[Adolphe Quételet]
Adolphe Quetelet (1796-1874)

Fondateur de l'Observatoire de Bruxelles et de la statistique moderne

Astronome et mathématicien belge

 

Brève biographie
L'Observatoire de Bruxelles
Une nouvelle science : la statistique
L'homme moyen
L'indice de Quetelet
Bibliographie sommaire
Sources utilisées
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Brève biographie

Lambert Adolphe Jacques Quetelet, savant mais aussi poète et dessinateur, a vu le jour le 22 février 1796 à Gand (alors sous administration française), fils d'un Picard installé depuis peu dans cette ville. Après avoir été élève au lycée - "impérial" puis "royal" - de cette même ville, il doit rapidement chercher des moyens d'existence car son père meurt en 1803. C'est ainsi qu'en 1813, il donnera des cours de dessins, de mathématiques et de grammaire dans un collège privé d'Audenarde, avant de retourner en 1815 dans son lycée afin d'y enseigner les mathématiques. Il défendra en 1819 - à l'âge de vingt-trois ans - la première thèse de doctorat présentée à l'université de Gand ; celle-ci, intitulée De quibusdam locis geometricis necynon de curva focali, développe les propriétés de la focale et fut à la base de nombreuses recherches. Grâce à ses premiers travaux mathématiques (notamment sur les cônes), il est nommé le 24 février 1820 membre de l'Académie Royale de Bruxelles, dont il deviendra le secrétaire perpétuel en 1834 - après en avoir été le directeur. À Bruxelles, il enseigne à l'Athénée les mathématiques élémentaires et il donne au Musée (à partir de 1824) des cours publics consacrés à la physique expérimentale, à l'astronomie, aux probabilités, aux calculs différentiel et intégral, à la géométrie analytique supérieure (définissant notamment avec son ami Germinal Dandelin ce que l'on a appelés les "théorèmes belges" sur les coniques). Ses leçons ouvriront à beaucoup d'étudiants les portes de l'université.

Le 20 septembre 1824, Quetelet épouse Cécile Virginie Curtet - la fille d'un médecin français établi à Bruxelles, apparentée au chimiste belge Jean-Baptiste Van Mons - dont le salon, grâce aux contacts noués par son mari, deviendra par la suite un foyer culturel au rayonnement international.

L'année suivante, il crée avec J.-G. Garnier, professeur de mathématiques et d'astronomie à l'université de Gand, Correspondance mathématique et physique, le premier périodique consacré aux mathématiques et à la physique aux Pays-Bas. Cette revue obtiendra une renommée internationale en facilitant l'échange de renseignements scientifiques entre savants et en garantissant la publicité rapide des résultats de recherches. En 1826, Quetelet édite ses leçons : ce sera la première tentative moderne de large diffusion des sciences astronomiques en langue française.

En 1828, il publie des graphiques où des données empiriques sur les décès sont comparées entre la Belgique et la France, étant ainsi l'un des premiers scientifiques à généraliser l'emploi de cette technique dans les statistiques. L'année suivante, Quetelet est invité à collaborer à la publication du premier grand recensement réalisé aux Pays-Bas. Il acquiert rapidement une grande compétence en la matière. Sa renommée est telle que, lors de sa création en 1834, l'Université Libre de Bruxelles décide de lui confier une chaire. Quetelet déclinera l'invitation, préférant rester fidèle à l'Observatoire de Bruxelles où il venait de s'installer deux ans plus tôt.

Sous son impulsion est créé en 1841 le premier bureau statistique gouvernemental au monde : la Commission Centrale de Statistique (qui deviendra après 1946 le Conseil Supérieur de Statistique). Quetelet en sera le premier président. Cinq ans plus tard, il organise le premier recensement belge à caractère scientifique. Celui-ci, par son analyse attentive et l'évaluation critique des données recueillies, aura une énorme influence sur ceux réalisés plus tard dans d'autres pays. De plus, loin de se limiter à un simple dénombrement des habitants, ce recensement comportait tout un volet concernant l’agriculture et l’industrie.

Jusqu'à sa mort - le 17 février 1874 à Bruxelles - et malgré une attaque d'apoplexie qui l'avait terrassé en 1855, Adolphe Quetelet continuera à présider des congrès à travers toute l'Europe, à correspondre et à publier. Dans le même temps, il tâchera de synthétiser ses recherches antérieures, tout en y apportant des compléments significatifs. Il publie ainsi une Histoire des sciences mathématiques et physiques chez les Belges (1864), et Météorologie de la Belgique, comparée à celle du Globe (1867). En 1869 paraît Physique sociale, une seconde édition d'un ouvrage publié en 1835, qui constitue en fait une réédition de la plupart des œuvres statistiques de Quetelet. À travers ce livre, ce dernier cherche à développer une étude de l'homme, basée sur le calcul des probabilités.

