Interventions du Premier ministre
Imprimer cette page 25-08-2006 14:44

Allocution à l’Ecole normale supérieure

Messieurs les Ministres, cher Gilles, cher François,
Madame la Directrice de l’Ecole normale supérieure,
Monsieur le Président du Conseil d’administration de l’Ecole normale supérieure,
Messieurs les Directeurs généraux,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames, Messieurs les Recteurs, Secrétaires généraux, Vice-recteurs et Inspecteurs d’Académie,

Avant toute chose, permettez-moi de remercier la directrice de l’Ecole normale supérieure, Madame Monique CANTO-SPERBER, pour son accueil chaleureux. C’est un grand plaisir pour moi de me trouver ici, parmi vous, dans cet établissement prestigieux, symbole de la tradition d’excellence de notre pays, dans cette institution qui illustre les valeurs d’égalité et de mérite qui sont au cœur de notre République.

A la veille de la rentrée scolaire et universitaire, je veux le redire avec force : l’éducation est une priorité majeure du Gouvernement.

C’est un choix politique fondamental que nous avons fait, sous l’autorité du Président de la République, pour construire une société où tous les jeunes ont les mêmes chances de réussir dans la vie. Nous devons donner à chacun la meilleure des formations possibles. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons faire des principes républicains que la France a toujours défendus une réalité pour tous. Et nous mesurons, les uns et les autres, tous les jours, à quel point il peut y avoir encore dans notre pays un décalage entre les principes et la réalité. Et s’il est un domaine où nous avons un devoir, c’est bien celui de l’Education, pour faire en sorte que cette égalité des chances soit bien, tous les jours, davantage une réalité. Tout simplement, parce qu’il y va de l’unité de notre nation, il y va de la justice. Ne laisser personne -et certainement pas un enfant-, un jeune au bord du chemin, faire en sorte que notre pacte républicain en sorte renforcé. Je peux le dire ici, dans cette institution : s’il est un acquis de l’expérience républicaine, dès les débuts de la IIIème République, c’est bien cette conviction que l’école constitue le point majeur, le point central de notre vie commune, et que c’est par l’engagement , non seulement des responsables, mais de tous ceux qui sont au contact des plus jeunes -la famille et au premier chef, l’école- que nous pouvons corriger les inégalités de la société, les inégalités des chances dans la vie de chacun, tendre une main. Il y a donc là, à la fois un devoir et en même temps une nécessité, si nous voulons que cette République reste vivante. Donc, je crois que nous pouvons tous le dire ici : cet héritage de la IIIème République, il nous appartient constamment de le méditer, constamment de le faire vivre et de la développer.

L’écart, en effet, entre les principes et la réalité nourrit trop souvent les inquiétudes et les déceptions. Un avenir pour tous, une chance pour chacun, l’égalité des droits et des devoirs, voilà des exigences auxquelles nous devons donner corps. Rien n’est pire -vous le mesurez les uns et les autres- que la déception, rien n’est pire que le sentiment que tout est joué d’avance. Et s’il est une chose contre laquelle il faut se battre, c’est bien cette idée que la vie s’arrête, la vie est jouée, à partir du diplôme que l’on a obtenu, à partir des capacités qui ont été révélées dès les premières classes. Non, il y a bien, en permanence, un chemin à bâtir, il y a bien, en permanence, pour chaque jeune, pour chaque écolier, pour chaque jeune à l’université, un chemin qui peut être bâti, une chance qui peut être apportée

Au début des années 1950 - et il faut constamment avoir en mémoire cette réalité historique dans laquelle nous vivons -, il y avait près de 30 % d’enfants d’ouvriers et d’employés dans les grandes écoles françaises les plus prestigieuses. Il y en a aujourd’hui moins de 10 %. C’est donc un avertissement qui nous est lancé. Est-ce que nous pouvons accepter une telle situation ? Est-ce que nous pouvons nous résigner ? Certainement pas.

