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Burlesque Dancing
Le strip-tease nouveau est arrivé. Plus d'informations au sujet du New Burlesque et du livre de Katharina Bosse dans Metropolis sur ARTE.

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Le New Burlesque
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Le New Burlesque



L'AGE D'OR


Dans une maison tranquille des faubourgs de San Diego, Tempest Storm nourrit ses chiens. Impeccable à chaque moment de son existence, elle raconte les stars d'hier, les fans qui dormaient devant sa porte, son duo avec Bettie Page, ses flirts avec les plus grands, de Kennedy à Presley. A 76 ans, c'est comme si le temps n'avait pas de prise sur elle. Chaque week-end, elle continue de se produire dans des clubs de strip-tease. Elle fait salle comble, et tout le monde retient son souffle lorsqu'elle monte sur scène. Elle nous parle de l'âge d'or, quand les danseuses étaient des icônes populaires.

L'Exotic World n'est pas seulement l'organisateur d'un concours aujourd'hui vieux de 46 ans. Dans les bâtiments qui abritaient le petit troupeau de chèvres au siècle dernier, Dixie Evans et ses sœurs de danse protégent depuis des années l'"esprit" du strip-tease. A elle seule, Dixie raconte toute l'histoire de cet "art" tué dans les années 70 par la télé et la révolution sexuelle. Dans les années 50, on l'appelait la "Marilyn Monroe du Burlesque". "Chaque star à Hollywood avait son sosie. Anita Ekberg avait sa version "hot", comme Jane Russell et même Jackie Kennedy. Moi, j'étais Marilyn. Mais j'en montrais beaucoup plus qu'elle !". Dixie commence sa carrière en 1948, sous la houlette des parrains du strip américain, les frères Minsky. "Les Minsky étaient des russes émigrés à Brooklyn dans les années 20", raconte Dixie. "Inspirés par le Moulin Rouge et Pigalle, ce sont eux qui ont amené les grands shows de Paris à New York". C'est ainsi qu'est né le "Burlesque", un théâtre sans prétention et pas cher, un entertainment pour les masses, bien avant l'invention de la télé et avant qu'Hollywood ne fasse la loi des loisirs populaires. Le "Burlesque", un mot emprunté au théâtre italien du XVIe siècle, est une caricature sans discours moral, une distorsion de la réalité qui n'a pour seul but que de faire rire ou d'émouvoir. Les shows des filles, qu'on appelle bientôt "strip-tease" alternent avec des numéros comiques. Buster Keaton, WC Fields ou Mae West y font leurs gammes. "Le Burlesque devait s'adresser aux plus humbles. C'est pour cela qu'il n'y avait pas d'histoire, mais des scénarios simplissimes. Une belle fille qui se déshabille, où qu'on soit, c'est le meilleur dénominateur commun !" explique Dixie.

Le strip-tease burlesque s'inscrit aussi dans une autre tradition, celle du cirque, aussi vieille que les cow-boys en Amérique. Depuis la fin du XIXe siècle, les cirques ambulants emmènent dans leurs caravanes des shows off, destinés à ramener des publics "avertis" à la fête. En marge du Grand Chapiteau, les cirques ont donc leurs sideshows, où se produisent les freaks, les monstres de naissance, et les marvels ("les merveilles"), avaleurs de sabres et autres hommes-caoutchouc. Les filles aussi ont leur cirque à part : les "girl-shows" ou "carny-shows" ("spectacles de chair"), avec une scène qui tient parfois dans un simple wagon de train, dont on ouvre un pan à l'arrivée en ville. Le strip burlesque s'épanouit sur ces planches itinérantes. Pour faire patienter le public (et faire des économies), on projette de petits films tournés avec les "artistes", freaks ou danseuses nues. Ce sont les premiers films fantastiques et érotiques.

"Ces filles qui tournaient dans toute l'Amérique étaient des monuments", rappelle Dixie. "Pour tous ces types qui n'avaient rien à espérer de la vie, ces filles splendides et sophistiquées, comme venues d'ailleurs, symbolisaient la perfection. Les journaux annonçaient leur venue, et même les ministres se déplaçaient pour les applaudir". L'immédiate avant-guerre est l'âge d'or du Burlesque. Cette génération de strip-teaseuses donne naissance à des superstars, comme Lili Saint-Cyr, qu'on surnommait "la beauté absolue", Blaze Starr (dont "Blaze", avec Paul Newman en 89, reprend les tumultueuses amours), Lili Christine "la Femme-Chat" ou Tempest Storm, alias "The Torso" ("Le Buste"). Dixie, elle, commence comme "cigarette girl" au milieu des années 40. "J'avais perdu mon père à 11 ans", explique t-elle, "j'ai commencé par vendre des cigarettes, puis je suis devenue pin-up, à 25 dollars de l'heure!". Dix ans plus tard, Dixie est la nouvelle bombe du Burlesque. Elle a une Cadillac Rose, et sort avec l'ex de Marilyn, le champion de base-ball Joe Di Maggio. "C'est Frank Sinatra qui me l'a présenté. Il avait vu mon nom écrit sur des avions à New York !".

Chaque jour de l'année, Dixie fait visiter son musée aux touristes qui s'égarent de ce côté du Rio Grande. De mois en mois, les anciennes danseuses et leurs fans l'alimentent en pièces rares. Aujourd'hui, c'est devenu une incroyable malle aux trésors. La robe de Marilyn dans "Certains l'Aiment Chaud" dort dans une vitrine mal éclairée, et le lit en forme de cœur de Jayne Mansfield garde encore les traces des griffes de son caniche rose. Sur tous les murs, des centaines de portraits en noir et blanc des stars du strip-tease. Mais le clou, pour la Marilyn du Burlesque, c'est l'éventail de Sally Rand, peut être la plus grande de toutes. Elle avait fait tomber Chicago à ses pieds dans les années 30. "L'ivoire de cet éventail est estimé à 5000 dollars à lui tout seul", soupire Dixie. Dans la pièce voisine, deux danseuses de Boston s'émerveillent devant une vieille malle d'où débordent les corsets et les bas de Gipsy Rose Lee. Cette reine des "Carny Shows" ne finit jamais nue sur scène. Trente ans après sa mort, sa carrière entière tient dans cette caisse de cuir sombre, intacte.

A l'entrée du musée, Rubber Legs, 70 ans, observe les filles en souriant. De son vrai nom Bob Tanenbaum, il a tout connu des carny-shows. Et surtout, à la fin des années 70, il a fait le beau métier d'aboyeur. Il avait alors son propre show itinérant, le "Vegas Club", dont la tente pouvait contenir jusqu'à deux cents personnes. Le clou de son spectacle s'appelait Gina. "Elle pesait 150 kilos" se souvient Rubber Legs, "Le bouche-à-oreille remplissait ma salle à chaque étape". "Rubber", c'est pour "caoutchouc": Bob est un contorsionniste qui a commencé sa carrière comme gogo-danseur dans les sixties. Rubber Legs a survécu à la fin du strip-tease forain. "Le porno a tout emporté", se souvient-il. "Les gars peuvent regarder des films X chez eux, par correspondance ou sur le net. Pourquoi se déplaceraient-ils pour voir une fille qui se déshabille ? »




Mise à jour: 24/03/05 | Retour en haut de page |