Si l'on sait qu'en 1820 la Belgique était un véritable désert scientifique, l'on appréciera encore mieux l'œuvre de ce pionnier de la recherche et de l'enseignement supérieur en Belgique - honoré par le monde scientifique qui lui dédiera un astéroïde, un cratère sur la face cachée de la Lune et une statue devant l'Académie royale des Sciences et des Arts. En 1974, pour célébrer l'Année Mondiale de la Population et le centième anniversaire de la mort d'Adolphe Quetelet, fut créée la Chaire Quetelet à l'Université Catholique de Louvain. De même, la bibliothèque centrale du Ministère des Affaires économiques, qui hérita du fonds de la bibliothèque de la Commission Centrale de Statistique, fut rebaptisée Fonds Quetelet.

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La fondation de l'Observatoire de Bruxelles

Depuis 1823, Quetelet caressait un grand projet : la création d'un observatoire dans les Pays-Bas méridionaux. Après s'être l'année suivante initié pendant trois mois à la pratique de l'astronomie à Paris auprès de François Arago et d'Alex Bouvard et après avoir visité les grands observatoires d' Angleterre et d'Allemagne, il présente un rapport à l'Académie, qui l'appuie auprès de Guillaume Ier. Le 8 juin 1826, un arrêté royal décrète la création d'un observatoire à Bruxelles qui, en plus de l'astronomie, serait consacré à l'étude de la constitution physique de l'atmosphère et du globe. Celui-ci, beau bâtiment classique entouré de jardins, sera édifié à côté de l'actuelle place Quetelet, non loin de la place Madou.

Après un retard dû à la révolution de 1830 (que Quetelet a vécu de loin : il avait été chargé de visiter les centres d'astronomie italiens), l'Observatoire deviendra fonctionnel en 1832, avec cependant des moyens limités. Après s'être consacré dans un premier temps à la météorologie et à la physique du globe, Quetelet - qui avait été confirmé par le Gouvernement provisoire dans ses fonctions de directeur - étudie à partir de 1839 les phénomènes périodiques comme les variations des marées, les variations du magnétisme terrestre, le passage des étoiles filantes (domaine où il a apporté une importante contribution à l'astronomie par l'élaboration d'un catalogue historique donnant les dates des apparitions d'étoiles filantes au cours des siècles passés, par la découverte du retour périodique des Perséides, etc.). Il publiera différents ouvrages sur ces sujets ainsi qu'un catalogue des averses d'étoiles. Il décide d'acheter des lunettes méridiennes pour développer l'astronomie stellaire, afin d'élaborer des catalogues d'étoiles destinés à répondre aux besoins de la navigation maritime. Les cours sur l'astronomie qu'il donne sont considérés comme des modèles du genre. Et - fort en avance sur les idées de l'époque - il est partisan de l'idée de la pluralité des mondes habités. Enfin, il fut le premier à mettre en place le réseau météorologique mondial et à dresser les premières cartes synoptiques.

En 1856, les séquelles de sa crise d'apoplexie obligeront Quetelet à abandonner ses travaux à l'Observatoire. Il concentrera dès lors son énergie sur ses activités de président de la Commission Centrale de Statistique et de secrétaire perpétuel de l'Académie.

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Une nouvelle science : la statistique

En plus de ses recherches en astronomie (une seule science ne lui suffisant pas), Adolphe Quetelet se consacra aux études statistiques. Par la méthode des rapprochements et des comparaisons, en représentant les résultats par des courbes et des formules mathématiques, Quetelet fonde les bases de la statistique moderne. Son plus grand apport dans ce domaine sera d'avoir introduit le calcul des probabilités dans l'étude des statistiques. Il publie différents mémoires sur les lois de la natalité et de la mortalité, la taille et le poids chez l'être humain selon les âges, le penchant au crime aux différents âges, ce qui l'amène à élaborer un système sociologique où il fera figure de novateur en appliquent la statistique aux phénomènes humains.

