Archives Juives
Les Belles lettres

I.S.B.N.2251694080
144 pages

p. 23 à 53
doi: en cours

Veille sur la revue
Veille sur l'auteur
Vous consultez

Dossier : L'Alliance israélite universelle après 1945

Volume 34 2001/1

2001 Archives juives Dossier : L’Alliance israélite universelle après 1945

L’Alliance au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : ruptures et continuités idéologiques

Catherine Nicault Professeur à l’université de Poitiers et rédactrice en chef d’Archives Juives, est spécialiste de l’histoire des relations internationales et des Juifs au XXe siècle. Elle a notamment préfacé l’édition française du Journal de Theodor Herzl (1990) et publié La France et le sionisme 1897-1948. Une rencontre manquée ? (1992), puis Jérusalem 1850-1948 (Autrement, 1999).
As an old emblem of Franco-judaïsm, maintaining strong ties to the authorities and showing refractory to Zionism, the Alliance appears, in 1940, as the Jewish institution par excellence. How did it react to the harshnesses of war and to the negation of its fondamental values by Vichy policy ? To which extent did its creed, its ambition or its intervening mode got modified at that time ? Such are the questions this article deals with by successively examining the composition of the head of the Alliance in the years immediately following the war, the program renewal as illustrated by the so-called « November 11th, 1945 Declaration of the Alliance », the relationship maintained by the Alliance with the CRIF and with international Jewish organizations, and its position on the « Palestinian » issue.
IMGIMGIMGIMFJules Braunschvig (à gauche), vice-président de l’Alliance, et le président René Cassin (à droite), reçus par le président de l’État d’Israël, Haïm Herzog (au centre), le 12 septembre 1974.
Ross Photo, Jérusalem. Photothèque de l’AIU, n˚ 1043.
Organisation emblématique du judaïsme français, l’Alliance s’est donnée pour mission depuis 1860 de répandre les bienfaits de l’émancipation et de la civilisation française dans le monde juif. Concrètement, cette vocation a pris deux visages : un rôle d’intercession politique en faveur des Juifs persécutés dans le monde, ce qui l’entraîne à entretenir des liens étroits avec les autorités politiques ; le développement d’un réseau scolaire chargé de « moderniser » les Juifs d’Orient, et de les rendre, à leur tour, dignes de l’émancipation.
En 1939, si le rôle traditionnel d’intercession de l’Alliance marque un certain déclin, l’activité scolaire reste essentielle. Avec une centaine d’écoles et quelque 50 000 élèves, essentiellement en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, elle est considérée par les autorités françaises depuis les années 1920 comme un élément important du dispositif d’influence culturelle de la France à l’étranger. Elle est donc régulièrement subventionnée, à l’instar des Missions religieuses, par le service des Oeuvres françaises à l’étranger du Quai d’Orsay (SOFE) où elle compte de solides appuis [1].
Du fait de son ancienneté, de la faveur qu’elle rencontre auprès des pouvoirs publics, l’Alliance s’estime fondée à revendiquer une place éminente dans le paysage juif français. Gardienne de l’idéologie que l’on nomme le « franco-judaïsme » ou l’« israélitisme », elle se considère en particulier comme seule habilitée à parler et agir au nom du judaïsme français, hors des questions relatives au culte, domaine du Consistoire dont l’AIU est du reste très proche. Républicains et patriotes fervents, ses dirigeants professent un vif attachement au judaïsme, mais conçu comme une confession, une certaine culture – faite essentiellement d’histoire – et surtout une pratique de la solidarité mâtinée de paternalisme à l’égard des coreligionnaires en difficulté.
D’où une hostilité au sionisme qui ne s’est pas démentie depuis l’origine, du moins au niveau des instances de direction. Sans doute a-t-on pris acte au sein de l’Alliance de la fondation du Foyer national juif en Palestine après la Grande Guerre, et tient-on au succès de l’expérience, pour l’honneur même du judaïsme et par attachement à la terre des ancêtres ; mais on la conçoit seulement comme une entreprise de colonisation susceptible de recueillir des contingents limités de coreligionnaires malheureux. L’Alliance, fait-on du reste observer, a montré l’exemple en fondant dès 1870, près de Jaffa, l’école agricole de Mikveh Israël. Elle persiste néanmoins à nier toute validité à la définition nationale de l’identité juive, définition qu’elle juge de surcroît dangereuse pour l’avenir des Juifs satisfaits de leur existence en Diaspora.
Aussi est-on en droit de se demander comment l’institution « israélite » par excellence qu’est l’Alliance a réagi aux épreuves de la guerre et aux démentis que la politique de Vichy a opposés à ses valeurs fondatrices. À quel point son credo, ses ambitions, son mode même d’intervention dans le monde s’en trouvent-ils modifiés ? Autrement dit, et c’est une question qui relève d’une interrogation plus générale sur l’état de l’« israélitisme » au sortir de la guerre, l’Alliance renaît-elle animée d’une nouvelle vision du monde ?
C’est ce que je me propose de soumettre à examen pour la période de reconstruction par excellence de l’œuvre, entre l’automne 1944 et l’année 1948, à partir des procès-verbaux des séances du comité central qui, consultés par André Chouraqui pour les besoins de l’ouvrage commémorant le centenaire de l’Alliance [2], n’ont jamais encore été systématiquement exploités [3]. Mais pour apprécier exactement ce que fut la « renaissance » de l’AIU en 1944-1945, il faut commencer par mesurer les dégâts causés à l’institution par la guerre.
 
