Histoire résumée de l'Assemblée nationale
L'histoire
de la représentation nationale depuis deux siècles
est étroitement liée à celle du principe démocratique
et du chemin accidenté qu'il a dû parcourir avant de trouver
dans nos institutions une consécration définitive.
Si les Français ont périodiquement élu des représentants
depuis 1789, le mode de désignation et les pouvoirs de ces mandataires
ont considérablement varié selon les époques, les
périodes d'effacement de l'institution parlementaire coïncidant
généralement avec un recul des libertés publiques.
A cet égard, les dénominations ne sont pas innocentes.
Celle d'Assemblée nationale, choisie
dans la ferveur de 1789, ne réapparaîtra - si l'on
excepte la brève parenthèse de 1848 - qu'en 1946.
Se succéderont entre temps des appellations plus ou moins réductrices
(« Chambre des représentants », « Corps
législatif », « Chambre des députés » ...)
qui traduisent, à des degrés divers les réticences, voire
l'hostilité déclarée des gouvernants à l'égard
du principe de la souveraineté du peuple.
L'acte
de naissance : 1789
Le 17 juin 1789, un mois après la réunion à
Versailles des états généraux, les
députés
du tiers état, considérant qu'ils représentent
« les
quatre-vingt-seize centièmes au moins de la nation » se proclament
Assemblée nationale. Ils font acte de souveraineté
en matière d'impôt et décident d'élaborer
une constitution limitant les pouvoirs du roi. La souveraineté
réside désormais, non plus dans la personne du monarque,
mais dans la nation qui l'exerce par l'intermédiaire de représentants
qu'elle choisit. Cette conception révolutionnaire va trouver
son expression dans les constitutions de 1791 et de 1795.
Les
assemblées révolutionnaires (1791-1799)
La Constitution de 1791 conférait à l'Assemblée
législative, élue pour deux ans au suffrage
restreint, compétence pour voter les lois et l'impôt, fixer les dépenses
publiques, ratifier les traités et déclarer la guerre. Elle siégeait de plein droit et ne pouvait être dissoute. Le roi, détenteur du pouvoir
exécutif, ne disposait que d'un droit de veto suspensif.
Après la déchéance de Louis XVI, le 10 août
1792, une nouvelle assemblée élue au suffrage universel,
dénommée
Convention par référence
à l'exemple américain, fut chargée d'élaborer
une constitution républicaine. La première, votée
en 1793, ne fut jamais appliquée.
La
Constitution de l'an III (1795) partageait le pouvoir législatif
entre deux Chambres élues pour trois ans au suffrage restreint
(le
Conseil des Cinq-Cents qui avait seul l'initiative des lois
et le Conseil des Anciens) face à un exécutif de
cinq membres, dénommé le Directoire.
Après quatre années de forte instabilité politique,
le coup de grâce fut porté à ce régime le
18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) par Bonaparte dont la prise
de pouvoir ouvre une longue période d'effacement des assemblées.
La
représentation muselée (1799-1830)
La
Constitution de l'an VIII (1799) qui régira la France
sous le Consulat et le Premier Empire partage le pouvoir législatif
entre quatre assemblées (Conseil d'État, Tribunat,
Corps législatif et Sénat) dont aucune n'est élue au suffrage direct.
Cet éclatement favorise la toute puissance de l'exécutif
dont Napoléon sera l'unique détenteur.
La
Charte
constitutionnelle octroyée par Louis XVIII en 1814 marque
le rétablissement de la souveraineté royale, faiblement
tempérée par l'existence d'un parlement composé
de deux assemblées : la Chambre des députés
des départements
élue pour cinq ans au suffrage restreint et la Chambre des
pairs héréditaires ou désignés à
vie. Convoquées par le roi, qui peut clore la session quand il
le désire, privées de toute initiative ou moyen d'action
sur le Gouvernement, ces chambres n'ont qu'une apparence de pouvoir.
L'amorce
du régime parlementaire (1830-1848)
Dans le régime qui succède à la Révolution
de 1830 se fait jour une conception nouvelle de la souveraineté :
la Charte
constitutionnelle n'est plus octroyée mais votée par la Chambre
et acceptée par le roi qui lui jure fidélité. Un
pacte est ainsi conclu entre les représentants de la nation et
le monarque, codétenteurs de la souveraineté.
Les deux Chambres se voient restituer l'initiative des lois. C'est au
cours de cette période qu'apparaît le principe de la responsabilité
des ministres devant le Parlement.
De
l'intermède républicain au Second Empire (1848-1870)
La
Constitution républicaine établie après la révolution
de 1848 plaçait face à face une
Assemblée nationale législative de 750 membres et un président élus
tous deux au suffrage universel mais dépourvus de tout moyen
d'action l'un sur l'autre. Cette séparation excessive des pouvoirs
aboutit au coup d'État du 2 décembre 1851 : Louis-Napoléon
Bonaparte dissout l'assemblée et se fait remettre, par un plébiscite,
le pouvoir constituant.
