DOCUMENT A/1932
21 juin 2006
RAPPORT
présenté au nom de la Commission technique et aérospatiale
par M. Alan Meale, rapporteur (Royaume-Uni, Groupe socialiste)
CINQUANTE-DEUXIĂME
SESSION
________
Le dĂ©ploiement dâarmements dans lâespace
ASSEMBLĂE DE LâUNION DE LâEUROPE OCCIDENTALE
ASSEMBLĂE INTERPARLEMENTAIRE EUROPĂENNE DE SĂCURITĂ ET DE DĂFENSE
43, avenue du Président-Wilson, 75775 Paris Cedex 16
TĂ©l. 01.53.67.22.00 â Fax 01.53.67.22.01
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DOCUMENT A/1932
21 juin 2006
RAPPORT
présenté au nom de la Commission technique et aérospatiale
par M. Alan Meale, rapporteur (Royaume-Uni, Groupe socialiste)
CINQUANTE-DEUXIĂME
SESSION
________
Le dĂ©ploiement dâarmements dans lâespace
1
Document A/1932
21 juin 2006
Le dĂ©ploiement dâarmements dans lâespace
______
RAPPORT
1
présenté au nom de la Commission technique et aérospatiale
par M. Alan Meale, rapporteur (Royaume-Uni, Groupe socialiste)
______
TABLE DES MATIĂRES
RECOMMANDATION N° 783
sur le dĂ©ploiement dâarmements dans lâespace
REMERCIEMENTS
EXPOSĂ DES MOTIFS
présenté par M. Alan Meale, rapporteur (Royaume-Uni, Groupe socialiste)
I.
Introduction
II.
Rappel de quelques notions de base
III. Armes et missions spatiales
IV. Les armes spatiales comme réponse aux menaces éventuelles et leurs
limites
V. Le dĂ©bat sur lâarsenalisation de lâespace aux Etats-Unis
V. Comment lâUE doit rĂ©agir Ă lâarsenalisation de lâespace
VI. Conclusions
LISTE DâABRĂVIATIONS
BIBLIOGRAPHIE
1
AdoptĂ© par la commission Ă lâunanimitĂ© le 16 mai 2006.
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2
RECOMMANDATION N° 783
2
sur le dĂ©ploiement dâarmements dans lâespace
LâAssemblĂ©e,
(i)
Constatant quâen ce qui concerne les opĂ©rations militaires menĂ©es en temps de paix comme en
temps de guerre, les forces armĂ©es sont devenues si dĂ©pendantes des systĂšmes spatiaux quâil nâest pas
concevable quâelles puissent se passer dâeux ;
(ii)
Rappelant à ce sujet que les satellites sont utilisés essentiellement pour la cartographie et la
géodésie, la reconnaissance stratégique, optique et électronique, la transmission des communications,
la navigation et lâobservation mĂ©tĂ©orologique et que, bien quâaucun de leurs emplois ne soit nouveau
dans le domaine militaire, ce qui rend les satellites plus importants aujourdâhui quâautrefois, câest
lâaugmentation extraordinaire du nombre des systĂšmes qui en dĂ©pendent en tout ou en partie ;
(iii)
Considérant que cette dépendance croissante vis-à -vis des satellites pour conduire des
opĂ©rations militaires a mis en Ă©vidence leur extrĂȘme vulnĂ©rabilitĂ© Ă une attaque ;
(iv)
Soulignant que lâadministration actuelle des Etats-Unis a dĂ©cidĂ©, dans ce contexte, de faire de
la protection des satellites américains un axe essentiel de sa politique de défense ;
(v)
Constatant que la question qui se pose aux Etats-Unis, Ă savoir sâils doivent ou non franchir le
pas et ouvrir la boĂźte de Pandore en dĂ©ployant des armes dans lâespace, a stimulĂ© un vaste dĂ©bat dans
les milieux militaires, politiques et académiques américains ;
(vi)
Rappelant que lâidĂ©e de placer des armes en orbite a dĂ©jĂ Ă©tĂ© envisagĂ©e Ă plusieurs reprises au
cours de la guerre froide et que le danger manifeste dâune telle course aux armements dans lâespace a
incitĂ© les Etats-Unis, comme lâURSS, Ă sâefforcer sans relĂąche de rĂ©glementer leurs activitĂ©s spatiales
et leurs essais nucléaires en particulier ;
(vii)
Considérant, néanmoins, que si tous les accords signés à ce sujet constituent un formidable
prĂ©cĂ©dent dans le plaidoyer contre lâarsenalisation de lâespace, ils ne lâinterdisent pas explicitement et
que seul le dĂ©ploiement dâADM est interdit en application du TraitĂ© sur lâexploration de lâespace ;
(viii)
Notant quâen ce qui concerne la nature, le dĂ©ploiement et lâemploi des armes spatiales
actuellement en dĂ©veloppement pour lâarsenal amĂ©ricain, on distingue, dâun point de vue technique,
les armes Ă Ă©nergie dirigĂ©e â dont les dispositifs de brouillage Ă©lectronique, les lasers basĂ©s dans
lâespace, les armes Ă hyperfrĂ©quences et Ă impulsion Ă©lectromagnĂ©tique â et les armes Ă projection de
masse â dont les munitions Ă Ă©nergie cinĂ©tique et les munitions conventionnelles tirĂ©es en orbite â et
que les satellites utilisĂ©s de maniĂšre agressive peuvent aussi ĂȘtre ajoutĂ©s Ă la liste des armes spatiales
potentielles ;
(ix)
Constatant que les petits satellites sont une source de préoccupation particuliÚre pour les
autoritĂ©s amĂ©ricaines, alarmĂ©es par les projets rĂ©cents de la Chine et de lâInde dans ce domaine, car
elles sont persuadées que le faible coût de ces systÚmes les place aussi à la portée des grands réseaux
terroristes ;
(x)
Considérant également que la menace des explosions nucléaires à haute altitude effraie aussi
les Etats-Unis car elle sâintensifie rapidement, liĂ©e Ă la prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires et Ă la
technologie des missiles ;
(xi)
Rappelant Ă ce sujet le rapport de la Commission Rumsfeld qui affirme dans ses conclusions,
entre autres, que le gouvernement nâest pas prĂ©parĂ© Ă faire face Ă une Ă©ventuelle agression Ă partir de
lâespace et que lâextension des conflits Ă lâespace reprĂ©sente une Ă©volution historique inĂ©vitable ;
(xii)
Soulignant que lâidĂ©e dâun contrĂŽle effectif de lâespace nâest pas nouvelle puisque dans toutes
les doctrines spatiales américaines adoptées à partir des années 1950, la supériorité spatiale a toujours
été considérée comme un enjeu majeur de la sécurité nationale des Etats-Unis ;
2
AdoptĂ©e par lâAssemblĂ©e le 21 juin, au cours de sa quatriĂšme sĂ©ance plĂ©niĂšre.
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3
(xiii)
Constatant que la Commission Rumsfeld est allée plus loin en laissant entendre que les Etats-
Unis devraient Ă©largir la notion de contrĂŽle de lâespace en y incluant lâexercice de la force, ce qui
signifie quâils dĂ©ploieraient dans lâespace des armes conçues pour rechercher et dĂ©truire tout dispositif
menaçant les satellites amĂ©ricains, Ă partir de la terre ou de lâespace, avant mĂȘme quâil ait la possibilitĂ©
dâatteindre sa cible ;
(xiv)
ConsidĂ©rant que cela implique lâutilisation de satellites armĂ©s non seulement contre des armes
antisatellites entrantes, mais Ă©galement contre leurs sites de lancement Ă la surface de la planĂšte et que
cela impose donc de recourir à des armes dotées de capacités offensives et de premiÚre frappe et que,
par voie de conséquence, on passerait de la notion de suprématie spatiale à celle de domination
spatiale, créant ainsi un nouvel environnement stratégique ;
(xv)
Soulignant que la Russie et la Chine semblent dĂ©terminĂ©es Ă Ă©viter lâarsenalisation de lâespace
par des moyens juridiques et politiques et Ă encourager lâentente multilatĂ©rale sur cette question, mais
que cette attitude pourrait facilement changer aprÚs le déploiement des premiÚres armes américaines ;
(xvi)
ConsidĂ©rant que lâarsenalisation de lâespace nâengendrera pas de course aux armements en
orbite, mais sur terre car les armes antisatellites seront reconnues en tant que moyens de défense
légitimes contre des satellites assaillants américains ;
(xvii)
Notant que la prolifération des armes antisatellites posera un problÚme international majeur en
comparaison de la prolifĂ©ration nuclĂ©aire dâaujourdâhui car certains pays, qui ont actuellement des
armes antisatellites rudimentaires, se mettront Ă en dĂ©velopper de plus sophistiquĂ©es, et dâautres, qui
nâavaient jamais envisagĂ© dâen acquĂ©rir, commenceront Ă y songer ;
(xviii)
ConsidĂ©rant que, si des armes sont dĂ©ployĂ©es dans lâespace, les conditions dans lâespace
proche deviendront plus hostiles que jamais et que ces armes auront donc produit lâeffet inverse de
leurs objectifs déclarés ;
(xix)
Constatant que les satellites deviendront donc plus complexes et plus onéreux en raison de
lâincorporation des mesures de protection contre les armes antisatellites et de la montĂ©e des coĂ»ts des
assurances et que, de ce fait, la suspicion entre puissances spatiales atteindra des niveaux sans
prĂ©cĂ©dent, au dĂ©triment de la coopĂ©ration internationale sur lâexploration pacifique de lâespace ;
(xx)
Soulignant que lâindustrie spatiale mondiale et, plus particuliĂšrement, europĂ©enne subira de
plein fouet les conditions dĂ©sastreuses dâune arsenalisation de lâespace et quâun recul prĂ©visible de
lâinvestissement privĂ© devant une telle arsenalisation confrontera cette industrie Ă de graves difficultĂ©s
financiĂšres ;
(xxi)
ConsidĂ©rant que lâUnion europĂ©enne a tout intĂ©rĂȘt Ă Ă©viter des consĂ©quences aussi
catastrophiques et quâelle ne peut pas rester indiffĂ©rente face Ă de tels risques,
RECOMMANDE AU CONSEIL DâINVITER LES ETATS MEMBRES DE LâUEO EN
TANT QUE MEMBRES DE LâUE ET DE LâAGENCE SPATIALE EUROPĂENNE
1.
A créer un réseau européen de surveillance spatiale capable de fournir des informations
constantes, en temps quasi réel, sur la position de tous les satellites, européens ou non. Un tel systÚme,
Ă vocation civile et militaire, devrait, dâune part, suivre les satellites et contribuer Ă Ă©viter les collisions
dans lâespace et, dâautre part, vĂ©rifier le bon fonctionnement de nos outils, identifier les satellites
hostiles en phase dâapproche et surveiller le dĂ©ploiement des armes dans lâespace. Ce systĂšme pourrait
aussi, ultĂ©rieurement et en dernier recours, fournir les coordonnĂ©es pour le guidage vers lâobjectif des
armes antisatellites basées au sol ;
2.
A prendre en compte, Ă ce sujet, que :
(a)
la disponibilitĂ© dâun systĂšme de surveillance de lâespace est la condition indispensable au
déploiement de tout engin spatial à des fins de sécurité ;
(b)
la surveillance de lâespace est aussi importante, pour des raisons de sĂ©curitĂ©, que la
surveillance effectuĂ©e Ă partir de lâespace ;
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4
(c)
lâacquisition dâun tel systĂšme par lâUE nâaurait absolument pas pour but de rivaliser avec
les Etats-Unis dans ce domaine, mais ce systĂšme devrait au contraire ĂȘtre considĂ©rĂ©
comme complĂ©mentaire de son homologue amĂ©ricain, de mĂȘme que la constellation
Galileo fonctionnera parallĂšlement au systĂšme GPS ;
(d)
lâexistence dâune source dâinformation supplĂ©mentaire sur lâespace proche devrait aussi
encourager la coopĂ©ration internationale : la Russie et la Chine pourraient mĂȘme ĂȘtre
invitĂ©es Ă participer dâemblĂ©e au programme europĂ©en afin dâapaiser leurs craintes que
les Etats-Unis profitent de leur position actuelle de monopole pour Ă©tablir une
discrimination Ă leur encontre concernant la diffusion des informations pertinentes ;
(e)
un tel systĂšme dĂ©montrerait la dĂ©termination de lâUE Ă protĂ©ger ses moyens spatiaux face
Ă la montĂ©e de nouvelles menaces car il est clair quâil constitue un progrĂšs dĂ©cisif pour
dissuader tout agresseur ;
3.
