2008, Dimitri Rogozine (Rus): l’Europe joue un jeu dangereux au Kosovo

Homme politique russe, diplômé de la faculté de journalisme de Moscou, Dimitri Rogozine fonde en 1993 un petit parti nationaliste, « Le Congrès des communautés russes », puis prend la
présidence de Rodina (patrie) avec un économiste venu du Parti communiste, Sergueï Glaziev, un parti aux accents anti-occidentaux jusqu’en 2006, il venait juste de créer un nouveau parti « Grande
Russie » (plus nationaliste) avant d’être nommé ambassadeur de la Russie à l’Otan.

Vous n’êtes pas pour l’indépendance du Kosovo. Mais on ne peut pas empêcher un peuple de se séparer ?
Bien sûr… Je serai prêt à souscrire à ce propos. Et pas seulement dans les Balkans : en Corse, au Pays basque, en Irlande du Nord… Et partout. C’est un effet domino… Si on peut le faire ici,
on peut le faire là-bas. L’Urss a aussi éclaté. Pourquoi ne soutient-on pas le Karabakh, l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud, la Transnistrie… c’est la même chose. Cet exemple va éclater le monde,
aujourd’hui, demain, après-demain. C’est dangereux. C’est une violation de tous les droits internationaux.

Mais entre Kosovars albanais et serbes, il y a un passé irréversible?
Il faut toujours chercher les perspectives, les possibilités de dialogue. S’ils ne veulent pas vivre aujourd’hui,
peut être leurs enfants vont vivre ensemble.

Ils vivront tous demain dans l’Union européenne ?
L’UE n’est pas une internationale du prolétariat (sourire). La base d’une nation, c’est l’Etat. Il y a des Etats mono ethnique et
pluriethnique. Les minorités doivent avoir leurs propres droits. Mais pas seulement eux. La majorité a aussi ses propres droits. Si la majorité veut vivre dans l’Etat commun, pourquoi la minorité a
le droit de se séparer, d’éclater l’Etat. Le Kosovo a été créé par les migrations et les mouvements démographiques. Regardez Berlin, c’est la troisième ville turque, peut-on dire. Si, demain les
Turcs habitant Berlin veulent y créer un Etat national, qui peut être contre ? C’est une très bonne idée après le Kosovo, c’est la même chose (sourires).

Au Kosovo, vous considérez donc la mission Eulex comme illégale ?
Bien évidemment. Dans ces questions délicates, c’est le Conseil de sécurité de l’Onu qui doit décider. Changer de mandat,
c’est une improvisation, très dangereuse, qui peut mener à des blessés. Cela conduit au désordre. C’est comme franchir un carrefour au feu rouge. C’est dangereux, car l’autre peut faire la même
chose.

Seriez-vous prêt à revenir dans la région, pour protéger les Serbes, en intégrant la mission Eulex – à l’image d’autres pays tiers -, ou au sein de la Kfor – comme c’était le cas auparavant
?

C’est votre problème maintenant. Pas le nôtre. Nous vous avons prévenu. Vous ne nous avez pas écouté. Alors goûtez cette soupe, vous-même ! La Russie ne va pas utiliser sa force armée pour régler
les problèmes au Kosovo. Pour nous, la Kfor a un chef et un seul, c’est le Conseil de sécurité de l’Onu. Ce n’est pas l’Otan ni l’UE. Seulement et uniquement le Conseil de sécurité.

Quelles initiatives comptez-vous prendre… au Conseil de sécurité ?
Le plus important est de maintenir l’impartialité et le mandat concret, basé sur la résolution 1244, défini par le
Conseil de sécurité, de faire revenir le droit international. Il n’est pas question de redéfinir le mandat de la Kfor, il est déjà défini. Tout le reste n’est qu’improvisation.

La Minuk doit donc rester en place, après juin ?
Oui.

(entretien réalisé le 3 mars 2008 en vis-à-vis)

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