la protase,  l'apodose

50

c'est :  

« 

s'il n'y avait pas ça, ça irait mieux

 »  

 
conditionnel dans la seconde partie.  
 
L'implication matérielle, celle, dont les Stoïciens 
se sont aperçus que c'était peut-être ce qu'il y 
avait de plus solide dans la logique.  
La jouissance, donc : comment allons-nous exprimer  
ce « 

qu'il ne faudrait pas

 » à son propos, sinon par ceci :  

s'il y en avait une autre

 que la jouissance phallique…  

là, comme ça, pour que vous ne perdiez pas la 
corde, c'est affreux mais si je vous parle comme 
ça, comme j'ai pris mes notes ce matin, vous 
perdrez le fil  

 s'il y en avait une autre,

 

il ne faudrait pas que ce soit celle-là

.  

 
C'est très joli. 
Il faut user, hein, il faut user, mais user vraiment, 
savoir user, user jusqu'à la corde de choses comme 
ça, bêtes comme chou, des vieux mots.  
 
C'est ça l'utilitarisme.  

                                                 

50 Apodose : Nom féminin. Seconde partie de la phrase dans l'analyse mélodique, et d'intonation inverse à la protase. 
Proposition, qui après la subordonnée conditionnelle indique la conséquence, le résultat. 

 Ex : s'il n'y avait pas ça  (protase), s'il n'y avait pas ça, ça irait mieux  (apodose).

 

 

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134

Et ça a permis un grand pas pour décoller des 
vieilles histoires, là, d'

universaux

 où on était engagé 

depuis PLATON et ARISTOTE, et où ça avait traîné 
pendant tout le Moyen-âge, et où ça étouffe encore 
LEIBNIZ, au point qu'on se demande comment il a été 
aussi intelligent.  
 
Oui, 

s'il y en avait une autre,

 

il ne faudrait pas que ce soit celle-là

.  

Écoutez ça !  
Qu'est-ce que ça désigne « 

celle-là  

» ?  

Ça désigne ce qui dans la phrase est l'autre ?  
Ou celle d'où nous sommes partis pour désigner cette 
autre, comme autre ?  
Parce qu'enfin, si je dis ça qui se soutient au 
niveau de l'implication matérielle, parce qu'en somme 
la première partie désigne quelque chose de faux 
« 

s'il y en avait une autre

 » :  

il n'y en a pas d'autre que la jouissance phallique.  
 
Sauf celle sur laquelle la femme ne souffle mot, 
peut-être parce qu'elle ne la connaît pas, celle qui 
la fait 

pas toute

 en tout cas. 

Il est donc faux, hein, qu'il y en ait une autre.  
Ce qui n'empêche pas la suite d'être vraie.  
À savoir qu’« 

il ne faudrait pas que ce soit celle-là

 ».  

 
Vous savez que c'est tout à fait correct,  
que quand le vrai se déduit du faux c'est valable,  
ça colle, l'implication.  
La seule chose qu'on ne peut pas admettre,  
c'est que du vrai suive le faux.  
Pas mal foutue la logique !  
Qu'ils se soient aperçus de ça tous seuls, ces 
Stoïciens, il y avait CHRYSIPPE

51

, et puis il y en 

avait un autre qui n'était pas du même avis.  
Mais quand même, il ne faut pas croire que c'était 
des choses qui n'avaient pas de rapport avec 

la jouissance

Il suffit de faire réhabiliter ces termes.  
Il est donc faux « 

qu'il y en ait une autre

 », ce qui nous 

empêchera pas de jouer une fois de plus de l'

équivoque

et à partir non pas de 

faillir

 mais de 

faux

, et de dire 

qu’« 

il ne faudrait pas que ce soit celle-là

 ».  

                                                 

51 Cf. Richard Dufour, Chrysippe,  Œuvre philosophique, Les belles lettres, Paris, 2004. 

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135

À supposer qu'il y en ait une autre, mais justement 
il n'y en a pas, et du même coup, c'est pas parce 
qu'il n'y en a pas… 

et que c'est de ça que dépend le « 

il ne faudrait pas

 »  

…pour que le couperet n'en tombe pas moins sûr.  
 
Eh bien 

celle-là

 qui n'est pas l'autre, celle dont nous 

sommes partis, il faut que 

celle-là

 soit 

faute

,  

entendez-le culpabilité, et faute de l'autre,  
de celle qui n'est pas.  
 
Ce qui nous ouvre comme ça latéralement, je vous le 
dis, comme ça, au passage, ce petit aperçu qui a tout 
son poids dans une 

métaphysique

. Il peut arriver des 

cas où ça soit pas seulement nous qui allions 

chercher

 

un truc pour nous rassurer dans cette 

mangeoire

 de la 

métaphysique

.  

 
Nous pouvons aussi, nous, lui refiler quelque chose 
et, bien 

que le non-être ne soit pas

, il faut quand même pas 

oublier qu'à tout instant, si ceci que j'ai dit - 

que le 

non-être ne soit pas

 - si ceci est porté par la parole au 

compte de l'être dont c'est la faute…  

dont c'est la faute 

que le non-être ne soit pas

 

…et c'est bien vrai d'ailleurs que c'est sa faute  
parce que si l'être n'existait pas, on serait bien 
plus tranquille avec cette question du non-être,  
et c'est donc bien mérité qu'on le lui reproche,  
à savoir qu'il soit en faute. 
 
C'est bien pour ça aussi que, si c'est bien vrai ce 
que je vous débite, qui me met en rage à l'occasion, 
ce dont je suis parti, je suppose que vous ne vous en 
souvenez pas, c'est que quand je m'oublie au point 
de… de « 

poublier

 », c'est-à-dire « 

toublier

 », il y a du 

« 

tout

 » là-dedans, eh bien je mérite d'écoper. 

D'écoper que ce soit de moi qu'on parle, et pas du 
tout de mon livre.  
Exactement comme ça se passait – enfin c'est partout  
pareil - à Milan où c'est peut-être pas tout à fait 
de moi qu'on parlait quand on disait que pour moi  
« 

les dames n'existent pas

 », mais c'est certainement pas  

de ce que je venais de dire. 
 

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136

Bon, alors revenons-en à notre ARISTOTE après cet 
éclaircissement que nous avons fait.  
Qu'en somme cette 

jouissance

, cette 

jouissance

 c'est-à-dire 

ce qui vient à 

celui qui parle

, et pas pour rien, c'est 

parce que déjà, parce que c'est 

un petit prématuré

.  

Il a quelque chose à faire avec ce fameux rapport 
sexuel dont il n'aura que trop l'occasion  
de s'apercevoir qu'il n'existe pas…  
C'est donc bien plutôt 

en second

… 

en second qu'en premier 

…et dans FREUD il y en a la marque, il y en a des 
traces :  
s'il a parlé d'

Urverdrängung

, de 

refoulement primordial

c'est bien parce que justement le vrai, le bon,  
le refoulement de tous les jours, eh ben justement  
il est pas premier, il est 

second

 
On la refoule, la dite jouissance, ben parce qu'il ne 
convient pas qu'elle soit 

dite

, et ceci pour la raison 

justement que le 

dire

 n'en peut être que ceci :  

comme jouissance : elle 

ne convient pas

, ce que j'ai 

déjà avancé tout à l'heure par ce biais :  
qu'elle n'est pas celle qu'il faut,  
qu'elle est celle qu'il ne faut pas. 
 
Le refoulement ne se produit qu'à attester dans tous 
les dires, dans le moindre des dires, ce qu'il y a 
d'impliqué de ce dire que je viens d’énoncer :  
que la jouissance ne convient pas, 

non decet

.  

Ne convient pas à quoi ?  
Au 

rapport sexuel

 en ce sens qu'à cause de ce 

qu'elle parle

ladite jouissance, lui, le 

rapport sexuel

, n'est pas. 

 
C'est bien pour ça que, elle fait… elle fait mieux  
de se taire, avec le résultat que ça rend 

le rapport sexuel

dans 

son absence même

, encore un peu plus lourd,  

ou plus lourde si c'est de l'absence qu'il s'agit. 
C'est bien pour ça que… qu’en fin de compte elle se 
tait pas, et que le premier effet du refoulement 
c'est que, c'est qu'elle parle d'

autre chose

.  

Et c'est ce qui fait le ressort… 

comme je l'ai lourdement indiqué 

…c'est ce qui fait de la métaphore le ressort.  
Voilà ! 

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137

Vous voyez le rapport de tout ça avec l'utilité,  
cet 

utilitaire

 ça vous rend capable 

de servir à quelque chose

.  

Et ceci faute de savoir jouir autrement qu'à être… 
qu'à être joui, ou joué puisque c'est justement  

la jouissance qu'il ne faudrait pas

 
Eh bien, c'est à partir de là, c'est à partir de ce  

pas à pas

 qui m'a fait aujourd'hui scander quelque 

chose d'essentiel, qu'il nous faut aborder… 

et je vous en laisserai le temps  
à vous congédier maintenant 

qu'il nous faut aborder cet éclairage que peuvent 
prendre l'un de l'autre, ARISTOTE et FREUD, 
d'interroger comment pourrait bien se… se… 
s'épingler, de se traverser l'un l'autre,  
ce dont ARISTOTE au 

Livre VII

 de la dite 

Éthique de Nicomaque

 

pose la question à propos… à propos… à propos  
du plaisir. 
 
Comme le plaisir de cette façon non douteuse, ce qui 
lui paraît le plus sûr, à se référer à la jouissance 
ni plus ni moins, il pense sans aucun doute,  
que c'est là quelque chose qui ne peut que se 

distinguer

 

du besoin, ces besoins dont je suis parti dans ma 
première phrase.  
Là il s'agit, dit-il, de ce qu'il encadre de 

la génération

c'est-à-dire de ce qui se rapporte au 

mouvement

.  

Pour lui – ARISTOTE - le mouvement, en raison de ce 
qu'il a mis au centre de son monde… 

de ce monde à jamais maintenant  
foutu le camp à 

vau-l'eau

 

…de ce qu'il ait mis au centre : 

le moteur immobile 

52

,  

c'est dans la ligne de ce qui suit immédiatement…  

à savoir 

le mouvement

 que ce 

moteur immobile

 sait causer 

…c'est un peu plus loin encore 

pour ce qu'il en est de ce qui naît et de  
ce qui meurt, de ce qui s'engendre et se corrompt 

…que les besoins bien sûr se situent :  
les besoins, ça se satisfait par le mouvement.  

                                                 

52 Cf. L'argument du mouvement d'après Aristote, in Sylvain Roux : La recherche du principe chez Platon, Aristote 

et Plotin, éd. Vrin, 2004. 

 

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138

Chose étrange

, comment se fait-il que nous devions,  

sous la plume de FREUD, précisément retrouver ça dans 
l'articulation de ce qu'il en est du 

principe du plaisir

 ? 

Quelle équivoque fait que dans FREUD, le 

principe du plaisir

 

ne s'évoque que de ce qui vient d'

excitation

,  

et de ce que cette excitation provoque de mouvement 
pour s'y dérober ?  

 
Quelle chose étrange

 que ce soit là ce qui vient sous la 

plume de FREUD à devoir être traduit par 

principe du plaisir

quand dans ARISTOTE assurément, il y a là quelque 
chose qui ne peut être considéré que comme une 

atténuation de peine

, mais sûrement pas comme 

un plaisir

Si ARISTOTE vient à épingler quelque part ce qui est 
du plaisir, ça ne saurait être que dans ce qu'il 
appelle, et qu'on ne peut traduire en français que 
comme une activité, ce qu'il appelle 

ἐνέργεια

 

[ energeïa ],

  

et dans l'occasion encore n'y en a-t-il que de 
choisies qu'il peut promouvoir à cette fonction 
d'éclairer ce qu'il en est du plaisir. 
 

Chose très étrange

, chose très étrange, les exemples qu'il en 

donne… 

et bien sûr non sans cohérence 

…ce sont le « 

voir

 ».  

C'est là pour lui où réside le plaisir suprême,  
et en même temps celui qu'il distingue du niveau  
où il plaçait la 

γἐνεσιζ

 

[ genesis ]

 la 

génération

 de quelque 

chose, celle qu'il repousse du cœur, du centre,  
du pur plaisir.  
 
Nulle peine n'a besoin de précéder le fait que nous 
« 

voyons

 », pour que « 

voir

 » soit un plaisir. 

C'est amusant que mise sur ce pied, mise sur cette  
voie, posée comme ça - la question - il lui faille…  

consultez toujours le Livre VII 

…mettre en avant - quoi ? - ce que le français ne 
peut traduire autrement… 

faute… faute de mot qui soit équivoque 

…que « 

odorer

 ».  

 
 

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139

Ici ARISTOTE met sur le même plan l'olfaction, et ce 
qui est étrange, et la vision.  
Et il en a un vif sentiment de diversité de la chose, 
et aussi que le plaisir… 

si opposé que semble ce second sens au premier 

…le plaisir s'en trouvait supporté.  
Et il y ajoute troisièmement : l'« 

entendre

 ». 

 
Bon, puisque nous arrivons tout près de quarante 
cinq, je peux bien amorcer, ne pas vous laisser en 

devinette, 

la remarque qu'à s'avancer sur cette voie, mais 

ne reconnaissez-vous pas que sur cette voie… 

dont, après tout, il faut que nous ayons déjà 
fait le pas que je vous ai dit tout à l'heure 

…de voir que la jouissance se réfère centralement à 
« 

celle-là qu'il ne faut pas

 », « 

qu'il faudrait

 » pour qu'il y ait du 

rapport sexuel, mais qui y reste toute entière 
accrochée, ce qui surgit sous la pointe, sous 
l'épinglage dont le désigne ARISTOTE - c’est quoi ? -    
c'est très exactement ce que l'expérience analytique 
nous permet de repérer comme étant… 

d'au-moins un côté de l'identification sexuelle,  
le côté mâle pour le nommer 

…ce qui se repère d'être l'

objet

 justement.  

L'

 objet

 qui se met à la place de ce qui de l'Autre  

ne saurait être aperçu.  
C'est pour autant que 

l'objet(a)

 

joue quelque part…  

et d'un départ, d'un seul : du mâle 

…le rôle de ce qui 

vient à la place

 du partenaire manquant, 

que se constitue - mais quoi ? - ce dont nous avons 
l'usage de voir surgir aussi à la place du réel,  
à savoir 

le fantasme

.  

 
Mais je suis presque au regret d'en avoir, de cette 
façon, dit assez, ce qui veut dire toujours trop dit, 
puisque si l'on ne voit pas la différence,  
la différence radicale de ce qui se produit de 
l'autre côté, à savoir à partir… je ne peux pas dire 
de 

la femme

  

puisque justement ce que la prochaine j'essaierai 
d'énoncer d'une façon qui se tienne, qui se 
tienne et soit assez complète pour que puissiez  
vous en supporter le temps que durera ensuite  
la reprise, c'est-à-dire un demi mois  

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140

…que du côté de 

L

 

femme

… 

mais marquez ce « La » de ce trait oblique dont je 
désigne chaque fois que j'en ai l'occasion ce qui 

doit se barrer à partir de 

L

 

femme

, c'est d'autre 

chose que de 

l'objet(a)

, je vous l'énoncerai la prochaine 

fois, qu'il s'agit dans ce qui vient à suppléer à - 
ce rapport sexuel - n'être pas. 

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141

20 Février 1973                                                                         

Table des matières

 

 
 
 
 
Je peux bien vous avouer que j'espérais que les 
vacances dites scolaires auraient éclairci votre 
assistance. Il y a trop longtemps que… que je 
désirerais vous parler comme ça, en me promenant un 
petit peu entre vous, ça faciliterait 

certaines choses

 

me semble-t-il.  
 
Mais enfin, puisque cette satisfaction m'est refusée 
j'en reviens à ce dont je suis parti la dernière fois 
de ce que j'ai appelé 

une autre satisfaction

, cette 

satisfaction

  

de la parole.  
Une autre satisfaction, celle… 

je le répète, c'est le début  
de ce que j'ai dit la dernière fois 

…celle qui répond à la « 

jouissance qu'il fallait

 » juste…  

juste pour que ça se passe entre ce que 
j'abrégerai de les appeler 

l'homme

 et 

la femme

 

…et qui est la 

jouissance phallique

.  

 
Notez ici la modification qu'introduit ce mot « 

juste

 »

Ce « 

juste

 »

, ce justement est un « 

tout juste

 », 

tout juste réussi

ce qui je pense vous est sensible, de donner 
justement l'

envers

 du raté.  

Ça réussit « 

tout juste

 » et déjà nous voici là portés, 

puisque la dernière fois, du moins je l'espère,  
le plus grand nombre était là qui sait que j'étais 
parti d'ARISTOTE, de voir là en somme justifié  
ce qu'ARISTOTE apporte de la notion de la justice 
comme le « 

juste milieu

 ».  

Peut-être certains d'entre vous ont-ils vu, quand 
j'ai introduit ce « 

tout

 » qui est dans le « 

tout juste

 », 

que j'ai fait là une sorte de contournement, 

de 

contournement

 qui était pour éviter le mot de 

prosdiorisme 

53

 

qui désigne justement, ce « 

tout

 », ce « 

quelque

 » à 

l'occasion, qui ne manquent dans aucune langue.  

                                                 

53 Lacan introduit le prosdiorisme dans la séance du 12-1-72 de 

... ou pire

. Il s’agit des premiers « quantificateurs » tels 

que  le « un », le « quelque », le « tous ».

 

Cf. La philosophie du langage exposée d'après Aristote, M. Séguier, 1838.

 

 

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142

Que ce soit le prosdiorisme - le « 

tout

 » - qui dans 

l'occasion vient à nous faire glisser de 

la justice

 

d'ARISTOTE à 

la justesse

, à la « 

réussite de justesse

 », 

c'est bien là ce qui me légitime à avoir d'abord 
produit cette entrée d'ARISTOTE du fait que ça ne se 
comprend pas tout de suite comme ça.  
 
Et que, somme toute, ARISTOTE s'il ne se comprend pas 
si aisément en raison de la distance qui nous sépare 
de lui, c'est bien là ce qui me justifiait, quant à 
moi, à vous dire que 

lire

 n'est pas du tout quelque 

chose qui nous oblige à comprendre, il faut le lire 
d'abord.  
Et c'est bien ce qui fait qu'aujourd'hui, enfin, 
peut-être d'une façon qui apparaîtra à certains de 
paradoxe, je vais vous conseiller de lire un livre 
dont le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il me 
concerne, ce livre s'appelle 

Le titre de la lettre

 

54

, il est 

paru aux éditions Galilée, collection : 

A la Lettre

 
Je vous en dirai pas les auteurs qui me semblent en 
l'occasion jouer plutôt le rôle de sous-fifres,  
mais ce n'est pas pour autant diminuer leur travail,  
car je dirai que c'est quant à moi avec la plus 
grande satisfaction que je l'ai lu.  
Et c'est en somme l'épreuve à laquelle je désirerais 
soumettre votre auditoire, plutôt que de recommander, 
de faire clairon à la parution de tel ou tel livre. 
Ce livre écrit en somme dans 

les plus mauvaises intentions

… 

comme vous pourrez le constater  
à la trentaine de dernières pages 

…est quand même un livre dont je ne saurais trop 
encourager la diffusion. 
 
Je peux dire d'une certaine façon, que s'il s'agit de 
lire, je n'ai jamais été si bien lu, au point de 
pouvoir dire que d'un certain côté je pourrais dire 
« 

avec tellement d'amour

 ».  

Bien sûr, comme il s'avère, par la chute du livre, 
c'est un amour dont le moins qu'on puisse dire est 
que sa doublure habituelle dans la théorie analytique 
n'est pas sans pouvoir être évoquée.  

                                                 

54 Philippe Lacoue-Labarthe, Jean-Luc Nancy, Le titre de la lettre. Une lecture de Lacan, Paris, Galilée, 1973 et 1990. 

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143

Il me semble que ça serait trop dire… 

et puis peut-être même, est-ce trop en dire que 
mettre là-dedans d'une façon quelconque les 

sujets

  

…ça serait peut-être là, trop les reconnaître en tant 
que sujets que d'évoquer leurs sentiments.  
 
C'est un modèle de bonne lecture.  
Au point que je peux dire que je regrette de n'avoir 
obtenu de ceux qui me sont proches jamais rien qui,  
à mes yeux, soit équivalent. 
Les auteurs, puisqu'il faut bien tout de même que  
je les désigne, ont cru devoir se limiter…  

et mon Dieu pourquoi ne pas les en complimenter, 
puisque la condition d'une lecture  
c'est évidemment qu'elle soit en place,  
qu'elle s'impose à elle-même des limites 

…et ils se sont attachés à mon article, cet article 
recueilli dans mes 

Écrits

 qui s'appelle 

L'instance  de  la  lettre  

55

.  

 
Je veux dire que pour ponctuer par exemple ce qui me 
distingue de ce qui peut être compris de SAUSSURE,  
je ne dis pas plus, ce qui m'en distingue,  
ce qui fait que je l'ai, comme ils disent, « 

détourné

 », 

on ne peut vraiment pas mieux faire.  
 
À quoi cela mène de fil en aiguille ?  
À cette impasse qui est bien celle que je désigne 
concernant ce qu'il en est dans le discours, dans le 
discours analytique, de l'abord de la vérité et de 
ses paradoxes.  
C'est là sans doute quelque chose où à la fin,  
je ne sais quoi… 

et je n'ai pas autrement à le sonder 

…je ne sais quoi échappe à ceux qui se sont imposés 
cet extraordinaire travail, tout se passant donc 
comme si ce soit justement à l'impasse, où tout mon 
discours est fait pour les mener, qu'ils se tiennent 
quitte, qu'ils se déclarent…  

ou me déclarent ce qui revient au même 

… au point où ils en parviennent, être quinauds

56

.  

                                                 

55  L'instance de la lettre dans l'inconscient ou la raison depuis Freud,  in Écrits, Paris, Seuil, 1966, pp. 493-528,  
ou Points Seuil Essais n°5 (t.1) pp. 490-526. 

 

56   Quinaud : (adjectif ) penaud, confus, honteux. 

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144

Mais justement, c'est là où je trouve tout à fait 
indiqué que vous vous affrontiez vous-mêmes - je le 
souligne - jusqu'aux conclusions dont vous verrez  
que somme toute on peut les qualifier de 

sans-gêne

Jusqu'à ces conclusions, le travail se poursuit d'une 
façon où moi, je ne puis reconnaître qu'une valeur 
d'

éclaircissement

, de 

lumière

, tout à fait saisissant.  

 

Si cela pouvait par hasard, enfin, éclaircir un 
petit peu vos rangs étant donné ce par quoi j'ai 
commencé, je n'y verrais pour moi qu'avantage, 
mais après tout je ne suis pas sûr parce que… 
pourquoi puisque vous êtes toujours ici aussi 

nombreux

, ne pas vous faire confiance :  

que rien enfin ne vous rebute assurément.  

 
Jusqu'à ces trente ou vingt dernières pages, je ne 
les ai pas comptées parce qu'à la vérité ce sont 
celles-là, celles-là seulement que j'ai lues en 
diagonale, les autres vous seront d'un confort  
que somme toute je peux vous souhaiter. 
 
Là-dessus, ce que j'ai aujourd'hui à vous dire, c'est 
bien ce que je vous ai annoncé la dernière fois. 
C'est à savoir de pousser plus loin ce qu'il en est 
quant à ce sur quoi j'ai terminé.  
C'est à savoir la conséquence de ce que j'ai cru… 

non certes sans avoir  
longtemps cheminé pour autant  

…de ce que j'ai cru devoir énoncer de ce qu'il y a 
entre les sexes… 

entre les sexes chez l'être parlant 

qui, 

de rapport,  ne fasse pas

, et comment en somme c'est à 

partir de là seulement, que se puisse énoncer  
ce qui, 

à ce rapport, supplée

Il y a longtemps que là-dessus j'ai scandé d'un 
certain « 

Y'a d'l'Un

 »

57

 ce qui fait le premier pas dans 

cette démarche.  
Ce « 

Y'a d'l'Un

 », 

c'est le cas de le dire

, ça n'est pas 

simple.  
 

                                                 

57 Cette formule apparait dans la séance du 15-3-72 du séminaire 

... ou pire .

 

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145

Bien sûr dans la psychanalyse, ou plus exactement 
puisqu'il faut bien le dire, dans le discours de 
FREUD, ceci s'annonce de l'Éros, de l'Éros défini 
comme fusion de ce qui du deux fait un, et à partir 
de là mon Dieu de proche en proche, est censé tendre 
à ne faire qu'

Un

 d'une multitude immense.  

 
Moyennant quoi comme il est clair que même tous tant 
que vous êtes ici - multitude assurément ! –  
non seulement vous ne faites pas qu'

Un

 mais n'avez 

aucune chance, fût-ce à communier comme on dit dans 
ma parole, d'y parvenir comme il ne se démontre que 
trop et tous les jours.  
 
Il faut bien que FREUD fasse surgir cet autre facteur 
qui doit bien faire obstacle à cet Éros universel 
sous la forme du Thanatos, de 

la réduction à la poussière

.  

 
C'est évidemment chose permise 

métaphoriquement

 à FREUD, 

grâce à cette bienheureuse découverte des deux unités 
du 

germen

 : cet ovule et ce spermatozoïde dont, 

grossièrement, l'on pourrait dire que c'est de leur 
fusion que s'engendre - quoi ? - 

un nouvel être

.  

 
Et aussi bien à se limiter à deux éléments qui se 
conjoignent, à ceci près qu'il est bien clair qu'à 
regarder les choses de plus près, la chose ne va pas 
sans une 

méiose

, sans une soustraction tout à fait 

manifeste, au moins pour l'un des deux, je veux dire 
juste d'avant le moment même où la conjonction se 
produit, la soustraction de certains éléments qui, 
bien sûr, ne sont pas pour rien dans 

l'opération finale

.  

 
Mais la métaphore biologique est assurément, ici 
encore beaucoup moins qu'ailleurs, ce qui peut 
suffire à nous conforter. Si l'inconscient est bien 
ce que je dis d'

être structuré comme un langage

, c'est au niveau 

de 

la langue

 qu'il nous faut interroger cet Un, cet Un 

dont bien entendu la suite des siècles a fait 
retentissement, résonance infinie, ai-je besoin ici 
d'évoquer les néoplatoniciens et toute la suite ?  
 

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146

Peut-être aurai-je encore tout à l'heure à mentionner 
très rapidement cette aventure, puisque ce qu'il me 
faut aujourd'hui, c'est très proprement désigner  
d'

 la chose non seulement peut mais doit être prise 

de notre discours, de ce discours nouveau,  
de ce renouvellement qu'apporte dans le domaine  
de l'Éros ce que notre expérience apporte. 
 
Il faut bien partir de ceci, que ce « 

Y'a d'l'Un

 » est à 

prendre de l'accent qu’

Y'a d'l'Un

… 

et justement puisqu'il n'y a pas de 

rapport

 

…qu’

Y'a d'l'Un

 et 

 d'l'Un

 tout seul, que c'est de là  

que se saisit le nerf de ce qu'il en est concernant 
ce qu'après tout il nous faut bien appeler du nom 
dont la chose retentit tout au cours des siècles,  
à savoir celui de 

l'amour

.  

 
Dans l'analyse nous n'avons affaire qu'à ça.  
Et ce n'est pas, ce n'est pas par une autre voie 
qu'elle opère.  
Voie singulière à ce qu'

elle seule 

ait permis de 

dégager ce dont - moi qui vous parle - j'ai cru 
devoir le supporter… 

je veux dire ce 

transfert

, et nommément  

en tant qu'il ne se distingue pas de l'amour 

…de la formule : « 

le sujet supposé savoir

 ».  

 
Et là, je pense que tout au long de ce que je vais 
aujourd'hui avoir à énoncer, je ne puis pas manquer 
de marquer la résonance nouvelle que peut prendre 
pour vous, à tout ce qui va suivre, ce terme de 

savoir

Peut-être, même dans ce que tout à l'heure vous 
m'avez vu flotter, reculer, hésiter à faire verser 
d'un sens ou de l'autre, de l'amour ou de ce qu'on 
appelle encore la haine. 
 
Pensez qu'en somme, si… 

comme vous le constaterez,  

…ce à quoi je vous invite expressément à 

prendre part

à savoir à une lecture dont la pointe est faite 
expressément pour – disons - me déconsidérer ce qui 
n'est certes pas devant quoi peut reculer quelqu'un, 
qui ne parle en somme que de la 

désidération

 et qui ne 

vise rien d'autre.  

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147

Qu'en somme, là où cette pointe porte, ou plus 
exactement paraît aux auteurs soutenable,  
c'est justement d'une dé-supposition de mon savoir.  
Et pourquoi pas ? 
Pourquoi pas, s'il s'avère que ce doit être là,  
la condition de ce que j'ai appelé la lecture ? 
Que sais-je, après tout, que puis-je présumer  
de ce que savait ARISTOTE ?  
Peut-être 

mieux

 je le lirai à mesure que ce savoir  

je le lui suppose 

moins

.  

Telle est la condition d'une stricte mise à l'épreuve 
de la lecture. Et c'est là celle dont en somme  
je ne m'esquive pas. 
 
Il est certes difficile… 
Il serait peu conforme à ce qu'

en fait

, il nous est 

offert de lire par ce qui du langage existe, à savoir 
ce qui vient à se tramer d'effet de son ravinement, 
vous savez que c'est ainsi que j'en définis l'écrit. 
Il serait me semble-t-il, dédaigneux de - au moins - 
ne pas traverser ou faire écho de ce qui au cours  
des âges et d'une pensée qui s'est appelée… 

je dois dire improprement 

…philosophique, de ce qui au cours des âges s'était 
élaboré sur l'

amour

.  

Je ne vais pas faire ici une revue générale.  
Mais je pense que vu le genre de têtes, enfin, que je 
vois ici faire 

flocon

, vous devez quand même avoir 

entendu parler que du côté de la philosophie, 

l'amour 

de Dieu

, dans cette affaire, a tenu une certaine place 

et qu'il y a là un fait massif, dont au moins 
latéralement, le discours analytique ne peut pas ne 
pas tenir compte. 
 
Comme ça, des personnes bien intentionnées… 

c'est bien pire que celles qui le sont mal 

…des personnes bien intentionnées… 

quand, comme on dit quelque part dans ce livret, 
j'ai été, à ce qu'il y a là écrit, 

exclu

 de  

Sainte-Anne, je n'ai pas été 

exclu

, je me suis 

retiré, c'est très différent, mais enfin 
qu'importe, nous n'en sommes pas là, d'autant 
plus que ces termes d'exclu, d'exclure, dans 
notre topologie, ont toute leur importance  

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148

…des personnes bien intentionnées se sont trouvées en 
somme surprises d'avoir écho, ce n'était qu'un écho, 
mais comme ces personnes étaient - mon Dieu, il faut 
bien le dire, de la pure tradition philosophique –  
et de celle qui se réclame… 

c'est bien en ça que je la dis pure 

…il n'y a rien de plus philosophique que le 
matérialisme, et le matérialisme se croit obligé, 
Dieu sait pourquoi c'est le cas de le dire, d'être en 
garde contre ce Dieu dont j'ai dit qu'il a dominé, 
dans la philosophie, tout le débat de l'amour. 
 
Le moins qu'on puisse dire est qu'une certaine gêne… 
vu le pont, le tremplin, le maintien pour moi d'une 
audience, qui m'était offert à partir de cette 
intervention chaleureuse, c'est que je mettais entre 
l'homme et la femme un certain Autre, avec 

un grand A

dont il y avait…  

au dire de ceux qui s'y faisaient  
les véhicules bénévoles de cet écho 

…un certain Autre qui n'avait bien l'air que d'être 
le 

bon vieux Dieu

 de toujours. 

 
Pour moi il me paraît sensible que pour ce qui est  
du 

bon vieux Dieu

, cet Autre, cet Autre avancé alors, alors 

au temps de 

L'instance de la lettre

, cet Autre avancé alors 

comme lieu où la parole ne peut s'inscrire qu'en 
vérité, cet Autre était quand même bien 

une  façon

, je 

peux même pas dire de laïciser, d'exorciser,  
ce 

bon vieux Dieu

. Mais qu'importe, après tout, qui sait ?  

 
Il y a bien des gens qui me font compliment, dans je 
ne sais quel des derniers ou avant-derniers 
séminaires, d'avoir su poser, enfin, que Dieu 
n'existait pas. Évidemment, ils entendent, ils 
entendent…  
mais hélas ils comprennent, et ce qu'ils comprennent 
est un peu précipité. 
Je m'en vais peut-être plutôt aujourd'hui vous 
montrer 

en quoi

, justement, 

il existe

 ce bon vieux Dieu.  

Le mode sous lequel il existe

 plaira peut-être pas tout à fait  

à tout le monde et notamment pas aux théologiens qui 
sont - je l'ai dit depuis longtemps - bien plus forts 
que moi à se passer de son existence.  

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149

Malheureusement, je vais pas tout à fait dans la même 
position. De ce que justement j'ai affaire à l'Autre, 
et que cet Autre, cet Autre qui, s'il n'y en a qu'un 
tout seul, doit bien avoir quelque rapport avec ce 
qui alors apparaît de l'autre sexe, cet Autre je suis 
bien forcé d'en tenir compte et chacun sait qu'après 
tout je ne me suis pas refusé dans cette même année 
que j'évoquais la dernière fois de 

l'

Éthique de la psychanalyse

de me référer à 

l'amour courtois

 
L'amour courtois, qu'est-ce que c'est ?  
C'était cette espèce, cette façon tout à fait 
raffinée de suppléer à l'absence de rapport sexuel  
en feignant que c'est nous qui y mettions obstacle.  
Ça, c'est vraiment la chose la plus formidable qu'on 
ait jamais tentée, mais comment en dénoncer 

la feinte

 ? 

 
Bien sûr, je passe sur ceci enfin que, pour ce qui 
est des matérialistes, ça serait une magnifique 
façon, enfin, au lieu d'être là à flotter sur le 
paradoxe que ce soit apparu à l'époque féodale,  
de voir au contraire comment sans ça, ça s'enracine, 
comment c'est du discours de la féalité,  
de la fidélité à la personne, et pour tout dire,  
au dernier terme, de ce qu'est toujours la personne,  
à savoir le discours du maître, ce serait la plus 
splendide façon de voir combien était nécessaire,  
à l'homme dont la dame était entièrement, au sens  
le plus servile, asservie, l' « 

assujette

 »,  

comment c'était la seule façon de s'en tirer avec 
élégance concernant ce dont il s'agit et qui est le 
fondement, à savoir l'absence du rapport sexuel.  
 
Mais enfin j'aurai affaire… 

plus tard je le reprendrai, il faut 
qu'aujourd'hui je fende un certain champ 

…j'aurai affaire à cette notion de l'obstacle qui, 
dans ARISTOTE, parce que malgré tout je préfère quand 
même ARISTOTE à 

Jaufré RUDEL

, hein, ce qui dans 

ARISTOTE s'appelle justement l'

obstacle

, l'

ἔνστασιζ  

[ enstasis ]

 
 
 

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150

Mes lecteurs… 

mes lecteurs dont, je vous le répète, il faut 
tous que vous achetiez tout à l'heure le livre 

…mes lecteurs ont 

même trouvé ça

, à savoir que 

l'instance qu'ils interrogent avec un soin, une 
précaution…  

je vous dis, je n'ai jamais vu un seul de mes 
élèves faire un travail pareil, hélas !  
Personne ne prendra jamais au sérieux  
ce que j'écris, sauf bien entendu ceux dont  
j'ai dit tout à l'heure comme ça incidemment 
qu'ils me haïssent sous prétexte qu'ils me 
désupposent le savoir, qu'importe !  

…Oui ! Ils ont été jusqu'à découvrir l'

ἔνστασιζ  

[ enstasis ]

l'

obstacle logique 

aristotélicien que j'avais gardé pour la 

bonne bouche, pour cette 

Instance de la lettre

.  

 
Il est vrai qu'ils ne voient pas le rapport, mais ils 
le mettent en note. Mais ils sont tellement bien 
habitués à travailler surtout quand quelque chose les 
anime, le désir par exemple de décrocher une 
maîtrise, c'est le cas de le dire plus que jamais,  
et bien ils ont aussi sorti ça, la note de je ne sais 
plus quelle page, à laquelle vous pourrez vous 
reporter comme ça vous permettra d'étudier ARISTOTE 
et vous saurez tout quand j'aborderai enfin cette 
histoire de l'

ἔνστασιζ  

[ enstasis ]

.

.

 

 

- Bon, où il est, où il est,  l' 

«

 ekstasis 

»

 ?  

- Bien ! C'est tuant ! Encore je ne retrouverai pas la page quand c'est au moment où il faudrait 
que je vous la sorte ! 
- Bon, attendez ! Oui. Voilà !

  

 
Voilà ! Pages 29, 28 et 29. Vous pouvez lire à la 
suite de ça le morceau de la 

Rhétorique

 et celui des,  

les deux morceaux des 

Topiques

 

qui vous permettront  

de comprendre tout de suite, de savoir en clair,  
ce que je veux dire, ce que je veux dire quand je 
relirai ARISTOTE. Et plus exactement quand j'

essaierai

 

de réintégrer dans ARISTOTE mes quatre formules,  
vous savez la, le 

:  §

  barré et la suite. 

 

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151

Oui ! Enfin pourquoi les matérialistes, comme on dit, 
s'indigneraient-ils que, comme de toujours, je mette 
même - pourquoi pas ? - Dieu en tiers dans l'

affaire

 de 

l'amour humain ? Je suppose que même les 

matérialistes

il leur arrive quand même d'en connaître un bout sur 
le ménage à trois. 
 
Alors essayons d'avancer, essayons d'avancer sur ce 
qui résulte de ce 

pas

 à faire, dont en tout cas rien  

ne témoigne que je ne sache pas ce que j'ai à dire 
encore, à ce niveau - là, ici - où je vous parle.  
Le moins que je puisse dire, c'est d'être au moins…  
de pouvoir au moins supposer, vous avoir fait 
admettre, au moins admettre que j'admets… 
que pour ce qui est de l'être… 
Car le décalage de ce livre, décalage ouvert dès le 
départ et qui se poursuivra jusqu'à la fin, de 
suposer, c'est de me supposer, et avec ça on peut 
tout faire, c'est de me supposer une ontologie  
ou ce qui revient au même, un système.  
 
L'honnêteté, quand même, fait que, dans le diagramme 
circulaire où soi-disant se noue ce que j'avance de 

l'Instance de la lettre

, c'est en termes…, en 

lignes pointillées

…  

à juste titre car ils ne pèsent guère  

…que sont mis… 

les enveloppant, les enveloppant tous mes énoncés 

…les noms des principaux philosophes dans 

l'ontologie 

générale

 desquels j'insérerais mon prétendu système. 

 
Eh bien, pour moi, disons qu'il ne peut pas être 
ambigu que, au moins pour ce que j'ai articulé dans 
les dernières années, cet 

être

 tel qu'il se soutient 

dans la tradition philosophique, c'est-à-dire  
qui s'assoit dans le « 

penser

 » lui-même, censé être le 

corrélat. Bon…  
Qu'à ceci très précisément j'oppose :  
que dans cette 

affaire

 même, nous sommes 

joués par la jouissance

,  

que la pensée est jouissance,  
que ce qu'apporte le discours analytique, c'est ceci 
qui était déjà amorcé dans la philosophie entre 
guillemets « 

de l'être

 », à savoir 

qu'il y a jouissance de l'être

 
 

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152

Je dirai même plus, si je vous ai parlé de  
l'

Éthique à Nicomaque

, c'est justement parce que 

la trace y est

que ce que cherche ARISTOTE, et ce qui a ouvert la 
voie à tout ce qui a ensuite traîné après lui, 
c'est : « 

qu'est-ce que c'est cette jouissance de l'être ?

 » 

dont un Saint THOMAS n'aura ensuite aucune peine à 
forger cette… cette théorie, comme on l'appelle, 
comme l'appelle l'Abbé ROUSSELOT

58

… 

dont je vous parlais la dernière fois 

…comme l'appelle l'Abbé ROUSSELOT : 

la théorie physique de l'amour

.  

 
C'est à savoir que, après tout, le premier être dont 
nous ayons bien le sentiment, ben c'est notre être, 
et que tout ce qui est pour le bien de notre être 
sera de ce fait, 

jouissance

 de l'Être suprême, c'est-à-

dire de Dieu. Qu'en aimant Dieu, pour tout dire, 
c'est nous-mêmes que nous aimons. Et qu'à nous aimer 
d'abord nous-mêmes - charité bien ordonnée… comme on 
dit - nous faisons à Dieu l'hommage qui convient. 
 
À ceci, ce que j'oppose comme 

être

, c'est…  

si l'on veut à tout prix que je me serve de ce terme 
ce que… ce dont témoigne dès… ce dont est forcé de 
témoigner… dès ses premières pages de lecture,  
- simplement lecture - ce petit volume,  
c'est à savoir 

l'être de la signifiance

.  

