Dominique Ottello
LES PREMIERS MOTEURS D
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LES PREMIERS MOTEURS D'AVIATION
Préface du Rapport du 1er Salon de l'Aéronautique - Grand Palais, Paris - Décembre 1908.
Le moteur léger est-il si nécessaire, dit-on parfois ? L'expérience de Wright n'est-elle pas là pour prouver que le
moteur suffisamment léger et d'une puissance modeste est la solution convenable. On oublie, en raisonnant
ainsi, deux faits, le premier qui est que l'aéroplane Wright est tout spécialement étudié pour offrir le minimum de
résistance à la propulsion et il ne faut pas oublier que l'école française s'impose des conditions plus
défavorables à ce point de vue pour des raisons qui caractérisent précisément cette école; le second est que
l'aéroplane Wright n'a pas à donner le coup de collier du départ, puisque son pylône lui donne la puissance
voulue pour l'enlèvement.
La conclusion s'impose : abandonnons la méthode française ou étudions le moteur à grande puissance
massique, le moteur toujours plus puissant pour un poids donné. Or, nul ne songe à abandonner la méthode
française et c'est bien pourquoi les moteurs d'aviation furent si nombreux au premier Salon de l'Aéronautique.
C'est par l'aide du moteur que l'homme apprendra à voler. Quand il saura voler, il songera certainement que la
navigation à voile est plus économique que la navigation au moteur et il se contentera peut-être du moteur
auxiliaire ?
Le problème de l'Aéroplane véhicule industriel ou de transport en commun ne se pose pas encore et nous
pouvons nous contenter actuellement de chercher à faire du sport. Levassor sur la route de Paris à Bordeaux
eut cette préoccupation et une industrie considérable, qu'entrevit certainement l'ingénieur, est née des efforts
du sportsman.
Les plus anciens moteurs légers à explosion destinés spécialement à l'aviation
furent en 1903 le Manly (
Õ
) Ã cinq cylindres rayonnants de 52 CV et 155 kg
pour l’aéroplane de Langley (Conservé à l’American Museum de Washington)
et le Wright.
Ils ont été suivis de près par l'Antoinette 24 CV de Levavasseur, qui fut
construit industriellement et adapté à différents aéroplanes. Ce moteur avait 8
cylindres en V. Levavasseur créa ensuite son célèbre Antoinette de 90 CV.
Les temps primitifs de l'aviation peuvent se diviser, pour les moteurs, en deux
périodes : celle de l'Antoinette et celle du Gnome. Le premier de ces moteurs
équipa tous les aéroplanes ayant donné des résultats importants entre 1906 et
1908. C'est le principe du moteur à cylindres multiples et à rotation rapide. A
partir de 1909, la suite des succès passe au rotatif Gnome, oeuvre des frères
Seguin. Bien que le principe des moteurs rotatifs, c'est-à -dire tournant entièrement autour d'un vilebrequin fixe,
ait été connu et déjà appliqué, l'apparition du moteur Gnome fonctionnant en porte à faux, conception très
audacieuse, et ses excellents résultats provoquèrent une véritable révolution dans l'aviation et même dans la
mécanique en général.
Un fait remarquable, c'est l'intérêt porté, dès les premiers vols de Santos-
Dumont avec le moteur Buchet sur son dirigeable n°5 (
Ö
), Ã la recherche de
moteurs légers pour l'aviation. Les solutions envisagées dès lors sont
extrêmement variées et certaines n'ont été reprises que beaucoup plus tard.
Levavasseur et les frères Seguin inspirèrent de nombreux imitateurs, mais le
génie inventif s'exerça dans les sens les plus divers.
Les moteurs fixes se divisèrent par le mode de refroidissement, par l'eau ou
par l'air. La disposition des cylindres varie infiniment : du simple 4 cylindres
en ligne verticale, du Wright (1907), on passe aux cylindres inversés de
Grégoire (1909) et aux 6 cylindres en ligne Labor (1910), système adopté
couramment en Allemagne. Anzani créa des moteurs à 3 cylindres en
éventail et en Y. Les cylindres en éventail passent à 6 dans le moteur
Lemasson de 1910. Esnault-Pelterie invente, dès 1907, son R. E. P. à deux
groupes de 3 et 2 cylindres en éventail. Ce fut le premier à refroidissement
direct par l'air. Cependant, Darracq –
Õ
moteur à deux cylindres opposés
de 25 CV monté sur
La
Demoiselle
de Santos-
Dumont en 1908 –, Dutheil
et Chalmers, Nieuport
Ö
avec son 28 CV avec
magnéto et bougies Nieuport qui battit des records de vitesse
sur 10 et 15 km puis tous les records de 1 Ã 100 km le 11 mai
1910 à 120 km/h, Clément et, plus tard, Gnome réalisent des
moteurs à cylindres opposés tendant vers la machine plate.