Il ne faut pas oublier une évidence : l’école, c’est le moyen privilégié, le moyen premier de l’ascenseur social. A un moment où les Français ont l’impression qu’il ne fonctionne plus, nous devons concentrer nos efforts sur l’école et sur l’éducation. Nous sommes tous frappés, dans la vie de tous les jours, de constater que, trop souvent, il existe encore, chez beaucoup de nos concitoyens, le sentiment d’une indifférence, le sentiment que les choses ne bougent pas assez vite, qu’il y a une sorte d’impuissance politique et publique ; l’école est sans doute le premier lieu où nous pouvons emporter leur conviction. L’école est le premier lieu où nous pouvons donner la preuve qu’il n’y a pas de fatalité. C’est dire à quel point l’enjeu républicain, à travers l’école, est essentiel.

Depuis un an, Gilles de ROBIEN et François GOULARD font preuve d’une mobilisation sans faille pour améliorer notre système éducatif et universitaire.

Cet engagement au service des élèves, des étudiants, je sais que c’est aussi le vôtre. C’est pourquoi je veux saluer votre dévouement, votre sens des responsabilités et votre esprit de dialogue. Si nous sommes parvenus à lancer tant de chantiers -Gilles de ROBIEN les rappelait-, si nous sommes parvenus à mettre en œuvre tant de réformes, nous le savons, c’est grâce à votre travail. Aujourd’hui, les premiers résultats sont là. Les mesures que nous avons prises se traduisent par des améliorations concrètes pour tous les élèves, même si tout le monde ne les perçoit pas encore. Donc, à nous de les faire fructifier, à nous de faire en sorte que chacun puisse les toucher du doigt.

A travers vous, je tiens aussi à rendre hommage à tous les personnels de l’Education nationale : les chefs d’établissement, l’ensemble des corps d’inspection, mais aussi les enseignants, et tous ceux qui contribuent au bon fonctionnement de l’Ecole de la République. J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de rencontrer certains d’entre eux, notamment à l’occasion de la crise des banlieues. Ils m’avaient tous expliqué les difficultés nouvelles auxquelles ils sont confrontés, les violences, les perturbations quotidiennes qui troublent le déroulement des cours et la vie des établissements. Ils m’avaient également fait part des attentes de plus en plus fortes de la part des parents d’élèves. Face à ces défis, j’avais pu mesurer la force de leur vocation, la force de leur engagement et de leur idéal, mais aussi le besoin qu’ils ressentaient d’être soutenus toujours davantage par le gouvernement.

Cette rencontre, c’est donc aussi pour moi l’occasion de faire le point avec vous sur les mesures que nous avons engagées et sur celles que nous voulons prendre. Avec Gilles de ROBIEN et François GOULARD, nous nous sommes fixé deux grands objectifs sur lesquels je voudrais m’attarder avec vous.

*

1. Le premier, c’est de promouvoir sans cesse l’égalité des chances.

Ce principe est au cœur de mon engagement politique : je suis convaincu que c’est aujourd’hui le défi majeur que notre pays a à relever. Nous devons permettre à chaque jeune de développer ses talents et ses aptitudes, de tracer un chemin à la hauteur de ses efforts et de ses ambitions.

Pour que l’école soit l’école de la réussite pour tous, nous devons d’abord donner de bonnes bases à chaque enfant.

C’est tout le sens du socle commun de connaissances et de compétences élaboré par Gilles de ROBIEN.

Cela nous permettra de relever un défi majeur : faire en sorte que chaque élève possède les connaissances indispensables pour mener à bien sa scolarité, poursuivre sa formation et construire son avenir personnel et professionnel.

