Des arts plastiques aux arts visuels : les mutations à venir

Pierre Jean Galdin

 Conseiller Arts plastiques

 

In Situ a rencontré Pierre-Jean Galdin, Conseiller pour les arts plastiques auprès du ministre (Mission pour les arts et la culture pilotée par Claude Mollard) à l'occasion d'un colloque national organisé par Le Carré, Théâtre des Ursulines de Château-Gontier (Mayenne) le 4 mai 2001. Il portait sur "Les arts plastiques dans l'aménagement culturel du territoire"et rassemblait de nombreux artistes, des responsables d'institutions culturelles, de collectivités territoriales et d'associations.

 

 

InSitu : La présentation du Plan quinquennal pour les arts et la culture par les ministres le 14 décembre 2000 a marqué le début d'un projet ambitieux de refonte des enseignements artistiques, et notamment des arts plastiques. Où en sommes-nous aujourd'hui ?

Pierre-Jean Galdin : Nous avons commencé par les programmes du premier degré avec trois objectifs qui sont, je crois, trois petites révolutions.

La première, c'est l’introduction du terme "arts visuels" et d'intégrer ainsi, dans nos préoccupations, toutes les dimensions de l'image, des images numériques, des images cinématographiques… Nous devons nous coltiner réellement cette question d'éducation à l'image par la pratique artistique. Elargir notre champ est important car ça va nous permettre de coller à la réalité des pratiques artistiques et pédagogiques. La progressivité que nous allons mettre en chantier dans ce programme  fera une place importante à l'ensemble des supports et des médias. Cette réflexion devra être menée pour le collège.

Le deuxième objectif, c'est l'entrée de l'histoire de l'art et de la référence. C'est un débat important dans notre milieu et je crois qu'il est fondamental que l'on tisse, pour tous les élèves, un programme officiel accompagné de références universelles, de références "obligatoires". Vous imaginez que la constitution de ces listes de références, qui accompagnent les programmes, seront l'enjeu de nombreuses polémiques, de nombreux débats, mais je crois qu'en dehors du bruit que cela fera, il est impératif que dès le primaire on inscrive la référence et l'histoire de l'art dans les programmes. Cette dimension doit aussi être accompagnée d'une réflexion sur les références nationales et sur les références régionales : chaque académie, chaque recteur, tous les deux ou trois ans, indexera à ces programmes des listes de références régionales, prises aussi bien dans les fonds régionaux d’art contemporain que dans les musées et donc de donner très concrètement à tous les enseignants des repères immédiats, pas trop loin de chez eux, qui vont nourrir leur enseignement. Cette dimension sera reprise dans le prochain chantier du collège et, je crois, amplifiée.

            Le troisième objectif, c'est l'arrivée de l'artiste dans l'école primaire. Vous le savez, l'enseignant dans le primaire est un enseignant polyvalent et l'arrivée de l'artiste est vraiment une dimension qui, on l'a vu ces dernières années, va dynamiser cet enseignement, par une transmission différente des savoirs et par un système d'évaluation complètement différent.

Un tel projet suppose des formations nouvelles pour les enseignants. Qu'avez-vous conçu ?

            A ces chantiers du programme, nous essayons de coupler un grand chantier de formation initiale dès le recrutement des enseignants, car, comme vous le savez, un enseignant sur deux sera embauché dans les quelques années qui viennent. Nous souhaitons modifier les concours pour que la dimension artistique et culturelle soit plus complètement intégrée dans ce recrutement.

Qu'en est-il de la formation de médiateurs culturels. Il semble que les points de vue entre l'Education et la Culture soient différents ?

Nous menons, avec le ministère de la culture, un chantier également très important. A la différence de nos amis musiciens qui ont un parti pris pédagogique très lié à l'apprentissage technique, dans notre domaine, nous ne privilégions pas cet aspect et nous ne souhaitons pas créer un corps de professionnels  intervenants qui ne soit ni de l'éducation nationale ni d'ailleurs, qui soit une sorte de corps indéterminé, pour intervenir dans l'école. Nous souhaitons privilégier la création de lieux de rencontre avec les artistes et les enseignants. Ce sera pour moi, je crois, une véritable clef de la réussite. Si nous ne transférons pas les responsabilités, si nous ne créons pas un corps d'intervenants professionnels dans l'école, nous aurons peut-être gagné la bataille. On ne peut pas dire qu'il faut que l'artiste entre dans l'école et ne pas l'inviter en tant que tel et le payer en tant que tel. Je crois qu'il faut que l'on puisse ensemble travailler à la crédibilité de ce que l'on dit, à sa réalité, et donc, le plus possible, trouver les moyens pour inviter l'artiste avec son univers, ses pratiques, ses projets. C'est une dimension fondamentale, et sur l'aménagement du territoire, je me rends bien compte en faisant le tour de France que c'est une dimension essentielle. Le partenariat avec les collectivités locales sera déterminant et j'espère que les deux ministères seront ensemble pour que cette bataille soit gagnée : créons des lieus d'autonomie, des lieux de rencontre avec des artistes plutôt que d’encourager l’apparition de professionnels de l’intervention scolaire.

Après l'école, le collège : quelle place pour les arts plastiques et ses enseignants spécialisés ?

            La question du collège nous arrive, et là nous avons un débat nouveau qui consiste à se battre pour donner aux professeurs d'arts plastiques un rôle majeur dans le croisement des disciplines, dans l'action de regroupement autour d'un projet global. Je crois que l’enseignant d’arts plastiques peut être le moteur d’équipes pédagogiques pour donner toute les dimensions à la globalité d'une expérience artistique. C'est l'enjeu de demain qui est tout à fait gagnable. Je viens d'achever mon parcours dans les académies et je me rends compte par exemple à quel point l'action des FRAC est absolument exemplaire. On n'imagine pas à quel point ils irriguent l'ensemble des territoires et lorsque les FRAC ne remplissent pas cette mission, il y a un véritable désarroi des partenaires scolaires. Cet enjeu fort d’aménagement culturel et artistique de territoire passe par le renforcement de l’initiative et des moyens pour les enseignants des disciplines artistiques aux collèges et aux lycées. Nous organiserons les prochains mois une grande concertation sur ce sujet.