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Tout au contraire, Gobron, en 1909, fait voler un moteur à cylindres en X. Des moteurs en étoile, placés
horizontalement, sont établis par Farcot et Clerget en 1908. Anzani et Canton-Unné reprennent ce dispositif
dans le plan vertical, avec refroidissement par l'air et par
l'eau.
Les moteurs rotatifs, développés par Verdet (Rhône) et
Clerget, connurent aussi de nombreuses tentatives de
modification : le Ligez, à double rotation, est à citer.
Clerget-Clément de 50 CV à 7 cylindres en étoile (1908)
Ö
Les puissances sont restées normalement entre 50 et 70
CV pendant les six premières années de l'aviation, à part
quelques exceptions comme le moteur Panhard de 100 CV
monté sur le biplan de Bolotoff en 1908.
Ø
La puissance de 200 CV, atteinte en 1913 et 1914
par le double Gnome ou par Clerget et Salmson,
paraissait alors sans emploi.
En plus de tous les moteurs décrits dans les pages suivantes, on pourrait encore citer :
-
Le moteur conçu par Whitehead en 1901, de 21 CV à 2 500 t/mn pour un poids de 24,5 kg et baptisé
n°21 mais sans précision quant au carburant utilisé ; acétylène, acide carbonique, Whitehead ne l’a
jamais dévoilé.
-
Le moteur Benz pour l’aéroplane à flotteur de Wilhelm Kress, donnant à peine 30 CV au lieu de 40 et
trop lourd (380 kg) pour permettre à l’aéroplane de pouvoir décoller.
-
Le moteur Buchet de 6 CV pour 36 kg destiné au capitaine Ferber en mai 1902.
-
Le moteur développé par Curtiss aux USA.
-
Le moteur de 3 CV des frères Dufaux pour un hélicoptère miniature et pouvant enlever une charge de
6 kg.
-
Le moteur Peugeot de 12 CV équipant le planeur n°6 bis de Ferber en mai 1905
-
Le moteur de Jacob Ellhammer de 30 CV au Danemark en janvier 1908.
-
Le moteur anglais Green de 55 CV pour un biplan Short en 1909.
Et sans doute bien d’autres encore.
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Le moteur de Dion-Bouton
La propulsion des aéronefs est, pour les navigateurs, le grand problème de ce début de XXe siècle. De Henri
Giffard, avec son dirigeable, à Clément Ader, avec l’Éole, tous ont eu recours à des moteurs à vapeur. Or, la
difficulté provient du poids et du volume beaucoup trop importants de ces moteurs. En 1896 déjà , Nadar et de
La Landelle réclament «un cheval-vapeur dans un boîtier de montre» pour leur machine volante. La réponse au
problème sera le moteur à explosion, fonctionnant au pétrole : destiné à l'automobile, il est fait de fonte et de
cuivre, et fonctionne en 4 temps (admission, compression, détente, échappement)
définis en 1876 par l'ingénieur allemand Auguste Otto. En 1889, un autre moteur,
destiné cette fois à la propulsion d'aéronefs, est conçu par Albert de Dion et le
mécanicien Georges Bouton : monocylindre refroidi par air avec ailettes sur toute la
hauteur du fût et de la culasse, il comporte une soupape d'admission automatique et un
allumage haute tension par rupteur et bobine d'induction. Développant une puissance
de 1,5 CV, il pèse 25 kg. C'est à partir d'un moteur à pétrole de tricycle de Dion-Bouton
que le Brésilien Santos-Dumont construisit le moteur destiné à son dirigeable n°2. Il
imagine de superposer sur un seul carter deux cylindres de deux moteurs qui actionnent
une bielle et sont alimentés par un seul carburateur, le tout allégé au maximum. Le
résultat est un moteur développant 2,5 CV pour un poids de 35 kg. Pour contrôler le
niveau des vibrations, il invente le premier banc d'essai en accrochant son moteur Ã
deux grosses branches. Lorsqu'il «enfourche» l'engin et met le moteur en marche, il ne
ressent presque aucune vibration. Enfin, si le moteur est effectivement léger, il veut être
sûr qu'il sera assez résistant pour tourner pendant 4 à 5 heures sans tomber en panne
ni trop chauffer. Lors de cet essai, Santos-Dumont résout aussi le problème des risques
d'explosion du ballon gonflé à l'hydrogène dus aux étincelles provenant du moteur.