A prendre des mesures supplĂ©mentaires pour permettre aux engins spatiaux de lâUE de rĂ©sister
aux consĂ©quences dâune attaque, telles que :
â
augmenter notre capacité à remplacer rapidement et à bref délai les satellites vitaux pour
remédier à leur perte inopinée ;
â
leur donner une autonomie de fonctionnement sur de courtes périodes pour parer à la
destruction possible de leurs systĂšmes de contrĂŽle ;
â
leur permettre dâeffectuer eux-mĂȘmes des rĂ©parations limitĂ©es en orbite, en les dotant de
piÚces de rechange et de mécanismes appropriés ;
â
renforcer et protĂ©ger leurs sous-systĂšmes vitaux afin quâils puissent rĂ©sister Ă des niveaux
de radiation et des champs électromagnétiques exceptionnellement élevés ;
â
mieux coder leurs communications et les Ă©quiper de systĂšmes de contre-mesures
électroniques qui détecteront et neutraliseront toute tentative de brouillage ou de piratage
dont ils feraient lâobjet ;
â
les Ă©quiper de capteurs embarquĂ©s et de consoles dâautoprotection semblables Ă ceux
utilisĂ©s actuellement sur les avions de chasse afin dâidentifier les satellites agresseurs et de
se défendre contre eux ;
â
accroßtre considérablement les caractéristiques de furtivité au niveau de leur conception
pour leur permettre dâĂ©chapper Ă la dĂ©tection et de dissimuler certaines de leurs capacitĂ©s ;
â
améliorer les mesures de sécurité concernant les informations sur leur déploiement et leur
objectif ;
4.
A prendre en compte quâen Europe, il revient au secteur public dâassumer complĂštement la
responsabilité de garantir la survivabilité des satellites à double usage contre les armes antisatellites
car, contrairement aux Etats-Unis, lâEurope sâappuiera uniquement sur des systĂšmes duaux pour
satisfaire à ses besoins militaires et de sécurité ;
5.
A augmenter les budgets consacrĂ©s Ă lâespace aux niveaux national et europĂ©en ;
6.
A accroĂźtre la coopĂ©ration entre les institutions de sĂ©curitĂ© de lâUE et lâAgence spatiale
européenne.
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5
REMERCIEMENTS
Lâauteur du prĂ©sent rapport voudrait remercier les personnes suivantes pour lâaide prĂ©cieuse quâelles
lui ont apportée dans la préparation de ce rapport :
Colonel Yves Blin,
Chef du Bureau Espace, Etat-major des armées françaises, ministÚre français de la
défense
Gerhard Brauer
, Chef du Bureau Sécurité, Agence spatiale européenne
Luca Del Monte
, Chargé de la politique de sécurité, Bureau des politiques de sécurité du Directeur
gĂ©nĂ©ral de lâAgence spatiale europĂ©enne
Louis LĂ©vĂȘque
, Expert international, Direction de la défense, EADS Space Transportation
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EXPOSĂ DES MOTIFS
présenté par M. Alan Meale, rapporteur (Royaume-Uni, Groupe socialiste)
I.
Introduction
1.
Lâespace revĂȘt aujourdâhui, pour les pays dĂ©veloppĂ©s, une importance sans prĂ©cĂ©dent. Nos
sociĂ©tĂ©s Ă©tant de plus en plus fortement tributaires dâun flux constant dâinformations, la protection des
instruments qui servent Ă obtenir, traiter et diffuser ces informations est devenue un enjeu majeur pour
tous les pays. Parmi ces instruments, les satellites en orbite terrestre sont les plus performants et leur
utilisation se développe rapidement, à des fins tant civiles que militaires. En ce qui concerne plus
spécialement les opérations militaires menées en temps de paix comme en temps de guerre, nos forces
armĂ©es sont devenues si dĂ©pendantes des systĂšmes spatiaux quâil est difficilement concevable quâelles
puissent se passer dâeux
3
.
2.
A lâheure actuelle, les satellites sont utilisĂ©s essentiellement pour la cartographie et la gĂ©odĂ©sie,
la reconnaissance stratégique, optique et électronique, la transmission des communications, la
navigation et lâobservation mĂ©tĂ©orologique
4
. Aucun de ces emplois nâest nouveau dans le domaine
militaire. Ce qui rend les satellites plus importants aujourdâhui quâautrefois, câest lâaugmentation
inouïe du nombre de systÚmes militaires qui en dépendent en tout ou en partie
5
. Pour prendre deux
exemples typiques, les munitions guidées de précision et les engins sans pilote sont fortement
tributaires des satellites ; les premiĂšres en ont besoin pour naviguer et localiser leurs cibles et les
seconds pour communiquer avec leur station de contrĂŽle au sol
6
.
3.
En outre, les communications par satellites (SATCOM) jouent aussi un rĂŽle essentiel dans la
mise en Ćuvre du nouveau concept de guerre rĂ©seau-centrĂ©e, car ce sont les moyens de
communication les plus sûrs et ceux qui offrent la plus large couverture
7
. En bref, ces derniÚres années
ont vu une migration toujours croissante, en nombre et en qualité, des capacités militaires vers
lâespace, due au dĂ©veloppement de systĂšmes dâarmes dont les performances ne sont pas seulement
améliorées, mais directement générées par le support spatial. Cette tendance a conduit peu à peu les
responsables de la planification militaire Ă traiter lâespace comme un milieu opĂ©rationnel classique,
analogue Ă lâair, Ă la mer ou Ă la terre.
4.
Par ailleurs, cette dépendance croissante vis-à -vis des satellites pour conduire des opérations
militaires a mis en Ă©vidence leur extrĂȘme vulnĂ©rabilitĂ© Ă une attaque ou Ă des dĂ©tĂ©riorations. Car ce
sont, il faut le reconnaßtre, des matériels trÚs coûteux, sophistiqués et sensibles qui peuvent facilement
ĂȘtre neutralisĂ©s ou dĂ©truits. Mais bien que ce talon dâAchille ait toujours existĂ©, les satellites jouent un
rĂŽle de plus en plus important qui fait que cette faiblesse ne peut plus ĂȘtre ignorĂ©e.
5.
Câest dans ce contexte que lâadministration actuelle des Etats-Unis a dĂ©cidĂ© de faire de la
protection des satellites amĂ©ricains un axe essentiel de sa politique de dĂ©fense. Lâun des moyens
envisagés pour réduire leur vulnérabilité était de les armer et/ou de déployer séparément des satellites
armés pour les protéger
8
. Depuis cinq ans, cette perspective a stimulé un vaste débat interne dans les
milieux militaires, politiques et académiques américains sur la question de savoir si les Etats-Unis
devraient ou non franchir le pas et ouvrir la boĂźte de Pandore en dĂ©ployant ces armes dans lâespace. Un
tel dĂ©ploiement dĂ©montrerait la dĂ©termination des Etats-Unis dâĂ©tendre Ă lâespace proche la supĂ©rioritĂ©
3
Scott William B,
War games Underscore Value of Space Assets for Military Ops
,
Aviation Week and Space
Technology
, 28 avril 1997, p. 60.
4
Federation of American Scientists,
Ensuring Americaâs Space Security: Report of the FAS Panel on Weapons
in Space
, Washington DC, FAS, septembre 2004, p. 11.
5
Lambeth Benjamin S,
Mastering the Ultimate High Ground: Next Steps in the Military Uses of Space
, Santa
Monica, RAND Corp, 2003, p. 97.
6
Ibid, p. 120. Lewis Jeffrey,
What if Space Were Weaponized? Possible Consequences for Crisis Scenarios
,
Center for Defence Information, Washington DC, juillet 2004, p. 15.
7
Issler Gordon D,
Space Warfare meets Information Warfare
,
Joint Forces Quarterly
, automne 2000, p. 100.
8
Scott William B,
CINCSPACE Wants Attack Detectors on Satellites
,
Aviation Week and Space Technology
, 28
avril 1997.
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A/1932
7
militaire Ă©crasante dont ils jouissent actuellement sur terre, en vue de sâassurer la maĂźtrise de ce milieu
Ă des fins dĂ©fensives, de protĂ©ger leurs moyens orbitaux et dâen interdire lâutilisation Ă dâĂ©ventuels
adversaires. Bien que la question soit loin dâĂȘtre tranchĂ©e, le Pentagone a dĂ©jĂ affectĂ© des fonds
considĂ©rables au dĂ©veloppement dâarmes antisatellites basĂ©es dans lâespace, montrant ainsi que le
dĂ©ploiement dâarmes dans lâespace est sĂ©rieusement envisagĂ©
9
.
6.
Ce dernier développement et ses conséquences constitueront le thÚme de ce rapport. Celui-ci se
concentrera essentiellement sur lâutilisation opĂ©rationnelle Ă©ventuelle des armes spatiales,
lâimportance stratĂ©gique de la maĂźtrise de lâespace et les implications politiques pour les relations
internationales et transatlantiques dâune dĂ©cision unilatĂ©rale des Etats-Unis dâarmer lâespace. Il tentera
de fournir :
â
une sĂ©rie de dĂ©finitions sur lâespace, les armes spatiales et leur utilisation afin de dĂ©limiter le
cadre de la discussion ;
â
une description brÚve mais précise des traités internationaux régissant actuellement
lâutilisation militaire de lâespace et de leurs insuffisances ;
â
une prĂ©sentation dĂ©taillĂ©e mais non exhaustive des armes spatiales Ă lâĂ©tude dans les milieux
militaires américains, de la doctrine définissant leur utilisation potentielle, de leurs effets
opérationnels et de leurs limites ;
â
une estimation des consĂ©quences politiques quâaurait pour les pays de lâUnion europĂ©enne et
dâautres une dĂ©cision unilatĂ©rale des Etats-Unis de dĂ©ployer de telles armes, assortie dâune
proposition en vue de parer ou de réagir à une telle évolution.
II.
Rappel de quelques notions de base
7.
Il convient pour commencer de clarifier les notions dâespace et dâarmes spatiales afin de
replacer leur déploiement et leur utilisation dans leur contexte. Aux fins du présent rapport, nous
considérerons comme arme tout instrument destiné à infliger des dommages. Nous prendrons le terme
dâespace dans son acception la plus gĂ©nĂ©rale, selon laquelle il se dĂ©finit comme la zone situĂ©e Ă une
altitude supĂ©rieure Ă 100 km au-dessus de la surface de la terre. Il sâagit bien sĂ»r dâune dĂ©finition
classique, partant du principe que lâatmosphĂšre terrestre Ă cette altitude devient si tĂ©nue que les lois de
lâaĂ©rodynamique cessent de sâappliquer et quâil faut donc considĂ©rer ce milieu comme Ă©tant diffĂ©rent
de lâair. De plus, nous devons considĂ©rer quâune arme est basĂ©e dans lâespace uniquement si elle peut
opérer
dans
lâespace et
Ă partir
de celui-ci, et non si elle ne fait que le
traverser
. Cette restriction est
importante, car elle exclut les armes basées au sol qui ne font que franchir le seuil des 100 km, tels que
les ICBM et les MIRV dans leur phase de vol intermédiaire, ou les aéronefs expérimentaux tels que le
projet X-43 de lâarmĂ©e de lâair amĂ©ricaine. En consĂ©quence, une arme spatiale se dĂ©finit comme toute
arme placée sur une orbite permanente à une altitude supérieure à 100 km.
8.
Il convient par ailleurs de distinguer entre « lâarsenalisation » (en anglais
weaponisation
) et « la
militarisation » de lâespace. Quâon le veuille on non, la militarisation de lâespace est dĂ©jĂ entrĂ©e dans
les faits, de nombreux satellites Ă usage militaire Ă©tant actuellement en service
10
. Ils servent non
seulement à faciliter les opérations en assurant une détection précoce, en transmettant des informations
et des communications et en assurant le soutien de la conduite des opérations, mais ils permettent
directement aux munitions guidées de précision de se diriger vers leur cible. Ces satellites (tels que le
GPS ou éventuellement les futures constellations Galileo) font partie intégrante et constituent un
Ă©lĂ©ment crucial du systĂšme dâarme quâils soutiennent, et dans ce sens, ils prennent dĂ©jĂ une part active
aux opĂ©rations terrestres. Toutefois, dans la mesure oĂč ils ne lancent pas eux-mĂȘmes dâarmes, ils ne
9
Pour une description exhaustive de toutes les armes spatiales américaines officiellement en cours de
développement, voir Lewis Jeffrey,
Lift-Off for Space Weapons? Implications of the Department of Defenceâs
2004 Budget Request for Space Weaponization
, Center for International and Security Studies, Maryland,
Université du Maryland, juillet 2003.
10
Pour une histoire de la militarisation de lâespace, voir Stares Paul B,
The Militarization of Space: US Policy,
1945-1984,
Ithaca, New York, Cornwell University Press, 1985.
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8
peuvent pas ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des armes
11
. Câest donc prĂ©cisĂ©ment le dĂ©ploiement dâarmes en
orbite permanente dans lâintention de lancer des attaques depuis cette orbite contre des cibles basĂ©es
dans lâespace ou au sol qui constitue « lâarmement » de lâespace.
9.
LâidĂ©e de placer des armes en orbite est loin dâĂȘtre nouvelle. En effet, cette possibilitĂ© avait Ă©tĂ©
envisagée à plusieurs reprises au cours de la guerre froide, par exemple au milieu des années 1950.
