N
° 688
ââ
ASSEMBLĂE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIĂME LĂGISLATURE
EnregistrĂ© Ă la PrĂ©sidence de lâAssemblĂ©e nationale le 5 fĂ©vrier 2008
RAPPORT DâINFORMATION
DĂPOSĂ
en application de lâarticle 145 du RĂšglement
PAR LA COMMISSION DE LA DĂFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMĂES
sur les
enjeux stratégiques
et
industriels
du
secteur spatial
ET PRĂSENTĂ PAR
M
. S
ERGE
GROUARD
ET
M
ME
O
DILE
SAUGUES
Députés.
ââ
â 3 â
S O M M A I R E
_____
Pages
INTRODUCTION
....................................................................................................... 5
I. â LA CROISSANCE CONSIDĂRABLE DES ACTIVITĂS SPATIALES
MILITAIRES Ă LâĂCHELLE MONDIALE
.................................................................. 7
A. DES ACTEURS PLUS NOMBREUX, ANIMĂS PAR UNE FORTE VOLONTĂ
................ 7
1. Le retour de la Russie ?
................................................................................ 7
2. Deux nouvelles puissances spatiales : lâInde et la Chine
................................. 9
B. LA DOMINATION AMĂRICAINE
............................................................................ 11
1. Une suprématie incontestable
....................................................................... 12
2. Une place centrale dans lâoutil de dĂ©fense amĂ©ricain,
induisant une vulnérabilité nouvelle
............................................................... 13
C. LES RISQUES DâUNE ARSENALISATION DE LâESPACE
......................................... 14
1. Les limites toutes relatives des normes juridiques internationales
................... 15
2. Des menaces avérées
.................................................................................. 16
II. â LâEUROPE EN PANNE DâAMBITION
..................................................................... 19
A. DES CAPACITĂS RĂELLES DANS CERTAINS DOMAINES
...................................... 19
1. Un outil spatial de défense couvrant essentiellement
lâobservation de la Terre et les tĂ©lĂ©communications..........................................
19
2. Un nombre rĂ©duit dâĂtats disposant des capacitĂ©s industrielles
et technologiques nécessaires
...................................................................... 23
B. UN BESOIN DĂSORMAIS RECONNU MAIS INSUFFISAMMENT PRIS EN COMPTE
.... 26
1. Un diagnostic clairement établi et largement partagé
...................................... 26
2. Des obstacles nombreux
............................................................................... 28
III. â LA HIĂRARCHIE DES URGENCES
...................................................................... 33
A. AVANT TOUT, GARANTIR LE RENOUVELLEMENT DES OUTILS ACTUELS
.............. 33
1. Préparer la prochaine génération des télécommunications militaires
............... 33
2. Mettre en service le successeur dâHĂ©lios II Ă temps
........................................ 34
B. NE PAS RENONCER AU DĂPLOIEMENT DE CAPACITĂS
NOUVELLES PROMETTEUSES
........................................................................... 37
1. Combler progressivement les lacunes technologiques
en matiĂšre dâalerte avancĂ©e
.......................................................................... 37
â 4 â
2. Le renseignement dâorigine Ă©lectromagnĂ©tique :
passer des démonstrateurs technologiques à un véritable programme
........... 37
3. Organiser lâautonomie europĂ©enne dans le domaine
de la surveillance de lâespace
....................................................................... 39
C. UNE AMBITION PLUS QUE RAISONNABLE
........................................................... 42
1. Adapter les structures de commandement Ă lâenjeu que constitue lâespace
..... 42
2. Un cas unique en matiĂšre dâarmements : la baisse des coĂ»ts
......................... 43
CONCLUSION
.......................................................................................................... 45
EXAMEN EN COMMISSION
..................................................................................... 47
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNĂES
............................................. 51
â 5 â
INTRODUCTION
Le constat de lâutilitĂ© croissante de lâespace pour des applications de
défense a été maintes fois établi. Tout aussi nombreux ont été les travaux
parlementaires mettant lâaccent sur les risques que fait peser une forme dâaustĂ©ritĂ©
budgétaire sur nos capacités spatiales de défense et sur les industries de haute
technologie qui les soutiennent. Ainsi, par-delĂ les clivages politiques, les
rapporteurs pour avis de la commission de la défense nationale et des forces
armĂ©es chargĂ©s du budget de lâespace ont attirĂ© lâattention sur la nĂ©cessitĂ© dâun
effort constant dans ce domaine. De maniĂšre plus large, lâoffice parlementaire
dâĂ©valuation des choix scientifiques et technologiques a dressĂ© en 2007 un constat
sans concession de la crise que traverse actuellement le secteur spatial
européen
(1)
.
Dans le domaine de la dĂ©fense, lâĂ©volution de plus en plus perceptible vers
une arsenalisation de lâespace mĂ©rite dâĂȘtre soulignĂ©e. La rapiditĂ© de ce processus
ainsi que la saisissante progression technologique de nouveaux acteurs Ă©mergents
contrastent avec les lenteurs dâune Europe peinant Ă couvrir le spectre de ses
besoins. Si elle doit davantage sâunir au travers de programmes communs pour
peser sur la scĂšne mondiale, ceux-ci ont parfois pour effet en retour de souligner
les divergences dâintĂ©rĂȘts industriels nationaux et de toujours retarder les
décisions.
Les défis à relever sont considérables, mais la conscience des enjeux
semble encore trop insuffisamment partagée. Il est vrai que le contexte financier
se prĂȘte mal au lancement dâinitiatives souvent jugĂ©es trop hĂątivement
dispendieuses. Aussi est-il est apparu nécessaire à la commission de la défense de
se pencher plus en détail sur ces questions, tout particuliÚrement dans le contexte
actuel de rĂ©flexion sur lâavenir de notre outil de dĂ©fense et de prĂ©paration de la
prochaine loi de programmation militaire.
(1)
Politique spatiale : lâaudace ou le dĂ©clin
, M. Christian Cabal, député, et M. Henri Revol, sénateur,
rapport AN n° 3676, douziÚme législature, et Sénat n° 223, session ordinaire 2006-2007.
â 7 â
I. â LA CROISSANCE CONSIDĂRABLE DES ACTIVITĂS SPATIALES
MILITAIRES Ă LâĂCHELLE MONDIALE
En moins de dix ans, le paysage spatial mondial a été profondément
transformĂ©. Davantage dâĂtats entendent dĂ©sormais y jouer un vĂ©ritable rĂŽle, tant
pour des raisons économiques et industrielles que stratégiques. De ce dernier point
de vue, la signification mĂȘme des activitĂ©s spatiales est en train de changer.
Lâutilisation croissante des apports spatiaux pour les opĂ©rations militaires tend Ă
faire prĂ©valoir dans ce milieu, jusquâici relativement prĂ©servĂ©, des logiques
dâĂ©quilibre des puissances, voire Ă lâavenir dâaffrontements.
A. DES ACTEURS PLUS NOMBREUX, ANIMĂS PAR UNE FORTE VOLONTĂ
Lâespace est de moins en moins la chasse gardĂ©e de quelques puissances.
Nombre dâĂtats affichent dĂ©sormais des ambitions spatiales, non seulement en
tant quâutilisateurs, mais aussi en dĂ©veloppant les capacitĂ©s technologiques
nécessaires à leur indépendance. En cela, les modifications rapides que connaßt le
paysage spatial reflÚtent largement les évolutions du contexte stratégique, avec
lâarrivĂ©e dâacteurs Ă©mergents de plus en plus audacieux et la remise Ă niveau de la
Russie, ancienne deuxiĂšme grande puissance spatiale. Tous inscrivent leurs
activités spatiales dans une stratégie de pouvoir clairement assumée.
1. Le retour de la Russie ?
Ă la veille de son effondrement, lâURSS disposait dâun puissant capital
spatial, la plaçant immĂ©diatement aprĂšs les Ătats-Unis. La dislocation de lâempire
soviĂ©tique sâest tout dâabord traduite par la perte du contrĂŽle direct sur le
cosmodrome de BaĂŻkonour, situĂ© au Kazakhstan, tandis que prĂšs dâun quart des
entreprises appartenant au secteur spatial se retrouvaient hors du territoire russe,
tout particuliÚrement en Ukraine. Le début des années 1990 a été marqué en outre
par une chute considérable des dotations budgétaires, avec une division par 18
entre 1991 et 2000
(1)
, les crédits restants étant largement consacrés aux vols
habitĂ©s. Il nâest pas exagĂ©rĂ© de dire que pendant dix ans le secteur spatial russe a
Ă©tĂ© pratiquement Ă lâarrĂȘt.
Le rĂ©tablissement des finances publiques russes grĂące Ă lâaugmentation
des cours des hydrocarbures a permis un infléchissement trÚs net à partir du milieu
des annĂ©es 2000. Comme lâa indiquĂ© le prĂ©sident Vladimir Poutine lors dâun
discours prononcé le 12 avril 2004, «
le déploiement aussi large que possible et
lâapprofondissement de notre activitĂ© dans lâespace sont notre prioritĂ©
stratĂ©gique. Il est Ă©vident que ce nâest quâĂ cette condition que la Russie peut
(1)
Une heure stratégique pour le spatial russe
, AndreĂŻ Ionine, Politique Ă©trangĂšre 2-2007, page 270.
â 8 â
prétendre à des positions internationales majeures
»
(1)
. Cette volonté politique
sâest traduite par un redressement du budget spatial fĂ©dĂ©ral, qui a pratiquement
doublé depuis 2004, comme en témoigne le tableau ci-aprÚs.
B
UDGET DE L
â
AGENCE SPATIALE RUSSE DE
2004
Ă
2007
2004
2005
2006
2007
(1)
Budget spatial estimé
en milliards de roubles
13 18 23 25
Ăquivalence en millions dâeuros
374 518 663 705
(1) Entre 2006 et 2015, le programme spatial fédéral table sur une augmentation de 6 %
par an du budget spatial.
Source : ministÚre de la défense.
Le programme spatial fédéral 2006-2015 prévoit une progression continue
des moyens. Une somme de 305 milliards de roubles devrait ĂȘtre dĂ©gagĂ©e Ă son
profit sur lâensemble de la pĂ©riode, pouvant ĂȘtre complĂ©tĂ©e Ă©ventuellement par
130 milliards de roubles provenant de fonds extrabudgétaires. Au total, ce sont
12,5 milliards dâeuros qui devraient bĂ©nĂ©ficier Ă lâensemble du secteur spatial au
cours de cette programmation, soit une moyenne annuelle plus de trois fois
supérieure aux crédits disponibles en 2004. Pour conserver une échelle de
comparaison, on notera toutefois que lâensemble des crĂ©dits ainsi prĂ©vus sur dix
ans nâatteint pas le montant annuel des crĂ©dits allouĂ©s chaque annĂ©e Ă la NASA.
Sur le plan institutionnel, la réforme de la tutelle administrative du secteur
sâest traduite par la crĂ©ation en 2002 dâune agence spatiale fĂ©dĂ©rale, elle-mĂȘme
placĂ©e Ă partir de 2006 sous lâautoritĂ© de la nouvelle commission militaro-
industrielle (VPK), dont la mission est de superviser lâensemble des agences et
ministĂšres intervenant dans le secteur de lâarmement ou dual. La restructuration du
secteur industriel spatial est toutefois encore loin dâĂȘtre achevĂ©e, la stratĂ©gie de
lâĂtat Ă©tant dâamener la crĂ©ation dâici Ă 2015 de trois ou quatre grands ensembles
regroupant lâessentiel des compĂ©tences, afin dâen amĂ©liorer une compĂ©titivitĂ© pour
lâinstant faible et de combler les retards technologiques dans certains domaines
clés (télécommunications, observation optique et radar).
Sâagissant des projets proprement dits, le programme spatial fĂ©dĂ©ral
prĂ©citĂ© fixe pour lâensemble de son parc Ă lâhorizon 2015 une cible de 70 satellites
actifs. Un effort particulier est réalisé pour la modernisation du cosmodrome de
Plessetsk et pour les lanceurs en gĂ©nĂ©ral, domaine dâexcellence traditionnel de la
Russie, pour conserver lâautonomie de lâaccĂšs Ă lâespace.
Cette stratégie vise également à moderniser le systÚme de positionnement
par satellites
Glonass
. Développé au cours des années 1980, celui-ci était le seul
concurrent du GPS amĂ©ricain jusquâau milieu des annĂ©es 1990, date Ă partir de
(1) Cité par Isabelle Facon et Isabelle SourbÚs-Verger
, La place du spatial dans le projet de
restauration de la puissance russe
, note de la FRS, mai 2007.
â 9 â
laquelle le nombre de satellites opĂ©rationnels a Ă©tĂ© progressivement ramenĂ© Ă
seulement six. à partir de 2005, le rétablissement et la modernisation du systÚme
ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s prioritaires, ce qui sâest traduit par une accĂ©lĂ©ration du lancement
de satellites. Dotée de 18 satellites à la fin de 2007, la constellation devrait
atteindre les 24 engins Ă la fin de 2009, ce qui permettra dâassurer une couverture
mondiale.
Glonass
reste avant tout un programme civil, mais dont lâintĂ©rĂȘt
militaire est Ă©vident puisquâil permet de sâaffranchir du GPS amĂ©ricain.
Les lacunes restent toutefois importantes dans le domaine de la défense et
les effets de la baisse des financements aprĂšs la fin de la guerre froide sont encore
sensibles. Si les télécommunications gouvernementales sont assurées par une
quarantaine de satellites, la capacitĂ© dâalerte avancĂ©e a dĂ©sormais atteint le seuil
minimum requis pour la surveillance des Ătats-Unis. En matiĂšre dâĂ©coutes
Ă©lectronique et de surveillance, des moyens restent disponibles, mais Ă un niveau
trĂšs bas. Enfin, la capacitĂ© dâimagerie est extrĂȘmement limitĂ©e et repose sur des
technologies anciennes (satellites à courte durée de vie et prises de vue
argentiques). Aucun projet de nouveau satellite de reconnaissance militaire nâest
connu.
De fait, la Russie nâest certainement pas Ă la poursuite de la paritĂ© avec les
Ătats-Unis. Ses ambitions somme toute mesurĂ©es dans le secteur spatial militaire
sont directement liĂ©es Ă ses prĂ©occupations stratĂ©giques, câest-Ă -dire la garantie
des communications pour ses forces et leur fonctionnement interarmées, ainsi que
la crédibilité de sa dissuasion nucléaire.
2. Deux nouvelles puissances spatiales : lâInde et la Chine
âą
Le programme spatial indien
a dĂ©butĂ© dĂšs 1962 mais nâa vĂ©ritablement
pris son essor quâavec la crĂ©ation en 1969 de lâagence spatiale indienne (
Indian
Space Research Organization
, ISRO). Lâambition de lâInde se mesure Ă la forte
progression de son budget spatial, qui est passĂ© de 384 millions dâeuros en
2000-2001 Ă 675 millions dâeuros pour lâexercice 2006-2007, soit une progression
de 76 %. Il convient en outre de souligner que si ces budgets restent modestes en
valeur absolue par comparaison avec lâEurope ou le Japon
(1)
, il faut prendre en
compte le fait que les coĂ»ts de production nettement moindres confĂšrent Ă lâISRO
un « pouvoir dâachat » considĂ©rable, lui permettant de mener des activitĂ©s dans de
nombreux domaines.
Lâaxe principal de la politique spatiale indienne consiste dans lâaccĂšs
indĂ©pendant Ă lâespace. Pour cela, lâInde a dĂ©veloppĂ© une gamme de lanceurs
(1) Le budget spatial japonais reprĂ©sente 2,1 milliards dâeuros en 2007 et il a eu tendance Ă dĂ©croĂźtre
de maniĂšre presque continue depuis 2001, date Ă laquelle il atteignait 2,62 milliards dâeuros. La part des
projets militaires est de 400 millions dâeuros environ, principalement au titre du programme de satellites de
reconnaissance optique et radar IGS (
Information Gathering Satellites
), lancé en 2003 afin de surveiller les
activités de la Corée du Nord. La Constitution japonaise continue toutefois à limiter les aspects militaires des
programmes spatiaux. Mais il est plus que probable que lâintĂ©rĂȘt du Japon pour la dĂ©fense antimissile en
coopĂ©ration avec les Ătats-Unis conduira Ă un dĂ©veloppement des activitĂ©s militaires et duales.
â 10 â
légers PSLV (
Polar Satellite Launch Vehicle
), destinĂ©s Ă des charges dâune tonne
en orbite basse. Elle développe désormais un lanceur plus puissant GSLV
(
Geosynchronous Satellite Launch Vehicle
), capable de placer un satellite de
2,5 tonnes en orbite géostationnaire et prévoit pour 2008 le premier lancement
dâune version amĂ©liorĂ©e (GSLV-MkIII) pouvant envoyer une charge de 4 tonnes
en orbite de transfert géostationnaire.
LâInde a en outre mis en Ćuvre une politique de dĂ©veloppement de
satellites dans de nombreux domaines, dont principalement les
télécommunications mais aussi la météorologie et la science.
En ce qui concerne les activitĂ©s susceptibles dâavoir un rĂŽle militaire, il
convient de souligner lâexpĂ©rience acquise en matiĂšre dâobservation de la Terre,
au travers du programme
Indian Remote Sensing Satellite
(IRS), avec six satellites
en orbite actuellement. Lancé en 2005, CARTOSAT-1 a une résolution de
2,5 mĂštres. Parmi les propositions du onziĂšme programme quinquennal de lâISRO,
couvrant la pĂ©riode 2007-2012, figure le dĂ©veloppement dâun satellite
CARTOSAT-3 de trÚs haute résolution (30 cm), parfaitement adapté à un usage de
renseignement militaire.
âą
Parmi les nouveaux acteurs sur la scĂšne spatiale,
la Chine
occupe une
place singuliĂšre par lâampleur de ses programmes et par lâimportance symbolique
qui leur est accordĂ©e pour lâaffirmation de la puissance du pays.
Le programme militaire chinois reste dâailleurs trĂšs largement sous la
tutelle de la dĂ©fense, mĂȘme si depuis 1998 les activitĂ©s civiles et les lanceurs ont
été séparés des activités militaires, contrÎlées par la commission des sciences,
technologies et industries pour la défense nationale (COSTIND). Le secteur civil
est dĂ©sormais placĂ© sous la tutelle de lâagence spatiale chinoise (
China National
Space Agency,
CNSA), laquelle supervise les activités de plusieurs entités
industrielles et de recherche, dont la CASC (
China Aerospace Corporation
). Pour
donner une idĂ©e de lâampleur du programme spatial chinois, on relĂšvera que ce
dernier organisme emploie pas moins de 130 000 personnes. Le budget consacré
par la Chine Ă lâespace reprĂ©senterait deux milliards dâeuros en 2007-2008, contre
1,5 milliard dâeuros en 2003-2004. Il sâagit cependant dâune simple estimation car
il est trĂšs difficile dâobtenir des donnĂ©es chiffrĂ©es fiables sur les sommes affectĂ©es
Ă lâespace, phĂ©nomĂšne dâailleurs Ă©galement constatĂ© de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale
sâagissant des dĂ©penses militaires chinoises.
