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DOCUMENT A/1932 

21 juin 2006

 
 

RAPPORT 

 

prĂ©sentĂ© au nom de la Commission technique et aĂ©rospatiale 

par M. Alan Meale, rapporteur (Royaume-Uni, Groupe socialiste) 

 CINQUANTE-DEUXIÈME 

SESSION 

________ 

 

Le dĂ©ploiement d’armements dans l’espace 

 

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ASSEMBLÉE DE L’UNION DE L’EUROPE OCCIDENTALE 

ASSEMBLÉE INTERPARLEMENTAIRE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE 

43, avenue du PrĂ©sident-Wilson, 75775 Paris Cedex 16  

TĂ©l. 01.53.67.22.00 – Fax 01.53.67.22.01 

E-mail : info@assembly.weu.int 

Internet : 

http://assembly.weu.int

 

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DOCUMENT A/1932 

21 juin 2006

 

 

RAPPORT 

 

prĂ©sentĂ© au nom de la Commission technique et aĂ©rospatiale 

par M. Alan Meale, rapporteur (Royaume-Uni, Groupe socialiste)

 

 

 

 CINQUANTE-DEUXIÈME 

SESSION 

________ 

 

 

 

Le dĂ©ploiement d’armements dans l’espace 

 

 
 

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Document A/1932 

21 juin 2006

 

Le dĂ©ploiement d’armements dans l’espace 

______ 

 

RAPPORT

1

 

 

prĂ©sentĂ© au nom de la Commission technique et aĂ©rospatiale 

par M. Alan Meale, rapporteur (Royaume-Uni, Groupe socialiste) 

______ 

 

TABLE DES MATIÈRES 

 

RECOMMANDATION N° 783

 

sur le dĂ©ploiement d’armements dans l’espace 

REMERCIEMENTS

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

 

prĂ©sentĂ© par M. Alan Meale, rapporteur (Royaume-Uni, Groupe socialiste) 

I.  

Introduction 

II.  

Rappel de quelques notions de base 

III.   Armes et missions spatiales 

IV.   Les armes spatiales comme rĂ©ponse aux menaces Ă©ventuelles et leurs 

limites 

V.   Le dĂ©bat sur l’arsenalisation de l’espace aux Etats-Unis 

V.   Comment l’UE doit rĂ©agir Ă  l’arsenalisation de l’espace 

VI.   Conclusions 

LISTE D’ABRÉVIATIONS

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 
 

                                                 

1

 AdoptĂ© par la commission Ă  l’unanimitĂ© le 16 mai 2006. 

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DOCUMENT A/1932 

 

 

RECOMMANDATION N° 783

2

 

sur le dĂ©ploiement d’armements dans l’espace 

L’AssemblĂ©e, 

(i)

 

Constatant qu’en ce qui concerne les opĂ©rations militaires menĂ©es en temps de paix comme en 

temps de guerre, les forces armĂ©es sont devenues si dĂ©pendantes des systĂšmes spatiaux qu’il n’est pas 
concevable qu’elles puissent se passer d’eux ; 

(ii)

 

Rappelant Ă  ce sujet que les satellites sont utilisĂ©s essentiellement pour la cartographie et la 

gĂ©odĂ©sie, la reconnaissance stratĂ©gique, optique et Ă©lectronique, la transmission des communications, 
la navigation et l’observation mĂ©tĂ©orologique et que, bien qu’aucun de leurs emplois ne soit nouveau 
dans le domaine militaire, ce qui rend les satellites plus importants aujourd’hui qu’autrefois, c’est 
l’augmentation extraordinaire du nombre des systĂšmes qui en dĂ©pendent en tout ou en partie ; 

(iii)

 

ConsidĂ©rant que cette dĂ©pendance croissante vis-Ă -vis des satellites pour conduire des 

opĂ©rations militaires a mis en Ă©vidence leur extrĂȘme vulnĂ©rabilitĂ© Ă  une attaque ; 

(iv)

 

Soulignant que l’administration actuelle des Etats-Unis a dĂ©cidĂ©, dans ce contexte, de faire de 

la protection des satellites amĂ©ricains un axe essentiel de sa politique de dĂ©fense ; 

(v)

 

Constatant que la question qui se pose aux Etats-Unis, Ă  savoir s’ils doivent ou non franchir le 

pas et ouvrir la boĂźte de Pandore en dĂ©ployant des armes dans l’espace, a stimulĂ© un vaste dĂ©bat dans 
les milieux militaires, politiques et acadĂ©miques amĂ©ricains ; 

(vi)

 

Rappelant que l’idĂ©e de placer des armes en orbite a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© envisagĂ©e Ă  plusieurs reprises au 

cours de la guerre froide et que le danger manifeste d’une telle course aux armements dans l’espace a 
incitĂ© les Etats-Unis, comme l’URSS, Ă  s’efforcer sans relĂąche de rĂ©glementer leurs activitĂ©s spatiales 
et leurs essais nuclĂ©aires en particulier ; 

(vii)

 

ConsidĂ©rant, nĂ©anmoins, que si tous les accords signĂ©s Ă  ce sujet constituent un formidable 

prĂ©cĂ©dent dans le plaidoyer contre l’arsenalisation de l’espace, ils ne l’interdisent pas explicitement et 
que seul le dĂ©ploiement d’ADM est interdit en application du TraitĂ© sur l’exploration de l’espace ; 

(viii)

 

Notant qu’en ce qui concerne la nature, le dĂ©ploiement et l’emploi des armes spatiales 

actuellement en dĂ©veloppement pour l’arsenal amĂ©ricain, on distingue, d’un point de vue technique, 
les armes Ă  Ă©nergie dirigĂ©e – dont les dispositifs de brouillage Ă©lectronique, les lasers basĂ©s dans 
l’espace, les armes Ă  hyperfrĂ©quences et Ă  impulsion Ă©lectromagnĂ©tique – et les armes Ă  projection de 
masse – dont les munitions Ă  Ă©nergie cinĂ©tique et les munitions conventionnelles tirĂ©es en orbite – et 
que les satellites utilisĂ©s de maniĂšre agressive peuvent aussi ĂȘtre ajoutĂ©s Ă  la liste des armes spatiales 
potentielles ; 

(ix)

 

Constatant que les petits satellites sont une source de prĂ©occupation particuliĂšre pour les 

autoritĂ©s amĂ©ricaines, alarmĂ©es par les projets rĂ©cents de la Chine et de l’Inde dans ce domaine, car 
elles sont persuadĂ©es que le faible coĂ»t de ces systĂšmes les place aussi Ă  la portĂ©e des grands rĂ©seaux 
terroristes ; 

(x)

 

ConsidĂ©rant Ă©galement que la menace des explosions nuclĂ©aires Ă  haute altitude effraie aussi 

les Etats-Unis car elle s’intensifie rapidement, liĂ©e Ă  la prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires et Ă  la 
technologie des missiles ; 

(xi)

 

Rappelant Ă  ce sujet le rapport de la Commission Rumsfeld qui affirme dans ses conclusions, 

entre autres, que le gouvernement n’est pas prĂ©parĂ© Ă  faire face Ă  une Ă©ventuelle agression Ă  partir de 
l’espace et que l’extension des conflits Ă  l’espace reprĂ©sente une Ă©volution historique inĂ©vitable ; 

(xii)

 

Soulignant que l’idĂ©e d’un contrĂŽle effectif de l’espace n’est pas nouvelle puisque dans toutes 

les doctrines spatiales amĂ©ricaines adoptĂ©es Ă  partir des annĂ©es 1950, la supĂ©rioritĂ© spatiale a toujours 
Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme un enjeu majeur de la sĂ©curitĂ© nationale des Etats-Unis ; 

                                                 

2

  AdoptĂ©e par l’AssemblĂ©e le 21 juin, au cours de sa quatriĂšme sĂ©ance plĂ©niĂšre. 

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DOCUMENT 

A/1932 

 

 

(xiii)

 

Constatant que la Commission Rumsfeld est allée plus loin en laissant entendre que les Etats-

Unis devraient Ă©largir la notion de contrĂŽle de l’espace en y incluant l’exercice de la force, ce qui 
signifie qu’ils dĂ©ploieraient dans l’espace des armes conçues pour rechercher et dĂ©truire tout dispositif 
menaçant les satellites amĂ©ricains, Ă  partir de la terre ou de l’espace, avant mĂȘme qu’il ait la possibilitĂ© 
d’atteindre sa cible ; 

(xiv)

 

ConsidĂ©rant que cela implique l’utilisation de satellites armĂ©s non seulement contre des armes 

antisatellites entrantes, mais Ă©galement contre leurs sites de lancement Ă  la surface de la planĂšte et que 
cela impose donc de recourir Ă  des armes dotĂ©es de capacitĂ©s offensives et de premiĂšre frappe et que, 
par voie de consĂ©quence, on passerait de la notion de suprĂ©matie spatiale Ă  celle de domination 
spatiale, crĂ©ant ainsi un nouvel environnement stratĂ©gique ; 

(xv)

 

Soulignant que la Russie et la Chine semblent dĂ©terminĂ©es Ă  Ă©viter l’arsenalisation de l’espace 

par des moyens juridiques et politiques et Ă  encourager l’entente multilatĂ©rale sur cette question, mais 
que cette attitude pourrait facilement changer aprĂšs le dĂ©ploiement des premiĂšres armes amĂ©ricaines ; 

(xvi)

 

ConsidĂ©rant que l’arsenalisation de l’espace n’engendrera pas de course aux armements en 

orbite, mais sur terre car les armes antisatellites seront reconnues en tant que moyens de dĂ©fense 
lĂ©gitimes contre des satellites assaillants amĂ©ricains ; 

(xvii)

 

Notant que la prolifĂ©ration des armes antisatellites posera un problĂšme international majeur en 

comparaison de la prolifĂ©ration nuclĂ©aire d’aujourd’hui car certains pays, qui ont actuellement des 
armes antisatellites rudimentaires, se mettront Ă  en dĂ©velopper de plus sophistiquĂ©es, et d’autres, qui 
n’avaient jamais envisagĂ© d’en acquĂ©rir, commenceront Ă  y songer ; 

(xviii)

 

ConsidĂ©rant que, si des armes sont dĂ©ployĂ©es dans l’espace, les conditions dans l’espace 

proche deviendront plus hostiles que jamais et que ces armes auront donc produit l’effet inverse de 
leurs objectifs dĂ©clarĂ©s ; 

(xix)

 

Constatant que les satellites deviendront donc plus complexes et plus onĂ©reux en raison de 

l’incorporation des mesures de protection contre les armes antisatellites et de la montĂ©e des coĂ»ts des 
assurances et que, de ce fait, la suspicion entre puissances spatiales atteindra des niveaux sans 
prĂ©cĂ©dent, au dĂ©triment de la coopĂ©ration internationale sur l’exploration pacifique de l’espace ; 

(xx)

 

Soulignant que l’industrie spatiale mondiale et, plus particuliĂšrement, europĂ©enne subira de 

plein fouet les conditions dĂ©sastreuses d’une arsenalisation de l’espace et qu’un recul prĂ©visible de 
l’investissement privĂ© devant une telle arsenalisation confrontera cette industrie Ă  de graves difficultĂ©s 
financiĂšres ; 

(xxi)

 

ConsidĂ©rant que l’Union europĂ©enne a tout intĂ©rĂȘt Ă  Ă©viter des consĂ©quences aussi 

catastrophiques et qu’elle ne peut pas rester indiffĂ©rente face Ă  de tels risques,  

RECOMMANDE AU CONSEIL D’INVITER LES ETATS MEMBRES DE L’UEO EN 
TANT QUE MEMBRES DE L’UE ET DE L’AGENCE SPATIALE EUROPÉENNE 

1.

 

A crĂ©er un rĂ©seau europĂ©en de surveillance spatiale capable de fournir des informations 

constantes, en temps quasi rĂ©el, sur la position de tous les satellites, europĂ©ens ou non. Un tel systĂšme, 
Ă  vocation civile et militaire, devrait, d’une part, suivre les satellites et contribuer Ă  Ă©viter les collisions 
dans l’espace et, d’autre part, vĂ©rifier le bon fonctionnement de nos outils, identifier les satellites 
hostiles en phase d’approche et surveiller le dĂ©ploiement des armes dans l’espace. Ce systĂšme pourrait 
aussi, ultĂ©rieurement et en dernier recours, fournir les coordonnĂ©es pour le guidage vers l’objectif des 
armes antisatellites basĂ©es au sol ; 

2.

 

A prendre en compte, Ă  ce sujet, que : 

(a)

 

la disponibilitĂ© d’un systĂšme de surveillance de l’espace est la condition indispensable au 
dĂ©ploiement de tout engin spatial Ă  des fins de sĂ©curitĂ© ; 

(b)

 

la surveillance de l’espace est aussi importante, pour des raisons de sĂ©curitĂ©, que la 
surveillance effectuĂ©e Ă  partir de l’espace ; 

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DOCUMENT A/1932 

 

 

(c)

 

l’acquisition d’un tel systĂšme par l’UE n’aurait absolument pas pour but de rivaliser avec 
les Etats-Unis dans ce domaine, mais ce systĂšme devrait au contraire ĂȘtre considĂ©rĂ© 
comme complĂ©mentaire de son homologue amĂ©ricain, de mĂȘme que la constellation 
Galileo fonctionnera parallĂšlement au systĂšme GPS ; 

(d)

 

l’existence d’une source d’information supplĂ©mentaire sur l’espace proche devrait aussi 
encourager la coopĂ©ration internationale : la Russie et la Chine pourraient mĂȘme ĂȘtre 
invitĂ©es Ă  participer d’emblĂ©e au programme europĂ©en afin d’apaiser leurs craintes que 
les Etats-Unis profitent de leur position actuelle de monopole pour Ă©tablir une 
discrimination Ă  leur encontre concernant la diffusion des informations pertinentes ; 

(e)

 

un tel systĂšme dĂ©montrerait la dĂ©termination de l’UE Ă  protĂ©ger ses moyens spatiaux face 
Ă  la montĂ©e de nouvelles menaces car il est clair qu’il constitue un progrĂšs dĂ©cisif pour 
dissuader tout agresseur ; 

3.