Et 

l'être de la signifiance

, je ne vois pas en quoi, n'est-ce 

pas, je déchois aux idéaux, aux idéaux je dis, parce 
que c'est tout à fait hors des limites de son épure 
au matérialisme, tout à fait en dehors des limites de 
son épure de reconnaître que la raison de cet 

être de la 

signifiance

 c'est la jouissance en tant qu'elle est 

jouissance du corps. 
 
Seulement un corps, vous comprenez, depuis DÉMOCRITE 
ça paraît pas assez matérialiste - hein ! - il faut 
trouver 

les atomes

, n'est-ce pas, et tout le machin,  

et 

la vision

, l'

odoration

 et tout ce qui s'ensuit,  

tout ça est absolument solidaire.  

                                                 

58 Pierre Rousselot , 

Pour l’histoire du problème de l’amour au Moyen-Âge,

  Thèse présentée en Sorbonne, 

1908

. (Vrin, 

1981)

 

Confusion de Lacan ( ?) - et de bien d’autres - entre - l’abbé Jean-Pierre Rousselot (

1846-1924

), célèbre linguiste dont 

la thèse en Sorbonne portait sur « 

les limites des dialectes d’oc et d’oïl en 

Charente

 », et Pierre Rousselot (

1879-1915

théologien jésuite dont la thèse en Sorbonne portait sur « 

l’histoire du problème de l’amour au moyen-âge

 », qui a consacré 

ses recherches à l’intellectualisme thomiste et à la philosophie de l’amour.

 

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153

Ce n'est pas pour rien qu'à l'occasion ARISTOTE… 

même s'il fait le dégoûté  

…cite DÉMOCRITE, il s'appuie sur lui.  
L'atome, c'est simplement 

un élément de

 

signifiance

 

volant

C'est un 

στοιχεῖον

 

[ stoïcheion ]

 tout simplement.  

À ceci près que, on a toutes les peines du monde  
à s'en tirer quand on ne retient que ce qui fait 
l'élément, élément, n'est-ce-pas, à savoir qu'il est 
unique, alors qu'il faudrait introduire un petit peu 
l'Autre, à savoir la différence. Bon !  
 
La jouissance du corps, 

s'il n'y a pas de rapport sexuel

,  

il faudrait voir en quoi ça peut y servir. 
Il me semble avoir déjà scandé… 

je suis pressé par le temps 

…il me semble avoir déjà scandé que, pour prendre les 
choses du côté où c'est logiquement que le 

quanteur

 

;

 

- c'est-à-dire tout x - est fonction, fonction 

mathématique de 

!

 c'est-à-dire du côté où se range, 

en somme par choix… 
libre aux femmes de s'y ranger aussi si ça leur fait 
plaisir - hein ! - chacun sait ça, qu'il y a des 
femmes phalliques !  
Il est clair que 

la fonction phallique

 n'empêche pas les hommes 

d'être homosexuels, mais que c'est aussi bien 

elle

  

qui leur sert 

à se situer comme 

homme

 et aborder la 

femme

 
Comme ce dont j'ai à parler est d'autre chose - de la 

femme

 précisément - je vais vite parce que je suppose 

que je vous l'ai déjà assez seriné pour que vous 
l'ayez encore dans la tête.  
Je dis qu'à moins de castration… 

c'est-à-dire de 

quelque chose

 qui dit non à cette 

fonction  phallique

 et Dieu sait que 

c'est pas tout simple

 

…il y a aucune chance que l'homme ait 

jouissance

 du corps 

de la femme, autrement dit 

fasse l'amour

 
C'est le résultat de l'expérience analytique ! 
Ça n'empêche pas qu'il peut la désirer de toutes les 
façons, même quand cette condition n'est pas 

réalisée

.  

Non seulement il la désire mais il lui fait toutes 
sortes de choses qui ressemblent étonnamment à 

l'amour

 

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154

Contrairement à ce qu'avance FREUD, c'est l'homme… 

je veux dire celui qui se trouve mâle sans savoir 
qu'en faire, tout en étant être parlant 

…qui aborde la femme, comme on dit, qui peut même 
croire qu'il l'aborde, parce qu'à cet égard  
les convictions dont je parlais la dernière fois,  
les convictions ne manquent pas.  
 
Seulement ce qu'il aborde, parce que c'est là la 
cause de son désir, c'est ce que j'ai désigné de 

l'objet(a)

, c'est là l'acte d'amour, justement.  

Faire l'amour

, comme le nom l'indique, c'est de la poésie. 

Mais il y a un monde entre la poésie et l'

acte

.  

L'acte d'amour

 c'est la 

perversion polymorphe

 du mâle,  

ceci chez l'être parlant. Il n'y a rien de plus 
assuré, de plus cohérent, de plus strict, quant au 
discours freudien. 
 
Ce que j'ai encore une demi-heure pour essayer de 
vous introduire, si j'ose m'exprimer ainsi…  
c’est ce qu'il en est du côté de la femme.  
 
Alors de deux choses l'une, ou ce que j'écris  
n'a aucun sens… 

c'est la conclusion de ce petit livre et c'est 
pour ça que je vous prie de vous y reporter 

…ou quand j'écris ceci 

.

 

!

 

qui se lit, qui se lit d'une fonction,  
d'une fonction je dois dire inhabituelle,  
non écrite, même dans la logique des quanteurs,  
à savoir : la barre, la négation portant sur  
le « 

pas tout

 » et pas sur la fonction 

…quand je dis ceci, que se range… 

si je puis m'exprimer ainsi 

…se range sous la bannière des 

femmes

 un être parlant 

quelconque, c'est à partir de ceci :  
qu'il se fonde de n'être 

pas tout

, et comme tel,  

à se ranger dans la fonction phallique. C'est ça qui 
définit la…  

attendez là, la… la… la… la la quoi ? - 

…la  femme

 justement.

[ Rires ]

 

 
 
 

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155

À ceci près que « La 

femme  

»… 

mettons lui un grand L pendant  
que nous y sommes ça sera gentil 

[ Rires ]

 

…à ceci près que La 

femme  

, ça ne peut s'écrire  

qu'à barrer « 

L

 

».  

 
Il n'y a pas « La » 

femme

 … 

article défini pour désigner l'universel 

…il n'y a pas « La » 

femme

 puisque…  

j'ai déjà risqué le terme,  
et pourquoi y regarderais-je à deux fois ?  

…puisque de son 

essence

, elle n'est « 

pas toute

  

». 

 
De sorte que pour accentuer quelque chose dont…  
Je vois 

mes élèves

 beaucoup moins attachés à ma lecture 

- n'est-ce pas ? - que le moindre sous-fifre quand il 
est animé par le désir d'avoir une maîtrise.  
Il n'y a pas un seul de 

mes élèves

 qui n'ait fait  

je ne sais quel cafouillage sur… sur je ne sais pas 
quoi :  

-

 

le manque de signifiant,  

-

 

le signifiant du manque de signifiant,  

-

 

et autres bafouillages à propos du phallus.  

 
Alors que je vous désigne dans ce « 

L

 

»

 

 

Le signifiant

… 

malgré tout courant et même indispensable,  
la preuve c'est que déjà tout à l'heure  
j'ai parlé de 

l'homme

 et de 

la femme

 

…oui il est indispensable ! 
 
C'est un signifiant ce 

L

 

, c'est par ce 

L

 

 que je 

symbolise 

Le signifiant

Le signifiant

 dont il est tout à fait 

indispensable de marquer la place qui… qui ne peut… 
qui ne peut pas être laissée vide, de ceci que ce  
« 

L

  

» est 

Le signifiant

,

 dont le propre est que… il est  

le seul qui ne peut 

rien signifier

…  

mais ceci seulement : de fonder le statut de 

L

 

femme

 

dans ceci qu'elle n'est « 

pas toute

  

», ce qui ne permet 

pas de parler de « La 

femme

 ». 

 
 
 

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156

Mais par contre, s'il n'y a de femme si je puis dire 
qu'

exclue

, dans 

la nature des choses

 qui est la nature des mots… 

il faut bien dire, hein, que ce que j'avance là, 
quand même ça peut se dire, parce que s'il y a 
quelque chose dont elles-mêmes se plaignent assez 
pour l'instant, c'est bien de ça, hein ! bon ! 
simplement 

elles ne savent pas ce qu'elles disent

 ! 

c'est toute la différence entre elles et moi.

 [ Rires ]

  

…oui, s'il n'y a donc de femme, qu'exclue par  

la nature des choses

 comme 

L

 

femme, il n'en reste pas moins 

que si elle est exclue par 

la nature des choses

 c'est 

justement

 

de ceci : que d'être « 

pas toute

  

»

 

,

 elle s'assure comme 

« 

L

 

femme » de ceci, que par rapport à ce que désigne 

de 

jouissance

 la fonction phallique, elles ont - si je 

puis dire - 

une jouissance supplémentaire

 
Vous remarquerez que j'ai dit 

supplémentaire

 parce que si 

j'avais dit complémentaire, où nous en serions (?)  
on retomberait dans le tout. 
…Ouais, elles ne s'en tiennent - aucune s'en tient - 
d'être « 

pas toute

  

»

 

, à la jouissance de… dont il s'agit 

quand même, et mon Dieu, d'une façon générale quoi… 
On aurait bien tort quand même de ne pas voir que, 
contrairement à ce qui se dit c'est quand même les 
femmes qui possèdent les hommes.  
Au niveau du populaire, et c'est pour ça que je parle 
jamais enfin vraiment, sauf de temps en temps 
probablement, enfin je dois bien un peu baver comme 
tout le monde, mais enfin en général je dis des 
choses importantes… 

et quand je remarque que le populaire appelle… 
populaire, moi j'en connais, ils sont pas 
forcément ici, mais j'en connais pas mal !  

…le populaire appelle la femme « 

la bourgeoise

 »,  

c'est bien ça que ça veut dire : c'est que pour être 
à la botte – hein ? - c'est lui qui l'est, pas elle. 
 
Donc le phallus… 

« 

son homme

 » comme elle dit 

…euh, depuis RABELAIS on sait que ça lui est pas 
indifférent. Seulement toute la question est là : 
Elle a divers modes de l'aborder ce phallus et de  
se le garder, hein.  

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157

Et même que ça joue, parce que c'est pas parce 
qu'elle est « 

pas toute

  

»

  

dans 

la fonction phallique

 qu'elle y est 

pas du tout

. Elle y est pas « 

pas du tout

 », elle y est à 

plein, mais il y a quelque chose 

en plus

… 

cet 

en plus

, hein, faites attention, gardez-vous 

enfin d'en prendre trop vite les échos, je peux 
pas le désigner mieux ni autrement parce qu'il 
faut que je tranche et que j'aille vite 

…il y a une 

jouissance

… 

puisque nous nous en tenons à  
la jouissance, jouissance du corps 

…il y a une jouissance qui est… 

si je puis m'exprimer ainsi parce qu'après tout, 
pourquoi pas en faire un titre de livre, c'est 
pour le prochain de la collection Galilée :  

Au-delà du phallus

, ça serait mignon ça, hein ! et puis 

ça donnerait une autre consistance au MLF. 

[ Rires ]

   

…une jouissance au-delà du phallus, hein ! 
 
Si vous vous êtes pas encore aperçus – hein ? …  

je parle naturellement ici aux quelques semblants 
d'hommes, enfin qui… que je vois par-ci par-là, 

 [ Rires ]

 heureusement que pour la plupart je ne les 

connais pas, comme ça je préjuge de rien, 

[ Rires ]

 

pour les autres comme… 

…Oui ! Il y a quelque chose que peut-être les 
quelques semblants d'hommes en question ont pu 
remarquer… 

comme ça de temps en temps,  
enfin entre deux portes  

…enfin il y a, il y a les choses qui les 

secouent

  

–  hein ? - ou qui les 

secourent

.  

Et puis quand vous regardez en plus l'étymologie  
de ces deux mots dans ce fameux 

Bloch et Von Wartburg

59

  

dont je fais mes délices et dont je suis sûr  
que vous ne l'avez même pas chacun dans votre 
bibliothèque  

…vous verrez que le rapport qu'il y a entre secouer 
et secourir, c'est pas des choses qui arrivent par 
hasard, quand même !  
 

                                                 

59

 Oscar Bloch et Walther von Wartburg, 

Dictionnaire étymologique de la langue française

,  PUF, coll. Quadrige 2008. 

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158

Il y a une 

jouissance

, disons le mot, à « 

elle

 », à cette 

« 

elle

 » qui n'existe pas, qui ne signifie rien.  

Il y a une jouissance, il y a une jouissance à « 

elle

 » 

dont

 

peut-être elle-même ne sait rien, sinon qu'elle 

l'éprouve, ça elle le sait.   
Elle le sait bien sûr quand ça arrive.  
Ça leur… ça leur arrive pas à toutes. 
 
Mais enfin sur le sujet de la prétendue frigidité, 
après tout, faut faire la part de la mode aussi,

 [ Rires ]

  

et des rapports entre les hommes et les femmes.  
C'est très important, puisque bien entendu tout ça 
comme dans l'amour courtois est dans le discours  
-  hélas ! - de FREUD, recouvert par… recouvert comme 
ça par de menues considérations qui ont exercé leurs 
ravages tout comme l'amour courtois, toutes sortes de 
menues considérations sur la… sur la 

jouissance  clitoridienne

sur la jouissance qu'on appelle comme on peut…  

l'autre justement, celle que je suis comme ça en 
train d'essayer de vous faire aborder par la voie 
logique, parce que jusqu'à nouvel ordre il n'y en 
a pas d'autre. 
Il y a une chose certaine et qui laisse quand 
même depuis le temps quelque chance à ce que 
j'avance, que de cette jouissance la femme elle 
ne sait rien, c'est que depuis le temps quand 
même qu'on les supplie, qu'on les supplie à 
genoux, et je parlais la dernière fois des 
psychanalystes femmes, d'essayer quand même de 
nous le dire, d'approcher ça, eh ben pfutt ! 
motus hein ! On n'a jamais rien pu en tirer.  

…alors on appelle ça comme on peut : 

vaginale

, le… le, 

le, le, le, le pôle postérieur du museau de l'utérus 
et autres conneries 

[ Rires ]

, c'est le cas de le dire.  

 
Mais après tout, si simplement elle l'éprouvait et si 
elle n'en savait rien, ça permettrait aussi de jeter 
beaucoup de doute, là, du côté de la fameuse 

frigidité

 

dont je parlais tout à l'heure, n'est-ce pas, qui est 
aussi un thème, un thème littéraire, enfin n'est-ce 
pas.  
 
 

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159

Enfin bien, ça vaudrait quand même la peine qu'on s'y 
arrête, parce que figurez-vous depuis ces quelques 
jours, là que je passe… 

enfin ces 

quelques jours

 : je fais que ça depuis 

que j'ai vingt ans, enfin passons ! 

…à explorer les philosophes sur ce sujet de l'amour, 
naturellement j'ai pas tout de suite centré ça sur 
cette affaire de l'amour, enfin ça m’est venu dans un 
temps, avec justement l'Abbé ROUSSELOT dont je vous 
parlais tout à l'heure et puis toute la querelle  
de 

l'amour physique

 et de 

l'amour extatique

, comme ils disent.  

 
Enfin, je comprends que GILSON

60

 ne l'ait pas trouvée 

très bonne, cette opposition, il a trouvé que peut-
être ROUSSELOT avait fait là une découverte qui n'en 
était pas une, que ça faisait partie du problème,  
que l'amour est aussi extatique dans… dans ARISTOTE 
que dans Saint BERNARD, à condition qu'on sache lire 
les chapitres sur la 

ϕιλία

 

[ philia ]

, sur l'amitié.  

 
Vous pouvez pas savoir… 

enfin si, vous pouvez savoir, ça dépend, il y a 
certains ici qui doivent savoir 

…quelle débauche de littérature s'est produite autour 
de ça :  

-

 

Denis de ROUGEMONT

61

, vous voyez ça : 

L'Amour et 

l'Occident

, ça barde ! 

[ Rires ]

 

-

 

Et puis, et puis il y a un autre, qui est pas… 
qui n'est pas plus bête qu'un autre, 

qui s'appelle

 

NYGREN

62

, c'est un protestant, oui, 

Éros et Agapè

 

 
Enfin ! C'est vrai, c'est vrai, c'est vrai 
naturellement qu'on a fini dans le christianisme par 
inventer un Dieu, 

que c'est lui qui jouit

 ! 

[ Rires ]

  

Il y a quand même un petit pont, un pont :  
quand vous lisez certaines personnes sérieuses, comme 
par hasard c'est des femmes ! 
 

                                                 

60 Etienne Gilson, La Théologie mystique de Saint Bernard (1934),  Paris, Vrin, 2000.  
 

 

61 Denis de Rougemont, L’Amour et l’Occident, Paris, Plon 10/18, 1991. 
62 Anders Nygren (1890-1978), Éros et Agapé, Aubier Montaigne, Coll. Religion et Questions,  1992.

  

 

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160

Je vais vous en donner quand même une indication…  

que je dois comme ça, à une très gentille 
personne qui l'avait lu et qui me l'a apporté.  
Je me suis rué là-dessus, rué !  

…Ah ! Il faut que je l'écrive parce que sans ça,  
ça vous servira à rien et vous ne l'achèterez pas.  
 
D'ailleurs vous l'achèterez moins facilement que le 
livre qui vient de paraître sur moi.  
Vous l'achèterez moins facilement parce que je crois 
qu'il est épuisé.  
Mais enfin vous arriverez peut-être à le trouver.  
On s'est donné beaucoup de mal pour me l'apporter  
à moi, cette HADEWIJCH d'ANVERS

63

.  

 
C'est une Béguine, c'est une Béguine, c'est-à-dire ce 
qu'on appelle comme ça tout gentiment une mystique. 
Moi, je n'emploie pas le mot mystique comme 
l'employait PÉGUY – hein ? - la mystique c'est pas 
tout ce qui n'est pas la politique, la mystique c'est 
quelque chose de sérieux, hein. 
 
Il y a quelques personnes, et justement le plus 
souvent des femmes, ou bien des gens doués comme 
Saint Jean de la Croix… 
ouais, parce que on n'est pas forcé, quand on est 

mâle, de se mettre du côté du 

  

!

,

 on peut aussi  

se mettre du côté du 

pas tout

 [

.

], oui.  

 
Il y a des hommes qui sont aussi bien que les femmes 
- ça arrive ! - et qui du même coup s'en trouvent 
aussi bien : ils entrevoient… 

disons, malgré, enfin, je n'ai pas dit malgré 
leur 

phallus

, malgré ce qui les encombre à ce titre 

…ils éprouvent - l'idée en tout cas ! - que quelque 
part il pourrait y avoir une 

jouissance

 qui soit 

au-delà

C'est ce qu'on appelle des mystiques. 
 
 
 
 

                                                 

63 Hadewijch d’Anvers,

 Amour est tout,

 poèmes strophiques, Paris, Téqui, Livre d'or des écrits mystiques 2000,  

et  

Écrits mystiques des béguines

, Paris, Seuil, Coll. Points Sagesses 2008. 

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161

Et si vous lisez cette HADEWIJCH… 

dont je sais pas comment prononcer son nom, mais 
enfin quelqu'un qui est ici et qui saura le 
néerlandais me l'expliquera j'espère 

tout à l'heure

  

…si vous lisez cette HADEWIJCH…  
Enfin, j'ai déjà parlé d'autres gens qui n'étaient 
pas si mal non plus, du côté mystique… 

mais qui se situaient plutôt du côté,  
là de ce que je disais tout à l'heure,  
à savoir du côté de la 

fonction phallique

, n'est-ce pas 

…Angelus SILESIUS, tout de même, malgré tout, enfin, 
à force de confondre son œil contemplatif avec l'œil 
dont Dieu le regarde… C'est quand même un peu drôle, 
ça doit quand même faire partie de 

la jouissance perverse

.  

 
Mais pour la HADEWIJCH en question,  

pour Sainte Thérèse, enfin disons quand même le 
mot… et puis en plus vous avez qu'à aller 
regarder dans une certaine église à Rome  

la statue du BERNIN

64

 pour 

comprendre

 tout de suite  

…enfin quoi : qu'elle 

jouit

, ça fait pas de doute !  

Et de quoi jouit-elle ?  
Il est clair que le témoignage essentiel de  
la mystique c'est justement de dire ça :  
qu'ils l'éprouvent mais qu'ils n'en savent rien. 
 
Alors ici, comme ça, pour terminer…  enfin, ce que  
je vous propose, ce que je vous propose, c'est que 
grâce à ce petit frayage, celui que j'essaye de faire 
aujourd'hui, quelque chose soit fructueux, réussisse 

tout juste

 – hein ? - de ce qui se tentait à la fin du 

siècle dernier, au temps de FREUD justement.  
 
Ce qui se tentait c'était de ramener cette chose que 
j'appellerai pas du tout du bavardage ni du verbiage, 
toutes ces 

jaculations

 mystiques qui sont en somme, ouais, 

qui sont en somme ce qu'on peut lire de mieux, tout à 
fait en bas de page, note : y ajouter les 

Écrits

  

de Jacques LACAN, parce que c'est du même ordre. 
 

                                                 

64 Le Bernin, « Extase de Sainte Thérèse », église Santa Maria della Vittoria, Rome.  

 

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162

Moyennant quoi naturellement vous allez être tous 
convaincus que je crois en Dieu :  

je crois à la 

jouissance de

 

«

 

L

 femme

 

»

 en tant qu'elle est 

en plus

, à condition que cet 

en plus

 là, vous y mettiez  

un écran avant que je l'aie bien expliqué. 
 
Alors tout ce qu'ils cherchaient, là, comme ça, 
toutes sortes de braves gens, là, dans l'entourage  
de n'importe qui, de CHARCOT et des autres,  
pour expliquer que la mystique, c'est, c'était des 
affaires de 

foutre

… mais c'est que si vous y regardez  

de près, c'est pas ça, pas ça, pas ça du tout !  
 
C'est peut-être ça qui doit nous faire entrevoir  
ce qu'il en est de l'Autre :  
cette 

jouissance

 qu'on éprouve et dont on ne sait rien, 

mais est-ce que ce n'est pas ça qui nous met sur la 
voie de l'

ex-sistence

 

?  

Et pourquoi ne pas interpréter une

 

face de l'Autre, 

la face de Dieu… 

puisque c'était de ça, par là que  
j'ai abordé l'affaire tout à l'heure 

…une face de Dieu comme supportée par la jouissance 
féminine, hein.  
 
Comme tout ça se produit n'est-ce-pas, grâce à…  
à 

l'être de la signifiance

, et que cet être n'a d'autre lieu que 

ce lieu de l'Autre que je désigne du grand A,  
on voit la biglerie – hein ? - de ce qui se produit :  
c'est comme cela aussi, enfin, que s'inscrit  

la fonction du père

 en tant que c'est à elle que  

se rapporte la 

castration

, alors… alors on… on voit que ça 

ne fait pas deux « Dieu », mais que ça n'en fait pas 
non plus un seul.  
 
En d'autres termes, c’est pas par hasard que 
KIERKEGAARD 

65

 en a découvert l'existence,  

dans une petite aventure de séducteur.  
C'est à se castrer, c'est à renoncer à l'amour, 
n'est-ce pas, qu'il pense y accéder.  
Mais peut-être qu'après tout - pourquoi pas ? - 
Régine elle aussi, peut-être existait.  

                                                 

65 S. Kierkegaard, La Reprise, Paris, Flammarion, 1990. 

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163

Ce désir d'un bien, au second degré, qui n'est pas 
causé par un 

petit(a)

 celui-là, c'est peut-être  

par l'intermédiaire de Régine qu'il en avait 

la dimension

.  

 
Voilà j'en ai assez raconté pour aujourd’hui… 
 
 
 
 

Extase de Sainte Thérèse

 

 

 

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164

  
13 Mars 1973                                                                              

Table des matières

 

 
 
 
 

 

 
 
Après ce que je viens de vous mettre au tableau,  
vous pourriez croire que vous savez tout.  
Il faut vous en garder. Justement parce que nous 
allons aujourd'hui essayer de parler du savoir.  
De ce savoir que, dans l'inscription des discours, 
ceux dont j'ai cru pouvoir vous exemplifier que se 
supporte le lien social, dans cette inscription des 
discours, j'ai mis, j'ai écrit S

2

 pour symboliser  

ce savoir. 
 

 

 
Peut-être arriverai-je à vous faire sentir pourquoi, 
pourquoi ça va plus loin qu'une 

secondarité

 par rapport 

au signifiant pur, à celui qui s'inscrit du S

1

,  

que c'est plus qu'une secondarité, que c'est une 
désarticulation fondamentale. 

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165

Quoi qu'il en soit puisque j'ai pris le parti de vous 
donner ce support, de cette inscription au tableau.  
Je vais la commenter, j'espère brièvement.  
D'ailleurs je l'ai - il faut que je vous l'avoue - 
nulle part écrite, nulle part préparée, elle ne me 
paraît pas exemplaire sinon, 

comme d'habitude,

  

à produire des 

malentendus

 
Néanmoins, puisqu'en somme la situation qui résulte 
d'un discours comme l'analytique, qui vise au sens, 
il est tout à fait clair que je ne puis vous livrer  
à chacun que ce que, de sens, vous êtes en route 
d'absorber, et ça a une limite.  
Ça a une limite qui est donnée par… par le sens  
où vous vivez, et qui - on peut bien le dire –  
ce n'est pas trop dire que de dire 

qu'il ne va pas loin

.  

 
Ce que le discours analytique fait surgir,  
c'est justement l'idée que ce sens est de 

semblant

.  

S'il indique - le discours analytique - s'il indique 
que ce sens est sexuel, ce ne peut être, justement, 
qu'à - je dirai - rendre raison de sa limite.  
 
Il n'y a nulle part de 

dernier mot

, si ce n'est au 

sens

 :  

mot c'est 

motus

, j'y ai déjà insisté 

…« 

pas de réponse, mot

 » dit quelque part La Fontaine  

si je m'en souviens encore.  
Le 

sens

 indique très précisément la direction vers 

laquelle il échoue. 
 
Ceci étant posé, qui doit vous garder, jusqu'au point 
où je pourrai en pousser mon élucidation cette année, 
de comprendre trop vite ce qui se supporte de cette 
inscription, à partir de là, c'est-à-dire prises 
toutes ces précautions qui sont de prudence…  

De 

ϕρόνησιζ

 

[ phronesis ]

, comme on s'exprime dans la 

langue grecque, où bien des choses ont été 

dites,

  

mais qui sont restées loin, en somme, de ce que  

le discours analytique

 nous permet d'articuler,  

…prises donc ces précautions de prudence, 
voici à peu près ce qui est inscrit au tableau.  
 

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166

 

 
Le rappel des termes propositionnels - au sens 
mathématique - par où 

qui que ce soit

 de l'être parlant, 

s'inscrit à gauche ou bien à droite.  
Cette inscription étant dominée par le fait  
qu'à gauche… 

à gauche ce qui répond au 

tout homme

 [

;

…c'est en fonction dite 

!

 qu'il prend comme 

tout

 son 

inscription : 

;

  

!

,

 à ceci près que cette fonction 

trouve sa limite dans l'existence d'un X par quoi  

la fonction 

!

 est niée : 

:  §

.  

C'est ce qu'on appelle 

la fonction du père

 d'où procède…  

en somme, par cette négation de la proposition 

!

  

…ce qui fonde l'exercice de ce qui supplée au rapport 
sexuel en tant que celui-ci n'est d'aucune façon 
inscriptible, ce qui y supplée par la castration. 
Le 

tout

 repose donc ici sur l'

exception

 posée comme terme 

sur ce qui - ce 

!

 - intégralement le nie. 

 
Par contre, 

en face

 vous avez l'inscription de ceci : 

que pour 

une part

 des êtres parlants, et aussi bien  

à tout être parlant… 

comme il se formule expressément  
dans la théorie freudienne 

…à tout être parlant il est permis… 

quel qu'il soit : pourvu ou non des attributs  
de la masculinité, attributs qui restent à 
déterminer, pourvu ou non de ces attributs 

…il peut s'inscrire dans l'autre part, et 

ce

 comme 

quoi il s'inscrit, c'est justement de ne permettre 

aucune 

universalité

, d'être ce « 

pas tout

 » [

.

], en tant 

qu'il a en somme le choix de se poser dans le 

!

,

  

ou bien de n'en pas être. 
 
Telles sont les seules définitions possibles de  
la part dite 

homme

 ou bien 

femme

 dans ce qui se trouve 

être dans cette position d'habiter le langage.  
 

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167

Au-dessous, sous la barre… 

la barre transversale où se croise la division 
verticale de ce qu'on appelle improprement 
l'humanité en tant qu'elle se répartirait  
en identifications sexuelles 

…vous avez l'indication - l'indication scandée –  
de ce dont il s'agit, c'est à savoir, à savoir qu'à 
la place du partenaire sexuel du côté de l'homme, 
de cet homme que j'ai, non certes pour le privilégier 
d'aucune façon, inscrit ici du S barré : 

S

, et de ce 

Φ

 

qui le supporte comme signifiant, ce 

Φ

 qui aussi bien 

s'incarne dans le S

1

 d'être - entre tous les 

signifiants - celui qui 

paradoxalement

 n’a joué le rôle 

que de la fonction, dans le 

!

, est justement 

ce signifiant 

dont il n'y a pas de signifié

, qui - quant au sens -  en symbolise 

l'échec, le 

mésens

, qui est 

l'indé-sens

 par excellence,  

ou si vous voulez encore le 

réti-sens

, ce S… 

ce S ainsi doublé, ce signifiant  
dont en somme il ne dépend même pas 

…ce S n'a jamais affaire, en tant que partenaire, 
qu'à cet 

objet(a)

 inscrit comme tel de l'autre côté  

de la barre.  
 
Il ne lui est donné d'atteindre ce partenaire… 

ce partenaire qui est l'Autre,  
l'Autre avec un grand A 

…que par l'intermédiaire de ceci :  
qu'il est la cause de son désir, mais qu'à ce titre… 

comme l'indique 

ailleurs dans mes graphes

 la 

conjonction

 pointée 

de ce S barré :

 S

 et de ce 

(a)

  

[

 a

 

: formule du fantasme 

]

 

…qu'il n'est rien d'autre que fantasme.  
Ce fantasme fait aussi bien pour ce sujet… 

en tant qu'il y est pris comme tel 

…le support de ce qu'on appelle expressément - dans 
la théorie freudienne - le principe de réalité. 
 
Ce que j'aborde cette année est très précisément ceci 
de la théorie - l'articulation théorique de FREUD -  
très précisément ceci : que dans FREUD est laissé de 
côté, est laissé de côté 

expressément

d'une façon avouée

  

le « 

Was will das Weib

 ? » le « 

Que veut la Femme

 ? », que la 

théorie de FREUD comme telle, 

a expressément avoué ignorer

.  

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168

FREUD avance qu'il n'y a de libido que masculine. 
Qu'est-ce à dire, sinon qu'un champ qui n'est tout de 
même pas rien… 

celui de tous les êtres qui - comme on dit - 
d'

assumer,

 si l'on peut dire et si tant est que cet 

être assume, assume quoi que ce soit de son sort  

…ce qui s'appelle improprement… 

puisqu'ici je vous le rappelle,  
ce que j'ai souligné la dernière fois 

…c'est que ce « La » de « La femme », à partir du 
moment où il ne s'énonce que d'un « 

pas tout

 »,  

ne peut s'écrire… qu'il n'y a ici de « La » que 
barré : 

L

.  

 

Ce 

L

, expressément, est ce qui a rapport… 

et ce que je vous illustrerai  
aujourd'hui, du moins je l'espère  

…avec ce 

signifiant

 de grand A en tant que barré : S(

A

), 

en tant que ce lieu de l'Autre lui-même… 

là où vient s'

inscrire

 tout ce qui 

 peut s'articuler du signifiant 

…est dans son fondement - de par sa nature –  
si radicalement l'Autre, que c'est cet Autre  
qu'il importe d'interroger.  
 
S'il n'est pas simplement ce lieu où 

la vérité

  balbutie, 

mais s'il mérite de quelque façon de représenter  
ce à quoi… 

comme la dernière fois et de façon en quelque 
sorte métaphorique, je vous ai adressé ceci 

…que du départ…  

du départ dont s'articule l'inconscient 

L

 femme… 

L

 femme comme nous n'en avons assurément que des 

témoignages sporadiques, c'est pour cela que je 
les ai pris la dernière fois dans leur fonction 
de métaphore 

L

 femme a foncièrement ce rapport à l'Autre : 

que d'être dans le rapport sexuel par rapport à ce 
qui s'énonce, à ce qui peut se dire de l'inconscient, 
radicalement l'Autre, elle est ce qui a rapport à cet 
Autre. Et c'est là ce qu'aujourd'hui je voudrais 
tenter d'articuler de plus près.  

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169

C'est au signifiant de cet Autre, en tant que comme 
Autre, je dirai, il ne peut rester que toujours 
Autre, assurément, ici, nous ne pouvons que procéder 
que d'un frayage aussi difficile qu'il est possible 
d'en appréhender aucun.  
Et c'est pourquoi en m'y aventurant… 

comme je fais à chaque fois devant vous 

…je ne puis ici que supposer que vous évoquerez… 

et pour cela, il faut que je vous le rappelle 

qu'il n'y a pas d'Autre de l'Autre

, que c'est pour cela que ce 

signifiant - avec cette parenthèse ouverte : S(

A

) - 

marque cet Autre comme barré. 
 
Comment pouvons-nous donc approcher, concevoir que ce 
rapport à l'Autre puisse être, quelque part,  
ce qui détermine qu'une moitié… 

puisqu'aussi bien c'est, grossièrement,  
la proportion biologique 

…qu'une moitié de l'être parlant se réfère ?  
 

 

 
C'est pourtant ce qui est là écrit au tableau  

par cette flèche partant du 

L

, de ce 

L

 qui ne peut 

se dire. Rien ne peut se dire de « 

femme ».  

« 

femme » a un rapport :  

-

 

rapport à ce S(

A

) d'une part,  

-

 

et c'est en cela déjà qu'elle 

se dédouble

, qu'elle 

n'est « 

pas toute

 »,

 

puisque d'autre part elle peut 

avoir ce rapport avec ce grand 

Φ

 que dans  

-

 

la théorie analytique nous désignons de 

ce phallus

  

tel que je le précise d'être le signifiant,  

le signifiant qui n'a pas de signifié

.  

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170

Celui-là même qui se supporte, qui se supporte chez 
l'homme de cette jouissance, de cette jouissance 
dont, comme ça pour la pointer, je vous dirai que, 
j'avancerai aujourd'hui que ce qui le mieux  
le symbolise, qu'est-ce après tout sinon ceci… 

que l'importance de la masturbation  
suffisamment dans notre pratique souligne 

qu'est-ce qu'elle est, sinon ceci qui n'est rien 
d'autre… 

dans les cas - si je puis dire – favorables 

…que la jouissance de l'idiot ? 

 

Léger mouvement ! …  

[ Rires ]

 

Après ça, pour vous remettre 

[ Rires ]

, il ne me reste plus 

qu'à vous parler d'amour. 

[ Rires ]

 

Quel sens cela peut-il avoir, quel sens y a-t-il  
à ce que j'en vienne à vous parler d'amour ? 
Je dois dire que c'est peu compatible avec la 
position d'où ici je vous énonce…  
 

Qu'est-ce qu'il y a, ça ne va pas ?  
Et comme ça, comme ça, ça va mieux ?  
Est-ce que ceux du fond entendent ? 
Non !

 

 
…ceci est peu, disais-je, compatible avec 

ce

 - qu'il 

faut bien dire - que depuis le temps je ne cesse  
de poursuivre, c'est-à-dire cette direction d'où le 
discours analytique peut faire 

semblant

 de quelque chose 

qui 

serait science

. Car enfin ce « 

serait science

 », vous en êtes 

très peu conscients, bien sûr vous avez 

quelques repères

Vous savez… 

 j'y ai mis parce que je croyais que c'était une bonne 
étape à vous le faire repérer dans l'histoire  

…vous savez que il y a eu un moment où on a, non sans 
fondement, pu se décerner cette assurance que le 
discours scientifique ça s'était fondé.  
Le point tournant galiléen, j'y ai il me semble 
suffisamment insisté pour supposer qu'à tout le moins 
certains de vous ont été aux sources, là où ça se 
repère : L'œuvre de KOYRÉ Alexandre, depuis le temps, 
je pense – est au moins de la pratique d'une partie 
de cette assemblée. 
 
 

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171

Mais ce qu'il faut voir c'est à quel point  
c'est un 

pas

, un 

pas

 vraiment subversif, au regard  

de ce qui jusque là s'est intitulé 

connaissance

.  

Il est très difficile de soutenir, de maintenir 
également présents ces deux termes, à savoir que  
le discours scientifique a engendré toutes sortes 
d'instruments, qu'il nous faut bien - du point de vue 
dont il s'agit ici - qualifier de ce qu'ils sont : 

-

 

tous ces « 

gadgets

 » dont vous êtes désormais les 

sujets

infiniment plus loin

 que vous ne le pensez,  

-

 

tous ces instruments qui, mon Dieu, du microscope 
jusqu'à la radio-télé n'est-ce pas, deviennent 
des éléments, des éléments de votre existence 

-

 

ceci dont vous ne pouvez actuellement, même pas 
mesurer la portée, mais qui n'en fait pas moins 
partie de ce que j'appelle le discours 
scientifique, pour autant que 

un discours

 c'est ce 

qui détermine comme telle 

une forme

, une forme 

complètement renouvelée 

de lien social

 
Le joint qui ne se fait pas c'est ceci, c'est que  
ce que j'ai appelé tout à l'heure 

subversion de la connaissance

 

s'indique de ceci : que jusqu'alors rien de la 
connaissance - il faut le dire - ne s'est conçu  
sans que rien de ce qui s'est écrit, sur cette 
connaissance, ne participe… 

et l'on ne peut pas même dire que les sujets de  

la théorie antique de la connaissance

 ne l'aient pas su 

…sans que rien de cette théorie dis-je, ne participe 
du 

fantasme

 d'une 

inscription du lien sexuel

 
Les termes d'

actif

 et de 

passif

, par exemple… 

qui - on peut le dire - dominent tout ce qui a 
été cogité 

des rapports de la forme et de la matière

ce rapport si fondamental auquel se réfère chaque 
pas platonicien puis aristotélicien, concernant, 
disons, ce qu'il en est de la nature des choses 

…il est visible, il est touchable, à chaque pas  
de ces énoncés, que ce qui les supporte c'est  
un fantasme par où il est tenté de 

suppléer

 à ce qui 

d'aucune façon ne peut se 

dire

, c'est là ce que je vous 

propose comme 

dire

, à savoir le rapport sexuel. 

 

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172

L'étrange est que, tout de même, à l'intérieur de 
cette grossière polarité… 

celle qui de la matière fait le passif,  
de la forme l'agent qui l'anime 

…quelque chose, mais quelque chose d'ambigu, a passé 
c'est à savoir que cette animation ce n'est rien 
d'autre que ce 

(a)

 

 

dont l'agent anime – quoi ? - 

il n'anime rien, il prend l'autre pour son âme. 
 
Et que d'un autre côté, si nous suivons ce qui 
progresse au cours des âges de l'idée 

d'un être par excellence

d'un Dieu qui est bien loin d'être conçu comme  
le Dieu de la foi chrétienne, puisqu'aussi bien vous 
le savez c'est le moteur immobile, la sphère suprême, 
que dans l'idée que le Bien, c'est ce quelque chose 
qui fait que tous les autres 

êtres

…  

moins 

être

 que celui-là 

…ils ne peuvent avoir d'

autre visée 

que d'être le plus 

être

 qu'ils peuvent être… 

Et c'est là tout le fondement de l'idée du 

Bien

  

dans cette 

Éthique

 d'ARISTOTE, dont ce n'est pas pour 

rien que je vous ai rappelé, que non seulement  
je l'avais traitée, mais que je vous incitais à vous  
reporter pour en saisir les impasses. 
 
Il se trouve tout de même que ce 

quelque chose

 

si nous suivons le support  
des inscriptions à ce tableau 

…il se révèle que c'est tout de même dans cette 
opacité, de ce où j'ai la dernière fois expressément 
désigné qu'était la jouissance de cet Autre… 

de cet Autre en tant que pourrait l'être,  
si elle existait, « 

La femme

 » 

…que c'est bien à la place de la jouissance de cet 
Autre qu'est désigné cet être mythique… 

mythique manifestement chez ARISTOTE 

…de l'

Être Suprême

, de 

la sphère immobile 

 d'où procèdent tous 

les mouvements quels qu'ils soient :  
changements, générations, mouvements, translations, 
augmentations, etc. 
 