La Chine a développé une gamme complÚte de lanceurs autour de la
famille
Longue Marche
, dont le modĂšle le plus puissant lui permet dâenvoyer une
charge de 5 tonnes sur une orbite de transfert géostationnaire. Elle dispose
également de satellites dans les domaines de la météorologie et des
télécommunications, en cherchant autant que possible à nouer des partenariats
avec des sociétés ou organismes étrangers afin de progresser plus rapidement et de
disposer dâune plus grande autonomie technologique. En matiĂšre dâobservation de
la Terre, elle mÚne une politique de coopération avec le Brésil au travers des
â 11 â
satellites CBERS (
China-Brazil Earth Resources Satellite
), dont les modĂšles les
plus avancés prévus pour 2008 et 2009 devraient avoir une résolution de 5 mÚtres.
Elle dispose en outre de trois satellites dâobservation optique
Zi Juan-2
,
probablement affectés à des missions militaires et le onziÚme plan quinquennal de
la COSTIND prévoit le développement de technologies de haute résolution. Dans
le domaine du positionnement par satellites, la Chine sâest engagĂ©e dans un
ambitieux programme COMPASS avec le lancement du premier satellite dâune
constellation sur orbite moyenne en avril 2007.
La palette des activitĂ©s spatiales est donc extrĂȘmement large. Mais
lâĂ©mergence de la Chine comme un acteur spatial de tout premier plan sâest
surtout manifestĂ©e au travers de son entrĂ©e dans le club jusquâici rĂ©duit aux Ătats-
Unis et Ă la Russie sâagissant tout dâabord du vol habitĂ©, en 2003, puis de la
maßtrise démontrée de technologies antisatellite (ASAT), en 2007
(1)
.
Les premiers vols habités réalisés par la Chine depuis octobre 2003
obĂ©issent tout dâabord Ă une logique dâaffirmation de la puissance nationale. Ils
ont également vocation à résoudre un certain nombre de difficultés technologiques
(navigation, propulsion, intĂ©gration des systĂšmes) au travers dâun objectif
mobilisateur, avec des retombées potentielles pour de nombreuses applications
militaires. En un certain sens, lâhomme dans lâespace « tire vers le haut »
lâensemble du programme spatial chinois.
Quant Ă lâinterception rĂ©ussie dâun satellite rĂ©alisĂ©e en janvier 2007, sur
laquelle les rapporteurs reviendront plus loin, elle sâinscrit dans un processus
gĂ©nĂ©ral de militarisation de lâespace directement liĂ© Ă lâimportance stratĂ©gique
croissante de ce dernier. Elle relĂšve aussi dâune politique de contestation de la
volonté de domination spatiale américaine, non pas en cherchant une parité des
moyens mais sur un mode asymétrique.
B. LA DOMINATION AMĂRICAINE
Affirmer que lâespace est actuellement amĂ©ricain serait quelque peu
provocateur, mais lâĂ©cart des capacitĂ©s avec le « reste du monde » est des plus
impressionnants. De fait, les moyens spatiaux dont disposent les Ătats-Unis sont
infiniment supĂ©rieurs Ă leur poids relatif Ă lâĂ©chelle mondiale, tant Ă©conomique
que militaire. Ils reprĂ©sentent ainsi 72 % du total des investissements consacrĂ©s Ă
lâespace et, en matiĂšre militaire, cette part dĂ©passe les 90 %. Leur domination
sâexprime aussi dans une doctrine militaire qui accorde dĂ©sormais Ă lâespace une
dimension centrale.
(1)
Chinaâs Space Ambitions
, Joan Johnson-Freese
, Proliferation Papers
- centre dâĂ©tudes de sĂ©curitĂ©
de lâIFRI, Ă©tĂ© 2007.
â 12 â
1. Une suprématie incontestable
La premiĂšre caractĂ©ristique du secteur spatial amĂ©ricain est lâabondance
des crĂ©dits. Avec un total de plus de 32 milliards dâeuros de dotations budgĂ©taires
pour lâensemble de lâespace, dont plus de 18 milliards dâeuros pour les
programmes militaires. Comme lâindique le tableau ci-aprĂšs, ce budget est stable
depuis plusieurs années. Mais il représente un montant six fois supérieur aux
crĂ©dits consacrĂ©s au secteur spatial par lâensemble des Ătats membres de lâUnion
européenne.
L
E BUDGET SPATIAL AMĂRICAIN
(en milliards dâeuros)
2003 2004 2005 2006 2007 2008
NASA
12,8 13,2 13,5 13,7 13,8 13,8
DoD
(1)
16,0 19,7 18,6 18,5 18,0 18,5
Total
28,8 32,9 32,1 32,2 31,8 32,3
Taux de change moyen ⏠/ $
1,1 1,15 1,2 1,2 1,2 1,25
(1) Le budget du DĂ©partement de la dĂ©fense (DoD) incluant les programmes secrets nâest quâune estimation.
Officiellement, le budget du DoD allouĂ© aux activitĂ©s spatiales est de 12,8 milliards dâeuros. Eu Ă©gard aux variations
de change, les crĂ©dits consacrĂ©s au secteur spatial sont en augmentation par rapport Ă lâexercice fiscal 2007.
Source : ministÚre de la défense.
Lâimportance des moyens financiers nâest pourtant pas le gage du meilleur
rapport coût-efficacité. Le secteur spatial américain est ainsi marqué par des coûts
sans commune mesure avec les programmes Ă©quivalents ailleurs, dus Ă la
recherche dâune avance technologique aussi grande que possible, mais aussi en
raison des duplications nombreuses des moyens, comme par exemple dans le
secteur des lanceurs. Si les dérives de coûts de certains projets de la NASA sont
bien connues, elles existent aussi dans le domaine militaire du fait dâune
insuffisante maĂźtrise des programmes
(1)
.
Il reste que les Ătats-Unis sont la seule nation Ă disposer de capacitĂ©s
spatiales couvrant lâensemble du spectre des besoins militaires. Le monopole est le
plus affirmé en matiÚre de positionnement avec la constellation GPS (
Global
Positioning System
), seule Ă offrir Ă lâheure actuelle une couverture mondiale
complĂšte. Sa modernisation est en cours, avec une mise en service du GPS III Ă
partir de 2012.
En matiĂšre de tĂ©lĂ©communications spatiales militaires, les Ătats-Unis
disposent de 26 satellites actifs, épaulés par 5 satellites de secours et 9 satellites
relais. Ces Ă©lĂ©ments sont au cĆur dâun dispositif destinĂ© Ă mettre Ă la disposition
des unitĂ©s combattantes des dĂ©bits aussi importants que possible. Lâavance
actuelle devrait ĂȘtre consolidĂ©e au travers des programmes WGS (
Wideband
(1) Selon la presse, dans le domaine de lâobservation de la Terre, le projet
Future Imagery
aurait été
abandonnĂ© en 2003 aprĂšs quâau moins quatre milliards de dollars y ont Ă©tĂ© affectĂ©s
. In death of spy satellite
program, lofty plans and unrealistic bids
, Philip Taubman,
The New York Times,
11 novembre 2007.
â 13 â
Global Satcom
) et MUOS (
Mobile User Objective System
), lesquels devraient
multiplier par dix les dĂ©bits aujourdâhui disponibles
(1)
.
Sâagissant du renseignement, les Ătats-Unis sâappuient prioritairement sur
huit satellites dâobservation, optique et radar, mais peuvent Ă©galement compter sur
lâapport de sociĂ©tĂ©s dâimagerie commerciale comme
DigitalGlobe
ou
GeoEye
, trĂšs
liĂ©es financiĂšrement Ă la dĂ©fense. En outre, les Ătats-Unis ont une avance
considĂ©rable dans le domaine du renseignement dâorigine Ă©lectromagnĂ©tique
(ROEM), avec une quinzaine de satellites en orbite.
Enfin, ils sont les seuls Ă disposer dâun systĂšme complet dâalerte avancĂ©e
pour la détection des lancements de missiles, complété par des radars au sol
particuliÚrement performants pour la trajectographie et la surveillance des activités
spatiales.
Par-delĂ le simple aspect quantitatif, lâensemble de ces moyens est mis au
service dâune doctrine assignant une place centrale aux capacitĂ©s spatiales, en vue
de sâassurer de la supĂ©rioritĂ© opĂ©rationnelle.
2. Une place centrale dans lâoutil de dĂ©fense amĂ©ricain,
induisant une vulnérabilité nouvelle
âą
Comme lâa indiquĂ© lors de son audition M. Xavier Pasco, maĂźtre de
recherche à la fondation pour la recherche stratégique
(2)
, lâhistoire du secteur
militaire spatial américain comprend trois périodes distinctes.
à partir du milieu des années 1950, le socle des moyens militaires
spatiaux amĂ©ricains obĂ©it Ă la logique de la guerre froide et participe Ă©troitement Ă
lâexercice de la dissuasion nuclĂ©aire. Le secteur spatial est alors vĂ©ritablement
cantonné à une fonction stratégique de renseignement sur les capacités ennemies
et dâalerte sur leur emploi Ă©ventuel.
à partir des années 1990 et à la suite des enseignements tirés de la guerre
du Golfe, le souhait dâun emploi plus tactique apparaĂźt, notamment au travers des
possibilitĂ©s dâamĂ©lioration des systĂšmes dâarmes existants (guidage de munitions
par GPS, par exemple). Lâespace est dĂšs lors considĂ©rĂ© comme un « multiplicateur
de force ». Ce sont les programmes dâarmement conçus durant cette pĂ©riode qui
arrivent actuellement en service dans les forces américaines.
Enfin, un nouveau cap est franchi au milieu des annĂ©es 1990 puisquâil
sâagit dĂ©sormais de concevoir les futurs systĂšmes dâarmes autour de lâespace, afin
de gagner en rapiditĂ© et dâĂȘtre capable de dicter le rythme des opĂ©rations. Lâespace
devient dĂšs lors un « catalyseur stratĂ©gique » et une nouvelle pĂ©riode sâouvre oĂč
(1)
US pushes the boundaries in race to revolutionise comms in space
, Dee Ann Divis,
Janeâs
International Defense Review
, septembre 2007.
(2) La liste des personnes auditionnées figure en annexe du présent rapport.
â 14 â
les Ătats-Unis divergent radicalement des autres puissances militaires. La rançon
de cette Ă©volution rĂ©side dans une dĂ©pendance croissante de lâappareil militaire Ă
lâĂ©gard de lâespace, celle-ci introduisant une vulnĂ©rabilitĂ© prĂ©occupante.
âą
Face aux risques de lâexploitation de cette dĂ©pendance par dâĂ©ventuels
adversaires, deux mouvements se dessinent.
Le premier est dâordre technique. Le dispositif spatial amĂ©ricain est
constitué actuellement par un nombre de satellites important mais la perte de
plusieurs dâentre eux pourrait affecter significativement lâensemble des
performances du systĂšme, sans compter lâeffet psychologique dâun tel
Ă©vĂšnement
(1)
. La solution peut passer par des dispositifs de protection accrue des
futurs satellites, mais au prix dâun accroissement trĂšs sensible de leur coĂ»t
unitaire. Ă la recherche de ruptures technologiques et de solutions nouvelles, la
DARPA (
Defence Advanced Research Projects Agency
) développe actuellement
des projets pouvant conduire à une architecture spatiale plus souple, plus réactive
et donc plus résistante, notamment au travers de microsatellites (programme TICS
â
Tiny, Independant, Co-ordinating Spacecraft
) et de lanceurs moins coûteux.
Lâautre Ă©volution est doctrinale : Ă partir du moment oĂč lâespace devient
indispensable, il sâintĂšgre de fait dans les intĂ©rĂȘts nationaux vitaux. Lâexpression
apparaĂźt dĂšs 1999 et figure en bonne place dans le dernier document officiel sur le
sujet (
US National Space Policy
), publié en octobre 2006. Celui-ci reprend ainsi le
thĂšme de la nĂ©cessitĂ© de la prĂ©servation de la libertĂ© dâaction amĂ©ricaine dans
lâespace, prĂ©sent dans les documents sur la politique spatiale depuis la fin des
annĂ©es 1970. Il prĂ©cise aussi quâen cas de nĂ©cessitĂ©, les Ătats-Unis doivent
pouvoir dĂ©nier cette libertĂ© dâaction Ă des adversaires. On ne saurait ĂȘtre plus
clair : pour protĂ©ger ces intĂ©rĂȘts, il convient de dominer lâespace
(2)
, ce qui suppose
de se doter de technologies antisatellite, en orbite ou au sol.
C. LES RISQUES DâUNE ARSENALISATION DE LâESPACE
DĂšs les dĂ©buts de lâaventure spatiale, lâespace a avant tout Ă©tĂ© un domaine
dâapplications militaires et il nâa jamais constituĂ© un sanctuaire pacifique. LâidĂ©e
mĂȘme de dĂ©ployer des armes en orbite apparaĂźt trĂšs tĂŽt, dĂšs les annĂ©es 1950. Une
limitation de la compétition militaire dans ce domaine est toutefois également
intervenue rapidement en raison du contexte trĂšs particulier de la guerre froide.
Ses deux principaux protagonistes se sont tacitement entendus pour maintenir Ă
chacun la libertĂ© dâaccĂšs Ă lâespace. Il sâagissait de prĂ©server les moyens
dâobservation qui y Ă©taient de plus en plus largement dĂ©ployĂ©s et qui contribuaient
(1)
Americaâs brittle space systems
, général William L. Shields,
Armed Forces Journal
, septembre
2007.
(2) LâidĂ©e de domination de lâespace apparaĂźt notamment dans un document de
lâUnited States Space
Command
de 1997, intitulé «
Vision pour 2020
», ainsi que dans le rapport remis en janvier 2001 par la
commission chargĂ©e dâĂ©valuer la gestion et lâorganisation des activitĂ©s spatiales dans la perspective de la
sĂ©curitĂ© des Ătats-Unis, prĂ©sidĂ©e par Donald Rumsfeld.
â 15 â
directement à la crédibilité de la dissuasion nucléaire, tout en permettant de limiter
les risques de mĂ©prise sur le comportement de lâadversaire. Le TraitĂ© de lâespace
de 1967 sâinscrit dans cette Ă©poque bien dĂ©terminĂ©e, ce qui explique dâailleurs en
grande partie sa portĂ©e des plus limitĂ©es. Si elle nâest pas caractĂ©risĂ©e par une
vĂ©ritable course aux armements dans lâespace, la pĂ©riode qui sâest ouverte avec la
chute de lâURSS et la multiplication des acteurs est marquĂ©e par un
dĂ©veloppement de stratĂ©gies et dâoutils techniques visant non seulement Ă
davantage utiliser lâespace Ă des fins militaires, mais surtout Ă empĂȘcher les
concurrents dâexploiter pleinement les avantages opĂ©rationnels de ce milieu. Ă la
militarisation ancienne de lâespace, caractĂ©risĂ©e par la prĂ©sence en orbite de
nombreux systĂšmes Ă vocation militaire, succĂšderait une phase dâarsenalisation,
câest-Ă -dire de dĂ©ploiement de vĂ©ritables armes spatiales
(1)
.
1.
Les limites toutes relatives des normes juridiques
internationales
Outre le TraitĂ© dâinterdiction partielle des essais nuclĂ©aires de 1963, qui a
proscrit de tels essais dans lâespace, les rĂšgles juridiques internationales
concernant les aspects militaires de lâutilisation de lâespace sont intĂ©gralement
contenues dans le TraitĂ© sur les principes rĂ©gissant les activitĂ©s des Ătats en
matiĂšre dâexploitation et dâutilisation de lâespace extra atmosphĂ©rique, y compris
la Lune et les autres corps célestes, signé le 27 janvier 1967. Son préambule
souligne lâintĂ©rĂȘt dâune exploration et dâune utilisation de lâespace extra
atmosphĂ©rique Ă des fins pacifiques. Lâarticle I prĂ©cise dâailleurs que ces activitĂ©s
«
doivent se faire pour le bien et dans lâintĂ©rĂȘt de tous les pays, quel que soit le
stade de leur dĂ©veloppement Ă©conomique ou scientifique ; elles sont lâapanage de
lâhumanitĂ© tout entiĂšre
».
Par-delà ces déclarations de principe, ce texte vise plus directement les
activitĂ©s militaires Ă lâarticle IV, dont le premier alinĂ©a stipule que
« les Ătats
parties au TraitĂ© sâengagent Ă ne mettre sur orbite autour de la Terre aucun objet
porteur dâarmes nuclĂ©aires ou de tout autre type dâarmes de destruction massive,
à ne pas installer de telles armes sur des corps célestes et à ne pas placer de telles
armes, de toute autre maniĂšre, dans lâespace extra atmosphĂ©rique
». Cet article ne
prohibe donc pas les utilisations militaires de lâespace : seules les armes de
destruction massive basées en orbite le sont. Au demeurant, les mécanismes de
contrĂŽle sont pour ainsi dire inexistants si lâon se rĂ©fĂšre Ă lâarticle IX du TraitĂ© qui
prévoit que «
tout Ătat ayant lieu de croire quâune activitĂ© ou expĂ©rience
envisagĂ©e par une autre partie au TraitĂ© dans lâespace extra atmosphĂ©rique [âŠ]
causerait une gĂȘne potentiellement nuisible aux activitĂ©s poursuivies en matiĂšre
dâexploration et dâutilisation pacifiques de lâespace [âŠ] peut demander que des
consultations soient ouvertes au sujet de ladite activité ou expérience
».
(1)
Lâarsenalisation de lâespace : projets amĂ©ricains, rĂ©actions europĂ©ennes
, Laurence Nardon, Note
de lâIFRI, octobre 2007.
â 16 â
Les négociations sur le sujet menées dans le cadre de la Conférence du
dĂ©sarmement Ă GenĂšve nâont jamais permis de dĂ©finir prĂ©cisĂ©ment la notion
dâactivitĂ©s pacifiques, ce qui laisse largement ouverte la possibilitĂ© de dĂ©velopper
et de dĂ©ployer dans lâespace des armes offensives ou antisatellites. Aucune
avancĂ©e diplomatique nâa pu ĂȘtre obtenue jusquâĂ prĂ©sent pour deux raisons
principales.
