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LA VÉRITÉ SUR LA POLDÉVIE

par

MichĂšle Audin

Résumé.

Les sources existantes sur la PoldĂ©vie semblent se satisfaire de rensei-

gnements de troisiĂšme, voire plus, main. Nous tentons ici de rĂ©tablir une vĂ©ritĂ©, une
chronologie, Ă  partir de sources incontestables, citĂ©es, et consultables par les lecteurs
(la

«

reproductibilitĂ© des expĂ©riences

»

de l’historien

·

ne). Nous prouvons en particu-

lier que ce n’est

pas

l’extrĂȘme-droite française qui a crĂ©Ă© la PoldĂ©vie (mĂȘme s’il est

vrai qu’elle a exploitĂ© Ă  outrance le filon poldĂšve dans des combats plus que dou-
teux). Nous rendons ainsi la PoldĂ©vie Ă  ses vĂ©ritables amis, Bourbaki, Queneau, Weil,
Roubaud...

Dans une longue introduction, nous nous attardons un peu sur un des contextes

de la PoldĂ©vie : les relations entre Bourbaki et l’Oulipo.

Introduction

Pourquoi parler de la PoldĂ©vie aujourd’hui ? Principalement Ă  cause du dĂ©sir qu’en

a eu l’auteur de cet article. Elle a en effet eu l’occasion, au mois de juin 2009, de
frĂ©quenter d’assez prĂšs la correspondance d’AndrĂ© Weil, Henri Cartan et d’autres
amis de Bourbaki

(1)

et, de façon Ă  peu prĂšs simultanĂ©e, d’évoquer la PoldĂ©vie au

cours d’une promenade sur les lieux de

la Belle Hortense

avec Jacques Roubaud,

Nicolas Bergeron et Emmanuel Ferrand (pour

Images des mathĂ©matiques

http://

images.math.cnrs.fr/

).

Version (toujours) prĂ©liminaire du 27 novembre 2009.

(1)

Dans cet article, je suppose une certaine connaissance du fait Bourbaki (et aussi du fait Oulipo,

mais il est assez facile de se renseigner dans ce cas), il faudrait donc que je conseille aux lecteurs
des moyens d’acquĂ©rir cette connaissance. Il y a bien sĂ»r (?!)

wikipedia

, mais aujourd’hui cette page

n’est pas fantastique. Il y a aussi le fascicule [

31

], dans la sĂ©rie

les GĂ©nies de la science

, dont le titre

semble promettre une dĂ©sespĂ©rante absence d’irrĂ©vĂ©rence (et c’est bien le cas, hĂ©las), qui a des foules
de dĂ©fauts dont certains seront signalĂ©s ici ou lĂ  dans ce texte, mais qui a une qualitĂ© : il existe. Je
renvoie donc Ă  ce texte. Je conseillerais volontiers aussi [

5

] (mais c’est difficile Ă  trouver) et [

6

], mais

c’est moins accessible.

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2

MICHÈLE AUDIN

Le contexte : Bourbaki et l’Oulipo, lieux communs.

Un lieu commun (enfin,

parmi les (rares)

«

auteurs

»

qui ont entendu parler Ă  la fois de Bourbaki et de l’Oulipo)

est que

En littĂ©rature, l’Oulipo copie indĂ©niablement la

«

méthode

»

Bourbaki de

travail collectif et de mise en Ă©vidence systĂ©mique des structures profondes de la
crĂ©ation littĂ©raire.

Il s’agit ici d’un texte d’un anonyme contributeur de

wikipedia

. L’adverbe, inĂ©vitable

ornement du style journalistique, donne l’irrĂ©sistible envie de nier, prĂ©cisĂ©ment. Mais
ce serait beaucoup trop facile. Le

In 1960, Queneau and Le Lionnais cofounded an influential literary group, the
Oulipo (Workshop for Potential Literature), which explored the possibility of
language in a way directly inspired by Bourbaki.

de David Aubin [

2

, p. 302], bien que peu argumentĂ©, repose peut-ĂȘtre sur des bases

un peu plus sĂ©rieuses. On trouvera un encore plus bref

the Bourbaki-inspired literary circle Oulipo

dans [

8

, p. 242].

De l’Oulipo Ă  Bourbaki.

À la lecture de leurs Ă©crits, et notamment de leur journal

interne, il apparaĂźt que certains collaborateurs de Bourbaki ont plagiĂ© l’Oulipo Ă 
outrance, et ceci de la façon la plus sournoise qui soit, par anticipation. Donnons-en
quelques exemples avant de laisser ce chapitre :

– Dans le Journal de Bourbaki

la Tribu

(2)

numĂ©ro 28, on peut lire, aprĂšs la liste

des

«

présents

»

et celle des

«

nobles visiteurs Ă©trangers

»

:

Figuration :

7 femmes, 9 enfants, 4 voitures automobiles, 2 voitures

d’enfant, 2 poussettes, quelques chats, un Ă©clair.

...une Ă©numĂ©ration que l’Oulipo (aussi bien d’ailleurs que Jacques PrĂ©vert) pourrait
revendiquer. Sournois, disions-nous, car en effet ce journal date de 1952, huit ans donc

avant

la fondation de l’Ouvroir et, pour fixer les idĂ©es, vingt-quatre ans avant que

Perec dresse dans [

36

] la liste de ce qu’il avait avalĂ© durant une annĂ©e, mais six ans

aprĂšs la publication de

Paroles

[

39

].

– Sept ans plus tĂŽt, Pierre Samuel, alors un des cobayes (!) de Bourbaki, com-

mettait un pastiche, qu’il est d’usage de considĂ©rer comme assez rĂ©ussi, du sonnet
de MallarmĂ©,

le Vierge, le vivace et le bel aujourd’hui

, devenu

Ô puissant ! ĂŽ for-

mel ! ĂŽ toi clair Bourbaki

(ce qui montre les limites de la rĂ©ussite en question). Un

goĂ»t pour le pastiche dont la provenance anticipĂ©e n’échappera Ă  personne. Le goĂ»t
pour le sonnet (une forme Ă  contrainte oulipienne caractĂ©risĂ©e) de Bourbaki s’était
dĂ©jĂ  manifestĂ© encore plus tĂŽt, en 1937, par un sonnet dit

«

de Chançay

»

(alors

qu’il est de Weil). Ajoutons que le style de narration utilisĂ© pour les comptes rendus
des rĂ©unions Bourbaki dans

la Tribu

a Ă©tĂ©, dĂšs l’origine, comiquement emphatique :

on cite souvent, et Ă  juste titre, les rĂ©dactions de Pierre Samuel (annĂ©es 1940–50),
mais celles de Jean Delsarte (annĂ©es 1930–40) les valent. Voir ces documents sur le
site

http://mathdoc.emath.fr/archives-bourbaki/

.