La
Constitution de 1852 reprend, pour affaiblir la représentation
nationale, les méthodes éprouvées sous le Premier
Empire : face à un exécutif omnipotent - les ministres
nommés par l'Empereur ne dépendent que de lui - le
Corps législatif élu partage des pouvoirs réduits
avec le Conseil d'État, composé de fonctionnaires, et le Sénat,
dont les membres sont nommés à vie.
Ces institutions ne survivent pas à la défaite de 1870.
Après la chute de l'Empire, l'Assemblée élue le 8 février 1871 et installée à
Bordeaux, puis à
Versailles jusqu'en 1879, va élaborer les lois constitutionnelles
de 1875 qui régiront la France pendant 65 ans et fondent
véritablement le régime parlementaire.
L'enracinement
du régime parlementaire (1875-1940, 1946-1958, de 1958 à
aujourd'hui)
La Troisième République
Les lois constitutionnelles de 1875 partagent le pouvoir législatif
entre la Chambre des députés, élue pour
quatre ans au suffrage universel direct, et le Sénat,
élu pour neuf ans au suffrage indirect. Les deux chambres ont
des attributions très étendues, en matière tant
d'initiative des lois que de contrôle du Gouvernement dont elles
peuvent mettre en jeu la responsabilité. Dans la pratique, ce
pouvoir sera exercé essentiellement par la Chambre des députés.
Le Président de la République disposait à son égard
du droit de dissolution qui tomba en désuétude dès
1877. La Troisième République a été marquée par
une grande instabilité ministérielle qui s'accompagne
paradoxalement, dans l'entre-deux guerres, de fréquentes délégations
du pouvoir législatif au Gouvernement.
Le 10 juillet 1940, la Chambre des députés et le Sénat
convoqués à Vichy en Assemblée nationale confèrent
les pleins pouvoirs au maréchal Pétain malgré le
refus de 80 parlementaires. Il n'existera plus aucun organe de représentation
de la volonté nationale jusqu'en août 1944, date à
laquelle le Gouvernement provisoire mettra en place une assemblée
consultative, avant qu'une assemblée constituante élue
élabore les institutions de la
Quatrième République.
[Les
années noires : le procès des Bataillons de la Jeunesse, 4-9 mars
1942]
La Quatrième République
La
Constitution du 27 octobre 1946 consacre, comme la précédente,
la souveraineté parlementaire et la primauté du pouvoir
législatif.
L'Assemblée nationale élue au scrutin proportionnel
dispose, à côté d'un Conseil de la République aux attributions
restreintes, des prérogatives les plus étendues : maîtresse de la durée
de ses sessions et de son ordre du jour, elle peut seule renverser le
Gouvernement. En contrepartie, le Gouvernement peut la dissoudre mais ce
droit obéit à des conditions particulièrement strictes qui n'ont été
réunies qu'une seule fois en 1955 sous le
gouvernement d'Edgar Faure.
Favorisée par un régime électoral qui ne permet pas la constitution de
majorités politiques homogènes, l'instabilité ministérielle sera de
nouveau la règle jusqu'à la crise de mai 1958 qui voit le retour du
général de Gaulle.
La Cinquième
République
Les
institutions de la Cinquième République, mises en place en 1958,
correspondent aux idées du
général de Gaulle, telles qu'il les avait
exposées
dès 1946. Jusqu'en 1962, les pouvoirs publics doivent
résoudre la crise algérienne. Puis, une deuxième phase s'engage, sur
le plan institutionnel, avec l'élection du Président de la République
au suffrage universel direct et l'apparition d'une majorité homogène
à l'Assemblée nationale, et dans le domaine de la politique
extérieure. La période de forte croissance économique se poursuit
jusqu'en 1973.
La recomposition de la majorité après les
élections présidentielles de
1974, puis les alternances politiques de 1981 (élections
présidentielles, puis élections législatives après dissolution de
l'Assemblée nationale), 1986 (élections législatives),
1988 (élections
présidentielles, puis élections législatives après dissolution
de l'Assemblée nationale), 1993
(élections législatives, suivies des élections présidentielles en 1995),
de 1997 (élections législatives,
après dissolution de l'Assemblée nationale) de
2002 et de
2007 ont peu à peu modifié le
fonctionnement des institutions. L'Assemblée nationale voit son rôle de
plus en plus affirmé, tant du point de vue politique qu'en matière de
contrôle du Gouvernement, puis confirmé par la
révision constitutionnelle de
juillet 2008.
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