En premier lieu, les Ătats-Unis se sont constamment opposĂ©s Ă toute
mesure diminuant leur prépondérance en matiÚre spatiale. La politique spatiale
nationale de 2006 prĂ©citĂ©e indique ainsi que les Ătats-Unis sont contre le
développement de nouveaux régimes juridiques ou toute autre restriction qui
limiterait leur accĂšs Ă lâespace ou encadrerait son utilisation. En outre, les traitĂ©s
de limitation des armements ne devront pas porter atteinte Ă leur droit de conduire
des recherches, des développements, des essais ainsi que des opérations dans
lâespace destinĂ©s Ă rĂ©pondre Ă lâintĂ©rĂȘt national. Selon une analyse largement
dominante aux Ătats-Unis, il nây aurait en effet aucun intĂ©rĂȘt Ă rĂ©duire un avantage
stratégique en se soumettant à des limitations dont le contrÎle effectif sera
probablement impossible à assurer sérieusement
(1)
. Ce contrĂŽle serait dâautant
plus difficile que les technologies susceptibles dâaffecter le fonctionnement des
moyens spatiaux vont bien au-delĂ des systĂšmes antisatellites pour ainsi dire
« classiques » que sont les engins antibalistique et leurs dérivés immédiats. Les
actions contre les dispositifs spatiaux peuvent employer des formes extrĂȘmement
diverses, allant du brouillage Ă la mise hors service par des armes Ă Ă©nergie
dirigée, que ce soit par le biais de dispositifs au sol ou en orbite. On observera en
outre que les segments sol constituent la partie la plus vulnérable des systÚmes
spatiaux, ce qui implique de réfléchir à leur durcissement aux brouillages, à leur
protection physique et Ă lâorganisation de redondances.
Le second Ă©lĂ©ment rendant dĂ©sormais plus dĂ©licate lâadoption de normes
juridiques internationales vĂ©ritablement contraignantes rĂ©side dans le fait que lâun
des promoteurs les plus constants de cette démarche
(2)
a procĂ©dĂ© Ă un test dâarme
antisatellite, affaiblissant singuliĂšrement sa crĂ©dibilitĂ©, dâune part, et attirant
lâattention sur lâampleur de programmes destinĂ©s Ă entamer la domination spatiale
amĂ©ricaine, dâautre part.
2. Des menaces avérées
âą
Le 11 janvier 2007, la Chine a procédé à un spectaculaire essai en
détruisant un de ses satellites météorologiques en fin de vie
Fengyun 1C
situé sur
une orbite basse, à environ 850 km de la Terre. Pour cela, elle aurait utilisé un
nouveau vecteur balistique mobile, Ă deux Ă©tages et Ă propulsion solide, emportant
(1)
La dynamique de lâarsenalisation de lâespace
, James A. Lewis, Politique Ă©trangĂšre, 2-2007.
(2) La Chine est notamment lâun des promoteurs, avec la Russie, lâInde et le Canada, dâune initiative
visant Ă prĂ©venir une course aux armements dans lâespace, dite PAROS (
Preventing an Arms Race in Outer
Space
), qui prendrait la forme dâun code de bonne conduite ou dâun traitĂ© complĂ©tant le TraitĂ© de 1967.
â 17 â
un intercepteur exo atmosphérique
(1)
. La destruction du satellite aurait eu lieu par
collision directe, ce qui indique que la Chine serait la deuxiĂšme nation aprĂšs les
Ătats-Unis Ă maĂźtriser la technologie du «
hit-to-kill
».
Cet Ă©vĂ©nement a eu deux consĂ©quences principales. Tout dâabord, il a
produit une augmentation considérable du nombre de débris en orbite du fait
mĂȘme de la collision. Celle-ci aurait produit plus de 35 000 objets de plus de 1 cm
de diamÚtre, soit une croissance instantanée de 10 % des débris capables de
menacer des systĂšmes spatiaux en orbite basse.
Ensuite, la Chine a confirmĂ© les inquiĂ©tudes Ă propos de lâimportance de
son programme dâarsenalisation de lâespace. DĂšs 2003, le rapport remis chaque
année au CongrÚs par le Département de la défense sur la puissance militaire de la
RĂ©publique populaire de Chine avait alertĂ© sur lâampleur des ambitions chinoises
en la matiÚre. AprÚs avoir parfois attiré le reproche de surestimer la menace, ces
rapports avaient reçu un dĂ©but de confirmation avec la rĂ©vĂ©lation dâune opĂ©ration
dâaveuglement temporaire dâun satellite amĂ©ricain par un laser chinois basĂ© au sol
durant lâĂ©tĂ© 2006.
Ă ce stade, les capacitĂ©s ASAT chinoises dâinterception prouvĂ©es portent
uniquement sur les interceptions en orbite basse, ce qui menace avant tout les
systĂšmes dâobservation mais laisse hors de portĂ©e les engins en orbite haute, et
donc, dans le cas américain les satellites de la constellation GPS ainsi que la
plupart des satellites de télécommunications. Il semble cependant que la Chine
dĂ©veloppe une palette bien plus large de moyens antisatellites. LâĂ©dition 2007 du
rapport précité au CongrÚs indique que Pékin a mené depuis plusieurs années un
programme sérieux visant à se doter de capacités de brouillage dans les trÚs hautes
frĂ©quences, afin de pouvoir sâattaquer aux tĂ©lĂ©communications militaires et au
GPS. La Chine mĂšnerait Ă©galement des travaux importants dans le domaine des
armes à énergie dirigée tout en améliorant ses moyens de détection et
dâidentification des satellites. Le dĂ©bat reste encore ouvert outre-Atlantique sur le
point de savoir si cette politique vise à long terme à obtenir une forme de parité
spatiale avec les Ătats-Unis ou si elle cherche, plus probablement, Ă profiter
dâavantages asymĂ©triques mis au service dâobjectifs stratĂ©giques plus limitĂ©s,
notamment dans la perspective dâun conflit Ă©ventuel avec Taiwan.
âą
Si lâessai chinois a rĂ©vĂ©lĂ© au grand public la rĂ©alitĂ© des armes
antisatellites, celles-ci sont de fait dĂ©jĂ anciennes. MĂȘme sâils ne les ont pas
dĂ©ployĂ©es en grand nombre lors de la guerre froide, lâURSS et les Ătats-Unis ont
mené de nombreux programmes dans ce domaine.
LâURSS a ainsi testĂ© avec succĂšs des satellites antisatellites de la fin des
années 1960 au début des années 1980. Elle a également déployé un systÚme
dâinterception au moyen dâun missile balistique, armĂ© dâune charge
conventionnelle, entre 1976 et 1983. La Russie nâaurait plus de programme
(1)
Chinaâs military space strategy
, Ashley J. Tellis,
Survival
, vol. 49 n° 3, automne 2007.
â 18 â
ASAT, mais elle a conservĂ© les savoir-faire dâune grande nation spatiale et
maintient une activité de recherche générale sur les applications militaires des
lasers.
AprÚs avoir tenté sans grand succÚs des interceptions de satellites au
moyen de missiles balistiques Ă la fin des annĂ©es 1950, les Ătats-Unis ont pour
leur part réussi en 1985 une telle opération grùce à un missile à guidage infrarouge
lancé depuis un chasseur F-15. Ce programme a ensuite été abandonné tant en
raison du rĂ©chauffement des relations avec lâURSS dĂšs 1986 que de dĂ©rives de
coût considérables. Mais les inquiétudes sur la vulnérabilité du dispositif spatial
amĂ©ricain, ainsi que le souci de sâassurer dâune domination dans ce secteur ont
conduit Ă remettre ouvertement en chantier dâambitieux projets. Le plan
stratĂ©gique dâensemble (
Strategic Master Plan
) prĂ©sentĂ© par lâ
US Air Force Space
Command
en octobre 2003 prévoit ainsi le développement sur une période de
quinze ans de trois « blocs » permettant le contrÎle du milieu spatial. Le premier
dâentre eux porte sur lâamĂ©lioration continue du systĂšme amĂ©ricain de surveillance
de lâespace. Le deuxiĂšme vise Ă dĂ©velopper une capacitĂ© de dĂ©fense des satellites
amĂ©ricains. Cela passe tout dâabord par le durcissement des tĂ©lĂ©communications
contre le brouillage électronique mais repose aussi sur des projets plus évolués,
devant entrer en service Ă partir de 2018, concernant lâagilitĂ© des satellites et le
dĂ©veloppement dĂ©jĂ Ă©voquĂ© dâune architecture spatiale plus souple et adaptable.
Enfin, il est prĂ©vu de disposer de moyens dâattaque de systĂšmes ennemis,
comprenant aussi bien des dispositifs basĂ©s au sol quâen orbite.
On notera que si les donnĂ©es budgĂ©taires sur lâampleur de ces projets ne
sont pas accessibles, le programme de défense antimissile balistique mené depuis
de longues annĂ©es par les Ătats-Unis reprĂ©sente des sommes considĂ©rables
(8,7 milliards de dollars dans le projet de budget pour 2008) tout en ayant des
applications en quelque sorte « duales ». Les technologies développées en matiÚre
de dĂ©tection, de suivi et dâinterception exo atmosphĂ©rique pour les missiles
balistiques et leurs tĂȘtes sont en effet largement transposables pour des armes
antisatellites. Il convient en outre dâajouter que si le programme de dĂ©fense
antimissile ne prĂ©voit pas pour lâinstant le dĂ©ploiement de systĂšmes dâinterception
installĂ©s en orbite, le dĂ©bat sur la nĂ©cessitĂ© dâune telle composante nâest pas clos.
â 19 â
II. â LâEUROPE EN PANNE DâAMBITION
Alors que le paysage spatial mondial connaĂźt de profondes mutations,
lâEurope apparaĂźt immobile. Ce phĂ©nomĂšne est dâautant plus regrettable quâelle
dispose de capacitĂ©s scientifiques et technologiques parfaitement Ă mĂȘme de faire
face aux nouveaux dĂ©fis du secteur spatial et quâune vĂ©ritable prise de conscience
de lâimportance des enjeux semble acquise. Pour autant, la traduction des discours
dans les faits tarde à se manifester, principalement pour des raisons budgétaires,
mais aussi du fait de certaines faiblesses structurelles qui rendent délicate la mise
en place de coopérations indispensables.
A. DES CAPACITĂS RĂELLES DANS CERTAINS DOMAINES
Si la disproportion des moyens spatiaux opĂ©rationnels entre les Ătats-Unis
et lâEurope est bien rĂ©elle, elle nâest cependant pas proportionnelle aux Ă©carts des
budgets qui y sont consacrĂ©s. Sous lâimpulsion dâun nombre limitĂ© dâĂtats, au
premier rang desquels figure la France, lâEurope a su se doter dâun outil spatial
militaire loin dâĂȘtre ridicule et qui se renforce progressivement. Des nations
jusquâici en retrait sâengagent davantage en matiĂšre spatiale et ce rĂ©Ă©quilibrage
nâest dâailleurs pas sans poser des difficultĂ©s nouvelles sur le plan de la rĂ©partition
des compétences industrielles.
1.
Un outil spatial de défense couvrant essentiellement
lâobservation de la Terre et les tĂ©lĂ©communications
âą
En 2006, les Ătats membres de lâUnion europĂ©enne ont affectĂ©
4,95 milliards dâeuros Ă lâensemble du secteur spatial, Ă comparer aux 32 milliards
dâeuros du budget spatial amĂ©ricain. Pour lâessentiel, les crĂ©dits publics consacrĂ©s
au secteur spatial sont destinĂ©s aux satellites (2,9 milliards dâeuros) et aux
lanceurs (1,2 milliard dâeuros), le solde, soit 850 millions dâeuros, servant Ă
financer les activités scientifiques. Les activités de défense occupent une place
limitĂ©e, avec 950 millions dâeuros, soit seulement 5 % du budget spatial militaire
amĂ©ricain. MalgrĂ© la faiblesse de lâeffort, les capacitĂ©s disponibles ne sont pas
négligeables, comme en témoigne le tableau ci-aprÚs.
â 20 â
C
OMPARAISON DES CAPACITĂS AMĂRICAINES ET EUROPĂENNES
Domaine Ătats-Unis
Europe
Télécommunications
26 satellites militaires de
télécommunications actifs et 5 en
secours en orbite
9 satellites relais dédiés à la
transmission des données satellite
(contrĂŽle et imagerie)
10 satellites :
- 5 Royaume-Uni (
Skynet
), 1 Italie
(
Sicral
) ;
- 2 Espagne (
Xstar
,
SpainSat
) ;
- 2 France (Syracuse 3A et 3B).
Navigation
24 satellites de navigation GPS actifs
et 5 en secours en orbite
1 (démonstrateur GIOVE A)
(programme
Galileo
(1)
en cours,
opérationnel en 2013)
Observation
8 satellites militaires dâobservation
(4 optiques et 4 radars)
5 satellites radars (3 Allemagne,
2 Italie)
2 satellites optiques (HĂ©lios 1A et 2A)
Alerte
8 satellites dâalerte avancĂ©e en orbite
Un systĂšme sol performant (optique et
radar) dâalerte antimissile et de
surveillance de lâespace
(1 dĂ©monstrateur français â Spirale -
prévu en 2008)
Ăcoute
15 systĂšmes dâĂ©coute Ă©lectronique en
orbite
France : démonstrateur ESSAIM
(1 dĂ©monstrateur français â ELISA -
prévu en 2010)
(1) Il sâagit dâun programme civil disposant dâun service gouvernemental sĂ©curisĂ© PRS permettant une utilisation
duale.
Source : ministÚre de la défense.
Sâil existe bien un fossĂ© capacitaire entre les Ătats-Unis et lâEurope, celui-
ci est de deux ordres. NumĂ©rique tout dâabord, les premiers jouissant de ce fait
dâune permanence de lâobservation et de lâĂ©coute. En outre, leurs capacitĂ©s en
matiÚre de télécommunications sont sans commune mesure avec celles des
EuropĂ©ens. Le second dĂ©calage est temporel : les Ătats-Unis ont dĂ©ployĂ© certains
moyens depuis beaucoup plus longtemps (notamment dans le domaine de
lâobservation radar, oĂč les systĂšmes italiens et allemands sont encore en cours de
dĂ©ploiement) et ont de vĂ©ritables capacitĂ©s opĂ©rationnelles lĂ oĂč lâEurope en est
encore au développement de quelques démonstrateurs technologiques (écoute
Ă©lectromagnĂ©tique et alerte avancĂ©e). Toutefois, si lâavance technologique
américaine est réelle dans bien des domaines et repose sur une politique de
financement des recherches beaucoup moins sélective, le niveau technologique
atteint par lâEurope pour ses systĂšmes spatiaux dĂ©ployĂ©s reste assez comparable.
âą
En matiĂšre dâ
observation de la Terre
, les capacités européennes se sont
significativement améliorées récemment, tant en matiÚre optique que radar, tandis
quâont Ă©tĂ© posĂ©es les bases dâune coopĂ©ration Ă©troite, fondĂ©e sur lâĂ©change des
informations.
Sâagissant de la filiĂšre optique, la France a jouĂ© un rĂŽle pionnier en 1995
avec le lancement dâHĂ©lios I, la guerre du Golfe ayant soulignĂ© la dĂ©pendance trop
â 21 â
grande vis-Ă -vis des moyens satellitaires dâobservation amĂ©ricains. Ce programme
a été poursuivi avec Hélios II, dont le premier exemplaire a été mis en orbite en
décembre 2004, le tir du second étant prévu pour mars 2009. Hélios II a constitué
un vĂ©ritable saut technologique avec lâamĂ©lioration de la rĂ©solution des images
optiques (trÚs haute résolution et stéréo haute résolution) tout en introduisant une
prĂ©cieuse capacitĂ© dâobservation infrarouge. Ce programme est menĂ© en
coopĂ©ration avec la Belgique et lâEspagne depuis 2001, avec lâItalie depuis juin
2005 et avec la GrĂšce depuis mars 2007. Les taux de participation des cinq pays
sont désormais les suivants : 90 % pour la France et 2,5 % respectivement pour la
Belgique, lâEspagne, lâItalie et la GrĂšce. LâAllemagne fait Ă©galement partie de la
communautĂ© HĂ©lios par le biais dâun Ă©change de capacitĂ©s.
LâAllemagne et lâItalie se sont intĂ©ressĂ©es plus rĂ©cemment au
dĂ©veloppement de capacitĂ©s dâimagerie radar, notamment Ă la suite des opĂ©rations
militaires au Kosovo, qui ont souligné la nécessité de disposer de moyens de
renseignement autonomes. Avec le dĂ©ploiement engagĂ© en dĂ©cembre 2006 dâune
constellation de cinq petits satellites de trÚs haute résolution radar SAR-Lupe,
lâAllemagne se dote dâun systĂšme dâobservation trĂšs performant pour un coĂ»t
Ă©valuĂ© Ă 350 millions dâeuros et une durĂ©e de vie de dix ans. Ă ce jour, trois
satellites ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© lancĂ©s et sont en cours de validation opĂ©rationnelle. LâItalie
dĂ©veloppe pour sa part un programme dâobservation radar COSMO-SkyMed, Ă
vocation duale et technologiquement moins ambitieux sur le plan de la résolution
des images. Ce systĂšme devrait comporter quatre satellites Ă lâhorizon 2009, deux
dâentre eux ayant dĂ©jĂ Ă©tĂ© mis en orbite en juin et dĂ©cembre 2007.
On assiste donc à une spécialisation de fait en Europe dans le domaine de
lâobservation de la Terre, la France se chargeant de la composante optique et
lâAllemagne et lâItalie de la composante radar. En raison de la complĂ©mentaritĂ© de
ces deux techniques, deux accords de partage ont Ă©tĂ© signĂ©s par la France, lâun
avec lâItalie (accord de Turin du 29 janvier 2001), lâautre avec lâAllemagne
(accord de Schwerin du 30 juillet 2002). Ils dĂ©finissent les principes dâun Ă©change
de droits de programmation entre les systĂšmes radar COSMO-SkyMed et
SAR-Lupe, dâune part, et le systĂšme HĂ©lios II, dâautre part. Le programme de
segment sol dâobservation (SSO) a pour objet de concrĂ©tiser ces accords. Pour
lâItalie, dĂ©jĂ partenaire financier dâHĂ©lios II Ă hauteur de 2,5 %, lâaccord de Turin
se traduit par une augmentation de son quota dâimages. LâĂ©change de capacitĂ©s
avec la France devrait ĂȘtre effectif Ă partir du dĂ©but de 2008. Sâagissant du
programme SAR-Lupe, le segment sol français permettant lâaccĂšs direct au
systĂšme devrait ĂȘtre dĂ©ployĂ© Ă lâhorizon 2010. Un accord dâapplication signĂ© en
aoĂ»t 2006 permet pendant une phase transitoire un Ă©change dâimages.
Dans le domaine des
télécommunications
, la dispersion des programmes
nationaux domine en raison de lâĂ©chec en 1998 du projet Trimilsatcom, destinĂ© Ă
fédérer les besoins français, britanniques et allemands. De fait, chaque nation
souhaitant bénéficier de télécommunications militaires spatiales développe son
propre programme, quâil sâagisse de la France (deux satellites Syracuse-III), de
lâAllemagne (deux satellites SATCOM-BW Ă partir de 2008), de lâItalie (deux
â 22 â
satellites SICRAL-1 Ă partir de 2008), de lâEspagne (deux satellites) et du
Royaume-Uni (trois satellites prévus dans le cadre du programme
Skynet-5
). On
notera que ces deux derniers pays ont décidé de recourir à la solution de
lâacquisition de services auprĂšs dâun opĂ©rateur privĂ© plutĂŽt quâĂ une acquisition
patrimoniale par le ministÚre de la défense
(1)
.