Les militaires amĂ©ricains y avaient pensĂ© dĂšs le lancement rĂ©ussi de Spoutnik par lâUnion soviĂ©tique,
le 4 octobre 1957. Devant la frayeur qui sâĂ©tait emparĂ©e de lâopinion amĂ©ricaine aussitĂŽt aprĂšs ce
succĂšs soviĂ©tique, les responsables de lâarmĂ©e de lâair amĂ©ricaine se mirent Ă Ă©tudier la possibilitĂ© que
le camp adverse puisse exploiter son avantage technologique en déployant des satellites de
bombardement dotĂ©s dâarmes nuclĂ©aires. On commença alors Ă parler dâune riposte des Etats-Unis et Ă
voir se dessiner lâĂ©ventualitĂ© dâune course aux armements dans lâespace
12
. MĂȘme si ces projets ne
devaient jamais se matĂ©rialiser, ils donnĂšrent naissance aux premiers concepts dâarmes antisatellites
basées au sol.
10.
Ces dĂ©veloppements ont finalement abouti Ă une sĂ©rie dâexplosions nuclĂ©aires Ă haute altitude
(HAND) (Projet Swordfish), exécutées dans le plus grand secret de façon presque simultanée par les
Etats-Unis et lâURSS au dĂ©but des annĂ©es 1960. DestinĂ©s Ă confirmer lâutilitĂ© de ces armes en tant que
moyens antisatellites, ces essais ont donnĂ© des rĂ©sultats alarmants, car ils ont rĂ©vĂ©lĂ© quâun seul HAND
pouvait provoquer la dĂ©gradation progressive ou mĂȘme la destruction de presque tous les satellites
gravitant en orbite terrestre basse. En effet, les radiations dĂ©gagĂ©es par lâexplosion seraient piĂ©gĂ©es par
le champ magnétique terrestre (les ceintures de Van Allen) et provoqueraient une élévation du taux de
radioactivitĂ© dans les couches supĂ©rieures de lâatmosphĂšre pendant plusieurs annĂ©es, voire plusieurs
décennies, infligeant des dommages considérables à tous les satellites qui traverseraient ces zones et
provoquant leur dysfonctionnement en lâespace de quelques mois tout au plus
13
.
11.
Le danger manifeste que les effets dâune course aux armements dans lâespace reprĂ©sentaient
pour lâhumanitĂ© dans le contexte de la guerre froide a incitĂ© les Etats-Unis comme lâURSS Ă sâefforcer
sans relùche de réglementer leurs activités spatiales et en particulier leurs essais nucléaires. Un
premier pas a été franchi dans cette direction avec la signature à Moscou, le 5 août 1963, du Traité
interdisant les essais dâarmes nuclĂ©aires dans lâatmosphĂšre, dans lâespace extra-atmosphĂ©rique et sous
lâeau qui a effectivement mis fin aux essais nuclĂ©aires dans lâespace. Il fut suivi peu aprĂšs par la
signature, dans le cadre institutionnel des Nations unies, dâun certain nombre de traitĂ©s internationaux
liĂ©s Ă lâespace. Le plus important dâentre eux est le TraitĂ© de 1967 « sur les principes rĂ©gissant les
activitĂ©s des Etats en matiĂšre dâexploration et dâutilisation de lâespace extra-atmosphĂ©rique, y compris
la Lune et les autres corps cĂ©lestes » qui rĂ©glemente lâexploration pacifique de lâespace et y interdit le
dĂ©ploiement dâarmes de destruction massive (ADM)
14
.
12.
Vinrent ensuite la Convention de 1972 sur la responsabilité internationale pour les dommages
causĂ©s par des objets spatiaux (LIAB), la Convention de 1975 sur lâimmatriculation des objets lancĂ©s
dans lâespace et lâAccord de 1979 « rĂ©gissant les activitĂ©s des Etats sur la Lune et les autres corps
cĂ©lestes ». En outre, depuis 1981, lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies vote presque chaque annĂ©e
un certain nombre de rĂ©solutions appelant Ă la prĂ©vention dâune course aux armements dans lâespace,
et invitant tous les pays dotés de capacités spatiales à éviter de créer un espace armé
15
.
11
Federation of American Scientists,
Ensuring Americaâs SecurityâŠ
, p.9.
12
Preston Bob, Johnson Dana, Edwards Sean, Miller Michael and Shipbaugh Calvin,
Space
Weapons Earth
Wars
, Santa Monica, RAND Corp., 2002, p. 9.
13
Pour une analyse complÚte de ce phénomÚne, voir
FAS, Ensuring Americaâs Security
, annexe C, pp. 82-92.
14
Article 4 du Traité.
15
Le texte de la derniĂšre rĂ©solution (59/65) et de toutes les rĂ©solutions pertinentes adoptĂ©es par lâAssemblĂ©e
gĂ©nĂ©rale des Nations unies depuis 1948 peut ĂȘtre consultĂ© sur le site internet du Bureau des Nations unies sur
lâespace extra-atmosphĂ©rique
:
http://oosa.unvienna.org/Spacelaw/gares/index.html
. Pour une présentation
dĂ©taillĂ©e des traitĂ©s sur lâespace, voir : Dean Jonathan,
Defences in Space : Treaty Issues
, in James Clay Moltz
ed,
Future Security in Space : Commercial, Military and Arms Control Trade-Offs
,
Occasional Paper
N° 10,
Monterey Institute for International Studies, Center for Non-proliferation Studies, Monterey.
DOCUMENT
A/1932
9
13.
Néanmoins, si ces accords constituent un formidable précédent dans le plaidoyer contre
lâarsenalisation de lâespace, ils ne lâinterdisent pas explicitement. Seul le dĂ©ploiement dâADM est
interdit en application du TraitĂ© sur lâespace. On pourrait Ă©galement faire valoir quâun pays dont les
moyens spatiaux seraient attaquĂ©s depuis lâespace pourrait invoquer la responsabilitĂ© de lâagresseur,
conformĂ©ment aux dispositions de la convention LIAB. Mais les dispositions en vigueur nâempĂȘchent
pas un pays de dĂ©ployer des armes de ce type ; ils pourraient tout au plus ĂȘtre tenus pour responsables
de leur utilisation. Par ailleurs, le gouvernement amĂ©ricain a maintes fois fait savoir quâil se rĂ©servait
le droit de disposer des armes dans lâespace. Les Etats-Unis figurent dâailleurs parmi les rares pays
(quatre seulement) qui choisissent traditionnellement de sâabstenir lors du vote annuel dâune rĂ©solution
des Nations unies.
14.
Le seul texte de droit international qui se soit attaqué directement au problÚme en excluant
catĂ©goriquement la possibilitĂ© du dĂ©ploiement dâarmements dans lâespace est le TraitĂ© de 1972 sur la
limitation des systĂšmes de missiles antibalistiques (ABM) signĂ© entre les Etats-Unis et lâURSS.
Lâarticle 5 de ce traitĂ© interdit le dĂ©veloppement ou le dĂ©ploiement de systĂšmes ABM dans lâespace,
disposition qui couvre pratiquement tous les types dâarmes basĂ©es dans lâespace. Il est vrai quâaucun
des deux signataires nâa jamais respectĂ© le traitĂ© Ă la lettre, puisquâils ont continuĂ© secrĂštement Ă
mettre au point et Ă tester des armes antisatellites. Au dĂ©but des annĂ©es 1970, lâURSS a mĂȘme testĂ© le
prototype dâune « mine spatiale » ou « satellite tueur ». Il sâagissait dâun petit satellite dotĂ© dâune
charge explosive qui devait rencontrer les dispositifs ennemis en orbite et les détruire en explosant lui-
mĂȘme Ă leur contact
16
.
15.
Du cĂŽtĂ© amĂ©ricain, les obligations imposĂ©es par le TraitĂ© ABM nâont pas empĂȘchĂ©
lâadministration Reagan de mettre au point son projet dâInitiative de dĂ©fense stratĂ©gique (IDS), connu
sous le nom de « guerre des étoiles ». Ce projet ambitieux visait à développer dÚs que possible un
systĂšme ABM comprenant des Ă©lĂ©ments basĂ©s dans lâespace
17
. En plus de cet objectif principal,
lâarmĂ©e de lâair amĂ©ricaine a entrepris Ă©galement de rĂ©aliser un systĂšme dâarme capable de tirer depuis
lâespace, Ă des fins tactiques, des munitions non nuclĂ©aires de type classique contre des cibles situĂ©es Ă
terre (concept « Brilliant Pebbles »). Néanmoins, comme chacun sait, le gouvernement américain
actuel a décidé en juin 2002 de faire valoir son droit de retrait de ce traité. En prenant cette décision
unilatĂ©rale de se retirer totalement du traitĂ©, les Etats-Unis montraient clairement quâils avaient
lâintention dâaccĂ©lĂ©rer leurs projets de recherche et de passer Ă la phase de dĂ©ploiement opĂ©rationnel.
III.
Armes et missions spatiales
16.
Il est indispensable dâexaminer briĂšvement en quoi consistent les opĂ©rations spatiales et
comment elles sont conduites pour pouvoir se prononcer sur leur utilité. Les opérations spatiales se
subdivisent en quatre grands domaines de mission : soutien, enrichissement des connaissances,
maĂźtrise et usage de la force
18
. Le soutien spatial inclut les opérations visant à lancer, déployer et
maintenir des moyens spatiaux et leurs systĂšmes terrestres de communications, de commandement et
de contrĂŽle. Lâenrichissement spatial se rapporte Ă des missions visant Ă amĂ©liorer la connaissance
tactique du champ de bataille et Ă fournir un appui aux forces combattantes au sol, sous forme de
renseignement et reconnaissance, détection lointaine, suivi météorologique et navigation ou
dĂ©termination de la position. La maĂźtrise de lâespace consiste Ă maintenir la supĂ©rioritĂ© spatiale et la
reconnaissance de la situation spatiale, en laissant toute libertĂ© dâaction aux moyens spatiaux amis et
en interdisant lâaccĂšs aux moyens ennemis. Enfin, lâusage de la force spatiale consiste Ă prendre Ă
partie des objectifs terrestres Ă partir de lâespace
19
.
17.
Parmi les domaines de mission qui viennent dâĂȘtre mentionnĂ©s, les deux premiers concernent les
opĂ©rations militaires traditionnelles dans lâespace. Ce sont les deux derniers qui nous intĂ©ressent plus
particuliĂšrement aux fins de ce rapport, car ils font intervenir des armements spatiaux. En effet, de nos
16
Le premier de ces satellites, lâintercepteur Polyot, a fait lâobjet dâessais dĂšs 1963. Voir Preston âŠ,
Space
Weapons Earth Wars
, p. 12.
17
Pour une description prĂ©cise de la politique spatiale de lâadministration Reagan, voir : Fitzgerald Frances,
Way
out there in the blue: Reagan, Star Wars and the end of the Cold War
, New York, Simon and Schuster, 2000.
18
United States Joint Chiefs of Staff,
Joint Doctrine for Space Operations,
Washington DC, 2002, p. ix.
19
Ibid
.,
p. x.
DOCUMENT A/1932
10
jours, les opĂ©rations de maĂźtrise de lâespace sont exĂ©cutĂ©es uniquement au moyen dâarmes ASAT
basĂ©es Ă terre, tandis que les missions dâusage de la force sont inexistantes. Ce sont prĂ©cisĂ©ment ces
domaines de mission qui pourraient exiger le dĂ©ploiement dâarmes dans lâespace et pourraient un jour
ĂȘtre rĂ©volutionnĂ©s par celui-ci.
18.
En tant que milieu opĂ©rationnel, lâespace est trĂšs diffĂ©rent de ses contreparties Terre, Mer, Air.
Il requiert par conséquent des moyens opérationnels et des doctrines spécifiques qui tiennent compte
de ses propriétés physiques uniques. Un élément essentiel à prendre en compte, par exemple, est le fait
que les moyens spatiaux doivent suivre une trajectoire orbitale prédéterminée pour rester proches de la
terre. En revanche, les mouvements dans lâespace Ă©chappent aux contraintes propres Ă la topographie
terrestre et ignorent les frontiÚres géographiques
20
.
19.
Par consĂ©quent, lâutilisation de moyens spatiaux Ă des fins militaires doit tenir compte de ces
spĂ©cificitĂ©s qui peuvent constituer des inconvĂ©nients ou des avantages. Dâune part, les moyens
spatiaux offrent un accÚs global, sans frontiÚres ni limitations. De plus, ils ont une grande longévité,
dans la mesure oĂč, une fois dĂ©ployĂ©s, leur durĂ©e de vie se mesure en annĂ©es et leur utilisation est
continue. Dâautre part, leur rĂ©volution orbitale limite sĂ©vĂšrement leur manoeuvrabilitĂ© et les rend trĂšs
prévisibles, au point de les transformer en proies aussi faciles que des « canes couveuses » pour un
agresseur potentiel. Pour la mĂȘme raison, il est trĂšs difficile de les concentrer de façon prolongĂ©e au-
dessus dâune zone dâintĂ©rĂȘt particulier et impossible de masser un grand nombre de forces spatiales.