 

A prendre des mesures supplĂ©mentaires pour permettre aux engins spatiaux de l’UE de rĂ©sister 

aux consĂ©quences d’une attaque, telles que : 

–

 

augmenter notre capacitĂ© Ă  remplacer rapidement et Ă  bref dĂ©lai les satellites vitaux pour 
remĂ©dier Ă  leur perte inopinĂ©e ; 

–

 

leur donner une autonomie de fonctionnement sur de courtes pĂ©riodes pour parer Ă  la 
destruction possible de leurs systĂšmes de contrĂŽle ; 

–

 

leur permettre d’effectuer eux-mĂȘmes des rĂ©parations limitĂ©es en orbite, en les dotant de 
piĂšces de rechange et de mĂ©canismes appropriĂ©s ; 

–

 

renforcer et protĂ©ger leurs sous-systĂšmes vitaux afin qu’ils puissent rĂ©sister Ă  des niveaux 
de radiation et des champs Ă©lectromagnĂ©tiques exceptionnellement Ă©levĂ©s ; 

–

 

mieux coder leurs communications et les Ă©quiper de systĂšmes de contre-mesures 
Ă©lectroniques qui dĂ©tecteront et neutraliseront toute tentative de brouillage ou de piratage 
dont ils feraient l’objet ; 

–

 

les Ă©quiper de capteurs embarquĂ©s et de consoles d’autoprotection semblables Ă  ceux 
utilisĂ©s actuellement sur les avions de chasse afin d’identifier les satellites agresseurs et de 
se dĂ©fendre contre eux ;  

–

 

accroĂźtre considĂ©rablement les caractĂ©ristiques de furtivitĂ© au niveau de leur conception 
pour leur permettre d’échapper Ă  la dĂ©tection et de dissimuler certaines de leurs capacitĂ©s ; 

–

 

amĂ©liorer les mesures de sĂ©curitĂ© concernant les informations sur leur dĂ©ploiement et leur 
objectif ; 

4.

 

A prendre en compte qu’en Europe, il revient au secteur public d’assumer complĂštement la 

responsabilitĂ© de garantir la survivabilitĂ© des satellites Ă  double usage contre les armes antisatellites 
car, contrairement aux Etats-Unis, l’Europe s’appuiera uniquement sur des systĂšmes duaux pour 
satisfaire Ă  ses besoins militaires et de sĂ©curitĂ© ; 

5.

 

A augmenter les budgets consacrĂ©s Ă  l’espace aux niveaux national et europĂ©en ; 

6.

 

A accroĂźtre la coopĂ©ration entre les institutions de sĂ©curitĂ© de l’UE et l’Agence spatiale 

europĂ©enne. 

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DOCUMENT 

A/1932 

 

 

REMERCIEMENTS 

L’auteur du prĂ©sent rapport voudrait remercier les personnes suivantes pour l’aide prĂ©cieuse qu’elles 
lui ont apportĂ©e dans la prĂ©paration de ce rapport : 

Colonel Yves Blin, 

Chef du Bureau Espace, Etat-major des armĂ©es françaises, ministĂšre français de la 

dĂ©fense 

Gerhard Brauer

, Chef du Bureau SĂ©curitĂ©, Agence spatiale europĂ©enne 

Luca Del Monte

, ChargĂ© de la politique de sĂ©curitĂ©, Bureau des politiques de sĂ©curitĂ© du Directeur 

gĂ©nĂ©ral de l’Agence spatiale europĂ©enne 

Louis LĂ©vĂȘque

, Expert international, Direction de la dĂ©fense, EADS Space Transportation 

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DOCUMENT A/1932 

 

 

EXPOSÉ DES MOTIFS 

 

prĂ©sentĂ© par M. Alan Meale, rapporteur (Royaume-Uni, Groupe socialiste) 

I.

 

Introduction 

1.

 

L’espace revĂȘt aujourd’hui, pour les pays dĂ©veloppĂ©s, une importance sans prĂ©cĂ©dent. Nos 

sociĂ©tĂ©s Ă©tant de plus en plus fortement tributaires d’un flux constant d’informations, la protection des 
instruments qui servent Ă  obtenir, traiter et diffuser ces informations est devenue un enjeu majeur pour 
tous les pays. Parmi ces instruments, les satellites en orbite terrestre sont les plus performants et leur 
utilisation se dĂ©veloppe rapidement, Ă  des fins tant civiles que militaires. En ce qui concerne plus 
spĂ©cialement les opĂ©rations militaires menĂ©es en temps de paix comme en temps de guerre, nos forces 
armĂ©es sont devenues si dĂ©pendantes des systĂšmes spatiaux qu’il est difficilement concevable qu’elles 
puissent se passer d’eux

3

.  

2.

 

A l’heure actuelle, les satellites sont utilisĂ©s essentiellement pour la cartographie et la gĂ©odĂ©sie, 

la reconnaissance stratĂ©gique, optique et Ă©lectronique, la transmission des communications, la 
navigation et l’observation mĂ©tĂ©orologique

4

. Aucun de ces emplois n’est nouveau dans le domaine 

militaire. Ce qui rend les satellites plus importants aujourd’hui qu’autrefois, c’est l’augmentation 
inouĂŻe du nombre de systĂšmes militaires qui en dĂ©pendent en tout ou en partie

5

. Pour prendre deux 

exemples typiques, les munitions guidĂ©es de prĂ©cision et les engins sans pilote sont fortement 
tributaires des satellites ; les premiĂšres en ont besoin pour naviguer et localiser leurs cibles et les 
seconds pour communiquer avec leur station de contrĂŽle au sol

6

.  

3.

 

En outre, les communications par satellites (SATCOM) jouent aussi un rĂŽle essentiel dans la 

mise en Ɠuvre du nouveau concept de guerre rĂ©seau-centrĂ©e, car ce sont les moyens de 
communication les plus sĂ»rs et ceux qui offrent la plus large couverture

7

. En bref, ces derniĂšres annĂ©es 

ont vu une migration toujours croissante, en nombre et en qualitĂ©, des capacitĂ©s militaires vers 
l’espace, due au dĂ©veloppement de systĂšmes d’armes dont les performances ne sont pas seulement 
amĂ©liorĂ©es, mais directement gĂ©nĂ©rĂ©es par le support spatial. Cette tendance a conduit peu Ă  peu les 
responsables de la planification militaire Ă  traiter l’espace comme un milieu opĂ©rationnel classique, 
analogue Ă  l’air, Ă  la mer ou Ă  la terre. 

4.

 

Par ailleurs, cette dĂ©pendance croissante vis-Ă -vis des satellites pour conduire des opĂ©rations 

militaires a mis en Ă©vidence leur extrĂȘme vulnĂ©rabilitĂ© Ă  une attaque ou Ă  des dĂ©tĂ©riorations. Car ce 
sont, il faut le reconnaĂźtre, des matĂ©riels trĂšs coĂ»teux, sophistiquĂ©s et sensibles qui peuvent facilement 
ĂȘtre neutralisĂ©s ou dĂ©truits. Mais bien que ce talon d’Achille ait toujours existĂ©, les satellites jouent un 
rĂŽle de plus en plus important qui fait que cette faiblesse ne peut plus ĂȘtre ignorĂ©e. 

5.

 

C’est dans ce contexte que l’administration actuelle des Etats-Unis a dĂ©cidĂ© de faire de la 

protection des satellites amĂ©ricains un axe essentiel de sa politique de dĂ©fense. L’un des moyens 
envisagĂ©s pour rĂ©duire leur vulnĂ©rabilitĂ© Ă©tait de les armer et/ou de dĂ©ployer sĂ©parĂ©ment des satellites 
armés pour les protéger

8

. Depuis cinq ans, cette perspective a stimulĂ© un vaste dĂ©bat interne dans les 

milieux militaires, politiques et acadĂ©miques amĂ©ricains sur la question de savoir si les Etats-Unis 
devraient ou non franchir le pas et ouvrir la boĂźte de Pandore en dĂ©ployant ces armes dans l’espace. Un 
tel dĂ©ploiement dĂ©montrerait la dĂ©termination des Etats-Unis d’étendre Ă  l’espace proche la supĂ©rioritĂ© 

                                                 

3

 Scott William B, 

War games Underscore Value of Space Assets for Military Ops

Aviation Week and Space 

Technology

, 28 avril 1997, p. 60. 

4

 Federation of American Scientists, 

Ensuring America’s Space Security: Report of the FAS Panel on Weapons 

in Space

, Washington DC, FAS, septembre 2004, p. 11. 

5

 Lambeth Benjamin S, 

Mastering the Ultimate High Ground: Next Steps in the Military Uses of Space

, Santa 

Monica, RAND Corp, 2003, p. 97. 

6

 Ibid, p. 120. Lewis Jeffrey, 

What if Space Were Weaponized? Possible Consequences for Crisis Scenarios

Center for Defence Information, Washington DC, juillet 2004, p. 15. 

7

 Issler Gordon D, 

Space Warfare meets Information Warfare

Joint Forces Quarterly

, automne 2000, p. 100. 

8

 Scott William B, 

CINCSPACE Wants Attack Detectors on Satellites

Aviation Week and Space Technology

, 28 

avril 1997. 

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DOCUMENT 

A/1932 

 

 

militaire Ă©crasante dont ils jouissent actuellement sur terre, en vue de s’assurer la maĂźtrise de ce milieu 
Ă  des fins dĂ©fensives, de protĂ©ger leurs moyens orbitaux et d’en interdire l’utilisation Ă  d’éventuels 
adversaires. Bien que la question soit loin d’ĂȘtre tranchĂ©e, le Pentagone a dĂ©jĂ  affectĂ© des fonds 
considĂ©rables au dĂ©veloppement d’armes antisatellites basĂ©es dans l’espace, montrant ainsi que le 
dĂ©ploiement d’armes dans l’espace est sĂ©rieusement envisagĂ©

9

6.

 

Ce dernier dĂ©veloppement et ses consĂ©quences constitueront le thĂšme de ce rapport. Celui-ci se 

concentrera essentiellement sur l’utilisation opĂ©rationnelle Ă©ventuelle des armes spatiales, 
l’importance stratĂ©gique de la maĂźtrise de l’espace et les implications politiques pour les relations 
internationales et transatlantiques d’une dĂ©cision unilatĂ©rale des Etats-Unis d’armer l’espace. Il tentera 
de fournir : 

–

 

une sĂ©rie de dĂ©finitions sur l’espace, les armes spatiales et leur utilisation afin de dĂ©limiter le 
cadre de la discussion ; 

–

 

une description brĂšve mais prĂ©cise des traitĂ©s internationaux rĂ©gissant actuellement 
l’utilisation militaire de l’espace et de leurs insuffisances ; 

–

 

une prĂ©sentation dĂ©taillĂ©e mais non exhaustive des armes spatiales Ă  l’étude dans les milieux 
militaires amĂ©ricains, de la doctrine dĂ©finissant leur utilisation potentielle, de leurs effets 
opĂ©rationnels et de leurs limites ; 

–

 

une estimation des consĂ©quences politiques qu’aurait pour les pays de l’Union europĂ©enne et 
d’autres une dĂ©cision unilatĂ©rale des Etats-Unis de dĂ©ployer de telles armes, assortie d’une 
proposition en vue de parer ou de rĂ©agir Ă  une telle Ă©volution. 

II.

 

Rappel de quelques notions de base 

7.

 

Il convient pour commencer de clarifier les notions d’espace et d’armes spatiales afin de 

replacer leur dĂ©ploiement et leur utilisation dans leur contexte. Aux fins du prĂ©sent rapport, nous 
considĂ©rerons comme arme tout instrument destinĂ© Ă  infliger des dommages. Nous prendrons le terme 
d’espace dans son acception la plus gĂ©nĂ©rale, selon laquelle il se dĂ©finit comme la zone situĂ©e Ă  une 
altitude supĂ©rieure Ă  100 km au-dessus de la surface de la terre. Il s’agit bien sĂ»r d’une dĂ©finition 
classique, partant du principe que l’atmosphĂšre terrestre Ă  cette altitude devient si tĂ©nue que les lois de 
l’aĂ©rodynamique cessent de s’appliquer et qu’il faut donc considĂ©rer ce milieu comme Ă©tant diffĂ©rent 
de l’air. De plus, nous devons considĂ©rer qu’une arme est basĂ©e dans l’espace uniquement si elle peut 
opĂ©rer 

dans

 l’espace et 

Ă  partir

 de celui-ci, et non si elle ne fait que le 

traverser

. Cette restriction est 

importante, car elle exclut les armes basĂ©es au sol qui ne font que franchir le seuil des 100 km, tels que 
les ICBM et les MIRV dans leur phase de vol intermĂ©diaire, ou les aĂ©ronefs expĂ©rimentaux tels que le 
projet X-43 de l’armĂ©e de l’air amĂ©ricaine. En consĂ©quence, une arme spatiale se dĂ©finit comme toute 
arme placĂ©e sur une orbite permanente Ă  une altitude supĂ©rieure Ă  100 km. 

8.

 

Il convient par ailleurs de distinguer entre « l’arsenalisation Â» (en anglais 

weaponisation

) et « la 

militarisation Â» de l’espace. Qu’on le veuille on non, la militarisation de l’espace est dĂ©jĂ  entrĂ©e dans 
les faits, de nombreux satellites Ă  usage militaire Ă©tant actuellement en service

10

. Ils servent non 

seulement Ă  faciliter les opĂ©rations en assurant une dĂ©tection prĂ©coce, en transmettant des informations 
et des communications et en assurant le soutien de la conduite des opĂ©rations, mais ils permettent 
directement aux munitions guidĂ©es de prĂ©cision de se diriger vers leur cible. Ces satellites (tels que le 
GPS ou Ă©ventuellement les futures constellations Galileo) font partie intĂ©grante et constituent un 
Ă©lĂ©ment crucial du systĂšme d’arme qu’ils soutiennent, et dans ce sens, ils prennent dĂ©jĂ  une part active 
aux opĂ©rations terrestres. Toutefois, dans la mesure oĂč ils ne lancent pas eux-mĂȘmes d’armes, ils ne 

                                                 

9

 Pour une description exhaustive de toutes les armes spatiales amĂ©ricaines officiellement en cours de 

dĂ©veloppement, voir Lewis Jeffrey, 

Lift-Off for Space Weapons? Implications of the Department of Defence’s 

2004 Budget Request for Space Weaponization

, Center for International and Security Studies, Maryland, 

UniversitĂ© du Maryland, juillet 2003. 

10

 Pour une histoire de la militarisation de l’espace, voir Stares Paul B, 

The Militarization of Space: US Policy, 

1945-1984,

 Ithaca, New York, Cornwell University Press, 1985. 