(2)

Bulletin Ć“cumĂ©nique, apĂ©riodique et bourbachique

(Journal de Bourbaki),

http://mathdoc.

emath.fr/archives-bourbaki/PDF/nbt_029.pdf

pour le numĂ©ro en question.

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LA VÉRITÉ SUR LA POLDÉVIE

3

– La pratique des jeux de mots, elle aussi, a Ă©tĂ©

«

piquée

»

par Bourbaki, qui

n’hĂ©sita pas Ă  introduire des co(q)uilles volontairement dans ses textes (le cas des
ensembles flirtant Ă  droite ou Ă  gauche est connu

(3)

...)

(4)

.

De Bourbaki Ă  l’Oulipo.

La

«

citation Ă  l’indĂ©niablement

»

, dont nous n’avons pas

nommĂ© l’auteur faute de le connaĂźtre (un effet du charme discret de

wikipedia

) se

continue ainsi :

À noter qu’un membre important de l’Oulipo, Jacques Roubaud, est un ma-

thĂ©maticien qui a Ă©tĂ© trĂšs marquĂ© par Bourbaki. C’est par exemple lui qui a Ă©crit
l’avis de dĂ©cĂšs de Bourbaki, sous forme de canular.

Outre le fait que cet avis de dĂ©cĂšs n’est pas rĂ©digĂ©

«

sous forme de canular

»

mais bien

en forme de faire-part, une remarque plus sĂ©rieuse s’impose : il faut avoir tournĂ© les
pages de

MathĂ©matique :

(entre autres) bien rapidement pour choisir le faire-part en

question comme (unique) exemple du fait que Roubaud ait Ă©tĂ© marquĂ© par Bourbaki.

Roubaud est en effet un des points de passage de Bourbaki Ă  l’Oulipo, pas tant Ă 

cause du

«

canular

»

que constitue ce faire-part que par les deux projets, de mathĂ©ma-

tique et de poĂ©sie, dont il a entretenu ses lecteurs dans le cycle

le Grand incendie de

Londres

[

47

], et d’ailleurs aussi par Claude Chevalley et le jeu de go, que Chevalley

(membre fondateur de Bourbaki) avait dĂ©couvert au Japon avant de le populariser en
France Ă  travers ses Ă©lĂšves, dont Pierre Lusson et Jacques Roubaud (ce qui a donnĂ©
le livre [

29

]).

Des annĂ©es plus tĂŽt, Queneau lui-mĂȘme, qui Ă©tait un irrĂ©ductible grand amateur de

mathĂ©matiques (voir les articles que lui ont consacrĂ© Le Lionnais et Roubaud [

27, 44

]),

qui a assistĂ© Ă  un congrĂšs Bourbaki (Ă  Amboise, en mars 1962,

aprĂšs

, donc, la fondation

de l’Oulipo

(5)

), et qui avait fait paraĂźtre quelque temps auparavant (janvier 1962) un

article [

42

] sur Bourbaki, est un autre point de passage Ă©vident. Il faut souligner quand

mĂȘme que ni le nom, ni mĂȘme l’idĂ©e de Bourbaki, n’apparaissent dans les Comptes
rendus des quarante premiĂšres rĂ©unions de l’Oulipo (novembre 1960–novembre 1963)
(admirablement) rĂ©digĂ©s par Jacques Bens [

10

], et de mĂȘme qu’aucun membre de

Bourbaki ne figure dans la liste des invitĂ©s des cent quarante-deux premiĂšres rĂ©unions
de l’Oulipo (24 novembre 1960–14 fĂ©vrier 1973) reproduite Ă  la fin de [

32

] ; il est bien

fait mention dans l’article de Le Lionnais dĂ©jĂ  citĂ© [

27

, p. 35] d’Henri Cartan Ă  propos

de dĂ©jeuners mathĂ©matiques, au printemps 1976, mais il ne s’agissait pas de l’Oulipo
en tant que structure.

Bien sĂ»r, encore bien plus tĂŽt, le PrĂ©sident-Fondateur de l’Oulipo, François Le

Lionnais, a entretenu des relations assez proches avec Bourbaki lui-mĂȘme, mais aussi
ses amis DieudonnĂ© et Weil, qui se sont concrĂ©tisĂ©es dans la participation de ces

(3)

Parce que souvent mentionnĂ©. La coquille ne figure dans aucune des deux versions des fascicules

de rĂ©sultats de thĂ©orie des ensembles [

14

] et [

17

], pas plus que dans les dĂ©finitions des ensembles

filtrants telles que donnĂ©es dans les versions [

16

] et [

19

] du livre de thĂ©orie de ensembles.

(4)

Puisqu’il est question d’humour et de Bourbaki, rappelons ici les deux articles [

7, 8

]. Une rĂ©fĂ©rence

trĂšs gĂ©nĂ©rale sur la question est [

52

].

(5)

Il est fait mention de sa prĂ©sence dans le journal interne

la Tribu

de Bourbaki (cette mention est

citĂ©e dans [

2

]).

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4

MICHÈLE AUDIN

derniers au livre

les Grands courants de la pensĂ©e mathĂ©matique

[

25

] (sur François Le

Lionnais, voir l’article [

51

] d’Olivier Salon).

L’

«

encadré

»

intitulé

De Bourbaki Ă  l’Oulipo, Piaget ou LĂ©vi-Strauss

, dans le fas-

cicule

«

grand public

»

[

31

, p. 48], laissera, lui, les lecteurs sur leur faim, quant aux

relations entre Bourbaki et l’Oulipo : c’est, trĂšs explicitement aux

Grundlagen

de

Hilbert [

22

], et non Ă  Bourbaki, que fait rĂ©fĂ©rence l’article

les Fondements de la littĂ©-

rature

[

40

] de Queneau citĂ© en illustration.

Remarque

.

Ajoutons trois ou quatre remarques, peut-ĂȘtre Ă©videntes, peut-ĂȘtre in-

utiles

(6)

:

– Bourbaki â€” par sa personnification et ses mystĂšres, par son pouvoir â€” peut ĂȘtre

considĂ©rĂ© comme une icĂŽne de la communautĂ© des mathĂ©maticiens. Un statut bien
diffĂ©rent de celui d’une structure comme l’Oulipo.

– En parlant de mystĂšres, rappelons que l’Oulipo affirme que son vĂ©ritable secret

a toujours rĂ©sidĂ© dans son absolue transparence [

33

, p. 407].