De ce fait, leur utilisation opĂ©rationnelle dĂ©pend entiĂšrement de la disponibilitĂ© dâun satellite pour
couvrir la zone souhaitĂ©e et ne peut ĂȘtre commandĂ©e. En outre, tout le complexe de soutien des
opérations spatiales, comprenant les sites de lancement, les installations de commandement et de
contrĂŽle et les liaisons sol-satellite est fixe et extrĂȘmement vulnĂ©rable aux attaques. Enfin, une fois
lancĂ©s, les moyens spatiaux ne peuvent plus ĂȘtre ravitaillĂ©s ou rĂ©parĂ©s, ce qui limite encore leur
manoeuvrabilitĂ©, puisque chaque manoeuvre quâils exĂ©cutent diminue dâautant leur durĂ©e de vie
opérationnelle
21
.
20.
A lâĂ©vidence, toutes les caractĂ©ristiques dĂ©crites ci-dessus dĂ©termineront la nature, le
dĂ©ploiement et lâemploi des armes spatiales actuellement en dĂ©veloppement pour lâarsenal amĂ©ricain.
Techniquement, on distingue les armes à énergie dirigée et les armes à projection de masse. Les
premiĂšres comprennent les dispositifs de brouillage Ă©lectronique, les lasers basĂ©s dans lâespace, les
armes à hyperfréquences et à impulsion électromagnétique. Les armes à projection de masse
comprennent les munitions à énergie cinétique et les munitions conventionnelles tirées en orbite
22
. En
ce qui concerne les opĂ©rations ASAT, les satellites, utilisĂ©s de maniĂšre agressive, pourraient ĂȘtre
ajoutés à la liste des armes spatiales potentielles
23
.
21.
Le brouillage Ă©lectronique consiste Ă bloquer les communications entre un satellite et sa station
au sol, par lâenvoi dâun signal Ă©lectronique trĂšs puissant Ă lâune ou lâautre extrĂ©mitĂ© de sa chaĂźne de
données. Une interférence de cette nature est critique non seulement pour les satellites de
communications, mais pour tous les systÚmes qui doivent transmettre des données au sol, tels que les
satellites de surveillance
24
. Les lasers basĂ©s dans lâespace sont destinĂ©s en premier lieu Ă sâintĂ©grer
dans un systĂšme de dĂ©fense ABM multicouche en vue de protĂ©ger les Etats-Unis dâune attaque
nucléaire, mais ils peuvent aussi servir à détruire des satellites ennemis. En principe, ils peuvent
propager instantanément et à de grandes distances une énergie concentrée sur une zone étroitement
circonscrite. Leur force destructive est trĂšs variable, ils peuvent faire exploser des satellites en
chauffant leurs réservoirs de carburant, ou simplement les mettre hors service en surexposant leurs
panneaux solaires ou en aveuglant leurs instruments optiques
25
.
20
Ibid., p. I-2.
21
United States Joint Chiefs of Staff,
Joint Doctrine
, p.I-3 et I-4. Lambeth Benjamin S,
Mastering
âŠ, pp.43-46.
22
Preston Bob,
Space Weapons Earth Wars
, pp. 23-24.
23
FAS,
Ensuring Americaâs Security
, pp. 15-19.
24
Ibid., p. 29.
25
Preston Bob,
Space Weapons Earth Wars
, pp.24-31, et annexe A, pp.109-129. FAS,
Ensuring Americaâs
Security
, annexe B, pp. 75-81. Deb
lois Bruce M, Garvin Richard L, Kemp Scott et Marwell Jeremy C, Space
Weapons: Crossing the US Rubicon
,
International Security
Vol 29 N° 2, MIT Press, automne 2004, pp. 72-74.
DOCUMENT
A/1932
11
22.
Les armes Ă micro-ondes ou Ă impulsion Ă©lectromagnĂ©tique fonctionnent sur le mĂȘme principe
que les lasers, mais sur une longueur dâonde diffĂ©rente. Leurs frĂ©quences sont rĂ©glĂ©es de façon Ă
détruire les circuits électroniques et les autres matériaux conducteurs du satellite en les exposant à une
charge excessive. Cela a pour effet de priver le systĂšme de ses fonctions critiques et dâentraĂźner sa
dégradation permanente ou sa destruction
26
. Toutes les catĂ©gories dâarmes Ă Ă©nergie dirigĂ©e peuvent
aussi servir à atteindre des objectifs non durs à la surface de la terre, tels que les avions, les véhicules
blindés légers et les dépÎts de carburant, mais avec une restriction importante : elles ne peuvent
traverser les nuages
27
.
23.
Des armes Ă Ă©nergie cinĂ©tique sont actuellement dĂ©veloppĂ©es en vue dâĂȘtre intĂ©grĂ©es au bouclier
de défense antimissile américain. Elles sont connues sous le nom de KKV (kinetic kill vehicles). Ce
sont de petits objets de mĂ©tal conçus pour ĂȘtre dĂ©ployĂ©s Ă partir de satellites et frapper des ICBM
pendant la phase de propulsion initiale de leur vol, avant que ceux-ci ne déploient leurs ogives
multiples et leurs leurres. Ils utilisent leur seule vitesse pour pénétrer les réservoirs de carburant des
missiles, provoquant ainsi leur explosion
28
. Ils peuvent ĂȘtre utilisĂ©s de la mĂȘme maniĂšre contre les
satellites, auquel cas leur tĂąche est plus simple, puisque les satellites sont beaucoup plus lents et
infiniment plus vulnĂ©rables que les ICBM. En fait, lâarme nâa mĂȘme pas besoin de se propulser vers sa
cible, il suffit quâelle soit placĂ©e dans sa trajectoire orbitale par un autre satellite. Etant donnĂ© la
vitesse orbitale élevée à laquelle évolue un systÚme spatial, son entrée en collision avec un objet aussi
petit quâune balle endommagerait ses antennes et ses panneaux solaires ou dĂ©truirait certains de ces
sous-systĂšmes critiques
29
.
24.
Les armes Ă Ă©nergie cinĂ©tique pourraient Ă©galement ĂȘtre utilisĂ©es pour le bombardement orbital,
selon un principe analogue à celui qui régit le phénomÚne naturel des chutes de météoroïdes. Lancés
depuis une orbite, ces engins ne font que « tomber » sur leur objectif et le détruire par la force de leur
masse accĂ©lĂ©rĂ©e par la gravitĂ©. Les KKV doivent pour cela ĂȘtre constituĂ©s dâun matĂ©riau trĂšs dense,
comme le tungstÚne. Leur conception aérodynamique favorisant leur chute libre, ils acquiÚrent
rapidement une hypervĂ©locitĂ©, qui leur permet de dĂ©truire leur cible Ă lâimpact, avec des rĂ©sultats
Ă©quivalents Ă ceux dâune explosion de plusieurs dizaines de tonnes de TNT. Ces armes ont un fort
pouvoir de pĂ©nĂ©tration et pourraient ĂȘtre utilisĂ©es contre des cibles « dures » telles que des vĂ©hicules
blindés lourds, des immeubles élevés et en particuliers des bunkers souterrains
30
. Parmi les armes Ă
projection de masse figurent naturellement aussi des systÚmes moins « exotiques », par exemple des
bombes classiques lancĂ©es depuis lâespace.
25.
Les progrĂšs rĂ©cents de lâĂ©lectronique et des nanotechnologies permettent de produire de trĂšs
petits satellites, dâune masse infĂ©rieure Ă 500 kg, qui se divisent eux-mĂȘmes en mini- (100-500kg),
micro- (10-100 kg), nano- (1-10 kg) et picosatellites (moins de 1 kg)
31
. Ces engins spatiaux sont
relativement peu coûteux et faciles à construire, et par définition difficiles à repérer. Ces
caractĂ©ristiques uniques en font des armes spatiales idĂ©ales. Ils peuvent ĂȘtre utilisĂ©s de deux maniĂšres :
comme satellites parasites ou comme mines spatiales.
26.
Dans le premier cas, le petit satellite remplit lui-mĂȘme la fonction dâune arme. GrĂące Ă sa petite
taille et Ă sa furtivitĂ©, il peut parasiter les moyens ennemis en orbite sans ĂȘtre dĂ©tectĂ©. A lâouverture
des hostilités, il commence à attaquer son satellite hÎte en le détruisant ou en paralysant son
fonctionnement. Dans le second cas, il sert Ă emporter un dispositif explosif conventionnel ou
nuclĂ©aire. LĂ aussi, il est dĂ©ployĂ© secrĂštement et passe inaperçu en « se collant » Ă sa cible. Il peut ĂȘtre
lancĂ© Ă lâavance, en temps de paix, prenant ainsi de vitesse toute contre-mesure contre son
dĂ©ploiement, et son explosion peut ĂȘtre dĂ©clenchĂ©e au moment le plus opportun. Sâil est dotĂ© dâune
charge nuclĂ©aire, ses consĂ©quences pourront ĂȘtre dĂ©vastatrices, Ă©tant donnĂ© lâeffet cumulatif des
26
Ibid.
27
Ibid.
28
Preston Bob,
Space Weapons Earth Wars
, pp. 36-49 et annexe B, pp. 131-171. FAS,
Ensuring Americaâs
Security âŠ
, annexe G, pp. 141-168.
29
Preston Bob,
Space Weapons Earth Wars
, pp. 36-49. Deblois Bruce M,
Space Weapons:
Crossing the US
Rubicon âŠ
, pp.70-71.
30
Preston Bob,
Space Weapons Earth Wars,
pp. 53-54. Lambeth Benjamin S,
MasteringâŠ
, pp. 112-117.
31
FAS,
Ensuring Americaâs SecurityâŠ
, pp.15-19.
DOCUMENT A/1932
12
radiations nuclĂ©aires dans lâespace proche
32
. Mais ce qui est encore plus important, câest lâĂ©lĂ©ment de
surprise stratégique que crée sont utilisation.
IV.
Les armes spatiales comme réponse aux menaces éventuelles et leurs limites
27.
Certaines des armes susmentionnĂ©es sont dĂ©jĂ en service en tant quâarmes antisatellites basĂ©es Ă
terre. Nous citerons parmi celles-ci les lasers et les KKV qui sont disponibles aux Etats-Unis, en
Russie et probablement aussi, dans une moindre mesure, en Chine et en Israël. Toutefois, le
dĂ©ploiement de ces armes dans lâespace pose dâimportants problĂšmes technologiques et reste soumis Ă
des contraintes opĂ©rationnelles qui font quâil est bien difficile de savoir si les rĂ©sultats justifient
lâeffort Ă fournir.
28.
Le problĂšme essentiel inhĂ©rent Ă toute notion de guerre dans lâespace est celui des dĂ©bris
orbitaux quâil peut crĂ©er. Selon la dĂ©finition donnĂ©e par la NASA, on entend par dĂ©bris orbital tout
objet construit par lâhomme qui se trouve en orbite autour de la terre et qui nâa plus dâutilitĂ©
33
. Ces
objets comprennent les Ă©tages rĂ©siduels de fusĂ©es, les satellites qui ont dĂ©passĂ© leur limite dâĂąge et les
nombreux fragments de matériels résultant des explosions ou des collisions entre ces objets. Ainsi,
pendant la guerre froide, les militaires soviétiques faisaient exploser leurs satellites quand ils avaient
atteint le terme de leur vie utile. Aujourdâhui, la NASA suit quelque 9 000 objets orbitaux dâune
dimension supérieure à 10 cm. Cette masse de déchets spatiaux va probablement, selon les
estimations, continuer de croĂźtre pour atteindre au moins 11 000 piĂšces dans les siĂšcles Ă venir en
raison des collisions entre ces objets. Ceux-ci se comprennent actuellement 17% de carcasses de
fusées résultant de précédents lancements, 31% sont des satellites opérationnels ou hors service, 38%
sont des fragments de grandes dimensions issus de collisions et 13% sont des débris résultant de
missions. On estime Ă©galement quâil existe au moins 10 000 objets dâune taille comprise entre 1 et 10
cm
34
. En se dĂ©plaçant Ă une vitesse de lâordre de 27 000 km Ă lâheure, nâimporte lequel dâentre eux
peut dĂ©truire un systĂšme spatial sâil le percute. Le Centre spatial Johnson de la NASA, Ă Houston,
Texas, a dĂ©jĂ reconnu lâexistence de ce type de problĂšmes et a calculĂ© que mĂȘme si lâespace nâest pas
militarisé, la quantité actuelle de débris a toutes chances de provoquer de nombreuses autres collisions.
29.
Malheureusement, lâespace ne peut se « rĂ©parer » tout seul. La quasi-absence de traĂźnĂ©e et la
faible gravitĂ© font que les objets construits par lâhomme peuvent continuer presque indĂ©finiment Ă
tourner en orbite. LâidĂ©e dâajouter des structures permettant dâaugmenter la traĂźnĂ©e et de provoquer la
rentrĂ©e des dĂ©bris dans lâatmosphĂšre est financiĂšrement prohibitive. Cela veut dire concrĂštement que si
une confrontation se produit dans lâespace et que des satellites se prennent mutuellement pour cibles et
Ă©clatent en morceaux, il en rĂ©sultera une telle quantitĂ© de dĂ©bris quâune telle aventure serait pure folie.