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DOCUMENT A/1932 

 

 

peuvent pas ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des armes

11

. C’est donc prĂ©cisĂ©ment le dĂ©ploiement d’armes en 

orbite permanente dans l’intention de lancer des attaques depuis cette orbite contre des cibles basĂ©es 
dans l’espace ou au sol qui constitue « l’armement » de l’espace. 

9.

 

L’idĂ©e de placer des armes en orbite est loin d’ĂȘtre nouvelle. En effet, cette possibilitĂ© avait Ă©tĂ© 

envisagĂ©e Ă  plusieurs reprises au cours de la guerre froide, par exemple au milieu des annĂ©es 1950. 
Les militaires amĂ©ricains y avaient pensĂ© dĂšs le lancement rĂ©ussi de Spoutnik par l’Union soviĂ©tique, 
le 4 octobre 1957. Devant la frayeur qui s’était emparĂ©e de l’opinion amĂ©ricaine aussitĂŽt aprĂšs ce 
succĂšs soviĂ©tique, les responsables de l’armĂ©e de l’air amĂ©ricaine se mirent Ă  Ă©tudier la possibilitĂ© que 
le camp adverse puisse exploiter son avantage technologique en dĂ©ployant des satellites de 
bombardement dotĂ©s d’armes nuclĂ©aires. On commença alors Ă  parler d’une riposte des Etats-Unis et Ă  
voir se dessiner l’éventualitĂ© d’une course aux armements dans l’espace

12

. MĂȘme si ces projets ne 

devaient jamais se matĂ©rialiser, ils donnĂšrent naissance aux premiers concepts d’armes antisatellites 
basĂ©es au sol.  

10.

 

Ces dĂ©veloppements ont finalement abouti Ă  une sĂ©rie d’explosions nuclĂ©aires Ă  haute altitude 

(HAND) (Projet Swordfish), exĂ©cutĂ©es dans le plus grand secret de façon presque simultanĂ©e par les 
Etats-Unis et l’URSS au dĂ©but des annĂ©es 1960. DestinĂ©s Ă  confirmer l’utilitĂ© de ces armes en tant que 
moyens antisatellites, ces essais ont donnĂ© des rĂ©sultats alarmants, car ils ont rĂ©vĂ©lĂ© qu’un seul HAND 
pouvait provoquer la dĂ©gradation progressive ou mĂȘme la destruction de presque tous les satellites 
gravitant en orbite terrestre basse. En effet, les radiations dĂ©gagĂ©es par l’explosion seraient piĂ©gĂ©es par 
le champ magnĂ©tique terrestre (les ceintures de Van Allen) et provoqueraient une Ă©lĂ©vation du taux de 
radioactivitĂ© dans les couches supĂ©rieures de l’atmosphĂšre pendant plusieurs annĂ©es, voire plusieurs 
dĂ©cennies, infligeant des dommages considĂ©rables Ă  tous les satellites qui traverseraient ces zones et 
provoquant leur dysfonctionnement en l’espace de quelques mois tout au plus

13

11.

 

Le danger manifeste que les effets d’une course aux armements dans l’espace reprĂ©sentaient 

pour l’humanitĂ© dans le contexte de la guerre froide a incitĂ© les Etats-Unis comme l’URSS Ă  s’efforcer 
sans relĂąche de rĂ©glementer leurs activitĂ©s spatiales et en particulier leurs essais nuclĂ©aires. Un 
premier pas a Ă©tĂ© franchi dans cette direction avec la signature Ă  Moscou, le 5 aoĂ»t 1963, du TraitĂ© 
interdisant les essais d’armes nuclĂ©aires dans l’atmosphĂšre, dans l’espace extra-atmosphĂ©rique et sous 
l’eau qui a effectivement mis fin aux essais nuclĂ©aires dans l’espace. Il fut suivi peu aprĂšs par la 
signature, dans le cadre institutionnel des Nations unies, d’un certain nombre de traitĂ©s internationaux 
liĂ©s Ă  l’espace. Le plus important d’entre eux est le TraitĂ© de 1967 « sur les principes rĂ©gissant les 
activitĂ©s des Etats en matiĂšre d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphĂ©rique, y compris 
la Lune et les autres corps cĂ©lestes Â» qui rĂ©glemente l’exploration pacifique de l’espace et y interdit le 
dĂ©ploiement d’armes de destruction massive (ADM)

14

.  

12.

 

Vinrent ensuite la Convention de 1972 sur la responsabilitĂ© internationale pour les dommages 

causĂ©s par des objets spatiaux (LIAB), la Convention de 1975 sur l’immatriculation des objets lancĂ©s 
dans l’espace et l’Accord de 1979 « rĂ©gissant les activitĂ©s des Etats sur la Lune et les autres corps 
cĂ©lestes Â». En outre, depuis 1981, l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies vote presque chaque annĂ©e 
un certain nombre de rĂ©solutions appelant Ă  la prĂ©vention d’une course aux armements dans l’espace, 
et invitant tous les pays dotĂ©s de capacitĂ©s spatiales Ă  Ă©viter de crĂ©er un espace armĂ©

15

                                                 

11

 Federation of American Scientists, 

Ensuring America’s Security


, p.9. 

12

 Preston Bob, Johnson Dana, Edwards Sean, Miller Michael and Shipbaugh Calvin, 

Space

 

Weapons Earth 

Wars

, Santa Monica, RAND Corp., 2002, p. 9. 

13

 Pour une analyse complĂšte de ce phĂ©nomĂšne, voir 

FAS, Ensuring America’s Security

, annexe C, pp. 82-92. 

14

 Article 4 du TraitĂ©. 

15

 Le texte de la derniĂšre rĂ©solution (59/65) et de toutes les rĂ©solutions pertinentes adoptĂ©es par l’AssemblĂ©e 

gĂ©nĂ©rale des Nations unies depuis 1948 peut ĂȘtre consultĂ© sur le site internet du Bureau des Nations unies sur 
l’espace extra-atmosphĂ©rique 

http://oosa.unvienna.org/Spacelaw/gares/index.html

. Pour une prĂ©sentation 

dĂ©taillĂ©e des traitĂ©s sur l’espace, voir : Dean Jonathan, 

Defences in Space : Treaty Issues

, in James Clay Moltz 

ed, 

Future Security in Space : Commercial, Military and Arms Control Trade-Offs

Occasional Paper 

N° 10, 

Monterey Institute for International Studies, Center for Non-proliferation Studies, Monterey.  

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DOCUMENT 

A/1932 

 

 

13.

 

NĂ©anmoins, si ces accords constituent un formidable prĂ©cĂ©dent dans le plaidoyer contre 

l’arsenalisation de l’espace, ils ne l’interdisent pas explicitement. Seul le dĂ©ploiement d’ADM est 
interdit en application du TraitĂ© sur l’espace. On pourrait Ă©galement faire valoir qu’un pays dont les 
moyens spatiaux seraient attaquĂ©s depuis l’espace pourrait invoquer la responsabilitĂ© de l’agresseur, 
conformĂ©ment aux dispositions de la convention LIAB. Mais les dispositions en vigueur n’empĂȘchent 
pas un pays de dĂ©ployer des armes de ce type ; ils pourraient tout au plus ĂȘtre tenus pour responsables 
de leur utilisation. Par ailleurs, le gouvernement amĂ©ricain a maintes fois fait savoir qu’il se rĂ©servait 
le droit de disposer des armes dans l’espace. Les Etats-Unis figurent d’ailleurs parmi les rares pays 
(quatre seulement) qui choisissent traditionnellement de s’abstenir lors du vote annuel d’une rĂ©solution 
des Nations unies. 

14.

 

Le seul texte de droit international qui se soit attaquĂ© directement au problĂšme en excluant 

catĂ©goriquement la possibilitĂ© du dĂ©ploiement d’armements dans l’espace est le TraitĂ© de 1972 sur la 
limitation des systĂšmes de missiles antibalistiques (ABM) signĂ© entre les Etats-Unis et l’URSS. 
L’article 5 de ce traitĂ© interdit le dĂ©veloppement ou le dĂ©ploiement de systĂšmes ABM dans l’espace, 
disposition qui couvre pratiquement tous les types d’armes basĂ©es dans l’espace. Il est vrai qu’aucun 
des deux signataires n’a jamais respectĂ© le traitĂ© Ă  la lettre, puisqu’ils ont continuĂ© secrĂštement Ă  
mettre au point et Ă  tester des armes antisatellites. Au dĂ©but des annĂ©es 1970, l’URSS a mĂȘme testĂ© le 
prototype d’une « mine spatiale Â» ou « satellite tueur Â». Il s’agissait d’un petit satellite dotĂ© d’une 
charge explosive qui devait rencontrer les dispositifs ennemis en orbite et les dĂ©truire en explosant lui-
mĂȘme Ă  leur contact

16

.  

15.

 

Du cĂŽtĂ© amĂ©ricain, les obligations imposĂ©es par le TraitĂ© ABM n’ont pas empĂȘchĂ© 

l’administration Reagan de mettre au point son projet d’Initiative de dĂ©fense stratĂ©gique (IDS), connu 
sous le nom de « guerre des Ă©toiles Â». Ce projet ambitieux visait Ă  dĂ©velopper dĂšs que possible un 
systĂšme ABM comprenant des Ă©lĂ©ments basĂ©s dans l’espace

17

. En plus de cet objectif principal, 

l’armĂ©e de l’air amĂ©ricaine a entrepris Ă©galement de rĂ©aliser un systĂšme d’arme capable de tirer depuis 
l’espace, Ă  des fins tactiques, des munitions non nuclĂ©aires de type classique contre des cibles situĂ©es Ă  
terre (concept « Brilliant Pebbles Â»). NĂ©anmoins, comme chacun sait, le gouvernement amĂ©ricain 
actuel a dĂ©cidĂ© en juin 2002 de faire valoir son droit de retrait de ce traitĂ©. En prenant cette dĂ©cision 
unilatĂ©rale de se retirer totalement du traitĂ©, les Etats-Unis montraient clairement qu’ils avaient 
l’intention d’accĂ©lĂ©rer leurs projets de recherche et de passer Ă  la phase de dĂ©ploiement opĂ©rationnel. 

III.

 

Armes et missions spatiales 

16.

 

Il est indispensable d’examiner briĂšvement en quoi consistent les opĂ©rations spatiales et 

comment elles sont conduites pour pouvoir se prononcer sur leur utilitĂ©. Les opĂ©rations spatiales se 
subdivisent en quatre grands domaines de mission : soutien, enrichissement des connaissances, 
maĂźtrise et usage de la force

18

. Le soutien spatial inclut les opĂ©rations visant Ă  lancer, dĂ©ployer et 

maintenir des moyens spatiaux et leurs systĂšmes terrestres de communications, de commandement et 
de contrĂŽle. L’enrichissement spatial se rapporte Ă  des missions visant Ă  amĂ©liorer la connaissance 
tactique du champ de bataille et Ă  fournir un appui aux forces combattantes au sol, sous forme de 
renseignement et reconnaissance, dĂ©tection lointaine, suivi mĂ©tĂ©orologique et navigation ou 
dĂ©termination de la position. La maĂźtrise de l’espace consiste Ă  maintenir la supĂ©rioritĂ© spatiale et la 
reconnaissance de la situation spatiale, en laissant toute libertĂ© d’action aux moyens spatiaux amis et 
en interdisant l’accĂšs aux moyens ennemis. Enfin, l’usage de la force spatiale consiste Ă  prendre Ă  
partie des objectifs terrestres à partir de l’espace

19

17.

 

Parmi les domaines de mission qui viennent d’ĂȘtre mentionnĂ©s, les deux premiers concernent les 

opĂ©rations militaires traditionnelles dans l’espace. Ce sont les deux derniers qui nous intĂ©ressent plus 
particuliĂšrement aux fins de ce rapport, car ils font intervenir des armements spatiaux. En effet, de nos 

                                                 

16

Le premier de ces satellites, l’intercepteur Polyot, a fait l’objet d’essais dĂšs 1963. Voir Preston â€Š, 

Space 

Weapons Earth Wars

, p. 12. 

17

 Pour une description prĂ©cise de la politique spatiale de l’administration Reagan, voir : Fitzgerald Frances,

 Way 

out there in the blue: Reagan, Star Wars and the end of the Cold War

, New York, Simon and Schuster, 2000. 

18

 United States Joint Chiefs of Staff, 

Joint Doctrine for Space Operations, 

Washington DC, 2002, p. ix. 

19

 Ibid

., 

p. x. 

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DOCUMENT A/1932 

 

10 

 

jours, les opĂ©rations de maĂźtrise de l’espace sont exĂ©cutĂ©es uniquement au moyen d’armes ASAT 
basĂ©es Ă  terre, tandis que les missions d’usage de la force sont inexistantes. Ce sont prĂ©cisĂ©ment ces 
domaines de mission qui pourraient exiger le dĂ©ploiement d’armes dans l’espace et pourraient un jour 
ĂȘtre rĂ©volutionnĂ©s par celui-ci. 

18.

 

En tant que milieu opĂ©rationnel, l’espace est trĂšs diffĂ©rent de ses contreparties Terre, Mer, Air. 

Il requiert par consĂ©quent des moyens opĂ©rationnels et des doctrines spĂ©cifiques qui tiennent compte 
de ses propriĂ©tĂ©s physiques uniques. Un Ă©lĂ©ment essentiel Ă  prendre en compte, par exemple, est le fait 
que les moyens spatiaux doivent suivre une trajectoire orbitale prĂ©dĂ©terminĂ©e pour rester proches de la 
terre. En revanche, les mouvements dans l’espace Ă©chappent aux contraintes propres Ă  la topographie 
terrestre et ignorent les frontiĂšres gĂ©ographiques

20

19.

