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LA POLITIQUE SEXUELLE DE REINALDO ARENAS :
Mythes et RĂ©alitĂ©s sur lâHistoire de la RĂ©volution Cubaine
Par Jon Hillson
29 janvier 2001
http://www.blythe.org/arenas.html
"AVANT LA NUIT (BEFORE NIGHT FALLS)" -- avec Javier Bardem, Olivier MartĂnez, Andrea di
Stefano, Johnny Depp, et Michael Wincott. Mis en scĂšne par Julian Schnabel. TirĂ© de lâautobiographie
de Reinaldo Arenas. Grandview Pictures, Fine Line Films, 2000.
LOS ANGELES - Les commentaires autour de "Avant la Nuit", le nouveau film de Julian Schnabel (...)
ont dĂ©butĂ© et nâont pas encore atteint leur apogĂ©e. Le film a remportĂ© le Prix du Jury lâannĂ©e derniĂšre
au Festival du Film de Venise, et le prestigieux American Film Institute lâa nommĂ© Film de lâAnnĂ©e.
La vedette, Javier Bardem, reçut une nomination au Golden Globe pour son portrait du romancier et
poÚte auto exilé cubain Reinaldo Arenas dans ce film tiré de son autobiographie éponyme. Il fut
nominĂ© pour le prix du meilleur acteur au Festival de Venise, ainsi quâau National Board of Review,
National Society of Film Critics, et Southeastern Critics et recevra probablement un Oscar.
Le film, le metteur en scĂšne et lâĂ©quipe ont reçu quatre nominations au Independent Spirit Awards, le
plus grand prix attribué aux films indépendants, et il figure parmi des dix meilleurs films pour plus de
50 critiques aux Etats-Unis.
Le critique de New York Times, Stephen Holden, dans un article sur le film, eut des propos qui
auraient pu figurer en lĂ©gende sur lâaffiche : "par un portrait flamboyant," Ă©crit-il, "et une mise en scĂšne
qui incorpore des extraits de lâĆ uvre de lâĂ©crivain, la biographie de Julian Schnabel sur le poĂšte et
romancier exilé gai cubain Reinaldo Arenas le décrit comme une victime et un martyr de la révolution
de Fidel Castro." David Ansen, de Newsweek, sâextasia sur "un lyrisme et une sensualitĂ© Ă©mouvante -
une attaque dévastatrice contre le régime de Castro."
"Je ne connais pas grand chose Ă la politique," dĂ©clara Schnabel Ă "L.A. WEEKLY", mais " jâai
instinctivement senti que jâavais quelque chose en commun avec (Arenas) - et jâai essayĂ© dâĂȘtre fidĂšle
Ă sa pensĂ©e. A lâĂ©vidence, il sâagit dâune histoire latine - mais câest une dĂ©nonciation du totalitarisme
dans nâimporte quel pays. Câest un film sur la tolĂ©rance."
En réalité, "Avant la Nuit" est une attaque éminemment politique, soignée et sophistiquée, contre la
révolution Cubaine, trahie par le pouvoir dictatorial du tyran omniprésent Fidel Castro. Les erreurs
grossiÚres et les manipulations qui jonchent le film ne font que révéler le narcissisme du sujet
principal, dont Schnabel est tombĂ© si amoureux qu'il nâĂ©prouve aucune rĂ©ticence Ă embellir les faits,
sans considération pour la réalité. Il serait toutefois trop facile de balayer ce film pour ces raisons là .
"Avant la Nuit" pose de sérieuses questions sur la conduite de la Révolution Cubaine. Ces questions
méritent une réponse.
Le film a Ă©tĂ© tournĂ© Ă Merida et Veracruz, au Mexique, avec des insertions Ă partir de films dâarchives.
Schnabel fusionne ces images pour rĂ©aliser une Ć uvre luxuriante, dâune beautĂ© Ă couper le souffle,
esthétique, crue et émouvante - le tout pour créer un Arenas aseptisé. Et si le livre "Avant la Nuit" est
une attaque contre la rĂ©volution, Schnabel trouve quâil manque cependant de souffle dramatique. Pour
y remédier, il insÚre quelques mensonges grossiers supplémentaires pour atteindre son objectif qui
est de dĂ©nigrer tout ce que reprĂ©sente la rĂ©volution cubaine, passĂ© et prĂ©sent. Il nây a rien dâoriginal
dans cette mĂ©thode qui ressemble Ă celle employĂ©e par Arenas, qui avait commencĂ© le livre lorsquâil
se trouvait encore Ă Cuba et lâa terminĂ© sur son lit de mort. (le livre "Avant la Nuit" fĂ»t publiĂ© en anglais
trois ans plus tard). Lâautobiographie dâArenas raconte sa propre histoire ainsi que celle de Cuba, une
histoire rĂ©inventĂ©e et reconstituĂ©e pour ĂȘtre en phase avec sa haine du gouvernement rĂ©volutionnaire
- un sentiment qui nâa pas toujours partagĂ©.
Javier Bardem, un acteur espagnol qui joue le rĂŽle dâArenas Ă l'age adulte et qui fait la voix "off" du
film, sâempare du personnage avec un talent exubĂ©rant en une Ă©vidente sympathie. Il ressemble
Ă©trangement Ă lâĂ©crivain, qui mourut ruinĂ© dans un appartement de Hellâs Kitchen. RavagĂ© par le
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SIDA, Arenas se suicida Ă New York en 1990. Sa "lettre dâadieu", envoyĂ©e et publiĂ©e par la presse
US, exprimait "lâespoir que Cuba sera bientĂŽt libre" et encourageait "le peuple cubain vivant en dehors
du pays ainsi que ceux vivant sur lâĂźle Ă continuer le combat pour la libertĂ©". Sur le site Internet du film
Avant la Nuit
[
http://www.before-night-falls.com/
], la lettre est tronquée pour omettre "la seule
personne" qui, selon Arenas, Ă©tait "responsable" de son suicide - vous lâavez devinĂ© : Fidel Castro.
Bardem comprend la politique qui est en jeu. Dans une interview au magazine INTERVIEW, il déclara
quâil Ă©tait "trĂšs fier" du film parce que celui-ci "parlait de tolĂ©rance" et constituait une critique de
"totalitarisme dans nâimporte quel pays." Schnabel dĂ©crivit le "courage de Bardem pour jouer le rĂŽle
dâArenas, un rĂŽle qui illustre parfaitement lâintolĂ©rance de Castro" parce que lâacteur "est issu dâune
famille de communistes."
Dans le mĂȘme temps, les qualitĂ©s techniques et artistiques du film le placent nettement au-dessus des
films de série B. Le film est estampillé "produit par un Hollywood progressiste" ce qui prouverait de
facto que le film nâest pas rĂ©actionnaire, mais simplement une Ă©tude sur lâindomptabilitĂ© de lâesprit
humain.
Johnny Depp joue le rĂŽle dâun travesti emprisonnĂ© et exĂ©cute une imitation dâun gardien de prison qui
arrache une confession autocritique à un Arenas emprisonné, et demande au poÚte de faire une
fellation sur le canon de son .45 automatique. Quelle importance que la scĂšne soit le fruit de
lâimagination de Schnabel ? Quelle importance que le gardien menace de faire "disparaĂźtre" Arenas sâil
ne signe pas ses aveux, alors que le fait indéniable est - contrairement aux nombreux autres pays qui
peuvent compter sur le soutien militaire et lâenseignement des techniques de torture des Etats-Unis -
quâil nây a jamais eu de "disparitions" Ă Cuba ? Câest juste du Johnny Depp.
Sean Penn incarne un cameo, un paysan qui, contrairement Ă ses frĂšres, ne rejoint pas les rebelles
dans leur combat contre la dictature de Batista. Et Lou Reed et Laurie Anderson ont composé une
musique originale qui évoque la musique cubaine, incluant des morceaux du légendaire Benny Moré.
Vous voyez donc le tableau. Le public visĂ© par le film nâest pas un public de droite, mais un public qui
a, ou qui pourrait avoir, des sympathies pour Cuba.
"Avant la Nuit" reflĂšte la vision dâArenas sur "lâhorrible" rĂ©pression dâĂ©tat, particuliĂšrement contre les
gays. Quelques brĂšves allusions sont faites sur lâinfluence des conseillers soviĂ©tiques, dont la
prĂ©sence symbolise la fin de lâĂ©lan original de la rĂ©volution. Des extraits de films dâactualitĂ© sur Fidel
Castro - et les propos durs du dictateur illustrant des scÚnes de brutalités policiÚres et militaires -
alternent avec des scĂšnes de trahisons et dâautocritiques humiliantes.
Dans un scÚne clé du film, on voit un groupe de personnages dans un appartement en train de
regarder une déclamation à la télé, apparemment par le poÚte primé Heberto Padilla. (son arrestation
en 1971 et sa confession publique sur sa tiédeur envers la révolution est une épisode sombre de la
vie culturelle Ă Cuba.) La scĂšne se termine avec une femme du groupe qui se suicide en se jetant par
la fenĂȘtre. Apparemment, elle faisait partie des Ă©crivains et artistes politiquement incorrects citĂ©s par
Padilla. Encore une invention de Schnabel.
Le temps se bouscule Ă chacune de ces scĂšnes, qui s'enchaĂźnent en faisant fi de tout contexte
historique ou de toute réalité historique.
En premier lieu, les conditions qui ont provoqué la Révolution ne sont pas mentionnées, ou plutÎt,
servent uniquement à illustrer l'affirmation poétique d'Arenas selon laquelle "la splendeur de mon
enfance était unique parce qu'elle était faite de pauvreté absolue mais aussi de liberté absolue ; à l'air
libre, entouré d'arbres, d'animaux, d'apparitions." Voilà ce qui devrait constituer une bonne nouvelle
pour les pauvres paysans dont l'expérience vécue de la surexploitation bucolique devait les
convaincre de soutenir l'Armée Rebelle contre les armes, les tanks et les bombardiers de Batista.
Une scĂšne brĂšve oĂč on voit un Reinaldo adolescent sauter sur un camion rempli de combattants
triomphants Ă HolguĂn est censĂ© apporter du crĂ©dit Ă l'affirmation d'Arenas selon laquelle il "avait
rejoint la guérilla de Castro". Mais se laisser emporter par l'enthousiasme ambiant au moment de la
victoire n'a pas grand chose à voir avec le fait de mener des actions de guérilla ou d'organisation
urbaine - autant de choses qui coĂ»tĂšrent la vie Ă 30.000 civils. Cependant, mĂȘme cette courte scĂšne
de Schnabel est en contradiction avec les propres Ă©crits d'Arenas.
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Lorsque Arenas tenta de se faire enrÎler par l'Armée Rebelle, on lui répondit - comme à tout le monde
- qu'il devait se débrouiller pour obtenir une arme, en tuant un policier de Batista et en récupérant le
sien. Arenas échoua dans sa mission, mais retourna dans les montagnes. Les guérilleros ne
pouvaient pas le renvoyer chez lui Ă HolguĂn oĂč l'attendaient une arrestation et des tortures certaines.
Ils ont autorisé l'adolescent à rester. Arenas écrit qu'il prenait parfois ses repas chez sa tante qui vivait
à cÎté. "Je n'ai jamais pris part à une bataille ; je n'ai jamais assisté à une bataille ; ces batailles
étaient plus une légende qu'une réalité", affirme-t-il. Deux années de bataille révolutionnaire contre la
tyrannie n'Ă©taient, selon Arenas, rien de plus "qu'une guerre des mots".
Cependant, jusqu'en 1968, l'Arenas dâavant l'autobiographie Ă©tait un dĂ©fenseur ardant de la rĂ©volution.
Il fut interviewé en tant que révolutionnaire et poÚte/écrivain largement respecté de la nouvelle
gĂ©nĂ©ration, par Harry King, un journaliste socialiste vĂ©tĂ©ran qui passa trois mois Ă enquĂȘter Ă Cuba
pour le journal The Militant.
Les transformations sociales et économiques à Cuba - de la réforme agraire la plus grande de
l'histoire des Amériques à la nationalisation des ressources aux mains des étrangers - toutes l'oeuvre
d'une mobilisation populaire, sont totalement absentes du film. De la campagne d'alphabétisation
historique, de la création des services médicaux ruraux, de l'abolition de la discrimination raciale
institutionnelle, rien. Le public ne verra que le remplacement d'une tyrannie à peine mentionnée par
une autre tyrannie - désormais dirigée, selon Arenas, par un "dictateur pire que Batista".