Le moteur Anzani
Alfred de Pischoff cherchait un ingénieur de génie, il l'a trouvé
en la personne d'Alexandre Anzani. Ce motoriste milanais
passionné de courses cyclistes a conçu un moteur très léger de
25 CV, 3 cylindres en éventail et refroidi par air. L'aviateur
français a été immédiatement séduit et l'a monté sur son biplan,
avec une hélice en bois fabriquée par Lucien Chauvière.
Jusqu'à présent, elles étaient en métal. L'avion de De Pischoff
présente une autre particularité, il n'a pas de fuselage ni de plan
porteur avant adopté par les frères Wright. La cellule est à plans
inégaux. Le plan inférieur est divisé en deux, pour porter Ã
l'avant le moteur et le pilote assis sur une sangle. Les premiers
essais ont eu lieu en novembre 1907. Ils ont été décevants,
marqués par des ruptures de matériel, et aucun vol n'a été
possible. Mais, hier 5 décembre 1907 et aujourd'hui, Alfred de
Pischoff a été récompensé de ses efforts, l'avion et son pilote
ont pu s'élever de terre quelques instants. Un vol encore modeste, mais qui semble, sur le plan de la technique,
porteur de promesses d'avenir.
Le moteur Antoinette.
Le moteur se compose tout d'abord d'un bâti ayant la forme d'un prisme
triangulaire. Si nous considérons la section de ce prisme perpendiculairement Ã
son grand axe, nous constatons que l'angle au sommet du triangle de section est
droit et les deux autres égaux; sur chacune des faces du prisme inclinées à 45
degrés se trouvent placés quatre cylindres.
Les bielles sont par paire sur la même manivelle et sont commandées par les deux
pistons dont les axes font entre eux un angle de 90 degrés. L'arbre manivelle
comporte les quatre manivelles, toutes placées dans le même plan. Les cylindres
sont indépendants ; les deux rangées de cylindres sont décalées l'une par rapport
à l'autre, de façon que les bielles correspondantes puissent être juxtaposées sur la
même manivelle. Un cylindre complet se compose de trois pièces : le corps du
cylindre en fonte, une fausse culasse en aluminium et la chemise d'eau en laiton.
Un arbre de cames commande les huit clapets d'échappement, ce même arbre
peut commander les clapets d'admission.
L'allumage est produit par l'aide, soit d'une bobine à trembleur et d'un distributeur
de courant secondaire, soit encore d'un petit alternateur auto-excitateur à haute
fréquence, actionné par le moteur pendant la marche et à la main pour le départ.
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L'alimentation du moteur se fait par une petite pompe à essence. L'essence est refoulée par la pompe dans huit
petits distributeurs placés sur les huit cloches d'aspiration du
moteur. La circulation d'eau est assurée par une pompe Ã
engrenages. Le graissage se fait par circulation d'huile de la
façon suivante : L'huile est prise par la pompe dans le carter,
puis remontée dans une rampe à plusieurs débits, placée au
sommet du carter. Cette rampe envoie l'huile dans toutes les
directions aspergeant les pièces en mouvement.
Léon Levavasseur a produit des moteurs en V Antoinette de
24 CV Ã 120 CV jusqu'en 1910. De conception
révolutionnaire pour l'époque, ils étaient équipés d'un
système d'injection directe du carburant et d'un
refroidissement par évaporation : après son passage autour
des cylindres, l'eau de refroidissement est transformée en
vapeur. Celle-ci se condense dans un radiateur de grande
dimension, suspendu sur le côté du fuselage. Le V8 de 1905
pesait 50 kg pour 50 CV, ce rapport masse/puissance de 1
ne fut égalé que vingt-cinq ans plus tard.
Le moteur Bayard-Clément.
La disposition adoptée est la même que dans le type J. A. Farcot, c'est le moteur rayonnant dans lequel les
cylindres au nombre de sept sont disposés sur le même plan autour d'un axe de vilebrequin unique. La
méthode suivie en ce qui concerne ce vilebrequin, sur lequel sont accouplées toutes les bielles, a permis
l'équilibrage des pièces en mouvement sur un seul plan. A cet effet, un contrepoids double faisant fonction de
volant, réalise l'équilibrage cherché.
D'autre part, la disposition des cylindres placés horizontalement et rayonnant vers le centre, a été adoptée pour
réduire au minimum le nombre des organes et réaliser un graissage régulier et une circulation d'eau efficace.
Les cylindres sont, en acier spécial, rectifiés. Les culasses, en acier coulé, sont vissées et soudées sur les
cylindres. La circulation d'eau s'effectue entre les cylindres et leur chemise en cuivre. La culasse est
hémisphérique et porte les deux soupapes, celle d'admission et celle d'échappement. Ces soupapes sont
rappelées sur leurs sièges, non pas comme à l'habitude, par des ressorts à boudin, mais par des ressorts Ã
lames. On réduit ainsi l'encombrement de la tête des cylindres. Un balancier fonctionnant à double effet,
commande l'ouverture d'échappement et accompagne l'admission. C'est le ressort à boudin de la tige de rappel
qui produit cet effet.