Les piĂšces restantes des satellites ennemis dĂ©truits reprĂ©senteraient dans lâabsolu une menace
autrement plus grave pour les moyens amis que les satellites ennemis eux-mĂȘmes. En outre, la
fragmentation des satellites à une telle échelle déclencherait trÚs probablement des collisions orbitales
en sĂ©rie, gĂ©nĂ©rant Ă leur tour le risque dâun accroissement exponentiel des dĂ©bris spatiaux qui
détruiraient à terme un grand nombre de systÚmes
35
. Du point de vue militaire, le « fratricide spatial »
qui en résulterait réduirait de toute évidence à zéro les avantages à court terme du recours aux armes
spatiales. Du point de vue scientifique, ce serait prendre le risque de provoquer une catastrophe sans
prĂ©cĂ©dent, susceptible de paralyser Ă jamais lâexploration spatiale
36
.
30.
Or, lâemploi de la plupart des armes spatiales mentionnĂ©es ci-dessus Ă des fins antisatellites
implique la destruction physique de leurs objectifs. Câest le cas notamment des armes Ă projection de
masse. Par conséquent, puisque les Etats-Unis possÚdent actuellement de loin la plus grande flotte de
satellites au monde, ce sont certainement eux qui ont le plus à perdre dans une telle opération. On ne
32
Ibid., annexe C, pp. 82-92.
33
Moltz James Clay ed.,
Future Security in Space: Commercial,
Military and Arms Control Trade-Offs
,
Occasional Paper
N° 10, Monterey Institute of International Studies, Center for Non-proliferation Studies,
Monterey, p. 41.
34
Ibid.
35
Moltz James Clay ed.,
Future Security in Space
, p. 18-22.
36
FAS,
Ensuring Americaâs Security
âŠ, pp. 30-34 et annexe E, p. 96-114. Moltz James Clay ed.,
Future
Security in Space
, p. 30 et pp. 41-43.
DOCUMENT
A/1932
13
peut que sâinterroger sur les raisons qui pourraient inciter les dirigeants amĂ©ricains Ă dĂ©clencher une
succession dâĂ©vĂ©nements, au risque de voir leur supĂ©rioritĂ© stratĂ©gique dans le domaine spatial se
dissoudre inĂ©luctablement dans un nuage de dĂ©bris orbitaux dont ils seraient eux-mĂȘmes responsables.
31.
MĂȘme si le problĂšme des dĂ©bris orbitaux ne se posait pas, il faudrait Ă©tudier les domaines de
vulnĂ©rabilitĂ© des moyens spatiaux amĂ©ricains qui seraient attĂ©nuĂ©s par le dĂ©ploiement dâarmes.
Aujourdâhui, Ă lâexception des petits satellites, qui sont largement accessibles Ă la plupart des pays
dotĂ©s dâune capacitĂ© spatiale, seuls les Etats-Unis sont Ă mĂȘme de dĂ©velopper et de dĂ©ployer des armes
spatiales. Les menaces possibles qui sont couramment Ă©voquĂ©es par les partisans de lâarsenalisation de
lâespace sont les suivantes :
â
lâutilisation de petits satellites Ă des fins hostiles ;
â
les explosions nucléaires à haute altitude ;
â
les armes ASAT basées au sol, notamment les lasers et les armes à énergie cinétique.
32.
Les petits satellites sont une source de préoccupation particuliÚre pour les responsables
amĂ©ricains, alarmĂ©s par les progrĂšs rĂ©cents de la Chine et de lâInde dans ce domaine et persuadĂ©s que
le bas coût de ces systÚmes les met aussi à la portée des grands réseaux terroristes. Ils considÚrent
aussi, de maniÚre générale, le progrÚs technologique à grande échelle comme une menace asymétrique
pour leur suprĂ©matie spatiale, parce quâil permettrait Ă des pays moins dĂ©veloppĂ©s dâacquĂ©rir des
capacités spatiales comparables aux leurs à un coût trÚs inférieur. Enfin, ils sont préoccupés par la
difficultĂ© de garder la trace de ces satellites et redoutent quâils soient utilisĂ©s pour monter une attaque
surprise contre eux
37
.
33.
Cela dit, le dĂ©ploiement dâarmes en orbite ne semble pas ĂȘtre le seul moyen de parer Ă cette
menace. Une autre possibilité consisterait à combiner plusieurs approches : accroßtre les capacités de
surveillance spatiale, Ă©quiper les satellites de systĂšmes dâautoprotection et amĂ©liorer les ASAT non
destructeurs basĂ©s au sol. La premiĂšre consisterait Ă suivre tous les satellites, jusquâaux plus petits, et Ă
donner lâalerte rapidement en cas dâattaque ; la deuxiĂšme permettrait aux satellites de dĂ©tecter eux-
mĂȘmes et dâĂ©liminer tous les corps Ă©trangers accrochĂ©s Ă eux. La troisiĂšme fournirait les moyens de
détruire les satellites assaillants une fois identifiés.
34.
Les explosions nucléaires à haute altitude (HAND) inquiÚtent aussi les militaires américains.
Cette menace, qui sâintensifie rapidement, est liĂ©e Ă la prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires et Ă la
technologie des missiles. Etant donné que les missiles balistiques à portée intermédiaire (IRBM)
peuvent propulser une petite ogive nucléaire à des altitudes élevées, cela signifie que non seulement
les grandes puissances nucléaires peuvent faire exploser un engin nucléaire de faible puissance à haute
altitude, mais aussi que lâInde et le Pakistan et des Etats voyous tels que lâIran ou la CorĂ©e du Nord
38
en sont Ă©galement capables.
35.
Pour ces derniers notamment, pareille option peut ĂȘtre trĂšs tentante car elle Ă©branlerait la
supĂ©rioritĂ© Ă©crasante des Etats-Unis dans le domaine de lâinformation et compliquerait sĂ©rieusement
toute tentative de les attaquer. On ne peut pas non plus exclure lâĂ©ventualitĂ© dâun accident, qui pourrait
prendre la forme du lancement intempestif dâun missile russe, ce qui nâa rien dâimpossible compte
tenu de lâĂ©tat dâentretien dans lequel se trouve lâarsenal nuclĂ©aire de ce pays. Un groupe terroriste
pourrait Ă©galement tenter de sâemparer dâun silo de missiles russe, ce qui aboutirait au mĂȘme rĂ©sultat.
Des explosions nucléaires à haute altitude seraient possibles aussi en cas de mauvais fonctionnement
et dâexplosion prĂ©maturĂ©e dâune ogive dâorigine indienne ou pakistanaise lors dâun conflit entre les
37
FAS,
Ensuring Americaâs Security
âŠ, pp. 15-19 et annexe F, p. 123. Pena Charles V. et Hudgins Edward L,
Should the United States âWeaponizeâ Space? Military and Commercial Implications
,
Policy Analysis
N° 427,
18 mars 2002, pp. 8-9.
38
FAS,
Ensuring Americaâs Security
âŠ, pp.23-29 et annexe C, pp. 81-91. United States Defence Threat
Reduction Agency,
High Altitude Nuclear Detonations against Low Earth Orbit Satellites
, DTRA Advanced
Systems and Concepts Office, Washington DC, avril 2001.
DOCUMENT A/1932
14
deux Etats. Enfin, un tir peut ĂȘtre dĂ©libĂ©rĂ© sâil sâagit de la premiĂšre Ă©tape dâune confrontation
nucléaire
39
.
36.
Le problÚme des explosions nucléaires à haute altitude est que la menace de représailles
nuclĂ©aires ne pourrait ĂȘtre dissuasive car une telle riposte serait complĂštement disproportionnĂ©e pour
la victime. Tout pays possĂ©dant ne serait-ce quâune ogive et un missile pourrait donc menacer de façon
crĂ©dible dây avoir recours. Mais les armes spatiales ne sont pas le seul moyen de parer Ă un tel
scĂ©nario. Des satellites de bombardement orbital â en particulier ceux qui sont Ă©quipĂ©s de laser â
pourraient répondre rapidement à une telle menace en attaquant les missiles sur leurs sites de
lancement ou avant quâils aient atteint lâaltitude dĂ©sirĂ©e. Mais cette tĂąche pourrait tout aussi bien ĂȘtre
réalisée par des frappes aériennes classiques et les systÚmes ABM de théùtre déjà en place à condition
dâavoir le temps de les dĂ©ployer Ă une distance suffisamment proche. Et sâil est difficile dâassurer la
dissuasion par les moyens militaires, on peut toujours y parvenir par des mesures politiques. Etant
donné que les explosions nucléaires à haute altitude détruiront pratiquement sans discrimination tous
les satellites en orbite terrestre basse, le pays qui y a recours devra affronter les protestations justifiées
de la communauté internationale tout entiÚre. Une telle démarche ne pourrait donc paraßtre trÚs
tentante, mĂȘme pour un Etat voyou.
37.
Enfin, le recours aux armes ASAT basées au sol est toujours considéré comme une menace
pouvant justifier lâarsenalisation de lâespace. Plusieurs pays peuvent se procurer ce type dâarmes, mais
les responsables américains semblent particuliÚrement préoccupés par les progrÚs de la Chine dans le
domaine des technologies laser. Lâimplantation dâarmements dans lâespace nâest toutefois pas
inĂ©vitable dans ce cas non plus. En fait, plusieurs solutions pourraient ĂȘtre proposĂ©es avant dâarriver Ă
ce stade. Il conviendrait de protĂ©ger et de durcir suffisamment les satellites pour quâils puissent
survivre Ă une attaque ; de les Ă©quiper de systĂšmes de contre-mesures Ă©lectroniques semblables Ă ceux
utilisĂ©s sur les avions ; de les rendre plus furtifs ; de leur permettre dâeffectuer des manĆuvres
dilatoires soutenues contre les menaces qui se prĂ©sentent et, en dernier recours, dâattaquer les
installations dâarmes ASAT par des moyens conventionnels
40
.
38.
En conclusion, il ne faudra pas forcément recourir aux armes spatiales pour contrer toutes les
menaces dâarmes ASAT existantes ou susceptibles de surgir dans un avenir proche. Au contraire, il y a
des moyens moins coûteux, moins risqués sur le plan technologique et tout aussi efficaces sur le plan
opérationnel pour y faire face.
V. Le dĂ©bat sur lâarsenalisation de lâespace aux Etats-Unis
39.
Le dĂ©bat le plus rĂ©cent aux Etats-Unis sur lâarsenalisation de lâespace a commencĂ© en 2001 avec
la publication du rapport de la commission Rumsfeld sur la politique de sécurité spatiale des Etats-
Unis
41
. La commission était présidée par Donald Rumsfeld, devenu peu aprÚs ministre de la défense,
et comportait une majoritĂ© Ă©crasante dâanciens officiers Ă la retraite de lâUSAF. Son objectif Ă©tait
dâĂ©tudier la structure globale de la sĂ©curitĂ© spatiale, de faire rapport sur ses lacunes et de proposer dây
remĂ©dier. Dans ses conclusions, la commission affirmait que les intĂ©rĂȘts spatiaux devaient faire partie
des prioritĂ©s absolues de la sĂ©curitĂ© nationale des Etats-Unis, que le gouvernement nâĂ©tait pas prĂ©parĂ©
militairement Ă faire face Ă une Ă©ventuelle agression Ă partir de lâespace et que lâextension des conflits
Ă lâespace reprĂ©sentait une Ă©volution historique inĂ©vitable
42
.
40.
DâaprĂšs les conclusions de la commission, le fait que les Etats-Unis soient plus lourdement
tributaires de moyens spatiaux plus vulnĂ©rables que ceux des autres pays fait dâeux une cible
particuliĂšrement tentante pour un agresseur potentiel qui y trouverait un avantage militaire
asymétrique. Un de ses commentaires les plus souvent cités était que les Etats-Unis étaient si peu
39
Lewis Jeffrey,
What if Space Were Weaponized
? ⊠pp. 15-16 et 21-31.
40
Deblois Bruce M âŠ,
Space Weapons: Crossing the US Rubicon âŠ
, pp. 77-81. Lewis James A,
China as a
Military Space Competitor
, Centre for Strategic and International Studies, janvier 2004, pp. 10-11.
41
Report of the Commission to Assess United States National Security Space Management and Organization
,
Executive Summary, Washington DC, janvier 2001.
42
Report of the Commission
âŠ, pp. 9-10.
DOCUMENT
A/1932
15
prĂ©parĂ©s Ă affronter une telle menace quâils risquaient « un Pearl Harbor spatial »
43
. En conséquence,
tout en reconnaissant que lâutilisation pacifique de lâespace restait un intĂ©rĂȘt national, la commission a
plaidé pour le développement de moyens de dissuasion et de défense contre des actes hostiles dirigés
contre les moyens spatiaux des Etats-Unis et contre une utilisation de lâespace hostile aux intĂ©rĂȘts des
Etats-Unis
44
. Cette déclaration, accompagnée de recommandations visant à stimuler le développement
dâarmes pour la projection de puissance vers lâespace, Ă partir de lâespace et Ă travers lâespace, Ă©tait
lâĂ©quivalent dâun appel Ă dĂ©ployer des armes dans lâespace.