Ayant l'habitude, comme astronome et mathématicien, d'observer l'extrême régularité des phénomènes, Quetelet s'est demandé si - par analogie avec les phénomènes naturels - les phénomènes sociaux ne présentaient pas les mêmes régularités, celles-ci correspondant à des causes et étant régies par une règle de proportionnalité entre causes et effets. C'est en appliquant les lois des probabilités aux phénomènes humains qu'il démontre la constance des taux de criminalité, la régularité des suicides par année et du nombre de mariages selon l'âge. En présentant de nombreux tableaux portant sur trois ou quatre variables, Quetelet dépasse la simple analyse bivariée. Par ailleurs, les lois auxquelles il s'est attaché concernent autant l'étude de distributions que celles de tendances, en particulier le concept de penchant (au crime).

En 1832, Adolphe Quetelet est chargé par le jeune gouvernement belge d'assister à la réunion de l'Association britannique pour l'Avancement des Sciences. Après avoir fait une communication sur les étoiles filantes et le magnétisme, il suggère de créer une section spéciale de statistique. C'est ainsi qu'en 1834, après des entretiens avec l'économiste Malthus (auteur du controversé Essai sur le principe de population), Jones et Babbage (mathématicien et inventeur de la machine arithmétique), Quetelet participe à la mise sur pied de la Royal Statistical Society de Londres (qui commencera à publier en 1837 les Transactions of the Statistical Society of London) et de la Section statistique de la British Association for the Advencement of Science. Membre de la Royal Society depuis le 30 mai 1839, il fut également le premier membre étranger de l'American Statistical Association.

Parmi ses correspondants, il comptait le prince consort Albert à qui il avait enseigné les mathématiques. Lorsqu'en 1851 le prince décida d'organiser la première Exposition universelle au Crystal Palace de Londres, Quetelet, après consultation de différents délégués étrangers présents lors de l'évènement, saisi l'occasion pour promouvoir une coopération internationale dans le milieu de la statistique en lançant l'idée "d'inviter à se réunir en un congrès de statistique universelle, à Bruxelles, les savants des différentes parties du monde qui s'occupent de statistique, afin d'encourager et de développer les travaux qui se rapportent à cette science et, s'il est possible, de les coordonner par l'adoption de bases uniformes".

Son action lui valut d'être élu président du bureau provisoire du premier congrès international de statistique organisé à son instigation en Belgique en 1853. Deux cents trente-sept savants provenant de vingt-six États différents participeront à cette réunion. À l'occasion du discours d'ouverture, Quetelet définit les objectifs qui marqueront les huit congrès qui suivront, jusqu'en 1885, année où sera fondée l'Institut international de statistique. Ses participations ultérieures aux différents congrès de statistique sont l'occasion pour lui de défendre le principe d'une statistique scientifique reposant sur le calcul des probabilités. Ce principe conduira le congrès de Florence de 1867 à créer une section spéciale chargée de s'occuper de ce problème. Par ailleurs, Quetelet chercha à promouvoir l'uniformisation des méthodes de collecte de données, de leur traitement et de la présentation des résultats, proposant à cette fin un plan de collecte internationale des données de population. Grâce au "patriarche des statistiques" (selon l'expression de l'historien des sciences George Sarton), le monde entra dans l'ère statistique.

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L'homme moyen

En relevant les mensurations de conscrits français et en analysant celles de 5.000 soldats écossais reprises en 1817 dans la revue Edinburgh Medical Journal, Adolphe Quetelet applique les lois des probabilités aux données biométriques de l'homme, comme le poids, la taille, le périmètre thoracique, devenant ainsi un des fondateurs de l'anthropométrie et de la biostatistique. Basant son analyse sur les régularités temporelles et les distributions de forme gaussienne, il constate que ces données oscillent autour de valeurs moyennes et que celles-ci tendent à être constantes. Il met ainsi en avant une distribution de celles-ci selon un modèle, la "courbe des possibilités", qui sera nommé en 1894 par Pearson "loi normale". Suite à sa correspondance avec d'illustres mathématiciens comme Pierre-Simon Laplace, Joseph Fourrier ou Denis Poisson (qu'il avait connus à l'Observatoire de Paris), Quetelet devient le premier à utiliser la courbe normale autrement que pour la répartition d'erreurs. Il étendra ensuite ces notions à l'ensemble des caractéristiques physiques en créant la notion "d'homme moyen". Élaborant ainsi une mécanique sociale qu'il présentera en 1835, dans son ouvrage intitulé Sur l'homme et le développement de ses facultés ; Essai d'une physique sociale, comme l'étude des lois qui régissent l'homme du point de vue physique, intellectuel et moral. Dans cet ouvrage, qui sera traduit en anglais dès 1842, la notion "d'homme moyen" est perçue comme la valeur centrale autour de laquelle les mesures d'une caractéristique humaine se groupent suivant une courbe normale. L'homme moyen d'une population est, selon Quetelet, un individu dont les caractéristiques physiologiques sont chacune égale à la moyenne des caractéristiques physiologiques des autres individus de la population.