La distribution s'effectue par une came centrale recevant sa commande d'un pignon démultiplicateur. Ce
démultiplicateur actionne également la came qui tourne huit fois moins vite que l'arbre moteur et dans le même
sens. Quatre bossages existent sur cette came pour l'échappement, et quatre encoches pour l'admission. Les
taquets, recevant l'action de la came, transmettent cette action aux balanciers, lesquels agissent sur les
soupapes. L'allumage est réalisé par magnéto, à haute tension.
Le Moteur Buchet.
La maison Buchet a exposé un moteur à 6 cylindres à ailettes, groupés dans le même genre que ceux des
moteurs R. E. P. Ce groupement est fait sur trois plans différents. Les soupapes d'échappement sont, seules,
commandées. Le carburateur possède au-dessus de lui un distributeur général duquel partent les six conduits
qui se rendent à chaque cylindre. Ce moteur est d'une puissance de 24 chevaux. En 1901, Santos-Dumont
équipa son dirigeable N°5 par un moteur Buchet de 4 cylindres et 16 chevaux pesant 98 kg (Voir page 1).
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Le Moteur E. N. V.
Les 8 cylindres du moteur E. N. V. sont disposés en V. Le
vilebrequin repose sur trois longues portées, ses manetons
étant calés, deux à deux, à 180 degrés les uns par rapport aux
autres. L'arbre vilebrequin est creux et les manivelles sont
remplacées par des plateaux manivelles nervurés. L'arbre Ã
cames commandant la levée des soupapes est, également,
foré dans toute sa longueur et les cames font corps avec lui.
Commandées toutes deux, les soupapes d'admission et
d'échappement sont disposées, côte à côte, dans la même
boîte à soupapes correspondant à chaque cylindre, le même
arbre à cames sert donc à la commande des deux soupapes.
Le graissage de ce moteur est réalisé au moyen d'une
circulation d'huile dont le débit est réglé par un flotteur. La
pompe est logée dans la cloison médiane du carter.
Les manetons de l'arbre vilebrequin sont
respectivement reliés entre eux et aux portées dudit
arbre au moyen de canaux disposés dans les
plateaux manivelles : on établit ainsi une circulation
continue d'huile alimentant toutes les surfaces de
frottement des deux arbres précités; en outre les
manetons communiquent avec les têtes de bielles
dont les tiges sont creuses.
Le refroidissement adopté pour ces moteurs est
obtenu par circulation d'eau. Une petite turbine
refoule l'eau du radiateur dans les chambres des
cylindres par le bas; cette eau retourne au radiateur
par la tuyauterie supérieure. Enfin l'allumage est
réalisé par une magnéto ou une batterie
d'accumulateurs avec bobine.
Moteur E.N.V. sur Blériot XII
Le Moteur Esnault Pelterie (R.E.P.).
Trois types sont construits dans les ateliers de M. Esnault Pelterie : le type à 7 cylindres de 20 chevaux, le type
à 7 cylindres de 30 chevaux qui a servi aux aéroplanes monoplans du constructeur lors de ses expériences Ã
Buc. Enfin, le 10 cylindres, obtenu en groupant ou plutôt en accolant deux moteurs à 5 cylindres analogues au
premier type. Un 7 cylindres de 60 chevaux vit le jour en 1908.
Dans le moteur Esnault-Pelterie un même maneton est commandé
par plusieurs cylindres disposés en étoile autour de l'axe horizontal
du vilebrequin. Pour ne pas placer les cylindres la culasse en bas Ã
cause du graissage, on les sépare en deux groupes l'un de 3, l'autre
de 4 que l'on dispose en étoile au-
dessus du plan horizontal de l'axe
du vilebrequin. Ce dernier ne
possède ainsi que deux manetons.
Le moteur n'a pas de volant. Son
refroidissement est assuré par la
circulation de l'air, Ã travers les
ailettes dont sont munies les
culasses. Chaque cylindre ne
possède qu'une seule soupape
placée au sommet de la culasse;
cette soupape fonctionne à la façon
d'un tiroir réalisant par deux levées
différentes l'admission et
l'échappement. Ces levées sont
assurées par deux cames.
Dans le cas du moteur cinq
cylindres, ces derniers sont groupés
par 2 et 3 cylindres.
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L'Aéromoteur Farcot.