Nous sommes aujourd’hui parvenus à un texte simple, qui définit des connaissances fondamentales pour notre temps : la maîtrise de la langue française, la pratique d’une langue étrangère vivante, la connaissance des principaux éléments des mathématiques et la maîtrise d’une culture scientifique et technologique ; enfin la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication, sans oublier bien sûr la culture humaniste. Le socle commun fixe aussi des principes qui doivent être partagés par tous, comme l’ouverture aux autres, la recherche de la vérité, le respect de soi et celui d’autrui. Dans les années à venir, les programmes de l’enseignement élémentaire et de l’enseignement secondaire seront progressivement adaptés à ces exigences.

L’enjeu de cette réforme fondamentale, c’est notre identité, c’est la citoyenneté, c’est le partage d’un même ensemble de valeurs et de principes. Le rassemblement plutôt que la division, l’unité plutôt que les communautés : voilà la direction dans laquelle nous devons avancer, soucieux non pas seulement d’instruire, non pas seulement d’apprendre aux plus jeunes, mais soucieux aussi de vérifier que ces connaissances sont bien maîtrisées. Je crois que, dans cette exigence nouvelle que nous apportons à l’Education nationale, il y a un élément républicain et démocratique essentiel. En effet, il est tentant de se contenter de faire cours, de faire classe ; il est important de vérifier que derrière les connaissances que nous voulons transmettre, il y a bien pour chacun -je dis bien "pour chacun", sachant que chaque élève a son rythme, chaque élève a ses qualités mais aussi les handicaps qu’il peut avoir dans tel ou tel domaine- et donc, nous devons être soucieux de cette vérification, de cette maîtrise des connaissances. Cela fait partie des exigences de notre démocratie.

Pour nous assurer que tous les élèves ont bien acquis ce bagage indispensable, nous mettrons en place dès la rentrée des évaluations régulières aux étapes clés de la scolarité.

Avec Gilles de ROBIEN, nous avons souhaité qu’il y ait désormais au début du CE1 un contrôle de maîtrise de la lecture. Car c’est en repérant le plus tôt possible les difficultés rencontrées par certains enfants que nous pourrons les corriger et leur permettre de démarrer sur de bonnes bases. Rien ne sert de les laisser avancer dans leur scolarité avec des insuffisances, avec des éléments mal maîtrisés, pour constater beaucoup plus tard que cela a conduit à des difficultés graves, à des doutes sur les capacités de l’enfant. Cela, au bout du compte, ne fait qu’alimenter l’incertitude de l’enfant sur lui-même. Nous devons donc être soucieux de déceler le plus tôt possible les difficultés rencontrées pour les corriger et pour montrer à chacun que nous sommes soucieux de l’avancée, des progrès, de la réussite de chaque élève.

Pour atteindre cet objectif, il est important bien sûr que nous puissions apporter aux élèves les plus en difficulté une aide particulière, à travers les programmes personnalisés de réussite éducative. Ce principe d’un accompagnement personnalisé est au coeur de ma politique. Aujourd’hui, si nous voulons que chacun réussisse, nous devons prendre davantage en charge ceux qui rencontrent le plus d’obstacles. C’est vrai dans l’éducation. C’est vrai dans tous les autres domaines, comme par exemple dans la recherche d’emploi : ceux qui n’ont ni diplôme ni qualification, ceux qui n’ont pas réussi à se doter d’un bagage pour entrer facilement dans la vie active, doivent pouvoir bénéficier d’un soutien. J’aurai l’occasion d’en reparler prochainement.

L’accompagnement personnalisé n’est pas seulement une règle d’action. Il correspond également à une idée de l’égalité à laquelle nos concitoyens sont très attachés. Une égalité qui ne signifie pas certes l’égalitarisme, mais la possibilité pour chacun de trouver sa place dans la société. Une égalité qui est capable de reconnaître le mérite et la réussite, mais qui donne aussi à chacun les mêmes chances. Une égalité qui se construit tout au long de la vie et qui suppose une lutte sans relâche contre toutes les formes d’injustice et de discrimination.