Augustin Cournot nia l'existence de cet homme moyen avec le contre-exemple de la population des triangles rectangles : le "triangle rectangle moyen", calculé selon les critères de Quetelet, n'était plus rectangle ! La détermination d'un individu statistique moyen serait plutôt une fiction intellectuelle qu'une réalité sociale ou économique et l'homme moyen plus un androïde qu'un homme en chair et en os. Maurice Fréchet a pourtant montré que cette fabrication artificielle d'un individu moyen est concevable si chacune des quantités utilisées pour le calcul est peu dispersée autour de sa moyenne (comme c'était le cas pour la taille et le poids des conscrits de Quetelet), selon la distribution statistique "en cloche" connue sous le nom de loi de Laplace-Gauss.

Les études de Quetelet sur la constance numérique des crimes suscitèrent une large discussion entre liberté et déterminisme social. Une grande controverse naquit au sein des sociologues du 19ème siècle autour de la notion "d'homme moyen" qui, d'abord appliquée aux qualités physiques, tendait à être appliquée aux qualités intellectuelles et morales jusqu'à être présentée comme un type idéal. Ainsi cette théorie fut critiquée par Émile Durkheim et Maurice Halbwachs qui s'offusquèrent de cette généralisation. Par contre, la tentative de Quetelet d'établir une "physique sociale" intéressa vivement Karl Marx qui utilisa un grand nombre de ses travaux. Malgré cette polémique, l'apport de Quetelet dans ce domaine est indéniable car il fut le premier à mettre en évidence les potentialités de la statistique comme instrument pour comprendre et mesurer les phénomènes sociaux.

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L'indice de Quetelet (Body Mass Index)

Parmi l'impressionnant héritage d'Adolphe Quetelet, il est un outil qui est utilisé quotidiennement en pratique médicale, surtout par les nutritionnistes et les épidémiologistes : l'indice de Quetelet. En appliquant les méthodes statistiques à l'anthropométrie, ce dernier a mis au point un indice permettant d'évaluer le poids idéal. L'indice de Quetelet ou Body Mass Index (BMI) est obtenu de la façon suivante :

Indice de Quetelet (ou BMI) = poids (en kg) / taille² (en m)

Par exemple, pour une femme mesurant 1,55m et pesant 59kg : BMI = 59 / (1,55 x 1,55) = 24,55

Critère OMS (Organisation mondiale de la santé)
Statut pondéral Indice de Quetelet
Maigreur inférieur à 18,5
Poids normal 18,5 à 25
Risque de surpoids 25 à 30
Obésité supérieur à 30

Ces chiffres ne sont cependant que des indications. Pour déterminer l’existence d’une obésité réelle, il faudra faire d’autres mesures destinées à établir exactement la proportion de masse grasse, car c’est l’excès de masse grasse qui représente un facteur de risque.

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Bibliographie sommaire d'Adolphe Quetelet

  • Recherches sur le penchant au crime aux différents âges. Bruxelles, 1833.
  • Sur l'homme et le développement de ses facultés. Essai de physique sociale, Paris, 1835.
  • Recherches statistiques, Bruxelles, 1844.
  • Lettres à S.A.R. le duc régnant de Saxe-Cobourg et Gotha, sur la théorie des probabilités, appliquée aux sciences morales et politiques, Bruxelles, 1846.
  • Du système social et des lois qui le régissent, Paris, 1848.
  • Almanach séculaire de l'Observatoire royal de Bruxelles, Bruxelles, 1854.
  • Sur la physique du globe, Bruxelles, 1861.
  • Histoire des sciences mathématiques et physiques chez les Belges, Bruxelles, 1864.
  • Météorologie de la Belgique comparée à celle du globe, Bruxelles, 1867.
  • Sciences mathématiques et physiques au commencement du 19e siècle, Bruxelles, 1867.
  • Anthropométrie. Mesure des différentes facultés de l'homme, Bruxelles, 1871.
  • De l'influence des saisons sur la mortalité aux différents âges dans la Belgique, Bruxelles, 1978.
  • Mémoire sur les lois des naissances et de la mortalité à Bruxelles, Bruxelles, 1978.
  • Sur les anciens recensements de la population Belge, Bruxelles, 1978.
  • Recherches statistiques sur le royaume des Pays-Bas, Bruxelles, 1980.

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Sources utilisées

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