Les interventions hostiles de Washington provoquées par les changements révolutionnaires sur l'ßle -
des bandes terroristes grassement financées jusqu'à l'invasion de la Baie des Cochons, la mise en
place du blocus, et la soi-disant crise des missiles - ne trouvent aucun Ă©cho dans l'oeuvre de
Schnabel (co-Ă©crit avec Cunningham O'Keefe et Lazaro GĂłmez CarrĂles, un vieil ami d'Arenas).
La conclusion est évidente : l'ennemi du peuple Cubain se trouve à l'intérieur, porte une barbe et un
uniforme militaire - et non pas aux Etats-Unis.
* * * *
Le bilan de la Révolution Cubaine sur les droits des homosexuels a été la cible d'une campagne de
désinformation depuis des décennies. Des efforts ont déjà été déployés par les ennemis de Cuba qui
voulaient profiter dans les années 60 et 70 des déficiences du gouvernement. Le summum fut atteint
par le film documentaire "Conducta Impropia" de Nestor Almendros en 1984, qui est rempli
d'inventions, de distorsions et de demi-vérités.
Mais la campagne a commencĂ© Ă faiblir devant les changements significatifs qui se produisaient Ă
Cuba. Ce changement fut symbolisé par la sortie du film de Tomas Gutierrez "Fraise et Chocolat" qui
critiquaut les éléments dogmatiques au sein du Parti Communiste Cubain et s'attaquait aux préjugés
anti-gays.
MalgrĂ© cela, on assiste Ă prĂ©sent Ă la sortie "dâAvant la Nuit" qui ressemble Ă version plus branchĂ©e
de "Conducta Impropia" - une tentative de rallumer la croisade anti-Cubaine. Sans surprise. Alors que
les idĂ©ologues d'extrĂȘme droite nient purement et simplement les avancĂ©es irrĂ©futables de la
rĂ©volution, des opposants plus subtils du gouvernement Cubain ont longtemps critiquĂ© la politique Ă
l'Ă©gard des homosexuels pour lancer des attaques plus insidieuses. Cela rend service Ă la campagne
de Washington contre Cuba - sur les soi-disant violations des droits de l'homme - une campagne qui a
commencé dés le premier jour de la révolution et qui n'a jamais cessé depuis.
* * * *
Lâextension des droits des gays cubains au cours de ces quinze derniĂšres annĂ©es - prĂ©cĂ©dĂ©e elle-
mĂȘme encore quinze ans auparavant par l'abolition des contraintes imposĂ©es aux homosexuels - est
un corollaire Ă Cuba Ă lâextension des droits des travailleurs. De plus en plus de tabous sont tombĂ©s
sous lâimpact de multiples dĂ©bats et discussions sur des questions Ă©conomiques, politiques et
culturelles et qui touchent une population de plus en plus large.
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Un retour sur ce processus est indispensable pour ceux qui voudraient comprendre et qui
chercheraient des rĂ©ponses aux questions soulevĂ©es par "Avant la Nuit", particuliĂšrement sâils sont
intĂ©ressĂ©s par la question de lâhomosexualitĂ©.
LA REVOLUTION CUBAINE APPORTE LA LIBERATION
La premiÚre révolution socialiste sur le continent américain avait crée un air de liberté sans précédent
Ă Cuba. Des rĂ©formes radicales - du dĂ©mantĂšlement de la police secrĂšte de Batista Ă lâabolition des
lois racistes - ont déclenché une explosion de créativité dans les arts, la culture, la musique et leur
facilité d'accÚs pour la population. Puisque la priorité était donnée aux travailleurs et aux paysans
pauvres, un mouvement de la libération de la femme fut crée. Il exposa la réalité et défia la légitimité
de lâoppression des femmes, leur citoyennetĂ© de seconde zone, et leur discrimination. La garde
dâenfants devint un droit. Les lois rigides sur le divorce furent radicalement assouplies. En 1963, les
lois interdisant lâavortement furent abolies, et le droit Ă la contraception fut institutionnalisĂ©.
Biens que cette vague de changements ait eu un effet sur la vie des gays et lesbiennes, la RĂ©volution
Cubaine nâa cependant pas pris les mĂȘmes mesures avant-gardistes que les Bolcheviks avaient
prises dans les premiers mois de la Révolution Russe. En fait, il aurait été pratiquement impossible
pour la nouvelle gĂ©nĂ©ration qui accĂ©dait au pouvoir en 1959 dâĂȘtre au courant de ces changements.
LES MESURES AVANT-GARDISTES DE LA REVOLUTION BOLCHEVIQUE
En décembre 1917, le régime soviétique abolit les lois anti-homosexuels réactionnaires de la tyrannie
tsariste. Cette mesure sans prĂ©cĂ©dent fut le rĂ©sultat dâun ensemble de mesures visant Ă Ă©manciper
les femmes. "La relation entre la loi Soviétique et le domaine sexuel est basée ,sur le principe que les
exigences de la vaste majoritĂ© des citoyens doivent correspondre et ĂȘtre en accord avec lâĂ©tat des
connaissances de la science moderne," Ă©crivit le Dr Grigorii Batkis, directeur de lâInstitut Moscovite de
lâHygiĂšne Sociale dans son livre de 1923, la RĂ©volution Sexuelle en Russie.
"La législation soviétique se base sur le principe suivant," indique Batkis, "la non-ingérence absolue
de lâĂ©tat et de la sociĂ©tĂ© dans les affaires sexuelles privĂ©es, tant que personne nâest blessĂ©e et
quâaucune atteinte nâest portĂ©e contre les intĂ©rĂȘts d'une personne - la lĂ©gislation soviĂ©tique traite (les
pratiques homosexuelles) exactement comme les soi-disant relations "naturelles". Toutes les formes
de relations sexuelles relÚvent du domaine privé."
"la rĂ©volution (dâoctobre) nâa rien gardĂ© des anciennes lois despotiques et ouvertement
antiscientifiques ; elle nâa pas suivi la voie de la lĂ©gislation rĂ©formiste bourgeoise qui, avec une
subtilité juridique, préservait la notion de propriété dans le domaine sexuel et qui, en fin de compte,
imposait un deux poids deux mesures Ă la vie sexuelle. De telles lois surgissent toujours en ignorant
la science," expliqua Batkis. Sâappuyant sur la thĂ©orie et la pratique bolchevique, il liait la libĂ©ration de
la femme à l'abolition de la notion capitaliste de propriété, et par conséquence, de la surexploitation
des femmes.
"Aucune sociĂ©tĂ© au monde ne sâest jamais fixĂ©e de tels objectifs, et dont les problĂšmes nâont jamais
été confrontés à une révolution," écrivit Batkis.
RECUL CONTRE-REVOLUTIONNAIRE SUR LES DROITS DES GAYS
La contre-révolution dirigée par Staline qui aboutit à la bureaucratie réactionnaire à la fin des années
20 et au dĂ©but des annĂ©es 30 devait obligatoirement sâen prendre aux aspects les plus progressistes
des lois Soviétiques pour consolider son pouvoir sans partage. Tandis que le régime conservateur
renforçait ses privilÚges en chassant les travailleurs du sphÚre politique, il disloquait les libertés
artistiques et littĂ©raires, reculait sur des conquĂȘtes essentielles pour les femmes, et mettait en place
une politique culturelle et sociale restrictive. Sur lâintervention personnelle de Staline, lâhomosexualitĂ©
fut criminalisée en 1934, prévoyant une peine de cinq ans de prison pour des actes entre adultes
mĂąles consentants. En 1935, afin de renforcer encore plus les normes de la "famille nouvelle", le
gouvernement interdit lâavortement, qui avait Ă©tĂ© lĂ©galisĂ© dĂ©s les premiers mois de la RĂ©volution.
Le cĂ©lĂšbre romancier russe Maxim Gorki, rĂ©duit Ă lâĂ©tat de complice littĂ©raire auprĂšs de la caste
dirigeante, annonça dans un tract financĂ© par lâĂ©tat que "dans les pays fascistes, lâhomosexualitĂ©, qui
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ruine la jeunesse, fleurit sans entraves ; dans un pays oĂč le prolĂ©tariat a conquis avec audace le
pouvoir social, lâhomosexualitĂ© a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e un crime social et sera sĂ©vĂšrement punie." Tout ceci
était appelé à devenir la position "communiste" sur le sujet des gays - un pitoyable simulacre des
préjugés réactionnaires capitalistes, drapés de rhétorique Marxiste.
La pseudoscience Stalinienne affirmait que lâhomosexualitĂ© Ă©tait une manifestation de la "dĂ©cadence
bourgeoise" et de "dĂ©gĂ©nĂ©rescence morale". Freud, qui enseignait que lâhomosexualitĂ© Ă©tait un
phénomÚne sexuel naturel, fut banni. Lors des naissances multiples en URSS, les femmes se
voyaient rĂ©compensĂ©es avec des mĂ©dailles et de lâargent. Jusquâen 1971, le nouvelle version de la
Grande EncyclopĂ©die SoviĂ©tique dĂ©finissait lâhomosexualitĂ© comme "une perversion sexuelle
sâexprimant par une attirance contre-nature entre deux personnes de mĂȘme sexe. Elle peut concerner
les deux sexes. Le droit pĂ©nal en URSS, dans les pays socialistes et mĂȘme certains Ă©tats bourgeois,
prévoient une punition pour homosexualité." Ceci, aprÚs que la révolte de Stonewall à New York en
1969 devint le point de départ du mouvement contemporain de la libération gay.
* * * *
Câest ce genre "dâorthodoxie" que les rĂ©volutionnaires cubains, qui ont grandi dans les annĂ©es 50, ont
connu lorsquâils se sont tournĂ©s vers le Marxisme, dâabord au sein du prosoviĂ©tique Parti Populaire
Socialiste, qui ne sâengagea dans la rĂ©volution que dans la derniĂšre annĂ©e de la guerre
révolutionnaire. Sa direction et plusieurs milliers de cadres composÚrent une partie importante des
diffĂ©rentes organisations rĂ©volutionnaires qui Ă©mergĂšrent lors de la conquĂȘte du pouvoir en 1959,
jusqu'Ă la crĂ©ation du Parti Communiste Cubain en 1965. Ce processus aboutit Ă lâĂ©tablissement de
relations avec lâURSS, la Chine et le "mouvement communiste mondial". Câest Ă travers ce prisme
dĂ©formant quâils analysaient la marche de lâhistoire et prononçaient le mot de la fin aux dĂ©bats en
cours.
Pour arriver à une "conformité avec les conclusions de la science contemporaine," les jeunes
révolutionnaires cubains devaient entreprendre le travail titanesque de débroussailler le "marxisme
officiel" dans tous les domaines pour retrouver les idées et les expériences émancipatrices de la
premiÚre époque du régime soviétique, dirigée alors par le Parti Bolchevique de Lénine. Tous ces
débats riches, tous ces documents, toutes ces résolutions et analyses des événements étaient
recouvertes par la chape de plomb de lâinfaillibilitĂ© des commissaires reprĂ©sentants du "socialisme
rĂ©el". Leurs instructeurs, leurs catĂ©chismes et manuels - avec Ă lâaide de matraques et du bruit des
bottes - ne souffraient aucune remise en cause, encore mois dâopposition.
Ignorant tout des positions les plus avancées et scientifiques tenues par les premiÚres générations de
rĂ©volutionnaires, les militants cubains Ă©mergĂšrent sur une scĂšne internationale oĂč lâhomosexualitĂ©
était sévÚrement réprimée dans le soi-disant monde développé, considéré comme un tabou dans le
tiers-monde et comme un crime contre-nature par ceux qui, au nom du communisme, tenaient les
rĂȘnes du pouvoir dans le reste du monde.