 
 
 

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173

Comment faire pour approcher dans cette ambiguïté, 
Approcher - en somme quoi ? - en l'

interprétant  

,  

en l'

 interprétant

 selon ce qu’il est de notre fonction 

dans 

le discours analytique

, c'est-à-dire enregistrer, scander 

ce qui peut se 

dire

 comme allant, allant à l'échec, 

vers la formulation du rapport sexuel. 
 
Que si nous arrivons à dissocier ceci :  
que c'est en tant que 

sa  jouissance

 est radicalement Autre 

que - en somme - 

L

 femme a plus rapport à Dieu  

que tout ce qui peut se dire en suivant la voie  
- de quoi ? - de ce qui manifestement dans toute la 

spéculation antique

 ne s'articule que comme le 

Bien

 de l'Homme.  

 
Si en d'autres termes nous pouvons - ce qui est notre 
fin - la fin de notre enseignement pour autant qu'il 
poursuit ce qui se peut se dire et s'énoncer du 
discours analytique, c'est de 

dissocier

 ce petit 

(a)

 

et ce grand A :  

-

 

en réduisant le premier à ce qui est de l'

imaginaire

,  

-

 

et l'autre à ce qui est du 

symbolique

.  

Que 

le symbolique

 soit le support de ce qui a été fait Dieu 

c'est hors de doute.  
Que ce qu'il en est de l'

imaginaire

 c'est ce qui se 

supporte

 

de ce reflet du semblable au semblable, c'est ce qui 
est certain. 

 

 
Comment, en somme, ce 

(a)

, de s'inscrire juste  

au-dessous de ce S(

A

) ait pu, dans notre inscription 

au tableau, ait pu jusqu'à un certain terme, prêter 
en somme à confusion, et ceci très exactement par 
l'intermédiaire de la fonction de l'

être

,  

c'est assurément ce en quoi quelque chose, si je puis 
dire, reste à décoller, reste à scinder, et 

précisément

 

en ce point où 

la psychanalyse

  est  autre chose  qu'une  psychologie

La psychologie, c'est cette 

scission

 non encore faite.  

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174

Et là pour me reposer, je vais me permettre - mon 
Dieu - de vous faire part, je ne dis pas à proprement 
parler de vous lire… 

parce que je ne suis jamais sûr  
de lire jamais quoi que ce soit  

…de vous lire tout de même ce que je vous ai,  
il y a quelque temps, écrit, écrit justement,  
écrit sur quoi, écrit là seulement d'où il se peut 
qu'on parle d'amour, car parler d'amour on ne fait 
que ça dans le discours analytique… 

et après la découverte 

du discours scientifique

, comment ne 

pas sentir, toucher du doigt que c'est une perte 
de temps, très exactement 

perte de temps

 au regard de 

tout ce qui peut s'articuler de scientifique 

…mais que ce que 

le discours analytique

 apporte… 

et c'est peut-être ça après tout la raison de son 
émergence en un certain point 

du discours scientifique

 

…c'est que parler d'amour est en soi une jouissance.  
 
Ce qui se confirme assurément à cet effet, effet 
tangible, que dire n'importe quoi… 

consigne même du discours de l'analysant 

…est ce qui mène au 

Lustprinzip

, et ce qui y mène  

de la façon la plus directe, et sans avoir aucun 
besoin de cette accession aux sphères supérieures, 
qui est le fondement de l'éthique aristotélicienne 
pour autant que je vous l'évoquais tout à l'heure 
brièvement, en tant qu'en somme elle ne se fonde  
que de la coalescence, que de la confusion de ce 

petit 

(a)

 

 avec le S(

A

). 

 
Il n'est barré, bien sûr, que par nous. 
Ça ne veut pas dire qu'il suffise de barrer pour que 
rien n'en 

ex-siste

.  

 
Il est certain que si, ce S(

A

) je n'en désigne  

rien d'autre que la jouissance de 

L

 femme,  

c'est bien assurément parce que c'est là que je 
pointe que Dieu n'a pas encore fait son 

exit

Alors voici à peu près ce que j'écrivais à votre 
usage, je vous écrivais quoi en somme ? La seule 
chose qu'on puisse faire d'un peu sérieux, 

la lettre d'amour

.  

 

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175

Les supposés psychologiques grâce à quoi tout ceci  
a duré si longtemps, eh bien, je suis de ceux  
qui ne leur font pas une bonne réputation.  
On ne voit pas pourtant, pourquoi le fait d'avoir une 
âme serait un scandale pour la pensée si c'était 

vrai

.  

 
Si c'était vrai, l'âme ne pourrait se dire… 

c'est ça que je vous ai écrit 

…que de ce qui permet à un être… 

à l'être parlant pour l'appeler par son nom 

…de supporter l'intolérable de son monde, ce qui la 
suppose d'y être étrangère, c'est-à-dire 

fantasmatique

.  

 
Ce qui cette âme ne l'y considère…  

« l'y » dans ce monde 

…que de sa patience et de son courage à y faire tête. 
Ceci s'affirme de ce que jusqu'à nos jours, elle n'a 
- l'âme - jamais eu d'autre sens. 
 
Eh bien, c'est là que le français doit m'apporter  
une aide… 

non pas comme il arrive dans la langue 
quelquefois, d'homonymie : de ce d'eux  
(

d apostrophe

) avec le deux (

d-e-u-x

), de ce que, 

avec le peut (

p-e-u-t, p-e-u

), il peut peu,  

qui est tout de même là bien pour nous servir  
à quelque chose et c'est là que la langue sert  

…L'âme en français, au point où j'en suis, je ne peux 
m'en servir qu'à dire que c'est ce qu'on âme :  

j'âme

tu âmes

il âme

, vous voyez là que nous ne 

pouvons nous servir que de l'écriture, même à y 
inclure jamais 

j'âmais

 
Son 

existence

 donc à l'âme peut être certes mise en 

cause

c'est le terme propre à se demander si ce n'est pas 
un effet de l'amour.  
Tant en effet que l'âme « 

âme

 » l'âme, il n'y a pas 

de sexe dans l'affaire, le sexe n'y compte pas. 
L'élaboration dont elle résulte est 

hommo

 avec deux m, 

hommosexuelle

, comme cela est parfaitement lisible dans 

l'histoire.  
 
 
 

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176

Et ce que j'ai dit tout à l'heure de ce 

courage

, de 

cette 

patience

 à supporter le monde, c'est le vrai 

répondant de ce qui fait un ARISTOTE déboucher dans 
sa recherche du Bien, comme ne pouvant se faire  
que de l'admission de ceci que dans tous les êtres 
qui sont au monde, il y a déjà assez d'être interne 
si je puis m'exprimer ainsi : que, ils ne peuvent  
- cet être - l'orienter vers 

le plus grand être

,  

qu’à confondre son bien, son bien propre avec celui 
même dont rayonnerait l'Être Suprême. 
 
Qu'à l'intérieur de cela, il nous évoque la 

ϕιλία

 

[ philia ]

 

comme représentant la possibilité d'un lien d'amour 
entre deux de ces êtres, c'est bien là ce qui,  
à manifester la tension vers l'Être Suprême,  
peut aussi bien se renverser, du mode dont je l'ai 
exprimé, à savoir que c'est le courage à supporter 
cette relation intolérable à l'Être Suprême que les 
amis, les 

ϕιλοι

 

[ philoi ]

 se 

reconnaissent

 et se 

choisissent

.  

L'hors-sexe

 de cette éthique est manifeste… 

au point que je voudrais 

lui donner l'accent

  

que MAUPASSANT lui donne à quelque part énoncer 
cet étrange terme du 

Horla

  

…L'hors-sexe

, voilà 

l'homme

 sur quoi l'âme spécula. Voilà ! 

 
Mais il se trouve… il se trouve que les femmes 

aussi

 

sont 

âmoureuses

, c'est-à-dire qu'elles 

âment

 l'âme. 

Qu'est-ce que ça peut bien être que cette âme 
qu'elles 

âment

 dans le partenaire, pourtant 

hommo

 

jusqu'à la garde

[ Rires ]

, et dont elles se sortiront pas ?  

Ça ne peut en effet les conduire qu'à ce terme 

ultime

… 

 

et c'est pas pour rien que je l'appelle comme ça  

ὔστερον

 [ usteron

 

]

 que ça se dit en grec : de l'hystérie, 

soit de « 

faire l'homme

 » comme je l'ai dit, à être de ce 

fait « 

hommosexuelles

 », si je puis m'exprimer ainsi,  

ou « 

horsexe

 » elles aussi.  

 
Leur étant difficile de ne pas sentir dès lors 
l'impasse qui consiste à ce qu'elles se « 

mêment

 » 

dans l'autre, car enfin il n'y a pas besoin de se 
savoir 

autre

 pour en être, puisque là d'où l'âme trouve 

à 

être

, on l'en diff, on l'en différencie, elle la 

femme, et ça d'origine n'est-ce pas, on la « 

diffâme

 ». 

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177

Ce qu'il y a de plus fameux dans l'histoire, à rester 
des femmes, c'est à proprement parler tout ce qu'on 
peut en dire d'infamant.  
Il est vrai qu'il lui reste l'honneur de Cornélie, 
mère des Gracques. Mais c'est justement ce qui pour 
nous autres analystes, j'ai pas besoin de parler de 
Cornélie à laquelle les analystes ne songent guère, 
mais parlez à un analyste d'une Cornélie quelconque, 
il vous dira que ça réussira pas très bien à ses 
enfants, les Gracques !  
Ils feront des « 

gracques

 » 

[ Rires ]

 jusqu'à la fin de leur 

existence. Ben, voilà, c'était ça le début de ma 
lettre, c'était un « 

âmusement

 » ! Ouais… 

 
Alors bien sûr, là j'aurais pu, je l'ai fait 
d'ailleurs, mais j'ai pas le temps. Bref, j'ai refait 
une allusion à cet amour courtois, à cet amour 
courtois où quand même, au point où c'en était 
parvenu - cet « 

âmusement hommosexuel

 » - au point où ça 

en était parvenu était tombé dans la suprême 
décadence, dans cette espèce de mauvais rêve 
impossible dit de la féodalité.  
 
À ce niveau de dégénérescence politique,  
il est évident qu'il devait paraître quelque chose, 
et ce quelque chose c'est justement la perception  
que la femme, de ce côté-là, il y avait quelque chose  
qui ne pouvait plus du tout marcher. 
Alors l'invention de l'amour courtois, c'est pas du 
tout le fruit de ce qu'on a l'habitude, comme ça dans 
l'histoire de symboliser de la thèse, de l'antithèse 
et de la synthèse, il n'y a pas la moindre synthèse, 
bien entendu, il n'y en a jamais.  
 
Tout ce qu'on a vu après l'amour courtois, c'est 
c'est, c'est, quelque chose qui a brillé comme ça 
dans l'histoire, comme un météore resté complètement 
énigmatique, et puis après ça, on a vu revenir tout 
le bric-à-brac, tout le bric-à-brac d'une renaissance 
prétendue des vieilleries antiques. Oui il y a là une 
petite parenthèse, c'est que quand un fait deux,  
il n'y a jamais de retour, ça ne revient pas à faire 
de nouveau un, même un nouveau. L'

Aufhebung

, c'est 

encore un de ces jolis rêves de la philosophie.  

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178

C'est très évidemment… 

si on a eu ce météore de l'amour courtois 

…c'est évidemment d'un troisième, chu d'une tout 
autre partition qu'est venu ce quelque chose,  
qui a rejeté tout à sa futilité première, ouais. 
 
C'est pour ça qu'il a fallu tout à fait autre chose, 
il a fallu rien de moins que le 

discours scientifique

soit quelque chose qui ne doit 

rien

 aux supposés  

de l'âme antique, pour qu'en surgisse ce qu'est  

la psychanalyse

 n'est-ce pas, à savoir l'objectivation 

de ce que l'être, d'être parlant, passe encore de 
temps à parler en pure perte - je vous l'ai dit - 
passe encore de temps à parler pour cet office  
des plus courts… 

des plus courts dis-je, de ce fait qu'il ne  
va pas plus loin que d'être en cours encore 

…c'est-à-dire le temps qu'il faut pour que ça se 
résolve enfin… 

car après tout c'est là ce qui nous pend au nez 

…pour que ça se résolve enfin démographiquement… 

ouais

.  

 
Il est bien clair que c'est pas ça du tout qui 
arrangera les rapports de l'homme aux femmes.  
C'est ça le génie de FREUD, c'est que puisqu'il a été 
porté par ce tournant… 
Ce tournant… enfin, il a mis le temps bien sûr, je 
veux dire mis le temps à venir. Il y a eu un FREUD, 
c'est un nom qui mérite bien n'est-ce pas, FREUD, 
enfin c'est un nom rigolard 

Kraft durch freudige

c'est, c'est le son le plus rigolard de la sainte 
farce de l'histoire  
On pourrait peut-être, pendant que ça dure, en voir 
un petit éclair, un petit éclair de quelque chose  
qui concernerait l'Autre, l'Autre en tant que  
c'est à ça que… que « La » barré de La femme,  

L

 femme a affaire, ouais ! 

Il y a quelque chose d'

essentiel

 dans ce que j'apporte 

comme 

complément

 à ce qui a été très bien vu… 

vu par des voies que ça éclairerait  
de voir que c'est ça qui s'est vu 

…ce qui s'est vu c'est rien que du côté de l'homme,  
à savoir que ce à quoi l'homme avait affaire,  
c'était à 

l'objet(a)

.  

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179

Que toute sa réalisation de ce « 

rapport sexuel

 », 

aboutissait au 

fantasme

, et on l'a vu bien sûr à propos 

des névrosés : Comment les névrosés font-ils 
l'amour ? C'est de là qu'on est parti.  
Là-dessus, bien sûr, on n'a pas pu manquer de 
s'apercevoir que, il y avait un corrélat avec les 
perversions, ce qui, ce qui vient à l'appui de mon 
petit 

(a)

, puisque le petit 

(a)

, c'est celui qui… 

quelles qu'elles soient lesdites perversions 
…en est là comme cause.  
On a d'abord vu ça, c'était déjà pas mal. 
 
L'amusant - n'est-ce pas ? - c'est que, c'est que 
FREUD les a primitivement attribuées à la femme. 
C'est, c'est, c'est très, très amusant de voir ça 
dans les 

Trois essais

. C'est vraiment une confirmation, 

enfin que… qu'on voit dans le partenaire - quand on 
est homme - exactement ce dont on se supporte  
soi-même si je puis m'exprimer ainsi, ce dont on se 
supporte narcissiquement. 
 
Heureusement, il y a eu dans la suite, enfin 
l'occasion de s'apercevoir que les perversions c'est…  

les perversions telles qu'on les appréhende dans 
la névrose, telles qu'on croit les repérer 

…c'est pas du tout ça la névrose.  
C'est le rêve plutôt que la perversion…  
La névrose j'entends !  
Que les névrosés n'ont 

aucun

 des caractères du pervers 

c'est certain, simplement ils en rêvent, ce qui, ce 
qui, ce qui est bien naturel, car sans ça comment 
atteindre au partenaire.  
Les pervers, on a commencé quand même à en rencontrer 
n'est-ce pas, ceux-là que voulaient absolument,  
à aucun prix, voir ARISTOTE.  
On a vu là qu'il y a une subversion de la conduite, 
appuyée - si je puis dire - sur un savoir-faire,  
qui est lié tout à fait à un savoir, et au savoir  
- mon Dieu - de la 

nature des choses

, un embrayage 

direct si je puis dire, de la conduite sexuelle,  
sur - il faut bien le dire - ce qui est sa vérité,  
à la conduite sexuelle, à savoir son 

amoralité

. Mettez de 

l'âme au départ là-dedans si vous voulez : 

âmoralité

.

 [ Rires ]

 

 

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180

Il y a une moralité, voilà la conséquence, une 
moralité de la conduite sexuelle qui est le sous-
entendu de tout ce qui s'est dit du Bien.  
Seulement à force de dire, de dire du bien, eh bien 
ça aboutit à KANT, où la moralité - en deux mots 
cette fois - la moralité avoue ce qu'elle est…  

et c'est ce que j'ai cru devoir avancer  
dans un petit article : 

KANT avec SADE 

66

 

…elle avoue qu'elle est sade

67

 la moralité.  

 
Vous écrirez SADE comme vous voudrez :  

-

 

soit avec un grand S, pour faire un hommage  

-

 

à ce pauvre idiot, qui nous a donné là-dessus 
d'interminables écrits,  

-

 

soit avec un petit s pour dire que c'est en fin 
de compte sa façon à elle d'être agréable n'est-
ce pas, puisque c'est un vieux mot français qui 
veut dire ça,  

-

 

soit – mieux ! - c-cédille-a-d-e « ça-de »,  

-

 

à savoir que la moralité, il faut tout de même 
bien dire que ça se termine au niveau du ça,  

-

 

et que ceci est assez court.  

Autrement dit que ce dont il s'agit, c'est que 
l'amour soit impossible – ouais ! - et que le rapport 
sexuel s'abîme dans le non-sens, ce qui ne diminue en 
rien l'intérêt que nous pouvons avoir pour l'autre. 
 
C'est parce que - il faut le dire - la question est 
ceci, la question est ceci : dans ce qui constitue la 
jouissance féminine… 

pour autant qu'elle n'est 

pas toute

 occupée  

de l'homme, et même dirai-je, que comme telle 
elle ne l'est pas du tout 

…la question est de savoir justement ce qu'il en est 
de son 

savoir

 
 
 

                                                 

66    KANT avec SADE, in Écrits, op.cit. p.765 (ou t.2 p.243).  

67   Sade : ( adjectif) Vieux mot qui n'est plus en usage, et qui signifiait autrefois gentil, agréable. Et c'est de là que 

vient Maussade. ( Dictionnaire de L'Académie française, 1

ère

 édition ,1694) 

 

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181

Si l'inconscient nous a appris tant de choses,  
c'est d'abord ceci : quelque part dans l'Autre 

ça sait

ça sait  

parce que ça se supporte justement de ces 

signifiants dont se constitue le sujet.  
 
C'est là que ça prête à confusion, parce que  
il est difficile à qui « 

âme

 » de ne pas penser que 

tout

 par le monde 

sait ce qu'il a à faire

.  

La sphère immobile dont se supportait le 

dieu aristotélicien

 

si elle est demandée par ARISTOTE pour suivre son 
Bien à son image, si je puis dire, c'est parce 
qu'elle est censée 

savoir

 son Bien.  

 
Seulement là c'est justement quelque chose dont après 
tout, la faille du discours scientifique, je ne dirai 
pas nous permet : nous 

oblige

 à nous passer.  

Il n'y a aucun besoin de savoir pourquoi ce dont 
ARISTOTE part à l'origine, nous n'avons plus aucun 
besoin de savoir que, imputer à la pierre qu'elle 
sait le lieu qu'elle doit rejoindre pour nous 
expliquer les effets de la gravitation.  
L'imputation à l'animal, c'est très sensible à lire 
dans ARISTOTE le traité 

De l'âme

68

, c'est cette pointe 

qui fait du savoir l'acte par excellence - 

de quoi

 ? - 

de quelque chose que… 

il ne faut pas croire qu'ARISTOTE  
était si à côté de la plaque 

…de quelque chose qu'il voit comme n'étant rien que 
le corps, à ceci près que le corps est fait pour une 
activité, une 

ἑνέργεια

 

[ energeia ]

 

et quelque part l'

entéléchie

69

 

de ce corps peut se supporter de cette 

substance

 qu'il 

appelle l'

âme

 
L'analyse, à cet égard, prête à cette confusion,  
de nous restituer la cause finale, de nous faire dire 
que tout, tout ce qui concerne au moins l'être 
parlant : la réalité est comme ça - c'est-à-dire 
fantasmatique - pour qu'elle soit comme ça !  

                                                 

68 Aristote, 

De l'âme

, Paris, Coll. des universités de France, Belles Lettres 2002.  

 

69

 Entéléchie :  Principe créateur de l'être, par lequel l'être trouve sa perfection en passant de la puissance à l'acte.

 

background image

 

182

Il s'agirait tout de même de savoir si c'est là 
quelque chose qui, d'une façon quelconque, puisse 
satisfaire au 

discours scientifique

.  

 
Ce n'est pas parce qu'il y a des animaux, qui se 
trouvent parlants, pour qui d'habiter le signifiant, 
il résulte qu'ils en sont 

sujets

, et que tout pour eux 

se joue au niveau du fantasme … 

mais d'un fantasme parfaitement 

désarticulable

 

d'une façon qui rende compte de ceci : 

qu'il en 

sait beaucoup plus qu'il ne croit

 quand il agit, lui 

…il ne suffit pas qu'il en soit ainsi pour que nous 
ayons là l'amorce d'une cosmologie.  
 
C'est l'éternelle ambiguïté du terme « 

inconscient

 »,  

n'est-ce pas. L'inconscient est supposé sous prétexte 
que l'être parlant, il y a quelque part quelque chose 
qui en sait plus que lui et bien sûr ce qu'il sait  
a des limites bien sûr, l'être de l'inconscient.  
 
Mais enfin ça n'est pas là un 

modèle recevable

 du monde. 

En d'autres termes, c'est pas parce qu'il suffit 
qu'il rêve pour… qu'il voie ressortir cet immense 

bric-à-brac

, ce 

garde-meubles

 avec lequel il a, lui 

particulièrement, à se débrouiller, ce qui en fait 
assurément une âme, et une âme à l'occasion 

aimable

 

quand quelque chose veut bien l'aimer. 
 
La femme ne peut aimer en l'homme, ai-je dit que la 
façon dont il fait face au savoir dont il 

âme

.  

Mais pour le savoir dont il 

est

, la question se pose. 

La question se pose à partir de ceci qu'il y a 
quelque chose… 

si ce que j'avance est fondé 

…qu'il y a quelque chose dont il n'est pas possible 
de dire si ce quelque chose - qui est jouissance - 
elle peut, quelque chose, en dire, en d'autres termes 
ce qu'elle en sait. 
Et c'est là où je vous propose au terme de cette 
conférence d'aujourd'hui, c'est-à-dire comme toujours 
j'arrive au bord de ce qui polarisait tout mon sujet, 
c'est à savoir si la question peut se poser de ce  

qu'elle en sait

.  

 

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183

Ce n'est pas une toute autre question, à savoir : 

-

 

si ce terme dont elle jouit au-delà de tout ce 
« 

jouer

 » qui fait son rapport à l'homme,  

-

 

si ce terme que j'appelle l'Autre en le 

signifiant du 

A

,  

-

 

si ce terme – lui - sait quelque chose, car c'est 
en cela qu'elle est elle-même sujette à l'Autre, 
tout autant que l'homme.  

Est-ce que l'Autre sait ? 
 
Il y avait un nommé EMPÉDOCLE dont… 

comme par hasard FREUD se sert de temps en temps 
comme d'un tire-bouchon 

…il y avait un nommé EMPÉDOCLE dont nous ne savons 
là-dessus que trois vers, mais dont ARISTOTE tire 
très bien les conséquences quand il énonce qu'en 
somme pour EMPÉDOCLE, le Dieu, le Dieu était le plus 

ignorant

 de tous les êtres, et ceci très précisément  

de ne point connaître la haine.  
 
C'est ce que les chrétiens plus tard ont transformé 
dans des 

déluges d'amour

.  

Malheureusement ça ne colle pas, parce que :  
ne point connaître la haine, c'est ne point connaître 
l'amour non plus.  
Si Dieu ne connaît pas la haine, il est clair pour 
EMPÉDOCLE qu'il en sait moins que les mortels.  
De sorte qu'on pourrait dire que plus l'homme peut 
prêter à la femme à confusion avec Dieu, c'est-à-dire 
ce dont elle jouit, 

moins il hait

…  

les deux orthographes « h-a-i-t » et « e-s-t »  

…et dans cette affaire aussi, puisqu'après tout  
il n'y a pas d'amour sans haine, 

moins il aime

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184

20 Mars 1973                                                                         

Table des matières

 

 
 
 
 
 
 
Moi, j'aimerais bien que - de temps en temps –  
j'aie une réponse, voire une protestation.  
J'ai pas beaucoup d'espoir puisque une des personnes  
qui m'a donné autrefois cette satisfaction… 

il est vrai que je ne l'ai suppliée  
de tenir ce rôle qu'il y a une demi-heure 

…me prie d'y renoncer.  
 
Mais s'il y avait quelqu'un, par hasard qui, dans ce 
que j'ai dit la dernière fois… 

la dernière fois dont, dont je suis sorti  
moi-même, disons seulement, assez inquiet pour ne 
pas dire plus, et ce qui se trouve - à ma 
relecture - s'avérer pour moi-même tout à fait 
supportable, disons. c'est ma façon à moi de dire 
que c'était très bien 

…je ne serais pas mécontent si quand même quelqu'un 
pouvait me donner le témoignage d'en avoir entendu 
quelque chose.  
 
Il suffirait que, qu'une main se lève, pour qu'à 
cette main, si je puis dire, je donne la parole. 
Je vois qu'il n'en est rien, de sorte qu'il faut donc 
que je continue.  
Ça sera peut-être moins bien cette fois-ci. 
 
Je voudrais partir d'une remarque, de quelques 
remarques, dont les deux premières vont consister  
à rappeler ce qu'il en est du 

savoir

.  

Et puis à essayer de faire le joint, à ce que pour 
vous aujourd'hui j'écrirais volontiers de 
l'« 

hainamoration

 » qu'il faut écrire : 

h.a.i.n.a.m.o.r.a.t.i.o.n.

  

 
C'est le relief, vous le savez, qu'a su introduire  
la psychanalyse pour situer… pour y situer la zone  
de son expérience, c'est de sa part un témoignage,  
si je puis dire, de bonne volonté.  

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185

Si l'

hainamoration

, justement, elle avait su l'appeler 

d'un autre terme que de celui, bâtard, de l'

ambivalence

peut-être, peut-être aurait-elle mieux réussi  
à réveiller le contexte de l'époque où elle s'insère.  
Peut-être aussi est-ce modestie de sa part. 
 
Et en effet, si j'ai terminé sur quelque chose…  

ce quelque chose grâce à quoi peut faire 
qu'aborder ce qui m'avait polarisé pendant  
toute mon énonciation de la dernière fois  

…j'avais énoncé de ce dernier paragraphe qu'il y 
avait un nommé EMPÉDOCLE, et j'avais fait remarquer 
que ce n'est pas pour rien que FREUD s'en arme :  
que pour EMPÉDOCLE, Dieu devait être le plus ignorant 
de tous les êtres…  

ce qui nous conjoint à la question du savoir 

…et ceci très précisément - disais-je - de ne point 
connaître la haine.  
J'y ajoutais que les 

chrétiens

 plus tard ont transformé 

cette « 

non-haine

 » de Dieu en une marque d'amour. 

 
C'est là que l'analyse du corrélat qu'elle établit 
entre haine et amour nous incite, nous incite à ce 
quelque chose d'un rappel, où je reviendrai tout à 
l'heure et qui est exactement celui-ci :  
qu'on ne 

connaît

 point d'amour sans haine.  

C'est à dire que, s'il y a 

connaissance

 de quelque chose, 

si cette 

connaissance

 nous déçoit…  

qui a été fomentée au cours des siècles et qui 
fait qu'il nous faut rénover 

la fonction du savoir

 

…c'est bien peut-être que 

la haine

 n'y a point été mise  

à sa place.  
 
Il est vrai que là-dessus, ce n'est point non plus  
ce qu'il semble le plus désirable d'évoquer. Et c'est 
pour ça que j'ai terminé de cette phrase : on 
pourrait dire que 

plus l'homme prête à la femme de le confondre avec Dieu

… 

c'est à dire 

ce dont elle jouit

, rappelez-vous mon schéma 

de la dernière fois, je vais pas le refaire  

moins il hait

… 

et du même coup disais-je d'avoir équivoqué  
sur le 

h.a.i.t.

, et le est(

e.s.t.

) en français  

…c'est à dire que dans cette affaire, aussi bien,  

moins il aime

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186

Je n'étais 

pas très heureux

 d'avoir terminé là-dessus, 

qui est pourtant une vérité.  
C'est bien ce qui me fera aujourd'hui m'interroger 
une fois de plus sur ce qui se confond apparemment  
du 

vrai

 et du 

réel

, tel que j'en ai apporté la notion, 

telle qu'elle 

s'esquisse

 dans l'expérience analytique,  

et ce qu'il y a, bien en effet, à ne pas confondre. 
 

 

Bien sûr que le vrai s'affirme comme visant le réel. 
Mais ce n'est là énoncé que comme fruit d'une longue 
élaboration, et je dirai plus : d'une réduction des 
prétentions à la vérité.  
Partout où nous la voyons se présenter, s'affirmer 
elle-même comme d'un idéal de quelque chose dont  

la parole

 peut être le support, nous voyons que 

la vérité

 

n'est pas quelque chose qui s'atteigne si aisément. 
Dirai-je que si l'analyse se pose d'une présomption, 
c'est qu'il puisse s'en constituer 

un savoir sur la vérité

 

 

 
Dans le schéma, le petit 

gramme

 que je vous ai donné  

du 

discours analytique

, le 

(

a

)

 s'écrit en haut à gauche,  

qui se soutient de cet S

savoir

 en tant qu'il est  

à la place de 

la vérité

.  

 
C'est 

là où l'interpelle

 le 

S

 prié de dire ce

 

«

 

n'importe quoi

 »

 qui 

doit aboutir à la production du S

1

, du signifiant dont 

puisse se résoudre - quoi ? - justement son rapport  
à la vérité. 
La vérité, disons, pour trancher dans le vif,  
est d'origine 

 ἀλήθεια

 

[ aleteia ]

… 

sur laquelle tant  a spéculé HEIDEGGER  

תמא

 

[ emet ]

, le terme hébreu, qui comme tout usage de ce 

terme de vérité, a origine juridique : de nos jours 
encore, le témoin est prié de dire 

la vérité

rien que 

la vérité

, et qui plus est 

toute

…  

s'il peut… Comment hélas pourrait-il ?  

toute la vérité

 sur ce qu'il 

sait

.  

background image

 

187

Mais ce qui est cherché, et justement plus qu'en tout 
autre dans le témoignage juridique, c'est quoi ? 
C'est de pouvoir juger ce qu'il en est de la 

jouissance

et je dirai plus loin : c'est que la 

jouissance

 s'avoue,  

et justement en ceci qu'elle peut être inavouable, 
que la vérité cherchée c'est justement, celle-là plus 
que toute autre, en regard de la loi qui - cette 
jouissance - la règle.  
 

 

C'est aussi bien en quoi, aux termes de KANT,  
le problème s'évoque, s'évoque de ce que doit faire 
l'homme libre au regard du tyran, du tyran qui lui 
propose toutes les jouissances en échange de ceci : 
qu'il dénonce l'ennemi dont le tyran redoute qu'il 
soit - en ce qui est de la jouissance - celui qui  
la lui dispute.  
 
Comment ne se voit-il pas que la question d'ailleurs 
que… qui s'évoque de cet impératif, au nom de rien de 
ce qui est de l'ordre du 

pathique

 

ne doit diriger le 

témoignage, de ce qui s'en évoque après tout, et si 
ce dont l'homme libre est prié de dénoncer l'ennemi, 
le rival, si c'était vrai, doit-il le faire ?  
 
Est-ce qu'il ne se voit pas, rien qu'à ce problème 
évoqué, que s'il est quelque chose qui assurément 
nous inspire toute la réserve… 

qui est bien celle que nous avons  
toutes, que nous avons tous 

…c'est que « 

toute la vérité

 » c'est ce qui 

ne peut pas se dire

C'est ce qui ne peut se dire qu'à condition de…  
de ne la pas pousser jusqu'au bout, de ne faire  
que la 

mi-dire

 

 

Il y a autre chose qui nous ligote quant à ce qui  
en est de 

la vérité

, c'est que 

la jouissance

 c'est 

une limite

.  

C'est quelque chose qui tient à la structure même 
qu'évoquaient au temps où je les ai construits  
pour vous mes quadripodes : c'est que la jouissance 
ne 

s'interpelle

, ne 

s'évoque

, ne 

se traque

, ne 

s'élabore

 

qu'à partir d'un 

semblant

.  

L'amour lui-même - ai-je souligné la dernière fois - 
s'adresse 

du semblant

.  

 

background image

 

188

Il s'adresse 

du semblant

 et aussi bien… 

s'il est bien vrai que l'Autre ne s'atteint  
qu'à s'accoler - comme je l'ai dit la dernière 
fois - au 

(

a

)

 cause du désir 

…c'est aussi bien au 

semblant d'être

 qu'il s'adresse.  

Cet 

être

, là n'est pas rien : il est supposé  

à ce quelque chose, à cet objet qu'est le 

(

a

)

,  

mais ici, ne devons-nous pas retrouver cette 

trace

qu'en tant que tel il réponde à quelque 

imaginaire

 ? 

 
Assurément cet « 

i-maginaire

 », je l'ai désigné 

expressément de l'i, du petit i, mis ici isolé du 
terme imaginaire, et que c'est à ce en quoi ce n'est 
que de l'habillement… 

de l'habillement de l'image de soi  
qui vient envelopper 

l'objet cause du désir

  

que se soutient le plus souvent… 

c'est l'articulation même de l'analyse 

…que se soutient le plus souvent le « 

rapport objectal

 ». 

 
Cette affinité du 

(

a

)

 

à cette 

enveloppe

, c'est là  

le joint - il faut le dire : un de ces joints, 
majeurs à avoir été avancés par la psychanalyse,  
et qui pour nous est le point, le point de 

suspicion

 

qu'elle introduit essentiellement. 
C'est là, que ce qui peut nous venir à dire du réel, 
se distingue, car le réel… 

si vous le prenez tel que j'ai cru, au cours des 
temps, temps qui sont ceux de mon expérience 

…le réel ne saurait s'

inscrire

 que d'une impasse  

de la formalisation.  
Et c'est en quoi, c'est en quoi j'ai cru pouvoir en 
dessiner le modèle de la formalisation mathématique, 
en tant qu'elle est l'élaboration la plus poussée 
qu'il nous ait été donné de produire, l'élaboration 
la plus poussée de la 

signifiance

.  

D'une 

signifiance

 dont en somme…  

je parle de la formalisation mathématique 

…on peut dire qu'elle se fait 

au contraire du sens

J'allais presque dire 

à contre-sens

.  

Le « 

ça ne veut rien dire

 » concernant les mathématiques, 

c'est ce que disent de notre temps les philosophes 
des mathématiques, fussent-ils 

mathématiciens

 eux-mêmes : 

j'ai assez souligné les 

Principia

 de RUSSELL. 

background image

 

189

Et pourtant, 

peut-on pas dire

 que ce réseau si loin 

poussé de la logique mathématique précisément…  

pour autant qu'au regard de ce qui a trouvé sa 
pointe d'une 

philosophie

 bien forcée de sortir de ses 

propres retranchements, le sommet c'est HEGEL  

peut-on pas dire

 qu'au regard de cette plénitude  

des contrastes dialectisés dans l'idée d'une 
progression historique… 

dont il faut dire que rien  
ne nous atteste la substance 

peut-on pas dire

 qu'au regard de cela, ce qui s'

énonce

 de 

cette formalisation… 

si bien faite à ne se supporter que de l'écrit 

…soit quelque chose qui ne nous sert… 

ne nous servirait s'il le fallait  
dans le procès analytique 

…que de ce qu'y désigne, que de ce que s'y désigne 

ça

 

qui retient les corps invisiblement ? 
 

 

Et s'il m'était permis d'en donner une image,  
je la prendrais aisément de ce qui, dans la nature, 
paraisse le plus s'en rapprocher 

de ce qui fait que l'écrit exige en quelque 
sorte, cette réduction aux dimensions - 
dimensions deux - de la surface, et qui d'une 
certaine façon se trouve supporté, dirais-je, 
dans la nature de ce quelque chose dont déjà 
s'émerveillait SPINOZA 

…c'est à savoir le 

travail de texte

 qui sort du ventre  

de l'araignée. 

La toile d'araignée

, fonction vraiment 

miraculeuse à voir en quelque sorte s'en supporter 
déjà en ce point opaque de cet étrange être, les 

paraîtres

 de la surface elle-même, celle qui pour nous 

permet le dessin de la trace de ces écrits qui sont, 
en fin, le seul point où nous trouvions saisissables 
ces limites, ces points d'impasse, de « 

sans-issue

 » qui  

- le réel – le font entendre comme s'accèdant du 
symbolique à son point le plus extrême. 
C'est en cela que je ne crois pas vain qu'après un 
travail d'élaboration, dont je n'ai point à rappeler 
la date ici, ni maintenant, j'en sois venu à 
l'écriture de ce 

(

a

)

, de ce grand S du signifiant,  

du grand A en tant que barré S(

A

) et du grand 

Φ

.  

background image

 

190

 
Leur écriture même constitue le support qui va  
au-delà de 

la parole

 qui pourtant ne sort pas des effets 

même du langage, et où se désigne ce 

quelque chose

 où,  

à centrer le symbolique, quelque chose qui importe,  
à condition bien sûr de savoir s'en servir.  
Mais s'en servir pour quoi ?  
Pour retenir une vérité congrue.  
Non pas cette vérité qui se prétend d'être 

toute

,  

celle justement, celle à laquelle nous avons affaire 
d'un 

mi-dire

,

 celle qui s'avère 

se mettre en garde

 d'aller 

jusqu'à l'aveu - l'aveu qui serait le pire –  
celle qui se met en garde dès la cause du désir.  
 
Elle le présume - ce désir - inscrit d'une 
contingence corporelle. Je vous rappelle la façon 
dont je supporte ce terme de contingence.  
On peut dire que le phallus… 

tel que dans l'expérience analytique  
il s'aborde comme le point-clé, le point extrême 
de ce qui s'énonce comme cause du désir 

…on peut dire que 

l'expérience analytique

 

ne cesse pas de l'écrire

.  

 
Or, si je l'appelle 

contingence

, c'est pour autant que 

c'est là que 

l'expérience analytique

 rencontre son terme, 

que tout ce qu'elle peut produire, c'est ce S

1

,  

ce signifiant, ce signifiant dont la dernière fois, 
je pense que vous avez encore le souvenir de la 
rumeur que j'ai réussi à produire de cet auditoire  
en le qualifiant comme signifiant de la jouissance 
même la plus idiote, et… 

on me l'a fait remarquer 

…dans les deux sens du terme :  

-

 

celle de l'idiot d'une part, qui a bien ici sa 
fonction de référence,  

-

 

et celle aussi qui est la plus 

singulière

C'est dans ce « 

ne cesse pas de s'écrire

 » que réside la pointe 

de ce que j'ai appelé 

contingence

.  

La 

contingence

, si comme je le dis elle s'oppose à 

l'impossible, c'est pour autant que le nécessaire 
c'est le « 

ne cesse pas de ne pas s'écrire

 »…  

je vous demande pardon, c'est 

nécessaire

 qui ici nous 

introduit ce « 

ne cesse pas

 », mais le « 

ne cesse pas

 »  

du nécessaire, c'est le « 

ne cesse pas de s'écrire

 ».  

background image

 

191

 
Or, c'est bien là l'apparente nécessité à quoi  
nous mène l'analyse de la référence au phallus.  
Le « 

ne cesse pas de ne pas s'écrire

 » que j'ai dit 

par lapsus

 à 

l'instant c'est 

l'impossible

l'impossible

 tel que je le définis 

de ce qu'il ne puisse, en aucun cas, s'écrire.  
 
C'est en quoi je désigne ce qu'il en est du 

rapport sexuel 

il ne cesse pas de ne pas s'écrire

, mais la correction que de ce fait 

il nous permet d'apporter à l'apparente nécessité  
de la fonction phallique, c'est ceci :  
c'est que c'est réellement en tant que 

mode du

 

contingent

c'est-à-dire que le « 

ne cesse pas de s'écrire

 » doit s'écrire : 

« 

cesse

 – justement - 

de ne pas s'écrire

 ».  

 
C'est comme contingence, contingence en quoi  
se résume tout ce qu'il en est de ce qui, pour nous, 
soumet le rapport sexuel à n'être pour l'être parlant 
que le régime de la rencontre, c'est en ce sens… 
c'est en ce sens qu'on peut dire que par la 

psychanalyse

le phallus, le phallus réservé aux temps antiques aux 
mystères, a cessé de ne pas s'écrire, rien de plus.  
Il n'est pas entré dans le « 

ne cesse pas

 », dans le champ 

d'où dépendent :  

- la nécessité d'une part,  
- et, plus haut, l'impossibilité. 