41.
LâidĂ©e dâun contrĂŽle effectif de lâespace par les Etats-Unis nâest pas nouvelle. En effet, dans
toutes les doctrines spatiales américaines adoptées par les Présidents qui ont succédé à Eisenhower, la
supériorité spatiale a toujours été considérée comme un enjeu majeur de la sécurité nationale des
Etats-Unis. Lâargument des AmĂ©ricains a toujours Ă©tĂ© que le dĂ©ploiement dâarmes antisatellites, sur
terre ou dans lâespace, ne sert que des objectifs purement dĂ©fensifs et nâest pas destinĂ© Ă un usage
offensif. LâidĂ©e que les Etats-Unis devaient ĂȘtre les seuls Ă dominer lâespace proche Ă©tait fondĂ©e sur le
fait quâils possĂ©daient â et possĂšdent toujours â le plus grand nombre de moyens en orbite, et en
consĂ©quence, quâils avaient un intĂ©rĂȘt stratĂ©gique dâautant plus grand Ă les protĂ©ger que les autres
nations du monde. En effet, la position officielle du gouvernement des Etats-Unis sur la question est
que toute attaque ou mĂȘme toute interfĂ©rence avec les satellites amĂ©ricains sera considĂ©rĂ©e comme une
attaque perpétrée sur le sol américain, et donc comme un casus belli
45
.
42.
Cependant, la commission Rumsfeld est allée plus loin en laissant entendre que les Etats-Unis
devraient Ă©largir la notion de contrĂŽle de lâespace en y incluant lâexercice de la force. Ceci signifie
dans la pratique quâils dĂ©ploieraient dans lâespace des armes conçues pour rechercher et dĂ©truire tout
dispositif menaçant les satellites amĂ©ricains, Ă partir de la terre ou de lâespace, avant mĂȘme quâil nâait
la possibilitĂ© dâatteindre sa cible. Ceci implique lâutilisation de satellites armĂ©s non seulement contre
des armes antisatellites entrantes, mais Ă©galement contre leurs sites de lancement Ă la surface de la
planÚte. Cela impose donc de recourir à des armes dotées de capacités offensives et de premiÚre
frappe. DÚs lors, on passerait de la notion de suprématie spatiale à celle de domination spatiale, créant
ainsi un nouvel environnement stratégique.
43.
Le rapport Rumsfeld a déclenché dans les milieux politiques, de défense, industriels et
acadĂ©miques aux Etats-Unis un dĂ©bat public animĂ© sur la poursuite de tels projets dâarmement. Ce
dĂ©bat ressemble fort Ă celui quâavait suscitĂ© lâInitiative de dĂ©fense stratĂ©gique du PrĂ©sident Reagan au
milieu des annĂ©es 1980. En fait, on retrouve les mĂȘmes groupes dâopinion avec souvent les mĂȘmes
tribuns. Le dĂ©bat actuel est en quelque sorte, pour les partisans de lâarsenalisation de lâespace, une
nouvelle occasion de convaincre les citoyens de la validité de leur dossier.
44.
Les opinions se partagent actuellement entre quatre camps qui transcendent lâestablishment
amĂ©ricain au niveau horizontal et qui recrutent leurs partisans dans la totalitĂ© de lâĂ©ventail politique et
professionnel. Chaque camp est caractĂ©risĂ© par les rĂ©ponses quâil apporte non seulement Ă la question
de savoir si lâespace doit ĂȘtre armĂ©, mais aussi sur le degrĂ© dâarmement, sa finalitĂ© et les conditions de
sa mise en place. On peut les appeler les « faucons de lâespace », les « militaristes irrĂ©dentistes », les
« pragmatiques de lâarmement » et les « colombes de lâespace ». Les deux premiers groupes sont
favorables Ă lâarsenalisation de lâespace alors que les deux autres y sont opposĂ©s ; mais les quatre
agissent pour différents motifs et voient les choses sous des perspectives différentes
46
.
45.
Les faucons de lâespace estiment lâarsenalisation inĂ©vitable. Ils la considĂšrent comme le moyen
idĂ©al pour les Etats-Unis dâasseoir leur influence Ă©conomique et politique globale et de devenir une
43
Ibid., p. 13.
44
Ibid., p. 15-16.
45
Donnelly John, Cohen :
Attack on US Satellite is Attack on United States
,
Defence Week
, 26 juillet 1999.
46
Moltz James Clay ed,
Future Security in Space
âŠ, pp. 32-34. Pour une excellente analyse des diffĂ©rents points
de ce débat, voir: Mueller Karl P, Totem and Taboo :
Depolarizing the Space Weaponization Debate
, RAND
Corp., Arlington, Virginie, mai 2002.
DOCUMENT A/1932
16
sorte de gendarme de lâespace qui protĂšge ses alliĂ©s et nuit Ă ses ennemis
47
. Ils refusent de traiter
lâespace dâune maniĂšre diffĂ©rente des autres supports de la guerre que sont la terre, la mer et lâair. Ils
estiment au contraire que les principes gĂ©opolitiques classiques doivent ĂȘtre appliquĂ©s Ă lâespace. En
consĂ©quence, ils sâappuient sur les thĂ©ories des sciences politiques existantes pour Ă©tayer leur dossier
sur lâarmement. En particulier, ils sont trĂšs attirĂ©s par le concept nĂ©o-marxiste de Wallerstein de
mouvement cyclique dans lâascension et la chute des puissances hĂ©gĂ©moniques qui, historiquement,
ont dominé le systÚme capitaliste
48
. Ils font valoir que si les Etats-Unis veulent conserver leur statut
actuel « dâhyperpuissance » prĂ©sente sur tous les fronts, ils seront obligĂ©s de dominer lâespace de
façon agressive et de conserver ce privilÚge en chapeautant toutes les autres nations qui souhaitent
effectuer des opĂ©rations Ă lâintĂ©rieur de ce systĂšme
49
.
46.
Les faucons de lâespace comparent souvent lâimportance de lâespace proche pour le commerce
et lâĂ©conomie Ă lâĂ©chelle mondiale Ă celle des ocĂ©ans de la planĂšte
50
. Bien entendu, ils souhaitent que
les Etats-Unis jouent le mĂȘme rĂŽle dans lâespace que sur terre, avec leur puissante marine en « eau
profonde » : en régulant et en garantissant les activités économiques à leur maniÚre, mais au bénéfice
du systĂšme capitaliste tout entier. A leurs yeux, lâactuel statut hĂ©gĂ©monique des Etats-Unis les oblige Ă
prendre la responsabilitĂ© dâarmer lâespace. Bien entendu, ils sâopposent farouchement Ă toutes les
mesures qui restreindraient la liberté des Etats-Unis à utiliser leurs armes en orbite quand ils le jugent
nécessaire.
47.
Les militaristes irrédentistes partagent le pragmatisme teinté de cynisme des faucons de
lâespace, mais Ă la diffĂ©rence de ces derniers, ils pensent que si lâarsenalisation de lâespace se
concrĂ©tise, ce ne sera pas en raison dâune plus grande responsabilitĂ© historique des Etats-Unis, mais
simplement parce quâils y trouveront un avantage sur le plan opĂ©rationnel. Selon eux, lâespace est un
support qui convient parfaitement pour réaliser une projection globale de puissance et pour exercer son
contrĂŽle
51
. Ils pensent que les Etats-Unis, forts de leur avantage technologique et Ă©conomique actuel
sur des adversaires stratĂ©giques comme lâUE, la Russie et la Chine, devraient maintenant saisir
lâoccasion pour dominer lâespace. En renonçant Ă son arsenalisation, ils encourageraient les autres
pays Ă en prendre lâinitiative dĂšs quâils auraient rattrapĂ© le niveau de capacitĂ©s technologiques des
Etats-Unis
52
. La commission Rumsfeld semble adhérer à cette idée.
48.
Les militaristes irrédentistes sont aussi sensibles à la signification opérationnelle du déploiement
dâarmes en orbite. Ils le perçoivent en particulier comme une panacĂ©e pour affronter les grandes
menaces des armes antisatellites, comme par exemple les explosions nucléaires à haute altitude,
accidentelles ou volontaires. Ils soulignent le rÎle antimissile des armes en orbite et prétendent que
leur déploiement rendra les autres armements stratégiques obsolÚtes. Ils sont préoccupés en particulier
par la dépendance croissante des Etats-Unis vis-à -vis des moyens spatiaux, ce qui, pensent-ils, en fait
des cibles parfaites pour une attaque asymĂ©trique. En dâautres termes, lâarsenalisation de lâespace est
perçue comme le seul moyen dâempĂȘcher que lâavantage militaire tactique dont disposent les Etats-
Unis du fait de leur supériorité spatiale ne se transforme en handicap stratégique
53
.
49.
Contrairement aux faucons de lâespace, les militaristes irrĂ©dentistes ne rejettent pas la possibilitĂ©
dâun contrĂŽle des armes spatiales et dâune coopĂ©ration
54
. Ils ne sont pas opposés à des mesures de
confiance dans lâespace pour promouvoir la stabilitĂ© stratĂ©gique. Cependant, ils prĂ©fĂšrent examiner de
telles mesures sur une base bilatérale plutÎt que multilatérale. Ils sont favorables à des arrangements
47
Dolman Everett Carl, S
pace Power and US Hegemony: Maintaining a Liberal World Order in the 21
st
Century
, School of Advanced Air Studies, pp. 23-24. Dolman Everett Carl,
Astropolitik: Classical Geopolitics in
the Space Age
, Londres, Frank Cass, 2001.
48
Dolman Everett Carl,
Space Power and US Hegemony
âŠ, pp. 16-23.
49
Ibid.
50
Pena Charles V et Hudgins Edward L,
Should United States âWeaponizeâ Spaceâ
? âŠ, p. 4.
51
Moltz James Clay ed,
Future Security in Space
âŠ, pp. 23-27 et 32-34. Lambakis Steven,
On the Edge of
Earth: the Future of American Space Power
, Lexington, Kentucky, University of Kentucky Press, 2001.
52
Logsdon John M,
Reflections on Space as a vital National Interest,
Astropolitics Is N° 1, 2003, pp. 12-18.
Lambeth Benjamin S, Mastering
âŠ, pp. 67-80.
53
Ibid. Preston Bob âŠ,
Space Weapons Earth Wars
, pp. 67-80.
54
Moltz James Clay ed,
Future Security in Space
âŠ, pp. 23-27 et 32-34.
DOCUMENT
A/1932
17
qui ralentiraient et canaliseraient la concurrence spatiale dans le secteur militaire, mais ne
lâarrĂȘteraient pas. En particulier, ils se mĂ©fient des accords de dĂ©sarmement, conçus Ă leurs yeux pour
empĂȘcher les Etats-Unis dâexploiter leur avantage actuel dans le domaine spatial militaire. Au
contraire, ils appuient lâusage des armes spatiales pour le recours Ă la force et souhaitent quâelles
remplacent le cas échéant les armes terrestres. En bref, ils veulent convertir un tel usage en pratique
militaire courante et la dĂ©barrasser de tous les tabous politiques qui lâentourent
55
.
50.
Les pragmatiques de lâarmement ne contestent pas la vĂ©racitĂ© des points de vue qui prĂ©cĂšdent.
Ils prĂ©tendent seulement que la meilleure façon de servir les intĂ©rĂȘts des Etats-Unis dans lâespace est
de maintenir le statu quo qui leur est extrĂȘmement favorable. Ils soulignent Ă cet Ă©gard que tout effort
des Etats-Unis pour armer lâespace y dĂ©clenchera probablement une course aux armements
56
. Ils
affirment quâen explorant les technologies pertinentes, les Etats-Unis mettront les armes spatiales Ă la
portĂ©e de leurs adversaires et en faisant la preuve de leur utilitĂ©, ils encourageront les autres Etats Ă
dĂ©velopper les leurs. En dĂ©pendant dâelles, ils inciteront Ă une attaque surprise dans lâespace plus
quâils ne la prĂ©viendront
57
. Pour conclure, ils pensent que ce sont les Etats-Unis qui ont le plus Ă
perdre de lâarsenalisation de lâespace, et quâils doivent donc lâĂ©viter et la prĂ©venir.
51.
Les pragmatiques de lâarmement sâinterrogent aussi sur lâutilitĂ© opĂ©rationnelle globale des
armes spatiales par rapport aux armes terrestres existantes. Ils ne nient pas les avantages pouvant
rĂ©sulter de leur dĂ©ploiement, mais pensent quâil y a des moyens plus faciles et surtout moins coĂ»teux
pour réduire la vulnérabilité des moyens spatiaux. Ils affirment que de nombreuses mesures
dĂ©fensives, passives et moins provocantes sur le plan politique, devraient ĂȘtre envisagĂ©es avant
lâarsenalisation de lâespace
58
. Elles sont dĂ©jĂ abordĂ©es partiellement dans ce rapport puisquâelles font
partie des arguments les plus solides contre lâarmement de lâespace.