LORSQUE LA REALITE SâIMPOSE A CUBA
Il est illusoire de croire que la révolution cubaine pouvait à cette époque surmonter seule de tels
obstacles internationaux et historiques. De plus, certains - soit par ignorance, par démagogie ou les
deux Ă la fois - identifiaient lâhomosexualitĂ© masculine Ă la pornographie et Ă la prostitution, qui Ă©taient
endĂ©miques Ă La Havane avant la rĂ©volution. Le sexe gay illĂ©gal faisait partie de lâindustrie de la
prostitution qui exploitait par ailleurs 100.000 femmes (sur une population de 6 millions) au service du
tourisme, ce qui faisait de la Havane le plus grand bordel des CaraĂŻbes. Et le business du sexe
sâintĂ©grait parfaitement aux entreprises de jeux, aux casinos et traffics de drogue qui ravageaient
Cuba.
Il faudra du temps, et des luttes, pour dĂ©mĂȘler les contradictions entre le contenu profondĂ©ment
progressiste des changements apportĂ©s par les actions collectives du peuple cubaine, dâune part, et
lâhomophobie, d'autre part. Ce phĂ©nomĂšne sâappuyait sur un mĂ©lange dĂ©tonnant de machisme local
(ancrĂ© dans les relations sociales et Ă©conomiques du capitalisme colonial) et lâarriĂ©ration culturelle
quâil produisait, (renforcĂ©e par une Ă©glise rĂ©actionnaire et le mysticisme de lâĂ©glise catholique) - le tout
renforcé par la tutelle "scientifique" de Moscou.
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Tout en reconnaissant quâun "homosexuel" pouvait avoir "des idĂ©es politiques correctes", Fidel Castro
dĂ©clara au journaliste Lee Lockwood en 1965 (interview publiĂ©e sous forme de livre intitulĂ© "Castroâs
Cuba, Cubaâs Fidel") "nous ne pensons pas quâun homosexuel pourrait rĂ©unir les conditions et tenir la
conduite indispensable pour ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un vĂ©ritable rĂ©volutionnaire, un vĂ©ritable
communiste. Une dĂ©viation de cette nature entre en conflit avec lâidĂ©e que nous nous faisons dâun
militant communiste."
"mais par-dessus tout," continua le dirigeant cubain, "je ne crois pas que quiconque ait une réponse
dĂ©finitive aux causes de lâhomosexualitĂ©. Je crois quâil faut examiner trĂšs soigneusement la question.
Mais je serai franc et je dirai que les homosexuels ne devraient pas pouvoir accéder à des positions
oĂč ils pourraient exercer une influence sur des jeunes."
Le dirigeant cubain situa son argumentaire dans le contexte "des conditions dans lesquelles nous
nous trouvons" - lâimpact de la Baie Cochons et de la Crise des Missiles Ă©tait encore prĂ©sent - et la
nĂ©cessitĂ© "dâinculquer Ă notre jeunesse un esprit de discipline, de lutte, de travail. Cette attitude peut
ou ne pas ĂȘtre correcte, mais câest notre sentiment."
UNITES MILITAIRES DâAIDE A LA PRODUCTION
En 1965, le gouvernement cubain inaugura les UnitĂ©s Militaires dâAide Ă la Production (UMAP), que le
film "Avant la Nuit" mentionne pour parler de rafles anti-gays et dâemprisonnement. Les soldats
cubains et la police y emmenÚrent des milliers de "délinquants", depuis les gays et les lesbiennes
jusquâaux TĂ©moins de Jehova, pour les faire travailler dans les champs et satisfaire Ă leurs obligations
militaires tous ceux que le gouvernement considĂ©rait comme inaptes Ă intĂ©grer lâarmĂ©e rĂ©guliĂšre. Les
tĂąches accomplies dans les UMAP consistaient essentiellement rĂ©colter la canne. Contrairement Ă
dâautres initiatives du gouvernement, les media nâont pas fait grand bruit autour des UMAP.
NĂ©anmoins, le programme provoqua une vague de protestations de lâUnion Nationale des Artistes et
Ecrivains (UNEAC), ainsi que dâimportants alliĂ©s internationaux de la rĂ©volution.
Les Cubains interviewés en 1970 et 1971 par le pÚte Nicaraguayen Ernesto Cardenal dans son
magnifique livre "In Cuba" ("à Cuba" - dédié au "Peuple Cubain et à Fidel") parlaient librement de
lâopposition aux UMAP et plusieurs exprimĂšrent leur point de vue sur leur abolition en 1967. "Jây Ă©tais",
raconte un jeune milicien, poĂšte, Ă Cardenal, "non pas en tant que prisonnier, mais en tant que
gardien. Oui, un gardien. Jâai vu lâenvers du dĂ©cor, mais nous ne faisions que monter la garde. Ils ont
racontĂ© Ă Fidel ce qui sây passait. Une nuit, nous sommes entrĂ©s clandestinement dans le camp, dans
un de ces hamacs pour voir comment les prisonniers étaient traités. Les prisonniers dormaient dans
des hamacs. Ils Ă©taient fouettĂ©s avec les Ă©tuis des sabres sâils ne se levaient pas. Les gardiens
coupaient les cordes de leurs hamacs. Lorsquâun garde a levĂ© son sabre, il sâest retrouvĂ© face-Ă -face
avec Fidel. Il est pratiquement tombĂ© raide mort." Le jeune homme dĂ©crivit dâautres abus constatĂ©s
par Fidel. "Ca, câest encore un exploit de Fidel," dit-il. "Fidel est lâhomme des visites inattendues."
Castro, raconte le milicien Ă Cardenal, "supprima" les camps. "Mais personne nâen parle."
Un autre jeune qui a servi dans un camp explique que malgrĂ© lâexpĂ©rience, "nous qui Ă©tions Ă
lâintĂ©rieur de lâUMAP avons dĂ©couvert que lâUMAP Ă©tait dissociable de la RĂ©volution. Nous nous
sommes dits : nous nâallons pas quitter Cuba, nous allons rester et corriger ce qui ne va pas. Au bout
de trois ans, et aprĂšs un discours de Fidel, lâUMAP fut fermĂ©e."
Un "jeune rĂ©volutionnaire marxiste" raconta une histoire Ă Cardenal. "On confisqua la carte dâidentitĂ©
et tout autre Ă©lĂ©ment dâidentification Ă cent jeunes militants de la Jeunesse Communiste qui furent
ensuite envoyĂ©s comme prisonniers Ă lâUMAP, pour voir comment ils seraient traitĂ©s. CâĂ©tait un
programme trĂšs secret. MĂȘme leurs familles nâĂ©taient pas au courant du plan. AprĂšs, les jeunes ont
racontĂ© ce quâils ont vu. Et ils ont fait fermer lâUMAP."
"Nous considĂ©rons que lâUMAP reprĂ©sente un chapitre noir de lâhistoire cubaine," dĂ©clara Monika
Krause, une des premiÚres sexologues de Cuba révolutionnaire, à la revue "Gay Community News"
de Boston en 1984. "CâĂ©tait lâexpression dâune ignorance et dâune aversion irraisonnĂ©e envers
lâhomosexualitĂ© - nous pensions quâil Ă©tait du devoir de notre systĂšme de corriger les attitudes qui ont
abouti Ă la crĂ©ation de lâUMAP. Parce que nous sommes une sociĂ©tĂ© socialiste, il ne peut y avoir de
discrimination."
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LA "REVOLUTION SEXUELLE" DâARENAS
En contraste, Arenas affirme dans le film que son groupe combattait la répression par "le sexe".
Dans son livre, il dĂ©crit une conversation avec un compagnon - aprĂšs un voyage Ă lâĂźle des Pins, oĂč il
prĂ©tend avoir entretenu des relations sexuelles avec "tout un rĂ©giment" - oĂč les deux "font lâinventaire
du nombre dâhommes avec lesquels ils avaient couchĂ© ; câĂ©tait en 1968. Je suis arrivĂ© Ă la conclusion,
aprĂšs des calculs mathĂ©matiques compliquĂ©s, que jâavais eu des relations avec environ cinq mille
hommes." Son partenaire arriva Ă un chiffre similaire. Ils nâĂ©taient pas les seuls Ă ĂȘtre "emportĂ©s par
cette rage Ă©rotique, tout le monde lâĂ©tait ; les recrues (des forces armĂ©es) qui passaient des mois dans
lâabstinence, et tout la population" (et tout ceci alors quâun soi-disant pogrom anti-homosexuel balayait
l'Ăźle de Cuba.)
"Je pense", écrivit Arenas, "que le révolution sexuelle surgit en riposte à la répression sexuelle." Par
une telle phrase, Arenas lance une pique politique. Le fait est quâelle est fausse Ă tous points de vue.
LâEMANCIPATION DES FEMMES
La rĂ©volution sexuelle Ă Cuba dĂ©buta avec la lutte pour lâĂ©mancipation des femmes aprĂšs des siĂšcles
dâoppression, dâexploitation et dâarriĂ©ration gĂ©nĂ©rĂ©es par le colonialisme et la dĂ©pendance du pays au
mĂ©tropole impĂ©rial. Le point de dĂ©part de ce processus fut lâeffort dĂ©ployĂ© pour incorporer les femmes
dans la vie active ; le travail des femmes jusquâen 1959 se rĂ©sumait principalement au travail
domestique ou Ă la prostitution dans les salles de jeux et les bordels tenus par des investisseurs Ă©tats-
uniens et la Mafia. LâindĂ©pendance Ă©conomique des femmes commençait par leur libĂ©ration du
mariage obligatoire et leur isolement et oppression au foyer, lieu de travail "gratuit".
Dans ce contexte, le nouveau gouvernement abolit le commerce du sexe, ferma les bordels et
inaugura un programme spécial pour éduquer et former les prostituées cubaines à un véritable métier.
La pornographie fut bannie et lâest encore aujourdâhui. Le divorce fut facilitĂ© et le contrĂŽle des
naissances (comme la médecine en général) devint gratuit. De plus en plus de couples concubins se
formaient en parallÚle aux couples mariés et le gouvernement traitaient leurs enfants - comme ceux
des familles monoparentales - Ă Ă©galitĂ©. Aujourdâhui, aucun enfant ne naĂźt Ă Cuba avec une Ă©tiquette
"né hors des liens du mariage". Ce concept réactionnaire fut remplacé par celui d'une responsabilité
sociale de prendre soin des enfants, accompagnée par des conditions matérielles et une conscience
qui abolirent lâidĂ©e que la femme, lâĂ©pouse et les enfants Ă©taient la propriĂ©tĂ© des mĂąles.
Le regain de confiance des femmes cubaines était illustré par leur participation croissante aux
missions internationalistes, depuis les cours dâalphabĂ©tisation dans les montagnes du Nicaragua face
aux menaces de la "contra" jusquâaux combats en Afrique contre les troupes de lâApartheid.
Aujourdâhui, les femmes composent plus de la moitiĂ© des 1.1 millions membres des Milices
Territoriales, lâorganisation de dĂ©fense nationale de Cuba. Les anciennes structures inhibitrices et
stĂ©rĂ©otypĂ©es ont commencĂ© ainsi Ă sâeffondrer. De fait, les actes de violence contre les femmes,
basĂ©s sur des siĂšcles dâoppression, telles que les viols et les violences physiques, ont baissĂ© et sont
nettement infĂ©rieurs que dans nâimporte quel autre pays.
La lutte pour lâĂ©galitĂ© des femmes est appuyĂ©e par la rĂ©volution et menĂ©e dans le contexte de
lâĂ©mergence dâune nouvelle Ă©thique de solidaritĂ© humaine dans la construction dâune sociĂ©tĂ© libre. Elle
constitue un sous-ensemble, une extension, de la lutte qui a démarré dans les montagnes de la Sierra
Maestra et qui vise Ă la libĂ©ration du pays et Ă lâĂ©mancipation des hommes et des femmes. Cet effort
permanent fut accompagnĂ© par la science et lâĂ©ducation dans son combat contre les prĂ©jugĂ©s - y
compris dans le domaine sexuel.
Dans leur lutte pour lâĂ©galitĂ©, les femmes cubaines et leurs alliĂ©s se sont inĂ©vitablement confrontĂ©s Ă
une rĂ©sistance sur des questions allant de lâemploi dans des postes traditionnellement rĂ©servĂ©s aux
hommes et le "double fardeau" du travail et des tĂąches mĂ©nagĂšres, jusquâaux libertĂ©s sexuelles. "La
participation des femmes à la révolution était une révolution dans la révolution", déclara Fidel Castro
lors dâune rĂ©union de la FĂ©dĂ©ration des Femmes Cubaines en 1966, "et si on nous demandait quelle
Ă©tait lâaspect le plus rĂ©volutionnaire de cette rĂ©volution, nous rĂ©pondrions que câest prĂ©cisĂ©ment cela -
la révolution des femmes dans ce pays."