Le vrai donc, ici, témoigne qu'à mettre en garde 
comme il le fait contre l'

imaginaire

, il a beaucoup à 

faire avec l'

a-natomie

C'est en fin de compte de ces trois termes,  
ceux que j'inscris du 

(

a

)

, du 

S

(

A

)

 et du grand 

Φ

c'est sous un angle dépréciatif que je les apporte.  
Ce que nous démontre la conjonction de ces trois 
termes, c'est justement ce qui s'inscrit de ce 
triangle, de ce triangle constitué, de l'

imaginaire

,  

du 

symbolique

 et du 

réel

, et où se désigne  

de leur jonction quoi ?   
 

background image

 

192

        

 

    

À droite

 

le peu de réalité

 dont se supporte ce principe  

qu'a promu FREUD comme étant celui qui s'élabore  
d'un progrès, lequel serait dans son fond celui du 

principe du plaisir

le peu de réalité

, c'est-à-dire ceci :  

que tout ce qu'il nous est permis d'aborder  
de réalité reste enraciné dans le fantasme. 

 
D'autre part

 S(

A

), qu'est-ce d'autre que l'

impossibilité

 de dire 

tout le vrai dont je parlais tout à l'heure. 

 
Et enfin

, troisième terme ceci, ceci par quoi le 

Symbolique

à se diriger vers le 

Réel

 nous démontre la vrai nature 

de cet 

objet

(

a

)

que tout à l'heure j'ai qualifié de 

semblant 

d'être

, non par hasard, c'est bien de ce qu'il 

semble

 nous 

donner le support de l'

être

.  

 
C'est bien aussi de ce qui se confirme de tout ce qui 
s'est élaboré comme tel, et quoi que ce soit de 
l'être, de l'être et même de l'essence que nous 
pouvons, à le lire à partir de l'expérience 
analytique, à lire ARISTOTE par exemple, voir que ce 
dont il s'agit c'est de l’

objet

(

a

)

, que la contemplation 

par exemple aristotélicienne est le fait de ce regard 
tel que je l'ai défini dans 

Les quatre concepts fondamentaux de la 

psychanalyse

 

comme représentant un… un des quatre supports 

qui font la cause du désir

. [ 

Le sein, les fèces, la voix et le regard

 ]

 

 
C'est donc d'une des « 

graphicisations

 »

  

pour ne pas parler de graphe, puisqu'aussi bien 
un graphe c'est un terme qui a un sens très 
précis dans la logique mathématique 

…dans cette « 

graphicisation

 » que se montrent… que se 

montrent ces correspondances qui font du 

réel

 un ouvert 

entre le 

semblant

 qui résulte du 

symbolique

 et la 

réalité

 telle 

qu'elle se supporte dans le concret de 

la vie humaine 

:  

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193

- dans ce qui mène les hommes,  
-

 

dans ce qui les fait foncer toujours par les 
mêmes voies,  

-

 

dans ce qui les fait encore produire d'autres 
hommes,  

-

 

dans ce qui fait que à jamais 

l'encore  à naître 

 ne donnera  

rien  que  

l'encorné

[ Rires ]

 

 
De l'autre côté, ce 

(

a

)

,

 

ce 

(

a

)

 qui – lui - d'être 

dans la bonne voie somme toute, nous ferait prendre 
pour être, au nom de ceci qu'il est apparemment bien 
quelque chose, se résout en fin de compte que de son 
échec, que de justement ne pouvoir s'inscrire 
d'aucune façon, complètement, à l'abord du réel. 
 

 

Le 

vrai

 alors, le 

vrai

 alors, bien sûr c'est cela,  

à ceci près que ça ne s'atteint jamais que par  
des voies tordues, et que tout ce à quoi enfin le 

vrai

auquel couramment nous sommes amenés à faire appel, 
c'est simplement à rappeler ceci :  
qu'il ne faut pas 

se tromper

, qu'il ne faut pas 

croire

 

qu'on est déjà même dans 

le semblant

, qu'avant le 

le semblant

… 

dont en effet tout se supporte  
pour rebondir dans le fantasme 

…qu'avant cela, il y a à faire une distinction sévère 
de l'

imaginaire

 et du 

réel

, qu'il ne faut pas croire que  

ce semblant, ce soit d'aucune façon nous-mêmes qui le 
supportions même.  
 
Nous ne sommes même pas semblant.  
Nous sommes, à l'occasion, ce qui peut en occuper la 
place et y faire régner – quoi ? - ce qui assurément…  

pour nous en tenir à cet immédiat d'aujourd'hui 

…nous permet de dire qu'après tout, l'analyste,  
dans tous les ordres de discours qui sont ceux  
en tout cas qui se soutiennent 

actuellement

… 

et ce mot « 

actuellement

 »

 n'est pas rien si nous 

donnons à « l'

acte

 » son plein sens aristotélicien 

…de tous les discours qui se soutiennent 

actuellement

c'est bien l'analyste qui, à mettre l’

objet

(

a

)

 

à la place 

du 

semblant

, est dans la position la plus convenable  

à faire ce qu'il est juste de faire, à savoir 

interroger

… 

interroger

 comme du 

savoir

 ce qu'il en est de la 

vérité

Qu'est-ce c'est que le savoir ?  

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194

 
Il est étrange que mis à part DESCARTES…  

dont ce n'est pas pour rien qu'il est à l'orée  
de la science moderne, pas le seul  
mais qu'il l'est tout de même 

…qu'avant DESCARTES, la question du 

savoir

 n'ait jamais 

été posée.  
Qu'il ait fallu en quelque sorte ce quelque chose 
qu'est l'analyse et qui est venu nous annoncer :  
« 

qu'il y a du savoir qui ne se sait pas

 », et que c'est, à proprement 

parler, 

un savoir qui se supporte du signifiant comme tel

, qu'un rêve  

ça n’introduit à aucune expérience insondable,  
à aucune mystique, que ça se lit dans ce qui s'en 

dit.

  

 
Et qu'on pourra même aller plus loin :  
à en prendre les équivoques au sens le plus 

anagrammatique

 du mot, que c'est à ce point du langage 

où un SAUSSURE se posait la question de savoir  
si même dans les vers saturniens où il trouvait  
les plus étranges ponctuations d'écrit, c'était ou 
non intentionnel.  
C'est là, où SAUSSURE en quelque sorte attend FREUD. 
C'est là, que se renouvelle la question du savoir. 
 

 

Si vous voulez bien ici 

pardonner

 quelque chose  

que j'emprunterai à un tout autre registre, celui  
des vertus inaugurées par la religion chrétienne… 

mais vous verrez que ce n'est pas déplacé  
puisque il faudra bien que nous en venions  
à en parler de la dite religion 

…il y a là une sorte… une sorte d'effet tardif,  
de rejet, de surgeon de charité.  
 
Qu'est-ce qui a bien pu, si ce n'est 

je ne sais quelle

 

parenté, affinité avec ce qui, dans le genre de cet 
animal qui est parlant participe du don - comme on 
dit - je ne le vois pas ailleurs que dans ce don de 
FREUD.  
Nous avoir dit que l'

inconscient

, ça avait au moins ce 

petit degré d'amorçage grâce à quoi la misère, 
pouvait se dire qu'il y avait quelque chose qui là 

vraiment

… 

et non pas comme on l'avait dit jusque là  

…transcendait ?  

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195

Rien d'autre que ce langage qu'elle habite - cette 
espèce - rien d'autre que ce langage et que de ce 
langage, elle se trouvait en somme avoir, dans ce 
qu'il en est de sa vie quotidienne, support de plus 
de raison qu'il n'en pouvait apparaître, à savoir que 
cette poursuite vaine d'une sagesse « 

inatteingible

 » 

et toujours vouée à l'échec : il y en avait déjà là.  
 

Mais alors, est-ce qu'il faut tout ce détour  

pour poser la question, la question du savoir,  
sous la forme : « 

qu'est-ce qui sait

 » ?  

 
Se rend-on compte que c'est l'Autre… 

l'Autre avec un grand A  

…tel qu'au départ je l'ai posé comme rien d'autre, 
rien d'autre que 

le lieu où le signifiant se pose

, et sans lequel 

rien ne nous indique qu'il n'y ait nulle part une 

dimension

 de vérité… 

« 

dit-mansion

 

» en deux mots : la résidence du 

dit

 

le 

dit

 dont le savoir pose l'Autre comme lieu.  

Le statut du savoir implique comme tel qu'il y en a 
déjà du savoir, et dans l'Autre, qu'il est à prendre 
en deux mots, c'est pourquoi il est fait « 

d'apprendre

 » 

en un seul mot. 
Le sujet résulte de ce qu'il doive être appris, ce 
savoir, et même « 

mis à prix

 

» (

p.r.i.x.

), c'est-à-dire  

que c'est son 

coût

 qui l'évalue non pas comme d'échange 

mais comme d'usage.  
Le savoir vaut juste autant qu'il coûte 

beau coût

…  

en deux mots et 

c.o.û.t.

 avec accent grave 

 beau coût

 

de ce qu'il faille y mettre de sa peau,  

de ce qu'il soit difficile - difficile de quoi ? –  
et bien : moins de l'acquérir que d'en 

jouir

 
Là dans le 

jouir

, sa conquête - à ce savoir –  

sa conquête se renouvelle dans le « 

chaque fois

 »  

que ce savoir est exercé, le pouvoir qu'il donne 
restant toujours tourné vers sa jouissance.  
Il est 

étrange

 que ceci n'ait jamais été mis en relief, 

que le sens de « 

savoir

 » soit tout entier là,  

que la difficulté de son exercice lui-même,  
c'est cela qui re-hausse celle de son acquisition.  
 
 
 

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196

C'est de 

ce que

 à 

chaque

 exercice de cette acquisition  

se répète, qu'il ne fait pas question de laquelle de 
ces répétitions, de laquelle est à poser comme 
première, dans son appris. 
 

 

Bien sûr qu'il y a des choses qui courent et qui ont 
tout à fait l'air de marcher comme des 

petites machines

…  

on appelle ça des ordinateurs 

…mais qu'est-ce qui va dire…  

qu'un ordinateur pense, moi je le veux bien 

…mais qu'il 

sache

, qu'est-ce qui va le dire ?  

 
La fondation d'un 

savoir

 c'est ce que je viens de dire, 

c'est que 

la jouissance

 de son exercice, c'est 

la même

 que 

celle de son acquisition.  
C'est ainsi, puisque - comme vous le voyez –  
là se rencontre de façon sûre, plus sûre que dans 
MARX lui-même, ce qu'il en est d'une valeur d'usage, 
puisqu'aussi bien dans MARX, elle n'est là que pour 
faire 

point idéal

 par rapport à la valeur d'échange où 

tout se résume.  
 
Et justement parlons-en de cet « 

appris

 » qui ne repose 

pas sur l'échange. Du 

savoir

 d'un MARX lui-même, puisque 

je viens de l'évoquer… 
et bien du 

savoir

 d'un MARX lui-même dans la politique 

qui n'est pas rien, eh ben on ne fait pas « 

Commarxe

 » 

si vous me permettez, pas plus qu'on ne peut,  
de celui de FREUD, faire 

fraude

.  

Il n'y a qu'à regarder pour voir - hein ! –  
que partout où ne les retrouve pas ces savoirs,  
se les être fait entrer dans la peau – hein ! –  
par de dures expériences – hein ! – eh ben 

ça retombe sec

 : 

ça ne s'importe ni ne s'exporte.  
Il n'y a pas « d'

information

 » qui tienne, sinon de  

la mesure d'un « 

formé à l'usage

 ». 

 

 

Ainsi se déduit - du fait que 

le savoir est dans l'Autre

 - qu'il 

ne doive rien à l'

être

, si ce n'est que celui-ci en ait 

véhiculé 

la lettre

.  

D'où il résulte que 

l’ être

 puisse tuer là où la lettre 

reproduise, mais reproduise jamais le même, jamais le 
même être de savoir. 
 

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197

Je pense que vous sentez là – hein ? - quant au 

savoir

 

la 

fonction

 que je donne à 

la lettre

.  

C'est celle… 

à propos de quoi je vous prie de ne pas trop vite 
glisser du côté des prétendus 

messages

 

…c'est celle qui la fait analogue d'un 

germen

.  

Germen

 que nous devons si sévèrement… 

si nous sommes dans la ligne de la physique 
moléculaire… de la physiologie moléculaire 

…que nous devons si sévèrement séparer des corps 
auprès desquels il véhicule 

vie et mort

 tout ensemble. 

 

 

MARX et Lénine… FREUD et LACAN… 

[ Rires ]

 ne sont pas 

couplés dans 

l’ être

, c'est par la lettre qu'ils ont 

trouvée… 

trouvée dans l'Autre 

…que comme 

être

 de savoir, ils procèdent 

deux par deux

 

dans un Autre supposé.  
 
Le 

nouveau

 de leur savoir, c'est que n'en est pas 

supposé – quoi ? - que l'Autre en sache rien !  
Non pas bien sûr « 

l'être qui y a fait lettre

 » car c'est bien de 

l'Autre qu'il a fait 

lettre

 à ses dépens, 

au prix de son être

…  

au prix de son être

 - mon Dieu ! – pour chacun :  

pas de « 

 rien du tout

 » mais non plus pas de « 

très beaucoup

 ».  

 

 

Pour dire la vérité, ces êtres, ces êtres d'où se 
fait à la lettre, je vais vous faire sur eux une 
petite confidence :  
je pense pas… 

malgré tout ce qu'on a pu raconter par exemple de LENINE 

…que la haine ni l'amour, que « l'

hainamoration

 »

,

  

que ça en ait vraiment étouffé aucun.  
 
Qu'on ne me raconte pas d'histoires à propos de 
Madame FREUD : là-dessus j'ai le témoignage de JUNG, 
il disait la vérité, c'était même son tort,  
il ne disait que ça. 

[ Rires ]

 

 

 

Ceux qui arrivent à faire ces sortes de rejets d'être 
encore, c'est plutôt ceux qui participent du mépris, 
que je vous ferai écrire cette fois…  

puisqu'aujourd'hui je m'amuse avec l'

a-prix

 et le reste

 

m.é.p.r.i.x.

 Ça fait 

Uniprix

.  

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198

Nous sommes quand même au temps des « 

supermarkets

 », 

alors il faut savoir ce qu'on est capable  
de 

produire

, même en fait d'être. Ouais… 

 

 

L'embêtant est ceci :  
c'est que l'Autre, le lieu, lui - comme je vous l'ai 
dit - ne sache rien.  
On peut plus haïr Dieu, si lui-même ne sait rien,  
rien de ce qui se passe notamment.  
Quand on pouvait le haïr, on pouvait croire  
qu'il nous aimait, puisqu'il nous le rendait pas. 
C'était pas apparent, malgré que dans certains cas  
on y a mis toute la gomme. 
 

 

Enfin comme j'arrive au bout de ces discours  
que j'ai le courage de poursuivre devant vous,  
je voudrais… 

puisque c'est là une idée qui me vient et 
qu'après tout c'est une idée aussi à laquelle 
j'ai un tout petit peu réfléchi, n'est-ce pas 

…c'est que le Christ en somme, dont on nous explique 
le malheur par une idée de 

sauver les hommes

, je trouve 

plutôt que c'est de 

sauver Dieu

 qu'il s'agissait,  

en redonnant, enfin, un peu de présence, d'actualité  
à cette haine de Dieu, sur laquelle bien sûr nous 
sommes, pour cause, plutôt mous.  
C'est de là que je dis que l'imputation de l'

inconscient

 

n'est-ce pas, est un fait de charité incroyable :  
ils savent, ils savent, les sujets… mais enfin tout 
de même, ils ne savent 

pas tout

.  

Au niveau de ce 

pas tout

, il n'y a plus que l'Autre  

à ne pas savoir. C'est l'Autre qui fait le 

pas tout

justement en ce qu'il est la part du « 

pas savant du tout

 » 

dans ce 

pas tout

 

 

Alors - momentanément, bien sûr - ça peut être 

commode

 

de le rendre responsable, de le rendre responsable  
de ceci… 

 
à quoi aboutit l'analyse n'est-ce pas,  
à quoi aboutit l'analyse de la façon la plus 
avouée à part ceci que personne ne s'en aperçoit, 
n'est-ce pas 

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199

…c'est qu'en somme, si le désir, la libido, est 
masculine, eh bien la chère femme, c'est justement 
que de là où elle est toute… 

c'est-à-dire d'où la voit l'homme 

…et rien que là, qu'elle peut avoir un inconscient, 
n'est-ce pas…  
Et à quoi ça lui sert ?  
Ben ça lui sert - comme chacun sait - à faire parler 
l'être parlant, ici réduit à l'homme, c'est-à-dire…  

je sais pas si vous l'avez bien remarqué  
dans la théorie analytique 

…à n'exister que comme mère.  
 
Elle a des effets d'inconscient, mais son inconscient 
à la limite, où elle est pas responsable, enfin  
de l'inconscient de tout le monde n'est-ce pas, 
c'est-à-dire au point où l'Autre à qui elle a affaire 
- le grand Autre - où l'Autre fait qu'elle ne sait 
rien, parce que lui l'Autre, c'est trop clair, sait 
d'autant moins que c'est très difficile de soutenir 
son existence, n'est-ce pas, eh ben on ne peut pas 
dire que tout ceci lui fasse la part belle. Ouais… 
 

 

J'ai joué en somme la dernière fois, comme je me le 
permets, sur l'équivoque un peu tirée par les cheveux 
de « 

il hait

 » et « 

il est

 ». Je n'en jouis pas, sinon à 

poser la question que, elle soit digne de la paire de 
ciseaux. C'est justement de quoi il s'agit dans la 
castration.  
Que 

l'être

 provoque 

la haine

 comme telle, n'est disons  

pas exclu. Parce que 

si toute l'affaire

… 

si toute l'affaire

 

d'ARISTOTE ça a été de concevoir 

l'être

 comme étant  

ce par quoi les êtres « 

moins êtres

 » participent  

au plus haut des êtres, c'est formidable !  
C'est formidable que Saint THOMAS a réussi  
à réintroduire ça dans une tradition chrétienne qui 
bien entendu pour s'être répandue chez les Gentils, 
enfin, était bien forçée de s'y être toute entière 
formée, de sorte qu'il avait qu'à tirer sur les 
ficelles pour que ça remarche.  
 
 

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200

Mais enfin se rend-on compte que dans la tradition 
juive la coupure ne passe pas du 

plus parfait

 au 

moins parfait

que le 

moins parfait

 est tout simplement ce qu'il est,  

à savoir radicalement 

imparfait

, et qu'il n'y a 

strictement

 

qu'à obéir au doigt et à l'œil… 

si j'ose m'exprimer ainsi 

…à celui qui porte un nom : Jahvé, avec d'ailleurs 
quelques autres noms dans l'entourage, qui ne sont 
pas exclus comme tels, mais celui-ci a fait le choix 
de son peuple et il y a pas à aller contre.  
Est-ce que là ne se dénude pas que c'est bien mieux 
que de « 

l'être-haïr

 », de 

le trahir

 à l'occasion ?  

Et ce dont, bien évidemment, les juifs ne se sont pas 
privés, ils ne pouvaient pas en sortir autrement. 
 

 

Nous en sommes…  

sur ce sujet de la 

haine

 

…si étouffés que personne ne s'aperçoit qu'une 

haine

une 

haine

 solide ça s'adresse à l'être, à l'être même 

de quelqu'un qui n'est pas forcément Dieu.  
On en reste… 

et c'est bien en quoi j'ai dit  
que le 

(a)

 est 

un semblant d'être

 

…on en reste à la notion… 

et c'est là que l'analyse comme toujours,  
enfin, est un petit peu boiteuse 

…on en reste à la haine jalouse, celle qui jaillit  
de la « 

jalouissance

 », de celle qui « s'

imageaillisse

 

»  

du regard de Saint AUGUSTIN, qui l’observe le petit 
bonhomme – hein ? - il est là en tiers, il observe  
le petit bonhomme et il voit que : 

pallidus

,  

enfin il en pâlit d'observer, suspendu à la têtine, 
son 

conlactaneum suum

.  

 
Oui, heureusement que c'est la 

jouissance substitutive,

 

première n'est-ce pas dans l'énonciation freudienne, 
le désir évoqué d'une métonymie, qui s'inscrit d'une 
demande, supposée adressée à l'Autre, de ces noyaux 
de ce que j'ai appelé « 

Ding

 » dans mon article…  

dans mon séminaire sur la psychanalyse,  
sur 

L'éthique de la psychanalyse  

La chose freudienne 

70

en d'autres termes.  

                                                 

70

   La chose freudienne,  in Écrits, op. cit., p.401 (t.1 p.398). 

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201

Le 

prochain

 même… 

que FREUD se refuse à aimer au-delà  
de certaines limites, n'est-ce pas  

…l'enfant regardé : lui l'a, le 

(a

!  

 
Est-ce qu'avoir l'

(a),

 c'est l'être ?  

 
Voilà 

la question

 sur laquelle je vous laisse aujourd'hui, 

et si vous voulez lire… 

d'ici la prochaine fois que je vous verrai, 
c'est-à-dire si mon souvenir est bon le dix avril 

…ce que j'ai écrit sur la 

Bedeutung des phallus

, sur 

La signification 

du phallus

71

 en français, si vous voulez le lire,  

vous verrez à quoi conduit la dernière question  
sur laquelle je vous laisse. 

                                                 

71

 La signification du phallus,  Die Bedeutung des Phallus, in Écrits, op. cit., p.685 (t.2 p.163).

 

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202

10 Avril 1973                                                                          

Table des matières

 

 
 
 

               

Exposé de Jean-Claude MILNER

 

               

Exposé de François RÉCANATI

 

 
 
LACAN 
 
Je ne vous parle guère de ce qui paraît,  
quand il s'agit de quelque chose de moi, d'autant 
plus que il me faut en général assez l'attendre  
pour que, pour moi, l'intérêt s'en distancie.  
 
Néanmoins, il ne serait pas mauvais pour la prochaine 
fois qui sera le huit mai… 

pas avant, puisque le dix sept de ce mois sera en 
pleines vacances de Pâques, je vous préviens donc 
que le prochain rendez-vous est le huit mai  

…il serait pas mauvais que vous ayez lu quelque chose 
que j'ai intitulé 

L'étourdit

, en l'écrivant 

d.i.t.,

 

et qui 

part de la distance qu'il y a du 

dire

 au 

dit

 
Qu'il n'y ait d'

être

 que dans le 

dit,

 c'est une question, 

que nous laisserons en suspens.  
Il est certain que, qu'il n'y a du 

dit

 que de l'

être

mais cela n'impose pas la réciproque.  
Par contre, ce qui est mon 

dire

 c'est :  

qu'il n'y a de 

l'inconscient

 que du 

dit

, ça c'est un 

dire

.  

 
Comment 

dire  

C'est là la question !  
On ne peut pas 

dire 

 n'importe comment et c'est le 

problème de qui 

habite le langage

, à savoir de nous tous. 

 
C'est bien pourquoi aujourd'hui, et à propos de cette 
béance que j'ai voulu exprimer un jour en distinguant 
de la linguistique ce que je fais ici c'est-à-dire de 
la « 

linguisterie

 », à savoir ce qui se fonde dans ce que 

je viens d'énoncer tout d'abord : …  

et qui est assuré 

que nous ne pouvons traiter de l'inconscient  
qu'à partir du 

dit

, et du 

dit

 de l'analysant.  

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203

C'est bien dans cette référence que j'ai demandé  
à quelqu'un…  

qui, à ma grande reconnaissance  
a bien voulu y accéder  

…c'est-à-dire 

un linguiste

, de venir aujourd'hui devant 

vous… 

et je suis sûr que vous en tirerez profit 

ce qu'il en est actuellement de 

la position du linguiste

.  

 
Je ne veux même pas indiquer ce qui ne peut pas 
manquer dans un tel énoncé de vous intéresser :  
que quelqu'un m'ait écrit… 

à propos d'un article comme ça  
qui était paru quelque part 

…que quelqu'un m'ait écrit qu'il y a dans la position 
du linguiste quelque chose qui se déplace…  
C'est ce que j'ai souhaité qu’aujourd'hui quelqu'un 
vous informe… 

et personne n'en est plus qualifié  
que celui que je vous présente 

…à savoir Jean-Claude MILNER, un linguiste. 
 

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204

Exposé de Jean-Claude MILNER

 

72

 

 
 
 
 
 
 
De la grammaire, il y en a toujours eu, il y en a eu 
avant 

les modernes

 et il y en aura sans doute 

après nous

Pour la linguistique c'est autre chose si l'on entend 
par linguistique ce qu'il faut entendre : 
quelque chose d'assez précis, c'est-à-dire un champ, 
un discours qui considère le langage comme 

objet de science

.  

 
Que le langage - peu importe le nom - que le langage 
soit objet de science, c'est une proposition qui n'a 
rien de trivial et qui est même, d'un certain point 
de vue, hautement invraisemblable.  
Néanmoins, une discipline s'est constituée autour de 
cette hypothèse et on sait généralement à quel prix, 
par quelles voies cette discipline s'est constituée. 
 
Historiquement, et d'un point de vue systématique,  
le départ c'est le cours de linguistique de SAUSSURE 
qui articule donc la linguistique comme science 
autour d'un certain nombre de 

propositions

 enchaînées.  

De ces propositions, j'en retiendrai trois pour, 
disons, résumer le premier abord de la linguistique 
prise comme science. 
 
La première de ces propositions c'est que le langage, 
en tant qu'il est objet de la linguistique, n'a comme 
propriétés que celles qui se déduisent analytiquement 
de sa nature de 

signe

.  

Cette proposition peut s'analyser en deux 

sous-propositions  

:  

-

 

la première c'est que le langage n'a pas de 

propriétés spécifiques

 par rapport à d'autres 

systèmes de signes

.  

-

 

la deuxième, c'est que la notion de 

signe

 est 

essentielle à la linguistique.  

Autrement dit on peut définir 

la linguistique 

 comme le type 

général de toute théorie des systèmes signifiants. 

                                                 

72 Jean-Claude Milner, Arguments linguistiques, Paris, Mame, Série bleue,Coll. Repères, 1973, pp. 179-217 :  

« Écoles de Cambridge et de Pennsylvanie : deux théories de la transformation ». 

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205

La deuxième grande proposition - qui s'enchaîne à la 
première - c'est que les propriétés de tout 

système de 

signes

 peuvent être décrites par des opérations assez 

simples, ces opérations étant elles-mêmes justifiées 
par la nature même du signe, essentiellement  
sa nature d'être biface et d'être arbitraire.  
Par exemple, parmi ces opérations, une qui est bien 
connue : la commutation.  
Ces opérations n'ont rien de spécifique au langage, 
elles pourraient être appliquées - et ont été 
appliquées - à d'autres systèmes. 
 
La troisième proposition c'est que l'ensemble des 
propriétés de la langue… 

donc l'objet de la linguistique 

…ce qu'on peut appeler - cet ensemble - ce qu'on peut 
appeler la structure, est en quelque sorte de même 
tissus que les données observables.  
 
Cette structure n'a rien qui soit caché, rien qui 
soit secret, elle s'offre à l'observation et les 
opérations du linguiste ne font qu’

élucider

expliciter

 

ce qui est co-présent aux données elles-mêmes. 
 
Ces trois propositions ont donné naissance à un type 
de linguistique bien connu, 

la  linguistique  structurale

.  

C'est un fait important que ces trois propositions 
ont été - toutes les trois ! - réfutées.  
 
Autrement dit, dans le mouvement même de 

la linguistique

 

considérée comme science, une autre hypothèse,  
une autre 

théorie du champ

 s'est proposée, qui s'articule 

par trois propositions également, qui prennent  
le contre-pied de celles que je viens d'énoncer. 
 
Je commencerai par la dernière.  
Pour analyser…  

non : première proposition de cette nouvelle 
théorie qui correspond au contre-pied de la 
troisième que j'ai énoncée précédemment 

…pour analyser une langue on a besoin de faire 
intervenir des relations abstraites qui ne sont pas 
forcément représentées dans les données elles-mêmes.  
 

background image

 

206

Autrement dit, il n'y a pas 

une seule structure

 qui serait  

co-présente aux données, mais il y a 

au moins deux structures

Une qui est 

observable

 qu'on appelle 

la structure de surface

,  

et l'autre - ou plusieurs autres - qui ne sont pas 
observables, dont 

la structure

 dite 

profonde

 
Deuxième proposition articulée… 

qui prend donc le contre-pied de la deuxième 

proposition structuraliste

 

…ces deux structures, 

structure de surface

 et 

structure profonde

sont reliées entre elles par des 

opérations complexes

en tout cas trop complexes pour être tirées de la 
nature même du signe, par exemple ce qu'on appelle 
généralement les transformations.  
 
Et la première proposition structuraliste trouve son 
contre-pied dans la troisième 

proposition

 

transformationnelle

transformationnaliste

 :  

ces transformations sont spécifiques au langage. 
Autrement dit, aucun autre système connu ne présente  
des opérations du type des transformations,  
autrement dit encore, il y a des propriétés 
spécifiques au langage. 
 
Un corollaire que je n'explicite pas, dont je 
n'explicite pas les raisons, c'est que la notion  
de 

signe

 comme telle n'est aucunement nécessaire à la 

linguistique.  
On peut parfaitement développer la linguistique comme 
science sans faire usage de la notion de 

signe  saussurien

de la notion de 

signifiant

 par opposition au 

signifié

,  

ce qui - disons par parenthèse - rend quelque peu 
comique certaine assertion récente suivant laquelle 
c'est du côté de la linguistique qu'il faudrait  
se tourner pour comprendre la notion de signifiant. 
 
Ce changement, à l'intérieur de la linguistique,  
a toutes les apparences extérieures de ce qu'on a 
appelé une refonte, c'est-à-dire le passage d'une 
certaine configuration du champ d'une science  
à une autre configuration de ce champ, cette seconde 
configuration intégrant la première et la présentant 
comme un cas particulier de sa propre analyse.  

background image

 

207

Et ainsi, la linguistique structuraliste est réfutée 
par la linguistique transformationnelle, mais en même 
temps elle y est intégrée puisque la linguistique 
structurale apparaît comme un cas particulier, plus 
restrictif, de la linguistique transformationnelle. 
 
Loin donc que ce passage d'une linguistique à une 
autre puisse se qualifier comme une difficulté ou 
comme une crise, le fait que ce type de refonte soit 
possible paraît plutôt une preuve que la linguistique 
est bien intégrée au champ des sciences. 
 
Voilà en gros la présentation la plus courante  
que l'on peut faire du système de la linguistique.  
Ce que je vais essayer de montrer c'est qu'en réalité 
la situation est toute différente, il n'y a pas…  
Dans les « 

difficultés

 » il y a premièrement des 

difficultés

 

aujourd'hui dans le champ de la linguistique,  
et ces difficultés ne se présentent pas comme les 
signes avant-coureurs d'une refonte… 

c'est-à-dire comme les signes avant-coureurs 
d'une nouvelle figure de la linguistique  
qui intégrerait la précédente 

…mais comme les signes d'une 

difficulté  de  fond

, ce qu'on 

appelle couramment 

une crise

, et j'essaierai de montrer 

en dernier lieu 

le noyau, le principe

 de cette crise. 

 
Je vais donc considérer successivement quelques 
problèmes de 

brouillage

, d'

antinomie

 qui sont recouverts 

par la linguistique dite transformationnelle.  
 
La première sera l'antinomie, la… - comment dire ? - 
la possibilité d'interpréter de 

deux manières différentes

 

l'opposition de la 

structure de surface

 à la 

structure de profondeur

 
Pour présenter de façon simple le problème,  
on peut considérer que le « 

donner à expliquer

 », pour une 

grammaire transformationnelle c'est – mettons –  
un ensemble de phrases que l'on considérera comme 
appartenant à un ensemble bien formé.  
 
 
 

background image

 

208

Par exemple, je prends un exemple tout à fait 
abstrait : une phrase 

positive

assertive

active

,  

sera reliée et sera classée  

-

 

dans le même ensemble que la version 

négative

  

  de cette même phrase,  
-

 

dans le même ensemble que la version 

interrogative

 

de cette même phrase, 

-

 

et dans le même ensemble que la version 

passive

  

de cette même phrase.  

 
On a donc un ensemble, on peut se poser des questions 
sur la façon dont l'ensemble sera construit,  
mais enfin, on a le deux.  
Eh bien, cet ensemble, on peut admettre que s'il est 
bien formé, il se justifie par une 

propriété  commune

 à tous 

les éléments de l'ensemble, opération très simple.  
 
Question : cette propriété commune est-elle une 
réalité ou un 

flatus

 

vocis

73

 

?  

Autrement dit, l'interprétation de cette 

proposition

 : 

« 

il y a une propriété commune aux ensembles, aux phrases de l'ensemble

 »  

peut avoir une version 

réaliste

 ou une version 

nominaliste

.  

 
Si on adopte 

l'interprétation  réaliste

, cela revient à dire que : 

  

-

 

on a une réalité, que cette propriété commune est 
une réalité,  

-

 

cette réalité est de type 

langagier

linguistique

,  

 
autrement dit que la propriété commune à toutes les 
phrases de l'ensemble se représentera sous la forme 
d'une structure linguistique, cette structure étant 
évidemment qualifiée pour être la structure profonde 
des phrases appartenant à l'ensemble.  
 
À partir de cette structure, il suffira de construire 
un certain nombre de règles, des transformations  
qui permettront d'obtenir donc… 

à partir de la structure commune,  
par une série d'opérations différentes  

…tel et tel élément différencié de 

l'ensemble initial

.  

 

                                                 

73  Flatus vocis  :  littéralement « un souffle de voix »  qualifie « une Vérité qui s'évanouit avec la voix ». 

background image

 

209

Autre interprétation : 

interprétation  nominaliste

.  

Dans ce cas-là, il n'y a aucune réalité qui 

représente

 

la propriété comme telle, il n'y a comme réalité que 
la classe que l'on a pu construire, la classe de 
phrases que l'on a pu construire, et de ce point de 
vue, le système transformationnel n'a plus de 

structure de 

départ

 sur laquelle il aura à opérer des modifications. 

 
Deuxième divergence possible concernant les 
transformations elles-mêmes… 

disons l'ensemble de la grammaire  
dite transformationnelle 

…étant donnée une transformation ou étant donnée 
toute 

assertion grammaticale

, de la 

théorie grammaticale

on pourra l'envisager :  

-

 

soit en 

extension

,  

-

 

soit en 

intention

.  

 
Par exemple, en 

extension

 : une transformation consiste 

en une paire de phrases que l'on affirme être liées, 
par exemple la phrase active et la phrase passive, et 
la transformation ne sera rien d'autre que le couple 
que l'on aura pu construire :  
phrase active - phrase passive. 
 
Si l'on adopte le point de vue 

intentionnel

 :  

eh bien la transformation ne se réduit pas à la paire 
de phrases mais devient une propriété de cette paire 
qui ne se confond pas avec la paire elle-même.  
 
Cette opposition, cette divergence peut entraîner un 
certain nombre de différences tout à fait sensibles 
dans la théorie.  
Prenons par exemple une structure comme il en existe 
beaucoup dans les langues où la présence d'un élément 
peut être prévue à partir de la présence d'un autre. 
Par exemple, en français, il n'y a pas d'article qui 
ne soit suivi, de près ou de loin, enfin 

immédiatement

 

ou non, d'un substantif.  
Autrement dit, lorsque l'on dit d'une structure 
qu'elle comporte un article, on dit la même chose que 
lorsqu'on dit que cette structure comporte un article 
suivi d'un substantif, bien évidemment.  

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210

Autrement dit encore, la classe des séquences 
comportant un article est identique à la classe des 
séquences comportant un article plus un substantif. 
 
Dans une approche 

extensionnelle

, toute expression ayant la 

même extension qu'une autre expression peut être 
librement substituée à cette autre expression.  
Dans le cas particulier cela voudra dire  
qu'une expression du type « 

structure comportant un article

 » sera 

librement substituable à  « 

structure comportant un article plus un 

substantif

 ». 

 
Mais dans l'approche 

intentionnelle

, il n'est pas 

nécessairement

 

vrai que deux expressions ayant la même extension 
soient substituables. Par exemple, pour prendre un 
exemple de QUINE, entre la propriété :  
« 

être un animal marin vivant en 1940

 », et la propriété :  

« 

être un cétacé vivant en 1940

 », l'extension pourra bien être  

la même – admettons… - mais il n'est pas évident pour 
autant que les deux propriétés soient les mêmes  
et soient substituables l'une à l'autre en préservant 
la synonymie des énoncés. 
 
Par conséquent dans le cas qui nous occupe, il peut 
très bien y avoir une différence entre la propriété : 
« 

être analysable en un article

 », et la propriété :  

« 

être analysable entre article plus nom

 ». Et l'on peut parfaitement 

imaginer des règles qui seront correctement 
présentées suivant l'une de ces propositions et ne le 
seraient pas suivant l'autre de ces propositions. 
 
Jacques LACAN -  

Mammifère

…  

 
Jean-Claude Milner - Oui c'est ça… 

Mammifère

, ah oui !  

Pour être complet, il faudrait ajouter les pinnipèdes 
aux cétacés : il y a deux, deux sous-groupes parmi 
les animaux mammifères marins. 
Autrement dit, là encore on a une bifidité,  
un clivage entre deux interprétations possibles de  
la notion de transformation.  
En général, les théories linguistiques combinent  

le point de vue intentionnel

 sur les transformations et  

le point de vue réaliste

 concernant la structure profonde.  

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211

Et celles qui adoptent 

le point de vue extensionnel

 concernant les 

transformations, adoptent 

le point de vue nominaliste

 sur  

la structure profonde.  
Je ne m'attarderai pas sur ce fait, il n'est sûrement 
pas dû au hasard, je prendrai simplement la situation 
telle qu'elle est. 
 
On a donc deux possibilités pour la théorie 
linguistique transformationnelle :  

-

 

d'une part être 

intentionnelle réaliste

,  

-

 

et d'autre part être 

extensionnelle nominaliste

 
Si on adopte le point de vue 

extensionnel réaliste

…  

le point de vue 

extensionnel nominaliste

, pardon… la structure 

profonde devient, étant simplement une classe, les 
règles de la grammaire étant purement extensionnelles 
sont elles aussi purement des classes, autrement dit 
les démonstrations de cette théorie consisteront tout 
simplement à trouver des procédures de construction 
des classes bien formées.  
Et on aura démontré une thèse dans cette grammaire  
si l'on a trouvé la procédure 

constructive

 effective, 

permettant de montrer que la classe visée est bien 
formée, est exhaustive, etc. 
 
Inversement dans l'autre hypothèse, la version donc 

intentionnelle  

nominaliste

 

74

, la structure profonde est une 

structure 

réelle

 et c'est de plus une 

structure  cachée

.  

Pour la reconstituer, on est obligé de s'appuyer sur 
des indices donnés par l'observation.  
 
D'autre part, les transformations sont formulées en 
termes de propriétés, essentiellement à partir de 
l'énoncé suivant, le principe suivant :  
« 

Deux phrases sont en relation de transformation si elles ont les mêmes propriétés

 ». 

 
 Il faudra donc toute une série de raisonnements 
montrant :  

-

 

que telle propriété est bien représentée sur deux 
phrases,  

-

 

que cette propriété est la même dans les deux 
cas,  

                                                 

74 Lapsus de Jean-Claude Milner. Il faut ici lire  «  réaliste ». 

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212

-

 

que d'autre part le fait que cette propriété soit 
la même est un argument suffisant pour combiner 
les deux phrases par une transformation, etc. 

 
Autrement dit la forme de la démonstration sera,  
non pas de l'ordre de la construction des classes, 
mais de l'ordre de l'argumentation à partir d'indices 
ou à partir de raisons.  
Le type de la certitude dans un cas sera donc  
de l'ordre des dénombrements exhaustifs,  
dans l'autre cas il sera de l'ordre des raisons 
combinées, de la force relative des indices, etc. 
 
Conclusion, il n'y a pas…  

-

 

de même qu'il n'y a pas donc une interprétation 
univoque des notions fondamentales de  
la linguistique,  

-

 

de même il n'y a pas de type unique de 
démonstration et de certitude. 

 
Est-ce que, néanmoins, on peut maintenir que sur  
la notion de « 

propriété du langage

 »… 

nous avons vu qu'elle était singulière  
dans la théorie transformationnelle 

…est-ce que l'on peut dire qu'il y a accord ?  
 
Le problème est d'importance dans la mesure,  
Où si l'on admet que le langage a des 

propriétés spécifiques

l'objet de la linguistique sera évidemment de 
découvrir ces 

propriétés spécifiques

, et il ne peut pas y en 

avoir d'autres. Si donc il apparaît que sur la notion 
de 

propriété du langage

 il y a ambivalence, ambiguïté, on en 

sera amené à conclure qu'il n'y a pas de notion 
univoque de l'objet de la linguistique. 
 
Eh bien en fait, on peut effectivement montrer  
qu'il y a ambivalence de la notion même de propriété. 
Prenons l'exemple des transformations.  
C'est une spécificité - admettons-le - des systèmes 
linguistiques, que d'être articulables en termes de 
transformations.  
 