L’Alliance à la Libération : les hommes
 
 
À l’issue de la guerre, les responsables de l’Alliance – à commencer par René Cassin –, ont insisté sur les coups reçus par l’œuvre après la défaite française de mai-juin 1940, tant du fait de l’occupant allemand – dispersion de ses instances dirigeantes ; lourdes spoliations –, que de Vichy – dissolution et intégration forcée de l’œuvre, en mars 1942, dans le cadre honni de l’Union générale des israélites de France (UGIF). À ces avanies, s’ajoute la disparition, en 1941-1942, de Georges Leven, vice-président faisant office de président depuis 1936, de Sylvain Halff, le secrétaire général, enfin du second vice-président, le professeur William Oualid. De 1940 à mars 1942, le comité central, décimé par la dispersion, les disparitions et quelques déportations, ne se réunit qu’à quatre reprises, à Lyon.
Devant cette avalanche d’épreuves, le rôle salvateur de la France libre se trouve souligné. La « Dissidence » gaulliste prend en charge les écoles du Levant dès 1941, et surtout, à partir de 1943, le professeur René Cassin, rallié de la première heure, se voit confié par le général de Gaulle le sort de l’institution. Londres sert de cadre à une renaissance institutionnelle avec la formation le 3 avril d’un comité provisoire restreint [4], recomposé et élargi à Alger en novembre suivant [5]. Il revient à cette équipe algéroise, toujours présidée par Cassin, de renouer progressivement le contact avec les écoles du Proche et du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.
Cette version des faits a le mérite, dans la France « résistancialiste » d’après-guerre, d’asseoir la légitimité de l’institution renaissante. Des recherches récentes ont toutefois dévoilé certains pans occultés par cette histoire « officielle », notamment l’aide trouvée, au moins jusqu’en 1942, auprès du SOFE [6]. L’épisode, si caractéristique des ambiguïtés du régime du Vichy, n’a en lui-même rien de déshonorant. Mais, à l’heure de la Libération, l’Alliance ne peut non plus en tirer gloire, surtout auprès des milieux de la Résistance juive, peu enclins à comprendre la « politique du silence » pratiquée par l’Alliance pendant les années noires.
D’où une sorte d’amnésie qui ne s’est pourtant pas traduite, au sein de l’institution même, par la mise à l’écart des anciens notables par les nouveaux venus. La renaissance de l’Alliance à la Libération a pour point de départ au contraire un véritable amalgame, esquissé dès 1943 en terre d’exil, entre une fraction des cadres d’avant-guerre et des recrues toutes récentes, au premier rang desquelles figure naturellement René Cassin [7]. Ainsi le renouveau s’annonce d’emblée respectueux d’un certain passé. À l’image de de Gaulle affichant le thème de la continuité républicaine, Cassin multiplie les gestes symboliques propres à affirmer la continuité de l’institution par delà la parenthèse de la guerre. Ainsi, le 11 septembre 1944, lors de la première réunion du comité central tenue en sa présence à Paris, il rend un hommage ému à Georges Leven, Sylvain Halff et William Oualid, « fidèles gardiens des traditions de notre œuvre », avant d’exposer aux rares membres présents quelles circonstances l’avaient amené à la tête de l’œuvre [8]. À la séance suivante, le 15 septembre, devant une assistance plus nombreuse [9], Cassin lui demande de bien vouloir ratifier les cooptations faites pendant le conflit, après avoir présenté la constitution du comité provisoire de Londres, puis d’Alger, comme celle d’un simple « conseil de gérance ». Une courtoisie dont on lui sait gré : la ratification est obtenue à l’unanimité.
Aussi bien ce double principe d’ouverture et de continuité continue-t-il de régir, entre 1944 et 1947, la reconstitution de l’équipe dirigeante. En gros, parmi la cinquantaine de membres que compte ordinairement le comité central, se dessinent trois groupes : les anciens notables, les recrues de la guerre, celles de la Libération. Les premiers forment toujours un solide carré, bien qu’amoindri par les disparitions et l’éloignement d’éléments sans doute trop âgés ou démoralisés [10]. Parmi les anciens qui reprennent du service après la guerre, certains comme les grands rabbins Julien Weill, Maurice Liber et Isaïe Schwartz, ou Maurice Leven, vice-président depuis le décès de William Oualid, ou encore André Goldet, n’ont pas quitté la France de toute la guerre ; d’autres au contraire – Max Gottschalk, Maurice Stern, Pierre Dreyfus ou René Mayer – ont trouvé refuge, à un moment ou à un autre, à l’étranger, généralement aux États-Unis ; d’autres enfin, comme Jules Braunschvig, faits prisonniers en 1940, ont passé la guerre dans les stalags et oflags allemands et n’ont retrouvé le sol national qu’au printemps 1945 [11]. À quelques exceptions près – comme Jacques Sée, Raoul Montefiore, Maurice Leven, élus respectivement en 1911, 1914 et 1920 –, tous ont été cooptés au comité central dans la première moitié des années trente. L’âge de la plupart tourne, semble-t-il, autour de la cinquantaine.