 

Par consĂ©quent, l’utilisation de moyens spatiaux Ă  des fins militaires doit tenir compte de ces 

spĂ©cificitĂ©s qui peuvent constituer des inconvĂ©nients ou des avantages. D’une part, les moyens 
spatiaux offrent un accĂšs global, sans frontiĂšres ni limitations. De plus, ils ont une grande longĂ©vitĂ©, 
dans la mesure oĂč, une fois dĂ©ployĂ©s, leur durĂ©e de vie se mesure en annĂ©es et leur utilisation est 
continue. D’autre part, leur rĂ©volution orbitale limite sĂ©vĂšrement leur manoeuvrabilitĂ© et les rend trĂšs 
prĂ©visibles, au point de les transformer en proies aussi faciles que des Â« canes couveuses Â» pour un 
agresseur potentiel. Pour la mĂȘme raison, il est trĂšs difficile de les concentrer de façon prolongĂ©e au-
dessus d’une zone d’intĂ©rĂȘt particulier et impossible de masser un grand nombre de forces spatiales. 
De ce fait, leur utilisation opĂ©rationnelle dĂ©pend entiĂšrement de la disponibilitĂ© d’un satellite pour 
couvrir la zone souhaitĂ©e et ne peut ĂȘtre commandĂ©e. En outre, tout le complexe de soutien des 
opĂ©rations spatiales, comprenant les sites de lancement, les installations de commandement et de 
contrĂŽle et les liaisons sol-satellite est fixe et extrĂȘmement vulnĂ©rable aux attaques. Enfin, une fois 
lancĂ©s, les moyens spatiaux ne peuvent plus ĂȘtre ravitaillĂ©s ou rĂ©parĂ©s, ce qui limite encore leur 
manoeuvrabilitĂ©, puisque chaque manoeuvre qu’ils exĂ©cutent diminue d’autant leur durĂ©e de vie 
opérationnelle

21

.  

20.

 

A l’évidence, toutes les caractĂ©ristiques dĂ©crites ci-dessus dĂ©termineront la nature, le 

dĂ©ploiement et l’emploi des armes spatiales actuellement en dĂ©veloppement pour l’arsenal amĂ©ricain. 
Techniquement, on distingue les armes Ă  Ă©nergie dirigĂ©e et les armes Ă  projection de masse. Les 
premiĂšres comprennent les dispositifs de brouillage Ă©lectronique, les lasers basĂ©s dans l’espace, les 
armes Ă  hyperfrĂ©quences et Ă  impulsion Ă©lectromagnĂ©tique. Les armes Ă  projection de masse 
comprennent les munitions Ă  Ă©nergie cinĂ©tique et les munitions conventionnelles tirĂ©es en orbite

22

. En 

ce qui concerne les opĂ©rations ASAT, les satellites, utilisĂ©s de maniĂšre agressive, pourraient ĂȘtre 
ajoutĂ©s Ă  la liste des armes spatiales potentielles

23

21.

 

Le brouillage Ă©lectronique consiste Ă  bloquer les communications entre un satellite et sa station 

au sol, par l’envoi d’un signal Ă©lectronique trĂšs puissant Ă  l’une ou l’autre extrĂ©mitĂ© de sa chaĂźne de 
donnĂ©es. Une interfĂ©rence de cette nature est critique non seulement pour les satellites de 
communications, mais pour tous les systĂšmes qui doivent transmettre des donnĂ©es au sol, tels que les 
satellites de surveillance

24

. Les lasers basĂ©s dans l’espace sont destinĂ©s en premier lieu Ă  s’intĂ©grer 

dans un systĂšme de dĂ©fense ABM multicouche en vue de protĂ©ger les Etats-Unis d’une attaque 
nuclĂ©aire, mais ils peuvent aussi servir Ă  dĂ©truire des satellites ennemis. En principe, ils peuvent 
propager instantanĂ©ment et Ă  de grandes distances une Ă©nergie concentrĂ©e sur une zone Ă©troitement 
circonscrite. Leur force destructive est trĂšs variable, ils peuvent faire exploser des satellites en 
chauffant leurs rĂ©servoirs de carburant, ou simplement les mettre hors service en surexposant leurs 
panneaux solaires ou en aveuglant leurs instruments optiques

25

                                                 

20

 Ibid., p. I-2. 

21

 United States Joint Chiefs of Staff, 

Joint Doctrine

, p.I-3 et I-4. Lambeth Benjamin S, 

Mastering 


, pp.43-46. 

22

 Preston Bob, 

Space Weapons Earth Wars

, pp. 23-24. 

23

 FAS, 

Ensuring America’s Security

, pp. 15-19. 

24

 Ibid., p. 29. 

25

 Preston Bob, 

Space Weapons Earth Wars

, pp.24-31, et annexe A, pp.109-129. FAS, 

Ensuring America’s 

Security

, annexe B, pp. 75-81. Deb

lois Bruce M, Garvin Richard L, Kemp Scott et Marwell Jeremy C, Space 

Weapons: Crossing the US Rubicon

International Security

 Vol 29 N° 2, MIT Press, automne 2004, pp. 72-74. 

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DOCUMENT 

A/1932 

 

11 

 

22.

 

Les armes Ă  micro-ondes ou Ă  impulsion Ă©lectromagnĂ©tique fonctionnent sur le mĂȘme principe 

que les lasers, mais sur une longueur d’onde diffĂ©rente. Leurs frĂ©quences sont rĂ©glĂ©es de façon Ă  
dĂ©truire les circuits Ă©lectroniques et les autres matĂ©riaux conducteurs du satellite en les exposant Ă  une 
charge excessive. Cela a pour effet de priver le systĂšme de ses fonctions critiques et d’entraĂźner sa 
dĂ©gradation permanente ou sa destruction

26

. Toutes les catĂ©gories d’armes Ă  Ă©nergie dirigĂ©e peuvent 

aussi servir Ă  atteindre des objectifs non durs Ă  la surface de la terre, tels que les avions, les vĂ©hicules 
blindĂ©s lĂ©gers et les dĂ©pĂŽts de carburant, mais avec une restriction importante : elles ne peuvent 
traverser les nuages

27

23.

 

Des armes Ă  Ă©nergie cinĂ©tique sont actuellement dĂ©veloppĂ©es en vue d’ĂȘtre intĂ©grĂ©es au bouclier 

de dĂ©fense antimissile amĂ©ricain. Elles sont connues sous le nom de KKV (kinetic kill vehicles). Ce 
sont de petits objets de mĂ©tal conçus pour ĂȘtre dĂ©ployĂ©s Ă  partir de satellites et frapper des ICBM 
pendant la phase de propulsion initiale de leur vol, avant que ceux-ci ne dĂ©ploient leurs ogives 
multiples et leurs leurres. Ils utilisent leur seule vitesse pour pĂ©nĂ©trer les rĂ©servoirs de carburant des 
missiles, provoquant ainsi leur explosion

28

. Ils peuvent ĂȘtre utilisĂ©s de la mĂȘme maniĂšre contre les 

satellites, auquel cas leur tĂąche est plus simple, puisque les satellites sont beaucoup plus lents et 
infiniment plus vulnĂ©rables que les ICBM. En fait, l’arme n’a mĂȘme pas besoin de se propulser vers sa 
cible, il suffit qu’elle soit placĂ©e dans sa trajectoire orbitale par un autre satellite. Etant donnĂ© la 
vitesse orbitale Ă©levĂ©e Ă  laquelle Ă©volue un systĂšme spatial, son entrĂ©e en collision avec un objet aussi 
petit qu’une balle endommagerait ses antennes et ses panneaux solaires ou dĂ©truirait certains de ces 
sous-systĂšmes critiques

29

.  

24.

 

Les armes Ă  Ă©nergie cinĂ©tique pourraient Ă©galement ĂȘtre utilisĂ©es pour le bombardement orbital, 

selon un principe analogue Ă  celui qui rĂ©git le phĂ©nomĂšne naturel des chutes de mĂ©tĂ©oroĂŻdes. LancĂ©s 
depuis une orbite, ces engins ne font que « tomber Â» sur leur objectif et le dĂ©truire par la force de leur 
masse accĂ©lĂ©rĂ©e par la gravitĂ©. Les KKV doivent pour cela ĂȘtre constituĂ©s d’un matĂ©riau trĂšs dense, 
comme le tungstĂšne. Leur conception aĂ©rodynamique favorisant leur chute libre, ils acquiĂšrent 
rapidement une hypervĂ©locitĂ©, qui leur permet de dĂ©truire leur cible Ă  l’impact, avec des rĂ©sultats 
Ă©quivalents Ă  ceux d’une explosion de plusieurs dizaines de tonnes de TNT. Ces armes ont un fort 
pouvoir de pĂ©nĂ©tration et pourraient ĂȘtre utilisĂ©es contre des cibles « dures Â» telles que des vĂ©hicules 
blindĂ©s lourds, des immeubles Ă©levĂ©s et en particuliers des bunkers souterrains

30

. Parmi les armes Ă  

projection de masse figurent naturellement aussi des systĂšmes moins « exotiques Â», par exemple des 
bombes classiques lancĂ©es depuis l’espace. 

25.

 

Les progrĂšs rĂ©cents de l’électronique et des nanotechnologies permettent de produire de trĂšs 

petits satellites, d’une masse infĂ©rieure Ă  500 kg, qui se divisent eux-mĂȘmes en mini- (100-500kg), 
micro- (10-100 kg), nano- (1-10 kg) et picosatellites (moins de 1 kg)

31

. Ces engins spatiaux sont 

relativement peu coĂ»teux et faciles Ă  construire, et par dĂ©finition difficiles Ă  repĂ©rer. Ces 
caractĂ©ristiques uniques en font des armes spatiales idĂ©ales. Ils peuvent ĂȘtre utilisĂ©s de deux maniĂšres : 
comme satellites parasites ou comme mines spatiales. 

26.

 

Dans le premier cas, le petit satellite remplit lui-mĂȘme la fonction d’une arme. GrĂące Ă  sa petite 

taille et Ă  sa furtivitĂ©, il peut parasiter les moyens ennemis en orbite sans ĂȘtre dĂ©tectĂ©. A l’ouverture 
des hostilitĂ©s, il commence Ă  attaquer son satellite hĂŽte en le dĂ©truisant ou en paralysant son 
fonctionnement. Dans le second cas, il sert Ă  emporter un dispositif explosif conventionnel ou 
nuclĂ©aire. LĂ  aussi, il est dĂ©ployĂ© secrĂštement et passe inaperçu en « se collant Â» Ă  sa cible. Il peut ĂȘtre 
lancĂ© Ă  l’avance, en temps de paix, prenant ainsi de vitesse toute contre-mesure contre son 
dĂ©ploiement, et son explosion peut ĂȘtre dĂ©clenchĂ©e au moment le plus opportun. S’il est dotĂ© d’une 
charge nuclĂ©aire, ses consĂ©quences pourront ĂȘtre dĂ©vastatrices, Ă©tant donnĂ© l’effet cumulatif des 

                                                 

26

 Ibid. 

27

 Ibid. 

28

 Preston Bob, 

Space Weapons Earth Wars

, pp. 36-49 et annexe B, pp. 131-171. FAS, 

Ensuring America’s 

Security 


, annexe G, pp. 141-168. 

29

 Preston Bob, 

Space Weapons Earth Wars

, pp. 36-49. Deblois Bruce M, 

Space Weapons:

 

Crossing the US 

Rubicon 


, pp.70-71. 

30

 Preston Bob, 

Space Weapons Earth Wars,

 pp. 53-54. Lambeth Benjamin S, 

Mastering


, pp. 112-117. 

31

 FAS, 

Ensuring America’s Security


, pp.15-19. 

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DOCUMENT A/1932 

 

12 

 

radiations nuclĂ©aires dans l’espace proche

32

. Mais ce qui est encore plus important, c’est l’élĂ©ment de 

surprise stratĂ©gique que crĂ©e sont utilisation. 

IV.

 

Les armes spatiales comme rĂ©ponse aux menaces Ă©ventuelles et leurs limites 

27.

 

Certaines des armes susmentionnĂ©es sont dĂ©jĂ  en service en tant qu’armes antisatellites basĂ©es Ă  

terre. Nous citerons parmi celles-ci les lasers et les KKV qui sont disponibles aux Etats-Unis, en 
Russie et probablement aussi, dans une moindre mesure, en Chine et en IsraĂ«l. Toutefois, le 
dĂ©ploiement de ces armes dans l’espace pose d’importants problĂšmes technologiques et reste soumis Ă  
des contraintes opĂ©rationnelles qui font qu’il est bien difficile de savoir si les rĂ©sultats justifient 
l’effort Ă  fournir. 

28.

 

Le problĂšme essentiel inhĂ©rent Ă  toute notion de guerre dans l’espace est celui des dĂ©bris 

orbitaux qu’il peut crĂ©er. Selon la dĂ©finition donnĂ©e par la NASA, on entend par dĂ©bris orbital tout 
objet construit par l’homme qui se trouve en orbite autour de la terre et qui n’a plus d’utilitĂ©

33

. Ces 

objets comprennent les Ă©tages rĂ©siduels de fusĂ©es, les satellites qui ont dĂ©passĂ© leur limite d’ñge et les 
nombreux fragments de matĂ©riels rĂ©sultant des explosions ou des collisions entre ces objets. Ainsi, 
pendant la guerre froide, les militaires soviĂ©tiques faisaient exploser leurs satellites quand ils avaient 
atteint le terme de leur vie utile. Aujourd’hui, la NASA suit quelque 9 000 objets orbitaux d’une 
dimension supĂ©rieure Ă  10 cm. Cette masse de dĂ©chets spatiaux va probablement, selon les 
estimations, continuer de croĂźtre pour atteindre au moins 11 000 piĂšces dans les siĂšcles Ă  venir en 
raison des collisions entre ces objets. Ceux-ci se comprennent actuellement 17% de carcasses de 
fusĂ©es rĂ©sultant de prĂ©cĂ©dents lancements, 31% sont des satellites opĂ©rationnels ou hors service, 38% 
sont des fragments de grandes dimensions issus de collisions et 13% sont des dĂ©bris rĂ©sultant de 
missions. On estime Ă©galement qu’il existe au moins 10 000 objets d’une taille comprise entre 1 et 10 
cm

34

. En se dĂ©plaçant Ă  une vitesse de l’ordre de 27 000 km Ă  l’heure, n’importe lequel d’entre eux 

peut dĂ©truire un systĂšme spatial s’il le percute. Le Centre spatial Johnson de la NASA, Ă  Houston, 
Texas, a dĂ©jĂ  reconnu l’existence de ce type de problĂšmes et a calculĂ© que mĂȘme si l’espace n’est pas 
militarisĂ©, la quantitĂ© actuelle de dĂ©bris a toutes chances de provoquer de nombreuses autres collisions.  

29.