La seconde caractéristique des télécommunications satellitaires militaires
europĂ©ennes, Ă lâexception du cas du Royaume-Uni, est lâinsuffisance des
capacités et des débits par rapport aux besoins croissants des armées, notamment
en opérations extérieures.
Câest le cas de la France, qui a renoncĂ© Ă la construction dâun troisiĂšme
satellite de la gĂ©nĂ©ration Syracuse-III, tandis quâune rĂ©duction du nombre de
stations sol a été opérée au regard des ambitions initiales
(2)
. Afin de rĂ©pondre Ă
lâamĂ©lioration des dĂ©bits et de lâĂ©tendue des zones dâexploitation prĂ©vues par la loi
de programmation militaire 2003-2008, une étude sur les différentes solutions
permettant dâobtenir une capacitĂ© complĂ©mentaire aux deux satellites existants a
été menée. Ses conclusions ont été remises au ministre de la défense en mars 2007
et il a Ă©tĂ© conclu Ă lâavantage du choix dâune coopĂ©ration avec lâItalie. Ce
partenariat comprend, dâune part, la contribution de la France Ă hauteur de 38 %
du satellite italien SICRAL-2 (soit une somme de 120 millions dâeuros), ce qui lui
permettra dây installer une charge utile destinĂ©e aux communications sĂ©curisĂ©es.
Son lancement est prĂ©vu en 2011. Dâautre part, lâItalie financera Ă hauteur de
120 millions dâeuros le dĂ©veloppement du satellite ATHENA FIDUS (
French
Italian Dual Use Satellite
), qui permettra de fournir du haut débit non protégé aux
troupes dĂ©ployĂ©es. Ce dernier sera rĂ©alisĂ© sous la responsabilitĂ© de lâagence
spatiale italienne et du CNES. Le financement français représente 90 millions
dâeuros
(3)
et sera assuré à parts égales par le CNES et le ministÚre de la défense.
Le projet repose sur une utilisation maximale de la dualité, avec des émissions en
bande Ka (celle-ci comporte des frĂ©quences civiles et rĂ©servĂ©es Ă lâusage
gouvernemental voisines) et lâutilisation de technologies peu coĂ»teuses
développées dans le secteur civil pour le segment sol utilisateur. En ce qui
concerne lâĂ©tat dâavancement des projets, un
Memorandum of Understanding
a été
signĂ© pour SICRAL-2, mĂȘme si le contrat ne lâest pas encore. Pour ATHENA
FIDUS, lâaccord technique existe et une lettre dâintention a Ă©tĂ© signĂ©e lors du
sommet franco-italien qui sâest tenu Ă Nice le 30 novembre 2007.
(1) Détenue à 100 % par le groupe EADS, la société
Paradigm Secure Communications
fournit le
service issu de
Skynet-5
au
MoD
moyennant un effort financier de 5,5 milliards dâeuros sur la pĂ©riode 2004-
2020 dans le cadre dâun partenariat public-privĂ©.
(2) Lors du lancement du projet en 2004, il avait été prévu de déployer 587 stations sol entre 2006 et
2014. En 2007, cette cible a été réduite à 489 stations, cette mesure étant complétée par un étalement des
commandes et des livraisons qui conduit Ă utiliser plus longtemps les anciennes stations Syracuse II. Les
derniĂšres stations sol devraient ĂȘtre commandĂ©es en 2015, soit seulement deux ans avant la fin de vie
prévisible des satellites.
(3) Dont une moitiĂ© pour le satellite et lâautre pour le segment sol.
â 23 â
âą
Dans les autres domaines spatiaux susceptibles dâapplications militaires,
lâEurope reste presque complĂštement absente.
Sâagissant du positionnement et de la navigation par satellites,
Galileo
reste un dossier Ă part dans la mesure oĂč il sâagit avant tout dâun programme Ă
vocation civile et commerciale
(1)
. Mais il sâagit aussi dâun systĂšme essentiel pour
lâautonomie stratĂ©gique de lâEurope en raison de ses applications potentielles dans
le domaine de la sécurité grùce au signal de précision PRS (
Public Regulated
Service
)
(2)
. Si le passage Ă un financement public communautaire de
Galileo
a
finalement pu ĂȘtre entĂ©rinĂ© lors de la rĂ©union de chefs dâĂtat et de gouvernement
des 13 et 14 dĂ©cembre 2007, les nĂ©gociations menĂ©es tĂ©moignent par leur ĂąpretĂ© Ă
la fois de lâimportance accordĂ©e Ă la rĂšgle du « juste retour » industriel dans les
coopĂ©rations spatiales et, plus largement, dâune difficultĂ© Ă sâunir autour dâenjeux
technologiques et stratégiques pourtant déterminants.
En ce qui concerne la surveillance de lâespace, de plus en plus nĂ©cessaire
ne serait-ce quâen raison de la prolifĂ©ration des dĂ©bris en orbite, lâEurope est
complÚtement dépendante des moyens américains, seuls quelques systÚmes limités
Ă©tant actuellement en service.
Enfin, dans les domaines du renseignement dâorigine Ă©lectromagnĂ©tique et
plus encore de lâalerte avancĂ©e, les EuropĂ©ens ne disposent dâaucun systĂšme
spatial opérationnel, la France seule ayant déployé des démonstrateurs
technologiques dans le premier cas et projetant de le faire en 2008 dans le second.
Les lacunes capacitaires sont donc bien rĂ©elles et, face Ă lâampleur des
besoins, elles ne pourront ĂȘtre comblĂ©es que par lâĂ©tablissement de coopĂ©rations
étroites entre les principaux acteurs spatiaux européens, qui restent peu nombreux
mais de plus en plus concurrents.
2.
Un nombre rĂ©duit dâĂtats disposant des capacitĂ©s
industrielles et technologiques nécessaires
âą
La France continue Ă occuper une place particuliĂšre en matiĂšre spatiale
en raison de lâampleur de ses ambitions dans ce domaine dĂšs les annĂ©es 1960.
Outre son caractĂšre symbolique pour lâaffirmation de lâindĂ©pendance nationale, le
secteur spatial a Ă©tĂ© trĂšs tĂŽt liĂ© Ă la mise en place dâune force autonome de
dissuasion nucléaire, notamment au travers du développement de vecteurs
balistiques. Les liens entre lâespace et la dissuasion ont Ă©galement Ă©tĂ© trĂšs Ă©troits
en matiĂšre de satellites, lâune des missions principales assignĂ©es Ă HĂ©lios I Ă©tant le
(1) Sur lâensemble du dossier Galileo, on se reportera utilement au rapport dâinformation de
MM.
Bernard Deflesselles et Michel Delebarre au nom de la dĂ©lĂ©gation pour lâUnion europĂ©enne
,
Galileo
: un
pilier majeur de la puissance scientifique et technologique de lâEurope
, treiziÚme législature, n° 440.
(2) Le document de politique spatiale europĂ©enne, adoptĂ© par les ministres de lâUnion europĂ©enne
réunis en conseil espace le 22 mai 2007, reconnaßt en outre expressément que certains programmes duaux,
comme
Galileo
et GMES (
Global Monitoring for Environment and Security
), pourraient avoir des applications
militaires.
â 24 â
recueil dâinformations sur les cibles potentielles. Plus largement, la politique
menĂ©e a eu pour objectif constant la maĂźtrise de lâensemble des secteurs, de
lâaccĂšs Ă lâespace aux systĂšmes satellitaires, civils ou militaires, en passant par la
connaissance scientifique. Lâun des rĂ©sultats de cette ambition est lâexistence
dâune industrie spatiale sans Ă©quivalent en Europe.
En 2006, sur 28 900 emplois liés directement au secteur spatial en Europe,
11 100 étaient situés en France, soit 39 % du total. La part française dans le chiffre
dâaffaires du secteur spatial europĂ©en atteint quant Ă elle 2,15 milliards dâeuros,
sur un total de 4,95 milliards dâeuros (43 %).
En outre, les deux principaux acteurs industriels transnationaux européens
dans le secteur sont dâorigine française.
Filiale Ă 100 % dâEADS, Astrium emploie 13 000 personnes en Europe
(1)
,
avec des implantations dans cinq pays. Lâentreprise reprĂ©sente la moitiĂ© de
lâindustrie spatiale française, 80 % de celle de lâAllemagne et 90 % de celle du
Royaume-Uni. Ses installations aux Pays-Bas et en Espagne sont moins
importantes, avec respectivement 50 % et 25 % des industries spatiales de ces
pays. Avec un chiffre dâaffaires de 3,2 milliards dâeuros (dont un peu moins du
tiers réalisé dans le secteur de la défense et de la sécurité), Astrium est le premier
acteur du secteur spatial europĂ©en et le quatriĂšme Ă lâĂ©chelle mondiale, derriĂšre
trois entreprises américaines (Boeing, Lockheed Martin et Northrop Grumman).
Thales Alenia Space est directement issu de deux opérations récentes : la
fusion entre Alcatel Space et Alenia Spazio en 2005, tout dâabord, la constitution
de Thales Alenia Space Ă lâoccasion de la fusion entre Alcatel et Lucent en 2007,
ensuite. La société est détenue à hauteur de 67 % par Thales et de 33 % par
Finmeccanica. Thales Alenia Space emploie 7
200
salariés répartis entre
11 implantations, les principales étant situées en France (Toulouse et Cannes avec
2 300 personnes), en Italie (2 000 personnes en tout, notamment Ă Rome et
LâAquila), en Belgique (Anvers et Charleroi) et en Espagne (Madrid). Ses deux
domaines dâactivitĂ© principaux sont les tĂ©lĂ©communications (50 % du chiffre
dâaffaires) et lâobservation (19 %). Son chiffre dâaffaires total sâest Ă©levĂ© Ă
1,62 milliard dâeuros en 2006.
La question est parfois posĂ©e de lâintĂ©rĂȘt dâun Ă©ventuel rapprochement de
ces deux acteurs, afin de disposer dâun industriel unique dont la taille permettrait
de mieux faire face Ă la concurrence internationale tout en limitant les
affrontements « fratricides » en Europe, particuliÚrement dans le domaine des
tĂ©lĂ©communications. Il reste quâune telle opĂ©ration prĂ©sente plusieurs difficultĂ©s.
La principale est dâordre social, en raison de lâexistence de centres de production
directement concurrents, particuliĂšrement en France dans le domaine des optiques.
La deuxiĂšme rĂ©side dans le risque Ă terme dâune sclĂ©rose scientifique des bureaux
(1) Dont 45 % en France, 27 % en Allemagne, 21 % au Royaume-Uni et le reste aux Pays-Bas et en
Espagne.
â 25 â
dâĂ©tudes et dâune augmentation des devis du fait de lâabsence de pression
concurrentielle. Il est dâailleurs probable que cette situation conduirait Ă
lâĂ©mergence dâindustriels plus innovants, sous la pression dâĂtats souhaitant Ă la
fois dĂ©velopper leurs propres capacitĂ©s et ne pas dĂ©pendre dâune entreprise en
situation de quasi-monopole, tandis quâelle ouvrirait dans le mĂȘme temps
davantage le marché satellitaire européen à des industriels américains pour la
mĂȘme raison.
âą
Plusieurs Ătats europĂ©ens sâimpliquent de plus en plus dans lâespace, ce
qui les conduit à développer leurs propres compétences industrielles.
Le cas du
Royaume-Uni
est Ă part car il a choisi lĂ encore de sâappuyer
trĂšs largement sur sa relation privilĂ©giĂ©e avec les Ătats-Unis pour accĂ©der au
renseignement dâorigine satellitaire, quâil sâagisse dâimages ou dâĂ©coutes
Ă©lectromagnĂ©tiques. Lâeffort en matiĂšre militaire est concentrĂ© sur les
télécommunications, pour lesquelles le Royaume-Uni dispose des moyens les plus
importants en Europe. Son budget spatial annuel est inférieur à 500 millions
dâeuros, dont 285 millions dâeuros pour les programmes civils. On notera toutefois
que la société
Surrey Satellite Technology Limited
, liĂ©e Ă lâUniversitĂ© du Surrey, a
rĂ©alisĂ© en 2005 un microsatellite dâobservation optique de la Terre, premier
exemplaire dâune constellation destinĂ©e au suivi des catastrophes naturelles et de
lâenvironnement (DMC â
Disaster Monitoring Constellation
), dont la résolution
est de 2,8 m.
Outre sa participation Ă HĂ©lios II, lâ
Espagne
dispose de deux satellites de
tĂ©lĂ©communications et a annoncĂ© en 2007 le lancement dâun programme national
dâobservation, avec le lancement de deux satellites dâici Ă 2012, dont lâun plus
particuliÚrement destiné aux applications de sécurité et de défense
(1)
, pour un coût
total de 325 millions dâeuros. Les crĂ©dits affectĂ©s aux activitĂ©s spatiales de
dĂ©fense reprĂ©sentent environ 50 millions dâeuros en 2007.
Lâ
Italie
mĂšne une politique ambitieuse : le budget de lâagence spatiale
italienne est passĂ© de 400 millions dâeuros en 1998 Ă 850 millions dâeuros en 2008
et elle sâefforce dâĂȘtre prĂ©sente dans tous les secteurs de lâespace civil et de la
recherche scientifique. Elle cherche également à acquérir une compétence dans le
domaine des lanceurs au travers du programme Vega, destiné à couvrir à partir de
2009 les besoins pour les charges allant jusquâĂ 1,5 tonne en orbite basse. En
matiÚre de défense, elle mÚne les projets précités COSMO-SkyMed (pour un coût
de prĂšs dâun milliard dâeuros, dont 20 % sont financĂ©s par le ministĂšre de la
défense) et SICRAL-1 et 2.
Enfin, lâ
Allemagne
est un acteur de plus en plus important du secteur
spatial europĂ©en. Elle y consacre prĂšs dâun milliard dâeuros par an, dont plus de la
moitiĂ© est consacrĂ©e aux programmes de lâESA (tout particuliĂšrement au titre du
(1) Ce satellite PAZ dâobservation radar utilisera un capteur du mĂȘme type que celui Ă©quipant le
satellite dual allemand
Terrasar
, lancé en juin 2007, et offrira une résolution métrique.
â 26 â
laboratoire Colombus destinĂ© Ă la station spatiale internationale). Son intĂ©rĂȘt pour
les activités de défense et de sécurité est plus récent mais remarquable, avec un
programme spatial militaire reprĂ©sentant 75 millions dâeuros par an. Ce budget
permet la mise en Ćuvre des projets SATCOM-BW et SAR-Lupe, dont le coĂ»t
total sur dix ans est respectivement de 939 millions dâeuros et de 350 millions
dâeuros. La maĂźtrise dâoeuvre du systĂšme SAR-Lupe a Ă©tĂ© confiĂ©e Ă la sociĂ©tĂ©
OHB
(1)
, nouvel opérateur émergent et compétitif.
De maniÚre générale, cette appétence plus grande des Européens pour le
secteur spatial se traduit par la multiplication des Ă©quipementiers, dont beaucoup
nâont pas la taille critique nĂ©cessaire, avec des duplications croissantes de
compétences.
B. UN BESOIN DĂSORMAIS RECONNU MAIS INSUFFISAMMENT PRIS EN
COMPTE
La volontĂ© de sâinvestir davantage dans les activitĂ©s spatiales ne relĂšve pas
dâune question de prestige ou de fiertĂ© nationale. Elle repose sur une analyse des
besoins réels et des enjeux de souveraineté désormais bien établie, tant par les
travaux de prospective et dâidentification des lacunes rĂ©alisĂ©s en France quâau sein
de lâUnion europĂ©enne, plus rĂ©cemment. Pourtant, la traduction de ces Ă©tudes dans
les faits tarde Ă se manifester en raison de nombreux obstacles, tant institutionnels
que budgétaires.
1. Un diagnostic clairement établi et largement partagé
âą
Le secteur spatial figure en bonne place dans les travaux français de
prĂ©paration de lâavenir, et notamment dans le plan prospectif Ă 30 ans,
réguliÚrement actualisé. En outre, en octobre 2003, le ministre de la défense a
confiĂ© Ă lâambassadeur de France François Bujon de lâEstang la prĂ©sidence dâun
groupe de travail sur les orientations stratégiques de politique spatiale de défense
(GOSPS). Son rapport a été remis fin 2004 et classifié, mais une version publique
en a été présentée en février 2007.
Ce document dĂ©taille tout dâabord les apports considĂ©rables du secteur
spatial pour faire face aux missions des armées, dans un contexte marqué par
lâincertitude sur les menaces et leur Ă©volution rapide (prolifĂ©ration des armes de
destruction massive et de leurs vecteurs, terrorisme, trafics de matiĂšres et
technologies sensibles). Dans ce contexte, le renseignement et lâanticipation des
crises sont devenus dĂ©terminants, et ce dâautant plus que les armĂ©es interviennent
prioritairement en opérations extérieures, certaines trÚs lointaines. Comme le note
la version déclassifiée du rapport, «
en donnant la capacité de voir, écouter,
communiquer, localiser et synchroniser, Ă lâĂ©chelle mondiale et avec une
disponibilité permanente, les satellites ont acquis un rÎle majeur dans la maßtrise
(1) La charge utile des satellites est réalisée par Thales Alenia Space.
â 27 â
de lâinformation dans les phases dâapprĂ©ciation de situation, de prĂ©paration et
dâaction
». Ăvoluant dans un milieu de circulation libre, les moyens spatiaux
permettent à la fois une économie de moyens et une efficacité militaire maximale.
En outre, les applications militaires de lâespace se sont considĂ©rablement
rapprochĂ©es des utilisateurs sur le terrain et cette Ă©volution est destinĂ©e Ă
sâaccentuer Ă lâavenir.
Le deuxiĂšme intĂ©rĂȘt du rapport du GOSPS rĂ©side dans lâanalyse
exhaustive des domaines dans lesquels il est nĂ©cessaire que lâEurope soit prĂ©sente
si elle entend préserver son autonomie stratégique. Au premier rang figure la
prĂ©servation dâune capacitĂ© indĂ©pendante dâaccĂšs Ă lâespace. Sur le plan des
moyens satellitaires, il convient de maĂźtriser lâensemble des applications
potentiellement intéressantes, dans les domaines des télécommunications et de
lâensemble des moyens dâobservation de la Terre (observation optique et radar,
cartographie, météorologie et océanographie) mais aussi en matiÚre de
renseignement dâorigine Ă©lectromagnĂ©tique et dâalerte avancĂ©e. Le rapport note
Ă©galement lâenjeu que constitue lâacquisition dâune capacitĂ© de surveillance de
lâespace pour lâEurope.