Le groupe des recrues de la guerre, bien moins fourni, a encore fondu après la Libération avec le départ d’adhérents qui n’étaient que de circonstance ou la démission de personnalités trop absorbées par leurs obligations professionnelles [12]. Il comprend néanmoins deux hommes d’un poids majeur, René Cassin et, dans une moindre mesure, Louis Kahn. Juriste de renommée internationale, leader en vue des milieux anciens combattants d’avant-guerre, gaulliste historique, le nouveau président (57 ans en 1945) s’investit beaucoup dans une œuvre qui, de par sa mission de défense des droits des Juifs, lui paraît pouvoir être entre ses mains un instrument privilégié de son nouveau combat, mené sur le plan international, pour les droits de l’Homme. Il n’est nullement exagéré de dire que l’Alliance est pour lui le moyen d’un « grand dessein », celui de l’affirmation de la présence des Juifs dans le monde après la catastrophe, mais dans une perspective résolument universaliste. En assignant ainsi à l’Alliance une mission à la fois inscrite dans ses traditions et adaptée à son temps, Cassin a vraiment la stature d’un « homme providentiel » pour une institution qui, si imbue soit-elle de son « glorieux passé », sent bien la nécessité de trouver un nouveau souffle.
Quant au polytechnicien et ingénieur général du Génie maritime Louis Kahn (50 ans en 1945), il est lui aussi un ancien combattant de la Grande Guerre et un gaulliste de la première heure (il fut le directeur des Constructions et des Armes navales de la France libre). Très « israélite », Kahn était beaucoup plus impliqué que Cassin dans la vie des organisations juives avant la guerre. Il avait notamment présidé l’ORT-France. « Faire face », « ne pas se dérober » : ces expressions qui lui sont coutumières campent l’homme, animé d’une philosophie de la présence, de l’honneur et de l’action dont il entend que l’Alliance s’inspire à nouveau.
IMGIMGIMGIMFLouis Kahn, amiral de France, membre du comité central depuis novembre 1944 et président délégué de l’AIU à partir de novembre 1960.
Collection Dr Kahn.
Enfin, après la Libération, de nouveaux membres viennent combler les trous creusés dans les rangs du comité central, selon la procédure traditionnelle de la cooptation par leurs pairs [13]. De l’automne 1944 à 1947, on procéda à 14 recrutements : 7 en 1944-1945 (le tout premier étant celui de Léon Meiss, le président du Consistoire central et du tout nouveau Conseil représentatif des israélites de France, le CRIF), 5 en 1946 et 2 en 1947. Si l’Alliance reçoit bien du sang neuf, la transfusion reste donc mesurée. Cette impression se renforce à considérer les entrants, tous des notables comme leurs collègues : hommes d’affaires (Georges Wormser), hauts fonctionnaires (Marcel Abraham), juristes et hommes de robe (Léon Meiss, Raymond Lindon), intellectuels et universitaires (Edmond Fleg, Edmond-Maurice Lévy, André Mayer). Mieux : on reprend tout naturellement la coutume d’accueillir volontiers au comité central les descendants d’anciens membres, ou encore – plus rarement – d’anciens collaborateurs triés sur le volet [14].
Pour autant ce dernier groupe n’est pas admis à figurer au bureau du comité central constitué au début de 1946. Présidé par René Cassin, celui-ci est le reflet fidèle de l’amalgame esquissé pendant la guerre entre les « nouveaux » et les « anciens », ces derniers conservant tous les postes de responsabilité, la fonction de président mise à part : Maurice Leven, Jules Braunschvig et René Mayer deviennent tous les trois vice-présidents, tandis qu’André Goldet, déjà trésorier dans les années trente, retrouve cette responsabilité [15]. Quant au secrétariat général du comité central, une fonction restée sans titulaire depuis 1936, il est confié en juillet 1946 à un homme nouveau, avocat au tribunal de Strasbourg en congé et magistrat à titre temporaire, Eugène Weill, mais qui ne devait accéder au comité central qu’en 1952 [16].
 