Ce moteur comprend 8 cylindres horizontaux disposés en étoile
autour d'un même carter. Les 8 pistons commandent 4 par 4 un
vilebrequin à deux manetons. Chaque cylindre ne possède qu'une
soupape à deux levées, servant à la fois pour l'admission et pour
l'échappement comme dans le moteur R. E. P. Le refroidissement
se fait par l'air. Le moteur est enveloppé d'un capot où une
circulation d'air est assurée par un ventilateur. L'allumage est réalisé
par une magnéto et le graissage assuré par une pompe qui envoie
l'huile sous pression aux organes en mouvement.
Le Moteur FIAT.
La société FIAT avait exposé au salon de l'Aéronautique un moteur
à 8 cylindres. Ce moteur est presque identique au Renault, créé tout
récemment, il est d'une puissance de 50 chevaux.
Le moteur Gnome (Omega).
Ø
Au 1
er
Salon de l’aéronautique en décembre 1908
Le moteur Gnome est un moteur à carter rotatif; il est constitué par sept
cylindres équilibrés tournant autour d'un axe fixe. Six biellettes sont articulées
sur la tête de bielle d'une septième bielle fixée au maneton par l'intermédiaire de
roulements à billes.
L'admission des gaz se fait par le centre du carter et par une soupape équilibrée
automatiquement, placée à la partie supérieure du piston. Chaque soupape
d'échappement placée sur le fond du cylindre est commandée par une tige
actionnant un culbuteur. L'échappement des gaz brûlés se fait à l'air libre. Le
graissage est assuré par deux tubes conduisant, l'un aux têtes de bielles et
l'autre aux portées d'arbre et aux cylindres. L'allumage est assuré par une
magnéto avec distributeur de courant secondaire, tournant avec le moteur, et
dont les plots passent successivement sur un frotteur.
Le refroidissement est assuré par le déplacement d'air résultant de la rotation
des cylindres ; de plus, les 3/4 du poids du moteur étant constitués de pièces en
rotation, font fonction de volant. Toutes les portées de travail sont munies de
roulements à billes ; toutes les pièces sont en acier nickel. Ce moteur fit des essais très remarquables au
concours de moteurs à grande puissance massique, organisé par la Commission technique de l'Automobile-
Club de France, dans son laboratoire.
Il fut le premier moteur étudié spécifiquement pour l'aéronautique par les frères Seguin et fut surnommé le
"Rototo". Avec sept cylindres disposés en étoile, il délivrait une puissance de 50 CV et ne pesait que 76 kg.
Vendu au prix catalogue de 13 000 francs, il permit de battre plus d'une trentaine de records entre 1909 et
1913. Il fut le moteur le
plus performant de la
Première Guerre mondiale.
Dans l'Oméga, le
vilebrequin est fixe. Ce
sont donc les cylindres qui
tournent autour de l'axe et
sont ainsi refroidis par la
vitesse de rotation (1200
tr/min). L'hélice est fixée sur
les cylindres. L'arbre du
moteur qui est creux, donne
le passage au mélange air-
carburant. Celui-ci pénètre
dans la culasse par une
soupape automatique
située au fond du piston.
7 Bougie d’allumage
8 Contact de distributeur de la
magnéto
9 Tige-poussoir de soupape
10 Soupape d’échappement.
1 Cylindres rotatifs - 2 Support moteur
3 Admission du mélange air/essence
4 Papillon des gaz - 5 Mélange combustible dans le carter
6 Soupape d’admission du mélange dans le piston
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L'allumage est réalisé par une magnéto et des bougies. La présence du carburant
dans le carter ne pose pas de problèmes de graissage, les moteurs deux temps
actuels en sont la preuve. L'huile de ricin fut le choix naturel pour le rotatif, car c'était
à l'époque un des meilleurs lubrifiants. Cette huile est encore appréciée pour la
résistance du film qu'elle dépose sur les pièces en mouvement. Une grande qualité
de fabrication alliée aux cylindres en acier avec des ailettes taillées dans la masse
lui donnait une excellente fiabilité. En revanche, les forces centrifuges importantes
limitaient la puissance du moteur. Ils comportaient 5, 7, 9 ou 14 cylindres. Ce
dernier, d'une puissance de 100 CV, était réalisé par accouplement de 2 Oméga. Ce
type moteur remporta les six premières places au concours de Reims en 1911.
Bentley le fabriqua en Angleterre, Siemens et Oberursel en Allemagne et Thulin
Motor en Suède. Cette société les exportait en Allemagne où les pilotes les
préféraient pour leur fiabilité. Les pilotes aimaient son ronronnement régulier, mais
redoutaient le couple gyroscopique limitant la cadence des virages.
×
Moteur Gnome de 50 CV qui fut monté sur l’avion de Roland Garros lors de la traversée de la méditerranée
.