Enfin, compte tenu de lâampleur des besoins, il souligne la nĂ©cessitĂ© de
construire une architecture spatiale de dĂ©fense concertĂ©e Ă lâĂ©chelle europĂ©enne.
Aucune nation europĂ©enne nâapparaĂźt en mesure de maĂźtriser seule lâensemble des
applications spatiales de sécurité et de défense et il convient par conséquent de
sâengager dans la voie dâune dĂ©pendance mutuelle acceptĂ©e et aussi efficace que
possible.
âą
Si la prise de conscience de la nĂ©cessitĂ© de la mise en place dâune
politique spatiale Ă lâĂ©chelle de lâUnion europĂ©enne est plus rĂ©cente, elle a
néanmoins donné lieu à de nombreux travaux de définition des besoins.
En novembre 2003, la Commission a publié un ambitieux Livre blanc sur
lâespace
(1)
. Celui-ci souligne lâimportance de lâenjeu en termes Ă©conomiques et de
souverainetĂ© et, de ce fait, la nĂ©cessitĂ© pour lâUnion dâaccroĂźtre les ressources
allouées à ce secteur. Le Livre blanc reconnaßt également la contribution que les
moyens spatiaux peuvent apporter Ă la mise en Ćuvre de la politique Ă©trangĂšre et
de sĂ©curitĂ© commune (PESC) ainsi quâĂ la politique europĂ©enne de sĂ©curitĂ© et de
défense (PESD). Il est ainsi noté qu⠫
outre les satellites de télécommunications
et dâobservation dĂ©jĂ utilisĂ©s actuellement Ă des fins de sĂ©curitĂ©, il est nĂ©cessaire
dâaller plus loin dans le domaine de la surveillance, du positionnement et de la
navigation ainsi que de la synchronisation et des communications, du
renseignement, de lâalerte prĂ©coce et de la surveillance de lâespace, afin de
rĂ©aliser les objectifs de lâUE et de ses Ătats membres en matiĂšre de sĂ©curitĂ©
». Le
document prĂ©voit deux phases pour la mise en Ćuvre de cette politique. De 2004 Ă
2007, il sâagira de mettre en place une coopĂ©ration efficace entre lâUnion et
(1)
Espace : une nouvelle frontiĂšre europĂ©enne pour une Union en expansion. Plan dâaction pour la
mise en Ćuvre dâune politique spatiale europĂ©enne
, COM (2003) 673 final.
â 28 â
lâAgence spatiale europĂ©enne (ESA). Dans un second temps, lâespace devrait
devenir un domaine de compĂ©tence partagĂ©e entre lâUnion et les Ătats membres.
Le Traité de Lisbonne prévoit pour sa part que «
dans les domaines de la
recherche, du dĂ©veloppement technologique et de lâespace, lâUnion dispose dâune
compĂ©tence pour mener des actions, notamment pour dĂ©finir et mettre en Ćuvre
des programmes, sans que lâexercice de cette compĂ©tence ne puisse avoir pour
effet dâempĂȘcher les Ătats membres dâexercer la leur
».
Des travaux plus prĂ©cis ont par la suite Ă©tĂ© menĂ©s pour lâidentification des
lacunes européennes en matiÚre spatiale. La Commission a notamment mis en
place un groupe dâexperts sur lâespace et la sĂ©curitĂ© qui a remis son rapport dit
« SPASEC » en mars 2005. De son cÎté, le Conseil a mené une réflexion
approfondie qui sâest traduite par lâadoption de deux documents sur les besoins de
systÚmes spatiaux pour les opérations militaires et de gestion de crise
(1)
.
Enfin, la Commission a publié en avril 2007 une communication au
Conseil et au Parlement européen sur la politique spatiale européenne
(2)
. AprĂšs
avoir saluĂ© le travail rĂ©alisĂ© depuis 30 ans par lâESA, la Commission manifeste la
volontĂ© de lâUnion sinon de prendre ouvertement le relais, du moins de sâaffirmer
comme un acteur Ă part entiĂšre de la scĂšne spatiale, afin que des efforts
supplĂ©mentaires soient dĂ©ployĂ©s et que lâEurope puisse affirmer sa position
concurrentielle Ă lâĂ©chelle mondiale. Si les capacitĂ©s purement militaires resteront
de la compĂ©tence des Ătats membres, «
les besoins en matiĂšre de systĂšmes
spatiaux pour la planification et la conduite des opérations civiles et militaires de
gestion de crise se recoupent
» et le partage des ressources utilisant des
technologies duales et des normes communes devrait offrir des solutions plus
rentables.
2. Des obstacles nombreux
âą
La principale raison expliquant lâinsuffisante prise en compte des
besoins spatiaux est tout simplement dâordre budgĂ©taire. On peut en effet parler
dâune vĂ©ritable forme dâaustĂ©ritĂ© budgĂ©taire imposĂ©e au secteur spatial europĂ©en
pendant prĂšs de dix ans, contrastant avec le dynamisme des budgets spatiaux des
acteurs émergents et la stabilité à un trÚs haut niveau des budgets américains.
Cette Ă©volution porte en elle le risque dâun dĂ©crochage capacitaire de lâEurope,
prĂ©alable Ă un dĂ©crochage technologique dâautant plus regrettable que nos
industries disposent encore dâun niveau les plaçant aux tout premiers rangs de la
compétition.
La limitation des investissements publics consacrés au secteur spatial a
concerné au premier chef la France, affectant son rÎle moteur traditionnel en la
matiĂšre. Depuis 2000, les dĂ©penses publiques consacrĂ©es Ă lâespace ont en effet
(1)
Generic Space Systems Needs for Military Operations
, 7 février 2006 (6920/06) et
Outline of
Generic Space Systems Needs for Civilian Crisis Management Operations
, 27 juin 2006 (10970/06).
(2) COM (2007) 212 final.
â 29 â
diminuĂ© de 1,6 % par an. Sâagissant de lâĂ©volution des dĂ©penses consacrĂ©es au
secteur spatial de défense, la LPM 2003-2008 prévoyait un montant moyen annuel
de crĂ©dits de paiement sur la pĂ©riode de 450 millions dâeuros environ (hors budget
civil de recherche et de développement mais y compris les études amont). Le
tableau ci-aprĂšs fait bien apparaĂźtre une tendance Ă lâaugmentation des budgets
votĂ©s, mais aussi et de façon prĂ©occupante lâaccroissement progressif de lâĂ©cart
entre ces crédits votés et la consommation réelle des crédits. La ressource
disponible a en moyenne atteint de lâordre de 440 millions dâeuros par an de 2003
à 2007 et les crédits effectivement consommés un peu plus de 370 millions
dâeuros jusquâen 2006.
Ă
VOLUTION DES CRĂDITS DE PAIEMENT CONSOMMĂS EN MATIĂRE SPATIALE MILITAIRE
(en millions dâeuros courants)
Année
2003 2004 2005 2006 2007
Budget voté
(a)
(hors BCRD)
(1)
436,20 402,30 469,33 489,05 469,01
Annulations, reports et
ajustements
- 38,39
- 23,59
- 43,92
26,38
80,66
(2)
Ressources
disponibles
397,31 378,71 423,73 515,43 486,67
(2)
Budget réalisé
(b)
398,70 330,37 374,07 391,41 274,58
(2)
Ăcarts
(a - b)
37,50 71,93 95,26 97,63 185,15
(2)
(1)
Budget civil de recherche et développement.
(2)
A la fin de juin 2007.
Source : ministÚre de la défense.
Ce mouvement sâexplique tout dâabord par les retards rencontrĂ©s dans
lâexĂ©cution de certains programmes (dĂ©calage de la rĂ©alisation du segment sol
dâobservation Ă la suite des dĂ©ploiements diffĂ©rĂ©s des satellites COSMO-SkyMed,
SAR-Lupe et Pléiades ; report du tir du deuxiÚme satellite Hélios II
(1)
). Il est en
outre exact que les principales échéances des programmes spatiaux se situaient en
dĂ©but de programmation. Au total, de 2003 Ă 2006, lâĂ©cart en euros courants entre
crĂ©dits votĂ©s et consommĂ©s reprĂ©sente 302 millions dâeuros, soit 67 % dâune
annuité moyenne de crédits votés sur cette période.
La loi de finances pour 2008 interrompt la tendance Ă la hausse des
dotations initiales pour le secteur spatial militaire observée depuis 2004. Le total
des crĂ©dits de paiement sâĂ©lĂšve Ă presque 393 millions dâeuros, soit une baisse de
16,2 % par rapport Ă la loi de finances pour 2007
(2)
. Le phénomÚne est encore
(1) Les participations de lâItalie et de la GrĂšce Ă HĂ©lios II dĂ©cidĂ©es au cours de la LPM ont
également contribué à limiter les besoins en paiements.
(2) CrĂ©dits de paiement figurant au sein du programme 146 « Ăquipement des forces » ainsi que ceux
du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de dĂ©fense » (pour lâessentiel les Ă©tudes
amont espace et, plus marginalement, une partie des études technico-opérationnelles).
â 30 â
plus marquĂ© sâagissant des autorisations dâengagement : avec 155 millions dâeuros
prévus, la diminution est de 70,3 %.
âą
Par-delĂ lâĂ©volution peu favorable des crĂ©dits, il convient de souligner
que lâEurope nâest pas indĂ©pendante pour lâensemble des technologies spatiales.
Entre 60 et 70 % des composants électroniques utilisés dans les systÚmes
satellitaires sont dâorigine amĂ©ricaine et cette proportion atteint 100 % pour les
composants durcis. Ils sont soumis aux rĂšgles dâexportation amĂ©ricaines ITAR
(
International Traffic in Arms Regulations
), dont lâapplication est confiĂ©e au
DĂ©partement dâĂtat. Cette dĂ©pendance peut se transformer en vulnĂ©rabilitĂ© si
aucune source dâapprovisionnement alternative nâexiste
(1)
. Consciente des risques
dâune telle situation, lâESA et les agences spatiales nationales europĂ©ennes ont
lancé dÚs 2003 des actions correctrices pour limiter cette dépendance dans le
secteur critique des composants durcis (processeurs, fusiblesâŠ). La fragilitĂ© de
lâEurope rĂ©side moins dans un retard technologique que dans lâabsence de filiĂšres
industrielles locales viables sur un marché trop réduit. Le problÚme concerne
dâailleurs Ă©galement le contrĂŽle du capital des PME-PMI rĂ©alisant des composants
spatiaux, qui sont le plus souvent dâautant plus fragiles face aux prises de
participations Ă©trangĂšres que la concurrence est importante entre des
Ă©quipementiers europĂ©ens dispersĂ©s et nâayant pas la taille critique nĂ©cessaire. En
tĂ©moigne par exemple le rachat en 2003 par un fonds dâinvestissement amĂ©ricain
de la division Saft dâAlcatel, fournisseur de batteries utilisĂ©es dans plusieurs
programmes militaires français stratégiques. La commission de la défense a eu
lâoccasion de se pencher sur cette question lors de la prĂ©cĂ©dente lĂ©gislature au
travers du rapport de nos collĂšgues Bernard Deflesselles et Jean Michel sur
lâindustrie de dĂ©fense europĂ©enne
(2)
, dont les analyses restent pleinement
dâactualitĂ©. La prĂ©servation du contrĂŽle de savoir-faire rares suppose une grande
vigilance, tout particuliĂšrement de la part de lâAgence europĂ©enne de dĂ©fense,
lâune de ses missions Ă©tant la prĂ©servation et le dĂ©veloppement de la base
industrielle et technologique de défense. De maniÚre ponctuelle, des prises de
participation au capital dâentreprises sensibles peuvent permettre dâen assurer le
fonctionnement ou la transmission dans des conditions satisfaisantes, grĂące Ă des
instruments comme la FinanciĂšre de Brienne
(3)
. Il reste que, pour lâessentiel, la
survie dâun outil industriel performant et autonome dans ce domaine est liĂ©e au
volume dâactivitĂ© et Ă une volontĂ© politique rĂ©elle dâacheter prioritairement en
Europe.
(1) Les rĂšgles dâexportations amĂ©ricaines pourraient ĂȘtre Ă©ventuellement utilisĂ©es dans le cadre dâune
stratĂ©gie de dĂ©ni dâaccĂšs Ă lâespace. Ă la suite de la publication du rapport Cox par la Chambre des
reprĂ©sentants, en 1999, les Ătats-Unis ont significativement durci les rĂšgles dâexportation et de rĂ©exportation
de composants sensibles américains, ce qui a considérablement limité le développement des programmes de
lanceurs commerciaux chinois.
(2)
Industrie de dĂ©fense europĂ©enne : de la maĂźtrise Ă lâindĂ©pendance
, rapport dâinformation n° 2202,
mars 2005.
(3) Société de capital investissement dans les PME - PMI de hautes technologies duales à potentiel de
croissance et positionnĂ©es sur les secteurs stratĂ©giques nationaux et europĂ©ens, elle est dotĂ©e dâun capital
variable de 10 Ă 100 millions dâeuros.
â 31 â
La question se pose dâailleurs dans des termes assez proches en ce qui
concerne le recours Ă des lanceurs europĂ©ens. La stratĂ©gie poursuivie par lâEurope
dans le domaine essentiel de lâaccĂšs Ă lâespace vise Ă disposer dâune gamme
couvrant lâensemble des besoins, avec Ariane
5 (10
tonnes en orbite
géostationnaire), Soyouz lancé depuis la Guyane pour les charges intermédiaires
(3 tonnes) et Vega pour les orbites basses (jusquâĂ 1,5 tonne Ă 700 km). Ces deux
derniers lanceurs ne couvriront les besoins européens de lancement de petits
satellites quâĂ partir de 2009. En 2005, un progrĂšs a pu ĂȘtre enregistrĂ©, la France et
lâItalie ayant convaincu lâAllemagne dâaccepter que les satellites de lâESA soient
lancĂ©s par des lanceurs europĂ©ens. Mais ce nâest toujours pas le cas pour
lâensemble des programmes gouvernementaux, comme en tĂ©moigne la mise en
orbite des satellites COSMO-SkyMed par des fusées Delta 2 américaines et des
satellites SAR-Lupe par des lanceurs russes. On notera que lors du sommet
franco-italien du 30 novembre dernier, une dĂ©claration commune sur lâutilisation
préférentielle des lanceurs européens pour les satellites gouvernementaux a été
adoptĂ©e. Cette dĂ©marche mĂ©rite dâĂȘtre poursuivie au regard des efforts consentis
par les Européens pour maintenir leurs compétences dans ce domaine.
âą
Si la dualitĂ© doit effectivement ĂȘtre recherchĂ©e au maximum pour des
raisons budgĂ©taires et dâefficacitĂ©, le succĂšs de cette dĂ©marche suppose de bien en
apprécier les limites.
Tout dâabord, il convient de remarquer quâen raison de leur caractĂšre trĂšs
particulier, certains besoins spĂ©cifiquement militaires ne peuvent ĂȘtre couverts par
des programmes civils. Câest notamment le cas du renseignement dâorigine
Ă©lectromagnĂ©tique et de lâalerte avancĂ©e.
Ensuite, mĂȘme dans des domaines oĂč une offre civile est disponible, il est
nĂ©cessaire de ne pas nĂ©gliger les contraintes dâemploi et le besoin dâautonomie
propres aux activitĂ©s militaires. Dans le domaine de lâobservation optique, on
assiste actuellement au dĂ©veloppement dâune offre civile dans le domaine de la
trÚs haute résolution. Ainsi, la société
DigitalGlobe
a lancé en septembre 2007 un
satellite
Worldview-1
dâune rĂ©solution de 50 cm. Il reste que ce programme a Ă©tĂ©
cofinancé par la
National Geospatial-Intelligence Agency
, placĂ©e sous lâautoritĂ©
du Département de la défense. Celui-ci exerce un contrÎle trÚs étroit de la
diffusion de ces images grĂące Ă un droit dâacquisition prioritaire dont il fait
largement usage en cas de crise. De plus, aucune véritable confidentialité sur les
centres dâintĂ©rĂȘt nâest envisageable lors de commandes Ă une sociĂ©tĂ© privĂ©e, ce qui
en rĂ©duit Ă©videmment lâattrait pour les services de renseignement. Le recours Ă
lâachat dâimages commerciales ne peut constituer un substitut aux programmes
gouvernementaux indĂ©pendants ou en coopĂ©ration, Ă moins dâaccepter une perte
complĂšte dâautonomie en matiĂšre dâaccĂšs aux images, sans parler de
lâimpossibilitĂ© de confirmer leur authenticitĂ©.
Enfin, la mise à profit des possibilités offertes par la dualité suppose que
les besoins spécifiquement militaires soient intégrés trÚs en amont, dÚs la phase de
conception des systĂšmes spatiaux. En France, la mise en place Ă partir de 2003
â 32 â
dâune Ă©quipe dĂ©fense au sein du CNES a permis une bien meilleure gestion de la
dualitĂ©. Cette Ă©quipe associe Ă©troitement la dĂ©lĂ©gation gĂ©nĂ©rale pour lâarmement et
lâĂ©tat-major des armĂ©es Ă la dĂ©cision dâemploi des crĂ©dits affectĂ©s au CNES dans
le cadre du programme 191 « Recherche duale », soit 165 millions dâeuros en
2008. Le projet de satellite dâobservation PlĂ©iades constitue lâun des meilleurs
exemples dâintĂ©gration en amont des besoins de la dĂ©fense dans un programme
dual, notamment avec la grande agilité donnée à la plate-forme
(1)
. Une démarche
similaire devra ĂȘtre menĂ©e Ă lâĂ©chelle europĂ©enne, lâUnion europĂ©enne affichant
des ambitions spatiales à vocation duale, comme en témoignent les réflexions sur
le volet sĂ©curitĂ© du programme GMES et lâinscription de lignes consacrĂ©es Ă
lâespace et Ă la sĂ©curitĂ© dans le 7
e
programme cadre de recherche et de
développement.
âą
Outre les difficultĂ©s liĂ©es aux intĂ©rĂȘts industriels nationaux,
lâorganisation de programmes en coopĂ©ration Ă lâĂ©chelle europĂ©enne est
handicapée par un paysage institutionnel particuliÚrement fragmenté
(2)
.