52.
De plus, les pragmatiques de lâarmement ne croient pas que le recours Ă la force Ă partir de
lâespace puisse apporter grand-chose. Les opĂ©rations offensives contre les armes antisatellites basĂ©es
au sol peuvent parfaitement ĂȘtre menĂ©es par des forces aĂ©riennes et des missions de frappe profonde
peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©es avec des ICBM ou IRBM conventionnels. En conclusion, ils estiment que seul
le dĂ©ploiement dâun dispositif spatial par lâennemi contraindrait les Etats-Unis Ă une riposte de mĂȘme
nature. Mais cette Ă©ventualitĂ© reste selon eux peu probable pour lâheure, et une telle attaque pourrait
facilement ĂȘtre contrĂ©e par les armes antisatellites terrestres existantes
59
.
53.
Enfin, les colombes de lâespace comptent dans leurs rangs un grand nombre de scientifiques et
dâorganisations non gouvernementales qui sont non seulement opposĂ©s Ă toute forme dâarmement,
mais sont aussi trÚs attentifs à ce que les capacités spatiales existantes restent aussi peu militarisées
que possible. Leur position sur la question est que toute tentative dâarmement de lâespace aura des
consĂ©quences profondĂ©ment dĂ©stabilisantes. Ils soulignent que â contrairement Ă lâarme nuclĂ©aire â les
armes spatiales créeront un déséquilibre stratégique qui incitera à envisager de premiÚres frappes. Il
serait dâaprĂšs eux insensĂ© dâabandonner la logique stratĂ©gique de lâutilisation pacifique de lâespace
maintenant que la guerre froide est finie. Et ils sont particuliĂšrement attachĂ©s Ă la notion dâinterdiction
gĂ©nĂ©rale et complĂšte de toutes les armes dans lâespace, garantie par des accords internationaux
60
.
55
Ibid.
56
Moltz James Clay ed,
Future Security in Space
âŠ, pp. 23-27 et 32-34.
57
FAS,
Ensuring Americaâs Security
âŠ, pp. 5-6 et 41-44. Pour une excellente analyse de ce point de vue, voir :
OâHanlon Michael,
Preserving US Dominance While Slowing the Weaponization of Space
, The Brookings
Institution, Maryland, mai 2003.
58
Pour une présentation complÚte de ces mesures, voir : Coyle Philip E. et Rhinelander John B,
Drawing the
Line: the Path to Controlling Weapons in Space
,
Disarmament Diplomacy
N° 66, septembre 2002. Ruhm Brian
C,
Finding the Middle Ground: the US Air Force
,
Space Weaponization and Arms Control
, USAF Air
University, Alabama, avril 2003.
59
FAS,
Ensuring Americaâs Security in Space
âŠ, pp.5-6. Lambeth dĂ©veloppe aussi le mĂȘme argument, mais
avec beaucoup dâambiguĂŻtĂ© ; voir : Lambeth Benjamin S,
Mastering
âŠ, pp. 117-120.
60
Moltz James Clay ed,
Future Security in Space
âŠ, pp.28-31. Johnson Rebecca,
Multilateral Approaches to
Preventing the Weaponization of Space
,
Disarmament Diplomacy
N° 56, avril 2001. Hitchens Theresa,
US
Space Policy: Time to Stop and Think
,
Disarmament Diplomacy
N° 67, octobre-novembre 2002.
DOCUMENT A/1932
18
54.
Quel que soit le point de vue qui lâemportera, une chose est certaine : si ces armes sont
dĂ©ployĂ©es, le monde ne sera plus le mĂȘme. AprĂšs avoir examinĂ© lâĂ©ventail des opinions sur la
question, nous pensons que la vĂ©ritĂ© se trouve quelque part au milieu. Lâarsenalisation de lâespace est
loin dâĂȘtre inĂ©vitable ; en fait, nous avons vu que câest le moyen le moins adaptĂ© pour remĂ©dier aux
vulnĂ©rabilitĂ©s dans lâespace. Mais il est peu probable Ă©galement quâil dĂ©clenche une riposte concrĂšte
dâautres grandes puissances. Les Etats-Unis ont une telle avance sur le reste du monde dans le
domaine des capacitĂ©s spatiales quâune course aux armements semble peu vraisemblable. Le prĂ©cĂ©dent
des armes nuclĂ©aires en atteste : plusieurs pays technologiquement aptes Ă acquĂ©rir lâarme nuclĂ©aire
ont choisi, pour des raisons stratĂ©giques, de ne pas le faire. De surcroĂźt, lâUnion soviĂ©tique, qui a Ă©tĂ©
en concurrence directe avec les Etats-Unis dans ce domaine Ă des fins idĂ©ologiques, est aujourdâhui
ruinée financiÚrement.
55.
Il est Ă©galement Ă©vident que la Russie et la Chine se garderont bien de faire la mĂȘme erreur. Ces
deux pays ont dĂ©jĂ pris clairement position en faveur dâun traitĂ© international global interdisant Ă tout
jamais les armes dans lâespace. Elles semblent dĂ©terminĂ©es Ă Ă©viter lâarsenalisation de lâespace par des
moyens juridiques et politiques et Ă encourager lâentente multilatĂ©rale sur cette question
61
. Mais cette
attitude pourrait aisément changer si des armes américaines étaient déployées. Les réalités stratégiques
et les considérations militaires appelleront une réponse mesurée de ces pays.
56.
Une réaction prévisible serait la modernisation de leurs capacités existantes dans le domaine des
armes antisatellites basées au sol. La Russie a considérablement progressé dans le développement
dâarmes Ă impulsion Ă©lectromagnĂ©tique et la Chine dans le domaine du laser et des projets liĂ©s aux
microsatellites
62
. On pourrait mĂȘme imaginer quâelles puissent coopĂ©rer dans ce domaine en
Ă©changeant des technologies afin que lâune et lâautre puissent acquĂ©rir lâĂ©ventail complet des capacitĂ©s
antisatellites. Il est compréhensible que le développement des armes antisatellites chinoises ne laisse
pas indiffĂ©rents lâInde ou le Japon. Ces deux pays seront eux aussi incitĂ©s Ă se doter dâarmes
antisatellites. Toute initiative de lâInde allant dans ce sens provoquera automatiquement une riposte
concrÚte du Pakistan, qui éveillera à son tour le doute en Iran. En résumé, tout pays en développement
qui possÚde des moyens spatiaux ou y aspire devra forcément envisager de se procurer des armes
antisatellites.
57.
Tout semble donc indiquer que lâarsenalisation de lâespace nâengendrera pas une course aux
armements en orbite, mais sur terre. Pendant la prochaine décennie, les armes antisatellites
commenceront à sortir du placard et seront reconnues en tant que moyens de défense légitimes contre
des satellites assaillants américains. En fait, on peut prévoir que la prolifération des armes ASAT
posera un problĂšme international majeur comparable Ă la prolifĂ©ration nuclĂ©aire aujourdâhui.
Lâaugmentation constante des activitĂ©s dans lâespace fera des modestes armes ASAT des enjeux
stratĂ©giques majeurs, Ă lâinstar des armes nuclĂ©aires. Les pays qui ont actuellement des armes
antisatellites rudimentaires, tels que des IRBM à charge nucléaire, se mettront à en développer de plus
sophistiquĂ©es. Dâautres qui nâavaient jamais imaginĂ© en acquĂ©rir commenceront Ă y songer. Ainsi, le
dĂ©veloppement et lâutilisation des armes antisatellites finiront par ĂȘtre banalisĂ©s.
58.
Les armes spatiales produiront donc lâeffet inverse de leurs objectifs dĂ©clarĂ©s. Si des armes sont
dĂ©ployĂ©es dans lâespace, les conditions dans lâespace proche deviendront plus hostiles que jamais. Les
satellites deviendront plus complexes et plus onéreux car leur conception devra incorporer des
mesures de protection contre les armes ASAT ; les coĂ»ts de lâassurance spatiale monteront en flĂšche
63
,
et comme il est facile aux détenteurs de ces armes de nier toute utilisation, la suspicion entre
puissances spatiales atteindra des niveaux sans précédent, au détriment de la coopération
internationale sur lâexploration pacifique de lâespace. Lâindustrie spatiale en pĂątira inĂ©vitablement et,
61
Moltz James Clay ed,
Future Security in Space
âŠ, pp. 44-50 et 54-57.
Disarmament Diplomacy
News
Review,
Russia and China Introduce Draft Treaty on Space Weapons
, N° 66, septembre 2002.
62
United States Congressional Research Service,
Chinaâs Space Program: an Overview
, rapport pour le CongrĂšs
des Etats-Unis, Washington DC, octobre 2003, p. 5.
63
Moltz James Clay ed,
Future Security in SpaceâŠ
p. 31.
DOCUMENT
A/1932
19
ironie des choses, les Etats-Unis seront les plus durement touchés puisque ce sont eux qui ont le
secteur spatial le plus développé au monde
64
.
59.
LâUnion europĂ©enne a tout intĂ©rĂȘt Ă Ă©viter des consĂ©quences aussi catastrophiques. Son
industrie spatiale se classe au deuxiĂšme rang mondial, et elle aussi subira de plein fouet les conditions
dĂ©sastreuses dâune arsenalisation de lâespace. Câest peut-ĂȘtre mĂȘme elle qui pourrait souffrir le plus
car elle dĂ©pend encore plus des activitĂ©s commerciales dans lâespace que les Etats-Unis. Actuellement,
lâindustrie amĂ©ricaine est soutenue en grande partie par dâĂ©normes commandes de lâEtat ; en lâabsence
de politique similaire en Europe, les industries comptent de plus en plus pour leur survie sur des
contrats commerciaux de nature civilo-militaire. Si les investisseurs privés reculent devant
lâarsenalisation de lâespace, tout le secteur de lâindustrie spatiale, y compris lâAgence spatiale
européenne, sera confronté à de graves difficultés financiÚres
65
.
60.
En outre, lâUE pourrait sans le vouloir ĂȘtre prise dans une confrontation dans lâespace. On sait
en effet que la Chine a rejoint récemment le programme de satellites de positionnement Galileo et
quâelle a obtenu le plein accĂšs Ă son utilisation
66
. Si, en temps de crise, la Chine dĂ©cide de lâutiliser Ă
des fins militaires, il deviendra automatiquement un objectif légitime pour les armes spatiales
amĂ©ricaines. Par consĂ©quent, un simple accrochage dans lâespace, provoquĂ© par un incident mineur
dans le dĂ©troit de Taiwan, pourrait trĂšs bien faire perdre Ă lâEurope plusieurs satellites Galileo et
mettre en pĂ©ril des milliards dâeuros dâinvestissements.
V.
Comment lâUE doit rĂ©agir Ă lâarsenalisation de lâespace
61.
LâUE ne peut rester indiffĂ©rente face Ă de tels risques. Elle se doit de prendre des mesures qui
anticiperont le dĂ©ploiement des armes amĂ©ricaines dans lâespace. Lâaccroissement de ses capacitĂ©s de
contrĂŽle de lâespace et lâamĂ©lioration de la survivabilitĂ© de ses satellites seront dĂ©terminants pour
lâavenir.
62.
AccroĂźtre les capacitĂ©s de contrĂŽle de lâespace nâĂ©quivaudrait pas nĂ©cessairement Ă y dĂ©ployer
ses propres armes. Mais cela implique quâelle amĂ©liore considĂ©rablement ses moyens de surveillance
de lâespace et quâelle modernise ses dispositifs dâĂ©valuation de la situation, trĂšs limitĂ©s jusquâici. Les
efforts considĂ©rables dĂ©ployĂ©s en ce sens par les Etats membres de lâUE et lâESA devront ĂȘtre
coordonnés et intensifiés
67
. Il sâagit de crĂ©er un rĂ©seau europĂ©en de surveillance spatiale qui fournira
des informations constantes, en temps quasi rĂ©el, sur la position de tous les satellites â les nĂŽtres
comme les leurs. Un tel systĂšme aurait un double objectif, civil et militaire. Dâune part, il pourrait
suivre les satellites et contribuer Ă Ă©viter les collisions dans lâespace ; dâautre part, il pourrait vĂ©rifier le
bon fonctionnement de nos outils, identifier les satellites hostiles en phase dâapproche et surveiller le
dĂ©ploiement des armes dans lâespace. Il pourrait aussi, ultĂ©rieurement et en dernier recours, fournir les
coordonnĂ©es pour le guidage vers lâobjectif des armes antisatellites basĂ©es au sol.
63.
LâUE reconnaĂźt dĂ©sormais lâimportance pour la sĂ©curitĂ© de se doter de satellites dâobservation
de la terre et elle sây emploie activement avec son projet GMES
68
. Mais ce qui est plus difficile Ă
comprendre, câest que le contrĂŽle quâelle exercera sur ces prĂ©cieux instruments restera nominal tant
quâelle ne pourra pas les suivre de la terre. La disponibilitĂ© dâun systĂšme de surveillance de lâespace
est normalement la condition indispensable au déploiement de tout engin spatial pour la sécurité. Les
Etats-Unis, qui lâont compris depuis longtemps, sont le seul pays au monde Ă exploiter un tel systĂšme
et Ă le moderniser constamment. En bref,
la surveillance de lâespace est au moins aussi importante,
pour des raisons de sĂ©curitĂ©, que la surveillance effectuĂ©e Ă partir de lâespace.