Les pilotes de "rototo" étaient astucieux. Le réglage des premiers moteurs rotatifs demandait une adresse
exceptionnelle de la part du pilote. Le mélange de l'air et du carburant se faisait directement à l'entrée du
moteur. Une manette actionnait un volet qui calibrait le débit d'air, tandis qu'une autre contrôlait le volume de
carburant injecté. Lorsque le mélange devenait trop riche, débit d'essence trop important, le moteur répondait
soit avec retard, soit par un grognement suivi d'un arrêt brutal dû à l'encrassement des bougies. En combat
aérien, cette panne soudaine était souvent fatale. Lorsque la carburation était parfaitement réglée, le pilote était
peu enthousiaste à l'idée de modifier le mélange. Aussi, la méthode du contact coupé était-elle très utilisée par
les pilotes. Elle consistait simplement à couper l'allumage, donc le moteur, pour réduire la vitesse ou pour
perdre de l'altitude. Dès que le pilote rétablissait le contact, le moteur reprenait rapidement la pleine puissance
dans un nuage de fumée. Cette méthode était très dommageable pour la tenue mécanique des moteurs. Elle fut
appliquée parce qu'elle permettait un contrôle total de la puissance sans prendre de risques. Dès que les
carburateurs furent modernisés et dès que l'entraînement des pilotes fut plus complet, l'astuce du contact coupé
fut abandonnée.
Autre difficulté pour les pilotes de rotatif : le graissage qui posait
des problèmes de visibilité. La force centrifuge projetait l'huile vers
le haut des cylindres, forçant son évacuation par la soupape
d'échappement. À chaque remise de gaz, le moteur libérait de la
fumée blanche d'huile de ricin qui déposait un voile visqueux et
tenace sur l'avant de l'appareil et sur le cockpit. L'équipement de
base du pilote d'aéroplane doté d'un moteur rotatif comportait la
veste de cuir, les lunettes et le long foulard blanc pour les essuyer.
L'odeur de cette l'huile, appréciée aussi pour ses qualités laxatives,
permettait de reconnaître le pilote de " rototo " parmi tous les
autres.
La fin inexorable du "rototo". À la fin de la Première Guerre mondiale, le
moteur rotatif Gnome était en service dans toutes les forces aériennes
d'Europe. Le principe des cylindres tournants de Gnome & Rhône avait
été adopté en Angleterre par W.O. Bentley (BR 2), en Allemagne par
Oberursel et Siemens Halske, et en France par Clerget. Les contraintes
imposées par les forces centrifuges limitaient leur vitesse de rotation,
donc leur puissance, qui plafonnait à 230 CV. Les grandes traversées
imposaient des moteurs fiables et moins gourmands en carburant. La
recherche de performances dans les domaines de la vitesse et de
l'altitude justifiait les améliorations dans le rapport entre le poids du
moteur et la puissance qu'il développe. L'apparition de moteurs
turbocompressés ou suralimentés favorisa le développement des
moteurs fixes fabriqués par Rolls Royce en Angleterre, US Liberty aux
États-Unis, Mercedes en Allemagne, Salmson, Renault et Canton-Unne
en France. Les révisions toutes les vingt heures de vol du rotatif n'étaient
acceptables que pour les amateurs fortunés. La production fantastique
de 1914-1918, environ 92400 moteurs, permit au " rototo " de survivre
dans les cirques aériens et dans les associations jusqu'en 1926.
Maintenant, ils sont entretenus avec soin par les musées qui ont le
privilège de faire voler d'antiques aéroplanes avec des moteurs rotatifs,
fruits du génie des frères Seguin.
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Le moteur Gobron-Brillié.
Le moteur Gobron est constitué par quatre groupes de
deux cylindres possédant un carter et un arbre unique
sur lequel chaque maneton sert ainsi à quatre bielles
disposées en étoile. Les cylindres du haut, comme ceux
du bas, ont chacun la même disposition spéciale au
type bien connu : chambré d'explosions médiane et
deux pistons, l'un supérieur, l'autre inférieur.
La distribution ne comporte ni engrenages, ni arbres Ã
came, les soupapes d'admission sont d'ailleurs
automatiques.
Sous les soupapes d'échappement de chaque groupe
est placé un double culbuteur qui, à chaque tour de
l'arbre, fait ouvrir une des deux soupapes à tour de rôle.
Pour obtenir ce mouvement, chacun des culbuteurs est
solidaire d'une navette qui est encastrée dans une
came disque, à deux rainures, calée au milieu du
vilebrequin. Ces rainures correspondent par un
aiguillage et les navettes sont naturellement guidées de
l'une et l'autre en passant ainsi par chacune d'elles,
tous les deux tours de l'arbre.