 

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213

Eh bien il existe une interprétation suivant laquelle 
on dira :  
 
« C

e qui me garantit que c'est une propriété c'est justement que l'on puisse imaginer 

 a priori toute une série de systèmes formels non pourvus de transformations

 »  

 
autrement dit, 

a priori

 rien ne m'empêche de 

représenter

  

un système par des transformations, mais qu’en fait,  
« 

eh bien c'est comme ça

 » il y a des 

transformations

 dans les noms. 

La notion de 

propriété

 est alors liée au « 

c'est comme ça

 » :  

à l'

in-déductible 

a priori

 et à l'

observable

 

a posteriori

.  

 
C'est en particulier la position de CHOMSKY,  
et pour ceux qui pratiquent les raisonnements,  
enfin les argumentations, les discussions de la 
grammaire du type chomskien, ils reconnaîtront très 
fréquemment des arguments du genre :  
 
« 

Il n'y a aucune raison a priori pour que telle structure soit présente dans les langues,  

or elle y est présente, donc j'ai une propriété, et ayant une propriété reconnaissable à  
ce critère qu'elle est in-déductible a priori, j'ai atteint la thèse ultime de ma théorie, 
 et j'ai atteint mon objet

 ». 

 
Mais on peut imaginer une interprétation tout à fait 
différente qui dira :  
 
« 

Eh bien il n'y a aucune raison de ne pas appliquer le principe de raison au phénomène 

que l'on a découvert, par exemple l'existence des transformations

 »  

 
et l'on cherchera à dire :  
 
« 

Eh bien s'il y a des transformations dans les langues, eh bien cela tient à leur essence, 

quelle que soit cette essence, par exemple celle d'être des instruments de communication,  
ou par exemple celle de représenter des situations objectives ou toute essence qu'on pourrait 
s'imaginer de ce côté-là

 ».  

 
Peu importe le détail, ce qui est important c'est que 
dans une interprétation de ce genre, le critère d'une 
propriété ce n'est pas qu'elle soit 

in-déductible

 

a priori

mais c'est qu'elle soit au contraire déductible à 
partir d'un principe fondamental qui articulerait 
n'est-ce pas, qui formulerait l'essence même de la 
langue prise comme telle. 

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214

Vous voyez que dans ce cas là on a deux théories 
linguistiques tout à fait différentes et que l'objet 
de la linguistique ne se formulera pas du tout de la 
même façon, puisque :  

-

 

dans un cas l'objet de la linguistique sera 
d'enregistrer, de chercher à découvrir tout 
l'ensemble des propriétés en quelque sorte 
inexplicables - 

a priori

 - des langues, que l'on 

peut simplement enregistrer comme des données, 

-

 

dans l'autre cas l'objet de la linguistique sera 
d'essayer de ramener l'ensemble des propriétés 
que l'on aura pu découvrir objectivement à 

une 

essence

 du langage quelle qu'en soit la définition. 

 
Eh bien, me semble-t-il, lorsque dans une théorie,  
on a divergence sur l'objet, qu'on a divergence  
sur la nature des démonstrations, sur la nature de la 
certitude, il y a manifestement quelque chose qui est 
en cause.  
Eh bien si l'on 

observe

 ce qui se passe, on s'aperçoit 

que, pour choisir entre les diverses interprétations, 
à chaque moment de l'ambivalence, des ambivalences 
successives, le linguiste, les linguistes,  
n'ont d'autre principe, en tout cas qu'on puisse 
reconnaître, que leur propre vision du monde.  
 
Ils choisiront par exemple sur le dernier point 
l'hypothèse de l'inexplicable 

a priori

 ou au contraire 

de l'explicable 

a priori

 uniquement en fonction de leur 

conception du principe de raison.  
Et ainsi de suite, concernant le choix entre le 
nominalisme ou le réalisme, bien des discussions  
de cet ordre reviennent simplement à une sélection  
en termes de vision du monde :  
qu'est-ce que je préfère, le 

nominalisme

 ou le 

réalisme

 ?  

Ou, qu'est-ce que je préfère : l'

extension

 ou l'

intention

 ? 

Ceci peut être masqué par un certain nombre 
d'assertions sur la nature de la science, qui doit 
être ou mesurable ou pas mesurable etc. Peu importe ! 
Le fond c'est une question de vision du monde. 
Il me semble que l'on peut avancer sans 

invraisemblance

  

la thèse que lorsque 

dans un champ appartenant à la science

,  

la sélection entre des théories concurrentes se fait  

en termes de vision du monde

, on peut appeler ça 

une crise

.  

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215

Eh bien cette crise on pourrait simplement la 
constater, il me semble que le noyau, le principe 
fondamental peut néanmoins en être articulé plus 
précisément. 
Quelque chose est en cause en ce moment, dans le 
système de la théorie linguistique, qui met en 
question sa nature même de science.  
Entre le passage… disons dans le passage du 

saussurisme

  

au 

transformationnalisme

… 

dont nous avons vu qu'il repose sur  
des inversions de propositions 

…il y avait quelque chose, que je n'ai pas décrit,  
qui est resté intangible, c'est ce que je pourrais 
appeler le modèle du 

sujet syntaxique

.  

 
Qu'est-ce que c'est que ce modèle ?  
Eh bien SAUSSURE le décrit de façon très simple, 
c'est une relation à deux termes :  
entre le locuteur et l'interlocuteur.  
On connaît, tout le monde connaît le schéma 
saussurien : on a un point de départ qui est A,  
un point d'arrivée qui est B. Le propre de ce modèle 
c'est qu’un 

interlocuteur

 ne fonctionne comme tel dans le 

système que s'il prouve qu'il a la capacité d'être  
à son tour un 

locuteur

 à un autre moment du système.  

 
Autrement dit on a deux termes qui sont symétriques 
et différents, à peu près comme la main droite et  
la main gauche, mais qui sont… 

comme la main droite et la main gauche 

…d'un certain point de vue, homogènes.  
Et l'on peut parler de l'interlocuteur ou du locuteur 
linguistique au singulier, ayant comme propriété 
distinctive de se re-dupliquer dans la réalité,  
la réalité des corps, de même que l'on peut parler de 
la main au singulier, dont chacun sait la propriété 
de se re-dupliquer dans le corps humain.  
Eh bien ce passage, enfin cette structure, ce modèle 
est absolument inchangé dans le chomskisme,  
la référence que CHOMSKY d'ailleurs fait à SAUSSURE 
sur ce point est explicite, et l'on peut montrer  
de façon assez simple que, en dehors d'un tel modèle, 
l'intégration du langage à la science, au champ de la 
science, est absolument impossible. 

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216

La question qui se pose ça n'est pas tellement  
de savoir qu'est-ce qu'on fait tomber lorsque l'on 
propose un tel modèle, parce qu'après tout 
pratiquement on peut montrer sur tous les discours 
scientifiques qu'ils payent un certain prix,  
qui est le prix de leur scientificité.  
 
Ça n'est pas là le problème.  
Le problème c'est de savoir si dans le mouvement même 
de son exploration positive du champ des phénomènes 
langagiers, donc en s'appuyant sur ce qui rend 
possible cette exploration positive, donc ce modèle, 
la linguistique n'est pas amenée à être confrontée 
devant des données qui sont proprement inexplicables, 
impossibles à élucider si elle continue de s'appuyer 
sur ce modèle.  
 
Autrement dit le point c'est de savoir si dans  
le mouvement même de son exploration scientifique,  
la linguistique ne rencontre pas de quoi dissoudre  
ce qui avait rendu cette 

exploration  scientifique

 possible. 

Eh bien, sans entrer dans les détails, il semble  
que c'est bien là la situation. 
 
Autrement dit, on peut montrer, on pourrait montrer 
que la linguistique… 

et c'est en ce moment que cela se passe 

…est mise en face… 

par simplement le mouvement de son exploration 
syntaxique, donc la plus positive possible 

…est mise en face de phénomènes incontournables  
et dont la pure syntaxe… 

la syntaxe fondée sur la formalisation  
si j'ose dire, sur le – disons – le formalisable  

…dont la pure syntaxe ne peut pas rendre compte si 
elle continue à poser deux sujets absolument 
symétriques, absolument homogènes l'un à l'autre  
dont l'un sera 

le locuteur

 et l'autre 

l'interlocuteur

.  

 
 
 
 
 
 

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217

Je renvoie sur… 

pour une illustration de ce genre de problème  

…au récent livre de DUCROT 

Dire et ne pas dire

75

, qui montre  

à l'évidence qu'il y a toute une série de phénomènes 
parfaitement repérables en termes positifs…  

qui se repèrent en termes de structure 
grammaticale, de mots, de choses tout à fait 
enregistrables par des données 

…que tous ces phénomènes ne peuvent pas être compris 
si l'on ne pose pas au moins deux sujets, 

hétérogènes

 l'un 

à l'autre, dont l'un exerce sur l'autre ce que DUCROT 
appelle 

une relation de pouvoir

, un exercice de pouvoir. 

 
Autrement dit, le point de la crise c'est que pour 
continuer l'exploration qu'elle est nécessitée à 
faire, de par sa définition même, c'est-à-dire comme 
intégration du langage au champ des sciences,  
la linguistique doit maintenant… est en passe de 
payer un prix qui lui est impossible de payer,  
parce que si elle le paye c'est en fait sa 
déconstruction en tant que science qui commence. 
 
Que dire pour conclure, eh bien, quelque chose comme 
ceci : c'est que le jour approche où la 

linguistique

, et 

c'est déjà présent chez Ducrot, commence, commencera 
à se percevoir comme contemporaine de la 

psychanalyse

mais que il n'est pas évident que ce jour venu,  
la linguistique soit toujours là pour le voir. 
 

                  

[ Applaudissements ] 

 
Jacques LACAN 
 
- Bon, alors je serais très heureux de concentrer 
aujourd'hui les interventions que, que je puisse 
souhaiter.  
Je pense que François RÉCANATI va bien vouloir, 
puisque en somme l'orateur qui le précède est resté 
dans des limites de temps très étroites à son 
intention, je serais heureux de savoir ce qu'il peut 
apporter aujourd'hui comme 

contribution

 

                                                 

75 Oswald Ducrot, Dire et ne pas dire

 ( 

1972 ), Paris, Editeurs des Sciences et des Arts Hermann, coll. Savoir, 1993. 

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218

François RÉCANATI

 

 
 
 
Je ne reviendrai pas sur ce qui vient d'être dit.  
Je pense qu'un certain temps de méditation est un peu 
nécessaire. Mais il me paraît évident que ce qui a 
été présenté ici comme 

conception du monde

 réglant d'une 

certaine manière le destin actuel, c'est-à-dire non 
pas l'évolution de ce qui se présente comme science, 
comme la linguistique, ces choix qui doivent se faire 
entre nominalisme et réalisme d'une part,  
et d'autre part deux principes de raison, ou plutôt 
un principe qui est l'

in-déductibilité

 

a priori

 et l'autre 

le vieux principe de raison, ceci précisément relève 
d'une certaine manière de ce qu'on peut appeler 
linguisterie, mais à un niveau en quelque sorte  
où c'est ces choix qui se constituent…  

dans la mesure où ils s'articulent,  

…ces choix se constituent comme objets. 
 
Et d'une certaine manière, ce que je vais dire là  
qui n'était pas prévu pour s'articuler à ce qui vient 
de se dire, néanmoins ça aura un certain rapport avec 
la possibilité de ces choix, avec le fonctionnement 
de quelque chose comme justement l'

in-déductibilité

  

a priori

 fonctionnant comme principe de raison. 

 
Ceci peut-être alors apparaîtra-t-il tout seul,  
je ne chercherai pas particulièrement à le montrer. 
En général, je signale que ça va avoir trait à tout 
ce qu'a développé ces derniers temps LACAN à propos 
du « 

pas toute

 » et de la jouissance féminine, et que 

plus particulièrement il s'agit d'une question  
que je voudrais poser, et afin de la poser, je vais 
tâcher de l'illustrer, ce qui ne va pas sans risque 
dans la mesure où précisément il s'agit du mode  
de figuration possible d'un rapport, et que cette 
illustration que je tâcherai peut-être un peu 
métaphoriquement de donner, d'une certaine manière, 
peut-être empiète-t-elle un peu sur le fait même de 
cette figuration que j'attends.  
 
 

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219

Je vais d'abord tracer un schéma : 
 

 

 

 

 
Oui, j'en ai un autre mais 

il va venir

 

un peu plus tard

 !  

 
Alors la question que j'ai posée au docteur LACAN et 
qu'ici je vais 

illustrer

, c'est précisément celle-ci : 

comment articuler le rapport entre 

la fonction père

 d'une 

part, 

la fonction père

 comme supportant l'universalité de la 

fonction phallique chez l'homme, et d'autre part la 
jouissance féminine supplémentaire qui s'épingle de 
ce 

 

S(

A

)

 constituant ce qu'on pourrait appeler 

l'

in-universalité

 ou plutôt l'

in-exhaustivité

… 

et ce n'est pas exactement le même sens 

…de la femme au regard de 

Φ

 ainsi que sa position 

dans le désir de l'homme sous les espèces de 

l'objet(a).

 

Comment figurer ces deux termes dont la biglerie - a 
dit LACAN - est qu'ils se conjoignent tous deux  
au lieu de l'Autre ? Comment peut-on les figurer ?  
 
 

background image

 

220

Et d'autre part, peut-on dire qu'effectivement…  

c'est à peu près la même chose  
que la première question  

…qu'effectivement ils soient deux, si tant est,  
que si Régine avait un Dieu, peut-être n'était-il pas 
le même - certainement pas le même - que celui  
de KIERKEGAARD.  
Mais d'autre part, a dit LACAN, il n'est pas sûr non 
plus que on puisse dire qu'ils étaient deux. 
 
Je vais donner là quelques jalons qui ne seront pas 
exactement des jalons pour l'abord de cette question 
que je pose, mais plus précisément pour l'abord que 
je voudrais éviter. Dans la mesure où, dès qu'il est 
question du 

pas toute

, je crois qu'il y a deux manières 

de l'envisager :  

-

 

et que précisément une de ces manières est 
complètement silencieuse dans la mesure où dès 
qu'on y accède, en quelque sorte, il y a un 
silence, il n'en est plus question,  

-

 

et une autre de ces manières évacue en quelque 
sorte le problème, et c'est « 

la manière qui évacue

 » que 

je vais d'abord, par certains jalons, rappeler 
pour montrer qu'elle laisse tout à fait intacte 
la question de la jouissance féminine. 

 
Vous vous souvenez que ce il existe x qui dise non, 

tel que non phi de x 

(

:  §

)

, c'est ce qui permet à 

l'universel pour tout x phi de x 

(

;

 

!

)

 de tenir. 

C'est la limite, c'est la fonction bordante, c'est 
l'enveloppement par le Un qui permet à un ensemble  
de se poser en rapport à la castration. 
 
Selon une symétrie inversée… 

et qui n'est d'ailleurs pas une symétrie 

…c'est parce que 

rien

 chez la femme ne vient 

dire non

,  

ne vient dénier la 

fonction

 

Φ

,

 que rien précisément de 

décisif ne peut chez elle s'instaurer.  
Dans la mesure où il n'existe pas d'x tel que non phi 
de x 

(

/  §

)

, la femme étant à plein dans la 

fonction

 

Φ

elle ne se signale que par ce qui de supplémentaire 
dépasse cette fonction.  

background image

 

221

Rien n'objecte à la 

fonction

 

Φ

, c'est-à-dire il n'existe 

pas d'x qui dise non à phi de x 

(

/  §

)

 implique que 

la femme se situe par rapport à autre chose que  
la limite de l'universel masculin qui est 

la fonction père

 : 

il existe x tel que non phi de x 

(

:  §

)

.  

Cette autre chose s'épingle de son rapport à l'Autre 
comme barré, 

A

. Au regard de la 

fonction

 

Φ

, la femme ne 

peut s'inscrire que comme 

pas toute

Mais ce il existe x tel que non phi de x 

(

:  §

)

 est 

dans la position d'une altérité radicale par rapport 
à 

Φ

, dans une position décrochée, certes c'est une 

existence nécessaire, mais elle se pose aussi bien 
nécessairement en dehors du champ couvert par 

Φ

Dans la 

fonction père

, la 

fonction

 

Φ

… 

dans la mesure où c'est sur  
elle que porte la négation 

…est vidée de ne pouvoir plus s'indicer d'aucune 
vérité logique. 
 
À l'opposé, dans il n'existe pas d'x tel que non phi 

de x 

(

/  §

)

, la fonction est plus que remplie,  

elle déborde, et le jeu du vrai et du faux de la même 
façon est rendu impossible. 
Dans les deux cas que je voudrais signaler comme 
étant les deux cas d'existence, l'existence est dans 
une position excentrique par rapport à ce qui dans 

Φ

 

a valeur régulatrice, c'est-à-dire la fonction de 
vérité qui peut s'y investir. 
 
Ce qui se joue, ai-je dit, entre il existe x tel que 

non phi de x 

(

:  §

)

 et d'autre part il n'existe pas 

d'x tel que non phi de x 

(

/  §

)

 c'est l'

existence

,  

et l'existence se pose dans ce double décrochement  
de par rapport à 

Φ

 
L'existence sort certainement de la contradiction 
entre les deux, entre la 

fonction père

 et entre ce qu'on 

pourrait dire peut-être la 

fonction vierge

, c'est-à-dire  

il n'existe pas d'x tel que non phi de x 

(

/  §

)

.  

Les deux se signalent par leur in-essentialité au 
regard de 

Φ

. L'un ne peut pas s'inscrire dans 

Φ

l'autre ne peut pas ne pas s'y inscrire.  

background image

 

222

D'un côté le 

nécessaire

 : il existe x tel que non phi de 

(

:  §

)

, de l'autre je dis là l'impossible pour 

aller vite, en fait il y aurait une variante à y 
ajouter : il n'existe pas d'x tel que non phi de x 

(

/  §

)

.  

L'impossible est bien plutôt ce qui se passe entre 
les deux, et il n'existe pas d'x tel que non phi de x 

(

/  §

)

 pourrait s'appeler l'impuissance si ce terme 

n'avait pas déjà servi à d'autres fins. 
 
La disjonction entre les deux est radicale.  
Tous deux ne sont pas décrochés l'un d'avec l'autre, 
mais tous deux sont décrochés par rapport à 

Φ

,  

et les deux décrochements eux-mêmes sont en 

discordance

En aucune façon ils ne sont commensurables. 

On peut même dire plus : tant que 

L

 femme… 

L

 femme toujours ce la barré 

…reste définie par ce il n'existe pas d'x tel que non 

phi de x 

(

/  §

)

 elle se situe entre zéro et un, 

entre centre et absence, et n'est pas dénombrable. 
Elle ne peut en aucune façon s'accrocher au Un  

du il existe x tel que non phi de x 

(

:  §

)

, même pas 

de la façon déjà tordue dont le pour tout x phi de x 

(

;

 

!

)

 s'y accroche, pour tout x phi de x 

(

;

 

!

)

… 

si j'ai appelé il existe x tel que  

non phi de x 

(

:  §

)

 le Un 

…pourquoi ne pas l'appeler le zéro, donc même pas de 
la façon déjà tordue dont le zéro s'y accroche, 
c'est-à-dire par ce que j'ai appelé là 

le déni

 
C'est ici qu'il faut situer… 

à regarder le schéma d'à côté 

…la vérité qu'il n'y a pas de rapport sexuel,  
mais ce pourquoi j'ai avancé ceci était afin de 
marquer que l'existence ne se pose par rapport à 

Φ

 

que dans cette altérité.  
 
Et le fait que l'un et l'autre, 

existence

 et 

altérité

soient, à ce point, dissociables, implique les 
errements qui vont suivre, notamment le destin du 
désir de l'homme. 
 

background image

 

223

Si l'on examine maintenant les rapports verticaux 
entre les formules, et en reprenant ces marques que 
j'ai dites zéro et Un, le Un du il existe x tel que 

non phi de x 

(

: §

)

 permet - par sa nécessité - à 

pour tout x phi de x 

(

;

 

!

)

, de se constituer comme 

possible, disons au titre de zéro. 
 
Il n'en va absolument pas de même de l'autre côté 
malgré la symétrie apparente, car de l'autre côté 
c'est du il n'existe pas d'x tel que non phi de x  

(

/  §

)

 que s'origine pour 

pas tout x phi de x

 

(

.

 

!

)

.  

Or ici, c'est bien plutôt le il n'existe pas d'x tel 

que non phi de x 

(

/  §

)

 qui joue le rôle de 

l'indéterminé, c'est-à-dire du zéro avant sa 
constitution par le Un, c'est-à-dire d'une sorte de 
non-zéro, de pas tout à fait zéro.  
 
Et de ce point de vue là, c'est le pour 

pas tout x phi 

de x

 

(

.

 

!

)

 qui jouerait - au conditionnel - le rôle 

du Un, c'est-à-dire la possibilité, l'ouverture de 
quelque chose comme une supplémentarité, d'un Un en 
plus possible. Mais bien sûr, ce pseudo Un en plus 
s'abîme immédiatement dans l'indétermination du  

il n'existe pas d'x tel que non phi de x 

(

/  §

)

 

qu'aucune existence, qu’aucun support ne vient 
soutenir, qu'aucun 

dire-que-non

 ne vient soutenir. 

 
Tant qu'aucun x ne viendra nier phi de x pour  

L

 femme, le Un en plus dont le « 

pas tout

 » se sent 

porteur reste fantomatique. Aucune production n'est 
possible à partir du il n'existe pas d'x tel que non 

phi de x 

(

/  §

)

, mais seulement une circulation de 

l'indéterminé initial. 
Entre les deux termes il n'existe pas d'x tel que non 

phi de x 

(

/  §

)

 et pour pas tout x phi de x 

(

.

 

!

)

il y a l'indécidable. L'indécidable en question se 
cristallise de la façon suivante :  
la femme n'approche pas l'Un, elle n'est pas l'Un,  
ce qui n'implique pas qu'elle soit l'Autre.  
En un mot, elle est dans un rapport indécidable à 
l'Autre barré, elle n'est ni l'Un ni l'Autre, avec 
deux majuscules. Le 

pas toute

 est supporté par le 

pas Un

.  

 

background image

 

224

Puisque il n'existe pas d'x tel que non phi de x  

(

/  §

)

 ça ne veut pas dire autre chose que 

pas Un

.  

Et le tout homme, le 

;

 

!

… 

qui lui se supporte justement du Un,  
de l'existence de ce Un, du il existe x  

tel que non phi de x 

(

:  §

)

  

…le tout homme se sert de 

L

 femme en tant que 

pas toute

 

pour avoir précisément rapport à l'Un, ou plutôt 
rapport à l'Autre, selon un procédé tout à fait 
particulier. 
 
Puisque le Un est banni de son 

tous

 dans le temps qui 

le constitue, il considère les deux comme 

antinomiques

 

en répétant une négation, alors que cette négation 
porte sur ce que j'appellerai un complexe,  
c'est-à-dire le complexe de l'

existence

 et de l'

altérité

  

et toujours elle se voit déplacée de par rapport  

à la visée du 

;

.  

Il croit, à travers le 

pas toute

 de 

L

 femme, retrouver 

l'Autre, alors qu'en aucune manière on ne peut 
identifier les deux négations de l'Un.  
Car d'un côté c'est l'existence nécessaire du Un  

qui fonde, qui borne l'espace du 

;

, tandis que de 

l'autre c'est l'inexistence, c'est la négation de 
l'existence du Un qui supporte l'indécidable de la 
relation de 

L

 femme à l'Autre barré. 

 
C'est ici que se situe la relation imaginaire de 

l'homme à la femme. L'homme comme 

;

 

est en proie 

constituante à l'altérité de l'existence du Un.  
Nous avons vu que les deux sont indissociables.  
En répétant le détachement constitutif du 

il existe x tel que 

non phi de x

 

(

:  §

)

mais à l'envers

, se crée en quelque sorte 

le modèle imaginaire d'un Autre de l'Autre

, et dans ce temps en quelque 

sorte intermédiaire, la femme est pour l'homme le 

signifiant

 de l'Autre en tant qu'elle n'est 

pas toute

 dans la 

fonction

 

Φ

. C'est-à-dire qu'un rapport est sur le point 

de s'établir entre ce tout et ce 

pas toute

, mais 

entre 

tous

 et 

pas toute

, entre le 

tout homme

 et le 

pas toute

 de  

L

 femme, il y a une absence, il y a une faille  

qui est nommément l'absence de toute existence qui 
supporte ce rapport.  

background image

 

225

L'homme n'appréhende 

L

 femme que dans le défilé des 

objets(a),

 au terme de quoi seulement est censé se trouver 

l'Autre.  
C'est-à-dire que c'est après l'épuisement du rapport 
à 

L

 femme, c'est-à-dire après la résorption 

impossible

 

des 

objets(a),

 que l'homme est censé accéder à l'Autre,  

et par suite 

L

 femme devient le signifiant de 

l'Autre barré comme barré, de l'Autre barré en tant 
que barré, c'est-à-dire de ce cursus infini. 
 
Jacques LACAN - Vous nous avez indiqué, de ce… ? 
 
François RÉCANATI - …cursus infini.  
Le fantasme de Don Juan… 

je ne le cite que pour ce qui va venir 

…illustre très bien cette quête infinie et son terme 
hypothétique aussi bien, soit précisément le retour 
d'une statue, de ce qui ne devrait n'être que statue 
à la vie, et le châtiment immédiat pour l'auteur du 
réveil.  
J'avais posé une question en quelque sorte 

subsidiaire

 

au docteur LACAN à propos du rapport entre la 

jouissance

 

de Don Juan présentée comme ceci, et d'autre part  
la fonction constituante de ce qu'il a appelé la 
jouissance de l'idiot, c'est-à-dire la masturbation. 
 
Dans ce développement que je viens de résumer, certes 
il est question du 

pas toute

, mais c'est plus précisément 

de la fonction de ce 

pas toute

 

dans 

l'imaginaire masculin

si l'on peut s'exprimer ainsi, qu'il s'est agi,  
alors que ma question initiale, que je maintiens, 
portait sur le rapport entre la jouissance féminine 
supplémentaire et la 

fonction  père

 du point de vue de  

L

 femme, ce qui, d'une certaine manière, pose avant 

tout l'autre question : y a-t-il un point de vue de 

L

 femme ? Ce qui en pose encore une autre : peut-on 

parler de perspectives en psychanalyse, y a-t-il des 
points de vue, notamment qu'en est-il de l'imaginaire 
chez la femme, puisque son rapport au grand Autre 
n'apparaît privilégié que du point de vue de l'homme 
qui la considère comme le représentant, s'il ne les 
confond pas tous les deux ? 

background image

 

226

Peut-être, bien sûr, cette question est celle qui n'a 
pas de réponse, ce qui, si c'était décidable, serait 
certainement fructueux en ce sens qu'on pourrait au 
moins détecter les réponses qui sont fausses. 

L

 femme comme 

pas toute

, nous l'avons vu, c'est le 

signifiant du complexe : existence, Un, Autre - Autre 
barré bien sûr - pour l'homme.  
La triade du désir de l'homme peut ainsi s'écrire 
avec le triangle sémiotique, et c'est mon troisième 
schéma. 
 

 

 
Si j'ai pris ce schéma là, c'est parce que vous vous 
souvenez j'espère de ce qu'il supporte,  
donc je n'aurai pas à y revenir et je pourrai me 
contenter d'un certain nombre d'allusions, non pas 
que je transporte les termes du problème dans la 
configuration sémiotique pour y voir en quelque sorte 
ce qui reste posé comme problématique à l'endroit de 
la jouissance féminine. 
 
Mais je veux quand même prendre quelqu'un, qu'on peut 
appeler un sémioticien, disons que c'est un des plus 
importants théoriciens modernes de 

l'arbitraire du signe

,  

je veux parler de BERKELEY.  
Que dit-il ?  
Qu'il y a du langage, c'est-à-dire des signifiants, 
qui ont des effets de signifié.  
Or à partir du moment où ils ont des effets de 
signifié… 

ce qui ne va pas de soi du tout pour BERKELEY 

…ces signifiants… 

quand BERKELEY dit signifiant, enfin quand il ne 
le dit pas mais quand je le dis à sa place, ça 
veut dire n'importe quoi, chose, etc. 

…ces signifiants sont tenus de déployer - dès lors 
qu'ils ont des effets de signifié - leur existence 
ailleurs que sur la scène du signifié.  

background image

 

227

L'évacuation matérielle des signifiants permet aux 
signifiés de continuer leur ronde. 
La chaîne signifiante est l'effet - toujours selon 
BERKELEY - de la rencontre fortuite.  
La chaîne des signifiés… 
peut-être n'ai-je pas dit… j'ai dit des signifiants ? 
…la chaîne des signifiés est l'effet de la rencontre 
fortuite entre la chaîne des signifiants d'une part 
et d'autre part quoi, certainement pas la chaîne des 
signifiés puisqu'on voit qu'elle en est originaire, 
mais bien plutôt ce qu'on pourrait appeler 

les sujets

c'est-à-dire ce qui devient, à partir de cette 
rencontre, des sujets, et qui n'étaient jusque là  
que des signifiants comme les autres.  
 
Dès que des signifiants rencontrent des sujets, 
c'est-à-dire dès qu'il y a production de sujets  
par un choc de signifiants, ceux-ci sont décalés,  
les sujets sont décalés par rapport à l'existence  
qui est l'existence matérielle des signifiants.  
Ils cessent de participer de la vie matérielle des 
signifiants pour rentrer dans le domaine du signifié, 
c'est-à-dire pour être assujettis aux signifiants, 
qui comme on l'a vu, leur sont devenus excentriques 
et inaccessibles. 
 
La perte des signifiants pour le sujet borne l'espace 
de ce que BERKELEY appelle la signification, 
signification qui s'universalise.  
Du point de vue universel de la 

signification

, l'

évacuation

 

du signifiant dans ses effets est quelque chose 
d'absolument nécessaire, c'est un 

a priori

 du champ de 

la signification.  
Mais du point de vue du nécessaire lui-même,  
c'est-à-dire du 

signifiant

, rien n'est plus contingent, 

rien n'est plus supplétif, que la signification  
elle-même.  
Du point de vue de la nécessité intrinsèque du 
signifiant, la signification est même impossible, 
c'est le mot qu'emploie BERKELEY, c'est-à-dire 
qu'elle est sans aucun rapport avec la raison interne 
du signifiant. Mais cette impossibilité se réalise 
quand même.  
 

background image

 

228

De même, dit BERKELEY à la première page du  

Traité sur la vision

, la distance est imperceptible et pourtant 

elle est perçue. 
La distance est imperceptible, c'est-à-dire que rien, 
dans le signifiant distance ne « 

nousmène

 »… 

à écrire en un seul mot comme vous le faites 

…ne 

nousmène

 à la signification de cette distance, 

c'est-à-dire à l'exclusion interne du sujet  
à ce signifiant, le signifiant distance.  
Rien ne nous y mène.  
La distance est imperceptible, et néanmoins elle est 
perçue. Comment comprendre cela sinon, à la façon de 
BERKELEY, suivant un schéma triadique ? 
 
Du point de vue de la signification comme donnée,  
le détachement directif du signifiant est quelque 
chose de nécessaire, du point de vue du signifiant 
lui-même, son expansion en signification est 
absolument impossible.  
Il y a là une disjonction à quoi LACAN nous a 
habitués, celle du « 

pas-sans

 », c'est-à-dire pas l'un 

sans l'autre, mais l'autre sans l'un.  
Vous vous souvenez que l'exemple qui était donné de 
cette troisième figure de la disjonction était  
« 

la bourse ou la vie

 », c'est-à-dire il n'y a pas l'un sans 

l'autre, mais l'autre sans l'un. 
 
Cette figure que BERKELEY a remarquablement isolée, 
il l'appelle l'arbitraire, c'est 

l'arbitraire des signes

 qui 

n'est autre, dit-il, que l'arbitraire divin.  
Bien plus : l'arbitraire des signes est une preuve, 
pour BERKELEY, de l'existence de Dieu, c'est même la 
preuve fondamentale de son système.  
Quelque chose est 

impossible

 et pourtant c'est effectif. 

Cela signifie que la conjonction de l'impossibilité 
et de la réalité effective, qui est l'espace humain, 
est une manifestation de la Providence, c'est tout à 
fait providentiel que ces deux trucs divergents  
se réunissent quand même, et que l'interprétation  
de ce rapport, interprétation de ce rapport suivant 
le schéma triadique, c'est-à-dire deux termes posés 
ici et cette interprétation infinie, à son terme 
inaccessible, conduit à Dieu.  

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229

Mais aussi, et pour des raisons évidentes, l'homme ne 
peut en aucune manière mener à son terme cette 
interprétation infinie qui serait une transgression 
de son espace, puisque lui-même est originaire,  
en quelque sorte, du mouvement de la convergence de 
ces deux termes posés au départ comme séparés.  
Tout ce qu'il peut faire est d'idéaliser un point  
de convergence et d'en former ce que BERKELEY appelle 
une idée de Dieu. 
 
Nous nous trouvons maintenant en présence d'un 
système quaternaire qui est le classique système 
quaternaire du signe dont j'avais déjà parlé.  
Les quatre termes sont là :  
le signifiant matériel d'une part, le signifié 
d'autre part, l'idée de Dieu, et Dieu.  
Le signifiant, je résume un peu les positions de 
BERKELEY, le signifiant c'est le matériel,  
l'être ponctuel de la chose brute. Le signifié… 
 
Jacques LACAN - l'être ponctuel… ? 
 
François RÉCANATI - …de la chose brute.  
 
Le signifié c'est l'appropriation distanciée du 
matériel idéalisé, corrélatif du détachement limite 
de la perte du signifiant, c'est le langage,  
le langage compris dans ses effets, bien sûr,  
la temporalité opposée à la ponctualité.  
 
Dieu c'est la ponctualité temporelle, la temporalité 
condensée, c'est l'éternité, l'épanouissement 
supérieur des contradictions.  
Quant à l'idée de Dieu c'est le signifiant de 
l'éternité, c'est-à-dire la renonciation au langage 
par le langage, la prise en vue temporelle de 
l'éternité.  
 
C'est l'instant mystique de la grâce, la répétition 
de la renonciation au signifiant, en renonciation à 
cette renonciation même. C'est un déni de la 
temporalité qui est présentée comme si elle 
n'existait pas.  

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230

C'est-à-dire que la prise en vue langagière de 
l'éternité se veut absente de l'éternité représentée, 
tout en étant bien sûr assez présente pour que celle-
ci, c'est-à-dire l'éternité représentée, vaille comme 
pseudo-transgression comme le prouve assez que,  
de cet instant mystique, de cet instant supérieur  
de la grâce, on en jouisse. Or l'instant de la grâce 
c'est très exactement la représentation, du point de 
vue temporel du langage, de la ponctualité perdue du 
signifiant. 
 
Jacques LACAN - De la… ? 
 
François RÉCANATI 
 
…de la ponctualité perdue du signifiant.  
L'universel du langage et de la signification ne 
tient même que par cette traduction ratée du ponctuel 
sans cesse recommencée. C'est ici que se résout le 
paradoxe de l'impossible au réalisé, et il se résout 
d'une façon qui a marqué la philosophie moderne,  
qui est le fait en partie de BERKELEY, en partie 
également de LOCKE. 
 
Le ponctuel ou le signifiant ne peut pas avoir de 
rapport à ce qui serait le temporel ou le signifié. 
Ce rapport, dans la mesure où ils n'ont rien de 
commun, est impossible. Mais ils peuvent avoir un 
rapport à ce rapport lui-même.  
 
Or qu'est-il, ce rapport, sinon l'impossibilité ? 
C'est-à-dire que les figures imaginaires de la 
mystique ne sont ainsi que la série limite des 
représentations perverses de cet impossible qu'enrobe 
le langage, c'est-à-dire de ce trou qui passe entre 
l'universel de la signification et la corporalité 
fermée du signifiant. 
 
L'Autre barré apparaît donc comme le point de 
convergence de la série des figures de l'absence de 
l'Un existant, la série de la dérive, en quelque 
sorte, de la 

fonction père

, la dérivation infinie de  

ses effets à partir d'une rupture initiale. 
 

background image

 

231

Le trajet du mystique vers Dieu c'est donc 
l'épuisement impossible de ce qui déjà, entre 
l'universel et l'existence exclue qui le fonde, entre 
le zéro et le Un, de ce qui déjà y passe.  
Or bien sûr… 
 
Jacques LACAN - entre le zéro et le Un… ? 
 
François RÉCANATI 
…de ce qui déjà passe entre l'universel et 
l'existence, entre le zéro et le Un.  
J'avais oublié le verbe, je l'ai réintroduit !  
 
C'est bien sûr là… 

puisque je parle de zéro et de Un,  
pour vous faire sentir une analogie 

…c'est bien sûr là que le mystique rencontre 

L

 

femme

comme signifiant justement de ce 

pas toute

 qui supporte 

sa quête.  
Mais on voit que ça n'a finalement rien changé  
ce nouveau développement, et que la question  
se repose telle qu'elle était initialement,  
c'est-à-dire qu'est-ce donc que cette 

jouissance

 féminine 

supplémentaire, à part le signifiant de ce 

fatum

 

masculin ? 
On peut prendre les choses d'un autre biais pour voir 
que toujours la question... 
 
Jacques LACAN - à part le signifiant de ce… ? 
 
François RÉCANATI - …

fatum

 masculin.  

 
La question d'un autre biais, en considérant  
peut-être quelque chose qui, on est déjà… on s’est 
approché de la mystique, et qui va nous servir,  
je veux parler de KIERKEGAARD et de son histoire  
avec Régine.  
Peut-être aussi Régine avait-elle un Dieu, nous a dit 
LACAN, qui aurait été autre que celui de KIERKEGAARD. 
Ce qui va de soi, c'est que ce n'est pas KIERKEGAARD 
qui nous le dira, mais à prendre en quelque sorte sa 
position à lui, telle qu'il l'a longuement 

développée

on pourra voir la place qu'il réserve à Régine, et 
que cette place 

n'est pas si erronée

 qu'elle y paraît. 

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232

Jacques LACAN - n'est pas… ? 
 
François RÉCANATI - …si erronée qu'elle y paraît.  
 
Il faut, dit-il, se situer… 

c'est KIERKEGAARD qui dit ça 

…se situer ou bien dans la perspective temporelle,  
ou bien dans la perspective éternelle.  
Cette distinction prend ses effets dans la 

temporalité

 

même, c'est-à-dire dans la vie sociale, c'est-à-dire 
par rapport à ce qu'il appelle la masse.  
 
Soit on est un simple individu et l'on se reconnaît 
comme participant de la masse, de l'ordre établi,  
et grâce à cette reconnaissance, on s'évite d'être 
confondu avec elle, soit on est ce que KIERKEGAARD 
appelle de différents noms… 

soit génie, soit individu particulier,  
soit individu extraordinaire 

…soit l'on est un individu extraordinaire et alors  
on a le devoir, au regard de l'éternité, de dire non 
à la masse, à l'ordre établi, car c'est seulement  
par l'intermédiaire de ces 

génies

 qui font son histoire 

que la masse reste en relation avec l'éternité.  
 
La génialité se présente comme la répétition de l'

acte

 

du Christ par où il s'est séparé de la masse,  
ou encore la répétition de l'acte du propre père  
de KIERKEGAARD qui aurait, nous laisse-t-on entendre, 
en transgressant la loi du 

noli tangere matrem

, provoqué Dieu 

à garder sans cesse le regard sur lui et ainsi à le 
particulariser. 
 
L'individu extraordinaire est dans un rapport 
personnel avec Dieu. Or KIERKEGAARD pensait avoir 
reçu de son père ce rapport qu'il devait assumer par 
le génie. Or c'est précisément là pour lui 
l'explication de la rupture des fiançailles avec 
Régine. C'est que s'il s'était marié, dit-il, avec 
Régine, après le mariage il aurait été forcé ou bien 
de faire entrer Régine dans le secret de ce rapport 
personnel à Dieu, et c'eut été trahir ce rapport,  
ou bien de n'en rien faire, et c'eut été trahir le 
rapport du couple à Dieu.  

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233

Devant ce paradoxe, KIERKEGAARD a décidé de rompre 
quand même, et le génie de Régine a été de lui en 
faire reproche justement au nom, ce qui lui était 
permis, au nom du Christ et du père de KIERKEGAARD, 
c'est-à-dire qu'il y avait là une double impasse dont 
il était impossible pour KIERKEGAARD de sortir. 
 