– Un article sĂ©rieux (et d’ailleurs intĂ©ressant) dĂ©jĂ  citĂ© ici est celui de David Au-

bin [

2

]. Soulignons toutefois que l’évident intĂ©rĂȘt, rappelĂ© ci-dessus, des fondateurs de

l’Oulipo pour Bourbaki et ses travaux n’a pas empĂȘchĂ© les (des) membres de l’Oulipo
de produire leurs plus beaux ouvrages

pendant et aprĂšs

la pĂ©riode du dĂ©clin Ă  la fois

de Bourbaki et du structuralisme sur la scĂšne intellectuelle française, dĂ©crit, analysĂ©
et datĂ© des annĂ©es 1970 dans [

2

, pp. 323 sqq]. Mentionnons simplement ici

la Dispa-

rition

[

34

] (1969),

Alphabets

[

35

] (1976),

la Vie mode d’emploi

[

37

] (1978),

la Belle

Hortense

[

45

] (1985),

le Grand incendie de Londres

[

47

] (1989),

MathĂ©matique :

[

50

]

(1997), etc. Rappelons aussi que plusieurs d’entre les fondateurs de l’Oulipo considĂ©-
raient le structuralisme avec circonspection [

26

].

– Bourbaki a rĂ©servĂ© son sens de l’humour Ă  son usage interne, aucun lecteur des

ÉlĂ©ments de mathĂ©matiques

n’en a profitĂ©. Le cas de l’Oulipo est bien diffĂ©rent.

Abandonnons cette question, Ă  laquelle nous reviendrons dans un article ultĂ©-

rieur [

4

], et venons-en au sujet principal de cet article.

Problématique.

Nous faisons ici le point de nos connaissances sur la PoldĂ©vie et

principalement sur la prĂ©sence poldĂšve en France. Nous posons (et rĂ©pondons Ă ) la
question de l’introduction de l’idĂ©e poldĂšve dans notre pays.

1. Que savons-nous de la PoldĂ©vie ?

Pour contribuer de façon moins commune Ă  l’étude des relations entre l’Oulipo

et Bourbaki, nous allons nous intĂ©resser ici Ă  ce qui est, au sens propre, un lieu

(6)

Rappelons ici le droit du lecteur Ă  sauter les remarques qu’il juge inutiles, et d’ailleurs Ă  sauter ce

qu’il veut.

background image

LA VÉRITÉ SUR LA POLDÉVIE

5

commun de ces deux groupes

(7)

, la PoldĂ©vie. Avant de nous poser les questions fon-

damentales sur la PoldĂ©vie, et aprĂšs la mention du nom du polycĂ©phale Bourbaki, un
mathĂ©maticien, notons que dĂšs ses origines, la prĂ©sence poldĂšve en France est liĂ©e aux
mathĂ©matiques, par

«

l’ombre d’une idĂ©e abstraite

»

qui survolait la chapelle de la rue

des Larmes (et son carrĂ© de salades, auquel nous reviendrons), et aussi, par les Ă©tudes
de

«

mathĂ©matiques pures et appliquĂ©es

»

auxquelles s’adonne, dĂšs la fin des annĂ©es

1910, Mounnezergues, le gardien de la chapelle poldĂšve (voir [

41

, pp. 76 et 78]).

Qu’est-ce que la PoldĂ©vie ?

Un pays.

Le nom PoldĂ©vie.

Notons que ce pays est parfois appelĂ© Poldavie, plusieurs gra-

phies indiquant une appellation originelle dans un alphabet diffĂ©rent (peut-ĂȘtre cy-
rillique ou, pourquoi pas, armĂ©nien, voire encore plus exotique (pour des rĂ©vĂ©lations
sur l’alphabet poldĂšve, voir nos miscellanĂ©es page 13)), et la graphie Poldavie elle-
mĂȘme fleurant la Moldavie et le masculin (une anticipation vertigineuse, et Ă  rebours,
de [

12

]).

OĂč se trouve la PoldĂ©vie ?

On trouvera sans mal par des moyens de

«

recherche

»

modernes

(8)

des articles laissant entendre que la PoldĂ©vie est un pays balkanique. Les

sources que nous allons reproduire ici montrent Ă  l’évidence qu’il n’en est rien : la
PoldĂ©vie se trouve dans le Caucase

(9)

.

Pourquoi ne la trouve-t-on pas sur les cartes ?

Les mĂȘmes sources nous ap-

prendront que la PoldĂ©vie a

«

disparu de la carte d’Europe

»

. Cette disparition est une

rĂ©ponse radicale Ă  la question posĂ©e (une des raisons possibles de cette disparition est
Ă©voquĂ©e dans nos miscellanĂ©es page 13).

Sous quel rĂ©gime politique les PoldĂšves vivaient-ils ?

Une monarchie, puisque

l’universitĂ© de Besse-en-PoldĂ©vie est

«

royale

»

. Rappelons que, dans une monarchie, il

y a des princes ; le plus cĂ©lĂšbre prince poldĂšve dont la prĂ©sence en France est attestĂ©e
est le prince Luigi VoudzoĂŻ.

Ajoutons que, si nous ignorons les couleurs du drapeau poldĂšve, les armes de la

PoldĂ©vie nous sont connues (par [

41

, p. 76]),

«

de sable Ă  l’orle de huit larmes d’ar-

gent

»

.

(7)

Ici, nous utilisons le mot

«

groupe

»

dans son sens courant, et non dans le sens que lui donnent

les mathĂ©maticiens. Pour une discussion de cette question, voir encore Roubaud, dans

le Conte du

Labrador

[

48

], et aussi notre article [

3

].

(8)

Rappelons Ă  nos lecteurs que

«

G... n’est pas une source

»

.

(9)

Ce qui rapproche ses massacreurs des moustachus bordures, sans pour autant la rapprocher de la

Syldavie (la moustache est d’ailleurs populaire en PoldĂ©vie, notamment parmi les bandits, voir [

45

,

p. 58] et [

46

, p. 208]). Le caractĂšre montagneux de la PoldĂ©vie est attestĂ© par toutes les sources (voir,

par exemple, [

46

, p. 187]).

background image

6

MICHÈLE AUDIN

Quelle est la capitale de la PoldĂ©vie ?

Certains parlent de Klow, mais il s’agit

Ă©videmment d’une confusion avec la Syldavie. Cherchella est un jeu de mot stupide
(heureusement dĂ» ni Ă  l’Oulipo ni Ă  Bourbaki). Aujourd’hui, nous pouvons rĂ©vĂ©ler
Ă  nos lecteurs que la capitale de la PoldĂ©vie Ă©tait Besse (Queneau’stown Ă©tant un
produit de l’imagination d’un Ă©crivain qui n’en manque pas).

