François-Marie Déniel
FRANCOIS-MARIE DENIEL, maire de Lannilis
Originaire de Landerneau, où sa famille résidait sur le territoire de la paroisse de Saint-Houardon, François-Marie Déniel avait du faire de bonnes études probablement à Saint-Pol-de-Léon ou à Quimper, seules villes de la région à posséder un établissement d’enseignement secondaire. Il appartenait d’ailleurs à une famille de modeste mais bonne bourgeoisie.
A peine entré dans sa vingtième année, il épouse à Lannilis, le 29 septembre 1777, Catherine-Marie Uguen, laquelle était veuve d’un commerçant lannilisien, Pierre Le Vaillant. Déniel s’établit alors sur la grand-place de notre bourg (sans doute dans la maison occupée par le café Rolland, et actuellement par l’étude notariale). Il y tint un commerce de draps, et comme c’était le cas à l’époque, il adjoignit à son affaire, une petite exploitation agricole. Jeune et actif, intelligent et ambitieux, il ne tarda pas à jouer un rôle sur l’échiquier local et à fréquenter les familles influentes de la bourgeoisie: les Chiron, les Jacolot, les Barbier, les Fercoc, les Mocquard etc…
Déniel fut bientôt appelé à faire partie du corps politique, et c’est avec satisfaction qu’il vit arriver la Révolution. Sans doute espérait-il jouer un rôle important sur le plan local et régional, l’avenir ne devait pas le décevoir. Le 14 juillet 1790, premier anniversaire de la prise de la Bastille, c’est lui qui eût l’honneur de prononcer un discours sur notre grand-place, successivement en français et en breton, discours où il fustigeait les émigrés et les "absents pour raisons d’intérêts", allusion à certaines personnalités qui avaient évité de paraître à la fête.
Le 20 novembre 1791, François-Marie Déniel était nommé maire de Lannilis. Il eut à faire face à d’inextricables difficultés, en particulier l’émigration du clergé fidèle en juillet 1792, ce qui lui valut l’hostilité de la grosse majorité de la population. Déniel cependant, n’était pas directement la cause de ce départ, mais on connaissait ses sympathies pour le clergé constitutionnel qui, par ailleurs, ne comptait que de très rares adhérents dans la région. Huit jours après le départ des prêtres, le samedi 21 juillet 1792, Déniel se rendit au presbytère inoccupé en compagnie de l’officier municipal Ponce, et procureur de la commune Olivier Bergot. Il y prit possession des registres paroissiaux que l’autorité civile allait désormais tenir.
Quelques jours plus tard, arrivait à Lannilis un curé constitutionnel, l’abbé Le Frout, que presque tous les habitants allaient refuser de reconnaître pour pasteur, malgré les efforts du maire. Pour donner l’exemple, Déniel accepta d’être parrain, le 13 août, de Marie-Françoise Briant, fille d’Yves Briant, le cultivateur sans-culottes de St-Julien, mais il ne fut guère suivi. D’ailleurs un nouvel honneur lui était échu le 3 août, un arrêté le nommait commissaire du Département et ne pouvant facilement cumuler les deux charges, Déniel n’allait pas tarder à abandonner ses fonctions de maire. Auparavant, cependant, il devait faire abattre dans le cimetière de l’église, la vieille chapelle Saint-Michel qui menaçait ruine, et d’avoir la douleur de voir son ami Le Frout quitter Lannilis complètement découragé devant le peu de fidèles qui suivait son culte constitutionnel.
L’élection du nouveau maire donna lieu, le 16 décembre 1792, à de vifs incidents entre Déniel et le nouveau maire élu, Martin Duvel, l’huissier, qui était aux antipodes des opinions politiques de son prédécesseur et qui dut d’ailleurs démissionner sous la pression du district de Brest.
A partir de ce moment Déniel allait se consacrer uniquement à ses fonctions d’administrateur du Finistère (rôle comparable à celui de nos actuels conseillers généraux). Il serait trop long de narrer ici l’activité déployée par l’ancien maire de Lannilis. Lorsque les Girondins furent expulsés de la Convention ( 2 juin 1793), les administrateurs du Finistère décidèrent la levée d’une force départementale de six cents hommes qui devaient se rendre à Paris pour combattre les Montagnards et rétablir une république plus modérée. Malheureusement pour Déniel, les fédérés étaient battus, le 13 juillet 1793, à Pacy-Sur-Seine, et la Convention victorieuse ordonnait l’arrestation des administrateurs du Finistère. Déniel jugea prudent de se cacher, mais il ne put supporter longtemps la vie de traqué et,confiant dans un verdict de clémence, il se constitua prisonnier comme tous ses collègues. Les trente administrateurs furent inculpés " d’avoir conspiré contre la République " ce qui enleva à la plupart toute illusion sur leur sort.
Le 17 mai 1794, les trente hommes étaient transférés de Landerneau dans les cachots obscurs du château de Brest. Deux jours plus tard, à sept heures du matin, les administrateurs du Finistère franchissaient le pont-levis du château pour comparaître devant le tribunal révolutionnaire qui siégeait dans l’ancienne chapelle de la Marine, rue de la Mairie. Toute la garnison était sous les armes, quatre mille hommes de troupe échelonnés dans les rues que les accusés devaient traverser. L’escorte était formée de huit cents maratistes de l’armée révolutionnaire. Sur une estrade, au fond de la chapelle, étaient assis les juges, coiffés du bonnet rouge. A gauche avaient pris place les accusateurs Donze-Verteuil et Bonnet, et derrière eux les jurés. En face, sur les gradins se trouvaient les accusés, chacun entre deux gendarmes. Les débats occupèent trois audiences. Le deuxième jour, Donze-Verteuil développa son acte d’accusation puis la parole fut donnée aux défenseurs qui durent se contenter de quelques considérations sur la moralité de leurs clients. A midi, le 22 mai 1794, les débats étaient clos, et vingt-six administrateurs condamnés à mort, quatre seulement avaient la vie sauve. Parmi les condamnés figurait François-Marie Déniel.
A mesure que les condamnés sortaient du tribunal, le bourreau Ance, leur faisait couper les cheveux, leur liait les mains derrière le dos et les entassait dans les charrettes. Bientôt le lugubre cortège se dirigea vers la place du château où devait avoir lieu l’éxécution. Le président de Kergariou qui avait 82 ans fut sacrifié le premier. Le tour de Déniel arriva le vingtième. Tous reçurent l’absolution des mains de l’évêque constitutionnel Expilly qui gravit le dernier la fatale plate-forme.
On a prétendu que le bourreau rangeait les têtes symétriquement sous les yeux des condamnés qui attendaient leur tour. Ce qui est certain c’est que l’exécution eut lieu entre six heures et sept heures du soir, et que les actes de décès avaient déjà été rédigés à cinq heures.
François-Marie Déniel fut le seul Lannilisien à être guillotiné sous la Révolution.