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Au sein de tant de luttes et de mobilisations politiques, de nouvelles valeurs se forgeaient dans le
processus de transformation de la société - objectif déclaré des dirigeants de la révolution. Il en
rĂ©sulta lâĂ©mergence dâune morale qui surpasse largement "lâĂ©thique" qui gouverne les relations
humaines dans dâautres pays. Câest sont les avancĂ©es accomplies sur ces principes fondamentaux
qui serviront de base Ă lâĂ©largissement des droits des gays. (De nombreux dĂ©fis relevĂ©s par les
femmes et réalisés au début de la révolution sont décrits dans le livre "Women and the Cuban
RĂ©volution - Les Femmes et la RĂ©volution Cubaine" dâElizabeth Stone, qui prĂ©sente de nombreux
discours et documents, et "Cuban Women Now - les Femmes Cubaines Aujourdâhui", par Margaret
Randall, qui présente un ensemble de témoignages personnels.) Il est évident que la lutte pour
lâĂ©mancipation des femmes nâest pas terminĂ©e. Mais elle est menĂ©e par un peuple dotĂ© dâun niveau
de conscience plus Ă©levĂ© que dans nâimporte quel autre pays au monde.
LA PROMISCUITE CONTRE LâEGOISME
Pour Arenas, la lutte pour la libĂ©ration des femmes nâa jamais existĂ©. Dâinnombrables relations
sexuelles (dans son cas, entre hommes) - avec comme seul critÚre la quantité - est une idée souvent
défendue par les autoproclamés avocats de la "révolution sexuelle". Une telle définition vide le
concept du toute substance historique et ramÚne son aspect social révolutionnaire à une recherche
permanente dâassouvissement sexuel individuel comme un but essentiel dans la vie. Il nây a rien de
progressiste lĂ -dedans - il sâagit dâune simple rĂ©ponse d'ordre pornographique Ă une rĂ©pression
sexuelle qui déshumanise à la fois les hommes et les femmes, hétérosexuels ou non. Contrairement
au poĂšte William Blake, le "chemin de lâexcĂšs" ne mĂšne pas "au royaume de la sagesse". Les
consĂ©quences dâune telle attitude sont dĂ©crits par lâĂ©mouvant documentaire de Randy Shilt sur la
pandémie du SIDA, "And the Band Played On".
Le credo sexuel dâArenas Ă©tait aux antipodes de lâĂ©lĂ©ment central que la rĂ©volution tentait dâinculquer
aux hommes et femmes libres qui découvraient leurs talents et leurs capacités à résoudre des
problĂšmes complexes - de lâĂ©goĂŻsme. La libĂ©ration sexuelle, libĂ©rĂ©e des entraves posĂ©es par des
normes rĂ©pressives, doit dâabord sâaffranchir de lâaliĂ©nation et du fĂ©tichisme exagĂ©rĂ© qui dĂ©finissent le
sexe et la sexualité.
LES ORIGINES DE LâIDEOLOGIE SEXISTE
LâidĂ©ologie patriarcale, imposĂ©e pendant des millĂ©naires, trouve ses origines dans le triomphe des
hommes sur les femmes dans la bataille pour le surplus produit par la société. Cette défaite historique
de la matriarchie plaça la famille au centre du dĂ©veloppement de la propriĂ©tĂ© privĂ©e et de lâĂ©tat -
comme le dĂ©crit Friedrich Engels dans "L'origine de la famille, de la propriĂ©tĂ© privĂ©e et de l'Ătat
".
"(Donc, ce que) nous pouvons conjecturer aujourd'hui de la maniĂšre dont s'ordonneront les rapports
sexuels aprÚs l'imminent coup de balai à la production capitaliste est surtout de caractÚre négatif, et
se borne principalement à ce qui disparaßtra, " écrivit Engels. " Mais quels éléments nouveaux
viendront s'y agréger ? Cela se décidera quand aura grandi une génération nouvelle: génération
d'hommes qui, jamais de leur vie, n'auront Ă©tĂ© Ă mĂȘme d'acheter par de l'argent ou par d'autres
moyens de puissance sociale l'abandon d'une femme; gĂ©nĂ©ration de femmes qui jamais n'auront Ă©tĂ© Ă
mĂȘme de se donner Ă un homme pour quelque autre motif que l'amour vĂ©ritable, ou de se refuser Ă
celui qu'elles aiment par crainte des suites Ă©conomiques de cet abandon. Quand ces gens-lĂ
existeront, du diable s'ils se soucieront de ce qu'on pense aujourd'hui qu'ils devraient faire; ils se
forgeront Ă eux-mĂȘmes leur propre pratique et crĂ©eront l'opinion publique adĂ©quate selon laquelle -ils
jugeront le comportement de chacun - un point, c'est tout."
[ NDT : jâai rien compris. Traduction extraite de lâadresse suivante
http://www.marxfaq.org/francais/engels/works/1884/00/fe18840000h.htm
]
Le mariage renud obligatoire pour des raisons économiques, la réduction du rÎle de la femme dans le
travail domestique non rémunéré et les tùches "matériels", et sa domination par le patriarche
constituent la base concrĂšte de lâidĂ©ologie sexiste - une idĂ©ologie qui fait obligatoirement fi de
lâhomosexualitĂ©. Câest le degrĂ© de conscience sur ces questions et la maniĂšre de les confronter qui
dĂ©terminent le degrĂ© dâĂ©mancipation de la "rĂ©volution sexuelle" qui Ă©mergera inĂ©vitablement dâune
lutte plus large et plus décisive pour renverser le capitalisme et commencer la construction du
socialisme.
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ARENAS REINVENTE
"La vie et la mort de Reinaldo Arenas furent guidées par trois passions," écrivit avec emphase
lâĂ©crivain anticommuniste Guillermo Cabrera Infante dans le quotidien espagnol El Pais, dans une
critique du livre "Avant la Nuit". Ce sont "la littérature (non pas comme un jeu, mais comme un feu
intérieur), le sexe passif, et le militantisme (active politics). Des trois, la passion dominante était
Ă©videmment le sexe. Non seulement dans sa vie, mais aussi dans son travail. Il Ă©tait le chroniqueur
dâun pays gouvernĂ© non pas par le dĂ©jĂ impuissant Fidel Castro, mais par le sexe - il vĂ©cut une vie
dont le dĂ©but ressemblait Ă la fin : dĂšs le dĂ©but, un long et permanent acte sexuel." Comme dâautres
qui rejettent Cuba, Cabrera Infante fait une fixation sur la personnalité de Fidel Castro pour nier la
base populaire de la révolution sans qui Fidel, et les autres dirigeants, auraient été renversés il y a
bien longtemps. InterviewĂ© dans le film "Conducta Impropria" , il affirma que le sort rĂ©servĂ© aux gays Ă
Cuba Ă©tait comparable Ă lâextermination des Juifs par les Nazis Ă Auschwitz.
Mais tandis quâArenas se complaisait Ă vanter ses exploits sexuels, Schnabel, conscient des critiques
quâun tel comportement pouvait attirer, se livre Ă une pirouette de mise en scĂšne pour embellir le
comportement dâArenas. Il remplace les relations frĂ©nĂ©tiques et anonymes de lâĂ©crivain par une jolie
sensualitĂ© torride teintĂ©e dâinnocence rurale.
ARENAS COMME ECRIVAIN
En 1963 fĂ»t publiĂ© le roman primĂ© dâArenas, "Le Puits" [ NDT - en anglais "
Singing from the Well
" ;
en espagnol "Cantando en el poso" (1982), originalement publié sous le titre "
Celestino antes del alba
(1967
)â selon Wikipedia ]. Ce livre est encore disponible Ă Cuba. Son livre avait Ă©tĂ© favorablement
acueilli par Alejo Carpentier, figure clĂ© Ă lâĂ©poque dâune Ă©cole littĂ©raire Ă©mergente appelĂ©e ârĂ©alisme
magiqueâ, dont lâoeuvre influença et annonça Gabriel GarcĂa MĂĄrquez. Mais contrairement Ă
Carpentier, Arenas se positionna dans un trajectoire de confrontation directe non seulement avec les
erreurs de la révolution, mais aussi avec la lutte de libération du peuple Cubain qui pouvait corriger
ces erreurs. Si Arenas avait Ă©tĂ© capable de sâintĂ©grer dans ce processus complexe, son talent -
dĂ©montrĂ© dans des Ć uvres telles que "Rosa", qui rappelle le jeune GarcĂa MĂĄrquez et lâexceptionnel
romancier portugais JosĂ© Saramago - aurait pu ĂȘtre vaccinĂ© contre le poison de lâamertume obsessive
qui imprĂ©gnera et dĂ©formera ses Ć uvres futures. Il Ă©tait incapable de comprendre que, comme lâa
dĂ©clarĂ© le jeune cubain Ă Ernesto Cardenal, "lâUMAP Ă©tait dissociable de la RĂ©volution. Nous nous
sommes dits : nous nâallons pas quitter Cuba, nous allons rester et corriger ce qui ne va pas".
EXEMPLES DE RESISTANCES ET DâABANDONS
La vie et le statut de José Lezama Lima, auteur de ce qui est probablement le plus grand roman
cubain, "Paradiso", et qui fut vilipendĂ© par certains en 1960 pour "dissidence", et lâhomosexualitĂ©
lyrique sous-jacente de lâĆ uvre, constitue une alternative Ă Arenas, malgrĂ© les efforts du film pour le
décrire comme un cosmopolite ennemi de la révolution. Lezama Lima, qui était gay, défendit le
gouvernement Cubain et Castro devant Ernesto Cardenal en 1970, tout en expliquant quâil nâĂ©tait pas
un "animal politique". Il demeura Ă la Havane jusquâĂ sa mort. Un jeune membre du MinistĂšre des
Relations ExtĂ©rieures de Cuba mâa racontĂ© lâannĂ©e derniĂšre quâil avait lu, en compagnie dâautres
Ă©tudiants en littĂ©rature cubaine, le livre de Lezama au lycĂ©e. "Câest mon roman prĂ©fĂ©rĂ©", mâa-t-il dit.
Paradiso "nâa jamais Ă©tĂ© censurĂ©," a dĂ©clarĂ© le cinĂ©aste cubain TomĂĄs GutiĂ©rrez Alea Ă la revue
Cineaste en 1995. "Ce qui sâest passĂ© aprĂšs la publication du livre fut que celui-ci fĂ»t retirĂ© parce quâil
y avait un chapitre entier contenant des rĂ©fĂ©rences Ă lâhomosexualitĂ©. Un tel acte de censure Ă©tait
idiot. Néanmoins, le livre a finalement été remis en circulation."
Pablo Armando Fernåndez, qui "confessa" ses déviations idéologiques durant l'affaire Padilla, et qui
fut privĂ© pour un temps du droit de publier sa poĂ©sie â il dut se convertir au mĂ©tier dâimprimeur pour
survivre - refusa lui aussi dâabandonner le navire. Aujourdâhui, il est le laurĂ©at des plus hautes
rĂ©compenses de poĂ©sie Ă Cuba, et il dĂ©fend la souverainetĂ© de son pays dans les confĂ©rences quâil
donne aux Etats-Unis.
Dâun autre cĂŽtĂ©, Padilla Ă©migra aux Etats-Unis en 1979 et devint la marionnette des propagandistes
anti-cubains. Ceci inclut sa participation Ă "Conducta impropria" . Dans ce film, Padilla va jusquâĂ se
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ridiculiser en accusant "les dirigeants cubains" qui, tout en persécutant les "hommes gays", évitaient
de harceler les lesbiennes parce quâelles "les excitent. Rien nâexcite plus le cerveau primitif dâun
cubain que deux femmes au lit."