Cet objectif, la réussite de tous les élèves, il sera inscrit parmi les missions centrales des maîtres dans le cahier des charges de la formation des enseignants, dont le Haut conseil de l’Éducation prépare les grandes lignes. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour saluer son président, Bruno RACINE, que je remercie pour son travail.

Promouvoir l’égalité des chances, c’est aussi concentrer les moyens sur les établissements qui rencontrent le plus de difficultés.

Il y a eu, dans notre pays, un débat sur les zones d’éducation prioritaires. Pour ma part, je l’ai dit à plusieurs reprises, je suis favorable au maintien des ZEP et à leur amélioration car il y a dans ces établissements un formidable engagement des enseignants, un dynamisme sur lequel nous pouvons nous appuyer. Mais cela ne veut pas dire immobilisme ou conservatisme. Nous devons savoir nous adapter aux évolutions sociales de notre pays, et sans doute plus rapidement que nous le faisons d’habitude. C’est pour cela qu’avec Gilles de ROBIEN, nous avons fait deux choix.

Le premier, c’est d’identifier les établissements qui connaissent les difficultés les plus importantes afin de pouvoir concentrer les moyens et d’obtenir des résultats plus rapides.

Le deuxième choix, c’est d’aider non seulement les territoires -politique traditionnelle dans notre pays-, mais aussi les élèves, ceux qui en ont le plus besoin en leur apportant un soutien personnalisé. Le changement important réside bien là : croiser les exigences des territoires ainsi que les exigences des élèves qui rencontrent le plus de difficultés.

Dès 2006, l’éducation prioritaire sera relancée sur cette base.

1 000 enseignants expérimentés pour soutenir les professeurs, 3 000 assistants pédagogiques pour aider les élèves à faire leurs devoirs, des infirmières pour repérer les problèmes de santé ou psychologiques, tout cela permettra aux élèves des collèges « ambition réussite » d’apprendre dans les meilleures conditions possibles.

Je vous demande de veiller personnellement, dans vos académies, à la mise en place des réseaux « ambition-réussite » et à la bonne répartition des moyens qui leur seront consacrés. Je vous demande aussi de veiller, en liaison avec les préfets, à la coordination de ces réseaux et à celle des équipes de réussite éducative mises en place par Jean-Louis BORLOO.

Enfin, l’égalité des chances se joue naturellement aussi à l’Université.

Nous sommes confrontés aujourd’hui à un défi majeur.

En quinze ans, le nombre d’étudiants a doublé. C’est une avancée considérable qui nous a permis d’élever le niveau de connaissance de toute une classe d’âge. Mais dans le même temps, nous n’avons pas suffisamment pris en compte certaines contraintes. Aujourd’hui, beaucoup d’étudiants se heurtent à des obstacles parce qu’ils n’ont pas toujours les moyens nécessaires pour étudier dans de bonnes conditions. Or le rapport WAUQUIEZ l’a montré, notre système de bourses n’apporte pas des réponses suffisantes à ces difficultés.

C’est pour cela que nous avons décidé de créer l’allocation pour l’installation étudiante.

Elle sera destinée aux étudiants boursiers qui quittent pour la première fois le domicile de leurs parents. Elle leur permettra de faire face aux frais importants qu’ils doivent engager pour s’installer de manière autonome. Cette allocation concernera pour commencer 80 000 personnes environ qui touchent leur première allocation logement. Elle sera d’un montant de 300 euros et sera versée dès la première semaine de novembre.

Vous le voyez, c’est un effort très significatif de la part de l’État, un effort en faveur des étudiants issus des milieux modestes, pour leur donner toutes les chances de réussir leurs études. Cette mesure - faut-il le rappeler ? - a été définie en concertation étroite avec les organisations étudiantes, de manière à cibler les populations qui en ont le plus besoin.