2. Qui a fait connaĂźtre la PoldĂ©vie en France ?

C’est une question assez dĂ©licate, mais c’est celle que nous avons l’ambition de

traiter ici, alors allons-y. Il est en tout cas indĂ©niable, comme dirait notre anonyme
ouiquipaidieur, que le PoldĂšve le plus cĂ©lĂšbre est le dĂ©nommĂ© Nicolas Bourbaki...
qui pourtant ne l’est (poldĂšve) que par adoption

(10)

. Son ami AndrĂ© Weil, dans ses

souvenirs [

58

, p. 106], fait remonter la premiĂšre mention de la nation poldĂšve en

France Ă  un canular normalien des annĂ©es 1910. Voir les sources ci-dessous.

Flirtant Ă  droite.

On cite pourtant volontiers un canular dĂ» Ă  l’

Action française

en

1929 comme premiĂšre occurrence de la question poldĂšve en France. Suivi d’allusions
dans le sinistre article

Mourir pour Dantzig ?

du sinistre DĂ©at dans l’

ƒuvre

du 4 mai

1939 (nous laissons le soin Ă  nos lecteurs de trouver un qualificatif adĂ©quat pour ce
quotidien, selon lequel, le 4 mai 1939, les paysans français n’étaient prĂȘts Ă  mourir ni
pour Dantzig, ni pour les PoldĂšves... un singulier mĂ©pris pour les Polonais en prime),
dans

Notre avant-guerre

du sinistre Brasillach en 1941...

On ne peut que regretter que des auteurs respectables ignorent les filiations rĂ©elles.

On lit par exemple, dans l’article [

7

, p. 92] :

Quant Ă  la PoldĂ©vie, c’est le pays imaginaire de la nation martyre inventĂ©e

par Alain Mellet et ses collĂšgues de

L’Action française

[...]

(une note de bas de page nous donne les dates prĂ©cises des numĂ©ros de ce journal
oĂč serait apparue la PoldĂ©vie pour la premiĂšre fois... et ajoute que, d’aprĂšs Weil, il y
aurait eu quelque chose en 1910).
Et, sur le site des Ă‰ditions de Minuit

http://www.leseditionsdeminuit.com/f/

index.php//index.php?sp=liv&livre_id=2544

, dans une critique du livre [

59

] :

[...] la PoldĂ©vie, Ă©voquĂ©e chez Marcel AymĂ© qui l’avait sortie d’un canular de
l’Action française puis chez Queneau, Perec et Roubaud, oĂč un rĂ©fĂ©rent finit par
se dĂ©gager d’une chaĂźne textuelle singuliĂšrement longue.

En plus de son inexactitude, commentĂ©e ci-dessous, la filiation par le seul Marcel AymĂ©
a un cĂŽtĂ© pĂ©nible, compte tenu du contexte DĂ©at-Brasillach, puisque Marcel AymĂ©
Ă©tait Ă  la fois un ami de Brasillach et un collaborateur (!) du journal collaborationniste

Je suis partout

...

Remarque

.

En outre, cette citation contient au moins deux erreurs.

(10)

Nous verrons que Bourbaki n’était pas russe non plus, contrairement Ă  ce que l’on lit parfois, et

encore moins suĂ©dois, comme on le trouve malheureusement sous la plume d’un auteur habituellement
digne de foi, dans [

42

].

background image

LA VÉRITÉ SUR LA POLDÉVIE

7

– Nous allons voir que Raymond Queneau a parlĂ© de la PoldĂ©vie (1941–42)

avant

Marcel AymĂ© (1942–43) et que le

«

puis

»

contenant le plus de vĂ©ritĂ© serait un

«

Que-

neau, puis Roubaud

»

.

– Quant Ă  Georges Perec, bien qu’il ait citĂ© huit fois

Pierrot mon ami

[

41

] dans

la

Vie mode d’emploi

[

37

] (voir le

«

Cahier des charges

»

[

38

]), il n’y a pas du tout fait

mention de la PoldĂ©vie, tout au plus d’un diamant volĂ© au prince Luigi VoudzoĂŻ au
chapitre

xxviii

, le prince n’étant identifiĂ© comme poldĂšve que dans l’index. Ă€ notre

connaissance, Perec n’a jamais mentionnĂ© la PoldĂ©vie dans aucun autre de ses Ă©crits.

Chronologie.

RĂ©tablissons donc la chronologie de ce que nous savons de la prĂ©sence

poldĂšve en France.

– Vers 1910, des Ă©lĂšves de l’

ens

informent la presse des malheurs de la nation

poldĂšve.

– Avant 1917, mort Ă  Paris du Prince Luigi VoudzoĂŻ.
– Avant 1920, construction de la chapelle de la rue des Larmes.
– 1929, canular d’un journaliste de l’Action française.
– 1935, Nicolas Bourbaki fait passer sa premiĂšre note aux

Comptes rendus

,

via

AndrĂ© Weil, qui l’accompagne d’une lettre Ă  Ă‰lie Cartan dans laquelle il dĂ©crit les
malheurs de ce professeur d’une universitĂ© poldĂšve. Dans les quelques annĂ©es qui
suivent, Bourbaki devient trĂšs cĂ©lĂšbre (parmi les mathĂ©maticiens), popularisant la
PoldĂ©vie (dans ce milieu).

– 1936, dans

le Lotus bleu

, le barbu que l’on croit ĂȘtre Tintin portant une fausse

barbe est un barbu authentique, qui se dĂ©clare

«

consul de PoldĂ©vie

»

.

– 1939,

«

les paysans français n’ont aucune envie de mourir pour les PoldĂšves

»

de

DĂ©at.

– 1941,

Notre avant-guerre

de Brasillach.

– ?–1942, François Le Lionnais a commencĂ© Ă  rassembler des textes pour

les Grands

courants de la pensĂ©e mathĂ©matique

, auxquels collaborent Raymond Queneau et Bour-

baki (ainsi que certains de ses amis)

(11)

,

– 1941–1942,

Pierrot mon ami

, de Raymond Queneau, dans lequel les origines de

la prĂ©sence poldĂšve Ă  Paris sont Ă©tablies (une datation plus prĂ©cise est possible : les
notes prĂ©paratoires et le tapuscrit de ce roman, rĂ©cemment acquis par la BibliothĂšque
municipale du Havre, datent de 1941–42).

– 1943,

le Passe-Muraille

, de Marcel AymĂ©, contient une nouvelle intitulĂ©e

LĂ©gende

poldĂšve

(cette nouvelle est d’abord parue le 2 octobre 1942... dans

Je suis partout

).

– 1947, AndrĂ© Weil, qui, n’étant pas en France pendant l’Occupation, a Ă©tĂ© sollicitĂ©

tardivement

(12)

de contribuer aux

Grands courants

, suggĂšre Ă  François Le Lionnais

(11)

Cette entreprise est, sauf erreur de notre part, la seule publication commune de Bourbaki et des

membres fondateurs de l’Oulipo, Le Lionnais et Queneau. Nous la mentionnons dans cette chronologie
car elle nous semble indiquer trĂšs clairement Ă  quelle source Queneau a puisĂ© son intĂ©rĂȘt pour la
Poldévie.