IDENTIFIER ET ANALYSER LES ERREURS
MalgrĂ© le dĂ©part de Padilla et son virage Ă droite, les mauvais traitements dont il a fait lâobjet - comme
pour dâautres intellectuels et artistes - furent condamnĂ©s par les dirigeants cubains. Abel Prieto, dans
une interview accordĂ©e Ă la revue cubaine "Contrapunto" alors quâil Ă©tait le prĂ©sident de lâUNEAC (le
syndicat des artistes et Ă©crivains) et le plus jeune membre du Politburo du Parti Communiste,
sâexprima en ces termes : "Je suis convaincu que lâaffaire Padilla fut une erreur," et qualifia lâexilĂ© de
"bon poĂšte".
"La fameuse autocritique de Padilla fut un piÚge ridicule dans lequel sont tombés les camarades
impliqués dans cette affaire. Il y eut des gens trÚs courageux, révolutionnaires et intellectuels qui ont
cru Ă cette mise en scĂšne, cette autocritique," souligna Prieto. En parlant dâun documentaire tournĂ© Ă
lâĂ©poque sur ces Ă©vĂ©nements, et qui saluait ces confessions, Prieto qualifia le film de "trĂšs triste, parce
que câĂ©tait une sorte de caricature des procĂšs de Moscou". Le mot clĂ© ici est "caricature". En effet, si
un rĂ©gime "Ă la Moscovite" avait rĂ©ellement existĂ© Ă la Havane, Cuba serait aujourdâhui une Bulgarie
tropicale et lâHistoire aurait Ă©tĂ© tout Ă fait diffĂ©rente, et le monde dans une situation plus difficile. Le
film, souligna Prieto, Ă©tait en rĂ©alitĂ© lâexpression dâune " bouffonnerie ". CâĂ©tait un Ă©talage de mesures
imposées par un secteur bureaucratique sans scrupules et réactionnaire déterminé à éloigner les
travailleurs de la politique et consolider leurs propres vies confortables en abandonnant la solidarité
internationale. Câest prĂ©cisĂ©ment parce que Cuba nâa jamais Ă©tĂ© une "satellite" de lâURSS - au grand
dam de Washington - que sa direction fut capable de mener la lutte contre les déviations et ramener la
révolution sur son chemin initial.
Prieto est actuellement le Ministre de la Culture Ă Cuba.
Dans le film "Avant la Nuit", une voix "off" sâexprime - censĂ©e ĂȘtre celle de Fidel Castro - pour justifier
les mauvais traitements. Le narrateur anonyme rĂ©cite les paroles dâun discours de Castro, devant des
intellectuels Cubains de lâĂ©poque, et dit "dans la rĂ©volution, tout ; hors de la rĂ©volution, rien." En fait, le
dirigeant Cubain a dit quelque chose de bien différent : "contre la révolution, rien."
Cette derniĂšre idĂ©e a toujours fait lâobjet dâune constante Ă©laboration, de mise en pratique et de dĂ©bat
- le tout dans un environnement dâhostilitĂ© permanente de la part des Etats-Unis qui nâa jamais faibli
avec le temps.
UN PAS EN ARRIERE
En 1970, trois ans aprÚs le meurtre de Che Guevara en Bolivie et le déclin du mouvement
révolutionnaire en Amérique latine qui en résulta, la direction centrale de Cuba était incapable de
remplir sa promesse de mobiliser suffisamment la population pour obtenir une récolte de sucre de 10
millions de tonnes, chiffre qui sâest rĂ©vĂ©lĂ© utopique. Ce revers pour le rĂ©gime modifia lâĂ©quilibre
politique en défaveur de ceux menés par Fidel Castro et en faveur de ceux qui préconisaient
lâĂ©tablissement de relations Ă©conomiques privilĂ©giĂ©es avec Moscou. Cette dĂ©cision, et tout ce qui
découlait de cette relation sur le plan politique et culturelle, eut des conséquences inattendues. Peu
aprĂšs, Cuba abandonna son plan dâautosuffisance alimentaire pour intĂ©grer le Conseil dâAssistance
Economique Mutuelle, qui fĂ©dĂ©rait les plans Ă©conomiques de lâURSS et des pays du pacte de
Varsovie.
Câest dans ce contexte que sâest tenu en 1971 le premier CongrĂšs National sur lâEducation et la
Culture et que se produisit - ce nâest pas un hasard - lâarrestation de Heberto Padilla. A lâextĂ©rieur de
Cuba, des partisans de la rĂ©volution protestĂšrent, comme Carlos Fuentes, Gabriel GarcĂa MĂĄrquez et
Jean-Paul Sartre. Ceux-lĂ se dĂ©marquĂšrent dâautres intellectuels et Ă©crivains qui invoquĂšrent
lâinjustice commise pour rompre avec la rĂ©volution.
Dans sa résolution la plus marquante, le CongrÚs déclara "le caractÚre pathologique social des
déviations homosexuelles est reconnu. Il est convenu que toutes les manifestations de déviations
homosexuelles doivent ĂȘtre fermement rejetĂ©es et leur expression limitĂ©e." Cette proclamation
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encouragea la négation aux gays de tout emploi dans une institution qui pouvait influencer les jeunes.
De mĂȘme, le CongrĂšs dĂ©clara que les gays ne pouvaient pas "reprĂ©senter Cuba" Ă lâĂ©tranger.
Cette prise de position provoqua des protestations dâartistes, d'Ă©crivains et d'autres Cubains ainsi que
des partisans de Cuba Ă lâĂ©tranger dont le caractĂšre rĂ©volutionnaire ne pouvait ĂȘtre mis en doute.
Joseph Hensen, dirigeant vétéran du Socialist Workers Party ( Etats-Unis ) qui dÚs le début diffusait
assidûment des informations sur le déroulement de la révolution et lutta pour renforcer la solidarité,
Ă©crivit que "la mise au pilori des homosexuels" Ă©tait "un mauvais signe" sur lâexistence de problĂšmes
plus profonds mais pas insurmontables. (introduction Ă son recueil dâessais de 1978,
The Dynamics of
the Cuban Revolution: A Marxist Appreciation)
Un jour, je me promenais dans les rues de la Havane par une journĂ©e torride du mois dâaoĂ»t. Jâai
cherchĂ© Ă me protĂ©ger de lâhumiditĂ© Ă©touffante en me rĂ©fugiant dans le hall dâentrĂ©e climatisĂ© de
lâambassade TchĂ©coslovaque. En entrant, je suis tombĂ© nez Ă nez avec un Ă©talage de
"déviationnisme idéologique" - une formule effrayante créée par la bureaucratie Soviétique et qui
consistait Ă faire des amalgames, Ă stigmatiser et Ă mettre hors la loi toute une panoplie dâennemis, Ă
la fois réels et imaginaires. Devant moi, dans un présentoir vitré, se trouvaient les preuves, fournies
par le MinistĂšre de lâIntĂ©rieur Cubain : une copie de "la RĂ©volution Trahie" de Trotski, un magazine
dâĂ©rotisme homosexuel, et un tract Sioniste. MalgrĂ© la fraĂźcheur du hall dâentrĂ©e, jâĂ©tais seul.
A lâextĂ©rieur, de nombreux Cubains Ă©taient prĂ©occupĂ©s par les menaces rĂ©pĂ©tĂ©es de Moscou Ă
lâĂ©gard de mouvement polonais SolidaritĂ©. "Nous sommes contre une intervention", mâont dit de
nombreux cubains, prĂ©occupĂ©s par lâĂ©ventualitĂ© de reprĂ©sailles Ă©tasuniennes.
LE TRAJECTOIRE DâARENA
Le deuxiĂšme roman dâArenas, malgrĂ© les louanges dĂ©cernĂ©es par lâUNEAC, fut interdit de publication,
sauf si les rĂ©fĂ©rences Ă lâhomosexualitĂ© Ă©taient expurgĂ©es. Arenas refusa et commença Ă sortir ses
livres clandestinement de Cuba. En 1973, il fut arrĂȘtĂ© pour atteinte Ă la pudeur envers un mineur, quâil
nia.
Dans le film, cet événement est décrit sans aucun fondement comme un piÚge tendu contre le chaste
Arenas. Cependant, dans ses mĂ©moires, Arenas parle dâune occasion oĂč lui et ses amis "eurent des
relations sexuelles avec des jeunes." Il est emprisonnĂ©, mais il sâĂ©vade et se retrouve fugitif.
Les proclamations dâArenas, qui deviennent de plus en plus antirĂ©volutionnaires, ainsi que ses
relations avec des ambassades Ă©trangĂšres par lesquelles il fait passer ses manuscrits Ă lâĂ©tranger
amÚnent le gouvernement cubain à le déclarer comme un agent au service des Etats-Unis.
Il est arrĂȘtĂ© de nouveau. Son emprisonnement est montrĂ© dans le film dans un dĂ©cor imaginĂ© par
Hieronymus Bosch. Arenas signe des aveux - grĂące Ă la persuasion de Johnny Depp - et se retrouve
libre. Ensuite, le film passe rapidement en revue sa vie dans un squat, en compagnie dâautres
Cubains mĂ©contents, jusquâen 1980 et lâexode de Mariel oĂč quelques 125.000 cubains partirent pour
les Etats-Unis. Dans le film, les dix années suivantes sont résumées en quelques secondes.
LâarrivĂ©e dâArenas et ses expĂ©riences Ă Miami - briĂšvement racontĂ©es dans le livre - sont entiĂšrement
absents du film. Peut-ĂȘtre parce quâil pensait que la ville Ă©tait "une caricature de Cuba, du pire de
Cuba". Pour lui, si Cuba Ă©tait un "enfer", Miami Ă©tait un "purgatoire". Ddes propos qui, en plus de son
homosexualitĂ© dĂ©clarĂ©e, ne lui attiraient pas les sympathies de lâextrĂȘme droite du Sud de la Floride.
Arenas se servira de cette antipathie pour rĂ©pandre le mythe quâil nâĂ©tait "ni de gauche, ni de droite",
comme si ses préférences sexuelles lui permettaient de transcender tout jugement basé sur le
contenu politique de ses actes.
AprĂšs sâĂȘtre installĂ© Ă New York, Arenas se lança dans lâorganisation dâactions contre la rĂ©volution
cubaine. Ses propres conférences en font partie, sa collaboration avec Nestor Almendros dans
"Conducta Impropria" et sa participation à des campagnes de pétitions dénonçant la "dictature
Castriste". Toutes ces actions, largement décrites dans ses mémoires, sont absentes du film.
Son roman
The Brightest Star
["lâĂ©toile la plus brillante" ] fut publiĂ© en anglais en 1984. Il est dĂ©diĂ© Ă
son ami, Nelson RodrĂguez Leyva qui, en 1971, dĂ©goupilla une grenade qui nâa pas explosĂ© dans un
avion de ligne Cubain en vol vers les Etats-Unis. ArrĂȘtĂ©, celui-ci fut jugĂ© et exĂ©cutĂ©. Arenas salua son
action armĂ©e. "Je pense souvent Ă ce moment oĂč, grenade Ă la main, au dessus de cette Ăźle avec ses
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camps de concentration et ses prisons, Nelson, dans le ciel, se sentait enfin libre, peut-ĂȘtre pour la
premiĂšre fois dans sa courte vie." Ă©crivit Arenas, en parlant de son ami.
FIN TRAGIQUE
Lâauteur Arenas fait un rapide compte-rendu des dix derniĂšres annĂ©es de sa vie aux Etats-Unis, une
rĂ©pĂ©tition malheureuse de celle quâil a vĂ©cue Ă Cuba : dâinnombrables relations sexuelles anonymes,
des rencontres imaginaires avec des "sorciĂšres", des diatribes obsessionnelles contre Fidel Castro,
une dérision sans relùche contre les figures de la littérature internationale - ses plus célÚbres rivaux -
qui dĂ©fendaient Cuba. Carlos Fuentes, dit-il, cinglant, se comporte "comme un ordinateur - lâexact
contraire de ce que je considÚre comme un véritable écrivain." Eduardo Galeano est "un homme de
main de Castro". Gabriel Garcia Marquez est "un opportuniste nĂ©. Son Ć uvre, qui a malgrĂ© tout des
qualitĂ©s, est imprĂ©gnĂ©e dâun populisme de bazar".
Surtout, Arenas devint politiquement paranoĂŻaque et voyait des "agents de Castro" partout. Les
origines de cette phobie nâĂ©taient pas dĂ»es Ă leur existence, mais au fait quâArenas rencontrait
souvent des partisans de Cuba lors de ses interventions. Face Ă de tels contradicteurs, il imaginait
recevoir "des menaces de mort de la part de la sĂ©curitĂ© dâĂ©tat Cubaine" et affirmait quâil Ă©tait la cible
de tentatives dâassassinats, de cambriolages et dâopĂ©rations clandestines.