Je souhaite que la mise en oeuvre de cette mesure fasse l’objet d’une concertation approfondie entre les organisations étudiantes et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche afin de voir si elle doit être adaptée, corrigée dans les années à venir. Je le dis, c’est un point de départ, un point de départ important, puisque c’est une mesure sans précédent, mais à partir de là, il faudra naturellement tirer les leçons de l’expérience, en direction de ceux qui en ont le plus besoin.

*

2. Le deuxième objectif que nous nous sommes fixé, avec Gilles de ROBIEN et François GOULARD, c’est de faciliter l’insertion professionnelle des jeunes

Depuis un an, le gouvernement s’engage avec détermination pour débloquer l’emploi dans notre pays. Ce que nous voulons construire, c’est une société qui valorise l’activité, une société qui permette à chacun de trouver du travail. Pour atteindre cet objectif, l’école a tout son rôle à jouer. Elle doit être un lieu de savoir autant qu’un chemin vers l’emploi. C’est ce qu’attendent, ce qu’espèrent nos compatriotes.

Or aujourd’hui, quelle est la situation ?

40 % des étudiants quittent chaque année l’université sans aucun diplôme. Pour tous ces jeunes, cela signifie de grandes difficultés pour trouver un emploi. Et peut-être plus encore, c’est une immense frustration, une immense déception, un échec, un doute, à l’âge où l’on s’envole dans la vie, un doute sur leur capacité, le sentiment qu’ils ne seront peut-être pas à la hauteur et il est urgent, de ce fait, de trouver des réponses .

Souvent, à l’origine de cette situation d’échec, il y a une mauvaise orientation. Car l’orientation, c’est la première marche vers la réussite. Elle doit permettre à un jeune de savoir dans quelle voie il peut s’engager, quelle formation il peut choisir, quelles sont les possibilités de stages ou de séjours à l’étranger qui lui sont offertes, les débouchés qui s’ouvrent à lui, mais aussi les difficultés et les écueils qu’il devra éviter. Au contact des plus jeunes, vous le savez mieux que quiconque, que ce soit à l’âge du collège, du lycée, de l’université, l’orientation est sans doute le choix le plus difficile qu’aient à faire les jeunes. Souvent, trop souvent, ce choix se fait au doigt mouillé. Il se fait en fonction de la situation sociale, à partir de conseils d’amis, de parents, il se fait par mimétisme, en suivant le meilleur ami ou la meilleure amie dans la voie qu’elle a choisie, par Internet ou ailleurs. Trop de hasard, trop d’imprévision, trop d’hésitations qui conduisent souvent à changer de chemin, à changer de "vocation". Au fil des semaines et des mois, nous avons besoin d’offrir à ces jeunes de véritables choix, à partir d’un véritable éclairage de l’avenir, d’une mise en scène des différents scénarios, des différentes possibilités. Il y a là en permanence un esprit de responsabilité, une information à apporter à chacun de ces jeunes, au moment où ils se préparent à rentrer dans la vie, à décider des choix qui seront ceux de sa vie.

J’ai donc décidé de mettre en place dès cette rentrée un service public de l’orientation. Là aussi, nous avançons pas à pas. C’est donc un point de départ. C’est un tournant important dans la réponse que nous apportons aux jeunes.

Il ne s’agit pas de décourager les vocations ou de réduire les ambitions, bien au contraire. A aucun moment je ne pense qu’il faille d’office préjuger, à travers ce qui serait un pragmatisme de mauvais aloi, de ce que peut ou veut faire un jeune. Il ne s’agit pas de les diriger tous en coupe réglée dans telle direction ou dans telle autre, sachant que nous sommes dans des sociétés à évolution rapide, où ce qui peut apparaître aujourd’hui comme une possibilité idéale sera démentie demain par une évolution profonde de la société ou des découvertes scientifiques ou techniques qui modifieront les perspectives d’avenir. L’objectif, c’est d’éviter les désillusions. C’est de faire se rencontrer les aspirations des jeunes, leur volonté et leur motivation avec la réalité du monde du travail. Nous voulons leur permettre de toucher du doigt, concrètement, les conséquences des choix qu’ils feront, ce à quoi les mèneront les différentes filières disponibles.