(12)

En 1946, d’aprĂšs ce que dit Weil dans [

57

, p. 561 sq]. Il n’a d’ailleurs pas commencĂ© Ă  Ă©crire cet

article avant mai 1946 (archives Bourbaki).

background image

8

MICHÈLE AUDIN

de mettre

«

rien

»

ou

«

professeur Ă  l’UniversitĂ© de Besse-en-PoldĂ©vie

»

Ă  la suite de

son nom dans

les Grands courants

(et François Le Lionnais choisit

«

rien

»

)

(13)

.

– Vers 1950, les amis de Nicolas Bourbaki Ă©crivent une notice sur sa vie et son

Ɠuvre, expliquant Ă  la fois sa position par rapport Ă  la PoldĂ©vie et celle de la PoldĂ©vie
tout court.

– 1952, La Poldavie est le lieu de l’action de la piĂšce

la TĂȘte des autres

, de Marcel

Aymé.

– date inconnue de nous, dans le faire-part annonçant le mariage de sa fille Betti,

Bourbaki se qualifie de

«

membre canonique de l’acadĂ©mie royale de PoldĂ©vie

»

(le

faire-part indique que Betti Bourbaki a Ă©tĂ© Ă©lĂšve

«

des BienordonnĂ©es de Besse

»

, une

autre indication du fait que la capitale de la PoldĂ©vie serait bien Besse).

– Ă  partir de 1985, reconstruction de la PoldĂ©vie, devenue lieu romanesque, dans

la

«

trilogie

»

(14)

Hortense

, de Jacques Roubaud.

Remarques

(sur la chronologie)

(1) Faute de source sĂ©rieuse, nous n’avons pas introduit dans notre chronologie

la possible prĂ©sence d’ambassadeurs poldĂšves Ă  Paris dĂšs le dĂ©but du

xviii

e

siĂšcle.

L’origine du nom

«

HĂŽtel des Ambassadeurs poldĂšves

»

de l’hĂŽtel particulier sis Ă 

Paris 47 rue Vieille-des-Archives n’est pas, d’aprĂšs les spĂ©cialistes, trĂšs claire (voir par
exemple le dictionnaire d’Hillairet [

23

, Vol. 2, p. 637]) â€” ce qui n’empĂȘche pas cet

endroit d’avoir acquis une place dans la littĂ©rature : d’une part c’est lĂ  que

le Mariage

de Figaro

[

9

] a Ă©tĂ© Ă©crit, d’autre part, il est un des lieux signalĂ©s dans

L’enlùvement

d’Hortense

[

46

], ce qui nous rapproche de notre sujet.

(2) Faire Ă©tat du livre [

56

], premier rĂ©cit de voyage en PoldĂ©vie, et encore antĂ©rieur,

ne serait pas plus rigoureux : si la mention de cet ouvrage dans [

46

] laisse entendre que

cet ouvrage existe, au moins thĂ©oriquement, Ă  la

bnf

, cette existence n’est absolument

pas dĂ©montrĂ©e

(15)

, ce qui nous oblige Ă  nous abstenir de l’utiliser comme preuve.

Remarque

(sur AndrĂ© Weil et la PoldĂ©vie)

.

Rappelons, puisqu’il a Ă©tĂ© question de lui,

qu’AndrĂ© Weil Ă©tait trĂšs attachĂ© Ă  son titre poldĂšve, au point que c’est le seul qu’il
faisait figurer aprĂšs son nom dans l’annuaire de l’

Institute for Advanced Studies

de

Princeton, dont il a Ă©tĂ© membre Ă  partir de 1958. La lecture, pourtant trĂšs attentive,
que nous avons faite des Ć’uvres et de diffĂ©rents Ă©crits d’AndrĂ© Weil, ne nous a pas
permis de dĂ©terminer si et quand il s’était rendu en PoldĂ©vie pour obtenir ce titre
(vraisemblablement pendant son sĂ©jour en Inde en 1930–32). Il est avĂ©rĂ© en tout cas
qu’il parlait poldĂšve (entre beaucoup d’autres langues), puisqu’il a pu traduire un
proverbe de cette langue (en allemand, ce qui indique qu’il ne parlait pas finnois, une
langue pourtant beaucoup plus facile que le poldĂšve) pour le livre d’or de son collĂšgue
Nevanlinna en 1939 (cette page de ce livre d’or est reproduite dans [

31

, p. 20]). Sur

la langue poldĂšve, voir aussi nos miscellanĂ©es page 13.

(13)

Archives Bourbaki. Noter que Bourbaki apparaĂźt, lui aussi, sous son seul nom dans ce livre.

(14)

La prĂ©sence des guillemets sera expliquĂ©e dans la note 20.

(15)

Non seulement le livre lui-mĂȘme ne semble pas figurer dans le fichier de la bibliothĂšque, mais en

outre, si l’on en croit le fichier Ă©lectronique

«

consultable en ligne

»

, celle-ci ne possĂšde

aucun

ouvrage

dans la notice duquel figure l’un des mots PoldĂ©vie, Poldavie, poldĂšve.

background image

LA VÉRITÉ SUR LA POLDÉVIE

9

Conclusion.

L’extrĂȘme-droite française, dans les pires moments de notre histoire

(mais du temps oĂč ses dirigeants avaient des lettres), a utilisĂ© la PoldĂ©vie Ă  ses fins
plus que douteuses. Il serait pourtant assez naĂŻf de croire Ă  la lĂ©gende selon laquelle elle
aurait inventĂ© la PoldĂ©vie. Sauf Ă  invoquer une intentionnelle volontĂ© de propagande, il
est difficile de comprendre comment il est possible qu’une telle erreur puisse continuer
Ă  ĂȘtre diffusĂ©e.

S’il est admissible (et mĂȘme pas invraisemblable, Ă©tant donnĂ©es les opinions po-

litiques de l’auteur du

Lotus bleu

[

21

], pour lesquelles nous renvoyons Ă  la biogra-

phie [

1

]) que le consul de PoldĂ©vie du

Lotus bleu

soit (intellectuellement) apparentĂ© Ă 

l’Action française, il semble Ă  peu prĂšs exclu (toujours intellectuellement) que Bour-
baki soit redevable de ses connexions poldĂšves Ă  ce mouvement ; la mention de ce
pays, Ă  l’École normale supĂ©rieure, dĂšs 1910, est une confirmation de cette hypothĂšse.
Il est tout aussi impossible d’imaginer que Queneau ait pu boire Ă  cette source (voir
la note 11).