 

Malheureusement, l’espace ne peut se « rĂ©parer Â» tout seul. La quasi-absence de traĂźnĂ©e et la 

faible gravitĂ© font que les objets construits par l’homme peuvent continuer presque indĂ©finiment Ă  
tourner en orbite. L’idĂ©e d’ajouter des structures permettant d’augmenter la traĂźnĂ©e et de provoquer la 
rentrĂ©e des dĂ©bris dans l’atmosphĂšre est financiĂšrement prohibitive. Cela veut dire concrĂštement que si 
une confrontation se produit dans l’espace et que des satellites se prennent mutuellement pour cibles et 
Ă©clatent en morceaux, il en rĂ©sultera une telle quantitĂ© de dĂ©bris qu’une telle aventure serait pure folie. 
Les piĂšces restantes des satellites ennemis dĂ©truits reprĂ©senteraient dans l’absolu une menace 
autrement plus grave pour les moyens amis que les satellites ennemis eux-mĂȘmes. En outre, la 
fragmentation des satellites Ă  une telle Ă©chelle dĂ©clencherait trĂšs probablement des collisions orbitales 
en sĂ©rie, gĂ©nĂ©rant Ă  leur tour le risque d’un accroissement exponentiel des dĂ©bris spatiaux qui 
détruiraient à terme un grand nombre de systÚmes

35

. Du point de vue militaire, le « fratricide spatial Â» 

qui en rĂ©sulterait rĂ©duirait de toute Ă©vidence Ă  zĂ©ro les avantages Ă  court terme du recours aux armes 
spatiales. Du point de vue scientifique, ce serait prendre le risque de provoquer une catastrophe sans 
prĂ©cĂ©dent, susceptible de paralyser Ă  jamais l’exploration spatiale

36

30.

 

Or, l’emploi de la plupart des armes spatiales mentionnĂ©es ci-dessus Ă  des fins antisatellites 

implique la destruction physique de leurs objectifs. C’est le cas notamment des armes Ă  projection de 
masse. Par consĂ©quent, puisque les Etats-Unis possĂšdent actuellement de loin la plus grande flotte de 
satellites au monde, ce sont certainement eux qui ont le plus Ă  perdre dans une telle opĂ©ration. On ne 

                                                 

32

 Ibid., annexe C, pp. 82-92. 

33

 Moltz James Clay ed., 

Future Security in Space: Commercial,

 

Military and Arms Control Trade-Offs

Occasional Paper

 N° 10, Monterey Institute of International Studies, Center for Non-proliferation Studies, 

Monterey, p. 41. 

34

 Ibid. 

35

 Moltz James Clay ed., 

Future Security in Space

, p. 18-22. 

36

 FAS, 

Ensuring America’s Security 


, pp. 30-34 et annexe E, p. 96-114. Moltz James Clay ed., 

Future 

Security in Space

, p. 30 et pp. 41-43. 

background image

  

DOCUMENT 

A/1932 

 

13 

 

peut que s’interroger sur les raisons qui pourraient inciter les dirigeants amĂ©ricains Ă  dĂ©clencher une 
succession d’évĂ©nements, au risque de voir leur supĂ©rioritĂ© stratĂ©gique dans le domaine spatial se 
dissoudre inĂ©luctablement dans un nuage de dĂ©bris orbitaux dont ils seraient eux-mĂȘmes responsables. 

31.

 

MĂȘme si le problĂšme des dĂ©bris orbitaux ne se posait pas, il faudrait Ă©tudier les domaines de 

vulnĂ©rabilitĂ© des moyens spatiaux amĂ©ricains qui seraient attĂ©nuĂ©s par le dĂ©ploiement d’armes. 
Aujourd’hui, Ă  l’exception des petits satellites, qui sont largement accessibles Ă  la plupart des pays 
dotĂ©s d’une capacitĂ© spatiale, seuls les Etats-Unis sont Ă  mĂȘme de dĂ©velopper et de dĂ©ployer des armes 
spatiales. Les menaces possibles qui sont couramment Ă©voquĂ©es par les partisans de l’arsenalisation de 
l’espace sont les suivantes : 

–

 

l’utilisation de petits satellites Ă  des fins hostiles ; 

–

 

les explosions nuclĂ©aires Ă  haute altitude ; 

–

 

les armes ASAT basĂ©es au sol, notamment les lasers et les armes Ă  Ă©nergie cinĂ©tique. 

32.

 

Les petits satellites sont une source de prĂ©occupation particuliĂšre pour les responsables 

amĂ©ricains, alarmĂ©s par les progrĂšs rĂ©cents de la Chine et de l’Inde dans ce domaine et persuadĂ©s que 
le bas coĂ»t de ces systĂšmes les met aussi Ă  la portĂ©e des grands rĂ©seaux terroristes. Ils considĂšrent 
aussi, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, le progrĂšs technologique Ă  grande Ă©chelle comme une menace asymĂ©trique 
pour leur suprĂ©matie spatiale, parce qu’il permettrait Ă  des pays moins dĂ©veloppĂ©s d’acquĂ©rir des 
capacitĂ©s spatiales comparables aux leurs Ă  un coĂ»t trĂšs infĂ©rieur. Enfin, ils sont prĂ©occupĂ©s par la 
difficultĂ© de garder la trace de ces satellites et redoutent qu’ils soient utilisĂ©s pour monter une attaque 
surprise contre eux

37

33.

 

Cela dit, le dĂ©ploiement d’armes en orbite ne semble pas ĂȘtre le seul moyen de parer Ă  cette 

menace. Une autre possibilitĂ© consisterait Ă  combiner plusieurs approches : accroĂźtre les capacitĂ©s de 
surveillance spatiale, Ă©quiper les satellites de systĂšmes d’autoprotection et amĂ©liorer les ASAT non 
destructeurs basĂ©s au sol. La premiĂšre consisterait Ă  suivre tous les satellites, jusqu’aux plus petits, et Ă  
donner l’alerte rapidement en cas d’attaque ; la deuxiĂšme permettrait aux satellites de dĂ©tecter eux-
mĂȘmes et d’éliminer tous les corps Ă©trangers accrochĂ©s Ă  eux. La troisiĂšme fournirait les moyens de 
dĂ©truire les satellites assaillants une fois identifiĂ©s. 

34.

 

Les explosions nuclĂ©aires Ă  haute altitude (HAND) inquiĂštent aussi les militaires amĂ©ricains. 

Cette menace, qui s’intensifie rapidement, est liĂ©e Ă  la prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires et Ă  la 
technologie des missiles. Etant donnĂ© que les missiles balistiques Ă  portĂ©e intermĂ©diaire (IRBM) 
peuvent propulser une petite ogive nuclĂ©aire Ă  des altitudes Ă©levĂ©es, cela signifie que non seulement 
les grandes puissances nuclĂ©aires peuvent faire exploser un engin nuclĂ©aire de faible puissance Ă  haute 
altitude, mais aussi que l’Inde et le Pakistan et des Etats voyous tels que l’Iran ou la CorĂ©e du Nord

38

 

en sont Ă©galement capables. 

35.

 

Pour ces derniers notamment, pareille option peut ĂȘtre trĂšs tentante car elle Ă©branlerait la 

supĂ©rioritĂ© Ă©crasante des Etats-Unis dans le domaine de l’information et compliquerait sĂ©rieusement 
toute tentative de les attaquer. On ne peut pas non plus exclure l’éventualitĂ© d’un accident, qui pourrait 
prendre la forme du lancement intempestif d’un missile russe, ce qui n’a rien d’impossible compte 
tenu de l’état d’entretien dans lequel se trouve l’arsenal nuclĂ©aire de ce pays. Un groupe terroriste 
pourrait Ă©galement tenter de s’emparer d’un silo de missiles russe, ce qui aboutirait au mĂȘme rĂ©sultat. 
Des explosions nuclĂ©aires Ă  haute altitude seraient possibles aussi en cas de mauvais fonctionnement 
et d’explosion prĂ©maturĂ©e d’une ogive d’origine indienne ou pakistanaise lors d’un conflit entre les 

                                                 

37

 FAS, 

Ensuring America’s Security 


, pp. 15-19 et annexe F, p. 123. Pena Charles V. et Hudgins Edward L, 

Should the United States “Weaponize” Space? Military and Commercial Implications

Policy Analysis

 N° 427, 

18 mars 2002, pp. 8-9. 

38

 FAS, 

Ensuring America’s Security

 â€Š, pp.23-29 et annexe C, pp. 81-91. United States Defence Threat 

Reduction Agency, 

High Altitude Nuclear Detonations against Low Earth Orbit Satellites

, DTRA Advanced 

Systems and Concepts Office, Washington DC, avril 2001. 

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DOCUMENT A/1932 

 

14 

 

deux Etats. Enfin, un tir peut ĂȘtre dĂ©libĂ©rĂ© s’il s’agit de la premiĂšre Ă©tape d’une confrontation 
nucléaire

39

36.

 

Le problĂšme des explosions nuclĂ©aires Ă  haute altitude est que la menace de reprĂ©sailles 

nuclĂ©aires ne pourrait ĂȘtre dissuasive car une telle riposte serait complĂštement disproportionnĂ©e pour 
la victime. Tout pays possĂ©dant ne serait-ce qu’une ogive et un missile pourrait donc menacer de façon 
crĂ©dible d’y avoir recours. Mais les armes spatiales ne sont pas le seul moyen de parer Ă  un tel 
scĂ©nario. Des satellites de bombardement orbital â€“ en particulier ceux qui sont Ă©quipĂ©s de laser – 
pourraient rĂ©pondre rapidement Ă  une telle menace en attaquant les missiles sur leurs sites de 
lancement ou avant qu’ils aient atteint l’altitude dĂ©sirĂ©e. Mais cette tĂąche pourrait tout aussi bien ĂȘtre 
rĂ©alisĂ©e par des frappes aĂ©riennes classiques et les systĂšmes ABM de thĂ©Ăątre dĂ©jĂ  en place Ă  condition 
d’avoir le temps de les dĂ©ployer Ă  une distance suffisamment proche. Et s’il est difficile d’assurer la 
dissuasion par les moyens militaires, on peut toujours y parvenir par des mesures politiques. Etant 
donnĂ© que les explosions nuclĂ©aires Ă  haute altitude dĂ©truiront pratiquement sans discrimination tous 
les satellites en orbite terrestre basse, le pays qui y a recours devra affronter les protestations justifiĂ©es 
de la communautĂ© internationale tout entiĂšre. Une telle dĂ©marche ne pourrait donc paraĂźtre trĂšs 
tentante, mĂȘme pour un Etat voyou. 

37.

 

Enfin, le recours aux armes ASAT basĂ©es au sol est toujours considĂ©rĂ© comme une menace 

pouvant justifier l’arsenalisation de l’espace. Plusieurs pays peuvent se procurer ce type d’armes, mais 
les responsables amĂ©ricains semblent particuliĂšrement prĂ©occupĂ©s par les progrĂšs de la Chine dans le 
domaine des technologies laser. L’implantation d’armements dans l’espace n’est toutefois pas 
inĂ©vitable dans ce cas non plus. En fait, plusieurs solutions pourraient ĂȘtre proposĂ©es avant d’arriver Ă  
ce stade. Il conviendrait de protĂ©ger et de durcir suffisamment les satellites pour qu’ils puissent 
survivre Ă  une attaque ; de les Ă©quiper de systĂšmes de contre-mesures Ă©lectroniques semblables Ă  ceux 
utilisĂ©s sur les avions ; de les rendre plus furtifs ; de leur permettre d’effectuer des manƓuvres 
dilatoires soutenues contre les menaces qui se prĂ©sentent et, en dernier recours, d’attaquer les 
installations d’armes ASAT par des moyens conventionnels

40

38.

 

En conclusion, il ne faudra pas forcĂ©ment recourir aux armes spatiales pour contrer toutes les 

menaces d’armes ASAT existantes ou susceptibles de surgir dans un avenir proche. Au contraire, il y a 
des moyens moins coĂ»teux, moins risquĂ©s sur le plan technologique et tout aussi efficaces sur le plan 
opĂ©rationnel pour y faire face. 

V. Le dĂ©bat sur l’arsenalisation de l’espace aux Etats-Unis  

39.

 

Le dĂ©bat le plus rĂ©cent aux Etats-Unis sur l’arsenalisation de l’espace a commencĂ© en 2001 avec 

la publication du rapport de la commission Rumsfeld sur la politique de sĂ©curitĂ© spatiale des Etats-
Unis

41

. La commission Ă©tait prĂ©sidĂ©e par Donald Rumsfeld, devenu peu aprĂšs ministre de la dĂ©fense, 

et comportait une majoritĂ© Ă©crasante d’anciens officiers Ă  la retraite de l’USAF. Son objectif Ă©tait 
d’étudier la structure globale de la sĂ©curitĂ© spatiale, de faire rapport sur ses lacunes et de proposer d’y 
remĂ©dier. Dans ses conclusions, la commission affirmait que les intĂ©rĂȘts spatiaux devaient faire partie 
des prioritĂ©s absolues de la sĂ©curitĂ© nationale des Etats-Unis, que le gouvernement n’était pas prĂ©parĂ© 
militairement Ă  faire face Ă  une Ă©ventuelle agression Ă  partir de l’espace et que l’extension des conflits 
Ă  l’espace reprĂ©sentait une Ă©volution historique inĂ©vitable

42

40.

 

D’aprĂšs les conclusions de la commission, le fait que les Etats-Unis soient plus lourdement 

tributaires de moyens spatiaux plus vulnĂ©rables que ceux des autres pays fait d’eux une cible 
particuliĂšrement tentante pour un agresseur potentiel qui y trouverait un avantage militaire 
asymĂ©trique. Un de ses commentaires les plus souvent citĂ©s Ă©tait que les Etats-Unis Ă©taient si peu 

                                                 

39

 Lewis Jeffrey, 

What if Space Were Weaponized

? â€Š pp. 15-16 et 21-31. 

40

 Deblois Bruce M â€Š, 

Space Weapons: Crossing the US Rubicon 


, pp. 77-81. Lewis James A, 

China as a 

Military Space Competitor

, Centre for Strategic and International Studies, janvier 2004, pp. 10-11. 

41

 

Report of the Commission to Assess United States National Security Space Management and Organization

Executive Summary, Washington DC, janvier 2001. 

42

 

Report of the Commission

 â€Š, pp. 9-10. 

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DOCUMENT 

A/1932 

 

15 

 

prĂ©parĂ©s Ă  affronter une telle menace qu’ils risquaient Â« un Pearl Harbor spatial Â»

43

. En consĂ©quence, 

tout en reconnaissant que l’utilisation pacifique de l’espace restait un intĂ©rĂȘt national, la commission a 
plaidĂ© pour le dĂ©veloppement de moyens de dissuasion et de dĂ©fense contre des actes hostiles dirigĂ©s 
contre les moyens spatiaux des Etats-Unis et contre une utilisation de l’espace hostile aux intĂ©rĂȘts des 
Etats-Unis

44

. Cette dĂ©claration, accompagnĂ©e de recommandations visant Ă  stimuler le dĂ©veloppement 

d’armes pour la projection de puissance vers l’espace, Ă  partir de l’espace et Ă  travers l’espace, Ă©tait 
l’équivalent d’un appel Ă  dĂ©ployer des armes dans l’espace. 