Rien de tout cela, Ă lâexception dâune allusion rapide Ă lâactivitĂ© sexuelle dâArenas, nâest racontĂ© dans
le film. Le film conclut rapidement sur la tragédie solitaire de sa mort, exacerbé par des effets de mise
en scĂšne. Il est expulsĂ© dâun appartement. Affaibli par le SIDA, il est hospitalisĂ© mais, sans couverture
sociale, il est libĂ©rĂ© et retourne Ă sa nouvelle demeure au confort spartiate. Bien sĂ»r, il sâagit lĂ dâune
mise critique des conditions de vie aux Etats-Unis (et renforce par là la crédibilité du film auprÚs des
progressistes). Ces "souffrances de lâ exil", Ă©crivit Arenas dans sa "lettre dâadieu", ainsi que "les
maladies contractĂ©es - nâauraient probablement jamais eu lieu si jâavais pu vivre en libertĂ© dans mon
propre pays."
Arenas sâest tuĂ©. Mais le metteur en scĂšne Schnabel, apparemment pour tenter de renforcer la
sympathie pour le personnage, transforme le suicide en un acte dâeuthanasie effectuĂ© par un ami
proche, Lazaro Gomez.
La prĂ©diction dâArenas, sur son lit de mort en 1990, que Cuba "sera libre" faisait Ă©cho aux espoirs des
milieux cubano-amĂ©ricains de pouvoir fĂȘter leur prochain NoĂ«l (le premier aprĂšs la chute de lâURSS),
Ă la Havane. Mais sa prĂ©diction se rĂ©vĂ©la ĂȘtre aussi creuse que sa vie Ă©tait devenue.
* * * *
En 1975, la Cour SuprĂȘme Cubaine annula le RĂ©solution numĂ©ro 3 du Conseil de la Culture,
prédécesseur du MinistÚre de la Culture. Ce jugement fût invoqué pour inspirer les déclarations anti-
gay du congrĂšs culturel de 1971 et qui fixaient les "paramĂštres" pour restreindre lâemploi des
homosexuels dans les mĂ©tiers de lâart et de lâĂ©ducation.
En 1975 aussi, aprĂšs dâintenses dĂ©bats et discussions populaires, Cuba adopta le Code de la Famille.
Parmi dâautres changements importants, le code prĂŽnait lâĂ©galitĂ© des sexes en matiĂšre dâĂ©ducation
des enfants et des tĂąches mĂ©nagĂšres, renforçant lâĂ©galitĂ© des sexes en tant quâobjectif de la nouvelle
société.
En 1979, le nouveau Code PĂ©nal cubain dĂ©pĂ©nalisa lâhomosexualitĂ©.
En 1981, "En dĂ©fense de lâAmour", par le Dr Sigfried Schnabl, devint un best-seller Ă Cuba grĂące Ă
son traitement franc et objectif de la sexualitĂ© humaine. LâHomosexualitĂ©, Ă©crivit Schnabl, "nâest pas
une maladie, mais une variante de la sexualité humaine."
"Il nây a pas de normes morales ou sentimentales "naturelles" chez lâhomme." expliqua-t-elle. "La
seule tendance naturelle est le dĂ©sir sexuel lui-mĂȘme. Les us et coutumes par lesquels les gens
satisfont leurs dĂ©sirs et tout ce qui sâinstaure entre les sexes est le produit dâune culture." Ainsi, la
bigoterie anti-gay de la culture hĂ©ritĂ©e par la rĂ©volution Cubaine devait ĂȘtre rejetĂ©e. "Ce serait une
erreur que de rejeter un homosexuel à cause de ses préférences sexuelles ou de considérer son
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homosexualité comme une tare, comme beaucoup le font, malheureusement, à cause de leur
ignorance, leur incompréhension, et leurs préjugés."
Peu aprĂšs, le MinistĂšre de la Culture cubaine republia le livre populaire de Schnabl, "LâHomme et la
Femme dans lâintimitĂ©", qui consacre un chapitre entier Ă lâhomosexualitĂ©. Le livre fut publiĂ© pour la
premiÚre fois en 1979. Il énumÚre et réfute une série de superstitions qui tentent d'expliquer les
causes supposĂ©es de lâhomosexualitĂ©. "Toutes ces "thĂ©ories" - qui jusquâĂ une date rĂ©cente Ă©taient
dĂ©fendues par certains spĂ©cialistes," Ă©crivit Schnabl, "nâont pas le moindre fondement scientifique."
CONTRE LA DISCRIMINATION ANTI-GAY
Les gays "ne souffrent pas de leur homosexualité," expliqua Schnabl, "mais plutÎt des difficultés que
leur condition engendre dans la vie de tous les jours," Ă savoir les prĂ©jugĂ©s anti-gays. Elle sâopposa
explicitement, dans ce livre publié par le gouvernement, à toutes sanctions contre les gays.
"Ce que font des adultes consentants en privĂ© ne porte pas atteinte aux valeurs morales dâune sociĂ©tĂ©
et il nây a donc pas lieu de prendre une quelconque action Ă leur encontre. Les Homosexuels, comme
tous les citoyens, ont droit au respect et Ă la reconnaissance pour leurs actions concrĂštes et leur
comportement," déclara Schnabl.
En citant ces passages, et dâautres aussi, dans le quotidien du Parti Communiste Cubain, Granma,
Tomås Gutiérrez Alea souligna, dans une réaction en 1984 à Conducta Impropria, que "cela ne
signifie pas que la publication dâun seul livre, tout "officiel" quâil soit, fera automatiquement disparaĂźtre
le phĂ©nomĂšne social profondĂ©ment enracinĂ© par des siĂšcles dâun passĂ© catholique et espagnol.
Cependant, un tel livre oĂč, entre autres, apparaissent les derniers critĂšres scientifiques sur
lâhomosexualitĂ© est, sans nul doute, un outil prĂ©cieux dĂ©livrĂ© par lâĂ©tat Cubain Ă tous ceux qui
défendent la cause de tous ceux qui sont victimes de discriminations, qui sont marginalisés et qui
souffrent des prĂ©jugĂ©s et dâoppressiond de toutes sortes."
Les critiques formulées par Gutierrez contre Almendros, qui a volontairement falsifié son
"documentaire" sur la durĂ©e et la nature de lâUMAP, pourrait aussi ĂȘtre appliquĂ©es Ă Schnable.
"Almendros sait parfaitement que des mensonges Ă©hontĂ©s peuvent ĂȘtre fabriquĂ©s Ă partir de demi
vĂ©ritĂ©s," Ă©crivit GutiĂ©rrez. "Il sait, par exemple, que lâUMAP, les camps de travail oĂč de nombreux
homosexuels furent envoyés pour y effectuer leur service militaire, était une erreur et déclencha un
scandale qui heureusement aboutit Ă leur disparition et une politique de rectification." Le magazine
(US) Village Voice et le quotidien (US) Militant reproduisirent lâarticle du lĂ©gendaire metteur en scĂšne
cubain peu de temps aprĂšs sa publication Ă Cuba.
LA RECTIFICATION
En 1986, le Parti Communiste Cubain, mené par Fidel Castro, entreprit un profond processus de
critiques, de dĂ©bats et d'Ă©changes destinĂ© Ă dĂ©passer la politique Ă©conomique et lâorganisation du
travail inspirées des Soviétiques. Fidel expliqua que les valeurs révolutionnaires cubaines avaient été
tellement Ă©rodĂ©es par la bureaucratie, la corruption, et lâinertie gĂ©nĂ©rĂ©e par de telles mĂ©thodes que la
rĂ©volution avaient commencĂ© Ă "dĂ©raper". La Parti lui-mĂȘme, dĂ©clara-t-il au ComitĂ© Central, avait
commencé à "se perdre".
Cette profonde "campagne de rectification des erreurs et des tendances négatives" devint réellement,
comme le dirigeant cubain lâa affirmĂ©, "une rĂ©volution dans la rĂ©volution." Son objectif nâĂ©tait pas de
"simplement rectifier les erreurs commises ces dix derniÚres années," précisa Castro, "ou les erreurs
commises depuis le dĂ©but de la rĂ©volution. La rectification, câest de trouver des solutions Ă des
problÚmes qui perdurent depuis des siÚcles." (deux discours clés qui expliquent le processus de
rectification sont toujours disponibles dans le magazine New International, Ă 410 West St., N.Y., N.Y.
10014, USA).
LâĂ©tendue de ce projet sans prĂ©cĂ©dent - particuliĂšrement lorsque les militants rĂ©volutionnaires cubains
sâen saisirent - dĂ©clencha de nombreux dĂ©bats sur les mĂ©thodes Ă©conomiques qui avaient fait dĂ©vier
la révolution ainsi qu'aux politiques appliquées dans le domaine de la culture, des arts et des relations
sociales.
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Un des rĂ©sultats de ce processus fut de dĂ©couvrir que, en dĂ©pit de lâarme de lâimmigration utilisĂ©e par
les Etats-Unis contre une Cuba soumise à un embargo économique, des départs plus récents (comme
ceux de Mariel) touchaient des milliers de citoyens (dont des gays ) qui avaient souffert de
discriminations ou avaient été réprimés selon des pratiques erronées exercées au nom de la
révolution.
Il y a plus de dix ans, jâai interviewĂ© un jeune travailleur Cubain, dont l'homosexualitĂ© Ă©tait connue
chez ses collĂšgues de travail, qui avait quittĂ© Cuba lors de lâexode de Mariel, "juste pour vivre une
aventure," dit il. Roberto rĂ©alisa rapidement tout ce quâil avait abandonnĂ©. Il vĂ©cut des expĂ©riences qui
ont fini par le faire adhérer à la Brigade Antonio Maceo, un groupe de jeunes cubains
prorévolutionnaires à Miami et New Jersey. Il retourna visiter Cuba plein processus de rectification et
rendit visite Ă lâusine oĂč il travaillait avant pour prendre la parole devant 700 de ses anciens collĂšgues.
Lorsquâil monta sur lâestrade, ils se levĂšrent pour lui faire une ovation.
DES TABOUS QUI DISPARAISSENT
Un effet secondaire de la catastrophe Ă©conomique qui secoua Cuba lorsque lâURSS et ses rĂ©gimes
alliĂ©s sâeffondrĂšrent (entraĂźnant une chute de 85% du commerce de lâĂźle) fut la disparition de lâinfluence
sociale et culturelle soviétique dans le corps politique de la révolution cubaine - les canons de
"lâorthodoxie" soviĂ©tique et du "rĂ©alisme socialiste" qui n'ont jamais fait partie de lâesprit rebelle de la
révolution cubaine et de ses principaux dirigeants. D'un seul coup, des questionnements et des
débats historiques ; des figures politiques et littéraires considérées auparavant comme "hors limites" ;
ou des "thĂ©ories" jadis considĂ©rĂ©es comme sacro-saintes ou limitĂ©es par "lâautocensure" devinrent
accessibles et sujets Ă investigations, recherches et critiques. Ce processus vivant est toujours en
cours.
En 1987, une nouvelle directive adressée aux forces de police interdit la persécution des personnes
sur des critĂšres dâapparence ou dâhabillement, ce qui avait Ă©tĂ© auparavant le cas pour des raisons de
comportement "ostentatoire".
En 1988, lors dâune interview Ă une tĂ©lĂ©vision galicienne en Espagne, Fidel Castro souligna "quâune
certaine rigiditĂ©" avait marquĂ©e les comportements Ă l'Ă©gard de lâhomosexualitĂ©. Alors que "Dieu eut
besoin de sept jours pour créer le monde," expliqua-t-il, "il faut comprendre que pour refaire le monde,
pour dĂ©truire un monde comme celui que nous connaissons ici et en reconstruire un autre, il nây avait
pas beaucoup de lumiÚre. Au début il y avait beaucoup de ténÚbres et beaucoup de confusion sur
toute une série de problÚmes. Notre société, notre parti, notre gouvernement ont (désormais) des
idées plus claires, plus sages, et plus intelligentes sur beaucoup de ces sujets. Etant donné que nous
sommes susceptibles de commettre des erreurs, nous nous accrochons Ă lâidĂ©e de faire ce qui est
juste, le mieux pour le peuple, ce qui est le plus humain pour notre peuple et notre société.