Historiquement, lâEurope spatiale a Ă©tĂ© construite totalement en dehors du cadre
communautaire, grĂące aux Ătats et Ă lâESA. Organisation intergouvernementale,
cette derniĂšre a jouĂ© le rĂŽle de forum efficace de coopĂ©ration entre les Ătats et ses
membres nâappartiennent pas tous Ă lâUnion europĂ©enne. Des liens Ă©troits ont
cependant Ă©tĂ© nouĂ©s entre lâUnion et lâESA grĂące Ă un accord-cadre adoptĂ© en
novembre 2003, dâune part, et Ă lâorganisation dâun conseil espace rĂ©unissant
pĂ©riodiquement le conseil de lâESA et le conseil des ministres de lâUnion, dâautre
part. Si cette derniÚre a désormais clairement pour objectif de définir la politique
spatiale europĂ©enne, lâESA continue Ă vouloir jouer tout son rĂŽle sur ce plan, en
espérant que ses programmes pourront bénéficier des financements
communautaires. Lâun des principaux enjeux de cette forme de compĂ©tition est de
savoir si la communautarisation progressive de la politique spatiale permettra de
limiter les effets paralysants de la rĂšgle du « juste retour » industriel en vigueur Ă
lâESA. Sâagissant de la dĂ©fense proprement dite, ni lâESA ni lâUnion europĂ©enne
nâont actuellement vocation Ă dĂ©finir et mettre en Ćuvre une politique spatiale
militaire et leur intervention restera sans doute encore longtemps cantonnée aux
aspects duaux, mĂȘme si la notion de « sĂ©curitĂ© » est au fond susceptible de couvrir
des besoins extrĂȘmement proches de ceux des armĂ©es. Si lâAED a vocation Ă
constituer le principal instrument de définition de besoins et de solutions
communes en matiÚre de défense, force est cependant de constater que les moyens
trop limitĂ©s de cet organe rĂ©cent ne lui permettent pas pour lâinstant de susciter
lui-mĂȘme des initiatives dâenvergure. Les Ătats ne doivent donc pas abdiquer le
rĂŽle moteur quâils ont eu jusquâici dans le dĂ©veloppement de capacitĂ©s spatiales.
(1) Ce programme associant le CNES et lâagence spatiale italienne prĂ©voit la rĂ©alisation de deux
satellites dâobservation optique de trĂšs haute rĂ©solution (0,7 m), le lancement du premier exemplaire Ă©tant
prĂ©vu en 2010. Par son champ trĂšs large, PlĂ©iades est complĂ©mentaire des moyens militaires dâobservation
HĂ©lios II.
(2)
Quelle organisation pour lâEurope spatiale ?
Florence Autret
, Politique Ă©trangĂšre
, 2-2007.
â 33 â
III. â LA HIĂRARCHIE DES URGENCES
Sauf à renoncer à des capacités technologiques et à une autonomie
dâapprĂ©ciation et de dĂ©cision chĂšrement acquises, il nâest guĂšre envisageable de
laisser les capacitĂ©s dont disposent lâEurope et la France sâĂ©roder
progressivement. Lâexercice de relance des ambitions peut paraĂźtre dĂ©licat dans le
contexte actuel de raréfaction des ressources budgétaires, mais il est indispensable
vu lâampleur des lacunes. Des coopĂ©rations pragmatiques entre Ătats sont de
surcroĂźt susceptibles de permettre une mutualisation des charges, au demeurant
relativement modestes et dĂ©croissantes au regard des services rendus par lâespace.
A. AVANT TOUT, GARANTIR LE RENOUVELLEMENT DES OUTILS ACTUELS
1. Préparer la prochaine génération des télécommunications
militaires
Câest dans le domaine des tĂ©lĂ©communications
que les échéances de
renouvellement des systÚmes actuellement en service ou en cours de déploiement
sont les plus lointaines. La France sera toutefois la premiÚre concernée, les
successeurs des satellites Syracuse III devant ĂȘtre lancĂ©s Ă partir de 2018.
LâAllemagne devra songer Ă remplacer ses satellites SATCOM-BW Ă partir de
2020, de mĂȘme que le Royaume-Uni pour le premier exemplaire de Skynet 5,
tandis que le successeur du satellite italien SICRAL-1B devrait ĂȘtre lancĂ© pour
2022. Ces dates sont donc suffisamment proches les unes des autres pour
permettre une plus grande coordination et essayer dâen finir avec la dispersion
actuelle des programmes nationaux.
Les travaux de réflexion et de recherche doivent cependant démarrer de
maniĂšre assez rapide. Il sâagit en effet de prĂ©parer le saut technologique Ă venir en
matiĂšre dâaugmentation des dĂ©bits, qui devrait ĂȘtre du mĂȘme ordre quâentre
Syracuse II et Syracuse III, soit une multiplication par dix. Les Ă©tudes amont dans
ce domaine doivent également permettre de veiller au maintien des compétences
technologiques des bureaux dâĂ©tudes concernĂ©s. Ă ce stade, les rĂ©flexions sont
encore trĂšs ouvertes sur les solutions qui pourraient ĂȘtre retenues, achat de service
ou acquisition des systÚmes en pleine propriété. Le choix devra reposer sur une
analyse financiĂšre et juridique approfondie, le retour dâexpĂ©rience des solutions de
partenariat public-privé retenues par certains de nos partenaires pouvant de ce
point de vue se rĂ©vĂ©ler Ă©clairant. La capacitĂ© dâexpertise du ministĂšre de la
dĂ©fense en la matiĂšre mĂ©rite dâĂȘtre renforcĂ©e compte tenu de la complexitĂ© des
dossiers.
Ă lâĂ©chelle europĂ©enne, on notera que lâAED a mis en place une Ă©quipe de
projet sur les satellites de télécommunications militaires. Celle-ci a notamment
pour mission dâĂ©tudier lâopportunitĂ© de la mise en place dâune forme de « centrale
dâachat » associant des Ătats membres pour lâacquisition groupĂ©e de capacitĂ©s
â 34 â
commerciales et doit mener une concertation en matiĂšre de R&T sur le futurs
programmes de télécommunications spatiales. Enfin, les réflexions devront
inĂ©vitablement porter sur les spĂ©cialisations industrielles. Actuellement, trois Ătats
disposent de compétences dans le domaine des communications militaires trÚs
protĂ©gĂ©es : le Royaume-Uni, la France et lâItalie. Plusieurs voies de rationalisation
sont possibles. Lâune dâelles consiste Ă sâacheminer progressivement vers une
forme de spécialisation nationale par bande de fréquence, ce qui suppose
lâacceptation dâune interdĂ©pendance entre EuropĂ©ens, Ă lâimage de ce qui a Ă©tĂ© de
fait rĂ©alisĂ© dans le domaine de lâobservation de la Terre. Une autre possibilitĂ©
consisterait Ă sâorienter vers des dĂ©veloppements communs dans le domaine des
super hautes fréquences (SHF), sur lesquelles reposent les télécommunications de
« routine » et qui peuvent représenter 80 % du coût total des satellites militaires.
Les Ătats se rĂ©serveraient pour leur part la facultĂ© de continuer Ă maĂźtriser les
technologies plus sensibles des bandes ultra hautes fréquences (UHF).
2. Mettre en service le successeur dâHĂ©lios II Ă temps
âą
Compte tenu dâun calendrier trĂšs serrĂ© et de lâampleur de lâenjeu, la
succession dâHĂ©lios II doit figurer au premier rang des prioritĂ©s.
HĂ©lios IIA a Ă©tĂ© mis en orbite en dĂ©cembre 2004 et HĂ©lios IIB devrait ĂȘtre
lancĂ© en 2009. En 2014, ce dernier atteindra sa fin de vie contractuelle. MĂȘme si
lâon peut espĂ©rer que son fonctionnement se prolongera au-delĂ , cela ne peut
absolument pas ĂȘtre garanti. Or, il faut sept ans pour la rĂ©alisation dâun systĂšme
capable de lui succéder, dont deux ans pour la conception et cinq pour le
dĂ©veloppement. Ce dĂ©lai ne peut raisonnablement pas ĂȘtre raccourci et impose un
lancement du programme dĂšs 2008.
Prendre le risque dâune rupture capacitaire ne paraĂźt pas acceptable au
regard de lâimportance dĂ©terminante du renseignement dâorigine image.
Lâimagerie optique est en effet la capacitĂ© de base du renseignement spatial. Outre
son intĂ©rĂȘt militaire pour le ciblage et la cartographie, elle est extrĂȘmement utile
aux autoritĂ©s politiques en permettant dâapprĂ©cier des situations et de suivre des
crises de maniĂšre autonome.
Lâurgence est Ă©galement manifeste sâagissant du maintien des
compétences technologiques. Depuis le début des années 1980, les pouvoirs
publics ont investi considĂ©rablement dans le dĂ©veloppement dâune industrie de
haut niveau en matiÚre optique, dont les résultats au travers des programmes
HĂ©lios successifs et prochainement de PlĂ©iades en font la filiĂšre dâexcellence Ă
lâĂ©chelle europĂ©enne. De fait, en matiĂšre dâimagerie, la spĂ©cialisation est
accomplie, la France rĂ©alisant les programmes optiques tandis que lâItalie et
lâAllemagne se consacrent Ă lâimagerie radar haute rĂ©solution. Il serait regrettable
de laisser sâĂ©roder un savoir-faire reconnu mais qui repose sur un nombre rĂ©duit
de personnes. DÚs 2004, la question du maintien des compétences a été posée avec
la livraison du dernier instrument haute résolution pour Hélios II. Le CNES a alors
menĂ© un travail de recensement des compĂ©tences critiques qui lâa amenĂ© Ă mettre
â 35 â
en place un plan adapté
(1)
. Celui-ci reposait toutefois sur lâhypothĂšse dâun
lancement dĂšs 2008 des travaux sur la composante spatiale optique (CSO)
destinĂ©e Ă la succession dâHĂ©lios II.
âą
Les rĂ©flexions techniques sont dâores et dĂ©jĂ trĂšs avancĂ©es et ont Ă©tĂ©
menées dans un cadre largement européen.
Le projet MUSIS (
Multinational Spacebased Imaging System
) a permis
dâassocier les six Ătats formant la « communautĂ© » HĂ©lios, Ă savoir la France, la
Belgique, lâEspagne, lâItalie, lâAllemagne et la GrĂšce au travers de la signature en
2006 dâun besoin opĂ©rationnel commun (BOC). Celui-ci prend en compte Ă la fois
les capacitĂ©s dâobservation optique et radar, afin dâassurer la continuitĂ© des
systĂšmes actuellement en service ou sur le point de lâĂȘtre, et vise Ă mettre en place
une architecture plus efficace pour les segments sol. Sâagissant de la CSO, il est
prévu de reconduire les capacités actuelles trÚs haute résolution et infrarouge, tout
en les complĂ©tant par un accĂšs Ă lâextrĂȘmement haute rĂ©solution, permettant de
disposer dâune capacitĂ© dâidentification et non plus seulement de reconnaissance.
Le CNES a contribué aux études de faisabilité et un accord entre les industriels, la
DGA et lâĂ©tat-major des armĂ©es est rĂ©cemment intervenu sur lâarchitecture
générale du systÚme et ses performances. La résolution des images devrait ainsi
ĂȘtre au moins deux fois meilleure que celle offerte par HĂ©lios II et la capacitĂ© de
fourniture dâimages pour un thĂ©Ăątre dâopĂ©ration serait multipliĂ©e par dix.
âą
La dĂ©cision de lancement du programme nâa pas encore Ă©tĂ© prise en
raison de lâincertitude qui subsiste sur le degrĂ© et la nature de la coopĂ©ration
européenne dans le cadre de MUSIS. Deux approches sont en effet envisageables.
La premiĂšre consiste Ă rechercher le plus haut degrĂ© possible dâintĂ©gration.
Câest cette voie que privilĂ©gie la France actuellement. Durant lâĂ©tĂ© 2007, le chef
dâĂ©tat-major des armĂ©es et le dĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral pour lâarmement ont adressĂ© un
lettre aux participants au systÚme Hélios pour approfondir la coopération et créer
une « Europe de la confiance » en matiĂšre de renseignement dâorigine spatiale,
avec une réalisation et une exploitation en commun des futures capacités optique
et radar. Politiquement et opérationnellement ambitieuse, cette démarche ne
pourra entraßner des économies que si les compétences industrielles et techniques
de chacun sont bien utilisées. Si elle ouvrait la porte à des revendications de
« juste retour » industriel ou des volontés de développement de compétences
nouvelles de la part de nos partenaires, une telle opération ne présenterait guÚre
dâintĂ©rĂȘt en termes financiers. Au demeurant, il semble que les rĂ©ponses apportĂ©es
par les autres Ătats ne sont pas trĂšs engageantes : seule la Belgique sây est dĂ©clarĂ©e
favorable, lâItalie paraĂźt rĂ©ticente, lâAllemagne et lâEspagne attendent le rĂ©sultat
dâĂ©tudes complĂ©mentaires et la GrĂšce ne sâest pas encore prononcĂ©e. Le principal
(1) Dâun montant total de 2 millions dâeuros sur la pĂ©riode 2007-2009, il porte sur des actions
techniques, hors domaine dĂ©fense, relatives notamment Ă lâinstrumentation grand champ Ă haute qualitĂ©
radiométrique et aux sondeurs infrarouges haute performance, pour la météorologie.
â 36 â
risque est dĂ©sormais celui dâun retard excessif du dossier en raison de nĂ©gociations
plus longues que prévues avec nos partenaires.
Une deuxiĂšme solution, sans doute plus pragmatique, consiste Ă organiser
au sein du programme MUSIS lâapport par chaque pays dâune composante
satellitaire dans son domaine dâexpertise, lâoptique revenant pour lâessentiel Ă la
France, tandis que lâeffort de coordination serait concentrĂ© sur la rĂ©alisation dâun
systĂšme dâexploitation au sol aussi commun que possible
(1)
. Outre une plus
grande simplicitĂ© de mise en Ćuvre sur le plan industriel, cette dĂ©marche prĂ©sente
lâavantage dâĂȘtre bien adaptĂ©e aux diffĂ©rents calendriers de renouvellement des
systĂšmes spatiaux. Si les dĂ©cisions Ă prendre pour la succession dâHĂ©lios II
doivent intervenir trÚs rapidement pour une échéance située en 2015, nos
partenaires allemands sont moins pressĂ©s dans la mesure oĂč leurs satellites
dâobservation radar sont en cours de dĂ©ploiement et ne devront pas ĂȘtre remplacĂ©s
avant 2018.
Enfin, la question de la coopĂ©ration europĂ©enne pourrait ĂȘtre abordĂ©e en
allant au-delĂ de la seule communautĂ© HĂ©lios, par exemple au travers dâun accĂšs Ă
certaines images archivées moyennant une contribution financiÚre, ce qui
permettrait Ă davantage dâĂtats de constater lâapport essentiel du renseignement
dâorigine image. Devenus utilisateurs, ils seront certainement enclins Ă participer
par la suite à des programmes en coopération.
La question de la décision politique du lancement des véritables travaux de
conception de la CSO pose celle de leur financement. LâĂ©quipe dĂ©fense du CNES
a Ă©tĂ© chargĂ©e le 4 dĂ©cembre 2007 dâentamer les Ă©tudes de conception mais les
20 millions dâeuros nĂ©cessaires Ă cet effet pour 2008 nâont Ă©tĂ© inscrits ni sur le
budget du CNES ni au sein de la mission défense. Des redéploiements budgétaires
internes sont actuellement étudiés pour faire face aux besoins.
Lâimportance de lâenjeu rend indispensable une dĂ©cision rapide sâagissant
de la réalisation de la composante optique de MUSIS, les financements
nĂ©cessaires devant ĂȘtre dĂ©gagĂ©s dans le mĂȘme temps. Ă dĂ©faut, les quelques
économies réalisées par le décalage du programme se paieraient à terme au prix
fort si les autoritĂ©s politiques nâĂ©taient plus en mesure pendant quelques annĂ©es de
sâappuyer sur une capacitĂ© autonome de renseignement, dont le caractĂšre
extrĂȘmement prĂ©cieux a pu ĂȘtre mesurĂ© lors des conflits dans les Balkans et de la
prĂ©paration de lâinvasion de lâIrak en 2003.
(1) Une telle coopération suppose de trancher la question épineuse du degré de connaissance
rĂ©ciproque de la programmation des images. Il peut ĂȘtre envisageable de conserver un quota de
programmation qui resterait maĂźtrisĂ© par les Ătats de maniĂšre individuelle, afin de lever certaines rĂ©ticences Ă
une ouverture complÚte, fut-elle entre un nombre réduit de partenaires.
â 37 â
B. NE PAS RENONCER AU DĂPLOIEMENT DE CAPACITĂS NOUVELLES
PROMETTEUSES
1. Combler progressivement les lacunes technologiques en
matiĂšre dâalerte avancĂ©e
Les systĂšmes dâalerte avancĂ©e placĂ©s en orbite sont destinĂ©s Ă dĂ©tecter de
maniÚre précoce le tir de missiles pendant leur phase propulsée et de collecter les
donnĂ©es permettant dâidentifier le type dâengin employĂ© ainsi que lâagresseur. Ă
lâheure actuelle, seuls la Russie et surtout les Ătats-Unis disposent de tels
systĂšmes, mis en place depuis plus de 35 ans.
En Europe, les travaux de recherche sur le sujet sont encore
embryonnaires. La France a dĂ©cidĂ© en 2004 le lancement dâun programme
dâĂ©tudes amont dĂ©nommĂ© SPIRALE, destinĂ© Ă acquĂ©rir un certain nombre de
technologies nĂ©cessaires pour la maĂźtrise de lâalerte avancĂ©e. Ce dĂ©monstrateur
repose sur deux microsatellites dont la mise en orbite est prévue pour la fin de
2008. Lâexploitation des donnĂ©es devrait durer un peu moins de deux ans.
Cofinancé par le CNES, dont il utilise la plate-forme Myriade, il constitue une
étape de recherche trÚs en amont, destinée à la caractérisation du « bruit de fond »
infrarouge de la Terre. Il doit Ă©galement permettre dâĂ©laborer une chaĂźne de
traitement et dâalerte tout en recueillant des informations sur le dimensionnement
dâun Ă©ventuel systĂšme complet.
Si la rĂ©alisation dâun dispositif dâalerte avancĂ©e est utile pour la
crédibilisation de la dissuasion nucléaire dans un contexte marqué par la
prolifération balistique, elle ne prend cependant tout son sens que dans le cadre de
la mise en place dâune dĂ©fense antimissile. La composante alerte avancĂ©e doit dĂšs
lors ĂȘtre complĂ©tĂ©e par des radars en mesure de suivre la trajectoire des tĂȘtes, ainsi
que par des moyens dâinterception. Compte tenu du coĂ»t et des implications
politiques dâun tel ensemble, sa rĂ©alisation Ă©ventuelle ne pourrait avoir lieu quâĂ
lâĂ©chelle europĂ©enne. On notera quâil sâagit dâun choix onĂ©reux, puisque la seule
composante alerte avancĂ©e reprĂ©senterait entre 500 millions dâeuros et un milliard
dâeuros, selon le champ couvert. Le choix français de se doter dâune capacitĂ©
dâexpertise technologique susceptible dâĂȘtre mise en valeur le moment venu est
donc raisonnable. Il pourrait ĂȘtre complĂ©tĂ© par des Ă©tudes techniques permettant
dâacquĂ©rir des compĂ©tences dans le domaine de lâinterception, et ce dâautant plus
que la France dispose des connaissances nécessaires en raison de son
investissement historique dans les vecteurs balistiques.