41.

 

L’idĂ©e d’un contrĂŽle effectif de l’espace par les Etats-Unis n’est pas nouvelle. En effet, dans 

toutes les doctrines spatiales amĂ©ricaines adoptĂ©es par les PrĂ©sidents qui ont succĂ©dĂ© Ă  Eisenhower, la 
supĂ©rioritĂ© spatiale a toujours Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme un enjeu majeur de la sĂ©curitĂ© nationale des 
Etats-Unis. L’argument des AmĂ©ricains a toujours Ă©tĂ© que le dĂ©ploiement d’armes antisatellites, sur 
terre ou dans l’espace, ne sert que des objectifs purement dĂ©fensifs et n’est pas destinĂ© Ă  un usage 
offensif. L’idĂ©e que les Etats-Unis devaient ĂȘtre les seuls Ă  dominer l’espace proche Ă©tait fondĂ©e sur le 
fait qu’ils possĂ©daient – et possĂšdent toujours – le plus grand nombre de moyens en orbite, et en 
consĂ©quence, qu’ils avaient un intĂ©rĂȘt stratĂ©gique d’autant plus grand Ă  les protĂ©ger que les autres 
nations du monde. En effet, la position officielle du gouvernement des Etats-Unis sur la question est 
que toute attaque ou mĂȘme toute interfĂ©rence avec les satellites amĂ©ricains sera considĂ©rĂ©e comme une 
attaque perpĂ©trĂ©e sur le sol amĂ©ricain, et donc comme un casus belli

45

42.

 

Cependant, la commission Rumsfeld est allĂ©e plus loin en laissant entendre que les Etats-Unis 

devraient Ă©largir la notion de contrĂŽle de l’espace en y incluant l’exercice de la force. Ceci signifie 
dans la pratique qu’ils dĂ©ploieraient dans l’espace des armes conçues pour rechercher et dĂ©truire tout 
dispositif menaçant les satellites amĂ©ricains, Ă  partir de la terre ou de l’espace, avant mĂȘme qu’il n’ait 
la possibilitĂ© d’atteindre sa cible. Ceci implique l’utilisation de satellites armĂ©s non seulement contre 
des armes antisatellites entrantes, mais Ă©galement contre leurs sites de lancement Ă  la surface de la 
planĂšte. Cela impose donc de recourir Ă  des armes dotĂ©es de capacitĂ©s offensives et de premiĂšre 
frappe. DĂšs lors, on passerait de la notion de suprĂ©matie spatiale Ă  celle de domination spatiale, crĂ©ant 
ainsi un nouvel environnement stratĂ©gique. 

43.

 

Le rapport Rumsfeld a dĂ©clenchĂ© dans les milieux politiques, de dĂ©fense, industriels et 

acadĂ©miques aux Etats-Unis un dĂ©bat public animĂ© sur la poursuite de tels projets d’armement. Ce 
dĂ©bat ressemble fort Ă  celui qu’avait suscitĂ© l’Initiative de dĂ©fense stratĂ©gique du PrĂ©sident Reagan au 
milieu des annĂ©es 1980. En fait, on retrouve les mĂȘmes groupes d’opinion avec souvent les mĂȘmes 
tribuns. Le dĂ©bat actuel est en quelque sorte, pour les partisans de l’arsenalisation de l’espace, une 
nouvelle occasion de convaincre les citoyens de la validitĂ© de leur dossier. 

44.

 

Les opinions se partagent actuellement entre quatre camps qui transcendent l’establishment 

amĂ©ricain au niveau horizontal et qui recrutent leurs partisans dans la totalitĂ© de l’éventail politique et 
professionnel. Chaque camp est caractĂ©risĂ© par les rĂ©ponses qu’il apporte non seulement Ă  la question 
de savoir si l’espace doit ĂȘtre armĂ©, mais aussi sur le degrĂ© d’armement, sa finalitĂ© et les conditions de 
sa mise en place. On peut les appeler les « faucons de l’espace Â», les « militaristes irrĂ©dentistes Â», les 
« pragmatiques de l’armement Â» et les « colombes de l’espace Â». Les deux premiers groupes sont 
favorables Ă  l’arsenalisation de l’espace alors que les deux autres y sont opposĂ©s ; mais les quatre 
agissent pour diffĂ©rents motifs et voient les choses sous des perspectives diffĂ©rentes

46

45.

 

Les faucons de l’espace estiment l’arsenalisation inĂ©vitable. Ils la considĂšrent comme le moyen 

idĂ©al pour les Etats-Unis d’asseoir leur influence Ă©conomique et politique globale et de devenir une 

                                                 

43

 Ibid., p. 13. 

44

 Ibid., p. 15-16. 

45

 Donnelly John, Cohen : 

Attack on US Satellite is Attack on United States

Defence Week

, 26 juillet 1999. 

46

 Moltz James Clay ed, 

Future Security in Space

 â€Š, pp. 32-34. Pour une excellente analyse des diffĂ©rents points 

de ce dĂ©bat, voir: Mueller Karl P, Totem and Taboo : 

Depolarizing the Space Weaponization Debate

, RAND 

Corp., Arlington, Virginie, mai 2002. 

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DOCUMENT A/1932 

 

16 

 

sorte de gendarme de l’espace qui protĂšge ses alliĂ©s et nuit Ă  ses ennemis

47

. Ils refusent de traiter 

l’espace d’une maniĂšre diffĂ©rente des autres supports de la guerre que sont la terre, la mer et l’air. Ils 
estiment au contraire que les principes gĂ©opolitiques classiques doivent ĂȘtre appliquĂ©s Ă  l’espace. En 
consĂ©quence, ils s’appuient sur les thĂ©ories des sciences politiques existantes pour Ă©tayer leur dossier 
sur l’armement. En particulier, ils sont trĂšs attirĂ©s par le concept nĂ©o-marxiste de Wallerstein de 
mouvement cyclique dans l’ascension et la chute des puissances hĂ©gĂ©moniques qui, historiquement, 
ont dominé le systÚme capitaliste

48

. Ils font valoir que si les Etats-Unis veulent conserver leur statut 

actuel « d’hyperpuissance Â» prĂ©sente sur tous les fronts, ils seront obligĂ©s de dominer l’espace de 
façon agressive et de conserver ce privilĂšge en chapeautant toutes les autres nations qui souhaitent 
effectuer des opĂ©rations Ă  l’intĂ©rieur de ce systĂšme

49

.  

46.

 

Les faucons de l’espace comparent souvent l’importance de l’espace proche pour le commerce 

et l’économie Ă  l’échelle mondiale Ă  celle des ocĂ©ans de la planĂšte

50

. Bien entendu, ils souhaitent que 

les Etats-Unis jouent le mĂȘme rĂŽle dans l’espace que sur terre, avec leur puissante marine en « eau 
profonde Â» : en rĂ©gulant et en garantissant les activitĂ©s Ă©conomiques Ă  leur maniĂšre, mais au bĂ©nĂ©fice 
du systĂšme capitaliste tout entier. A leurs yeux, l’actuel statut hĂ©gĂ©monique des Etats-Unis les oblige Ă  
prendre la responsabilitĂ© d’armer l’espace. Bien entendu, ils s’opposent farouchement Ă  toutes les 
mesures qui restreindraient la libertĂ© des Etats-Unis Ă  utiliser leurs armes en orbite quand ils le jugent 
nĂ©cessaire. 

47.

 

Les militaristes irrĂ©dentistes partagent le pragmatisme teintĂ© de cynisme des faucons de 

l’espace, mais Ă  la diffĂ©rence de ces derniers, ils pensent que si l’arsenalisation de l’espace se 
concrĂ©tise, ce ne sera pas en raison d’une plus grande responsabilitĂ© historique des Etats-Unis, mais 
simplement parce qu’ils y trouveront un avantage sur le plan opĂ©rationnel. Selon eux, l’espace est un 
support qui convient parfaitement pour rĂ©aliser une projection globale de puissance et pour exercer son 
contrĂŽle

51

. Ils pensent que les Etats-Unis, forts de leur avantage technologique et Ă©conomique actuel 

sur des adversaires stratĂ©giques comme l’UE, la Russie et la Chine, devraient maintenant saisir 
l’occasion pour dominer l’espace. En renonçant Ă  son arsenalisation, ils encourageraient les autres 
pays Ă  en prendre l’initiative dĂšs qu’ils auraient rattrapĂ© le niveau de capacitĂ©s technologiques des 
Etats-Unis

52

. La commission Rumsfeld semble adhĂ©rer Ă  cette idĂ©e. 

48.

 

Les militaristes irrĂ©dentistes sont aussi sensibles Ă  la signification opĂ©rationnelle du dĂ©ploiement 

d’armes en orbite. Ils le perçoivent en particulier comme une panacĂ©e pour affronter les grandes 
menaces des armes antisatellites, comme par exemple les explosions nuclĂ©aires Ă  haute altitude, 
accidentelles ou volontaires. Ils soulignent le rĂŽle antimissile des armes en orbite et prĂ©tendent que 
leur dĂ©ploiement rendra les autres armements stratĂ©giques obsolĂštes. Ils sont prĂ©occupĂ©s en particulier 
par la dĂ©pendance croissante des Etats-Unis vis-Ă -vis des moyens spatiaux, ce qui, pensent-ils, en fait 
des cibles parfaites pour une attaque asymĂ©trique. En d’autres termes, l’arsenalisation de l’espace est 
perçue comme le seul moyen d’empĂȘcher que l’avantage militaire tactique dont disposent les Etats-
Unis du fait de leur supĂ©rioritĂ© spatiale ne se transforme en handicap stratĂ©gique

53

.  

49.

 

Contrairement aux faucons de l’espace, les militaristes irrĂ©dentistes ne rejettent pas la possibilitĂ© 

d’un contrĂŽle des armes spatiales et d’une coopĂ©ration

54

. Ils ne sont pas opposĂ©s Ă  des mesures de 

confiance dans l’espace pour promouvoir la stabilitĂ© stratĂ©gique. Cependant, ils prĂ©fĂšrent examiner de 
telles mesures sur une base bilatĂ©rale plutĂŽt que multilatĂ©rale. Ils sont favorables Ă  des arrangements 

                                                 

47

 Dolman Everett Carl, S

pace Power and US Hegemony: Maintaining a Liberal World Order in the 21

st

 

Century

, School of Advanced Air Studies, pp. 23-24. Dolman Everett Carl, 

Astropolitik: Classical Geopolitics in 

the Space Age

, Londres, Frank Cass, 2001. 

48

 Dolman Everett Carl, 

Space Power and US Hegemony

 â€Š, pp. 16-23. 

49

 Ibid.  

50

 Pena Charles V et Hudgins Edward L, 

Should United States â€œWeaponize” Space”

? â€Š, p. 4. 

51

 Moltz James Clay ed, 

Future Security in Space

 â€Š, pp. 23-27 et 32-34. Lambakis Steven, 

On the Edge of 

Earth: the Future of American Space Power

, Lexington, Kentucky, University of Kentucky Press, 2001. 

52

 Logsdon John M, 

Reflections on Space as a vital National Interest,

 Astropolitics Is N° 1, 2003, pp. 12-18. 

Lambeth Benjamin S, Mastering

 â€Š, pp. 67-80. 

53

 Ibid. Preston Bob 
, 

Space Weapons Earth Wars

, pp. 67-80. 

54

 Moltz James Clay ed, 

Future Security in Space

 â€Š, pp. 23-27 et 32-34. 

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DOCUMENT 

A/1932 

 

17 

 

qui ralentiraient et canaliseraient la concurrence spatiale dans le secteur militaire, mais ne 
l’arrĂȘteraient pas. En particulier, ils se mĂ©fient des accords de dĂ©sarmement, conçus Ă  leurs yeux pour 
empĂȘcher les Etats-Unis d’exploiter leur avantage actuel dans le domaine spatial militaire. Au 
contraire, ils appuient l’usage des armes spatiales pour le recours Ă  la force et souhaitent qu’elles 
remplacent le cas Ă©chĂ©ant les armes terrestres. En bref, ils veulent convertir un tel usage en pratique 
militaire courante et la dĂ©barrasser de tous les tabous politiques qui l’entourent

55

50.

 

Les pragmatiques de l’armement ne contestent pas la vĂ©racitĂ© des points de vue qui prĂ©cĂšdent. 

Ils prĂ©tendent seulement que la meilleure façon de servir les intĂ©rĂȘts des Etats-Unis dans l’espace est 
de maintenir le statu quo qui leur est extrĂȘmement favorable. Ils soulignent Ă  cet Ă©gard que tout effort 
des Etats-Unis pour armer l’espace y dĂ©clenchera probablement une course aux armements

56

. Ils 

affirment qu’en explorant les technologies pertinentes, les Etats-Unis mettront les armes spatiales Ă  la 
portĂ©e de leurs adversaires et en faisant la preuve de leur utilitĂ©, ils encourageront les autres Etats Ă  
dĂ©velopper les leurs. En dĂ©pendant d’elles, ils inciteront Ă  une attaque surprise dans l’espace plus 
qu’ils ne la prĂ©viendront

57

. Pour conclure, ils pensent que ce sont les Etats-Unis qui ont le plus Ă  

perdre de l’arsenalisation de l’espace, et qu’ils doivent donc l’éviter et la prĂ©venir. 

51.

 

 Les pragmatiques de l’armement s’interrogent aussi sur l’utilitĂ© opĂ©rationnelle globale des 

armes spatiales par rapport aux armes terrestres existantes. Ils ne nient pas les avantages pouvant 
rĂ©sulter de leur dĂ©ploiement, mais pensent qu’il y a des moyens plus faciles et surtout moins coĂ»teux 
pour rĂ©duire la vulnĂ©rabilitĂ© des moyens spatiaux. Ils affirment que de nombreuses mesures 
dĂ©fensives, passives et moins provocantes sur le plan politique, devraient ĂȘtre envisagĂ©es avant 
l’arsenalisation de l’espace

58

. Elles sont dĂ©jĂ  abordĂ©es partiellement dans ce rapport puisqu’elles font 

partie des arguments les plus solides contre l’armement de l’espace. 

52.

