Edouard Glissant était considéré comme l’un des fils spirituels et turbulents d’Aimé Césaire, et avait notamment fondé le concept d’antillanité, de créolisation et de «tout-monde». Il avait été hospitalisé l’été dernier à New York à la suite d’un problème cardiaque. Il est mort ce 3 février à Paris.
Consécration littéraire
L'intellectuel était né il y a 82 ans en Martinique, à Sainte-Marie, où il avait grandi avant de venir poursuivre ses études en métropole, à la Sorbonne. S'il est formé en philosophie et en ethnologie, le jeune homme publie très vite des poèmes, imposant peu à peu son nom. Jusqu'à son premier roman, La Lézarde, qui lui apporte le prix Renaudot en 1958, et la consécration critique et publique.
Mais c'est au moins autant comme intellectuel engagé que comme écrivain que le nom d'Edouard Glissant restera. Il voulait débarrasser le monde de ses «archaïsmes coloniaux», et resta jusqu'au bout un penseur ardent, ancré dans son époque - il écrivit par exemple de très beaux textes à propos du Web, expliquant qu'Internet «déroule le monde, il l’offre tout dru».
«Je crois à la mondialité»
D'abord adepte des thèses de la négritude d'Aimé Césaire, il les prolonge et les transforme, en forgeant les concepts d'antillanité et de créolisation. Edouard Glissant voulait souligner l'importance de la diversité, et de la spécificité des cultures, non dans un monde «universalisé», mais dans un «tout-monde» (autre de ses concepts) fait de partage, de respect et d’alliage des cultures. «Je crois à la mondialité, confiait-il dans un entretien pour Télérama, en 2009. Au mouvement qui porte les peuples et les pays à une solidarité contre les mondialisations et les globalisations réductrices. L’Etat-nation n’a pas d’avenir. Il ne provoque que des catastrophes parce qu’il est intimement lié au chaos du capitalisme libéral, qui démantèle le monde et est incapable de l’organiser ou d’en réparer les désastres».