De la position de la navette dans les rainures dépend
celle du culbuteur correspondant qui fait ainsi, en temps
voulu, ouvrir et fermer la soupape de droite ou celle de
gauche, suivant que la navette est dans la rainure de gauche ou dans celle de droite.
L'allumage s'effectue au moyen de deux magnétos placées sur le plateau avant du carter du moteur. Elles sont
commandées par un seul engrenage hélicoïdal, attaquant à 90 degrés un autre engrenage également hélicoïdal
calé en bout de l'arbre vilebrequin. Les deux magnétos tournant, l'une à droite, l'autre à gauche, sont
symétriquement placées par rapport à l'engrenage de commande auquel elles sont reliées au moyen d'un joint
de Holdam. La circulation d'eau est obtenue au moyen d'une turbine de grand diamètre.
Enfin le graissage du moteur est réalisé par une petite pompe à engrenages qui prend l'huile dans les carters
des cylindres inférieurs pour la renvoyer dans les cylindres supérieurs.
Le fonctionnement "particulier" de ce moteur mérite un peu d'attention.
La marque Gobron-Brillié fut fondée par Gustave Gobron et Eugène Brillié à Boulogne sur Seine en 1898.
Eugène Brillié avait mis au point un type très
particulier de moteur à pistons opposés dans un seul
cylindre (ce qui est différent d'un moteur à cylindres
opposés). Cette caractéristique resta celle de la
marque jusqu'en 1923. Gustave Gobron perfectionna
ce moteur mais l'architecture en restait néanmoins
très complexe.
Dans chaque cylindre se déplaçaient, en sens
opposé, deux pistons qui, au moment où ils
atteignaient le point mort supérieur, exactement au
centre du cylindre, formaient entre eux la chambre
d'explosion. Les deux pistons étaient reliés à un seul
vilebrequin, placé normalement sous les cylindres: le
piston inférieur était relié à l'arbre au moyen d'une
bielle ordinaire, tandis que l'autre piston, Ã l'aide d'un
culbuteur, agissait sur une bielle très longue, désaxée
par rapport à la première et qui attaquait le même
arbre. Un système similaire fut adopté par Arrol-
Johnston en Écosse et plus tard par Junjers et Lancia sur les moteurs RO.
Les moteurs Gobron-Brillié étaient en général à quatre cylindres bi-blocs ce qui en augmentait encore la
complexité. Malgré cela, leur efficacité était remarquable aux points de vue du rendement et de la souplesse de
fonctionnement. Ces propulseurs étaient de plus dotés d'un système d'alimentation à doseur rotatif qui éliminait
le carburateur et qui permettait l'emploi de divers combustibles autres que l'essence tel que l'alcool éthylique
mais aussi le Gin, le Brandy ou le Whisky.
Dominique Ottello
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La production en série de la firme de Boulogne-sur-Seine produisit, de 1898 à 1903, divers modèles de
voitures, d'abord avec des moteurs a deux cylindres verticaux de 6 CV et ensuite avec des propulseurs a quatre
cylindres bi-blocs pouvant développer jusqu'à 30 CV réels. Ces modèles étaient vendus en France également
sous la marque Nancéienne, cependant qu'en Belgique et en Angleterre, où ils étaient fabriqués sous licence,
ils furent commercialisés respectivement sous les marques Nagant et Tera.
En 1903, Eugène Brillié, à la suite de malentendus
avec Gustave Gobron, se retira de l'affaire pour
collaborer avec les Ateliers Schneider au Havre dans
la production de véhicules utilitaires. L'activité de la
firme, toutefois se poursuivit régulièrement, et malgré
la séparation des deux fondateurs, la marque de
fabrique resta "Gobron-Brillié". Le seul changement
enregistré au cours de cette même année concerna le
système d'alimentation des moteurs: on abandonna en
effet le distributeur rotatif pour le remplacer par le
carburateur classique à gicleur.
La déclaration de la Première Guerre mondiale obligea
l'entreprise à arrêter son activité. En 1919 le siège de
la société fut transféré à Levallois-Perret et la raison
sociale devint " Automobiles Gobron ".
Les changements survenus sur le marché automobile
dans la période d'après guerre provoquèrent une crise
financière au sein de la firme, dont les luxueuses
carrosseries et les procédés complexes de fabrication,
très minutieux et très lents, n'étaient plus adaptés à la
conjoncture. Une dernière tentative pour relancer le
moteur à pistons opposés fut faite par Gobron entre
1921 et 1922, lorsqu'il lança une nouvelle 6-cylindres
(à douze pistons) avec distribution à fourreaux. Cette
tentative n'eut pas de résultat et l'entreprise fut obligé
de monter sur ses voitures des moteurs Chapuis-
Dornier à soupapes latérales.