Cependant, la tĂąche nâest pas facile - mais je pense que nous nous approchons de plus en plus des
critĂšres les plus justes pour faire le monde que nous voulons. NĂ©anmoins, je crois que nous avons
encore beaucoup de défauts et les générations futures devront continuer à améliorer ce monde
nouveau. "
En 1992, au congrĂšs de lâUnion des Jeunes Communistes, Vila Espin, prĂ©sidente de la FĂ©dĂ©ration
des Femmes Cubaines (FFC - acronyme espagnol FMC, ndt) et un haut dirigeant du Parti
Communiste dĂ©fiĂšrent un psychologue qui avait exprimĂ© des prĂ©jugĂ©s sur lâhomosexualitĂ©. Espin,
selon Sonja de Vries dans "Cuba Update", expliqua que câĂ©tait de telles idĂ©es quâil fallait changer et
non la prĂ©fĂ©rence sexuelle des gays. "Lâopinion dâun rĂ©volutionnaire de longue date, et respectĂ©, est
reprĂ©sentatif de lâĂ©volution des mentalitĂ©s au sein des dirigeants cubain" Ă©crivit Vries.
CASTRO ABORDE LE SUJET
En 1992, Fidel Castro rĂ©pondait Ă plusieurs questions sur la sexualitĂ© posĂ©es par lâancien dirigeant
Sandiniste du gouvernement Nicaraguayen, Tomas Borge, dans le livre "Un Grain de Mais". Le livre,
qui aborde différents sujets, fut publié à la Havane. Comme souvent le cas à Cuba, le livre s'est
arrachĂ© et fut rapidement Ă©puisĂ©. Les remarques de Castro sont mĂ©connus Ă lâextĂ©rieur de Cuba. Il
est donc utile de les rappeler.
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"Vous parlez de discrimination sexuelle," répond le dirigeant Cubain à une question de Borge. "Je
vous ai dit que nous avions éliminé la discrimination sexuelle. Plus précisément, nous avons fait tout
ce quâun gouvernement pouvait faire, quâun Ă©tat peut faire, pour Ă©radiquer la discrimination sexuelle
contre les femmes.
"On pourrait parler dâune longue lutte, qui a Ă©tĂ© victorieuse, qui a donnĂ© beaucoup de rĂ©sultats dans la
lutte contre discrimination contre les femmes. Il y a encore beaucoup de machisme Ă Cuba. Je pense
que son niveau est plus bas que partout ailleurs en Amérique latine, mais il y en a. Il fait partie de ce
qui compose lâidiosynchratie de notre peuple depuis des siĂšcles et qui a de nombreuses origines, qui
vont jusquâĂ lâinfluence Arabe en Espagne et lâinfluence des Espagnols, parce que nous avons hĂ©ritĂ©
du machisme des conquistadors, comme nous avons hĂ©ritĂ© dâautres mauvaises habitudes.
"Câest un hĂ©ritage historique. Il est plus important dans certains pays que dans dâautres, mais dans
aucun pays il nây a eu un combat comme chez nous et je crois que nulle part ailleurs il nây a eu des
rĂ©sultats aussi tangibles et concrets. C'est vrai, câest quelque chose de visible, quâon peut voir encore,
et surtout, qui est visible dans la jeunesse. Mais on ne peut pas dire que la discrimination sexuelle a
été totalement éradiquée et nous ne devons pas baisser la garde. Nous devons continuer à lutter
dans ce sens, parce quâil sâagit dâun hĂ©ritage historique ancestral que nous avons beaucoup
combattu ; il y a eu des avancées et des améliorations, mais nous devons poursuivre le combat.
"Je ne vais pas nier que, dans une certaine mesure, ce machisme ait influencé notre attitude vis-à -vis
de lâhomosexualitĂ©. Personnellement - vous mâavez posĂ© une question personnelle - je nâai aucune
phobie contre les homosexuels. RĂ©ellement, cette phobie nâa jamais existĂ© chez moi et je nâai jamais
dĂ©fendu, encouragĂ© ou mĂȘme soutenu des mesures contre les homosexuels. Je dirais que câest dĂ» Ă
une certaine pĂ©riode et surtout Ă un certain hĂ©ritage, ce machisme. Jâessaie dâapporter des rĂ©ponses
plus humaines, plus scientifiques Ă ce problĂšme. Et souvent, il y a eu des tragĂ©dies, parce quâil faut
voir les réactions de certains parents. Il y a des parents qui ont un enfant homosexuel et qui en font
une tragĂ©die, et on ne peut que compatir devant cette tragĂ©die qui affecte lâindividu.
"Je ne considĂšre pas lâhomosexualitĂ© comme un phĂ©nomĂšne de dĂ©gĂ©nĂ©rescence, je vois les choses
sous un autre angle. Lâapproche est diffĂ©rente : une approche plus rationnelle, si on prend en compte
les tendances et la nature des ĂȘtres humains qui doivent tout simplement ĂȘtre respectĂ©es. Câest cela
ma philosophie pour aborder ces problĂšmes. Je crois quâil faut avoir de la considĂ©ration pour une
famille qui souffre dâune telle situation. Jâaurais aimĂ© que les familles rĂ©agissent diffĂ©remment, quâils
aient une autre attitude lorsque cela arrive. Je suis totalement opposé à toute forme de répression,
mépris ou discrimination contre les homosexuels. Voilà ce que je pense."
Borge demande "Est-ce quâun homosexuel peut ĂȘtre membre du Parti Communiste ?"
"Ce que je peux vous dire," rĂ©pond Castro, "câest quâil y a eu beaucoup de prĂ©jugĂ©s Ă cet Ă©gard, câest
vrai, câest une rĂ©alitĂ©, je ne vais pas le nier ; mais il y a eu dâautres prĂ©jugĂ©s, d'une autre nature,
contre lesquels nous avons concentré notre lutte.
"Il y avait, par exemple, certains critĂšres pour juger le comportement personnel dâun homme et
dâautres critĂšres pour juger celui d'une femme. CâĂ©tait comme ça dans le Parti depuis des annĂ©es et
jâai menĂ© des combats et beaucoup de discussions sur ce sujet. Si un homme mariĂ© Ă©tait infidĂšle, ça
ne posait aucun problĂšme, aucun souci. A lâinverse, une infidĂ©litĂ© chez une femme provoquait des
discussions dans les cellules du Parti. Les relations sexuelles étaient jugées différemment dans le cas
d'un homme que dans le cas dâune femme. Jâai du me battre durement contre les tendances
profondĂ©ment enracinĂ©es qui nâĂ©taient pas le rĂ©sultat dâun sermon ou dâune doctrine, ou dâune
éducation, mais le résultat des concepts machistes et des préjugés qui sont enracinés dans notre
société.
"Bien sur, je nâai pas rĂ©pondu Ă votre question sur lâamour libre. Je nâai absolument aucune objection.
Je ne sais pas ce quâil faut entendre par amour libre. Si cela signifie la libertĂ© dâaimer, je nâai pas
dâobjection."
Les remarques de Castro font le bilan des progrÚs accomplis et des défis en cours. Ces derniers sont
de plus en plus relevés par les nouvelles générations de jeunes révolutionnaires cubains, dont
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beaucoup ont été influencés et éduqués dans les luttes pour la libération de la femme, pour les droits
des gays et contre les violences anti-gays Ă travers le monde.
LE PROGRES DEMONTRE PAR LES FILMS
Un des rĂ©sultats concrets du processus dĂ©clenchĂ© par la rectification et la perte de lâinfluence
soviétique aprÚs les événements de 1989-1990 est la production en 1993 du film "Fraise ou
Chocolat", mis en scÚne par Tomås Gutiérrez. Son succÚs populaire, et les discussions provoquées,
en firent un phĂ©nomĂšne politique. Plus dâun million de Cubains ont vu le film, ce qui en fait peut-ĂȘtre le
plus grand succĂšs cinĂ©matographique jamais enregistrĂ© sur lâĂźle. Le film remporta de nombreux prix
importants Ă Cuba et Ă lâĂ©tranger.
Le film est une critique contre les attitudes doctrinaires et lâĂ©troitesse dâesprit du Parti Communiste
Cubain et de lâUnion des Jeunes Communiste apparues dans les annĂ©es 70 et dĂ©but des annĂ©es 80.
Le film explique quâune dĂ©cision de quitter lâĂźle peut ĂȘtre certes le rĂ©sultat de la pression exercĂ©e par
les Etats-Unis, ou d'une faiblesse de caractĂšre. Mais elle peut aussi ĂȘtre le rĂ©sultat et le prix Ă payer
par la RĂ©volution pour ses dĂ©ficiences et ses erreurs. Fait rare, lâinjustice de lâUMAP est mentionnĂ©e
dans le film. Les préjugés anti-gays y sont disséqués. Le film laisse entendre que de telles attitudes
sont contraires Ă lâhumanisme mĂȘme de la rĂ©volution. (le film est basĂ© sur une piĂšce de thĂ©Ăątre de
1992, "Le Loup, les Bois et lâHomme Nouveau", tirĂ©e dâune nouvelle de Senel Paz.)
Gutierrez, connu familiĂšrement comme Titon, expliqua en 1995 dans une interview Ă la revue
"Cineaste" quâil avait situĂ© le film dans lâannĂ©e 1979 parce que celle-ci reprĂ©sentait "la fin dâune
pĂ©riode historique, parce que lâexode de Mariel eut lieu en 1980 et les choses commencaient Ă
changer. La période d'avant 1979 était aussi une période de grande répression contre les
homosexuels."
"A certaines périodes" de la Révolution, expliqua Titon, "les homosexuels avaient été interdits de
certains emplois. Ils ont Ă©tĂ© interdits dâemploi dans lâĂ©ducation, par exemple, puisquâil y avait des
contacts avec les jeunes. Il y a maintenant une plus grande flexibilité pour les homosexuels en matiÚre
dâemploi. Par exemple, avant, lorsquâil sâagissait de nommer des reprĂ©sentants de Cuba Ă lâĂ©tranger, il
y avait de grandes rĂ©ticences dans le cas des homosexuels. Beaucoup s'opposaient Ă lâattribution de
tels postes aux homosexuels parce quâils pensaient que ces derniers Ă©taient plus vulnĂ©rables aux
scandales et aux chantages - mais de nos jours les choses ont beaucoup changé pour les
homosexuels. De nombreux homosexuels Cubains affichent ouvertement leur orientation sexuelle.
Dâautres ne le font pas - comme partout ailleurs - mais il y a dĂ©sormais un meilleur niveau de prise de
conscience en ce qui concerne lâhomosexualitĂ©."
A la Havane en 1994, un jeune artiste et rĂ©volutionnaire Cubain mâa racontĂ© lâhistoire de sa visite Ă
son pÚre, un paysan, "un communiste trÚs convaincu." Aramis me raconta comment il avait laissé
pousser ses cheveux jusquâaux Ă©paules depuis sa derniĂšre visite, ce qui nâĂ©tait pas trĂšs bien vu
jusquâau dĂ©but des annĂ©es 90, et Ă©tait considĂ©rĂ© comme un symbole d'une corruption par les valeurs
de lâoccident consumĂ©riste. "Mon pĂšre mâa dit, "tu as lâair d'un pĂ©dĂ© avec ces cheveux, va les faire
couper ou sors de chez moi," Jâai ramassĂ© mes affaires et jâai commencĂ© Ă sortir. Je lui au dit, "Tu es
censĂ© ĂȘtre un communiste, un partisan de la libertĂ©, des droits de lâhomme. Je suis ton fils, tu devrais
mâaimer que je sois ou non un homosexuel. Quel genre de communiste es-tu ?" Et jâai commencĂ© Ă
partir. Il nâa rien dit. Je suis arrivĂ© Ă la porte et lĂ il a dit "Attends. Tu as raison. Tu peux rester. Pas
besoin de te couper les cheveux. Il faut que jây rĂ©flĂ©chisse." Alors nous nous sommes embrassĂ©s et je
suis resté."