Pour mettre en œuvre ce service public, j’ai nommé un délégué interministériel à l’orientation, le professeur Pierre LUNEL, ancien Président de l’Université de Paris VIII, que je remercie d’avoir accepté cette mission. Il sera chargé de définir et de mettre en place le schéma national d’orientation et d’insertion professionnelle.

Ce schéma nous permettra de mieux coordonner les structures existantes, d’améliorer la formation des acteurs de l’orientation, et d’adapter davantage la carte des formations à celle de l’emploi.

Je souhaite notamment que soit créé dans chaque université un service de l’orientation, des stages et de l’emploi qui travaillera en liaison étroite avec les lycées, les entreprises et les administrations.

Je compte sur vous pour relayer l’action du délégué interministériel de la manière la plus efficace dans vos académies, en liaison étroite avec l’ensemble des acteurs de l’orientation. Je pense en particulier au préfet de région et au président du conseil régional.

Les universités et les grandes écoles ont également un rôle majeur à jouer pour préparer les jeunes à l’insertion professionnelle.

A cet égard, je crois beaucoup à la valeur de l’exemple et à la solidarité entre les jeunes.

Lorsqu’un étudiant d’une université, de Sciences Po ou de l’ESSEC vient dans une école ou dans un établissement de l’éducation prioritaire pour aider les élèves à faire partager son expérience, il peut transmettre sa motivation, susciter des vocations, ouvrir des horizons.

C’est sur cette générosité que nous avons voulu nous appuyer en encourageant le tutorat, notamment à travers l’opération 100 000 étudiants pour 100 000 lycéens. Je crois qu’il y a là véritablement une expérience qui, de part et d’autre, tant du côté des étudiants que de ceux qui recevront les conseils, que de ceux qui seront accompagnés par ces étudiants, il y a là une expérience qui peut modifier la perception des uns et des autres, qui peut conduire à rapprocher les préoccupations des uns et des autres, à mieux répondre qu’on ne pourrait le faire par les moyens classiques, tant l’esprit d’une même génération peut faciliter le contact. Je crois qu’il y a là donc une piste extrêmement fructueuse.

Par ailleurs, pour progresser dans le domaine de l’insertion professionnelle des jeunes, les conclusions du débat national "université et emploi" nous permettront de prendre de nouvelles mesures, en étroite concertation avec l’ensemble des acteurs du monde éducatif.

*

3. Dans cette ambition pour l’éducation, vous avez naturellement un rôle décisif à jouer.

Vous devez d’abord encourager les initiatives qui se développent dans vos académies.

Pour relever les défis auxquels l’Education nationale est confrontée, nous avons besoin d’audace, d’imagination. Ces qualités, beaucoup d’enseignants et de responsables en font preuve. Je compte sur vous pour relayer leur enthousiasme, valoriser les expériences efficaces et les solutions nouvelles qui sont proposées. Nous avons besoin de cet esprit d’émulation, de ces expériences de terrain qui sont susceptibles, par la suite, d’être développées.

Regardez ce qui se fait dans les autres académies, travaillez davantage ensemble. Les limites de vos académies ne doivent pas être des barrières. C’est bien souvent en réfléchissant ensemble, en montant des projets communs que l’on peut trouver les solutions les meilleures.

Votre rôle est d’autant plus important qu’avec la LOLF, vous disposez désormais de nouvelles marges de manœuvre.

Dans la définition des projets académiques, d’abord. Il vous revient de fixer des objectifs précis, en fonction des réalités de votre académie et en cohérence avec l’action gouvernementale.

Dans le domaine budgétaire, vous disposez désormais d’une enveloppe globale de crédits. A vous de l’utiliser le plus efficacement possible.