En 1928 fut construit, à titre expérimental, le modèle
turbo-sport CA 4 TS, propulsé par un 4 cylindres
suralimenté d'environ 2 l. et d'une puissance de 88 CV
à 4 400 tr/mn. Malgré la victoire qu'elle remporta aux
Six Heures de Boulogne, cette voiture n'eut pas de
suite commerciale; en effet, faute de moyens, la firme
fut obligée d'arrêter toute activité en 1930.
Le moteur Pipe.
La Société des Automobiles Pipe a exposé un moteur d'aviation avec refroidissement par air. Extérieurement,
par sa forme et le groupement de ses huit cylindres, il possède l'aspect des moteurs Antoinette et Renault. Les
cylindres à ailettes verticales sont montés à 90 degrés entre eux, leur culasse a cependant des ailettes
horizontales afin d'augmenter la surface de refroidissement. Le fond des cylindres est hémisphérique. Ce
moteur est muni d'une soupape à double effet, genre Esnault-Pelterie, qui se meut en face d'orifices, percés
pour l'aspiration et l'échappement.
Le carburateur, situé au centre du groupe des cylindres, possède une entrée d'air additionnel ainsi qu'un
réglage d'entrée des gaz frais. Le ventilateur est uniquement aspirateur. L'air lèche les ailettes verticales dont
sont munis les cylindres et arrive dans la partie supérieure, contournant ainsi la culasse à ailettes horizontales.
Puis il revient dans les deux conduits latéraux et enfin s'échappe à la périphérie de la turbine de l'aspirateur. Ce
dernier est claveté sur l'arbre vilebrequin, il tourne donc à sa vitesse et détermine un appel d'air énergique qui
refroidit suffisamment les cylindres. Pour un alésage de 100 millimètres, la puissance de ce moteur est de 70
chevaux.
Dominique Ottello
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Le moteur Renault frères.
Le moteur Renault comporte huit cylindres en V de 90 millimètres
d'alésage et de 120 millimètres de course, sans volant. Son
vilebrequin est à cinq paliers, avec deux bielles par maneton. Les
soupapes sont commandées par un seul arbre à cames. Celles de
l'échappement sont au-dessus et commandées par culbuteurs.
L'extrémité du vilebrequin et de l'arbre à cames sont sur
roulements annulaires et les coussinets intermédiaires du
vilebrequin et des têtes de bielle sont garnis de régule. Les pistons
de forme légèrement conique ont deux segments. Le carburateur
automatique est entièrement en aluminium. L'allumage se fait par
magnéto à haute tension
Bosch avec distributeur sur
la magnéto. Le graissage
est effectué au moyen
d'une rampe à compte-
gouttes, avec réservoir
d'huile en charge ou sous pression. Le
refroidissement est assuré par
circulation d'air sous pression à travers
les ailettes qui garnissent les culasses.
Un capot entoure le moteur assurant le
guidage de l'air aspiré par le ventilateur.
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Ce moteur fut le premier classé, après de très brillants essais, au Concours de
Moteurs à grande puissance massique, organisé par la Commission technique
de l'Automobile Club de France, dans son laboratoire.
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Moteur Renault 50 CV (8 cylindres en V) monté sur le premier Biplan
Bréguet en 1909.
Le moteur Wright.
Les frères Wright, dans l'impossibilité de trouver un moteur assez
léger pour leur Wright Flyer décident d'en construire un. Avec leur
mécanicien Charles Taylor, ils fabriquent un quatre cylindres de 108
millimètres d'alésage et de 100 millimètres de course refroidi par eau
pesant 109 kg. La puissance est transmise aux deux hélices par des
chaînes et des pignons de bicyclette. Ce moteur n'a pas de
carburateur, l'essence est injectée dans les cylindres par une pompe.
Les soupapes d'admission sont automatiques et placées au-dessus
des cylindres ainsi que celles d'échappement. L'allumage est par
magnéto à haute tension Lavalette-Eisemann. La puissance de ce
moteur est de 12 chevaux Ã
1400 tours.
Ce moteur équipait l’aéroplane
Wright le 17 décembre 1903 Ã
Kitty Hawk.
Plus tard, un autre moteur de 82 kg et 30 chevaux fut également fabriqué.
1 - Volant d'inertie avec ses 2 pignons d'entraînement ; 2 - carter ; 3 tête
de cylindre avec le ressort de soupape ; 4 - magnéto ; 5 - entrées d'air.
Bibliographie
Rapport sur Le Premier Salon de l'Aéronautique - Grand Palais - Paris - Décembre 1908
Histoire de l'Aéronautique - L'Illustration – 1938
Chronique de l’Aviation – Édouard Chemel – 1991 – ISBN 2-905969-51-2