 

De plus, les pragmatiques de l’armement ne croient pas que le recours Ă  la force Ă  partir de 

l’espace puisse apporter grand-chose. Les opĂ©rations offensives contre les armes antisatellites basĂ©es 
au sol peuvent parfaitement ĂȘtre menĂ©es par des forces aĂ©riennes et des missions de frappe profonde 
peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©es avec des ICBM ou IRBM conventionnels. En conclusion, ils estiment que seul 
le dĂ©ploiement d’un dispositif spatial par l’ennemi contraindrait les Etats-Unis Ă  une riposte de mĂȘme 
nature. Mais cette Ă©ventualitĂ© reste selon eux peu probable pour l’heure, et une telle attaque pourrait 
facilement ĂȘtre contrĂ©e par les armes antisatellites terrestres existantes

59

.  

53.

 

Enfin, les colombes de l’espace comptent dans leurs rangs un grand nombre de scientifiques et 

d’organisations non gouvernementales qui sont non seulement opposĂ©s Ă  toute forme d’armement, 
mais sont aussi trĂšs attentifs Ă  ce que les capacitĂ©s spatiales existantes restent aussi peu militarisĂ©es 
que possible. Leur position sur la question est que toute tentative d’armement de l’espace aura des 
consĂ©quences profondĂ©ment dĂ©stabilisantes. Ils soulignent que – contrairement Ă  l’arme nuclĂ©aire – les 
armes spatiales crĂ©eront un dĂ©sĂ©quilibre stratĂ©gique qui incitera Ă  envisager de premiĂšres frappes. Il 
serait d’aprĂšs eux insensĂ© d’abandonner la logique stratĂ©gique de l’utilisation pacifique de l’espace 
maintenant que la guerre froide est finie. Et ils sont particuliĂšrement attachĂ©s Ă  la notion d’interdiction 
gĂ©nĂ©rale et complĂšte de toutes les armes dans l’espace, garantie par des accords internationaux

60

                                                 

55

 Ibid. 

56

 Moltz James Clay ed, 

Future Security in Space

 â€Š, pp. 23-27 et 32-34. 

57

 FAS, 

Ensuring America’s Security

 â€Š, pp. 5-6 et 41-44. Pour une excellente analyse de ce point de vue, voir : 

O’Hanlon Michael, 

Preserving US Dominance While Slowing the Weaponization of Space

, The Brookings 

Institution, Maryland, mai 2003. 

58

 Pour une prĂ©sentation complĂšte de ces mesures, voir : Coyle Philip E. et Rhinelander John B, 

Drawing the 

Line: the Path to Controlling Weapons in Space

Disarmament Diplomacy

 N° 66, septembre 2002. Ruhm Brian 

C, 

Finding the Middle Ground: the US Air Force

Space Weaponization and Arms Control

, USAF Air 

University, Alabama, avril 2003. 

59

 FAS, 

Ensuring America’s Security in Space 


, pp.5-6. Lambeth dĂ©veloppe aussi le mĂȘme argument, mais 

avec beaucoup d’ambiguĂŻtĂ© ; voir : Lambeth Benjamin S, 

Mastering

 â€Š, pp. 117-120. 

60

 Moltz James Clay ed, 

Future Security in Space

 â€Š, pp.28-31. Johnson Rebecca, 

Multilateral Approaches to 

Preventing the Weaponization of Space

Disarmament Diplomacy

 N° 56, avril 2001. Hitchens Theresa, 

US 

Space Policy: Time to Stop and Think

Disarmament Diplomacy 

N° 67, octobre-novembre 2002. 

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DOCUMENT A/1932 

 

18 

 

54.

 

Quel que soit le point de vue qui l’emportera, une chose est certaine : si ces armes sont 

dĂ©ployĂ©es, le monde ne sera plus le mĂȘme. AprĂšs avoir examinĂ© l’éventail des opinions sur la 
question, nous pensons que la vĂ©ritĂ© se trouve quelque part au milieu. L’arsenalisation de l’espace est 
loin d’ĂȘtre inĂ©vitable ; en fait, nous avons vu que c’est le moyen le moins adaptĂ© pour remĂ©dier aux 
vulnĂ©rabilitĂ©s dans l’espace. Mais il est peu probable Ă©galement qu’il dĂ©clenche une riposte concrĂšte 
d’autres grandes puissances. Les Etats-Unis ont une telle avance sur le reste du monde dans le 
domaine des capacitĂ©s spatiales qu’une course aux armements semble peu vraisemblable. Le prĂ©cĂ©dent 
des armes nuclĂ©aires en atteste : plusieurs pays technologiquement aptes Ă  acquĂ©rir l’arme nuclĂ©aire 
ont choisi, pour des raisons stratĂ©giques, de ne pas le faire. De surcroĂźt, l’Union soviĂ©tique, qui a Ă©tĂ© 
en concurrence directe avec les Etats-Unis dans ce domaine Ă  des fins idĂ©ologiques, est aujourd’hui 
ruinĂ©e financiĂšrement. 

55.

 

Il est Ă©galement Ă©vident que la Russie et la Chine se garderont bien de faire la mĂȘme erreur. Ces 

deux pays ont dĂ©jĂ  pris clairement position en faveur d’un traitĂ© international global interdisant Ă  tout 
jamais les armes dans l’espace. Elles semblent dĂ©terminĂ©es Ă  Ă©viter l’arsenalisation de l’espace par des 
moyens juridiques et politiques et Ă  encourager l’entente multilatĂ©rale sur cette question

61

. Mais cette 

attitude pourrait aisĂ©ment changer si des armes amĂ©ricaines Ă©taient dĂ©ployĂ©es. Les rĂ©alitĂ©s stratĂ©giques 
et les considĂ©rations militaires appelleront une rĂ©ponse mesurĂ©e de ces pays. 

56.

 

Une rĂ©action prĂ©visible serait la modernisation de leurs capacitĂ©s existantes dans le domaine des 

armes antisatellites basĂ©es au sol. La Russie a considĂ©rablement progressĂ© dans le dĂ©veloppement 
d’armes Ă  impulsion Ă©lectromagnĂ©tique et la Chine dans le domaine du laser et des projets liĂ©s aux 
microsatellites

62

. On pourrait mĂȘme imaginer qu’elles puissent coopĂ©rer dans ce domaine en 

Ă©changeant des technologies afin que l’une et l’autre puissent acquĂ©rir l’éventail complet des capacitĂ©s 
antisatellites. Il est comprĂ©hensible que le dĂ©veloppement des armes antisatellites chinoises ne laisse 
pas indiffĂ©rents l’Inde ou le Japon. Ces deux pays seront eux aussi incitĂ©s Ă  se doter d’armes 
antisatellites. Toute initiative de l’Inde allant dans ce sens provoquera automatiquement une riposte 
concrĂšte du Pakistan, qui Ă©veillera Ă  son tour le doute en Iran. En rĂ©sumĂ©, tout pays en dĂ©veloppement 
qui possĂšde des moyens spatiaux ou y aspire devra forcĂ©ment envisager de se procurer des armes 
antisatellites. 

57.

 

Tout semble donc indiquer que l’arsenalisation de l’espace n’engendrera pas une course aux 

armements en orbite, mais sur terre. Pendant la prochaine dĂ©cennie, les armes antisatellites 
commenceront Ă  sortir du placard et seront reconnues en tant que moyens de dĂ©fense lĂ©gitimes contre 
des satellites assaillants amĂ©ricains. En fait, on peut prĂ©voir que la prolifĂ©ration des armes ASAT 
posera un problĂšme international majeur comparable Ă  la prolifĂ©ration nuclĂ©aire aujourd’hui. 
L’augmentation constante des activitĂ©s dans l’espace fera des modestes armes ASAT des enjeux 
stratĂ©giques majeurs, Ă  l’instar des armes nuclĂ©aires. Les pays qui ont actuellement des armes 
antisatellites rudimentaires, tels que des IRBM Ă  charge nuclĂ©aire, se mettront Ă  en dĂ©velopper de plus 
sophistiquĂ©es. D’autres qui n’avaient jamais imaginĂ© en acquĂ©rir commenceront Ă  y songer. Ainsi, le 
dĂ©veloppement et l’utilisation des armes antisatellites finiront par ĂȘtre banalisĂ©s. 

58.

 

Les armes spatiales produiront donc l’effet inverse de leurs objectifs dĂ©clarĂ©s. Si des armes sont 

dĂ©ployĂ©es dans l’espace, les conditions dans l’espace proche deviendront plus hostiles que jamais. Les 
satellites deviendront plus complexes et plus onĂ©reux car leur conception devra incorporer des 
mesures de protection contre les armes ASAT ; les coĂ»ts de l’assurance spatiale monteront en flĂšche

63

et comme il est facile aux dĂ©tenteurs de ces armes de nier toute utilisation, la suspicion entre 
puissances spatiales atteindra des niveaux sans prĂ©cĂ©dent, au dĂ©triment de la coopĂ©ration 
internationale sur l’exploration pacifique de l’espace. L’industrie spatiale en pĂątira inĂ©vitablement et, 

                                                 

61

 Moltz James Clay ed, 

Future Security in Space

 â€Š, pp. 44-50 et 54-57. 

Disarmament Diplomacy

 News 

Review, 

Russia and China Introduce Draft Treaty on Space Weapons

, N° 66, septembre 2002. 

62

 United States Congressional Research Service, 

China’s Space Program: an Overview

, rapport pour le CongrĂšs 

des Etats-Unis, Washington DC, octobre 2003, p. 5. 

63

 Moltz James Clay ed, 

Future Security in Space


 p. 31. 

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DOCUMENT 

A/1932 

 

19 

 

ironie des choses, les Etats-Unis seront les plus durement touchĂ©s puisque ce sont eux qui ont le 
secteur spatial le plus développé au monde

64

59.

 

L’Union europĂ©enne a tout intĂ©rĂȘt Ă  Ă©viter des consĂ©quences aussi catastrophiques. Son 

industrie spatiale se classe au deuxiĂšme rang mondial, et elle aussi subira de plein fouet les conditions 
dĂ©sastreuses d’une arsenalisation de l’espace. C’est peut-ĂȘtre mĂȘme elle qui pourrait souffrir le plus 
car elle dĂ©pend encore plus des activitĂ©s commerciales dans l’espace que les Etats-Unis. Actuellement, 
l’industrie amĂ©ricaine est soutenue en grande partie par d’énormes commandes de l’Etat ; en l’absence 
de politique similaire en Europe, les industries comptent de plus en plus pour leur survie sur des 
contrats commerciaux de nature civilo-militaire. Si les investisseurs privĂ©s reculent devant 
l’arsenalisation de l’espace, tout le secteur de l’industrie spatiale, y compris l’Agence spatiale 
européenne, sera confronté à de graves difficultés financiÚres

65

60.

 

En outre, l’UE pourrait sans le vouloir ĂȘtre prise dans une confrontation dans l’espace. On sait 

en effet que la Chine a rejoint rĂ©cemment le programme de satellites de positionnement Galileo et 
qu’elle a obtenu le plein accĂšs Ă  son utilisation

66

. Si, en temps de crise, la Chine dĂ©cide de l’utiliser Ă  

des fins militaires, il deviendra automatiquement un objectif lĂ©gitime pour les armes spatiales 
amĂ©ricaines. Par consĂ©quent, un simple accrochage dans l’espace, provoquĂ© par un incident mineur 
dans le dĂ©troit de Taiwan, pourrait trĂšs bien faire perdre Ă  l’Europe plusieurs satellites Galileo et 
mettre en pĂ©ril des milliards d’euros d’investissements. 

V.

 

Comment l’UE doit rĂ©agir Ă  l’arsenalisation de l’espace 

61.

 

L’UE ne peut rester indiffĂ©rente face Ă  de tels risques. Elle se doit de prendre des mesures qui 

anticiperont le dĂ©ploiement des armes amĂ©ricaines dans l’espace. L’accroissement de ses capacitĂ©s de 
contrĂŽle de l’espace et l’amĂ©lioration de la survivabilitĂ© de ses satellites seront dĂ©terminants pour 
l’avenir. 

62.

 

AccroĂźtre les capacitĂ©s de contrĂŽle de l’espace n’équivaudrait pas nĂ©cessairement Ă  y dĂ©ployer 

ses propres armes. Mais cela implique qu’elle amĂ©liore considĂ©rablement ses moyens de surveillance 
de l’espace et qu’elle modernise ses dispositifs d’évaluation de la situation, trĂšs limitĂ©s jusqu’ici. Les 
efforts considĂ©rables dĂ©ployĂ©s en ce sens par les Etats membres de l’UE et l’ESA devront ĂȘtre 
coordonnés et intensifiés

67

. Il s’agit de crĂ©er un rĂ©seau europĂ©en de surveillance spatiale qui fournira 

des informations constantes, en temps quasi rĂ©el, sur la position de tous les satellites – les nĂŽtres 
comme les leurs. Un tel systĂšme aurait un double objectif, civil et militaire. D’une part, il pourrait 
suivre les satellites et contribuer Ă  Ă©viter les collisions dans l’espace ; d’autre part, il pourrait vĂ©rifier le 
bon fonctionnement de nos outils, identifier les satellites hostiles en phase d’approche et surveiller le 
dĂ©ploiement des armes dans l’espace. Il pourrait aussi, ultĂ©rieurement et en dernier recours, fournir les 
coordonnĂ©es pour le guidage vers l’objectif des armes antisatellites basĂ©es au sol. 

63.

 

L’UE reconnaĂźt dĂ©sormais l’importance pour la sĂ©curitĂ© de se doter de satellites d’observation 

de la terre et elle s’y emploie activement avec son projet GMES

68

. Mais ce qui est plus difficile Ă  

comprendre, c’est que le contrĂŽle qu’elle exercera sur ces prĂ©cieux instruments restera nominal tant 
qu’elle ne pourra pas les suivre de la terre. La disponibilitĂ© d’un systĂšme de surveillance de l’espace 
est normalement la condition indispensable au dĂ©ploiement de tout engin spatial pour la sĂ©curitĂ©. Les 
Etats-Unis, qui l’ont compris depuis longtemps, sont le seul pays au monde Ă  exploiter un tel systĂšme 
et Ă  le moderniser constamment. En bref, 

la surveillance de l’espace est au moins aussi importante, 

pour des raisons de sĂ©curitĂ©, que la surveillance effectuĂ©e Ă  partir de l’espace.

 

64.

 

Soyons clairs : l’acquisition d’un tel systĂšme par l’UE n’aurait absolument pas pour but de 

rivaliser avec les Etats-Unis dans ce domaine. Au contraire, le systĂšme de surveillance spatiale de 

                                                 

64

 Ibid, p. 9-10. Pena Charles V. et Hudgins Edward L, 

Should United States â€œWeaponize” Space

? â€Š, pp. 12-16. 