Vous savez tous que nous avons engagé depuis un an un effort sans précédent de maîtrise des finances publiques et de réduction de l’endettement. Cet effort, c’est la garantie que l’argent des contribuables est bien géré, c’est l’assurance que les services publics pourront continuer à fonctionner dans de bonnes conditions sur le long terme.

L’Education nationale doit y prendre toute sa part. Je sais que vous saurez faire preuve de responsabilité et agir dans un souci permanent de bonne gestion de l’argent public. Je sais aussi que vous aurez à cœur de diffuser la culture de résultat qui doit désormais animer l’ensemble de la chaîne de responsabilités des académies, du rectorat à la salle de classe.

De mon côté, je prends l’engagement que toutes les décisions seront prises dans le respect des intérêts du service public. C’est en effet ce qui prime surtout.

Les efforts doivent être réalisés là où ils sont possibles, là où ils sont utiles. Si l’évolution démographique nous permet de réduire les effectifs dans un établissement, nous le ferons. Si en revanche il y a des besoins, s’il manque des professeurs dans telle ou telle école, dans tel ou tel collège ou lycée, nous mettrons les moyens nécessaires.

Tout cela sera fait avec courage et lucidité, en étroite concertation avec vous. Je m’engage à tout faire pour que cette rentrée scolaire 2006 se passe bien. J’attends de vous que vous préveniez votre ministre si vous rencontrez des difficultés particulières. Nous y apporterons à chaque fois des réponses dans les meilleurs délais possibles.

*

Mesdames, Messieurs,

Pour finir, je voudrais vous dire très librement comment je vois la poursuite de nos efforts dans le domaine de l’éducation dans les années à venir.

Permettez-moi d’abord d’évoquer ici, dans cette institution d’excellence, la question de notre enseignement supérieur, de son avenir

Je crois que dans ce domaine, il y a une sorte de paradoxe français : que voyons-nous aujourd’hui ? D’un côté, des chercheurs parmi les meilleurs du monde. Je pense par exemple à un mathématicien exceptionnel, comme Wendelin WERNER, qui vient d’obtenir la médaille Fields. De l’autre, des universités qui ont du mal à faire face à la compétition internationale.

Pour relever ce défi, nous devons à mon sens avancer dans deux directions.

La première, c’est bien sûr de rassembler nos forces.

C’est ce que nous avons commencé à faire, avec les pôles de compétitivité, avec les pôles de recherche et d’enseignement supérieur et avec les réseaux thématiques de recherche avancée prévus par la loi d’orientation et de programme pour la recherche.

C’est dans ce cadre que nous encourageons la création de pôles d’excellence, comme l’école d’économie de Paris, ou les réseaux thématiques, qui vont voir le jour dans le domaine scientifique, à Paris et en province.

Mais il y a encore beaucoup à faire. Ne relâchons donc pas notre effort. Il est important de poursuivre. C’est avec les années, c’est les efforts que nous parviendrons à acquérir le seuil de crédibilité, le seuil d’efficacité, le seuil de reconnaissance indispensable au niveau international.

La deuxième direction, qui doit nous permettre de relever les défis, c’est de moderniser notre enseignement supérieur. Pour cela, nous le savons tous, il y a des questions difficiles, des questions qui font débat auxquelles nous devrons cependant apporter des réponses. Je pense à la gouvernance, je pense à l’autonomie ou encore au financement des universités. Ce n’est évidemment ni le lieu ni le moment d’aborder ces sujets complexes. Je voudrais simplement vous faire part d’une conviction : si nous voulons que notre pays reste aux avant-postes, si nous voulons qu’il prenne toute sa place, dans la bataille de la connaissance qui est en train de se jouer, nous devons résolument moderniser nos universités. Nous devons le faire dans le respect des principes qui sont au cœur de notre identité : l’égalité et l’accès de tous aux études.