Nous ne saurions trop encourager la gent journalistique, notamment celle qui Ă©crit

sur les productions scientifiques et/ou littĂ©raires des sympathisants de la cause pol-
dĂšve, Ă  cesser de donner du crĂ©dit Ă  cette origine (contestable Ă  plus d’un titre) de la
Poldévie.

3. Documents

La premiĂšre mention de la PoldĂ©vie.

Citons ici ce que raconte AndrĂ© Weil, sur

lequel l’influence normalienne a Ă©tĂ© trĂšs grande, et Ă  qui l’on peut faire confiance sur
les traditions de l’École normale :

Vers 1910, Ă  ce que dit l’histoire, des normaliens ramassĂšrent dans les cafĂ©s de

Montparnasse des individus d’origine variĂ©e dont ils firent, moyennant quelques
apĂ©ritifs, des reprĂ©sentants de la nation poldĂšve. On rĂ©digea pour eux des lettres,
adressĂ©es Ă  des notabilitĂ©s des mondes politique, littĂ©raire, universitaire, qui com-
mençaient :

«

Vous n’ignorez pas les malheurs de la nation poldĂšve...

»

. les tĂ©moi-

gnages de sympathise commencĂšrent Ă  affluer. Au moment opportun on annonça
une rĂ©union publique. On avait composĂ© pour le principal orateur un discours
Ă©mouvant qui se terminait Ă  peu prĂšs par ces mots :

«

Ainsi moi, prĂ©sident du

Parlement poldĂšve, je vis pauvre exilĂ©, dans une dĂ©tresse telle que je ne possĂšde
mĂȘme pas de pantalon

»

. Il monta sur la table, et n’avait pas de pantalon [

58

,

p.106 sq].

Ajoutons qu’AndrĂ© Weil est entrĂ© Ă  l’

ens

en 1922 ; nul doute que la relation d’évĂ©ne-

ments qui se sont produits douze ans auparavant ait pu se perpĂ©tuer jusqu’à lui.

La chapelle de la rue des Larmes.

La construction de la chapelle poldĂšve de la

rue des Larmes et les Ă©vĂ©nements qui l’ont amenĂ©e sont relatĂ©s dans [

41

]. Le livre

paraĂźt en 1942 mais l’histoire qui y est racontĂ©e au prĂ©sent est antĂ©rieure Ă  cette date.
Pour le prouver, lisons les actualitĂ©s, page 198

(16)

:

(16)

La pagination utilisĂ©e ici est celle de l’édition Folio.

background image

10

MICHÈLE AUDIN

[...] tenez... il y a trois colonnes pour une guerre... Ă  cĂŽtĂ© deux pour un chan-
gement de ministĂšre... une pour un match de boxe... une pour une Ă©lection Ă 
l’AcadĂ©mie...

De toute Ă©vidence, ceci ne se passe pas pendant l’Occupation : il y aurait eu

«

la

»

guerre. L’épilogue, un an plus tard, non plus. Disons, au plus tard 1938 pour l’épilogue,
1937 pour le reste, vingt ans avant pour la mort du Prince (dans le rĂ©cit d’ArthĂšme
Mounnezergues, page 72

«

il y a un peu moins de vingt ans

»

), et un an aprĂšs la

construction de la chapelle (

«

Je passai donc ainsi l’étĂ© et une partie de l’automne

»

,

page 74).

Ajoutons une remarque sur le dĂ©mĂ©nagement de cette chapelle, dont on sait qu’elle

se trouve dĂ©sormais Ă  l’intĂ©rieur de l’église Sainte-Gudule :

SituĂ©e autrefois prĂšs de l’avenue de Chaillot [rue des Larmes], elle se trouvait
menacĂ©e de rĂ©novation, d’expropriation, d’alignement et de destruction en faveur
d’un urgent parking [... La chapelle et son potager furent donc transportĂ©s] pierre
par pierre et salade Ă  salade simultanĂ©ment [...] [

45

, p. 38]

La lettre d’AndrĂ© Weil Ă  Ă‰lie Cartan.

Elle n’est pas datĂ©e, mais elle accompa-

gnait une note aux

Compte rendus

[

13

] transmise par Ă‰lie Cartan dans la sĂ©ance du 18

novembre 1935 et publiĂ©e dans celle du 23 dĂ©cembre 1935. C’est un document capital,
issu des archives mĂȘme de l’AcadĂ©mie des sciences

(17)

qui donne des informations, de

deuxiĂšme main il est vrai (mais pas plus), sur la PoldĂ©vie.

Cher Monsieur,
Je vous envoie ci-joint, pour les C.R., une note que M.Bourbaki m’a chargĂ© de

vous transmettre. Vous n’ignorez pas que M.Bourbaki est cet ancien professeur
Ă  l’UniversitĂ© Royale de Besse-en-PoldĂ©vie, dont j’ai fait la connaissance il y a
quelque temps dans un cafĂ© de Clichy oĂč il passe la plus grande partie de la jour-
nĂ©e et mĂȘme de la nuit ; ayant perdu, non seulement sa situation, mais presque
toute sa fortune dans les troubles qui firent disparaĂźtre de la carte d’Europe la
malheureuse nation poldĂšve, il gagne maintenant sa vie en donnant, dans ce cafĂ©,
des leçons de belote, jeu oĂč il est de premiĂšre force. Il fait profession de ne plus
s’occuper de mathĂ©matiques, mais il a bien voulu cependant s’entretenir avec
moi de quelques questions importantes et mĂȘme

[ajout manuscrit :

me laisser]

jeter un coup d’Ɠil sur une partie de ses papiers ; et j’ai rĂ©ussi Ă  le persuader de
publier, pour commencer, la note ci-jointe, qui contient un rĂ©sultat fort utile pour
la thĂ©orie moderne de l’intĂ©gration, je pense que vous ne verrez pas de difficultĂ©
Ă  l’accueillir pour les Comptes-Rendus ; si mĂȘme les renseignements que je vous
donne au sujet de M.Bourbaki ne paraissaient pas suffisamment clairs, j’imagine
qu’il n’appartient Ă  l’AcadĂ©mie, et en particulier Ă  celui qui prĂ©sente la note, que
de s’assurer de la valeur scientifique de celle-ci, et non de faire une enquĂȘte au
sujet de l’auteur. Or j’ai examinĂ© soigneusement le rĂ©sultat de M.Bourbaki, et
son exactitude est hors de doute.

Veuillez recevoir, je vous prie, les remerciements de M.Bourbaki et les miens,

et croyez toujours Ă  mes sentiments bien affectueusement et respectueusement
dévoués.

