Le
Château Renaissance de Beaumont.
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Les Besognés. - Les Albums. - Un grand Beaumontois
Charles
de Croÿ - Né à
Beaumont en 1560 et y décédé en 1612.
«
Formé à l'Université de Louvain par
Valerius, philologue et humaniste distingué, ami de Juste
Lipse, sa doctrine au point de vue catholique manquait de
fermeté. Les doctrines de Luther et de Calvin qui se
glissaient dans l'enseignement d'Erasme, y avaient laissé,
avec l'éclat de son talent, ses « dangereuses »
complaisances (!). Son père Philippe l'avait placé
dans le milieu le plus dangereux, le collège des Trois
langues, le plus imprégné de ce demi-catholicisme
que lui insufflait Erasme » . Élève sérieux,
appliqué et d'une intelligence au-dessus de la moyenne,
dit-on. Cette formation nous explique partiellement ses erreurs,
ses faiblesses, ses hésitations, ses variations. Il fut
d'abord un catholique romain convaincu, puis, sous l'influence de
sa première femme, devint calviniste militant, enfin,
abjura le protestantisme pour rentrer dans le giron de l'église
romaine. Il commanda les armées protestantes, puis celles
des Gouverneurs espagnols envoyés par Philippe Il. Les
rivalités entre Guillaume le Taciturne, son entourage et
les de Croÿ sont connues. Ne jugeons pas son rôle
politique, ni sa carrière militaire. En ces temps
troublés, il n'était pas facile de rester fidèle
à l'Église romaine autoritaire et sectaire, au Roi
espagnol, le sinistre Philippe II, et à sa propre patrie.
C'est Beaumont qui nous intéresse... Il embellit encore,
transforma, agrandit le château Renaissance reconstruit par
son grand-père et embelli déjà par son père.
« Il restaure et embellit en même temps ceux de
Chimay et d'Héverlé, son hôtel de Bruxelles,
ses maisons de plaisance, le couvent d'Héverlé où
il érige des monuments fastueux qu'il peuple de statues
sur les sépultures de ses ancêtres. Il fait au parc
de Chimay un mur qui existe encore aujourd'hui, afin d'y avoir
une réserve de gibier, etc.... Mais toutes ses faveurs
étaient pour Beaumont dont il fit une demeure vraiment
magnifique. Il y avait entassé les uvres d'art, les
plus beaux meubles, les tapisseries les plus riches ». «
Charles de Croÿ est poète, poète tout à
fait rabelaisien. Il aime tourner un sonnet ou une chansonnette,
rimer des petites pièces drôles. Les recueils que
l'on possède encore ne laissent pas de surprendre par la
liberté presque licencieuse avec laquelle il manie les
images les plus osées et les sujets les plus malodorants.
On vit à l'époque des grasses gauloiseries et Henri
IV donne l'exemple. Les poésies de notre Duc sont ornées
de dessins et de peintures de sa femme Dorothée. La
bibliothèque de la Ville de Valenciennes possède
plusieurs recueils de vers écrits par Charles et décorés
par sa femme ». Dorothée aimait aussi orner les
poésies de feu son beau-père; on en trouve à
Valenciennes. Elle-même d'ailleurs taquinait facilement la
muse. Charles s'occupe de ses charges officielles : gouverneur et
grand sénéchal du Hainaut, « Grand Chamberlan
» et sénéchal du Brabant, il oblige les États
du Hainaut, de l'Artois, du Brabant, de Lille, à payer les
subsides imposés comme aux autres provinces. A partir de
1608, il ne quitte plus guère Beaumont. « Il s'y
complaisait au milieu de ses beaux livres, de ses riches
collections artistiques », « de sa bibliothèque
à laquelle il annexa des collections de médailles,
de tableaux, d'antiquités ». « Il fit rédiger
par François Liesnard, son secrétaire, la
description de la Ville de Beaumont et des autres villages
dépendant du Comté de ce nom (Besogné -
1610) ». « Notre Beaumontois fit dessiner et réunir
en grands albums in folio villes, villages, châteaux,
abbayes du Comté de Hainaut, Namur, etc... La plupart de
ces volumes furent réalisés par un peintre hennuyer
de Valenciennes Adrien de Montigny. L'ensemble de ses quarante
albums se trouve actuellement à la bibliothèque de
Vienne ». « On lui doit aussi des dessins à la
plume d'une rare fidélité », relatifs aux
pays de Beaumont, de Chimay et d'Avesnes. Entouré d'une
cour nombreuse, Charles de Croÿ mène une existence
fastueuse. Une armée de secrétaires rédigent
les « cadastres » et les descriptions ou «
besognés » de ses biens. L'inventaire de ceux-ci
révèle l'existence de 354 tableaux (Rubens,
Jordaens, Mauclere, Véronèse, Maubeuge, Floris, etc
... ). Il avait commandé lui-même des tableaux à
Rubens. Il avait aussi commencé une superbe collection de
médailles et déjà fait reproduire en gravure
une grande partie de cette collection. Ses responsabilités,
sont multiples: Lieutenant - gouverneur, Capitaine - général
et Grand Bailli du Comté de Hainaut et de la Ville de
Valenciennes ». Le Hainaut fut assurément la terre
de prédilection de Charles de Croÿ. Bien qu'il eût
des terres et des demeures dans d'autres provinces, c'est dans
son château de Beaumont - occasionnellement dans celui de
Chimay - qu'il aimait résider. Son grand-père,
Philippe, son père Philippe de Croÿ, avaient été,
comme plusieurs de leurs ancêtres, Grand Bailli de Hainaut
et lui-même occupe cette charge. On comprend qu'il ait tenu
à ce que son Hainaut natal, « tenu bénie de
Dieu et du soleil », soit représenté de façon
somptueuse dans sa magnifique collection d'albums de gouaches. Du
reste, une fois les volumes de ses propriétés
exécutés par Adrien de Montigny, c'est au même
artiste qu'il confie la description du Hainaut: ces albums seront
les premiers de sa prestigieuse série.
Marcel
TRICOT.()
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