2. Le renseignement dâorigine Ă©lectromagnĂ©tique : passer des
démonstrateurs technologiques à un véritable programme
Sâagissant du ROEM, la situation est trĂšs diffĂ©rente de celle constatĂ©e en
matiĂšre dâalerte avancĂ©e compte tenu des nombreux dĂ©monstrateurs
technologiques développés avec succÚs depuis plus de dix ans au travers
dâEuracom, de Cerise et de ClĂ©mentine. Ces premiers dĂ©veloppements ont Ă©tĂ©
â 38 â
complétés plus récemment par le lancement du démonstrateur ESSAIM en 2004,
dont lâobjectif est dâĂ©tudier lâinterception dâĂ©missions dans les bandes basses
(essentiellement par des Ă©metteurs de communication et certains radars). La phase
dâexploitation est en cours et permet dâentrevoir nombre dâapplications pratiques.
Enfin, cette opĂ©ration devrait ĂȘtre suivie en matiĂšre de dĂ©tection et de
caractĂ©risation des Ă©missions dans les bandes hautes, câest-Ă -dire des radars, par le
démonstrateur ELISA (
Electronic Intelligence Satellite
), dont la mise en orbite est
prévue pour 2010
(1)
. De fait, ces démonstrateurs sont trÚs avancés et fournissent
pratiquement une capacité opérationnelle embryonnaire. La maturité des
technologies et lâexpĂ©rience acquise doivent dĂ©sormais ĂȘtre exploitĂ©es au travers
dâun vĂ©ritable programme, dâautant plus nĂ©cessaire quâen matiĂšre de ROEM
lâĂ©rosion progressive des capteurs disponibles pour les armĂ©es est prĂ©occupante.
Un objectif dâĂ©tat-major a Ă©tĂ© approuvĂ© en juin 2007 pour un projet
nouveau, baptisé CERES (capacité ROEM spatiale), dont la mise en service est
prĂ©vue pour 2013. Lâutilisation dâune plate-forme existante peu coĂ»teuse de la
classe des 400 kilos, la limitation au nécessaire des spécifications techniques et
lâexpĂ©rience des deux dĂ©monstrateurs prĂ©citĂ©s pour les charges utiles ont permis
de ramener lâobjectif de prix Ă moins de 350 millions dâeuros, pour un systĂšme
composé de trois ou quatre satellites en formation avec une durée de vie de dix
ans.
Lâune des conditions posĂ©es au lancement de ce programme est
lâassociation de partenaires europĂ©ens, avec au moins un Ătat comme lâItalie ou
lâAllemagne. Une coopĂ©ration est ainsi recherchĂ©e avec les cinq membres de la
communautĂ© HĂ©lios, de mĂȘme quâavec la SuĂšde. On peut souligner lâĂ©volution
intervenue dans ce domaine sensible, puisque la premiĂšre version du rapport du
GOSPS prĂ©voyait seulement une coopĂ©ration avec lâAllemagne, Ă©tendue Ă lâItalie
dans la deuxiĂšme version. Ă ce stade, aucune rĂ©ponse ferme nâest parvenue. Outre
le fait que nos partenaires potentiels nâont pas dâexpĂ©rience technique en la
matiĂšre, il ne faut pas oublier que lâAllemagne a concentrĂ© ses efforts sur les
drones HALE
Eurohawk
.
Compte tenu du coût somme toute mesuré de CERES au regard de son
apport opérationnel et des sommes déjà investies dans le passé dans les
dĂ©veloppements technologiques, faire de la participation financiĂšre dâautres Ătats
une condition indispensable du lancement effectif du programme pourrait
rapidement dĂ©boucher sur une impasse. Une alternative possible serait lâĂ©change
de capacitĂ©s avec lâAllemagne, sur le modĂšle de lâaccord de Schwerin pour le
renseignement image, et ce dâautant plus que les drones et les satellites sont
parfaitement complĂ©mentaires. Sâagissant de lâItalie, il pourrait ĂȘtre envisagĂ© de
lui offrir un accÚs aux données issues de CERES en contrepartie du financement
par celle-ci du lancement des satellites, grùce à sa future fusée Vega.
(1) Le dĂ©monstrateur ESSAIM a coĂ»tĂ© environ 80 millions dâeuros ; cofinancĂ© par le CNES, ELISA
reprĂ©sente pour sa part 160 millions dâeuros.
â 39 â
3. Organiser lâautonomie europĂ©enne dans le domaine de la
surveillance de lâespace
âą
Lâenjeu principal de la surveillance de lâespace est tout simplement
dâassurer la sĂ©curitĂ© des engins placĂ©s en orbite face Ă la menace croissante des
dĂ©bris spatiaux. La NASA Ă©value en effet Ă 11 000 le nombre de dĂ©bris dâune
taille supérieure à 10 cm et à plus de 100 000 ceux compris entre 1 et 10 cm. Cette
masse va croissant, tant en raison des effets de lâinterception rĂ©alisĂ©e par la Chine
que du fait de la croissance des activités spatiales. Le risque pour les systÚmes
spatiaux nâest pas thĂ©orique, comme en tĂ©moigne la destruction en 1996 du
satellite Cerise, touchĂ© par un fragment dâune fusĂ©e Ariane tirĂ©e dix ans plus tĂŽt.
Cet événement a également souligné la dépendance des Européens en matiÚre de
surveillance de lâespace
: si un radar britannique avait bien repéré la
dĂ©stabilisation du satellite, celle-ci nâavait ensuite pu ĂȘtre vĂ©ritablement confirmĂ©e
que par les Ătats-Unis. La France Ă©tait alors totalement dĂ©pourvue de capacitĂ©
dans le domaine de la surveillance de lâespace et nâavait pas Ă©tĂ© en mesure de
vĂ©rifier par elle-mĂȘme ces informations
(1)
.
De fait, seuls la Russie et surtout les Ătats-Unis disposent de systĂšmes
globaux de surveillance de lâespace leur permettant dâentretenir un catalogue des
objets en orbite et dâen identifier certains. Lâ
United States Space Command
dirige
un réseau de surveillance global (SSN) reposant sur des moyens de repérage et
dâobservation radars et optiques installĂ©s sur seize sites dans le monde. Le
catalogue issu de cette couverture géographique complÚte permet de suivre les
objets de plus de dix centimĂštres en orbite basse et de un mĂštre en orbite
gĂ©ostationnaire. Câest sur la base des informations figurant dans cette base de
données et transmises par le commandement de la défense aérospatiale de
lâAmĂ©rique du nord (NORAD) que le CNES assure les manĆuvres dâĂ©vitement de
débris par les satellites étatiques français, lesquelles sont de plus en plus
fréquentes.
Disposer dâune indĂ©pendance dans ce domaine devient dĂ©sormais lâune
des conditions dâun accĂšs autonome Ă lâespace.
âą
LâEurope nâest pas complĂštement dĂ©pourvue car elle a menĂ© rĂ©cemment
le développement de démonstrateurs technologiques. Ceux-ci sont cependant loin
dâoffrir une capacitĂ© opĂ©rationnelle suffisante et, surtout, ils ont Ă©tĂ© bĂątis
isolĂ©ment par les Ătats
(2)
.
Dans le domaine des radars, ce sont la France et lâAllemagne qui ont menĂ©
les principales recherches. La premiÚre dispose depuis de nombreuses années des
(1)
Space Situational Awareness and International Policy
, Laurence Nardon, documents de travail de
lâIFRI, octobre 2007.
(2) Sâagissant des caractĂ©ristiques techniques des diffĂ©rents systĂšmes de surveillance de lâespace
dĂ©ployĂ©s en Europe, on se reportera utilement Ă lâarticle de H. Klinkrad,
Monitoring Space â Efforts Made by
European Countries
, publié sur le site de la fédération des scientifiques américains
(http://www.fas.org/spp/military/program/track/klinkrad.pdf).
â 40 â
différents radars installés sur le
Monge
, capables de suivre simultanément trois
objets jusquâĂ 4 000 km dâaltitude. Ces capacitĂ©s ont Ă©tĂ© substantiellement accrues
avec lâentrĂ©e en service du radar GRAVES (grand rĂ©seau adaptĂ© Ă la veille
spatiale), dont les principales caractĂ©ristiques sont rĂ©sumĂ©es dans lâencadrĂ© ci-
aprĂšs.
Dans les annĂ©es 1990, lâĂ©tat-major des armĂ©es avait envisagĂ© un
programme couvrant lâensemble des aspects techniques de la surveillance de
lâespace mais, compte tenu des contraintes budgĂ©taires, seul le projet de radar
GRAVES a pu ĂȘtre maintenu. Techniquement, ce radar peut suivre des objets
dâune taille supĂ©rieure Ă un mĂštre carrĂ© entre 400 et 1 000 km dâaltitude, soit
environ 30 % des objets en orbite basse et tout particuliĂšrement les satellites
consacrĂ©s Ă lâobservation. En tout, GRAVES assure le suivi dâun peu plus de
2 000 objets et a permis de repérer des écarts intéressants avec les informations
figurant dans les catalogues américains en source ouverte.
Ce systĂšme prĂ©sente des avantages sur trois plans. Tout dâabord, il fournit
une relative indépendance par rapport aux bases de données américaines, en
permettant de les compléter. Ensuite, il permet une meilleure prise en compte de la
menace spatiale, notamment grùce à la connaissance plus précise des horaires de
passage des satellites dâobservation (il est ainsi possible dâadapter certaines
postures, soit pour dissimuler des activités, soit au contraire pour leur donner un
caractÚre démonstratif). Enfin, il offre une base pour les discussions et des
échanges avec nos partenaires européens et américains. En ce sens, il constitue
une vĂ©ritable rupture, analogue Ă celle quâa pu constituer en son temps lâarrivĂ©e en
service dâHĂ©lios I, en permettant dâaccĂ©der au « club » rĂ©duit des Ătats disposant
de ce type de technologie.
Les lacunes restent toutefois nombreuses et sâexpliquent par la nature de
dĂ©veloppement exploratoire de GRAVES. Lâanalyse des donnĂ©es reste manuelle,
ce qui empĂȘche lâexploitation optimale du systĂšme. Des amĂ©liorations sont
possibles pour accroßtre le périmÚtre de suivi des objets ainsi que la réactivité lors
de dĂ©tection dâĂ©vĂ©nements, pour un coĂ»t estimĂ© Ă environ un million dâeuros.
Lâessai antisatellite chinois de janvier 2007 illustre la maniĂšre dont GRAVES peut
ĂȘtre employĂ© : câest Ă la suite dâune information de source extĂ©rieure que les
donnĂ©es collectĂ©es ont pu ĂȘtre utilisĂ©es
a posteriori
pour confirmer lâimpact aux
autoritĂ©s politiques. Des dĂ©cisions devront ĂȘtre prises prochainement pour assurer
la pĂ©rennitĂ© de ce systĂšme, son financement par des crĂ©dits dâĂ©tudes amont ne
permettant pas dâen assurer le fonctionnement Ă moyen terme, et pour dĂ©terminer
ses améliorations éventuelles, ce qui représenterait un investissement de
22,5 millions dâeuros sur la durĂ©e de la prochaine LPM.
En tout état de cause, GRAVES restera un outil limité, ne permettant ni un
suivi complet des objets ni leur caractĂ©risation. Lâidentification repose pour
lâinstant sur des Ă©changes informels avec les Allemands, qui sont les seuls en
Europe à posséder un radar imageur capable de reconnaßtre des satellites en orbite
basse. Ce systÚme nommé TIRA (
Tracking and Imaging Radar
) permet de
â 41 â
dĂ©tecter des objets de deux centimĂštres Ă 1 000 km dâaltitude et peut rĂ©aliser des
images avec une résolution de 18 cm. En ce qui concerne les dispositifs optiques
nĂ©cessaires pour lâobservation des objets en orbite lointaine, plusieurs outils sont
disponibles. LâESA dispose dâun tĂ©lescope performant installĂ© Ă TĂ©nĂ©riffe. En
France, la DGA met en Ćuvre le SPOC (systĂšme probatoire dâobservation du ciel)
et le CNES utilise son télescope ROSACE. Le ministÚre de la défense britannique
a pour sa part mis en place trois instruments optiques PIMS (
Passive Imaging
Metric Sensor
) au Royaume-Uni, à Gibraltar et à Chypre, capables de détecter des
objets dâun mĂštre placĂ©s en orbite gĂ©ostationnaire.
Des « briques » technologiques de haut niveau existent donc, mais elles ne
forment pas pour lâinstant un systĂšme cohĂ©rent.
âą
Consciente des faiblesses de lâEurope et de lâenjeu crucial que constitue
la surveillance de lâespace, lâESA a lancĂ© une dĂ©marche de renforcement des
moyens au travers du projet
Space Situational Awareness
(SSA), dont les
conclusions devraient ĂȘtre soumises au conseil ministĂ©riel de lâagence
dâoctobre 2008. Lâobjectif poursuivi est dâatteindre Ă terme le niveau actuel du
réseau de surveillance américain, soit une capacité de détection des objets de plus
de 10 cm en orbite basse et dâun mĂštre en orbite gĂ©ostationnaire, tout en pouvant
repĂ©rer des fragmentations dâobjets et des manĆuvres orbitales. Les diffĂ©rents
systĂšmes radars et optiques permettront dâĂ©laborer progressivement un catalogue
autonome des objets et dĂ©bris. Le coĂ»t dâun ensemble cohĂ©rent pourrait
reprĂ©senter au total entre 120 et 150 millions dâeuros.
Cette initiative de lâESA porte seulement sur les systĂšmes de dĂ©tection,
dont la vocation est par nature duale, mais elle ne couvre pas le besoin
dâidentification, spĂ©cifiquement militaire. Il est donc nĂ©cessaire que les Ătats les
plus intéressés par ce dernier aspect coordonnent leurs actions afin de déployer des
systÚmes haute résolution radars et optiques. Ils pourraient comprendre le
développement de démonstrateurs technologiques de lasers installés au sol et
capables de suivre des objets particuliers, de les identifier grĂące Ă lâimagerie active
et, Ă terme, dâĂȘtre Ă©ventuellement capables de dĂ©vier des dĂ©bris en focalisant de
lâĂ©nergie sur eux. Les coopĂ©rations en la matiĂšre pourraient prendre la forme soit
de programmes de recherche associant quelques pays, soit reposer sur une forme
de partage des tĂąches et des informations recueillies.
Le dĂ©veloppement des savoir-faire technologiques et dâun systĂšme
complet de surveillance de lâespace jouera Ă lâavenir un rĂŽle dissuasif dĂ©terminant
vis-Ă -vis dâĂ©ventuels agresseurs, tout en contribuant Ă la mise en place dâune
protection efficace des satellites européens.
â 42 â
C. UNE AMBITION PLUS QUE RAISONNABLE
1. Adapter les structures de commandement Ă lâenjeu que
constitue lâespace
Lâespace apparaĂźt de plus en plus comme un milieu dont la connaissance
et la maĂźtrise, au mĂȘme titre que la terre, lâair et la mer, sera dĂ©terminante Ă
lâavenir pour lâemploi des forces et dans les stratĂ©gies de puissance. Il sâagit dâune
rupture profonde qui conduit Ă ne plus le considĂ©rer comme un simple point haut Ă
occuper et Ă sâinterroger sur les consĂ©quences de ce mouvement en termes
dâorganisation des forces.
Il faut souligner la clairvoyance des rédacteurs des textes réglementaires
organisant la défense nationale, puisque le décret n° 75-930 du 10 octobre 1975
relatif à la défense aérienne et aux opérations aériennes avait déjà prévu que la
défense aérienne a notamment pour objet de «
surveiller lâespace, les approches
aĂ©riennes du territoire et lâespace aĂ©rien national, de dĂ©celer et dâĂ©valuer la
menace
». Elle doit Ă©galement concourir Ă la diffusion de lâalerte aux populations
en cas de danger spatial ou aérien inopiné
(1)
. Le chef dâĂ©tat-major des armĂ©es est
responsable de la mise en Ćuvre du plan militaire de dĂ©fense aĂ©rienne, dont
lâexĂ©cution est confiĂ©e au commandant de la dĂ©fense aĂ©rienne.
LâarmĂ©e de lâair joue donc dâores et dĂ©jĂ un rĂŽle opĂ©rationnel de premier
plan en matiĂšre spatiale. Largement utilisatrice de prestations spatiales, quâil
sâagisse de tĂ©lĂ©communications protĂ©gĂ©es, dâinformation gĂ©ographique (utilisation
des modÚles numériques de terrain), des services de navigation et de datation et
des moyens de mĂ©tĂ©orologie atmosphĂ©rique, elle est Ă©galement elle-mĂȘme
prestataire de services spatiaux. La mise en Ćuvre dâaccords de partage
dâinformations avec nos alliĂ©s en matiĂšre de mĂ©tĂ©orologie spatiale lui revient. Elle
est aussi chargĂ©e de lâanalyse des performances des constellations GPS et bientĂŽt
de
Galileo
, afin de déterminer avec précision leur niveau de performance en
fonction de lâheure et du lieu. Enfin, il lui revient dâassurer la gestion des
segments sol dâune partie des moyens militaires spatiaux nationaux (HĂ©lios II
principalement) et de la surveillance de lâespace (exploitation du radar GRAVES).
On notera que lâextension du rĂŽle des armĂ©es de lâair au spatial est
Ă©galement Ă lâĆuvre chez nos principaux partenaires. Les Britanniques ont
récemment annoncé que leur équivalent du commandement de la défense aérienne
et des opérations aériennes, dorénavant baptisé NASOC (
National Air and Space
Operational Center
), couvrirait aussi les opérations spatiales. La
Luftwaffe
sâest
pour sa part manifestĂ©e comme lâacteur incontournable dans le domaine spatial, Ă
la fois du fait que les forces aériennes sont un des principaux utilisateurs des
services offerts par les moyens spatiaux, mais aussi en raison dâune logique
(1) Ce texte a Ă©tĂ© intĂ©grĂ© au code de la dĂ©fense Ă lâarticle D.
1441-1.
â 43 â
opérationnelle proche de celle du milieu aérien (rapidité, diffusion des
informations directement vers les autorités politiques).
(1)
Afin dâaffirmer symboliquement lâimportance accordĂ©e Ă la maĂźtrise de ce
milieu, il est souhaitable de transformer lâarmĂ©e de lâair en armĂ©e de lâair et de
lâespace. Un tel mouvement mettrait avant tout lâaccent sur lâaspect opĂ©rationnel,
la dĂ©termination des programmes relevant toujours du niveau interarmĂ©es. Dâune
certaine maniĂšre, la « visibilitĂ© » de lâespace au sein des armĂ©es serait accrue, ce
qui ne constitue en rien une garantie dâaugmentation des crĂ©dits mais peut
cependant y contribuer.