(17)

Fonds AndrĂ© Weil.

background image

LA VÉRITÉ SUR LA POLDÉVIE

11

A.Weil

Ce texte nous renseigne sur l’état de la PoldĂ©vie en 1935, il nous confirme que cet

Ă©tat Ă©tait une monarchie, et nous indique que la capitale devait en ĂȘtre Besse.

Notice sur la vie et l’Ɠuvre de Nicolas Bourbaki.

Ce texte est consultable

sur le site

http://mathdoc.emath.fr/archives-bourbaki/PDF/hcms_004.pdf

. La

notice nous apprend que Bourbaki vient d’une famille crĂ©toise, dont une branche s’est
installĂ©e en France au temps de NapolĂ©on, celle d’oĂč est issu Nicolas Bourbaki (le
nĂŽtre, le mathĂ©maticien), Ă©tant passĂ©e par la Russie et la Roumanie, avant la naissance
de N.B... en Moldavie

(18)

! Ă‰tudes Ă  Kharkov, Paris (avec PoincarĂ©), Göttingen (avec

Hilbert), docteur Ă  Kharkov, Privat-Dozent Ă  Dorpat, et voici ce qui nous intĂ©resse :

La guerre de 1914–18 vint interrompre l’activitĂ© scientifique de N. Bourbaki,

qui s’annonçait si fĂ©conde. Au moment de la rĂ©volution de 1917, il se trouve au
Caucase, dans un institut de recherche du district de PoldĂ©vie ; nommĂ© membre
de l’AcadĂ©mie royale de ce pays

(19)

, il s’intĂ©resse vivement au sort de la nation

poldĂšve (l’une des innombrables races, voisine des OssĂštes, qui peuplent les mon-
tagnes du Caucase). Mais la guerre civile le contraint Ă  Ă©migrer, et en 1920 il se
rĂ©fugie en Iran.

La suite de cette notice dĂ©crit, comme il se doit, la suite de la carriĂšre de N.B., avec
deux allusions Ă  deux canulars, l’un Ă  l’

ens

en 1923, ou fut exposĂ© un

«

théorÚme

de Bourbaki

»

et l’autre, montĂ© entre Weil et son collĂšgue indien Kosambi (l’auteur

de [

24

], voir la lettre [

20

] de DieudonnĂ© et les souvenirs [

58

, p. 106] de Weil), vers

1930, et description des raisons qui ont poussĂ© Bourbaki Ă  entreprendre l’écriture du
traité.

Elle contient aussi des indications permettant de la dater. La phrase :

L’excellence de cette mĂ©thode de travail collectif a Ă©tĂ© prouvĂ©e surabondamment
par une expĂ©rience de 25 ans.

a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© utilisĂ©e Ă  cette fin. Elle pourrait en effet laisser croire que ce document
date de 1935 + 25 = 1960. C’est visiblement le calcul qui est fait dans [

31

, p. 21],

oĂč ce document est datĂ© de 1960. Mais il n’en est rien. Outre l’aspect du document
lui-mĂȘme, une indication plus prĂ©cise et contradictoire suit :

À l’heure actuelle les Ăąges des collaborateurs de Bourbaki s’échelonnent ainsi
de 45 Ă  24 ans. D’autre part, certains des participants de la premiĂšre heure se
sont Ă©cartĂ©s de l’équipe, soit que leur intĂ©rĂȘt ait dĂ©viĂ© vers d’autres recherches,
soit que l’atmosphĂšre trĂšs particuliĂšre des discussions bourbachiques (oĂč la plus
grande libertĂ© de langage est de rigueur) les ait rebutĂ©s ou lassĂ©s.

Ce qui date prĂ©cisĂ©ment la notice de 1949 ou 1950 :

«

certains

»

membres fondateurs

sont partis, mais pas tous (en 1960, ils l’étaient tous, depuis longtemps, la rĂšgle des

(18)

Comme nous l’avons dĂ©jĂ  signalĂ©, certains auteurs ont pu Ă©crire que Bourbaki Ă©tait russe, voir

par exemple [

24

] (le fait que Kosambi ait Ă©tĂ© le premier Ă  publier des rĂ©sultats de Bourbaki n’excuse,

ni son erreur de nationalitĂ©, ni son erreur sur le prĂ©nom de ce dernier, ni surtout son affirmation de
sa mort pendant la rĂ©volution : nous allons le voir, Bourbaki a survĂ©cu Ă  celle-ci).

(19)

Bourbaki portait, sur sa carte de visite, la seule mention

«

Nicolas Bourbaki, membre de l’AcadĂ©-

mie royale de PoldĂ©vie

»

. Il a distribuĂ© ses cartes ici ou lĂ . On en trouvera une reproduction dans [

31

,

p. 94].

background image

12

MICHÈLE AUDIN

cinquante ans ayant Ă©tĂ© formulĂ©e en 1956, annĂ©e du cinquantenaire des plus jeunes
de ces membres fondateurs, DieudonnĂ© et Weil). Le plus ĂągĂ© de ceux des membres
fondateurs qui sont restĂ©s jusqu’au bout est Jean Delsarte, nĂ© le 19 octobre 1903 (et
1903 + 45 = 1948). En avril 1949, Bourbaki venait d’absorber Jean-Pierre Serre (qui
n’avait d’ailleurs que 23 ans) au cours d’un congrĂšs dit

«

du cocotier

»

... et en effet, il

faut bien en convenir, il commençait Ă  ĂȘtre temps d’agiter le cocotier : le rĂ©dacteur de
la notice s’était

«

canulé

»

, sans doute par oubli d’une retenue, c’est 1950

−

1935 = 15

et donc

«

une expĂ©rience de 15 ans

»

qu’il aurait fallu Ă©crire.

Remarque

.

Certaines sources, trop peu explorĂ©es jusqu’ici nous semble-t-il, mais qu’il

est difficile de nĂ©gliger, permettent de comprendre, par la PoldĂ©vie, l’absence de cer-
tains sujets mathĂ©matiques du traitĂ© de Bourbaki : d’aprĂšs [

46

, p. 219], il est possible

que le thĂ©orĂšme de Gödel ne soit pas vrai en PoldĂ©vie. La commutativitĂ© des corps
finis, traitĂ©e par Bourbaki comme un exercice (voir [

15

, Chap.V, Â§ 11, ex. 14, p. 178]

ou [

18

, Chap.V, Â§ 12, ex. 14, p. 160]) serait, elle aussi, liĂ©e Ă  la PoldĂ©vie [

46

, p. 122],

ainsi que la notation dite polonaise (voir [

46

, p. 83], ce qui ne nous empĂȘchera pas de

fermer cette parenthĂšse). Par contre, l’absence des catĂ©gories dans le traitĂ© de Bour-
baki, qui avait pourtant Ă©tĂ© anticipĂ©e par Queneau [

43

, p. 23] â€” une anticipation

«

prophétique

»

signalĂ©e par Roubaud lui-mĂȘme [

44

, p. 44] â€” ne semble pas faire

l’objet d’un lien avec la PoldĂ©vie.