Ce que montre toute cette histoire, c'est que sans 
doute il n'y a pas deux Dieux, celui de Régine  
et celui de KIERKEGAARD, mais du moins y a-t-il,  
pour KIERKEGAARD seulement, deux voies à suivre,  
et l'opposition étant celle du deux à un, c'est-à-
dire pour KIERKEGAARD il y a deux voies à suivre,  
pas pour Régine, c'est-à-dire les deux voies sont 
soit se mettre, pour KIERKEGAARD, dans la position de 
l'exclu, dire non au tout x et vivre comme s'il était 
déjà mort, déjà sujet de l'éternité, soit chercher 
Dieu dans la relation médiate, par l'intermédiaire de 
son semblable. J'espère que ça vous rappelle quelque 
chose. 
 
L'important dans ce dilemme, mais c'est surtout que 
KIERKEGAARD reproche à Régine de n'en être pas  
la proie, c'est-à-dire de ne pas choisir dans 
l'alternative qu'il propose comme étant celle  
de l'éthique et de l'esthétique.  
Or ce choix, on le voit en lisant par exemple la 
biographie de KIERKEGAARD, c'est tout simplement 
d'être ou de ne pas être dans 

Φ

. On comprend bien sûr 

qu'il ne se soit pas posé à Régine qui, comme femme,  

y est sans y être

 
Jacques LACAN - qui comme femme… ? 
 
François RÉCANATI - …qui comme femme 

y est sans y être

.  

Autrement dit, là encore le silence.  
Quand KIERKEGAARD parle du Dieu de Régine, il croit 
qu'elle a déjà fait le choix de l'esthétique contre 
l'éthique. Il dit pour elle, Dieu est une espèce de 
grand-père débonnaire, assez bienveillant.  
Alors qu'en fait, ce choix ne se pose pas :  
elle est en-deçà ou au-delà de ce choix qui se pose à 
KIERKEGAARD seulement. 

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234

La question que pose KIERKEGAARD, et qu'après lui  
je répéterai au docteur LACAN, c'est : 

y a-t-il une alternative pour 

L

 femme, 

L

 barré,  

et quelle est-elle ?  
Le choix passe-t-il entre le savoir et le semblant, 
entre être ou ne pas être hystérique ?  
La disjonction qui passe entre l'homme et la femme, 
entre le 

tout

 et le 

pas tout

, risque de rester… 

tant que n'aura pas été déterminée la relation 
imaginaire de la femme à l'Autre, et la place  
de l'homme dans cette relation 

…risque de rester en singulière analogie avec ce que 
j'ai nommé la troisième figure de la disjonction,  
la disjonction de « 

la bourse ou la vie

 », c'est-à-dire  

pas de relation de l'homme à l'Autre sans le 

pas toute

  

de la femme, mais par contre une jouissance féminine 
supplémentaire, rapport privilégié à l'Autre,  
une jouissance personnelle de Dieu. 
 

                 

[ Applaudissements ] 

 
 

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235

LACAN 
 
Quelle heure est-il ?  
Oui, il me reste un quart d'heure, il me reste un 
quart d'heure… je ne sais pas ce que, ce que je peux 
faire dans ce quart d'heure, et je pense que c'est 
une, c'est une notion éthique, n'est-ce pas, 
l'éthique, comme vous pouvez peut-être enfin 
l'entrevoir, ou tout au moins ceux qui m'ont entendu 
parler autrefois de l'éthique. Ouais…  
 
L'éthique bien sûr a le plus grand rapport avec, 
notre habitation du langage, et comme je le disais 
tout à l'heure à ce cher Jean-Claude MILNER, comme ça 
sur le ton de la confidence, et puis frayé aussi par 
un certain auteur que je ré-évoquerai une autre fois, 
l'éthique c'est de l'ordre du 

geste

.  

Quand on habite le langage, il y a des 

gestes

 qu'on 

fait, 

gestes

 de salutation, de prosternation à 

l'occasion, d'admiration quand il s'agit d'un autre 
point de fuite, le Beau, ce que je disais là implique 
que ça, ça ne va pas au-delà. On fait un 

geste

 et puis 

on se conduit comme tout le monde, c'est-à-dire comme 
le reste des canailles.  
 
Néanmoins enfin il y a 

geste

 et geste, et le premier 

geste qui m'est littéralement dicté par ce, cette 
référence éthique, ça doit être celui de remercier 
premièrement Jean-Claude MILNER pour ce qu'il nous a 
donné enfin du point présent de la faille, enfin, qui 
s'ouvre dans la linguistique elle-même et, peut-être 
qu'après tout, qui nous justifie enfin de… dans un 
certain nombre de conduites que nous ne devons peut-
être - je parle de moi - que nous ne devons peut-être 
qu'à une certaine distance où nous étions de cette 

science en ascension

 quand elle croyait pouvoir le devenir.  

 
Il est certain que la référence que nous y avons 
prise était pour nous de toute urgence parce que,  
il est quand même très difficile de ne pas 
s'apercevoir que, pour ce qui est de la technique 
analytique, euh, si « 

il ne dit rien

 », le sujet qui est en 

face de nous c'est une difficulté - le moins qu'on 
puisse dire - tout à fait spéciale. 

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236

Ce que nous a 

indiqué en particulier

 Jean-Claude MILNER 

concernant la différence radicale, c'est celle que 
j'ai essayé de vous faire surgir l'année dernière  
en écrivant 

lalangue

 en un seul mot, c'est que ce que 

j'avançais sous ce chef, ce chef d'un accolement 
entre deux mots, c'était bien là ce par quoi,  
ce par quoi je me distingue, et ça, ça me paraît être 
une des nombreuses lumières qu'a projetées  
Jean-Claude MILNER, en quoi je me distingue du 
structuralisme, et nommément pour autant qu'il 
intégrerait le langage à la sémiologie,  
que comme l'indique le petit livre que je vous ai 
fait lire sous le titre du 

Titre de la lettre

76

, c'est bien 

d'une subordination de ce signe au regard du 
signifiant qu'il s'agit, qu'il s'agit dans tout ce 
que j'ai avancé.  
 
Je ne peux pas m'étendre là-dessus, soyez sûrs que 
j'y reviendrai. Il faut aussi que je prenne le temps 
de faire hommage à RÉCANATI qui, assurément, m'a 
prouvé enfin, que j'étais bien entendu.  
On ne peut, on ne peut voir dans tout ce qu'il a 
avancé comme questions en pointe qui sont celles en 
quelque sorte qui… dans lesquelles il me reste, cette 
fin d'année, à faire le frayage, autrement dit à vous 
fournir ce que j'ai dès maintenant comme réponse, 
n'est-ce pas, qu'il ait terminé sur la question de 
KIERKEGAARD et de Régine est absolument exemplaire, 
et comme je n'y ai fait qu'une brève allusion,  
c'est bien là de son cru.  
 
On ne peut pas mieux, je pense, illustrer au point  
où j'en suis enfin de ce frayage que je fais devant 
vous, on ne peut pas mieux illustrer enfin cet effet 
de résonance qui est simplement que quelqu'un pige,  
pige de quoi il s'agit, et par les questions qu'il 
m'a proposées assurément, je serai aidé dans ce que 
j'ai à vous dire dans la suite, je lui demanderai,  
je lui dis dès à présent, son texte pour que je 
puisse très précisément m'y référer quand il se 
trouvera que je puisse y répondre. 

                                                 

76 P. Lacoue-Labarthe, J. L. Nancy,  Le titre de la lettre, Opus cit. 

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237

Qu'il se soit référé à BERKELEY, par contre, il n'en 
avait aucune indication dans ce que j'ai énoncé 
devant vous, et c'est bien en quoi je lui suis, 
alors, encore plus reconnaissant s'il est possible, 
parce que pour, pour tout vous dire, enfin j'ai même 
pris soin tout récemment de me procurer une édition  
- originale figurez-vous parce que je suis aussi 
bibliophile, mais j'ai cette sorte de bibliophilie, 
qui me tient, que… il y a que les livres que j'ai 
envie de lire que j'essaye de me procurer dans leur 
original.  
 
J'ai revu à cette occasion dimanche dernier ce…  
je sais plus, je ne sais pas très bien comment ça se 
prononce en anglais 

menute

, ce 

menu

 philosophe,  

ce 

menute philosopher

, ALCIPHRON encore qu'on l'appelle,  

à quoi assurément enfin il est certain que si 
BERKELEY n'avait pas été ma 

nourriture la plus ancienne

probablement que bien des choses, y compris  
ma désinvolture à me servir des références 
linguistiques, n'auraient pas été possibles. 
 
Il me reste encore deux minutes.  
Je voudrais quand même, je voudrais quand même dire 
quelque chose, quelque chose concernant le schéma que 
malheureusement RÉCANATI a dû effacer tout à l'heure. 
C'est, c'est vraiment la question :  
être hystérique 

ou pas

, y en a-t-il Un 

ou pas 

?  

En d'autres termes ce 

pas toute

, ce 

pas toute

 dans une 

logique qui est la logique classique, semble 
impliquer l'existence du Un qui fait exception.  
 
De sorte que ça serait là que nous verrions le 
surgissement, le surgissement en abîme… 

et vous allez voir pourquoi je le qualifie ainsi 

…le surgissement de ce… cette existence, cette  

au-moins-une

 existence qui, au regard de la 

fonction  

Φ

(

X

 

)

 

s'inscrit pour la dire, car le propre du dit c'est 
l'être, je vous disais tout à l'heure, le propre du 
dire c'est 

d'

ex-sister

 par rapport à quelque 

dit

 que ce 

soit. 
 
 

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238

Mais alors la question de savoir, en effet, si d'un  

pas tout

, d'une objection à l'universel peut résulter 

ceci qui s'énoncerait de… d'une particularité qui y 
contredit, vous voyez là que je reste au niveau  
de la logique aristotélicienne. 
 
Seulement voilà, si… qu'on puisse écrire pas tout x 

(

.

)

 ne s'inscrit dans phi de x 

(

!

)

, que il puisse 

s'en déduire par voie d'implication qu'il y a un x 
qui y contredit, c'est vrai mais 

à une seule condition

 : c'est 

que dans le 

tout

 ou le 

pas tout

 dont il s'agit, il s'agisse 

du fini.  
Pour ce qui est du fini, il y a non seulement 
implication mais équivalence, il suffit qu'il y en 
ait un qui y contredise, à la formule 

universalisante

pour que nous devions l'abolir et la transformer en 

particulière

.  

 
Ce 

pas tout

 devient l'équivalent de ce qui en logique 

aristotélicienne s'énonce du particulier :  
il y a l'exception. Seulement c'est justement du fait 
que nous pouvons avoir affaire non pas à quoi que ce 
soit de fini, mais au contraire que nous soyons dans 
l'infini, à savoir que le 

pas toute

, là ce n'est plus du 

côté de l'extension que nous devons le prendre,  
et c'est bien en effet de cela qu'il s'agit quand je 
dis que 

L

 femme n'est 

pas toute

 et que c'est pour ça que 

je ne peux pas dire la femme, c'est précisément parce 
que c'est ce que je mets en question, à savoir d'une 
jouissance qui au regard de tout ce qui se sert dans 
la fonction du phi de x est de l'ordre de l'infini.  
 
Or dès que vous avez affaire à un ensemble infini, 
vous ne sauriez poser que 

pas tout

 comporte l'

ex-sistence

  

de quelque chose qui se produise d'une négation, 
d'une contradiction.  
 
Vous pouvez à la rigueur le poser comme d'une 
existence tout à fait indéterminée, seulement on sait 
par l'extension de la logique mathématique, celle qui 
se qualifie précisément d'

intuitionniste

, que pour poser un 

il existe

, il faut aussi pouvoir le construire,  

c'est-à-dire savoir 

trouver

 où est cette 

ex-sistence

.  

 

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239

 
C'est sur ce pied que je me fonde pour produire cet 
écartèlement, à la ligne supérieure de ce que je pose 
d'une 

ex-sistence

 très, très bien qualifiée par RÉCANATI 

d'

excentrique

 à la vérité :  

c'est entre le 

:

 tout simple et le 

 

marqué d'une 

barre, que se situe la 

suspension

 de cette 

indétermination

 

entre une existence qui se trouve, se trouve de 

s'affirmer, 

L

 femme en ceci peut être dite  

« 

qu'elle ne se trouve pas

 » ce que confirme le cas de Régine. 

 
Et pour terminer, mon Dieu, je vous dirai quelque 
chose qui va faire comme ça, selon mon mode, un tout 
petit peu énigme, si vous relisez quelque part cette 
chose que j'ai écrite sous le nom de 

La Chose freudienne

77

entendez-y ceci : que il n'y a qu'une manière de 
pouvoir écrire… 

sans barrer le « la » de l'article  
dont on vous parlait tout à l'heure 

…de pouvoir écrire la femme sans avoir à barrer  
le « la », c'est au niveau où la femme, c'est la 
vérité.  
 
Et c'est pour ça qu'on ne peut qu'en mi-dire. 

                                                 

77 La Chose freudienne  in Écrits, op. cit. 

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240

08 Mai 1973                                                                                 

Table des matières

 

 
 
 
 
 
Je 

pense à vous

 
Ça ne veut pas dire que je vous pense. 
Quelqu'un ici peut-être se souvient de ce que j'ai 
parlé d'une langue où l'on dirait… 

si j'en crois ce qu'on me rapporte de sa forme 

…où l'on dirait « 

j'aime à vous

 », c'est bien en quoi  

elle se modèle mieux qu'une autre sur le caractère 
indirect de cette atteinte qui s'appelle l'amour. 
 
Je 

pense à vous

 
C'est bien déjà faire objection à tout ce qui 
pourrait s'appeler « 

science  humaine

 » dans une certaine 

conception de la science, non pas celle qui se fait 
depuis seulement quelques siècles, mais de celle  
qui s'est avec ARISTOTE définie d'une certaine façon.  
D'où il résulte qu'il faille se demander, sur le 
fondement, sur le principe de ce que nous a apporté 
le discours analytique, par quelle voie peut bien 
passer cette science nouvelle qui est la nôtre. 
 
Ceci 

implique

 que je formule d'abord d'où nous partons. 

D'où nous partons c'est de ce que nous donne  
ce 

discours analytique

, c'est à savoir l'inconscient.  

C'est pourquoi je vous donnerai d'abord quelques 
formules peut-être un peu serrées concernant ce qu'on 
peut dire de ce qu'il en est de l'inconscient,  
et justement au regard de cette 

science traditionnelle

 

qui nous fait nous poser la question :  
comment une science encore… 

après ce qu'on peut dire de l'inconscient 

…est-elle possible ? 
 
Je vous annonce déjà que si surprenant que cela 
puisse vous paraître d'abord… 

mais vous verrez que ça ne l'est pas 

…ceci 

me conduira

 aujourd'hui à vous parler du 

christianisme

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241

L'inconscient… 

je commence par mes formules difficiles…  
que je suppose devoir être telles 

…l'inconscient… 

tout ce que aujourd'hui je développerai  
à vous le rendre plus accessible,  
mais je donne ici mes formules 

…l'inconscient… 

ce n'est pas que l'être pense  

comme l'implique pourtant ce qu'on en dit,  
ceci dans la science traditionnelle 

…l'inconscient c’est… 

après avoir dit ce que ça  
n'est pas, je dis ce que c'est 

…c'est que l'être en parlant 

quand c'est un être qui parle 

…c'est que l'être en parlant, 

jouisse

 
Et j'ajoute : ne veuille rien… 

rien en savoir

 de plus. 

J'ajoute que cela veut dire ne rien savoir du tout. 
 
Pour abattre tout de suite une carte que j'aurais pu 
vous faire attendre un peu :  
qu'il n'y a pas 

de désir de savoir

, qu'il n'y a pas ce fameux 

Wissentrieb

 que quelque part pointe FREUD. 

Là FREUD se contredit. 
 
Tout indique… 

c'est là le sens de l'inconscient 

…non seulement que 

l'homme sait déjà tout ce qu'il a à savoir, mais que ce savoir 

est parfaitement limité à cette jouissance insuffisante que constitue qu'il parle.

 

 
Vous voyez bien que ceci comporte une question  
sur ce qu'il en est de cette science 

effective

 que nous 

possédons bien sous le nom d'une physique. 
En quoi cette 

nouvelle science

 concerne-t-elle le réel ? 

La faute de 

la science

… 

que je qualifie de 

traditionnelle

 pour être  

celle qui nous vient de la pensée d'ARISTOTE 

…cette faute, ai-je dit, c'est d'impliquer 

que l'être pense

que la pensée soit telle que le pensé soit à son 
image c'est-à-dire que l'être pense. 
 

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242

Pour aller à un exemple qui vous soit le plus proche, 
j'avancerai que ce qui rend ce qu'on appelle 

rapports 

humains

 vivable, ce n'est pas d'y penser.  

Et c'est là-dessus qu'en somme s'est fondé ce qu'on 
appelle comiquement 

le behaviorisme

 : la conduite - à son 

dire - pourrait être observée, de telle sorte qu'elle 
s'éclaire par sa fin.  
 
C'est là-dessus qu'on a espéré fonder 

les sciences humaines

envelopper tout comportement, n'y étant supposée 
l'intention d'aucun sujet, d'une finalité posée comme 
de ce comportement faisant objet… rien de plus 
facile… 

cet objet ayant sa propre régulation 

…que de l'imaginer dans le système nerveux. 
   
L'ennui, c'est qu'il ne fait rien de plus que d'y 
injecter tout ce qui s'est élaboré philosophiquement, 
« 

aristotéliciennement

 » de l'âme. Rien n'est changé.  

Ce qui se touche de ce que le behaviorisme ne s'est 
distingué - que je sache - par aucun bouleversement 
de l'éthique, c'est-à-dire des habitudes mentales.  
 
L'habitude fondamentale, étant qu'un objet ça sert à 
une fin, se fonde… 

quoi qu'on en pense c'est toujours là 

…de sa cause finale, laquelle est « 

vivre

 » 

dans l'occasion

plus exactement survivre c'est-à-dire atermoyer  
la mort, et dominer le rival. 
   
Vous le voyez, il est clair que le nombre des pensées 
implicites dans une telle conception du monde, 

Weltanschauung

, comme on dit, est 

proprement incalculable

C'est toujours de l'équivalence de 

la pensée

 et du 

pensé

 

qu'il s'agit. 
   
Ce qui est le plus certain de ce mode de penser  
- la science traditionnelle - c'est ce qu'on appelle  
son classicisme… 

le règne aristotélicien de la 

classe

,  

c'est-à-dire du 

genre

 et de l'

espèce

 autrement dit de 

l'individu considéré comme spécifié 

…c'est l'esthétique aussi qui en résulte et l'éthique 
qui s'en ordonne.  

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243

Je la qualifierai d'une façon simple, trop simple… 

et qui risque de vous faire voir rouge - c'est le 
cas de le dire - mais vous auriez tort de voir 
trop vite  

…quoi qu'il en soit je dis ma formule :  

la  pensée est du côté du manche et le pensé de l'autre côté

.  

 
Ce qui se lit, de ce que le manche est la parole,  
lui seul explique et rend raison, en cela  
le behaviorisme ne sort pas du classique. 
C'est 

dit-manche

, à écrire comme j'écris 

dit-mansion

,  

Le Dimanche de la vie

 

78

 comme dit QUENEAU, non sans du même 

coup en révéler l'être d'abrutissement, pas évident 
au premier abord.  
 
Mais ce que j'en relève, c'est que ce dimanche a été 
lu et approuvé par quelqu'un qui dans « 

l'histoire de la 

pensée

 » en savait un bout - KOJÈVE nommément - qui a 

applaudi à ce 

Dimanche de la vie

 en y reconnaissant rien de 

moins que 

le  savoir  absolu  

tel qu'il nous est promis par 

HEGEL. 
   
Comme quelqu'un l'a perçu récemment, je me range… 

qui me range, est-ce-que c'est lui  
ou est-ce-que c'est moi, finesse de la langue 

…je me range plutôt du côté du

 baroque

, c'est un 

épinglage emprunté à l'histoire de l'art.  
 
Comme l'histoire de l'art, tout comme l'histoire et 
tout comme l'art sont affaire non pas du manche mais 
de 

la manche

, c'est-à-dire du tour de passe-passe,  

il faut - avant de continuer - que je dise ce que 
j'entends par là, le sujet « je » n'étant pas plus 
actif dans ce « j'entends », que dans « je me range  
etc., plutôt du côté du baroque ». 
   
Et c'est ce qui va me faire plonger dans l'histoire 
du christianisme. Vous vous y attendiez pas, ben 
pourtant je vais le faire, pouf, voilà. 
   
 
 

                                                 

78

  Raymond Queneau , Le dimanche de la vie, Paris, Folio Gallimard N° 442, 2003. 

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244

Le baroque, c'est au départ l'

historiole

…  

l'

 historiole

 : petite histoire 

…du Christ, je veux dire ce que raconte l'histoire 
d'un homme… 

ne vous frappez pas, c'est lui-même qui  
s'est désigné comme 

le Fils de l'Homme

 

…ce que racontent quatre textes dits évangéliques 
d'être, pas tellement « 

bonne nouvelle

 » que « 

annonceurs bons

 » 

pour leur sorte de nouvelle, ça peut aussi s'entendre 
comme ça et ça me paraît plus approprié.  
 
Ceux-là écrivent d'une façon telle qu'il n'y a pas un 
seul fait qui ne puisse y être contesté… 

et Dieu sait que naturellement on a foncé  
dans la 

muleta

, on ne s'en est pas privé 

…mais que ces textes n'en soient pas moins ce qui va 
au cœur de la vérité, la vérité comme telle jusques 
et y compris le fait que moi j'énonce qu'on ne peut 
la dire qu'à moitié.  
C'est une simple indication n'est-ce pas, cette 
ébouriffante réussite impliquerait que je prenne  
les textes et que je vous fasse des leçons sur  
les Évangiles, vous voyez où ça nous entraînerait !  
   
Ceci pour vous montrer qu'ils ne se serrent au plus 
près qu'à la lumière des catégories que j'ai essayé 
de dégager de la pratique analytique, nommément :  

le symbolique, l'imaginaire et le réel

  
Pour nous en tenir à la première, j'ai énoncé que la 
vérité c'est la 

dit-mention

… 

un petit tiret et 

d.i.t.

 au départ 

…la 

dit-mention

 proprement dite, la mention du dit.  

Dans ce genre les Évangiles, on ne peut pas mieux 
dire, on ne peut mieux dire de la vérité, c'est de 
cela qu'il résulte que ce sont des Évangiles.  
On ne peut pas même mieux faire jouer la dimension  
de la vérité, c'est-à-dire mieux repousser la réalité 
dans le fantasme. 
   
Après tout, la suite a suffisamment démontré… 

puisque je laisse les textes,  
je m'en tiendrai à l'effet 

…que cette 

dit-mention

 se soutient.  

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245

Elle a inondé ce qu'on appelle « 

le monde

 » en le 

restituant à sa 

vérité d'immondice

. C'est-à-dire qu'elle a 

relayé ce que 

le romain

 - maçon comme pas un –  

avait fondé d'un équilibre miraculeux d'universel, 
avec en plus enfin des bains de 

jouissance

 que 

symbolisent suffisamment ces fameux thermes dont il 
nous reste des bouts écroulés dont nous ne pouvons 
avoir aucune espèce d'idée à quel point ça, pour ce 
qui est de jouir, enfin c'était, c'était le pompon !  
 
Ouais ! Le christianisme a rejeté tout ça à l'

abjection

 

considérée comme 

monde

, c'est ainsi que ce n'est pas 

sans une affinité intime au problème du vrai que  
le christianisme subsiste.  
Qu'il soit la vraie religion - comme il prétend - 
n'est pas une prétention excessive, et ce d'autant 
plus qu'à examiner le vrai de près, c'est ce qu'on 
peut en dire de pire.  
 
En particulier que dans ce registre, celui du vrai, 
quand on y entre on n'en sort plus.  
Pour minoriser la vérité comme elle le mérite il faut 
être entré dans le discours analytique.  
Ce que le discours analytique déloge, met la vérité  
à sa place, mais ne l'ébranle pas.  
Elle est réduite mais indispensable, tout est là  
et rien ne prévaudra contre cette consolidation,  
sauf ce qui subsiste des sagesses, mais qui ne s'y 
sont pas affrontées. Le taoisme par exemple, ou 
d'autres doctrines de salut pour qui l'affaire n'est 
pas de vérité mais de voie…  

comme le nom 

tao

 l'indique 

…de voie si elles parviennent à prolonger quelque 
chose qui y ressemble. 
   
Il est vrai que l'historiole du Christ n'a selon 
toute apparence… 

et comme je l'ai énoncé en clair, avec même pour 
effet que il y a des gens qui sont gentils,  
ils font comme les chiens, ils ramassent la balle 
et me la rapportent, on me l'a rapportée 

…l'historiole disais-je donc, se présente non pas 
comme l'entreprise de sauver les hommes mais comme 
celle de sauver Dieu.  

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246

Il faut reconnaître que pour celui qui s'est chargé 
de cette entreprise, le Christ nommément… 

pour ceux qui seraient tout à fait sourds n'est-ce pas 

…et ben, il y a mis le prix, c'est le moins que l'on 
puisse dire et que le résultat, on doit bien 
s'étonner qu'il paraisse satisfaire.  
Car que Dieu soit 

trois

 indissolublement est de nature 

tout de même à nous faire préjuger que le compte  
un, deux, trois, lui préexiste.  
De deux choses l'une, ou il ne rend compte que  
de l'après-coup de la révélation christique,  
et c'est son être qui en prend un coup, ou si le 
trois lui est antérieur, c'est son unité qui écope, 
d'où devient concevable que le 

salut de Dieu

 soit précaire, 

livré en somme au bon vouloir des chrétiens. 
   
L'amusant est évidemment… 

je vous ai déja raconté ça, mais vous n'avez pas 
entendu, je vous ai déjà raconté ça 

…l'amusant c'est que l'athéisme ne soit soutenable 
que par les clercs… beaucoup plus difficile chez les 
laïques dont l'

innocence

 en la matière reste totale. 

Rappelez-vous de ce pauvre VOLTAIRE, c'était un type 
malin, agile, rusé, extraordinairement sautilleur, 
mais tout à fait digne en somme d'entrer là, vous 
savez là, le 

vide-poches

 d'en face là, le Panthéon là.  

   
FREUD – heureusement ! - nous a donné une 

interprétation

 

nécessaire… 

qui ne cesse pas de s'écrire

 comme je définis le nécessaire 

…une interprétation nécessaire du meurtre du fils 
comme fondateur de la religion de la grâce.  
Il ne l'a pas dit tout à fait comme ça mais il a bien 
marqué que c'était un mode de 

dénégation

, qui constitue 

une forme possible de l'aveu de la vérité.  
C'est ainsi que FREUD re-sauve le père !  
En quoi il imite Jésus-Christ, modestement sans 
doute, il y met pas toute la gomme mais il y 
contribue pour sa petite part, comme ce qu'il est,  
à savoir un bon juif pas tout à fait à la page,  
c'est excessivement répandu, il faut qu'on les 
regroupe pour qu'ils prennent le « 

mors aux dents

 ». 

[ Sic ] 

 

Combien de temps est-ce que ça durera ?  
 

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247

Parce que, il y a quand même quelque chose que,  
que je voudrais plus approcher, concernant l'essence 
du chistianisme.  
Vous allez aujourd'hui là-dessus en baver, pour ça 
faut que je reprenne plus haut.  
 
L'âme…  

il faut lire ARISTOTE,  
vous savez c'est une bonne lecture 

…c'est évidemment à quoi aboutit la pensée du manche.  
C'est d'autant plus nécessaire… 

c'est à dire 

ne cessant pas de s'écrire

 

…que ce qu'elle élabore là, la pensée dite,  
en question, ce sont des pensées 

sur le corps

.  

Le corps ça devrait vous épater plus ! Ouais ! 
En fait c'est bien ce qui épate, ce qui épate la 
science classique :  
comment ça peut-il marcher comme ça ?  
À savoir à la fois un corps… 

le vôtre, n'importe quel autre d'ailleurs,  
corps baladeur, c'est la même chose,  
vous êtes au même point 

…il faut à la fois que ça se suffise comme ça… 
quelque chose m'a fait penser comme ça… 

un petit syndrôme que j'ai vu sortir  
de mon ignorance, qui m'a été rappelé 

…que si par hasard les larmes ça tarissait,  
l'œil ça marchait plus très bien.  
 
C'est ce que j'appelle les miracles du corps,  
ça se sent tout de suite déjà.  
Supposez que ça pleure plus, que ça jute plus,  
la glande lacrymale… vous aurez des emmerdements.  
Et d'autre part, c'est un fait que ça pleurniche…  

et pourquoi diable ?  

…dès que 

corporellement, imaginairement ou symboliquement

 on vous marche 

sur le pied, on vous « 

affecte

 » on appelle ça, ouais.  

 
Et quel rapport y-a-t'il entre cette pleurnicherie  
et le fait qu'implique de parer à l'imprévu,  
c'est-à-dire « 

qu'on se barre

 » ?  

 
 

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248

C'est une formule vulgaire, mais qui dit bien ce 
qu'elle veut dire, parce qu'elle rejoint exactement 
le sujet barré dont ici vous avez entendu quelque 
consonance. Le sujet se barre en effet comme je l'ai 
dit et plus souvent qu'à son tour. 
   
Constatez là seulement qu'il y a tout avantage à 
unifier l'expression pour 

le symbolique, l'imaginaire et le réel

comme… 

je vous le dis entre parenthèses 

…le faisait ARISTOTE qui ne distinguait pas  
le mouvement de l'

αλλοίοσις

 

[ alloiosis ],

 le changement et la 

motion dans l'espace, c'était pour lui… 

mais il le savait pas 

…c'était pour lui que le sujet se barre.  
 
Evidemment, il ne possédait pas les 

vraies catégories

mais quand même, il sentait bien les choses.  
En d'autres termes, l'important c'est que tout ça 
colle assez pour que le corps subsiste… 

sauf accident comme on dit externe ou interne 

…ce qui veut dire que le corps est pris pour ce qu'il 
se présente être : un corps fermé, comme on dit. 
   
Qui ne voit que l'âme, ce n'est rien d'autre que son 
identité supposée à lui-même avec tout ce qu'on pense 
pour l'expliquer. Bref l'âme c'est ce qu'on pense à 
propos du corps du 

côté du manche

 et on se rassure à penser 

qu'il pense de même, d'où 

la diversité des explications

 : 

quand il est supposé penser 

secret

 il a des 

sécrétions

quand il est supposé penser 

concret

 il a des 

concrétions

quand il est supposé penser 

information

 il a des 

hormones

ou bien encore il s'adonne à l'A.D.N., ce qui fait 

 

יָנֹדֲא

 

[ Adonaï ]

79

, Adonis,. 

 
Tout ceci pour vous amener à ceci… 

que j'ai quand même annoncé au départ sur  
le sujet de l'inconscient, puisque je parle pas 
uniquement comme ça, comme on flûte 

                                                 

79 

Adonaï

 : Nom de Dieu dans le judaïsme ;  Dans la prière, le Tétragramme est remplacé par 

יָנֹדֲא

 Adonaï

 

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249

…qu'il est vraiment curieux qu'il ne soit pas mis en 
cause dans la psychologie que la structure de  
la pensée repose sur le langage, lequel langage… 

c'est là tout le nouveau de ce terme de 
structure, les autres 

qualifiés de cette étiquette

ils en font ce qu'ils en veulent, mais moi  
ce que je fais remarquer c'est que le langage 

…comporte une inertie considérable, ce qui se voit à 
comparer son fonctionnement n'est-ce-pas à ces signes 
qu'on appelle mathématiques, 

mathèmes

, uniquement  

de ce fait n'est-ce-pas qu’eux 

se transmettent intégralement

.  

On ne sait absolument pas ce qu'ils veulent dire, 
mais ils se transmettent.  
Il n'en reste pas moins qu'ils ne se transmettent 
qu'avec l'aide du langage, et c'est ce qui fait toute 
la boiterie de l'affaire. 
   
Qu'il y ait quelque chose qui fonde l'être,  
c'est assurément le corps, là-dessus ARISTOTE  
ne s'y est pas trompé.  
Il en a débrouillé beaucoup - un par un - 

l'histoire des 

animaux

, mais il n'arrive pas, lisez-le bien, n'est-ce 

pas à faire le joint avec son affirmation. Il s'agit 
de ce qu'il affirme… 

vous n'avez jamais lu naturellement le 

De Anima

 

malgré mes supplications  

mais ce qu'il affirme c'est que l'homme pense 

avec

 

instrument, avec son âme, c'est-à-dire comme je viens 
de vous le dire, je pourrais le dire en résumé 
rapidement, les mécanismes, les mécanismes supposés 
dont se supporte son corps. 
   
Naturellement faites attention : c'est nous qui en 
sommes aux mécanismes à cause de notre physique…  

mais notre physique d'ailleurs est une physique 
déjà à la gare, sur une voie de garage je veux 
dire, parce que il y a eu la physique quantique,  
depuis, pour les mécanismes ça saute…  

…bon, mais enfin ARISTOTE, qui n'était pas entré dans 
les défilés du mécanisme, ça veut simplement dire 
justement ça, ce qu'il en pensait.  
Alors, l'homme pense avec son âme ça veut dire  
que l'homme pense avec la pensée d'ARISTOTE,  
en quoi 

la pensée est naturellement du coté du manche

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250

Il est évident que, on avait quand même essayé de 
faire mieux n'est-ce-pas ?  
C'est… il y a encore autre chose avant 

la physique quantique

il y a 

l'énergétisme

 et l'idée d'

homéostase

.  

Mais tout ceci nous entraînerait - ouais ! - nous 
entraînerait vers ceci, nous entraînerait vers ceci : 
que l'inconscient c'est tout autre chose, et si j'ai 
resserré la chose autour de 

ceci que j'ai énoncé d'abord

c'est à savoir ce que j'ai appelé l'

inertie

 dans la 

fonction du langage, ce qui fait que toute parole est 
cette énergie, encore non prise dans une énergétique 
parce que cette énergétique elle est pas commode à 
mesurer.  
Pour faire sortir de là non pas des quantités mais 
des chiffres, qui tels que… ils soient choisis, enfin 
d'une façon – remarquez - complètement arbitraire,  
on s'arrange à ce qu'il reste toujours quelque part 

une constante

 car c'est là le fondement de l'énergétique, 

et ben c'est pas commode.  
 
Pour l'inertie en question nous sommes forcés  
de la prendre au niveau du langage lui-même. 
Quel rapport peut-il bien y avoir entre l'

articulation

 qui 

constitue le langage, et une jouissance qui se révèle 
être la substance de la pensée, qui fait de cette 
pensée, si aisément reflétée dans le monde par la 
science traditionnelle celle qui fait que Dieu c'est 
l'Être Suprême et que cet Être Suprême ne peut, dixit 
ARISTOTE, n'être rien d'autre que le lieu d'où se 
sait quel est le bien de tous les autres.  
Ça fait quelque chose.  
Ça fait quelque chose qui n'a pas grand rapport avec 
la pensée si nous la considérons comme avant tout 
dominée par cette inertie du langage. 
   
Ce n'est pas très étonnant qu'on n'ait pas su comment 
serrer, coincer, faire couiner la jouissance, en nous 
servant de ce qui paraît le mieux à supporter ce que 
j'appelle l'inertie du langage, c'est à savoir l'idée 
de la chaîne, des bouts de ficelle autrement dit,  
des bouts de ficelle qui font des ronds et qui,  
on ne sait trop comment, se prennent 

les unes avec les autres

.  

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251

Je vous ai déjà une fois avancé ça, j'essaierai bien 
sûr de faire mieux, à propos d'une leçon dont je 
m'étonne moi-même, à mesure que j'avance en âge,  
que les choses de l'année dernière me paraissent  
il y a cent ans.  
 
C'était donc l'année dernière

80

 que j'ai pris pour 

thème la formule que j'ai cru pouvoir supporter d'un 
nœud bien connu et qu'on appelle le 

le nœud borroméen

,  

la formule :  
« 

Je te demande de me refuser ce que je t'offre, parce que ce n'est pas ça

 ».  

 
C'est une formule soigneusement adaptée à son effet 
comme toutes celles que je profère.  
Voyez 

L'Étourdit

, j'ai pas dit :  

« 

le dire reste oublié, etc.

 »,  

j'ai dit :  

« 

qu'on dise

… ».  

 
De même ici j'ai pas dit :  

« 

parce que ça n'est qu'ça

 ».  

 
« 

Ce n'est pas ça !

 » c'est le cri par où se distingue  

la 

jouissance obtenue

 de 

celle attendue

, c'est où se spécifie ce 

qui peut se dire dans le langage.  
La négation a toute semblance de venir de là,  
mais rien de plus. 
 
La structure pour s'y brancher ne démontre rien sinon 
qu'elle est du texte même de la jouissance,  
en tant qu'à marquer de quelle distance elle manque 
celle dont il s'agirait - si c'était ça ! –  
elle ne la suppose pas seulement, celle qui serait 
ça, elle en supporte une autre.  
Voilà !  
 
Cette 

dit-mention

… 

là je me répète, mais nous sommes dans un domaine 
où justement la loi c'est la répétition 

…cette 

dit-mention

 c'est le dire de FREUD, c'est même  

la preuve de l'existence de FREUD… dans un certain 
nombre d'années il en faudra une.  

                                                 

80

 Cf Séminaire 1971-72 : …Ou Pire, séance du 09-02-1972. 

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252

Tout à l'heure je l'ai rapproché comme ça d'un p'tit 
copain : je l'ai rapproché du Christ.  
Bon, ben évidemment, il faut aussi qu'on ait la 
preuve de l'existence du Christ, elle est évidente : 
c'est le 

christianisme

.  

Le 

christianisme

 est le fait que - vous savez - c'est 

accroché là.  
Enfin pour l'instant on a 

Les Trois Essais sur la sexualité 

81

 

auxquels je vous prie de vous reporter d'ailleurs, 
dont j'aurai à faire usage, comme j'ai fait autrefois 
usage de ces écrits sur ce que j'appelle 

la dérive

 pour 

traduire 

Trieb

, la dérive de la jouissance. 

   
Oui, tout ça, en somme tout ça j'y insiste, c'est 
proprement ce qui a été 

collabé

 pendant toute 

l'antiquité 

philosophique

 par l'idée de la connaissance.  

Dieu merci, ARISTOTE était assez intelligent  
pour isoler dans 

l'intellect-agent

 

ce dont il s'agit 

dans la fonction du symbolique.  
Il a simplement vu que c'était là que - 

le symbolique

 - 

c'est là que l'intellect devait agir.  
 
Mais il n'était pas assez intelligent… 

pas assez parce que n'ayant pas  
joui de la révélation chrétienne 

pour penser qu'une parole, fût-ce la sienne à 

désigner ce 

νοῦς 

[ nouss ]    

qui ne se supporte que du 

langage, concerne la jouissance, qui pourtant se 
désigne chez lui métaphoriquement partout, parce que 
toute cette histoire de la matière et de la forme, 
qu'est-ce-que tout ça, qu'est-ce-que ça suggère comme 
vieille histoire concernant la copulation.  
 
Ça lui aurait permis de voir que ce n'est pas du tout 
ça, qu'il n'y a pas la moindre connaissance, mais que 
le moins qu'on puisse dire c'est que les jouissances 
qui en supportent le semblant, c'est quelque chose 
comme le spectre de la lumière blanche.  
 
 
 
 

                                                 

81 Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie de la sexualité, Gallimard, 1962. 

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253

À cette seule condition qu'on voie :  

-

 

que la jouissance dont il s'agit est 

hors du champ

  

de ce spectre,  

-

 

qu'il s'agit de métaphore,  

-

 

qu'il faut mettre… 
de tout ce qu'il en est de la jouissance 
…qu’il faut mettre la fausse finalité comme 
répondant à ce qui n'est que pur 

fallace

 d'une 

jouissance qui serait apte au rapport sexuel,  
et qu'à ce titre, toutes les jouissances ne sont 
que des rivales de la finalité que ça serait  
si la jouissance avait le moindre rapport avec le 
rapport sexuel. 

   
Je vais en remettre, comme ça, une petite coulée sur 
le Christ, parce que c'était un personnage important 
et puis parce que ça vient là pour commenter  
le baroque, le baroque, c'est pas pour rien qu'on dit 
que mon discours participe du baroque.  
 
Je vais vous poser une question : quelle importance 
peut-il y avoir dans la doctrine chrétienne à ce que 
le Christ ait une âme ?  
Cette doctrine ne parle que de 

l'incarnation de Dieu dans un corps

qu'il faut bien que 

la passion 

soufferte en cette personne 

ait fait 

la jouissance

 d'une autre.  

 
Il n'y a rien qui ici manque, pas d'âme notamment.  
Le Christ même ressuscité vaut par son corps,  
et son corps est le truchement par où la communion  
à sa présence est 

in-corps-poration

, pulsion orale,  

dont l'épouse du Christ, Église comme on l'appelle, 
se contente fort bien, n'ayant rien à attendre d'une 
copulation.  
 