2. Un cas unique en matiĂšre dâarmements : la baisse des coĂ»ts
« Lâespace est cher » entend-on souvent dire par ceux qui craignent que
des ambitions technologiques mal maßtrisées ne grÚvent le budget de la défense,
au détriment des besoins légitimes et plus immédiats des troupes déployées en
opĂ©rations extĂ©rieures. La rĂ©flexion nâest pas fausse si lâon sâen tient aux coĂ»ts en
valeur absolue : Ă lâĂ©vidence les programmes spatiaux sont des concentrĂ©s de
haute technologie et leur prix sâen ressent. Elle passe cependant Ă cĂŽtĂ© dâune
caractéristique trÚs particuliÚre, tranchant singuliÚrement avec la dérive des coûts
des armements modernes et de leur entretien : alors que les performances des
systÚmes spatiaux augmentent continûment, leurs prix baissent.
Comme lâindique la version dĂ©classifiĂ©e du rapport du GOSPS, les
performances et services offerts nâont cessĂ© de sâamĂ©liorer, aussi bien dans le
domaine des tĂ©lĂ©communications (avec une multiplication par dix des dĂ©bits dâune
gĂ©nĂ©ration de satellites Ă lâautre) que dans celui de lâobservation de la Terre (entre
Hélios I et II, la capacité de prises de vue sur un théùtre a été multipliée par cinq,
avec une rĂ©solution amĂ©liorĂ©e significativement). La baisse des coĂ»ts sâexplique
par les progrĂšs de la miniaturisation, lâutilisation maximale de la dualitĂ© et
lâarrivĂ©e Ă maturitĂ© des technologies, laquelle limite les besoins de redondances
tout en ayant permis une augmentation de 50 % de la durée de vie des satellites en
dix ans. Rien nâindique que cette tendance se ralentit, bien au contraire. Un
exemple permet de mieux comprendre lâampleur du phĂ©nomĂšne. Alors que la
rĂ©alisation dâHĂ©lios II a coĂ»tĂ© au total prĂšs de 1,8 milliard dâeuros, les deux
satellites destinés à assurer la succession de ce systÚme au travers de la
composante optique de MUSIS reprĂ©senteraient entre 800 millions dâeuros et
un milliard dâeuros, lĂ encore avec une progression trĂšs importante des
performances, tant en termes de flux dâimages que de qualitĂ© de celles-ci.
Lâapport des systĂšmes spatiaux au vu de leur prix en fait donc des
investissements Ă©minemment raisonnĂ©s. Lâeffort supplĂ©mentaire Ă consentir pour
(1) Aux Ătats-Unis, dĂšs 1985 un commandement spatial a Ă©tĂ© crĂ©Ă© (
US Space Command
), mais son
rĂŽle rĂ©side avant tout dans la coordination des programmes spatiaux Ă lâĂ©chelon interarmĂ©es. La marine et les
armĂ©es de terre et de lâair ont leur propre commandement spatial, le plus important Ă©tant nĂ©anmoins lâ
Air
Force Space Command
, employant plus de 38 000 personnes (dont une large partie au titre de la mise en
Ćuvre de la composante balistique terrestre de la dissuasion amĂ©ricaine).
â 44 â
se doter de capacités nécessaires et cohérentes est trÚs largement à la portée des
EuropĂ©ens. Le rapport du GOSPS a ainsi permis dâĂ©valuer Ă 650 millions dâeuros
par an en moyenne le montant des crédits que la France devrait consacrer au
secteur spatial militaire
(1)
. Complété par un effort proportionnellement
comparable de nos partenaires europĂ©ens, il permettrait Ă lâUnion de se doter de la
palette des moyens dont elle a besoin, pour une dĂ©pense dâensemble dâenviron
deux milliards dâeuros. Il ne sâagit donc nullement de dĂ©mesure puisque lâĂ©cart
avec le budget militaire amĂ©ricain en la matiĂšre, aujourdâhui pratiquement de un Ă
vingt, serait simplement ramené de un à dix.
(1) Hors BCRD.
â 45 â
CONCLUSION
Lâespace joue dĂ©sormais un rĂŽle dĂ©terminant non seulement dans lâactivitĂ©
économique et la vie courante mais aussi dans les activités militaires. Cette
omniprĂ©sence discrĂšte et efficace nâest guĂšre payĂ©e de retour. Dâune certaine
maniĂšre, les apports de lâespace sont considĂ©rĂ©s comme un acquis, alors quâils
sont en fait fragiles et supposent un renouvellement des moyens et une mise Ă
niveau technologique réguliÚre. La poursuite de la stagnation budgétaire ou, pire
encore, la régression des crédits conduirait inévitablement à de graves pertes de
compétences technologiques. à moyen terme, elle se traduirait par des ruptures
capacitaires inacceptables politiquement et militairement, sans parler de la
persistance de lacunes criantes dans de nombreux segments des activités spatiales
de sécurité et de défense.
Ă lâheure oĂč se prĂ©parent en France des arbitrages budgĂ©taires dont
chacun sait combien ils seront difficiles, la tentation du court terme doit ĂȘtre
écartée. Bien au contraire, il convient de mettre en valeur le multiplicateur
extraordinaire de force et dâinfluence que constitue lâespace, surtout dans la
perspective dâune affirmation de lâautonomie europĂ©enne et du renforcement de
ses capacités de renseignement.
Le constat de la nĂ©cessitĂ© dâune relance des activitĂ©s spatiales a Ă©tĂ© Ă©tabli
de longue date et il est largement partagĂ© Ă lâĂ©chelle europĂ©enne ; les lacunes ont
Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©ment identifiĂ©es ; les solutions techniques sont prĂȘtes et les possibilitĂ©s
de coopération pragmatiques nombreuses. Il reste à la volonté politique à se
traduire par des actes.
â 47 â
EXAMEN EN COMMISSION
La commission de la défense et des forces armées a examiné le présent
rapport dâinformation au cours de sa rĂ©union du mardi 5 fĂ©vrier 2008.
Un dĂ©bat a suivi lâexposĂ© des rapporteurs.
Le président Guy Teissier
a partagé le constat réaliste des rapporteurs sur
la politique spatiale. Malgré sa dimension stratégique, elle ne bénéficie pas
dâarbitrages budgĂ©taires Ă la hauteur des enjeux. Il a par ailleurs souhaitĂ© connaĂźtre
le coût des programmes ESSAIM et GRAVES.
M. Serge Grouard, rapporteur
, a indiqué que la France dispose de
plusieurs dĂ©monstrateurs technologiques de surveillance de lâespace depuis le sol,
avec le systĂšme probatoire dâobservation du ciel (SPOC) de la dĂ©lĂ©gation gĂ©nĂ©rale
pour lâarmement ou du tĂ©lescope ROSACE du CNES. Toutefois, ces outils ne sont
pas suffisamment coordonnĂ©s et nâassurent pas de surveillance de lâespace en
temps rĂ©el. Le systĂšme GRAVES sâinscrit dans cette logique : il souffre en effet
dâune limite opĂ©rationnelle importante puisquâil nâest pas capable de fonctionner
en temps réel. Il peut seulement détecter
a posteriori
des Ă©vĂšnements, comme ce
fut le cas avec lâanalyse des dĂ©bris du satellite dĂ©truit par la Chine. Des travaux
sont actuellement en cours au sein de lâagence spatiale europĂ©enne pour amĂ©liorer
lâimbrication des systĂšmes, mais ces Ă©tudes restent limitĂ©es au domaine civil.
Mme Odile Saugues, rapporteure
, a précisé que le démonstrateur
ESSAIM avait coĂ»tĂ© 80 millions dâeuros. Sâagissant de GRAVES, sa rĂ©alisation a
reprĂ©sentĂ© 30 millions dâeuros, mais il conviendra de prĂ©voir dans la prochaine loi
de programmation militaire les crédits relatifs à son fonctionnement.
M. Serge Grouard, rapporteur
, a fait valoir que le démonstrateur Spirale
permet de développer les compétences dans le domaine de la détection de tirs de
missiles balistiques, pour un coĂ»t dâenviron 180 millions dâeuros. Il ne permet
cependant pas le suivi des trajectoires, que seuls les Ătats-Unis sont en mesure
dâeffectuer actuellement. De fait, un systĂšme complet de dĂ©fense antimissile
excĂšde les possibilitĂ©s financiĂšres des EuropĂ©ens. La mise en place dâun systĂšme
opĂ©rationnel comportant deux satellites dâalerte en orbite demanderait Ă elle seule
un effort de lâordre dâun milliard dâeuros. Les propositions figurant dans le rapport
tiennent compte des contraintes budgétaires et proposent une approche réaliste.
M. Jean Michel
a estimĂ© que la faiblesse des crĂ©dits consacrĂ©s Ă lâespace
militaire est un problÚme récurrent, soulevé par la commission depuis de
nombreuses annĂ©es. En 2004, Mme Alliot-Marie, ministre de la dĂ©fense, sâĂ©tait
engagĂ©e Ă porter ce budget Ă 600 millions dâeuros. Or les annĂ©es suivantes, celui-
ci, loin de sâaccroĂźtre, a diminuĂ©, les crĂ©dits inscrits nâĂ©tant mĂȘme pas consommĂ©s
en totalitĂ©. Bien sĂ»r, lâespace ne se voit pas et les satellites ne dĂ©filent pas sur les
Champs-ĂlysĂ©es, mais si les enjeux continuent dâĂȘtre ainsi ignorĂ©s, la France sera
bientĂŽt dĂ©passĂ©e par les avancĂ©es technologiques dâautres Ătats. Pour plus
â 48 â
dâefficacitĂ©, il serait souhaitable que le PrĂ©sident de la commission tienne avec les
rapporteurs une confĂ©rence de presse sur le sujet afin de tirer le signal dâalarme.
Il a ensuite considĂ©rĂ© que lâinsuffisance des investissements dans lâespace
militaire devait Ă©galement ĂȘtre rapportĂ©e Ă lâambition et Ă la posture internationale
de la France. Dans ce domaine, notre pays ne semble plus vouloir se donner les
moyens de ses ambitions et exister par lui-mĂȘme. Cette rĂ©signation exprime peut-
ĂȘtre une dĂ©cision de sâen remettre Ă nos alliĂ©s amĂ©ricains, revenant ainsi sur les
choix de souverainetĂ© et dâindĂ©pendance faits par le gĂ©nĂ©ral de Gaulle il y a
quarante ans. Pourtant, il ne sâagit pas de dĂ©penses considĂ©rables : les propositions
faites par les rapporteurs ramĂšneraient seulement de un Ă dix, contre un Ă vingt
actuellement, le rapport entre les investissements européens et américains.
En réponse,
M. Serge Grouard
a évoqué quatre raisons pouvant expliquer
lâinsuffisance du budget de lâespace militaire. Il y a tout dâabord un problĂšme
interne au ministĂšre de la dĂ©fense, oĂč personne nâest vĂ©ritablement en charge du
dossier, ce qui constitue un handicap trĂšs lourd compte tenu du mode de
fonctionnement des armĂ©es. Ensuite, par dĂ©finition, lâespace ne se voit
effectivement pas : il peut donc sembler plus rentable, sur les plans politique et
mĂ©diatique, dâinvestir dans des programmes plus spectaculaires. En outre, lâespace
est toujours conçu comme un multiplicateur de forces qui ne se suffit pas à lui-
mĂȘme et peut donc ĂȘtre sacrifiĂ© Ă lâurgence. Enfin, pendant longtemps, nos
partenaires europĂ©ens nâont pas Ă©tĂ© intĂ©ressĂ©s par lâespace militaire du fait de leur
positionnement stratégique. La France était un peu seule sur le sujet, comme en
témoigne sa part encore prépondérante (50 %) dans le budget militaire spatial
europĂ©en. Aujourdâhui, les positions stratĂ©giques se rapprochent, notamment avec
lâItalie et lâAllemagne, et les besoins et les Ă©chĂ©ances convergent, que ce soit dans
les tĂ©lĂ©communications ou dans lâobservation. Il y a donc un espoir de ce cĂŽtĂ©-lĂ ,
pour peu que lâon parvienne Ă bien dĂ©finir les rĂŽles respectifs de lâESA et de
lâUnion europĂ©enne. Câest un vĂ©ritable enjeu pour la prĂ©sidence française de
lâUnion.
Mme Odile Saugues
a ajouté que le pouvoir politique avait été mobilisé
sur les questions spatiales tant que la conquĂȘte de lâespace Ă©tait une aventure
humaine passionnant le grand public. Aujourdâhui, lâopinion publique sâest
dĂ©sintĂ©ressĂ©e de ces questions et le citoyen nâa pas conscience de lâimportance de
lâespace pour sa sĂ©curitĂ©. Câest donc au politique dâapporter une rĂ©ponse Ă ces
enjeux.
M. Jean Michel
a rappelĂ© que les Ătats-Unis ont quant Ă eux fait de
lâespace une prioritĂ© et ont clairement affirmĂ© leur refus dâĂȘtre concurrencĂ©s dans
ce domaine.
M. Jean-Louis Bernard
a regrettĂ© que lâespace nâait pas Ă©tĂ© considĂ©rĂ©
comme une prioritĂ© pour la dĂ©fense et sâest fĂ©licitĂ© que la commission ait choisi ce
thĂšme pour sa derniĂšre universitĂ© dâĂ©tĂ© et ce rapport dâinformation. Il a approuvĂ©
la nĂ©cessitĂ© de donner plus de visibilitĂ© Ă ce dossier au sein de lâorganigramme du
â 49 â
ministĂšre de la dĂ©fense, mĂȘme si la proposition des rapporteurs de renommer
lâarmĂ©e de lâair « armĂ©e de lâair et de lâespace » nâest pas totalement satisfaisante
car lâespace ne concerne pas la seule armĂ©e de lâair. Il conviendrait en tout cas de
confier ce dossier à un responsable disposant de compétences et prérogatives
identiques Ă celles dâun chef dâĂ©tat-major.
Il a ensuite évoqué les difficultés rencontrées dans la coopération
européenne, tant sur les financements que sur les lanceurs, certains de nos
partenaires se dĂ©fiant dâArianespace et prĂ©fĂ©rant avoir recours Ă des prestataires
extĂ©rieurs Ă lâUnion. Comment progresser dans la coopĂ©ration sâil nây a pas de
confiance entre les Ătats membres ? Il a Ă©galement soulignĂ© la nĂ©cessitĂ© dâengager
une coopération solide avec la Russie, qui détient une grande expérience dans le
domaine spatial.
Mme Odile Saugues
a indiquĂ© quâune avancĂ©e Ă©tait intervenue lors du
sommet franco-italien du 30 novembre 2007, avec lâadoption dâune dĂ©claration
commune sur lâutilisation prĂ©fĂ©rentielle de lanceurs europĂ©ens pour les satellites
gouvernementaux.
Mme Patricia Adam
a constaté que les deux derniers rapports
dâinformation prĂ©sentĂ©s devant la commission faisaient Ă©tat de problĂšmes
capacitaires graves, respectivement dans les domaines de lâaĂ©romobilitĂ© et de
lâespace. Cela ne peut quâinquiĂ©ter au regard des engagements pris depuis cinq
ans. Dans le domaine spatial particuliĂšrement, le maĂźtre mot est lâanticipation. La
dualitĂ© des investissements dans ce domaine nâest plus Ă dĂ©montrer et les
retombées économiques concernent tout à la fois le domaine civil et le domaine
militaire. Les rapporteurs ont indiquĂ© quâun investissement complĂ©mentaire de
300 millions dâeuros permettrait de satisfaire les besoins majeurs ; si lâon y ajoute
lâalerte avancĂ©e, ce montant sâĂ©lĂšve Ă 900 millions dâeuros. Il serait curieux que la
France ne puisse investir des sommes de cet ordre de grandeur dans un domaine
aussi crucial. Les travaux de la commission chargĂ©e de lâĂ©laboration du Livre
blanc sur la dĂ©fense et la sĂ©curitĂ©, dont la presse sâest rĂ©cemment faite Ă©cho,
accordent une place Ă©minente Ă lâanticipation et au renseignement. Par-delĂ cette
prise de conscience se pose la question de la décision. Il faut bien constater que les
états-majors sont actuellement surtout préoccupés par les besoins opérationnels
immĂ©diats et souligner que lâanticipation de lâavenir relĂšve du domaine politique
et diplomatique. Aussi, dans la perspective de lâĂ©laboration de la prochaine loi de
programmation militaire, le pouvoir de décision ne doit pas revenir aux seuls
états-majors mais bien aux autorités politiques. On peut espérer que le Conseil de
dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© nationale permettra dâaborder ces questions. En tout Ă©tat de
cause, câest bien au pouvoir politique quâil revient de dĂ©finir le rĂŽle des armĂ©es.
Enfin, si dans le domaine spatial la coopération européenne est éminemment
souhaitable, il ne sera pas possible dâattendre que lâensemble des partenaires
potentiels sâentendent sous peine de ne pas ĂȘtre au rendez-vous des prochaines
échéances.
*
â 50 â
La commission a dĂ©cidĂ©, en application de lâarticle 145 du RĂšglement, le
dĂ©pĂŽt du rapport dâinformation en vue de sa publication.
â 51 â
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNĂES
âą
CNES :
â M. Yannick dâEscatha, prĂ©sident directeur gĂ©nĂ©ral du CNES ;
â M. StĂ©phane Janichewski, directeur gĂ©nĂ©ral dĂ©lĂ©guĂ© et directeur des
programmes et des relations internationales ;
â M. Pierre TrĂ©fouret, directeur de la communication externe, de
lâĂ©ducation et des affaires publiques.
âą
DĂ©lĂ©gation gĂ©nĂ©rale pour lâarmement :
â M. lâingĂ©nieur gĂ©nĂ©ral de lâarmement Charles de Lauzun, chargĂ© de la
coordination des activités spatiales au sein de la DGA.
âą
Conseil scientifique de la défense :
â M. lâambassadeur de France Francis Gutmann, prĂ©sident du CSD ;
â M. lâingĂ©nieur en chef de lâarmement Michel Bouthier, secrĂ©taire
général.
âą
Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes :
â M. le gĂ©nĂ©ral de corps aĂ©rien Patrick de Rousiers, commandant de la
défense aérienne et des opérations aériennes ;
â M. le colonel AndrĂ© Lanata, chef du bureau « plans » ;
â M. le lieutenant-colonel Franck Schrottenloher, chef de la division
spatiale.
âą
Astrium :
â M. François Auque, prĂ©sident dâEADS-Astrium ;
â
M.
Gilles Maquet, senior vice-président, chargé des relations
institutionnelles.
â 52 â
âą
Thales Alenia Space :
â M. BenoĂźt Hancart, directeur commercial dĂ©fense ;
â amiral (2S) BenoĂźt MontaniĂ©, conseiller dĂ©fense.
âą
Fondation pour la recherche stratégique :
â M. Xavier Pasco, maĂźtre de recherche.