4. MiscellanĂ©es : le miroir Hortense

Comme nos lecteurs le savent peut-ĂȘtre, et comme l’auteur le reconnaĂźt lui-mĂȘme

(par exemple, [

46

, p. 261]), le

«

cycle Hortense

»

[

45, 46, 49

]

(20)

est Ă  ranger dans

le genre roman, et mĂȘme dans le genre roman d’aventures pour ce qui est de [

46

]

(nous ne qualifierons pas [

49

]). Il n’est donc pas question dans un article historique

sĂ©rieux (comme celui-ci) de prendre pour argent (encore moins pour or) comptant les
nombreuses affirmations qui y sont faites sur la PoldĂ©vie. Notons d’abord qu’il n’y a
aucune raison de croire Ă  la refondation rĂ©cente d’un Ă©tat poldĂšve : la PoldĂ©vie ne figure
toujours pas sur les cartes. Il est bien clair que les soi-disant princes poldĂšves, avec
leur loi de succession Ă  la 615243, sont des inventions romanesques. C’est pourquoi
nous avons employĂ©, Ă  la fin de la chronologie page 8, le mot

«

reconstruction

»

.

Quelques points de dĂ©tail sur des assertions que nous n’avons trouvĂ© aucune raison de
prendre au sĂ©rieux. La rĂ©putation de bandits faite aux PoldĂšves nous semble un clichĂ©
littĂ©raire (amalgame montagne-moustache-bandit). De mĂȘme, appeler Queneau’stown
la capitale de la PoldĂ©vie, ou inventer une Poldadamie (avec une bizarre pĂ©anographie)
relĂšvent clairement de l’invention pure et simple.

Mais, on le sait, un roman est un miroir, etc. (et si on ne le sait pas, que l’on ouvre

le Rouge et le noir

[

53

]). Promenons donc le miroir Hortense sur les chemins de la

(20)

Qui, entre parenthĂšses, n’est pas un cycle, en tout cas n’est un cycle en aucun sens mathĂ©matique

du terme... Ah ! Qu’il eĂ»t Ă©tĂ© satisfaisant pour l’esprit de voir ce dĂ©but-de-cycle se continuer jusqu’à
former une sextine d’aventures d’Hortense (de mĂȘme que les rĂ©cents

Fastes

[

30

] nous prĂ©sentent une

pharoĂŻne de pharoĂŻnes).

background image

LA VÉRITÉ SUR LA POLDÉVIE

13

PoldĂ©vie et rĂ©flĂ©chissons ici quelques passages qui semblent contenir des informations
plus sĂ©rieuses.

(1) Une des raisons de la disparition (dĂ©jĂ  mentionnĂ©e) de la PoldĂ©vie pourrait ĂȘtre

la richesse de ses ressources naturelles, convoitĂ©es par ses voisins. La prĂ©sence d’or
dans le sous-sol de la PoldĂ©vie est attestĂ©e par nos sources indirectes [

46

, p. 74, 280],

ainsi que celle de pĂ©trole [

45

, p. 38], [

46

, p. 237, 266].

(2) La difficultĂ© de la langue poldĂšve est dĂ©crite dans [

49

, p. 23] avec des dĂ©tails

si techniques qu’il est impossible que l’auteur les ait inventĂ©s : cinquante-trois

(21)

consonnes, onze voyelles, six tons et quatorze cas. C’est faute d’une autre source
confirmant ces donnĂ©es que nous ne les avons pas intĂ©grĂ©es aux informations fournies
Ă  propos du nom de la PoldĂ©vie page 5 : ceci est un article scientifique, rĂ©pĂ©tons-le.

(3) Une ultime remarque. Nous n’avons pas su trouver en librairie (mĂȘme d’occa-

sion) le guide [

28

] que lit Hortense [

49

, p. 22]. Il donne pourtant des informations qui

nous semblent dignes de confiance, notamment lorsqu’il mentionne Marco-Polo

(22)

,

qui est vraisemblablement passĂ© par lĂ .

Remerciements

À ceux qui m’ont demandĂ© de les citer (ce que j’ai fait avec bienveillance et plaisir).

À tous ceux qui m’ont aidĂ©e. Notamment, aux bibliothĂšques de l’

irma

, Ă  celle de

l’

ihp

, au service des archives de l’AcadĂ©mie des sciences et Ă  plusieurs librairies, etc.

À Christine Huyghe. Ainsi qu’aux familles Cartan et Weil. Et Ă  Jacques Roubaud.

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(21)

Tiens, tiens !...

(22)

Par contre, l’abominable docteur Schutz, lui, sort encore une fois (avec un anachronisme) d’un

roman,

Et on tuera tous les affreux

[

54

] (et non pas de

l’Écume des jours

[

55

] comme on le lit parfois

sous la plume d’excellents auteurs), et doit sans doute sa prĂ©sence dans le guide [

28

] et (par voie de

consĂ©quence) dans [

49

] Ă  une confusion Marco-Polo

→

Marcel-Paul

→

Marcel-Paul Schutzenberger

→

Schutzenberger

→

docteur Schutz.

background image

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MICHÈLE AUDIN

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17

(1982), p. 259–272.

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Stendhal

–

Le rouge et le noir

, Paris, 1830, disponible en Folio.

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V. Sullivan

–

Et on tuera tous les affreux

, Scorpion, Paris, 1948, traduit de l’anglais

par Boris Vian.

[55]

B. Vian

–

L’écume des jours

, Galliamrd, Paris, 1947.

[56]

H. de Wachtendonck

–

La PoldĂ©vone poldĂ©vique. Histoire naturelle et morale des

PoldĂ©vies, tant orientalles qu’occidentalles. OĂč il est traitĂ© des choses remarquables de
ces pays. Ensemble les mƓurs, cĂ©rĂ©monies, loix, gouvernemens et guerres des mesmes
PoldĂšves

, Christophle Plantin, Anvers, 1596.

[57]

A. Weil

–

ƒuvres scientifiques, Volume I

, Springer, 1979.

[58]

,

Souvenirs d’apprentissage

, Vita Mathematica, vol. 6, BirkhĂ€user, Basel, 1991.

[59]

B. Westphal

–

La GĂ©ocritique. RĂ©el, fiction, espace

, Minuit, Paris, 2007.

MichĂšle Audin

, Institut de Recherche MathĂ©matique AvancĂ©e, UniversitĂ© de Strasbourg

et CNRS, 7 rue RenĂ© Descartes, 67084 Strasbourg cedex, France

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