Tout ce qui a déferlé des effets du christianisme, 
dans l'art notamment… 

et c'est en cela que je rejoins ce baroquisme 
dont j'accepte d'être habillé, n'est-ce-pas  

…voyez le témoignage de quelqu'un qui revient d'une 
orgie d'églises en Italie : tout est exhibition de 
corps évoquant la jouissance à la copulation près, 
qui si elle n'est pas présente, c'est pas pour des 
prunes.  

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254

Elle est aussi hors-champ qu'elle l'est dans la 
réalité humaine qu'elle sustente, qu'elle sustente 
pourtant des fantasmes dont elle est constituée. 
Nulle part dans aucune ère culturelle cette exclusion 
ne s'est avouée de façon plus nue.  
 
Je dirai un peu plus, et ne croyez pas que mes dires 
je vous les dose pas, j'irai jusque là que de vous 
dire que nulle part comme dans le christianisme 
l'œuvre d'art comme telle ne s'avère de façon plus 
patente pour ce qu'elle est, de toujours et partout : 
obscénité. 
 
La dit-mension de l'obscénité, voilà ce par quoi  
le christianisme ravive la religion des hommes.  
Je vais pas vous donner une définition de la religion 
parce que, il n’y a pas plus 

d'histoire de la religion

 

que 

d'histoire de l'art

.  

Les religions c'est comme les arts, c'est une 
poubelle, ça a pas la moindre homogénéité. 
   
Il y a quand même quelque chose dans ces ustensiles 
qu'on fabrique à qui mieux mieux…  
Ce dont il s'agit c'est l'urgence… 

pour ces êtres qui - de nature – parlent 

…l'urgence que constitue qu'ils aillent au 

déduit amoureux,

 

sous des modes exclus de ce que je pourrais appeler, 
si c'était concevable… 

au sens que j'ai donné tout à l'heure au mot âme, 
à savoir ce qui fait que ça fonctionne 

…exclus de ce qui serait l'

âme

 de la copulation,  

si j'ose - n'est-ce-pas - supporter de ce mot ce qui,  
à les y pousser effectivement si « 

ça

 » était l'

 âme

  

de la copulation, serait élaborable par ce que 
j'appelle une physique qui dans l'occasion n'est rien 
que ceci, une pensée supposable au penser. 
 
Il y a là un trou et ce trou s'appelle l'Autre, du 
moins est-ce ainsi que j'ai cru pouvoir le dénommer. 
L'Autre en tant que lieu où la parole d'être déposée…  

vous ferez attention – hein ? - aux résonnances 

…fonde la vérité et avec elle le pacte qui supplée à 

l'inexistence du rapport sexuel

 en tant qu'il serait pensé pensée, 

pensable.  

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255

Autrement dit que le discours ne serait pas réduit  
à ne partir… 

vous vous en souvenez du titre  
d'un des séminaires 

…à ne partir que du 

semblant 

82

.  

 
Que la pensée n'agisse dans le sens d'une science 
qu'à être supposée au penser, c'est-à-dire que l'être 
soit supposé penser, c'est ce qui fonde la tradition 
philosophique à partir de PARMÉNIDE.  
 
PARMÉNIDE avait tort et HÉRACLITE raison, c'est bien 
ce qui se signe à ce que quelque part PARMÉNIDE

83

 

énonce :  

Οὔτε λέγει  οὔτε  κρύπτει

 

[ outè legei outè kruptei ]

 : 

il n'avoue ni ne cache

…  

ἀλλὰ  σημαίνει

  [ alla semainei ]

 : 

il signifie

…  

remettant à sa place le discours du manche lui-même, 
de ce qu'il appelle comme ça :  

ὁ ἄναξ  οὗ  τὸ  μαντεῖόν ἐστι τὸ  ἐν  Δελφοῖς

  [ o anax ou et to manteion esti to en 

Delphois ]

 : 

le prince

 (le manche) 

qui vaticine à Delphes.

 

[

ὁ ἄναξ  οὗ  τὸ  μαντεῖόν ἐστι τὸ  ἐν  Δελφοῖς

,

  οὔτε λέγει  οὔτε  κρύπτει  ἀλλὰ  σημαίνει 

]

 
Le plus invraisemblable, l'histoire folle,  
celle qui fait quant à moi le délire de mon 

admiration

je me mets « 

en huit par terre

 » quand je lis Saint THOMAS, 

parce que c'est rudement bien foutu.  
Pour que la philosophie d'ARISTOTE ait été par  
Saint THOMAS réinjectée dans ce qu'on pourrait 
appeler la conscience chrétienne, si ça avait un 
sens, c'est quelque chose qui peut s'expliquer que 
parce que celle-ci…  

enfin c'est comme pour les psychanalystes 

…les chrétiens ont 

horreur

 de ce qui leur a été révélé, 

et ils ont bien raison ! 
Cette béance inscrite au statut même de la jouissance 
en tant que dit-mension du corps, ceci chez l'être 
parlant, voilà ce qui rejaillit avec FREUD par ce 

test

 

- je ne dis rien de plus - qu'est l'existence de la 
parole.  

                                                 

82   Cf. séminaire 1970-71 : «  D'un discours qui ne serait pas du semblant ». 
83   Lapsus de Lacan, il s’agit en fait d’

Héraclite

 : 

ὁ ἄναξ  οὗ  τὸ  μαντεῖόν ἐστι τὸ  ἐν  Δελφοῖς

,

  οὔτε λέγει  

οὔτε  κρύπτει  ἀλλὰ  σημαίνει

.

 

(Fragment 93).

 

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256

Là, là où ça parle ça jouit, et ça veut pas dire  
que ça sache rien, parce que quand même, jusqu'à 
nouvel ordre, l'inconscient ne nous a rien révélé  
sur la physiologie du système nerveux – non ? –  
ni même sur le fonctionnement du bandage,  
ni de l’éjaculation précoce. 
   
Pour finir avec cette histoire de la vraie religion, 
je pointerai quand même…  

pendant qu'il en est encore temps  

…que Dieu ne se manifeste que des Écritures qui sont 
dites Saintes.  
Elles sont Saintes - en quoi ? - en ce qu'elles ne 
cessent pas de répéter l'échec… 

lisez SALOMON quand même c'est… c'est… c'est  
le maître des maîtres, c'est le « 

senti-maître

  

»

,  

un type dans mon genre 

…l'échec des tentatives d'une sagesse dont l'être 
serait le témoignage. 
   
Ben tout ça ne veut pas dire, mes petits amis,  
qu'il y ait pas eu des trucs de temps en temps,  
grâce auxquels la jouissance… 

sans compter quoi il ne saurait y avoir de sagesse 

…a pu se croire venue à cette fin de satisfaire  
la pensée de l'être.  
Seulement voilà, j'ajoute : cette fin n'a été 
satisfaite qu'au prix d'une castration.  
 
Dans le taoisme par exemple… 

vous ne savez pas ce que c'est bien sûr, très peu 
le savent, enfin moi je l'ai pratiqué,  
j'ai pratiqué les textes bien sûr  

…dans le taoïsme l'exemple est patent dans la 
pratique même du sexe, il faut retenir son foutre 
pour être bien.  
Le bouddhisme lui bien sûr est l'exemple trivial  
par son renoncement à la pensée elle-même.  
Parce que ce qu'il y a de mieux dans le bouddhisme, 
c'est le zen et le zen ça consiste à ça, à te 

répondre

 

par un aboiement, mon petit ami. C'est ce qu'il y a 
de mieux quand on veut naturellement sortir de cette 
affaire infernale comme disait FREUD. 
 

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257

Il est plus que probable que la 

fabulation antique

,  

la mythologie

 comme vous appelez ça, ou Claude LÉVI-STRAUSS 

aussi appelait ça comme ça, 

la mythologie

 de l'ère 

méditerranéenne entre autre, c'est justement celle à 
laquelle on ne touche pas parce que c'est la plus 
foisonnante et puis surtout parce qu'on en a fait de 
tels jus qu'on ne sait plus par quel bout la prendre.  
 
Eh ben, cette mythologie est parvenue aussi à quelque 
chose, à quelque chose dans le genre de la 

psychanalyse 

:  

vous comprenez, ces dieux comme ça, il y en avait  
à la pelle des dieux, il suffisait de trouver le bon, 
il suffisait de trouver le bon et ça faisait ce truc, 
ce truc contingent, qui fait que quelquefois après 
une analyse, nous aboutissons à ce qu' « un chacun » 
baise convenablement sa « une chacune ». 
 
C'étaient quand même des dieux, c'est-à-dire des 
représentations un petit peu consistantes de l'Autre. 
Parce que naturellement, passons sur la faiblesse  
de l'opération analytique, il y a une chose très, 
très singulière, c'est que ceci est si parfaitement 
compatible avec la croyance chrétienne, que de ce 
polythéisme nous avons vu la renaissance à l'époque 
épinglée du même nom. 
   
Je vous dis tout ça parce que justement je reviens 
des musées et que, en somme, la Contre Réforme… 

Ah la Contre Réforme ! 

…c'était revenir aux sources, et que le baroque  
c'en est l'étalage, c'est la régulation de l'âme  
par la scopie corporelle. Il faudra qu’une fois… 

enfin je sais pas si j'aurai jamais le temps 

…parler de la musique dans les marges.  
 
Mais je parle seulement de ce qui se voit dans toutes 
les églises de Rome, tout ce qui s'accroche aux murs, 
tout ce qui 

croule

, tout ce qui 

délice

, tout ce qui 

délire

n'est-ce pas, enfin ce que j'ai appelé tout à l'heure 
l'

obscénité

, mais exaltée. 

Je me demande d'abord pour quelqu'un qui viendrait 
comme ça du fin fond de la Chine, quel effet ça doit 
pouvoir lui faire, ce 

ruissellement de représentations de martyrs

.  

background image

 

258

Et je dirais que ça se renverse ces représentations 
qui sont elles-mêmes martyrs… 

vous savez que martyr ça veut dire témoin 

…martyrs 

d'une souffrance

 plus ou moins pure,  

c'est notre peinture jusqu'à ce qu'on ait fait  
le vide en commençant sérieusement à s'occuper  
de petits carrés. 
   
Mais il y en a après une 

réduction

 de l'espèce humaine 

n'est-ce pas, c'est ce qui motive sans doute que ce 
nom « 

humaine

 » ça résonne comme « 

hum

-

eur mals

-

aine

 »,  

il y a un reste, ça fait « 

malheur

 »

84

, oui.  

Cette 

réduction

 c'est le terme par où l'Église entend 

porter l'espèce justement jusqu'à la fin des temps. 
Et elle est si fondée dans la béance propre  
à la sexualité de l'être parlant, qu'elle risque 
d'être au moins aussi fondée… 

disons parce que quand même  
je veux pas désespérer de rien 

…aussi fondée que 

l'Avenir de la science

 

85

, c'est le titre, 

vous savez qu'a donné à un de ses bouquins cet autre 
cureton qui s'appelait Ernest RENAN et qui était  
un serviteur de la vérité lui aussi, à tout crin.  
Il n'en exigeait qu'une chose… 

et ça c'était absolument premier,  
sans ça c'était la panique 

…c'est qu'elle n'ait aucune conséquence. 

[ Rires ]

 Ouais… 

   
L'économie de 

la jouissance

, voilà ce qui n'est pas encore 

près du bout de nos doigts, il est important tout de 
même - ça aurait son petit intérêt - qu'on y arrive. 
Mais vous dire ce qu'il en est de ce qu'on peut  
en voir à partir du discours analytique, c'est que 
peut-être on a une petite chance de trouver de temps 
en temps, par des voies essentiellement contingentes… 
Et c'est pourquoi…  

si mon discours d'aujourd'hui n'était pas quelque 
chose d’absolument entièrement négatif 

…je tremblerais d'être rentré dans 

le discours philosophique

                                                 

84 

    

hum

-

eur mals

-

aine  

 humaine, 

et un reste :

 

eur mal

  

  

malheur.

 

85 

Renan E., 

L'avenir de la science

, Paris, Garnier Flammarion, 1995. 

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259

Mais quand même il y a une voie : puisque déjà nous 
avons vu quelques sagesses qui ont duré un petit bout 
de temps, pourquoi est-ce qu'avec 

le discours analytique

,  

on retrouverait pas quelque chose qui donnerait 

aperçu

 

d'un truc précis et après tout qu'est-ce que 
l'énergétique si ce n'est aussi un truc mathématique. 
 
Celui-là sera pas mathématique, c'est bien pour ça 
que 

le discours de l'analyste

 se distingue du 

discours scientifique

Enfin, cette chance, mettons-là sous le signe  
d’« 

au petit bonheur

 », encore. 

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260

15 Mai 1973                                                                 

Table des matières

 

 
 
 
 
On m’a averti ce matin, pendant que je travaillais, 
comme toujours pour tout le monde, au dernier moment 
que je travaille, on m’a averti que le 12 juin… 

le 12 juin qui n’est pas - bien que ce soit le 
second mardi - qui n’est pas en principe celui 
auquel j’espérais vous donner rendez-vous 

…on m’a averti que le 12 juin la salle serait 
occuppée par ce qu’on appelle des examens oraux,  
et que dès lors on ne pouvait pas me répondre de ceci 
qu’elle serait libre à telle ou telle heure,  
étant donné que les examens oraux on ne sait pas 
comment ça s’étend, quand ça se termine, ni quand. 
 
De toute façon , je n’avais pas l’intention, comme je 
viens de vous le dire de vous donner rendez-vous le 
12 Juin puisque c’est le mardi de la Pentecôte 

[ Rires ].

 

J’avais par contre l’intention de vous donner rendez-
vous le 19 juin, troisième mardi…  
Le 19 juin les examens continueront…  
Donc je ne peux pas prévoir… 

malgré que j’ai élevé quelques  
objections à ce régime    

…je ne peux pas prévoir donc si le 19 juin je pourrai 
continuer ce que j’énonce cette année. 
Vous ferez comme vous voudrez, vous en courrerez la 
chance, vous ferez une pétition – je sais pas… -  
vous ferez ce qu’il vous plaira. 
Voilà donc le point. 
Il est évident que, comme c’est ce matin même qu’on 
m’en a averti, je n’ai pas pu mijoter les choses 
d’une façon telle que je fasse aujourd’hui  
ma concusion, si tant est qu’à aucune de mes années 
il y ait à proprement parler une conclusion,  
puisque forcément ce que je vous énonce ne peut 
toujours que rester jusqu’à un certain point ouvert,  
ce nest pas mon privilège : les choses, comme chaque 
année, elles restent ouvertes sur un certain nombre  
de points en suspend. Ce sera d’ailleurs ce sur quoi 
aujourd’hui j’aurai amplement à m’étendre. 

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261

J'ai rêvé cette nuit que quand je venais ici :  
il y avait personne. 

[ Rires ]

 

C'est où se confirme le caractère de vœu du rêve.  
 
Malgré bien entendu que j'étais…  

puisque j’avais déjà travaillé dans la nuit  

…j'étais assez outré… 

puisque je me souvenais aussi dans mon rêve que 
j'avais travaillé jusqu'à quatre heures et demie 
du matin 

…j'étais assez outré que tout ça ne doive servir  
à rien, mais c'était quand même la satisfaction d'un 
vœu, à savoir que dès lors, je n'avais plus qu'à me 
les rouler. Voilà ! 
 
Je vais 

dire

… je vais 

dire…

  

c'est ma fonction 

…je vais le 

dire

 une fois de plus… 

je me répète 

… je vais 

dire

 une fois de plus ce qui est de 

mon dire

,  

et qui s'énonce : 

il n'y a pas de métalangage

Quand je dis ça, je parle apparemment de 

langage de 

l'être

.

  

 
À part bien entendu que comme je l'ai fait remarquer 
la dernière fois, ce que je dis, c'est 

ce qu'il n'y a pas

.  

L'être  est

, comme on dit,

  le  non-être  n'est  pas

.  

Il y a, ou il n'y a pas.  
 
Pour moi, ce n'est qu'un fait de 

dit.

  

On 

suppose

 l’être à certains mots :  

individu par exemple, ou substance, c’est même fait 
pour dire ça, qu’on suppose l’être à l’individu, 
entre autres.  
Le mot sujet que j'emploie… 

vous allez le voir, j’y reviendrai  

…prend évidemment un accent différent du fait de mon 
discours.  
 
Pour tout dire, je préviens : je me distingue du 
« 

langage de l'être

 ».  

Ceci implique qu'il puisse y avoir « 

fiction de mot

 »,  

je veux dire : à partir du mot.  
Et comme certains peut être s'en souviennent, c'est 
de là que je suis parti quand j'ai parlé de l'

Éthique

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262

 
Ce n'est pas parce que j'ai écrit des choses qui font 
fonction de 

formes du langage

 que j'assure 

l'être

 du 

métalangage

.  

Car cet être il faudrait que je le présente comme 
subsistant « 

par soi

 », 

par soi tout seul

, langage de 

l'être

 
La formalisation mathématique…  

qui est notre but, notre idéal – pourquoi ? - 
parce que seule elle est 

mathème

, c'est-à-dire 

capable de se transmettre intégralement 

…la formalisation mathématique, c'est de l'

écrit

,  

et c’est là dedans que je vais essayer d’avancer 
aujourd’hui.  
 
Or elle ne subsiste, cette formalisation mathématique 
que si j'emploie à la présenter 

la langue

 dont j'use. 

C'est là qu'est l'objection : nulle formalisation  
de la langue n'est transmissible sans l'usage de  

la langue

 elle-même.  

C'est par mon 

dit

 que cette formalisation - idéal 

métalangage - je la fais 

ex-sister

 (ex tiret sister).  

C'est ainsi que le symbolique ne se confond pas  
- loin de là - avec l'être, mais qu'il subsiste  
comme 

ex-sistence

 du 

dire

.  

 
C'est ce que j'ai souligné… 

dans le texte dit 

L'Étourdit

 – 

d.i.t

 –  

…c'est ce que j'ai souligné de dire que :  

le symbolique ne supporte que l'ex-sistence.  

En quoi ?  
Je l’ai rappelé la dernière fois, c'est une des 
choses importantes que j'ai dites dans cet exercice 
que comme d’habitude, je fais, plus ou moins pour 
obtenir de me faire entendre… mais il serait peut-
être quand même important que vous vous souveniez de 
l’essentiel. 
L’esssentiel… 
je vous l’ai rappelé encore une fois à propos de 
l’inconscient : l’inconscient se distingue entre tout 
ce qui a été produit jusqu'alors de discours, qu'il 
énonce ceci, qui est l'os de mon enseignement :  
que 

je parle sans le savoir

.  

Je parle 

avec mon corps

, et ceci 

sans le savoir

.  

Je 

dis

 donc toujours plus que je n'en sais. 

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263

C'est là que j'arrive au sens du mot « 

sujet

 » dans  

cet autre discours : 

Ce qui parle sans le savoir

, me fait « 

je

 », 

« 

sujet

 », sujet du verbe, certes, mais ça ne suffit pas 

à me faire « 

être

 ».  

Ça n'a rien à faire avec ce que je suis forcé  
de mettre dans 

l'être,

 suffisamment de savoir pour  

se tenir, mais pas une goutte de plus. 
 
Et c'est ce que, jusqu'alors, on a appelé « 

la forme

 ». 

Dans PLATON, 

la forme

 c'est ce savoir qui remplit 

l'être

.  

La forme

 n'en sait pas plus qu'elle ne dit.  

Elle est réelle – viens-je de dire - en ce sens 
qu'elle tient 

l'être

 dans sa coupe, mais à ras bord.  

Elle est le savoir de 

l'être

.  

Le discours de 

l'être

 suppose que l'être sait, et c'est 

ce qui le tient. 
 
Il y a du rapport 

d'être qui ne peut pas se savoir

.  

C'est lui dont - dans mon enseignement - j'interroge 
la structure, en tant que ce savoir… 

je viens de le dire : impossible  

…est par là interdit.  
Et c'est ici que je joue de l'équivoque –  
de l'équivoque qui de ce savoir impossible nous 

dit

 

qu’il est censuré, défendu.  
Il ne l'est pas si vous écrivez convenablement  
cet 

inter-dit

, d’un trait d’union entre l’inter et le dit, 

c’est qu’il est 

dit

 entre les mots, entre les lignes, 

et que c’est ça qu’il s'agit d’énoncer :  
à quelle sorte de réel il nous permet l'accès. 
 
Il s'agit de montrer où va

 

sa

 

mise en forme 

: ce 

métalangage

  

qui n'

est

 pas et que je fais 

ex-sister

.  

Ce qui ne peut être démontré suggère 

quelque chose

 qui 

peut en être dit de 

vrai

, sur le sujet par exemple, 

entre autre : de l’indémontrable.  
 
C'est ainsi que s'ouvre cette sorte de vérité,  
la seule qui nous soit accessible, et qui porte,  
par exemple, sur le non savoir-faire. 
Je sais pas comment m'y prendre - pourquoi pas le 
dire - avec la vérité, pas plus qu'avec la femme, 
puisque j'ai dit que l'une et l'autre, au moins pour 
l'homme, c'était la même chose.  

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264

Ça fait le même 

embarras

.  

Il se trouve – c’est accident ! - que j'ai du goût 
aussi bien pour l'une que pour l'autre, malgré tout 
ce qu'on en dit. 
 

Cette discordance du savoir et de l'être

, c'est ce qui est notre sujet. 

Ça n'empêche pas qu'on peut dire aussi, qu'il n'y en 
a pas, de discordance, quant à ce qui mène le jeu, 
selon mon titre de cette année, 

encore

.  

C'est l'insuffisance du savoir par quoi nous sommes 

encore

 pris. Et c'est par là que ce jeu 

d'

 encore

 se mène,  

non pas qu'à en savoir plus il nous mènerait mieux, 
mais peut-être qu’il y aurait meilleure jouissance, 
accord de la jouissance et de sa fin. 
 
Or, la fin de la jouissance… 

c'est ce que nous enseigne tout ce qu'articule 
FREUD de ce qu'il appelle inconsidérément  

pulsions partielles

  

…la fin de la jouissance est 

à côté

 de ce à quoi elle 

aboutit, c'est à savoir que 

nous nous reproduisions

 
Le « 

je

 » n'est pas un 

être

, c'est 

un supposé

 

à ce qui parle

.  

Ce qui parle n'a affaire qu'avec 

la solitude

, sur le point 

du 

rapport

 que je ne puis définir qu'à dire comme  

je l'ai fait : 

qu'il ne peut-pas s'écrire

.  

 
Cette 

 solitude

, elle, de 

rupture du savoir

, non seulement 

elle

 

peut s'écrire, mais elle est même ce qui s'écrit par 
excellence : 

ce qui d'une rupture de l'être laisse trace

 
C'est ce que j'ai dit dans un texte,

certes non sans imperfections

 

que j'ai appelé 

Lituraterre

 [

publié dans la revue 

Littérature

, N°3, oct. 1971.

]:  

«

  

La nuée du langage

 

me suis-je exprimé métaphoriquement

 

fait écriture

. »  

 
Qui sait si le fait que nous pouvons 

lire

 ces ruisseaux… 

que je regardais au retour  
du Japon sur la Sibérie 

Cf. séance du 12-05-71

 ]

 

…comme 

trace métaphorique de l'écriture

, n'est pas lié… 

« 

lier

 » et « 

lire

 », c'est les 

mêmes lettres

,  

faites-y attention 

… n'est pas lié à quelque chose qui va au-delà  
de l'effet de pluie, dont il n'y a aucune chance que 
l'animal le lise comme tel ?  

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265

Bien plutôt est-il lié à cette forme d'

idéalisme

  

que je voudrais vous faire entrer dans la tête,  

-

 

non pas certes celui dont parle BERKELEY,  
à vivre dans un temps où le sujet avait pris  
son indépendance,  

-

 

non pas que tout ce que nous connaissons soit 
représentation,  

mais bien plutôt cet 

idéalisme

 qui ressortit à 

l'impossible

 

d'inscrire la relation sexuelle entre deux corps  
de sexes différents. 
 
C'est par là que se fait l'ouverture par quoi  
c'est 

le monde

 qui vient à nous faire son partenaire. 

C'est le 

corps parlant

 en tant qu'il ne peut réussir à se 

reproduire que grâce à un malentendu sur 

sa jouissance

,  

et celà c'est dire qu'il ne se reproduit que grâce  
à un 

ratage

 de ce qu'il veut dire.  

Car ce qu'il 

veut

 dire…  

comme le dit bien le français 

…son sens, c'est sa jouissance effective, et c'est à 
la 

rater

…  

c'est-à-dire à baiser, car c'est justement ça  
qu'il 

ne veut pas

 faire, en fin de compte.  

La preuve, c'est que, quand on le laisse tout 
seul, il sublime tout le temps à tour de bras,  
il voit 

la Beauté

le Bien

 - sans compter 

le Vrai

, et c'est 

encore là, comme je viens de vous le dire, qu'il 
est le plus près de ce dont il s'agit.  
Mais ce qui est vrai, c'est que le partenaire  
de 

l'autre sexe

 reste l'Autre  

…c'est donc à la rater qu'il réussit à être 

encore

 

reproduit, sans rien savoir de ce qui le reproduit.  
 
Notamment…  

ceci est dans FREUD parfaitement sensible,  
bien sûr ce n'est qu'un bafouillage,  
mais nous ne pouvons pas faire mieux 

…il ne sait pas si ce qui le reproduit, c'est la vie 
ou la mort. 
J’ai pas dit : « ce qu’il… », 

q.u. apostrophe i.l.,

 

J’ai dit : « ce qui… » 

q.u.i.  l.e.

, mots séparés.  

 
 
 

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266

Il me faut pourtant dire ce qu'il y a de 

métalangage

,  

et en quoi il se confond avec 

la trace

 laissée par le 

langage.  
C'est par là qu’il fait retour à la révélation  
du 

corrélat

 de la langue, ce savoir, 

en plus

 de l'être,  

cette 

petite chance

 d'aller à l'Autre, dont j’ai 

pourtant fait remarquer la dernière fois…  

c'est l’autre point essentiel 

…qu'il est - ce savoir en plus - 

passion de l'ignorance

,  

et que justement, c’est de cela qu’il ne veut rien 
savoir : de 

l’être

 de l’Autre il ne veut rien savoir. 

 
C'est bien pour ça que les deux autres passions sont 
celles qui s'appellent 

l'amour

…  

qui n'a 

rien

 à faire - contrairement à ce que la 

philosophie a élucubré - avec le savoir 

…et 

la haine

, qui est bien ce qui a le plus de rapports 

avec l'être, ce qui s’en approche le plus,  
que j'appelle 

l'ex-sister

.  

Rien ne concentre plus de haine que ce 

dire

 où se situe 

ce que j’appelle l'

ex-sistence

 
L'écriture est une trace où se lit un effet de langage

.  

Quand vous gribouillez quelque chose… 

moi aussi je m'en prive certes pas :  
c'est avec ça que je prépare ce que j'ai à dire 

…et c’est remarquable qu'il faille, de l’écriture, 
s'

assurer

.  

C'est pas le métalangage, quoiqu'on puisse lui faire 
remplir une fonction qui y ressemble, mais qui n'en 
reste pas moins…  

au regard de l'Autre,  
où le langage s'inscrit comme vérité 

…qui n'en reste pas moins tout à fait second. 
 
Car rien de ce que je pourrais au tableau vous écrire 
des formules générales qui lient, au point où nous en 
sommes, l'énergie à la matière, par exemple les 
dernières formules d'HEISENBERG, rien ne tiendra de 
tout ça, si je ne le soutiens pas d'un 

dire

 qui est 

celui de la langue, et d'une 

pratique

 qui est celle de 

gens qui donnent des ordres au nom d'un certain 

savoir

 

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c'est
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267

dis 

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268

C’est ce qui produit… 

encore qu’il n’y ait ici qu'une ligne 

…cette chose qui se distingue de ce que serait  
un simple rond, un rond de ficelle si ça existait,  
ça s’en distingue en ce sens que quoiqu’il n’y ait 
qu’une seule ficelle, ça fait un nœud.  
C’est quand même tout autre chose, cette ligne, que 
la définition que nous en avons donnée tout à l'heure 
au regard de l'espace, c'est-à-dire en somme  
une coupure : ce qui fait un trou, un intérieur, 
un extérieur de la ligne. 
 
Cette 

autre

 ligne, cette 

ficelle

 comme je l’ai appelée, ça 

ne s'incarne pas si facilement dans l'espace.  
La preuve, c'est que la 

ficelle

 idéale, la plus simple, 

ça serait un 

tore

.  

 

 

 
Et on a mis très longtemps à s'apercevoir, grâce à la 
topologie, que ce qui s'enferme dans un tore c’est 
quelque chose qui n'a absolument rien à voir avec ce 
qui s'enferme dans une bulle. 
 
Il ne s’agit pas de couper le tore, car quoi que vous 
fassiez avec la surface d'un tore, vous ne ferez pas 
un nœud. Mais par contre, avec le 

lieu

 du tore, comme 

ceci vous le démontre, vous pouvez faire un nœud.  
 
C'est en quoi, permettez-moi de vous le dire :  

le tore c'est la raison

 

[ Rires ]

, c'est ce qui permet le nœud. 

C'est bien en quoi ce que je vous montre, ce tore 
tortillé, c’est l'image, aussi simple, aussi sec  
que je peux vous la donner, que j'ai évoquée l'autre 
jour comme 

la trinité

 : une et trois d'un seul jet. 

 

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270

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271

Voilà ! 
Voilà donc un rond de ficelle.  
En voilà un autre.  
Vous passez le second rond dans le premier, et vous 
le pliez comme ça.  

     

 

 
Il suffira dès lors que… d’un troisième rond vous 
preniez le second  

 

 
pour que ces trois soient noués, et noués de telle 
sorte qu'il suffit, bien évidemment, que vous 
sectionniez un des trois pour que les deux autres 
soient libres. 

[ Rires ] 

 
Supposez, supposez cher ami 

[ Lacan s’adresse à la personne manipulant les ronds de 

ficelle

 

] que je vous enlève celui-ci…  

C’est celui-là que vous voulez ?  
C’est tout à fait la même chose pour la simple raison 
que celui-là, que je vous ai représenté comme plié  
et qui a en somme deux oreilles, dans lequel passe  
le troisième, il est absolument symétrique de l’autre 
coté, à savoir que par rapport au troisième,  
il a aussi deux oreilles que prend le premier.  
 
Non seulement ceci, ne croyez pas - vous savez –  
que ce soit inutile - n’est ce pas ? – tous ces 
petits cafouillages… ce n’est pas si familier,   
que la façon dont je suis arrivé à l’expliquer,  
avec des ratages justement, ne soit pas ce qui peut 
vous le faire entrer dans la tête… car il faut que je 
vous le montre parce qu’après tout, il n’y a que 
comme ça que ça peut entrer ! 
 

background image

 

272

Après le premier pliage, vous pouvez avec le 
troisième… 

à condition ici de faire un nœud 

…faire un pliage nouveau, et à celui-ci un quatrième,  
un quatrième qui est comme le premier, étant ajouté.  
Vous voyez qu’il reste tout aussi vrai, avec quatre 
qu’avec trois, qu’il suffise de couper un de ces 
nœuds pour que tous les autres soient 

libres entre eux

.  

Vous pouvez en mettre un nombre absolument infini,  
ce sera toujours vrai. 
 
Néanmoins […] le nœud borroméen en ce sens qu’ici par 
exemple, vous pouvez parfaitement toucher en quoi ce 
sont les deux parties de cet élément qui font 

oreilles, 

   

celle-ci et celle-ci, et qu’en somme en le tirant 
avec l’autre, c’est ce rond qui se plie en deux,  
ici et ici passent… sont les deux oreilles,  
que ce cercle là qui y […] laissant celui que nous 
pouvons en cette occasion, mais uniquement dans cette 
occasion, appeler premier qui restera à l’état de 
rond, de rond « soutien », premier rond plié. 
 
À cette intuition sensible en quelque sorte de la 
fonction des ronds, vous pouvez constater qu’il 
suffit d’en couper un quelquonque… 

que ce soit un du milieu ou un des extrémités 

…pour que tout ce qu’il y a de nœuds pliés, du même 
coup soit d’entre soient libérés.   
La solution est donc absolument générale. 
 
Cela ne veut pas dire que pour un nombre quelquonque 
de ronds de ficelles, on pourra faire une disposition 
aussi… enfin, relativement élégante par la relative 
symétrie, que celle que j’ai faite au tableau à 
savoir que ces trois ronds soient strictement…  

les uns par rapport aux autres 

…d’une forme équivalente, ça sera certainement plus 
compliqué… 

et ceci dès qu’on sera arrivé à quatre, 

…cela nous montrera, bien souvent les effets de 
torsion qui ne nous permettront pas de les maintenir 
à l’état de rond. 
 

background image

 

273

Néanmoins, ce que je veux à cette occasion vous faire 
sentir, c’est que partant des ronds, nous avons 
affaire à quelque chose qui ne se distingue que 
d’être l’Un.  
C’est très précisément d’ailleurs en quoi un vrai 
rond de ficelle sans nœud, c’est très difficile à 
faire, mais c’est certainement la plus éminente 
représentation de quelque chose qui ne se soutient 
que de l’

Un

, très précisément en ce sens que ça 

n’enferme rien qu’un trou !  
Et que pourquoi ai-je fait intervenir dans l'ancien 
temps le 

 nœud borroméen

 ?  

C'est très précisément pour traduire la formule :  

je te demande…

 - quoi? - 

de refuser ce que…

 

- quoi? - 

ce que je t'offre

  

c'est-à-dire 

quelque chose

 qui au regard de ce dont il 

s’agit – et vous savez ce que c’est – c’est à savoir 

l'objet(a).

 

L'objet(a)

 n'est aucun être.  

L'objet(a)

 c'est ce que suppose… suppose de vide une 

demande, dont en fin de compte ce n'est qu'à  
la définir comme située par la métonymie… 

c'est-à-dire par la pure continuité assurée  
du commencement à la fin de la phrase 

…que nous pouvons imaginer ce qu'il peut en être  
d'un désir qu'aucun 

être

 ne supporte, je veux dire qui 

est sans autre substance que celle qui s'assure des 
nœuds mêmes. 
 
Et la preuve c’est que, énonçant cette phrase :  

« 

je te demande de refuser ce que je t'offre…

 »  

je n'ai pu que la motiver de ce :  

« 

ce n'est pas ça

 »  

dont j’ai parlé, que j'ai repris la dernière fois,  
et qui veut dire que dans le désir de toute demande,  
il n'y a que la requête de ce 

quelque chose

 qui au regard 

de la jouissance qui serait satisfaisante, qui serait 
la 

Lustbefriedigung

 supposée dans ce qu'on appelle, 

également improprement, dans 

le discours psychanalytique

 

« 

la pulsion génitale

 », celle où s'inscrirait un rapport  

qui serait le rapport 

plein

le rapport inscriptible

, entre  

ce qu’il en est de l'Un avec ce qui reste 
irréductiblement l'Autre.  
 
 

background image

 

274

C’est en quoi j'ai insisté sur ceci :  
c’est que le partenaire de ce « 

je

 » qui est le sujet, 

sujet de toute phrase de demande, c’est que ce 
partenaire est non pas l'Autre, mais ce 

 quelque chose

  

qui vient se 

substituer

 à lui sous la forme… sous la forme 

de cette 

cause

 du désir - que j'ai cru pouvoir 

diversifier…  

diversifier

, ce n’est pas sans raisons en quatre 

…en tant qu'ils se constituent selon la découverte 
freudienne, en tant qu'ils se constituent 
diversement :   

-

 

de l'

objet de la succion

,  

-

 

de l'

objet de l'excrétion

,  

-

 

du 

regard

  

-

 

et aussi bien de 

la voix

.  

C'est 

en tant que 

substituts

 de ce qu’il en est de l'Autre,  

que ces objets sont réclamés, sont faits 

cause 

du désir

 
Comme je l’ai dit tout à l’heure, il semble que le 
sujet se représente les objets inanimés, très 
précisément en fonction de ceci :  
qu'il n'y a pas de relation sexuelle.  
Il n'y a que les corps parlants - ai-je dit – qui  
se font une idée du monde 

comme tel

.  

 
Et à cet endroit, on peut le dire, le monde… le monde 

comme tel

, le monde de l'être plein de savoir, ce n'est 

qu'un rêve, 

un rêve du corps

 en tant qu'il parle.  

Il n'y a pas de sujet connaissant.  
Il y a des sujets qui se donnent des corrélats dans 

l'objet(a)

, corrélats de parole jouissante en tant que 

jouissance de parole.  
 
Que coince-t-elle d'autre que d'autres Uns ? 
Car, je vous l'ai fait remarquer tout à l'heure, il 
est clair que cette « 

bi-lobulation

 », cette transformation 

du rond de ficelle en oreilles peut se faire de façon 
strictement symétrique.  
Ce qui est même ce qui arrive, dès qu'on arrive au 
niveau de quatre, c'est-à-dire que les deux ronds que 
représentent mes doigts à l’extrèmité de ceux-ci 
seraient 

en fonction

, il y en aurait quatre.  

 

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275

La réciprocité, pour tout dire, entre 

le sujet

 et 

l'objet(a)

 

est totale. 
Pour tout être parlant, la cause de son désir est 
strictement - quant à la structure - équivalente,  
si je puis dire, 

à sa pliure

, à ce que j'ai appelé  

sa division de sujet.  
 
Et c'est bien ce qui nous explique, que si  
longtemps le sujet a pu croire que le monde  
en savait autant que lui, c’est qu’il est symétrique, 
c’est que le monde, ce que j'ai appelé la dernière 
fois 

la pensée

, c’est l'équivalent, c’est l'image miroir 

de la pensée.  
C'est bien pourquoi le sujet pour autant qu’il 
fantasme, il n'y a… 

jusqu'à l'avènement de la science la plus moderne 

…il n’y a rien eu que 

fantasme

 quant à la connaissance. 

 
Et c’est bien ce qui a permis cette échelle d’êtres 
grâce à quoi était supposé dans un être, dit 

être suprême

ce qui était le bien de tous, ce qui est aussi bien 
l'équivalent de ceci : que 

l'objet(a)

 peut être dit, comme 

son nom l'indique… 
écrivez le : petit a entre parenthèses, mettez sexué 
après, et vous avez que l'Autre ne se présente pour 
le sujet que sous une forme 

(a)

sexuée.  

 
C'est-à-dire que tout ce qui a été le support,  
le support-substitut, substitut de l'Autre sous la 
forme de l'objet de désir, tout ce qui s’est fait de 
cet ordre est 

(a)

sexué. 

 
Et c'est très précisément en quoi l'Autre comme tel 
reste…  

non sans que nous puissions y avancer un peu plus 

…reste… 

dans la doctrine, la théorie freudienne  

…un problème, celui qui s'est exprimé en ceci que 
répétait FREUD :  

«  

Que veut la femme

 ?

 »  

 
la femme

 

étant, dans l'occasion, l'équivalent de 

la vérité

.  

C'est en quoi cette équivalence que j'ai produite est 
justifiée. 

background image

 

276

Est-ce que nous ne pouvons pas pourtant, par cette 
voie, cette voie de ce que j’ai distinguée comme l’

Un

 

à prendre comme tel, en ce sens qu’il n’y a  
rien d’autre dans cette figure du 

rond de ficelle

, qui a 

pourtant son intérêt, de nous offrir, de nous offrir 
le quelque chose que rejoint sans doute l’écriture.  
 
L’exigence en effet que j’ai produite sous le nom de

  

nœud borroméen

, à savoir de trouver une forme, cette forme 

supportée par ce support mythique qu’est 

le rond de ficelle

Mythique, ai-je dit, car on ne fait pas de rond de 
ficelle fermé, c’est un point tout à fait important. 
Quelle est cette exigence que j’ai énoncée sous le 
nom de

  nœud borroméen

 ? 

C’est très précisément ceci qui distingue ce que nous 
trouvons dans le langage, dans la langue courante,  
et qui supporte 

la métaphore

 très répandue de la chaîne. 

 
Contrairement aux ronds de ficelle, des éléments de 
chaîne, ça se forge. Il n'est pas très difficile 
d'imaginer comment ça se fait : on tord du métal 
jusqu'au moment où on peut arriver à le souder.  
Et la chaîne est ainsi quelque chose qui peut avoir 
sa fonction pour représenter l’usage de la langue. 
Sans doute n'est-ce pas un support simple,  
il faudrait dans cette chaîne faire des chaînons  
qui iraient s'accrocher à un autre chaînon un peu 
plus loin avec deux… trois chaînons flottants 
intermédiaires, et comprendre aussi pourquoi une 
phrase a une durée limitée. Or tout ceci,  
la métaphore ne peut pas nous le donner. 
 