65

 Moltz James Clay ed, 

Future Security in Space
, 

pp. 58-60. 

66

 Lewis, James A, 

China as a Military Space Competitor 


, p. 2. 

67

 Klinkrad H, 

Monitoring Space Efforts Made by European Countries

, Agence spatiale europĂ©enne, ESOC, 

Darmstadt. 

68

 Commission europĂ©enne, Communication de la Commission au Conseil et au Parlement europĂ©en, Politique 

spatiale europĂ©enne : Ă©lĂ©ments prĂ©liminaires, Bruxelles, 23 mai 2005, p. 8. 

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DOCUMENT A/1932 

 

20 

 

l’UE devrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme complĂ©mentaire de son homologue amĂ©ricain, de mĂȘme que la 
constellation Galileo fonctionnera parallĂšlement au systĂšme GPS existant. L’idĂ©e est que deux 
systĂšmes valant mieux qu’un, mĂȘme le gouvernement amĂ©ricain soutiendrait sa crĂ©ation. Par ailleurs, 
l’existence d’une source d’information supplĂ©mentaire sur l’espace proche ne peut qu’encourager la 
coopĂ©ration internationale. Cela apaisera aussi sans doute les craintes des Russes et des Chinois que 
les Etats-Unis profitent de leur position actuelle de monopole pour Ă©tablir une discrimination Ă  leur 
encontre en ce qui concerne la diffusion des informations pertinentes. En fait, ces deux pays pourraient 
mĂȘme ĂȘtre invitĂ©s Ă  participer d’emblĂ©e au programme europĂ©en. 

65.

 

Quoi qu’il en soit, un tel systĂšme dĂ©montrerait la dĂ©termination de l’UE Ă  protĂ©ger ses moyens 

spatiaux face Ă  la montĂ©e de nouvelles menaces. Sans ce systĂšme, un agresseur potentiel pourrait se 
livrer Ă  des manipulations sur les satellites de l’UE ou mĂȘme carrĂ©ment les dĂ©truire et s’en tirer Ă  bon 
compte. En prĂ©sence d’un tel systĂšme, il saurait qu’il courrait le risque d’ĂȘtre pris en flagrant dĂ©lit et 
de devoir faire face aux consĂ©quences de ses actes. 

Il est clair que l’existence mĂȘme d’un systĂšme de 

surveillance de l’espace constitue un progrĂšs dĂ©cisif pour dissuader tout agresseur.

 

66.

 

En outre, des mesures complĂ©mentaires plus simples pourraient ĂȘtre prises pour permettre aux 

engins spatiaux de l’UE de rĂ©sister aux consĂ©quences d’une attaque. Elles ont Ă©tĂ© mentionnĂ©es 
précédemment

69

. Il s’agit : 

–

 

d’augmenter la capacitĂ© Ă  

remplacer rapidement et Ă  bref prĂ©avis

 les satellites vitaux pour 

remĂ©dier Ă  leur perte inopinĂ©e ; 

–

 

de leur donner une 

autonomie de fonctionnement

 sur de courtes pĂ©riodes pour parer Ă  la 

destruction possible de leurs systĂšmes de contrĂŽle ; 

–

 

de leur permettre 

d’effectuer eux-mĂȘmes des rĂ©parations

 limitĂ©es en orbite, 

vraisemblablement en les dotant de piĂšces de rechange et des mĂ©canismes appropriĂ©s ; 

–

 

de 

durcir et de protéger

 leurs sous-systĂšmes vitaux afin de rĂ©sister Ă  des niveaux de radiation 

et des champs Ă©lectromagnĂ©tiques exceptionnellement Ă©levĂ©s ; 

–

 

de 

mieux coder

 leurs communications et de les Ă©quiper de systĂšmes de contre-mesures 

Ă©lectroniques qui dĂ©tecteront et neutraliseront toute tentative de brouillage ou de piratage 
dont ils seraient l’objet ; 

–

 

de les 

Ă©quiper de capteurs embarquĂ©s et de dispositifs d’autoprotection

 semblables Ă  ceux 

utilisĂ©s sur les avions de chasse aujourd’hui afin d’identifier les satellites agresseurs et de se 
dĂ©fendre contre eux ; 

–

 

d’accroĂźtre considĂ©rablement les caractĂ©ristiques de 

furtivitĂ© 

au niveau de leur conception 

pour leur permettre d’échapper Ă  la dĂ©tection et de dissimuler certaines de leurs capacitĂ©s ; 

–

 

d’amĂ©liorer les 

mesures de sĂ©curitĂ©

 concernant les informations sur leur dĂ©ploiement et leur 

objectif

70

67.

 

On n’insistera jamais trop sur l’importance de ces mesures de prĂ©caution. Il ne fait aucun doute 

qu’à l’avenir, un satellite non dotĂ© de telles capacitĂ©s ne sera pas fiable. Il est vrai que ces satellites 
reviennent cher et que leur dĂ©veloppement impliquera un niveau sans prĂ©cĂ©dent de coopĂ©ration 
industrielle et opĂ©rationnelle entre pays europĂ©ens, mais leurs coĂ»ts sont peu Ă©levĂ©s par rapport au coĂ»t 
global du dĂ©ploiement et de l’utilisation d’engins spatiaux. 

68.

 

Pour construire des satellites capables de survivre aux conditions hostiles qu’engendrera 

l’arsenalisation de l’espace, les pays europĂ©ens devront changer de politique. Ils ne peuvent plus 
continuer Ă  dĂ©velopper et acquĂ©rir des moyens spatiaux basĂ©s sur les seuls critĂšres du marchĂ©. Un 
homme d’affaires n’acceptera pas facilement de rĂ©aliser de coĂ»teuses contre-mesures n’ayant aucune 
utilitĂ© commerciale. C’est au secteur public qu’il revient d’assumer complĂštement la responsabilitĂ© de 
garantir la survivabilitĂ© des satellites Ă  double usage contre les armes antisatellites. Cela est 

                                                 

69

 Voir partie IV. 

70

 Moltz James Clay ed, 

Future Security in Space


, p. 12. 

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DOCUMENT 

A/1932 

 

21 

 

particuliĂšrement vrai pour l’UE Ă©tant donnĂ© que – contrairement aux Etats-Unis – elle s’appuiera 
uniquement sur des systĂšmes duaux pour satisfaire Ă  ses besoins militaires et de sĂ©curitĂ©. Les 
premiĂšres mesures Ă  prendre devraient ĂȘtre d’augmenter le budget consacrĂ© par les Etats membres de 
l’UE Ă  l’espace et d’accroĂźtre la coopĂ©ration entre les institutions de sĂ©curitĂ© de l’UE et l’Agence 
spatiale europĂ©enne. 

VI.

 

Conclusions 

69.

 

Les champions de l’arsenalisation de l’espace fondent leur argumentation sur un postulat 

technique majeur : l’espace serait le bastion suprĂȘme et, par consĂ©quent, toute arme qui y serait placĂ©e 
ne pourrait ĂȘtre dĂ©truite Ă  partir de la terre

71

. Ce postulat, pour sĂ©duisant qu’il soit, est faussĂ© Ă  la base. 

Certes, les armes spatiales pourraient utiliser la gravitĂ© Ă  leur profit, Ă©tant donnĂ© qu’elles pourraient 
fondre sur leurs adversaires qui, eux, auraient Ă  combattre les effets de la pesanteur

72

. Toutefois, que 

cela nous plaise ou non, les armes orbitales seront soumises aux mĂȘmes lois physiques que n’importe 
quel satellite. Cela signifie 

qu’elles devront suivre des orbites fixes et prĂ©Ă©tablies, facilement 

prévisibles

. Tout adversaire dĂ©terminĂ© pourrait exploiter cette prĂ©visibilitĂ© Ă  son avantage. Les armes 

spatiales les plus sophistiquĂ©es joueront donc un rĂŽle analogue aux fortifications fixes de l’ancien 
temps

73

. Les dĂ©fenseurs de l’arsenalisation de l’espace voudraient nous convaincre qu’elles sont 

parfaitement adaptĂ©es Ă  la projection de force car elles pourraient faire indĂ©finiment le siĂšge de 
l’ensemble de la planĂšte

74

. Mais l’histoire nous a enseignĂ© que les ennemis nous rendent rarement le 

service d’attaquer de front des positions fortifiĂ©es. Un adversaire intelligent choisirait de les 
contourner. 

70.

 

Tel sera inĂ©vitablement le cas des armes dans l’espace. Les adversaires agiront selon toute 

probabilitĂ© de maniĂšre indirecte et prendront des mesures asymĂ©triques pour compenser la supĂ©rioritĂ© 
Ă©crasante des Etats-Unis dans l’espace. Cela consistera Ă  transfĂ©rer les installations clĂ©s sous terre ; 
appliquer des techniques de camouflage et de leurre ; amĂ©liorer les capacitĂ©s de surveillance spatiale et 
concevoir des armes antisatellites basĂ©es au sol qui soient plus robustes et plus mobiles

75

. A cĂŽtĂ© de 

telles contre-mesures, qui sont relativement bon marchĂ©, les milliards de dollars investis dans les 
armes spatiales peuvent sembler disproportionnĂ©s. 

71.

 

Enfin, les champions de l’arsenalisation de l’espace se plaisent Ă  dire que leur doctrine est 

imposĂ©e par le cours inĂ©luctable de l’histoire. Ils affirment que, de mĂȘme que le XX

e

 siĂšcle a vu la 

montĂ©e de la puissance aĂ©rienne, le XXI

e

 siĂšcle sera le tĂ©moin de la montĂ©e de la puissance spatiale

76

Rien ne saurait ĂȘtre plus fallacieux que cette hypothĂšse. Au dĂ©but du siĂšcle passĂ©, l’aĂ©roplane n’était 
qu’un phĂ©nomĂšne scientifique expĂ©rimental. La PremiĂšre guerre mondiale en a fait une arme. Au 
dĂ©but de la Seconde guerre mondiale, il a Ă©tĂ© utilisĂ© essentiellement comme instrument de la 
suprĂ©matie aĂ©rienne, mais Ă  la fin de la guerre, c’était devenu un vĂ©ritable armement stratĂ©gique. Au 
fil de l’histoire, le dĂ©veloppement de la puissance aĂ©rienne a Ă©tĂ© mĂ» par la nĂ©cessitĂ©. Il s’agissait Ă  
chaque fois de mettre rapidement fin Ă  une guerre longue et meurtriĂšre. La puissance spatiale, au 
contraire, est par essence offensive et elle est dĂ©veloppĂ©e en temps de paix. La puissance aĂ©rienne a 
Ă©tĂ© conçue, de toute Ă©vidence, comme moyen de mettre fin aux guerres ; Ă  l’inverse, la puissance 
spatiale pourrait avoir pour effet essentiel de crĂ©er la capacitĂ© de dĂ©clencher une nouvelle guerre. 

                                                 

71

 Ce point de vue est repris constamment, notamment dans : Lambeth Benjamin S

, Mastering

 â€Š 

72

 Dolman Everett Carl, 

Space Power and US Hegemony 


, pp.7-8. 

73

 Moltz James Clay ed, 

Future Security in Space


, p. 29. 

74

 Dolman Everett Carl, 

Space Power and US Hegemony

, p. 7. 

75

 Preston Bob, 

Space Weapons Earth Wars

, pp. 81-82. 

76

 Lambeth Benjamin S, 

Mastering


, pp. 164-166. 

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DOCUMENT A/1932 

 

22 

 

LISTE D’ABRÉVIATIONS 

 

ABM : 

Anti Ballistic Missile Systems/SystĂšmes antimissiles balistiques. 

ABMT : 

Anti Ballistic Missile Systems Treaty/TraitĂ© sur la limitation des systĂšmes antimissiles 

balistiques/TraitĂ© ABM. 

ADM/WMD : 

Weapons of Mass Destruction/Armes de destruction massive. 

ASAT : 

Anti Satellite Weapons/Armes antisatellites. 

EMP : 

Electro Magnetic Pulse/Pulsation Ă©lectromagnĂ©tique. 

ESA : 

European Space Agency/Agence spatiale

 

europĂ©enne. 

GMES : 

Global Monitoring for Environment and Security/Surveillance globale pour 

l’environnement et la sĂ©curitĂ©. 

GPS : 

Ground Positioning System/SystĂšme de

 

positionnement global. 

HAND : 

High Altitude Nuclear Detonations/Explosions

 

nuclĂ©aires Ă  haute altitude. 

ICBM : 

Inter Continental Ballistic Missiles/Missiles balistiques intercontinentaux. 

IDS/SDI : 

Strategic Defence Initiative/Initiative de dĂ©fense stratĂ©gique. 

IRBM : 

Intermediate Range Ballistic Missiles/Missiles balistiques Ă  portĂ©e intermĂ©diaire. 

KKV : 

Kinetic Kill Vehicles/VĂ©hicules de destruction cinĂ©tique. 

LEOS : 

Low Earth Orbit Satellites/Satellites en orbite basse. 

LIAB : 

Liability Convention/Convention sur la responsabilitĂ© internationale pour les dommages 

causĂ©s par des objets spatiaux. 

MIRV : 

Multiple Independent Re-entry Vehicles/VĂ©hicules de rentrĂ©e Ă  ogives multiples 

guidables indĂ©pendamment de leur objectif. 

MOON Agreement : 

Moon Agreement/Accord sur la lune (Accord rĂ©gissant les activitĂ©s des 

Etats sur la lune et les autres corps cĂ©lestes). 

NTB : 

Nuclear Test Ban/Interdiction des essais nucléaires.

 

OD : 

Orbital Debris/DĂ©bris orbitaux. 

OST : 

Outer Space Treaty/TraitĂ© sur l’espace extra-atmosphĂ©rique. 

REG : 

Registration Convention/Convention sur l’immatriculation des objets lancĂ©s dans 

l’espace extra-atmosphĂ©rique. 

SATCOM : 

Satellite Communications/Communications par satellite. 

SPACEOPS : 

Space Operations/OpĂ©rations spatiales. 

SW : 

Space Weapons/Armes spatiales. 

USAF : 

United States Air Force/ArmĂ©e de l’air des Etats-Unis. 

 

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DOCUMENT 

A/1932 

 

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TraitĂ© sur les principes rĂ©gissant les activitĂ©s des Etats en matiĂšre d’exploration et d’utilisation de 
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