64.
Soyons clairs : lâacquisition dâun tel systĂšme par lâUE nâaurait absolument pas pour but de
rivaliser avec les Etats-Unis dans ce domaine. Au contraire, le systĂšme de surveillance spatiale de
64
Ibid, p. 9-10. Pena Charles V. et Hudgins Edward L,
Should United States âWeaponizeâ Space
? âŠ, pp. 12-16.
65
Moltz James Clay ed,
Future Security in SpaceâŠ,
pp. 58-60.
66
Lewis, James A,
China as a Military Space Competitor
âŠ, p. 2.
67
Klinkrad H,
Monitoring Space Efforts Made by European Countries
, Agence spatiale européenne, ESOC,
Darmstadt.
68
Commission européenne, Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Politique
spatiale européenne : éléments préliminaires, Bruxelles, 23 mai 2005, p. 8.
DOCUMENT A/1932
20
lâUE devrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme complĂ©mentaire de son homologue amĂ©ricain, de mĂȘme que la
constellation Galileo fonctionnera parallĂšlement au systĂšme GPS existant. LâidĂ©e est que deux
systĂšmes valant mieux quâun, mĂȘme le gouvernement amĂ©ricain soutiendrait sa crĂ©ation. Par ailleurs,
lâexistence dâune source dâinformation supplĂ©mentaire sur lâespace proche ne peut quâencourager la
coopération internationale. Cela apaisera aussi sans doute les craintes des Russes et des Chinois que
les Etats-Unis profitent de leur position actuelle de monopole pour Ă©tablir une discrimination Ă leur
encontre en ce qui concerne la diffusion des informations pertinentes. En fait, ces deux pays pourraient
mĂȘme ĂȘtre invitĂ©s Ă participer dâemblĂ©e au programme europĂ©en.
65.
Quoi quâil en soit, un tel systĂšme dĂ©montrerait la dĂ©termination de lâUE Ă protĂ©ger ses moyens
spatiaux face à la montée de nouvelles menaces. Sans ce systÚme, un agresseur potentiel pourrait se
livrer Ă des manipulations sur les satellites de lâUE ou mĂȘme carrĂ©ment les dĂ©truire et sâen tirer Ă bon
compte. En prĂ©sence dâun tel systĂšme, il saurait quâil courrait le risque dâĂȘtre pris en flagrant dĂ©lit et
de devoir faire face aux conséquences de ses actes.
Il est clair que lâexistence mĂȘme dâun systĂšme de
surveillance de lâespace constitue un progrĂšs dĂ©cisif pour dissuader tout agresseur.
66.
En outre, des mesures complĂ©mentaires plus simples pourraient ĂȘtre prises pour permettre aux
engins spatiaux de lâUE de rĂ©sister aux consĂ©quences dâune attaque. Elles ont Ă©tĂ© mentionnĂ©es
précédemment
69
. Il sâagit :
â
dâaugmenter la capacitĂ© Ă
remplacer rapidement et à bref préavis
les satellites vitaux pour
remédier à leur perte inopinée ;
â
de leur donner une
autonomie de fonctionnement
sur de courtes périodes pour parer à la
destruction possible de leurs systĂšmes de contrĂŽle ;
â
de leur permettre
dâeffectuer eux-mĂȘmes des rĂ©parations
limitées en orbite,
vraisemblablement en les dotant de piÚces de rechange et des mécanismes appropriés ;
â
de
durcir et de protéger
leurs sous-systÚmes vitaux afin de résister à des niveaux de radiation
et des champs électromagnétiques exceptionnellement élevés ;
â
de
mieux coder
leurs communications et de les Ă©quiper de systĂšmes de contre-mesures
électroniques qui détecteront et neutraliseront toute tentative de brouillage ou de piratage
dont ils seraient lâobjet ;
â
de les
Ă©quiper de capteurs embarquĂ©s et de dispositifs dâautoprotection
semblables Ă ceux
utilisĂ©s sur les avions de chasse aujourdâhui afin dâidentifier les satellites agresseurs et de se
défendre contre eux ;
â
dâaccroĂźtre considĂ©rablement les caractĂ©ristiques de
furtivité
au niveau de leur conception
pour leur permettre dâĂ©chapper Ă la dĂ©tection et de dissimuler certaines de leurs capacitĂ©s ;
â
dâamĂ©liorer les
mesures de sécurité
concernant les informations sur leur déploiement et leur
objectif
70
.
67.
On nâinsistera jamais trop sur lâimportance de ces mesures de prĂ©caution. Il ne fait aucun doute
quâĂ lâavenir, un satellite non dotĂ© de telles capacitĂ©s ne sera pas fiable. Il est vrai que ces satellites
reviennent cher et que leur développement impliquera un niveau sans précédent de coopération
industrielle et opérationnelle entre pays européens, mais leurs coûts sont peu élevés par rapport au coût
global du dĂ©ploiement et de lâutilisation dâengins spatiaux.
68.
Pour construire des satellites capables de survivre aux conditions hostiles quâengendrera
lâarsenalisation de lâespace, les pays europĂ©ens devront changer de politique. Ils ne peuvent plus
continuer à développer et acquérir des moyens spatiaux basés sur les seuls critÚres du marché. Un
homme dâaffaires nâacceptera pas facilement de rĂ©aliser de coĂ»teuses contre-mesures nâayant aucune
utilitĂ© commerciale. Câest au secteur public quâil revient dâassumer complĂštement la responsabilitĂ© de
garantir la survivabilité des satellites à double usage contre les armes antisatellites. Cela est
69
Voir partie IV.
70
Moltz James Clay ed,
Future Security in Space
âŠ, p. 12.
DOCUMENT
A/1932
21
particuliĂšrement vrai pour lâUE Ă©tant donnĂ© que â contrairement aux Etats-Unis â elle sâappuiera
uniquement sur des systÚmes duaux pour satisfaire à ses besoins militaires et de sécurité. Les
premiĂšres mesures Ă prendre devraient ĂȘtre dâaugmenter le budget consacrĂ© par les Etats membres de
lâUE Ă lâespace et dâaccroĂźtre la coopĂ©ration entre les institutions de sĂ©curitĂ© de lâUE et lâAgence
spatiale européenne.
VI.
Conclusions
69.
Les champions de lâarsenalisation de lâespace fondent leur argumentation sur un postulat
technique majeur : lâespace serait le bastion suprĂȘme et, par consĂ©quent, toute arme qui y serait placĂ©e
ne pourrait ĂȘtre dĂ©truite Ă partir de la terre
71
. Ce postulat, pour sĂ©duisant quâil soit, est faussĂ© Ă la base.
Certes, les armes spatiales pourraient utiliser la gravitĂ© Ă leur profit, Ă©tant donnĂ© quâelles pourraient
fondre sur leurs adversaires qui, eux, auraient Ă combattre les effets de la pesanteur
72
. Toutefois, que
cela nous plaise ou non, les armes orbitales seront soumises aux mĂȘmes lois physiques que nâimporte
quel satellite. Cela signifie
quâelles devront suivre des orbites fixes et prĂ©Ă©tablies, facilement
prévisibles
. Tout adversaire déterminé pourrait exploiter cette prévisibilité à son avantage. Les armes
spatiales les plus sophistiquĂ©es joueront donc un rĂŽle analogue aux fortifications fixes de lâancien
temps
73
. Les dĂ©fenseurs de lâarsenalisation de lâespace voudraient nous convaincre quâelles sont
parfaitement adaptées à la projection de force car elles pourraient faire indéfiniment le siÚge de
lâensemble de la planĂšte
74
. Mais lâhistoire nous a enseignĂ© que les ennemis nous rendent rarement le
service dâattaquer de front des positions fortifiĂ©es. Un adversaire intelligent choisirait de les
contourner.
70.
Tel sera inĂ©vitablement le cas des armes dans lâespace. Les adversaires agiront selon toute
probabilité de maniÚre indirecte et prendront des mesures asymétriques pour compenser la supériorité
Ă©crasante des Etats-Unis dans lâespace. Cela consistera Ă transfĂ©rer les installations clĂ©s sous terre ;
appliquer des techniques de camouflage et de leurre ; améliorer les capacités de surveillance spatiale et
concevoir des armes antisatellites basées au sol qui soient plus robustes et plus mobiles
75
. A cÎté de
telles contre-mesures, qui sont relativement bon marché, les milliards de dollars investis dans les
armes spatiales peuvent sembler disproportionnés.
71.
Enfin, les champions de lâarsenalisation de lâespace se plaisent Ă dire que leur doctrine est
imposĂ©e par le cours inĂ©luctable de lâhistoire. Ils affirment que, de mĂȘme que le XX
e
siĂšcle a vu la
montée de la puissance aérienne, le XXI
e
siÚcle sera le témoin de la montée de la puissance spatiale
76
.
Rien ne saurait ĂȘtre plus fallacieux que cette hypothĂšse. Au dĂ©but du siĂšcle passĂ©, lâaĂ©roplane nâĂ©tait
quâun phĂ©nomĂšne scientifique expĂ©rimental. La PremiĂšre guerre mondiale en a fait une arme. Au
début de la Seconde guerre mondiale, il a été utilisé essentiellement comme instrument de la
suprĂ©matie aĂ©rienne, mais Ă la fin de la guerre, câĂ©tait devenu un vĂ©ritable armement stratĂ©gique. Au
fil de lâhistoire, le dĂ©veloppement de la puissance aĂ©rienne a Ă©tĂ© mĂ» par la nĂ©cessitĂ©. Il sâagissait Ă
chaque fois de mettre rapidement fin Ă une guerre longue et meurtriĂšre. La puissance spatiale, au
contraire, est par essence offensive et elle est développée en temps de paix. La puissance aérienne a
Ă©tĂ© conçue, de toute Ă©vidence, comme moyen de mettre fin aux guerres ; Ă lâinverse, la puissance
spatiale pourrait avoir pour effet essentiel de créer la capacité de déclencher une nouvelle guerre.
71
Ce point de vue est repris constamment, notamment dans : Lambeth Benjamin S
, Mastering
âŠ
72
Dolman Everett Carl,
Space Power and US Hegemony
âŠ, pp.7-8.
73
Moltz James Clay ed,
Future Security in Space
âŠ, p. 29.
74
Dolman Everett Carl,
Space Power and US Hegemony
, p. 7.
75
Preston Bob,
Space Weapons Earth Wars
, pp. 81-82.
76
Lambeth Benjamin S,
MasteringâŠ
, pp. 164-166.
DOCUMENT A/1932
22
LISTE DâABRĂVIATIONS
ABM :
Anti Ballistic Missile Systems/SystĂšmes antimissiles balistiques.
ABMT :
Anti Ballistic Missile Systems Treaty/Traité sur la limitation des systÚmes antimissiles
balistiques/Traité ABM.
ADM/WMD :
Weapons of Mass Destruction/Armes de destruction massive.
ASAT :
Anti Satellite Weapons/Armes antisatellites.
EMP :
Electro Magnetic Pulse/Pulsation électromagnétique.
ESA :
European Space Agency/Agence spatiale
européenne.
GMES :
Global Monitoring for Environment and Security/Surveillance globale pour
lâenvironnement et la sĂ©curitĂ©.
GPS :
Ground Positioning System/SystĂšme de
positionnement global.
HAND :
High Altitude Nuclear Detonations/Explosions
nucléaires à haute altitude.
ICBM :
Inter Continental Ballistic Missiles/Missiles balistiques intercontinentaux.
IDS/SDI :
Strategic Defence Initiative/Initiative de défense stratégique.
IRBM :
Intermediate Range Ballistic Missiles/Missiles balistiques à portée intermédiaire.
KKV :
Kinetic Kill Vehicles/Véhicules de destruction cinétique.
LEOS :
Low Earth Orbit Satellites/Satellites en orbite basse.
LIAB :
Liability Convention/Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages
causés par des objets spatiaux.
MIRV :
Multiple Independent Re-entry Vehicles/Véhicules de rentrée à ogives multiples
guidables indépendamment de leur objectif.
MOON Agreement :
Moon Agreement/Accord sur la lune (Accord régissant les activités des
Etats sur la lune et les autres corps célestes).
NTB :
Nuclear Test Ban/Interdiction des essais nucléaires.
OD :
Orbital Debris/DĂ©bris orbitaux.
OST :
Outer Space Treaty/TraitĂ© sur lâespace extra-atmosphĂ©rique.
REG :
Registration Convention/Convention sur lâimmatriculation des objets lancĂ©s dans
lâespace extra-atmosphĂ©rique.
SATCOM :
Satellite Communications/Communications par satellite.
SPACEOPS :
Space Operations/Opérations spatiales.
SW :
Space Weapons/Armes spatiales.
USAF :
United States Air Force/ArmĂ©e de lâair des Etats-Unis.
DOCUMENT
A/1932
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