Il est néanmoins frappant qu’à prendre les supports 
de ronds de ficelle que je vous ai dits, il y en 
avait quand même, dans ce que je vous ai rendu 
sensible, un premier et un dernier. Ce premier et ce 
dernier étaient des ronds simples qui franchissaient, 
perçaient – si je puis dire – les deux que j’appelle… 

vous voyez la difficulté de parler de ces choses 

…que j’appelle les 

lobes d’oreille

, des ronds repliés, 

c’était donc deux nœuds simples, qui à la fin, se 
trouvaient faire quelque chose comme le début et la 
fin de la chaîne. 

background image

 

277

Il reste ceci : c’est que ces deux ronds, initiaux et 
terminaux, rien ne nous empêcherait de les confondre, 
c’est à savoir que les ayant coupés… 

coupés, ce qui est imaginaire,  
il suffit de les défaire 

… d’en faire passer un seul, à prendre les quatres 
lobes, ainsi résumé dans un cas où il n’y en a que 
deux, mais la situation serait exactement la même 
s’il y en avait un nombre infini. 
 
Chose à remarquer, nous aurions – pour m’exprimer 
vite - nous aurions dans ce cas quand même encore une 
différence. Ce n’est pas parce que nous aurions 
conjoints les deux derniers nœuds que toutes les 
articulations seraient les mêmes, car ici ils sont 
affrontés deux par deux, il y a donc quatre brins  
à faire nœuds, alors qu’ici, à prendre mon cercle 
unique, vous auriez le support de ce cercle et quatre 
brins à passer, ce qui ferait un affrontement non pas 
de 

deux à deux

, qui font quatre, mais de 

quatre à un

 qui font 

cinq. 
Et donc on pourrait dire que même ce qui ferait 
alors… 

puisqu’ici vous n’avez que deux éléments 

…le troisième élément, le troisième élément dans son 
rapport topologique n’aurait pas le même rapport  
avec les deux autres, que les deux autres entre eux, 
et comme tel, par simple inspection des nœuds en 
jonction, le troisième élément se distinguerait des 
autres. 
 
Je pense en avoir assez dit sur la symétrie des 
rapports du premier et du deuxième, puisque le 
dernier je l’ai appelé troisième. 
Cette symétrie tient encore si vous unifiez le 
troisième rond avec un quelquonque des deux autres, 
Simplement vous aurez alors 

une figure

 comme celle-ci, 

celle qui affronte un simple rond avec ce que 
j’appelle le 

huit intérieur

.  

 
Vous aurez donc eu l’évanouissement de l’autre,  
mais au prix de la surgescence de quelque chose  
qui est le 

huit intérieur

 et qui – comme vous le savez –  

est ce dans quoi je supporte la bande de MOEBIUS. 

background image

 

278

Autrement dit, ce en quoi, dans un strict support  
de cette voie que j’essaie pour vous de frayer  
de la fonction du nœud, s’exprime par le 

huit intérieur

 
Je ne peux ici que l’amorcer - pourquoi ? – parce que 
j’ai encore à avancer quelque chose qui me paraît  
– avant que je vous quitte – capital. 
Si je vous ai donné la solution des

  nœud borroméens

 par 

cette enfilade de chaînes, sous la forme de ces ronds 
qui redeviennent totalement indépendants pour peu que 
vous en coupiez un seul, à quoi ceci peut-il servir ? 
Contrairement à ce que vous voyez dans le langage, 
c’est à savoir ce qui vous est très simplement 
matérialisé, et ce qui n’est pas non plus très 
difficile d’en trouver un exemple et, pas pour rien, 
dans la psychose.  
Souvenez-vous de ce qui hallucinatoirement peuple  
la solitude de SCHREBER :  

« 

Nun will ich mich…

 »  

Ce que je traduis :  « 

maintenant je vais me…

 ».  

C’est un futur. Ou encore :  

« 

Sie sollen nämlich

… »  

« 

vous devez quant à vous

… »  

Ces phrases interrompues - que j'ai appelées 

messages de 

code  

ces phrases interrompues laissent en suspens  

je ne sais quelle substance.  
À quoi peut nous servir cette exigence d'une phrase  
- quelle qu'elle soit - qui soit telle qu’ayant 
sectionné l’Un, c'est à dire retiré l’Un de chacun de 
ses 

chaînons

, tous les autres du même coup se libèrent.  

 
Est-ce que ce n’est pas là le meilleur support que 
nous puissions donner de ce par quoi procède  
ce langage que j’ai appelé mathématique ? 
Le propre du langage mathématique, une fois qu'il est 
suffisamment resserré quant à ses exigences de pure 
démonstration, est très précisément ceci que tout ce 
qui s'en avance… 

s'en avance non pas tant dans le commentaire 
parlé mais dans le maniement des 

lettres

 

…suppose ceci : qu'il suffit qu'une ne tienne pas, 
pour que tout le reste, tout le reste des autres 

lettres

non seulement ne constituent par leur agencement rien 
de valable, mais se dispersent.  

background image

 

279

Et c'est très précisément en ceci que 

le nœud borroméen

 

peut nous servir de meilleure métaphore quant à ce 
qu’il en est d’une exigence qui est celle-ci :  
c’est que nous ne procédons que de l'Un. 
 
L'Un engendre la science non pas au sens… 
 

(

Fin du fichier audio Lutécium. Pour les dernières minutes  cf. Encore, Seuil, 1975 ou Points 

Seuil 1999, version ré-écrite par Jacques-Alain MILLER.

)  

background image

 

280

26 Juin 1973                                                                                 

Table des matières

 

 
 
 
 
Grâce à quelqu'un qui veut bien se consacrer, comme 
ça, au 

brossage

 de ce que je vous raconte…  

il est là au premier rang 

…j'ai eu il y a quatre, cinq jours, 

la truffe brossée

 de mes 

élocutions

 ici, je parle de celles de cette année.  

 
Ça m'intéressait parce qu'après tout, sous ce titre 
d'

Encore

, je n'étais pas sûr d'être dans le champ  

que j'ai déblayé pendant vingt ans, puisque justement 
ce que ça disait c'était que ça pouvait durer 

encore

 

longtemps.  
 
À le relire, j'ai trouvé que c'était pas si mal,  
et spécialement, mon Dieu, d'être parti de ceci…  

qui me paraissait un peu mince pour le premier  
de mes séminaires de cette année 

…c'est que :

 

la jouissance de l'Autre n'était pas le signe de l'amour

.  

 
C'était un départ.  
Un départ sur lequel peut-être je pourrai revenir 
aujourd'hui en fermant ce que j'ouvrais là. 
 
J'ai en effet quelque peu parlé de l'amour.  
Mais le point pivot de ce que j'ai avancé cette année 
concerne ce qu'il en est du 

savoir

 dont j'ai accentué 

que l'exercice ne pouvait représenter qu'une 

jouissance

C'est là la clef, le point tournant, et c'est à quoi 
je voudrais aujourd'hui contribuer par une sorte de 
réflexion sur ce qui se fait de tâtonnant dans  
le discours scientifique, au regard de ce qui peut  
se produire de 

savoir

.  

 
Je vais droit à ce dont il s'agit.  
 
Le 

savoir

 c'est une énigme, c'est une énigme qui nous 

est présentifiée par l'inconscient, tel qu'il s'est 
révélé par le discours analytique, et qui s'énonce  
à peu près ainsi : c'est que pour l'être parlant  
le 

savoir

 c'est ce qui s'articule.  

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281

De ça on aurait pu s'en apercevoir depuis un bon bout 
de temps puisqu'en somme, à tracer les chemins du 
savoir, on ne faisait rien qu'articuler toutes sortes 
de choses qui pendant longtemps se sont centrées sur 
l'être, dont il est évident que 

rien  n'est

, sinon dans la 

mesure où ça se dit que ça est. 
 
S

2

, j'appelle ça.  

Il faut savoir l'entendre.  
Est-ce bien d'eux que ça parle ? 

S bien 2 etc. 

]

 

Parce qu'après tout, si nous partons du langage,  
il est généralement énoncé que le langage ça sert à 
la communication.  
 
Communication à propos de quoi, faut-il se demander, 
à propos de quels « 

eux

 » ?  

 
La communication implique la référence.  
Seulement il y a une chose qui est claire… 

je prends là les choses par le bout  
de l'étude 

scientifique

 du langage 

…le langage c'est l'effort fait pour rendre compte de 
quelque chose qui n'a rien à faire avec la 

communication

et qui est ce que j'appelle 

lalangue

.  

 

Lalangue

 sert à de toutes autres choses qu'à 

la communication

C'est ce que l'expérience de l'inconscient nous a 
montré en tant qu'il est fait de 

lalangue

, cette 

lalangue

 

dont vous savez que je l'écris en un seul mot  
pour désigner ce qui est notre affaire à chacun  
à l'égard de ce qui, pour nous, est la langue,  
la langue dite 

maternelle

, et pas pour rien dite ainsi.  

 
La communication, elle, si on voulait un peu  
la rapprocher de ce qui s'exerce effectivement dans 
la jouissance de 

lalangue

, ça serait qu'elle implique 

quelque chose, à savoir la réplique, autrement dit  
le dialogue.  
 
Mais comme je l'ai autrefois… 

pas spécialement cette année 

…comme je l'ai autrefois expressément articulé,  
il n'y a rien de moins sûr que 

lalangue

 ça serve d'abord  

et avant tout au dialogue. 

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282

J'ai pu, comme ça, recueillir au passage… 

parce qu'il arrive que me viennent sous la main  
des choses dont j'ai entendu parler  
depuis bien longtemps 

…j'ai donc eu sous la main le travail, un livre 
important d'un nommé BATESON 

86

 dont on m'avait 

rebattu les oreilles, assez pour m'agacer un peu, 
parce qu'à vrai dire ça venait de quelqu'un qui avait 
été touché de la grâce d'un certain texte de moi  
et qui l'avait traduit, traduit en ajoutant autour 
quelques commentaires, et qui avait cru, dans le 
BATESON en question, trouver quelque chose qui allait 
sensiblement plus loin que ce que j'avais, j'avais 
cru devoir énoncer concernant l'inconscient :  

l'inconscient

 ai-je dit 

structuré comme un langage

.  

 
C'est pas si mal ce nommé BATESON.  
Ça va bientôt se traduire, Dieu merci, ça permettra 
comme ça de voir jusqu'à quel point il s'insère 
admirablement dans ce que je dis, dans ce que je dis 
concernant l'inconscient.  
L'inconscient dont l'auteur… 

faute de savoir qu'il est  
structuré comme un langage  

…dont l'auteur se démontre comme n'ayant qu'une assez 
médiocre idée.  
 
Mais il faut dire que, il y a des choses  
qu'il a forgées dans de très jolis artifices, et 
qu'il appelle lui-même des « 

métalogues

 ».  

C'est pas mal.  
C'est pas mal pour autant que - comme il le dit lui-
même - ces « 

métalogues

 » comporteraient, s'il faut l'en 

croire, quelque sorte de progrès, interne, 

dialectique

 

qui consisterait justement à ne se produire que 
d'interroger l'évolution du sens d'un terme.  
Il en réalise l'artifice, bien sûr… 

comme il s'est toujours fait dans  
tout ce qui s'est intitulé dialogue 

…des dialogues platoniciens entre autres.  
 

                                                 

86 Gregory Bateson, Perceval le fou, Payot, 2002. 

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283

C'est à dire à faire dire par l'interlocuteur supposé 
tout ce qui en somme motive la question même  
du locuteur, c'est à savoir à incarner dans l'autre 
la réponse qui est déjà là.  
 
C'est bien en quoi le dialogue, 

le dialogue classique

,  

dont les plus beaux  
sont présentés par le legs platonicien 

…c'est bien en quoi le dialogue classique se démontre 
n'être pas un dialogue. 
 
Si j'ai dit que le langage, c'est ce comme quoi 
l'inconscient est structuré, c'est bien parce que  
le langage d'abord ça n'existe pas.  
 
Le langage c'est ce qu'on essaie de savoir concernant 
la fonction de 

lalangue

. C'est bien ainsi que le 

discours scientifique l'aborde, à ceci près que ce 
qui lui est difficile c'est de, c'est de le réaliser 
pleinement, car l'inconscient c'est le témoignage,  
le témoignage d'un 

savoir

 en tant qu'il échappe pour une 

grande part à l'être qui donne l'occasion  
de s'apercevoir jusqu'où vont les effets de 

lalangue

.  

 
C'est en effet - c'est vrai - c'est en effet que  
cet être rend compte par toute sortes d'affects  
qui restent énigmatiques, ce qui résulte de cette 
présence de 

lalangue

 en tant que, de 

savoir

 elle articule 

des choses qui vont beaucoup plus loin que tout ce 
que lui-même, à titre de savoir énoncé, il supporte.  
 
Le langage sans doute est fait de 

lalangue

, c'est une 

élucubration de savoir sur 

lalangue

 elle-même, mais 

l'inconscient est un savoir, un 

savoir-faire

 avec 

lalangue

.  

Ce qu'on 

sait faire

 avec 

lalangue

 dépasse en d'autres termes 

de beaucoup ce dont on peut rendre compte au titre du 
langage, mais il pose la même question qui est posée 
par le terme de langage, il est sur la même voie  
à ceci près qu'il va déjà beaucoup plus loin,  
qu'il anticipe sur la fonction du langage, que 

lalangue

 

nous affecte d'abord par tout ce qu'elle comporte 
comme effets qui sont affects.  
 

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284

Et si l'on peut dire que l'inconscient est structuré 
par… comme un langage, c'est très précisément en ceci 
que ses effets de 

lalangue

, déjà là comme savoir,  

comme savoir qui n'a rien à faire, va bien au-delà  
de tout ce que l'être - l'être qui parle –  
est susceptible d'articuler comme tel, c'est bien en 
ça que l'inconscient… 

en tant qu'ici je le supporte de son déchiffrage 

…que l'inconscient ne peut que se structurer comme un 
langage, comme un langage toujours hypothétique  
au regard de ce qui le soutient, à savoir 

lalangue

,  

à savoir ceci même qui fait que tout à l'heure  
j'ai pu de mon S

2

 faire une question et demander : 

est-ce bien d'eux, en effet, qu'il s'agit dans le 
langage, autrement dit, le langage est-il seulement 
communication ?  
 
La méconnaissance de ce fait qui a surgi de par le 
discours analytique a prêté… 

a prêté à ce dont je vais faire aujourd'hui  
le pivot de ma question sur le savoir 

…a prêté à ceci que dans les bas-fonds de la science, 
il ait surgi cette grimace qui consiste à interroger 
comment l'être peut savoir quoi que ce soit.  
 
Il est comique de voir comment cette interrogation 
prétend à se satisfaire. J'en prendrai comme exemple 
ceci : que puisque la limite, je l'ai posée d'abord,  
est faite de ceci qu'il y a des êtres qui parlent,  
on se demande ce que peut bien être le savoir de ceux 
qui ne parlent pas. On se le demande… On ne sait pas 
pourquoi on se le demande, mais on se le demande 
quand même. Et on fait - pour des rats - un petit 
labyrinthe grâce à quoi on espère être sur le chemin 
de ce que c'est qu'un savoir. 

Qu'est-ce qui arrive alors

 ?  

On espère être sur ce chemin parce qu'on espère 
montrer quelle capacité il a pour apprendre, quelle 
capacité il a pour apprendre, apprendre à quoi, à ce 
qui l'intéresse bien sûr, et l'on suppose que ce qui 
l'intéresse - supposition qui n'est pas absolument 
infondée - ce doit être, puisqu'on le prend, ce rat, 
non pas comme être, mais bel et bien comme corps,  
ce qui suppose qu'on le voit comme unité, comme unité 
ratière.  

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285

On ne se demande absolument pas ce qui peut soutenir 
l'être du rat, encore que depuis toujours on avait 
bien eu l'idée que l'être, l'être ça devait contenir 
une sorte de plénitude qui lui soit propre,  
puisque c'est de là que dans le premier abord de ce 
qu'il en était de l'être on était parti, à savoir  
que l'être c'est un corps.  
 
On avait élucubré toute une hiérarchie, toute une 
échelle des corps, et on était parti, mon Dieu,  
de cette notion que chacun devait bien savoir  
ce qui le maintenait à l'être.  
Autrement dit, on n'était pas allé plus loin que 
cette idée qu’il y était maintenu par quelque chose 
qui devait être 

son bien

, qui devait lui faire plaisir. 

Mais comment se fait-il, qu'est-ce qu'il y a eu comme 
changement dans le discours, pour que tout d'un coup 
on interroge, on interroge cet être sur le moyen 
qu'il aurait de se dépasser, à savoir d'en apprendre 
plus, qu'il n'en a besoin dans son être pour survivre 
comme corps.  
 
Grâce au montage du labyrinthe et à quelques 

accessoires

c'est à savoir que le labyrinthe n'aboutit pas 
seulement à la nourriture mais à quelque chose comme 
un 

bouton

 ou un 

clapet

 dont il faut que le sujet 

supposé de cet être trouve le truc pour accéder à sa 
nourriture.  
Autrement dit, on transforme la question du savoir  
en la question d'un apprendre. Est-ce qu'un rat,  
non plus considéré dans son être mais dans son unité…  

car tout va aboutir au pressage du bouton  

…c'est la même chose s'il s'agit de la reconnaissance 
de quelque trait auquel on concevra qu'alors l'être 
est susceptible de réagir, qu'il s'agisse d'un trait 
lumineux ou d'un trait de couleur, et l'on constatera 
qu'après une série 

d'essais et erreurs

… 

trials and errors

, comme vous savez ça s'appelle,  

on a laissé la chose en anglais vu ceux qui se 
sont trouvé frayer cette voie concernant le 

savoir

 

…on va voir si le taux des 

trials and errors

, combien de 

temps ce taux va se mettre à diminuer assez pour que 
s'enregistre que l'unité ratière est capable 
d'apprendre quelque chose. 

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286

Ce qui n'est posé que secondairement comme question 
c'est la question que je pose, c'est ceci :  
c'est si l'unité, l'unité ratière en question,  
va apprendre à apprendre.  
 
C'est là que gît le vrai ressort de l'expérience : 
est-ce qu'un rat, une fois que… il a subi ou que 
cesse cette épreuve, mis en présence d'une épreuve  
du même ordre… 

nous verrons tout à l'heure ce qu'est cet ordre 

…est-ce qu'il va apprendre plus vite ?  
 
Ce qui se matérialise aisément par une décroissance 
du nombre d'essais qui sont nécessaires pour que le 
rat sache comment il a à se comporter dans tel 

montage

appelons 

montage

 l'ensemble du labyrinthe et des clapets 

et des boutons qui, dans cette occasion fonctionnent. 
 
Il est clair que la question a été si peu posée,  
quoi qu'elle l'ait été bien sûr, qu'on n'a même pas 
songé à interroger la différence qu'il y a, selon que 
celui qui apprend à apprendre au rat en question, 
selon que celui-ci est ou non le même 

expérimentateur

.  

 
En d'autres termes, ce qui est laissé de côté c'est 
ceci, c'est que ce qu'on propose au rat comme thème 
pour démontrer ses facultés d'apprendre, si ça surgit 
de la même source ou de deux sources différentes,  
car si nous nous reportons à ceci : que l'

expérimentateur

il est bien évident que c'est lui qui là-dedans sait 
quelque chose, c'est même avec ce qu'il sait qu'il 
invente le montage du labyrinthe, des boutons et des 
clapets.  
 
S'il n'était pas quelqu'un pour qui le rapport au 
savoir est fondé sur un certain rapport qui est…  

je l'ai dit, pourquoi ne pas le répéter 

…d'habitation ou de cohabitation avec la 

lalangue

,  

il est clair qu'il n'y aurait pas ce montage,  
et que tout ce que l'unité ratière apprend en cette 
occasion c'est à donner un signe, un signe de sa 
présence d'unité.  
 

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287

Que ce soit le bouton ou autre chose, l'appui de la 
patte sur ce signe, que ce soit bouton ou bien 
clapet, que le clapet soit reconnu, reconnu il ne 
l'est que par un signe, c'est toujours en faisant 
signe que l'unité accède à ce dont on conclut  
qu'il y a apprentissage.  
 
Mais ce rapport qui est en somme d'extériorité, 
d'extériorité telle que rien ne confirme qu'il puisse 
y avoir saisie du mécanisme à quoi aboutit la poussée 
sur le bouton, comment ne pas saisir que la question 
est d'importance, et de la plus haute importance,  
que c'est la seule qui compterait, c'est à savoir 
s'il n'y a, dans ces successifs mécanismes à propos 
de quoi l'expérimentateur peut constater  
non seulement qu'il a trouvé le truc, mais qu'il a  
- seule chose qui compte - appris la façon dont  
ça se prend, qu'il a appris ce qui est « 

à prendre

 ».  

 
Il est clair que, je dirai là, la cohérence,  
la symbiose que réalise une telle expérience,  
si nous tenons compte de ce qu'il en est du savoir 
inconscient, ne peut pas manquer d'être interrogée  
à partir de ceci que ce qu'il faut savoir c'est 
comment l'unité ratière répond à ce qui n'a pas été 
cogité à partir de rien par l'expérimentateur.  
 
Qu'en d'autres termes, on n'invente pas n'importe 
quelle composition labyrinthique, que le fait que ça 
sorte du même expérimentateur ou de deux 
expérimentateurs différents ça mérite d'être 
interrogé, et rien dans ce que j'ai pu recueillir 
jusqu'à présent de cette littérature, n'implique que 
ce soit dans ce sens que la question ait été posée.  
 
Mais l'intérêt de cet exemple ne se limite pas à ce 
fait, à ce fait d'interrogation qui laisse 
entièrement intacts et différents ce qu'il en est du 
savoir et ce qu'il en est de l'apprentissage.  
Ce qu'il en est du savoir pose des questions et 
nommément celle-ci : de comment ça s'enseigne.  
 
 
 

background image

 

288

Il est bien clair que la question de 

comment ça s'enseigne

,  

à savoir la notion d'une science entièrement centrée 
sur ceci : du savoir qui se transmet intégralement, 
c'est elle qui a produit, dans ce qu'il en est du 
savoir, ce tamisage grâce à quoi un discours  
qui s'appelle le scientifique s'est constitué.  
 
Il s'est constitué non pas du tout sans de nombreuses 
mésaventures. Si cette année j'ai rappelé où il a pu 
surgir, ça n'est certainement pas sans qu'ait été 
feinte… 

fingere

fingo

, dit Newton,  

non fingo

, croit-il pouvoir dire 

hypotheses non fingo

 : je ne suppose rien  

…et ce n'est pas par hasard que cette année  
j'ai spécifié que c'est bien sur une hypothèse,  
au contraire, que tout tourne :  
que la fameuse révolution… 

qui n'est point du tout  
copernicienne mais newtonienne 

…a joué.  
 
Elle a joué sur ceci qui est de substituer à un  
« 

ça tourne

 » un « 

ça tombe

 ».  

C'est l'hypothèse newtonienne comme telle, quand il a 
reconnu dans le « 

ça tourne

 » astral des cycles, quand il 

a bien marqué que c'est la même chose que de tomber.  
Mais pour le constater… 

 ce qui une fois constaté permet 
 d'éliminer l'hypothèse   

…il a bien fallu qu’il la fasse cette hypothèse. 
 
La question d'introduire un 

discours scientifique

 concernant  

le  savoir

 c'est de l'interroger là où il est, ce savoir, 

et ce savoir « 

là où il est

 » ceci veut dire 

l'inconscient

  

en tant que c'est 

dans le gîte de lalangue

 que ce savoir repose.  

Je fais remarquer que l'inconscient, je n'y entre, 
pas plus que NEWTON, sans hypothèse.  
L'hypothèse que l'individu qui en est affecté,  
de l'inconscient, c'est le même qui fait  
ce que j'appelle le sujet d'un signifiant.  
Ce que j'énonce sous cette formule minimale :  

qu'un signifiant représente un sujet pour un autre signifiant

.  

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289

Je réduis, autrement dit, l'

hypothèse

 selon la formule 

même qui la substantifie, à ceci : que l'

 hypothèse

 est 

nécessaire au fonctionnement de 

lalangue

.  

Dire qu'il y a un 

sujet

 ce n'est rien d'autre que dire 

qu'il y a 

hypothèse

.  

 
La seule preuve que nous en ayons est ceci :  
que le sujet se confonde avec cette hypothèse,  
et que ce soit l'individu, l'individu parlant qui le 
supporte, c'est que le signifiant devienne signe.  
 
Le signifiant en lui-même n'est rien d'autre de 
définissable qu'une différence, une différence avec 
un autre signifiant.  
C'est l'introduction comme telle de la différence 
dans le champ qui permet d'extraire de 

lalangue

 ce qu'il 

en est du signifiant.  
 
Mais à partir de là, et parce qu'il y a l'

inconscient

,  

à savoir 

lalangue

 en tant que c'est de cohabitation avec 

elle que se définit un être appelé l'être parlant, 
que le signifiant peut être appelé à faire signe,  
et entendez ce signe comme vous l'enten… comme il 
vous plaira :  

-

 

soit le mot signe,  

-

 

soit le 

t.h.i.n.g

, de l'anglais 

thing

, à savoir 

la chose

.  

 
Le signifiant, si d'un sujet en tant que signifiant 
il fait le support formel, il atteint quelque chose 
d'autre en tant qu'il l'affecte.  
Un autre, un autre que ce qu'il est tout crûment lui 
comme signifiant, un autre fait sujet ou du moins 
passe pour l'être.  
 
C'est en cela qu'il est, et seulement pour l'être 
parlant, qu'il se trouve être comme 

étant

,  

c'est à dire quelque chose dont l'être est toujours 
ailleurs, comme le montre le prédicat.  
 
Le sujet n'est jamais que ponctuel et évanouissant, 
il n'est sujet que par un signifiant et pour un autre 
signifiant. 
 

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290

C'est ici que nous devons revenir à ceci qu'après 
tout, par un choix dont on ne sait pas ce qui l'a 
guidé, ARISTOTE a pris le parti de ne donner pas 
d'autre définition de l'individu que le corps.  
Le corps en tant qu'organisme, en tant que ce qui se 
maintient comme Un, et non pas en tant que ce qui se 
reproduit.  
 
Il est frappant de voir qu'entre l'idée platonicienne 
et la définition aristotélicienne de l'individu comme 
fondant l'être, la différence est proprement celle 
autour de quoi nous sommes encore, c'est à savoir  
la question qui se pose au biologiste, à savoir 
comment un corps se reproduit.  
 
Car c'est bien là ce dont il s'agit dans toute 
tentative de chimie dite moléculaire, c'est à savoir 
comment il se fait qu'en combinant un certain nombre 
de choses dans un bain unique, quelque chose va se 
précipiter qui fera qu'une bactérie par exemple se 
reproduira comme telle. 
Le corps, qu'est-ce donc ?  
Est-ce ou n'est-ce pas le savoir de l'Un ?  
Le savoir de l'Un se révèle ne pas venir du corps,  
le savoir de l'Un, pour le peu que nous en puissions 
dire, le savoir de l'Un vient du signifiant Un.  
Le signifiant Un vient-il du fait que le signifiant 
comme tel ne soit jamais que l'un entre autres, 
référé comme tel à ces autres, et comme en étant la 
différence d'avec les autres ? 
 
La question est si peu résolue jusqu'à présent que 
j'ai fait tout mon séminaire de l'année dernière pour 
interroger, mettre l'accent sur ce « 

y'a d'l'Un

 ».  

Qu'est-ce que veut dire 

y'a d'l'Un

 ?  

Ce que veut dire 

y'a d'l'Un

  est ceci que permet de 

repérer l'articulation signifiante que de Un entre 
autres… 

et il s'agit de savoir si c'est « 

quel qu'il soit

 » 

…se lève un S

1

, un 

essaim de signifiants

, un 

essaim

 bourdonnant 

lié à ceci que ce Un de chaque signifiant…  

avec la question de est-ce d'eux que je parle 

…ce S

1

 que je peux écrire d'abord de sa relation  

avec S

2

, eh bien c'est ça qui est l'

essaim

.  

background image

 

291

 

S

1

 (S

1

  (S

1

  (S

1

  (S

1

 

  S

2

) ) ) ) 

 
Vous pouvez en mettre ici autant que vous voudrez, 
c'est l'essaim dont je parle.  
Le signifiant comme maître, à savoir en tant qu'il 
assure l'unité, l'unité de cette copulation du sujet 
avec le savoir, c'est cela le signifiant maître,  
et c'est uniquement dans 

lalangue

, en tant qu'elle est 

interrogée comme langage, que se dégage - et pas 
ailleurs - que se dégage l'existence de ce dont  
ce n'est pas pour rien que le terme 

στοιχεῖον

 

[ stoikeion ] 

élément, soit surgi d'une linguistique primitive,  
ce n'est pas pour rien, le signifiant Un n'est pas un 
signifiant quelconque, il est 

l'ordre signifiant

 en tant qu'il 

s'instaure de l'enveloppement par où toute la chaîne 
subsiste. 
 
J'ai lu récemment un travail de quelqu'un qui 
s'interroge à propos de la… ce qu'elle prend pour une 
relation qui est celle du S

1

 avec le S

2

, à savoir  

relation de représentation

, le S

1

 serait en relation avec le S

2

 

pour autant qu'il représente un sujet.  
La question de savoir si cette relation est 
asymétrique, antisymétrique, transitive ou autre,  
à savoir si le sujet se transfère du S

2

 à un S

3

  

et ainsi de suite, c'est une question qui est  
à reprendre, à reprendre à partir du schème que  
j'en donne ici.  
 
Le Un incarné dans 

lalangue

 est quelque chose qui 

justement reste indécis entre le phonème, le mot,  
la phrase, voire toute la pensée, c'est bien ce dont 
il s'agit dans ce que j'appelle « 

signifiant maître

 »,  

c'est le signifiant Un, et ce n'est pas pour rien que 
l'avant-dernière de nos rencontres, j'ai amené ici 
pour l'illustrer le bout de ficelle, le bout de 
ficelle en tant qu'il fait ce rond, ce rond dont j'ai 
commencé d'interroger le nœud possible avec un autre. 
Je n'irai pas plus loin aujourd'hui puisque nous 
avons… 

grâce à une question en somme extérieure, 
question de notre abri ici 

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292

…puisque nous avons été privés d'un de ces séminaires 
c'est quelque chose que je reprendrai dans la suite 
éventuellement. 
 
L'important, pour virer, faire tourner ici le volet, 
l'important de ce qu'a révélé 

le discours psychanalytique

 

consiste en ceci, ceci dont on s'étonne qu'on ne voie 
pas la fibre partout :  
c'est que ce savoir qui structure d'une cohabitation 
spécifique ce qu'il en est de l'être qui parle,  
ce savoir a le plus grand rapport avec l'amour.  
Car ce dont se supporte tout amour est très 
précisément ceci, d'un certain rapport entre deux 
savoirs inconscients. 
 
Si j'ai énoncé que 

le transfert

 c'est 

le sujet supposé savoir

  

qui le motive, ce n'est là que point d'application 
tout à fait particulier, spécifié de ce qui est là 
d'expérience, et je vous prie de vous rapporter au 
texte de ce que j'ai énoncé ici sur 

le choix de l'amour

.  

C'est au milieu de cette année que je l'ai fait.  
 
Si j'ai parlé de quelque chose à ce propos 
c'est en somme de la 

reconnaissance

la reconnaissance

  

à des signes qui sont ponctués toujours 

énigmatiquement

de la façon dont l'être est affecté, en tant que 
sujet, de ce savoir inconscient. 
 
S'il est vrai qu'il n'y a pas de rapport sexuel parce 
que simplement 

la jouissance

la jouissance

 de l'Autre prise 

comme corps, que cette 

 jouissance

 est toujours 

inadéquate 

:  

- perverse d'un côté, en tant que l'Autre se  
réduit à 

l'objet(a)

,  

- je dirai folle de l'autre, pour autant que ce 

dont il s'agit c'est de la façon énigmatique dont se 
pose cette jouissance de l'Autre comme telle.  
 
Est-ce que ce n'est pas de l'affrontement à cette 
impasse, à cette impossibilité définissant comme tel 
un réel, qu'est mis à l'épreuve l'amour en tant que 
du partenaire il ne peut réaliser que ce que j'ai 
appelé, par une sorte de poésie pour me faire 
entendre, ce que j'ai appelé 

le courage au regard de ce destin fatal

.  

 

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293

Est-ce bien de courage qu'il s'agit ou des chemins 
d'une reconnaissance, d'une reconnaissance dont la 
caractéristique ne peut être rien d'autre que ceci, 
que ce rapport dit sexuel devenu là rapport de sujet 
à sujet, à savoir du sujet en tant qu'il n'est que 
l'effet du savoir inconscient, de la façon dont ce 
rapport de sujet à sujet 

cesse de ne pas s'écrire

 
Ce « 

cesser de ne pas s'écrire

 », vous le voyez, c'est pas 

formule que j'ai avancée au hasard.  
Si je me suis complu au 

nécessaire

 comme à : 

ce qui ne cesse pas de 

ne pas, ne pas s'écrire

, qui ne cesse pas, ne cesse pas de 

s'écrire

87

 en l'occasion, le nécessaire n'est pas le 

réel, c'est ce qui ne cesse pas de s'écrire.  
 
Le déplacement de cette négation qui pose, qui nous 
pose au passage la question de ce qu'il en est de  
la négation, quand elle vient prendre la place d'une 
inexistence, si 

le rapport sexuel

 répond à ceci dont je dis 

qu'il - non seulement - 

il ne cesse pas de ne pas s'écrire

, c'est 

bien de cela et de lui dans l'occasion qu'il s'agit, 

qu'il ne cesse pas de ne pas s'écrire

, qu'il y a là impossibilité, 

c'est aussi bien que 

quelque chose 

 ne peut non plus le 

dire

c'est à savoir qu'il n'y a pas d'existence dans le 

dire

 

de ce rapport. 
 
Mais que veut dire, que veut dire de le nier ?  
Y a-t-il d'aucune façon 

légitimité

 de substituer une 

négation à l'appréhension éprouvée de l'inexistence ?  
C'est là aussi une question qu'il s'agira pour nous 
d'amorcer.  
Le mot interdiction veut-il plus dire, est-il plus 
permis, c'est ce qui non plus ne saurait, dans 
l'immédiat, être tranché.  
 
Mais l'appréhension de 

la contingence

 telle que je l'ai 

déjà incarnée de ce « 

cesse de ne pas s'écrire

 », à savoir de  

ce 

quelque chose

 qui, par la rencontre… 

la rencontre il faut bien  
le dire de symptômes, d'affects 

…de ce qui chez chaque individu marque la trace de 
son exil…  

                                                 

87   Lapsus que Lacan relève et corrige peu après. (

ici

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294

non comme sujet mais comme parlant 

…de son exil de ce rapport, est-ce que ce n'est pas 
dire que c'est seulement par l'affect qui résulte  
de cette béance que 

quelque chose

 …  

dans tout cas où se produit l'amour 

…que 

quelque chose

 … 

qui peut varier infiniment  
quant au niveau de ce savoir 

…que 

quelque chose

 se rencontre qui, pour un instant,  

peut donner l'illusion de 

cesser de ne pas s'écrire

, à savoir que 

quelque chose

 non seulement s'articule mais s'inscrive, 

s'inscrive dans la destinée de chacun, par quoi 
pendant un temps, un temps de suspension,  
ce 

quelque chose

 qui serait le rapport,  

ce 

quelque chose

 trouve chez l'être qui parle,  

ce 

quelque chose

 trouve sa trace et sa voie de mirage.  

 
Qu'est-ce qui nous permettrait - cette implication - 
de la conforter ?  
 
Assurément ceci : que le déplacement de cette 
négation, à savoir le passage… 

à ce que tout à l'heure j'ai manqué si bien  
d'un 

lapsus

, lui-même bien significatif 

…à savoir le passage de la négation au 

ne cesse pas de s'écrire

à la nécessité substituée à cette contingence,  
c'est bien là le point de suspension à quoi s'attache 
tout amour.  
 
Tout amour de ne subsister que de cesser de ne pas 
s'écrire tend à faire passer cette négation au ne 
cesse pas, ne cesse pas, ne cessera pas de s'écrire.  
 
Et tel est en effet le substitut qui, par la voie de 
l'existence, non pas du rapport sexuel mais de 
l'inconscient qui en diffère, qui par cette voie fait 
la destinée et aussi le drame de l'amour. 
 
Vu l'heure où nous sommes arrivés, et qui est celle 
où normalement je désire prendre congé, je ne 
pousserai pas ici les choses plus loin.  
 
 

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295

Je ne pousserai pas les choses plus loin sauf à 
indiquer que ce que j'ai dit de 

la haine

 est quelque 

chose qui ne relève pas du même plan dont s'articule 
la prise du savoir inconscient, mais qui, dans ce 
qu'il en est du sujet, du sujet dont vous le 
remarquez il ne se peut pas qu'il ne désire pas ne 
pas trop en savoir, sur ce qu'il en est de cette 
rencontre éminemment contingente, qu'il en sache  
un peu plus, que de ce sujet il aille à l'être qui y 
est pris, le rapport de l'être, de l'être à l'être, 
bien loin qu'il soit ce rapport d'harmonie que depuis 
toujours - on ne sait trop pourquoi - nous ménage, 
nous arrange, une tradition dont il est très curieux 
de constater la 

convergence

, la convergence d'ARISTOTE 

qui n'y voit que la jouissance suprême, avec ce que 
la tradition chrétienne nous reflète de cette 
tradition même comme béatitude, montrant par là son 
empêtrement dans quelque chose qui n'est vraiment 
qu'une appréhension de mirage.  
 
La rencontre de l'être comme tel, c'est bien là que 
par la voie du sujet l'amour vient à aborder.  
Quand il aborde, j'ai posé expressément la question, 
est-ce que ce n'est pas là que surgit ce qui fait  
de l'être, précisément quelque chose qui ne se 
soutient que de se 

rater

.  

 
J'ai parlé de 

rat

 tout à l'heure, c'était de ça qu'il 

s'agissait, ce n'est pas pour rien qu'on a choisi  
le rat, 

c'est parce que le rat ça se 

rature

, on en fait facilement 

une unité. Et puis que d'un certain côté j'ai déjà vu 
ça, dans un temps, comme ça, j'avais un concierge 
quand j'habitais rue de la Pompe : le rat, il ne le 
ratait – lui - jamais, il avait pour le rat une haine 
égale à l'être du rat. 
 
L'abord de l'être, est-ce que ce n'est pas là que 
réside ce qui en somme s'avère être l'extrême, 
l'extrême de l'amour, la vraie amour, la vraie amour 
débouche sur la haine, assurément ce n'est pas 
l'expérience analytique qui en a fait la découverte, 
la modulation éternelle des thèmes sur l'amour en 
porte suffisamment le reflet. 
 

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296

Voilà je vous quitte.  
Est-ce que je vous dis à l'année prochaine ?  
Vous remarquerez que je vous ai 

jamais,  jamais

 dit ça,  

que je remarque aujourd'hui, car c'est de cela qu'il 
s'agit, je remarque aujourd'hui que je vous ai jamais 
dit ça.  
Plus exactement je porte à votre connaissance cette 
remarque, car moi je me suis toujours privé de la 
faire, pour une très simple raison c'est que j'ai 
jamais su, depuis vingt ans que j'articule pour vous 
des choses, j'ai jamais su si je continuerai l'année 
prochaine. 

[ Rires ]

 

Ah, ça, ça fait partie de mon destin d'

objet(a)

.  

 
Alors, comme après tout, ces vingt ans enfin  
j'en ai bouclé le cycle, après dix ans, on m'avait  
en somme retiré la parole, et il se trouve comme ça 
que pour des raisons pour lesquelles il y avait eu 
une part de destin et aussi de ma part une part 
d'inclination à faire plaisir à quelqu'un,  
j'ai continué pendant dix ans encore.  
 
Est-ce que je continuerai l'année prochaine ? 
Pourquoi pas arrêter là l'

encore

 ?  

Ce qu'il y a d'admirable c'est que personne n'a 
jamais douté que je continuerai. 

[ Rires ]

 

Que je fasse cette 

remarque

 en pose pourtant la 

question

.  

Il se pourrait après tout qu'à cet 

« 

Encore

 

»  

j'adjoigne un « 

c'est assez

 ». 

 
Eh bien ma foi, je vous laisse la chose à votre pari, 
parce qu'après tout, il y en a beaucoup qui croient 
me connaître et qui pensent que je trouve là-dedans 
une infinie satisfaction narcissique. 

[ Rires ]

 

À côté de la peine que ça me donne, je dois dire que 
ça me paraît, ça me paraît peu de choses.  
Faites vos paris, et puis quel sera le résultat,  
est-ce que ça voudra dire que ceux qui auront deviné 
juste, ceux-là m'aiment ?  
Eh bien c'est justement ça le sens que je viens de 
vous énoncer aujourd'hui, c'est que de savoir ce que 
le partenaire va faire c'est pas une preuve de l'

amour

 

[ Applaudissements ]

          

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