On peut imaginer la répétition de telles scÚnes (réminiscences du "fossé des générations" et des
conflits qui ont éclatés dans les années 60 aux Etats-Unis - qui étaient aussi le reflet de conflits et de
désaccords politiques) dans des milliers de foyers cubains tandis que la jeune génération confrontait
les anciens tabous qui coexistaient difficilement avec les perspectives révolutionnaires de leurs
parents.
Le documentaire "Gay Cuba", de 1994 par Sonja de Vries, par le biais de lâhistoire et des avancĂ©es de
la rĂ©volution cubaine, explore avec franchise lâĂ©volution du traitement de lâhomosexualitĂ© et des
homosexuels. Il sâattarde sur les changements de comportement et lâacceptation croissante des gays
et lesbiennes au sein de la société et de la culture cubaine. Certaines interviews en particulier
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Ă©voquent les progrĂšs accomplis : dĂ©bats entre soldats, commentaires de jeunes cubains, et lâattitude
des ouvriers, dont un responsable syndical local gay. La Fédération des Femmes Cubaines organisa
une projection du film Ă la Havane.
LâannĂ©e suivante, le documentaire cubain "Mariposas en el Andamio" (Papillons sur lâEchafaud, ndt),
de Margaret Gilpin et Luis Felipe Bernaza, fut prĂ©sentĂ©. Il raconte lâhistoire de travestis cubains issus
de la classe ouvriĂšre qui sâintĂšgrent dans la vie sociale de la banlieue La Guinera Ă la Havane, et
comment ils réussissent à créer une coalition de dirigeantes de la brigade locale de construction, et
raconte le show qu'ils présentent dans les locaux d'une cantine ouvriÚre.
CONTRASTES AVEC LES ETATS-UNIS
En 1997, le nombre de séropositifs à Cuba était dix fois inférieur à celui du comté de Los Angeles,
dont la population est lĂ©gĂšrement infĂ©rieure Ă celle de lâĂźle. A Cuba, les soins pour les patients
séropositifs est gratuit et volontaire - que ce soit pour les soins à domicile ou dans un établissement
spĂ©cialisĂ©. Ceci est vrai aussi pour les personnes atteintes dâautres maladies. Un programme
dâĂ©ducation promue par le gouvernement fait appel Ă des sĂ©ropositifs pour intervenir dans les Ă©coles
et expliquer les mesures de prĂ©vention. Aujourdâhui, Cuba a le plus faible taux de sĂ©ropositifs au
monde.
Le sentiment de haine que lâextrĂȘme droite Ă©prouve envers les homosexuels - illustrĂ© par le lynchage
et le meurtre du jeune homosexuel Matthew Shepard en 1998 dans le Wyoming - nâexiste pas Ă Cuba.
Des lois contre la sodomie furent promulguées au Nicaragua au début des années 90 et un haut
dirigeant Malaisien fut demis de ses fonctions et emprisonnĂ© lâannĂ©e derniĂšre (ie 1999 - ndt). Des lois
similaires ont Ă©tĂ© confirmĂ©es par des Cours Constitutionnelles aux Etats-Unis. De telles lois nâexistent
pas Ă Cuba.
A Cuba, les escadrons de la mort qui "nettoient" les rues du Brésil ou de la Colombie des travestis et
autres "dĂ©tritus de la sociĂ©tĂ©" , ou autres actes de violence en rapport avec lâhomosexualitĂ©, sont
inconnus. Les lieux publics oĂč se rĂ©unissent les gays ne font pas lâobjet dâun harcĂšlement par la
police.
Dans leurs chansons, les rappeurs populaires cubains ne parlent pas de tuer les femmes et les pédés.
Les gays et et les lesbiennes cubains obtiennent la garde de leurs enfants biologiques et peuvent
adopter des enfants. La position de Centre National pour lâEducation Sexuelle, depuis le dĂ©but des
annĂ©es 90, est que lâhomosexualitĂ© est une forme normale du comportement humain.
Face Ă cette situation, Washington et tous les pourvoyeurs des lumiĂšres culturelles Ă©tasuniennes
feraient mieux de se taire lorsquâils parlent dâatteintes aux droits des homosexuels Ă Cuba.
Les progrĂšs accomplis Ă Cuba montrent que les gays et les lesbiennes peuvent prendre toute leur
place dans la vie de tous les jours, mieux que dans nâimporte quel autre pays du tiers-monde. Cuba
est un exemple pour les dizaines de millions dâhomosexuel(le)s qui combattent pour leur libertĂ©. Il est
vrai quâil reste encore du chemin Ă faire. Comme me lâa fait remarquer un jeune gay cubain en 1998,
"comment se fait-il quâon peut voir Ă la tĂ©lĂ©vision cubaine un film dâaction de Stephen Segal alors que
"Fraise et Chocolat" nâa jamais Ă©tĂ© diffusĂ© ?"
LE COMBAT POUR LE CHANGEMENT AVEC LâAPPUI DE LA REVOLUTION
Dâautres avancĂ©es Ă Cuba seront dĂ©terminĂ©es par des initiatives prises dans le cadre de la dĂ©fense
de la rĂ©volution. Lâinjonction formulĂ©e en 1984 par TomĂĄs GutiĂ©rrez est plus vraie que jamais.
Fidel Castro et Raul Castro se sont récemment exprimés, et ils le font de plus en plus souvent, et en
termes clairs, sur la nĂ©cessitĂ© dâaborder le problĂšme de la "marginalisation" des noirs et des femmes -
problĂšmes de la sociĂ©tĂ© cubaine quâune lĂ©gislation sur lâĂ©galitĂ© des chances nâa pas rĂ©ussi Ă
résoudre. Ce problÚme a été abordé dans les média cubains et tout un ensemble de militants
politiques, et il sâillustre par une contestation des organisations existantes et la crĂ©ation de nouvelles.
Par exemple, la crĂ©ation rĂ©cente de "Colores Cubanos", affiliĂ©e Ă lâUNEAC, milite pour une meilleure
reprĂ©sentation des rĂ©alitĂ©s multiraciales, multiculturelles de la nation dans les domaines de lâart, de la
musique, du cinéma, de la télévision et de la littérature.
LA PORTE EST OUVERTE
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Lors dâune interview tĂ©lĂ©visĂ©e nationale en 2000, Raul Castro aborda ce thĂšme. En annonçant que
lâavenir devra ĂȘtre un avenir de luttes," il souligna "quâil y avait encore beaucoup de terrain Ă couvrir."
Ceci inclut "des droits quâil faut conquĂ©rir et re-conquĂ©rir. Câest lâun des principaux objectifs de la
bataille des idĂ©es." La conquĂȘte et la re-conquĂȘte des droits ne peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©es que par la lutte
dont le succÚs produira de nouvelles générations de Cubains et de Cubaines plus libres, plus
confiants. Les révolutionnaires cubains sont tout à fait conscients que leurs propres combats sont liés
aux combats menĂ©s partout ailleurs dans le monde contre lâoppression et lâexploitation. Et ces
derniers, comme le montre le contexte international, prennent de lâampleur.
Le point de vue énoncé par Raul Castro sous-entend une plus grande expression et une meilleure
pratique de la libération humaine et sociale, y compris pour les gays. Un facteur essentiel qui a joué
en faveur du progrĂšs dans ce domaine a Ă©tĂ© lâinteraction entre le combat international pour les droits
des homosexuels et la RĂ©volution cubaine, particuliĂšrement dans lâatmosphĂšre plus tolĂ©rante du
milieu des annĂ©es 80. Dans le mĂȘme temps, les valeurs progressistes forgĂ©es par les luttes
internationales dans les années 60 et 70 contre la guerre, le racisme, la répression, et pour la
libération des femmes - qui a porté en elle la gestation de la libération du mouvement gay - furent
renforcĂ©es par lâexemple de Cuba qui remettait en cause le statu quo bourgeois.
Tous ces changements permettent de reconsidérer les conclusions politiques de Reinaldo Arenas. En
vérité, l'atmosphÚre euphorique de la Révolution avait permis à un adolescent rural de sortir de sa
misÚre d'avant 1959 et de développer ses véritables dons et son talent - et ceci, quelqu'ait été son
Ă©volution anticommuniste par la suite. Je l'ai appris pas hasard lors d'une conversation en 1995 avec
un jeune poÚte cubain qui faisait une conférence aux Etats-Unis. Nous étions en train de parler
d'écrivains cubains, et le nom de Reinaldo Arenas fut mentionné. Ne le connaissant que par sa
réputation politique, j'ai dit quelque chose de désobligeant. Le poÚte m'a regardé fixement et m'a dit,
"vous savez, vous ne pouvez pas comprendre la littérature cubaine contemporaine si vous ne lisez
pas Arenas."
* * * *
Au dĂ©but des annĂ©es 60, Fidel Castro dĂ©clara que la RĂ©volution Cubaine "doit ĂȘtre l'Ă©cole d'une
pensée sans entraves". Une telle liberté était indispensable à la survie d'un peuple libre et souverain
situé à 150 km seulement des Etats-Unis. C'était une nécessité élémentaire pour tous ceux qui
apprenaient, dans les laboratoires d'une rĂ©volution, Ă crĂ©er une nouvelle nation, Ă la dĂ©fendre et Ă
étendre la solidarité qu'ils avaient reçue à toutes les autres luttes dans le monde, contre l'injustice et
l'exploitation, auxquelles ils s'identifiaient sans réserves. Pour sa capacité à résister pendant plus de
40 ans à toutes les formes possibles de pression imaginées par les Etats-Unis, sans concéder un seul
des principes de la révolution, Cuba a largement mérité les honneurs.
Gagner la "bataille des idées" est la version actualisée de ce que Fidel avait déclaré il y a plus de 30
ans. Elle est toujours d'une actualité brûlante. A cet égard, les révolutionnaires cubains ont démontré -
Ă tous ceux qui font l'effort d'Ă©tudier et d'apprendre - que mĂȘme les erreurs les plus graves commises
dans le feu de l'action peuvent ĂȘtre confrontĂ©es, dĂ©battues et corrigĂ©es. Une telle mĂ©thode politique
n'a fait que renforcer le confiance en soi des travailleurs cubains, et aide à la préparation des
nouvelles générations de dirigeants.
Tout ceci démontre que le processus cubain est vivant et libérateur. En fin de compte, la révolution
cubaine apporte une contribution décisive à tous ceux qui luttent pour un monde plus juste et plus
humain.
FIN
Jon Hillson
(1949-2004)
, militant politique et syndicaliste à Los Angeles, il s'est engagé dans la solidarité avec la
révolution cubaine pendant plus de 30 ans, organisant de nombreuses délégations sur l'ßle et s'y rendant
fréquemment. Il a beaucoup écrit sur la révolution cubaine, dont un article en 1998 sur la lutte contre le SIDA et
l'éducation sexuelle à Cuba, publié en premiÚre page du journal LA OPINION, le plus grand quotidien
hispanophone des Etats-Unis. Dans les années 90, plusieurs de ses poÚmes furent publiés dans différents
journaux à travers le pays. Une premiÚre version de cet article fut publié en anglais par le
site
http://www.seeingred.com/
. Jon Hillson est mort Ă Los Angeles le 29 janvier 2004.
Traduction Cuba Solidarity Project
http://vdedaj.club.fr/cuba/
(Version espanol :
http://www.blythe.org/arenas-s.html
)
Voir aussi :
LE STATUT DES GAIS Ă CUBA : MYTHES ET RĂALITĂS
http://vdedaj.club.fr/spip/spip.php?article406
LES GAYS A CUBA, ET LâECOLE DE FALSIFICATION DE HOLLYWOOD.
http://vdedaj.club.fr/spip/spip.php?article7
Pour un article condensĂ© sur le mĂȘme sujet, consulter (en anglais)
Old Trash in New Buckets: Be Alert to "Before Night Falls"
http://www.blythe.org/bnf.html
NY Transfer News More Information on Gay Cuba
Sonja DeVries' "Gay Cuba" at BrightLights Films
http://www.brightlightsfilm.com/17/08a_gaycuba.html
You can also order "Gay Cuba" at Frameline
http://catalog.frameline.org/detail.ls?tid=54
A variety of viewpoints on Cuba are at BlackLight
http://www.blacklightonline.com/cuba.html
University of Texas Students Alliance Gay Cuba site
http://www.utexas.edu/students/alliance/gaycuba.html