Pour que ces principes deviennent une réalité, pour que davantage d’étudiants réussissent à l’université, la première condition, c’est qu’ils aient acquis de bonnes bases dans le primaire et dans le secondaire. C’est pour cela que nous devons avoir trois ambitions pour notre école.

La première, c’est l’égalité. Dans notre pays, chaque enfant doit pouvoir bénéficier d’un enseignement de qualité, quelle que soit son origine sociale, quel que soit le lieu où il habite.

Avec la relance de l’éducation prioritaire, nous posons aujourd’hui les bases d’une école de la réussite pour tous. Une école qui identifie les handicaps, ceux des élèves comme ceux des territoires ; une école qui apporte des réponses particulières à ces difficultés.

Nous ne sommes encore qu’au début du chemin. Pour permettre à tous les élèves d’acquérir les connaissancesindispensables, nous devons faire preuved’unevigilance de tous les instants et vérifier en permanence que chacun avance dans son apprentissage. Nous devons donner à chaque enfant les clés de la réussite.

La deuxième ambition, c’est l’ouverture. L’école ne doit pas être repliée sur elle-même. Elle doit être au contraire un lieu d’échange et de rencontres.

-  Une école plus ouverte aux parents d’élèves, dans le respect des prérogatives des enseignants et des chefs d’établissement ;
-  Une école qui fait découvrir des horizons nouveaux, qu’ils soient artistiques, culturels ou scientifiques ;
-  Une école davantage tournée aussi vers le monde du travail. Les filières de l’alternance, le développement des stages, les formations techniques, tout cela n’est pas incompatible avec un savoir de haut niveau. Transmettre les savoirs essentiels, c’est bien sûr la mission première de l’école. Mais elle doit aussi rester ouverte aux réalités du présent, valoriser les compétences et les qualités de chacun. Une école qui encourage l’esprit d’initiative comme la capacité d’analyse, l’érudition comme le goût d’entreprendre, voilà ce que nous voulons construire.

La troisième ambition que nous devons avoir pour notre école, c’est l’excellence.

Il y a aujourd’hui un immense défi à relever : gagner la bataille de la connaissance qui est la grande bataille du XXIème siècle, ainsi que la bataille de l’innovation, qui est la clé de la croissance et du rayonnement de notre pays.

Pour cela, nous devons mener plus de jeunes vers les études supérieures, nous devons former davantage d’ingénieurs et de chercheurs, nous devons attirer les meilleurs étudiants et les meilleurs professeurs. Dans une économie de plus en plus mondialisée, dans une économie de la connaissance, où le savoir et l’innovation sont de plus en plus importants, il n’y a pas d’autre choix possible que d’élever le niveau de qualification des jeunes Français. Il n’y a pas d’autre choix que de tracer un chemin ambitieux pour notre école. L’avenir de notre pays en dépend. Il nous appartient à chacune et chacun d’être à la hauteur.

Et pour terminer, je voudrais dire ma conviction qu’aujourd’hui peut-être plus que jamais, en tout cas plus que dans les dernières décennies, le regard de nos compatriotes se tourne vers nous, se tourne vers vous. Chacun a compris à travers les difficultés qu’a traversé notre pays que l’une des clés capables de répondre aux inquiétudes, aux attentes, aux peurs de nombre de nos concitoyens, c’est bien sûr l’école. L’inquiétude des Français c’est en grande partie la projection sur l’avenir de cette inquiétude. Le sentiment que leurs enfants, leurs petits-enfants n’auront peut-être pas les mêmes chances, peut-être pas la même vie qu’eux. Et pour cela, il n’y a qu’une garantie ; c’est la qualité de notre école républicaine. C’est l’esprit de cette école de cette université dont vous êtes les garants et les défenseurs, c’est vous dire que plus que jamais nous avons besoin de vous, plus que jamais, nous comptons sur vous.

Je vous remercie.

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