Le programme
 
 
Sous ces auspices, une réflexion s’engage dès l’automne 1944, à l’initiative de René Cassin, pour définir la « ligne de conduite » [17] future de l’Alliance. Sans bouleverser l’identité de l’œuvre, il s’agit de tirer la « leçon » de la guerre, c’est-à-dire de mieux faire coïncider son action et les aspirations du monde juif, en particulier sur le chapitre palestinien, de cultiver aussi la solidarité avec les autres organisations juives. À ces principes généraux, nul au comité central ne manifeste alors une hostilité déclarée, mais il est vite clair que Cassin et son complice Léon Meiss, les champions de la nouvelle synthèse, devront convaincre les membres hésitants du « Marais », tiraillés entre deux pôles : celui des partisans des modes traditionnels de pensée et d’intervention dont Maurice Leven s’affirme d’emblée le chef de file ; celui des novateurs, qui voudraient au contraire tourner plus résolument le dos au passé, privé en décembre 1946 de leur porte-parole, Pierre Dreyfus, mort prématurément dans un accident d’avion.
Après cela, pendant un an environ, l’Alliance n’a pas été en mesure, ou a évité de s’atteler à l’élaboration d’un nouveau texte programmatique. Mais, en septembre 1945, le comité central, enfin capable de fonctionner à peu près normalement, commence à dresser des plans pour trouver des fonds. Or, comme le lui fait remarquer Georges Wormser, toute collecte suppose d’« élaborer un nouveau programme d’action » [18]. Il existe au demeurant des précédents puisqu’en 1920 déjà l’Alliance avait publié une déclaration pour actualiser le message des fondateurs de 1860. Dès lors, une commission ad hoc est désignée le 12 septembre 1945 [19], puis sa composition modifiée le 9 octobre, Edmond Fleg devenant alors son président désigné. L’écrivain fut, avec Louis Kahn pour la dernière partie du texte, le rédacteur de la nouvelle déclaration. Nul doute que le choix de deux hommes pondérés, mais « nouveaux », est l’œuvre de René Cassin [20].
La déclaration dite du 11 novembre 1945, jour-anniversaire de l’armistice de 1918, se place délibérément sous des auspices patriotiques [21]. En réalité, cette date est fictive. Le texte fut pour l’essentiel discuté et adopté par le comité central le 29 octobre 1945, après l’incorporation des modifications réclamées par Maurice Leven et René Cassin. Le premier, héritier d’une famille liée dès l’origine à l’histoire de l’Alliance, a exigé pour prix de son ralliement en effet qu’un hommage plus net soit rendu au « glorieux passé » de l’institution [22], et que soit davantage souligné « l’attachement de l’Alliance à l’idée de patrie ». Le second a voulu qu’un lien plus ferme soit établi entre l’attachement de l’Alliance à l’idée de patrie et sa position favorable à l’immigration juive en Palestine ; il a tenu aussi à voir mentionnées les « dispositions pacifiques [de l’AIU] à l’égard de l’Islam ».
L’affaire est-elle entendue ? Non pas. Le 4 décembre suivant, Cassin explique à ses commensaux qu’il a modifié de son propre chef le paragraphe relatif à la Palestine [23] et confirmé le maintien du rôle traditionnel dévolu à la langue française dans les écoles, ce que le comité central entérine sans mot dire. À l’évidence, des pressions politiques sont intervenues entre-temps. La discussion s’engage seulement sur des détails, révélateurs cependant. Faut-il soumettre la déclaration aux autorités politiques ? Non, estime la commission chargée de sa rédaction à l’exception du seul Maurice Leven ; rien ne s’oppose à ce qu’on informe le gouvernement, mais il n’y a pas lieu de le consulter à proprement parler, car, selon l’expression d’Edmond Fleg, « une profession de foi n’est pas du ressort de l’État ». Peu soucieux de paraître bouder les autorités, et tenant son rôle de conciliateur sur le plan interne, Cassin tient, lui, qu’il faut au moins « présenter » le texte à Georges Bidault, le chef du Quai d’Orsay. Mais qui doit signer la déclaration ? La position de Fleg et de la commission – faire figurer les noms de tous les membres du comité central – ne remportant pas la majorité des suffrages, il fut décidé de faire signer les présents, puis de solliciter les absents, laissés libres donc de manifester discrètement leur désaccord. Enfin, quelle publicité donner au texte ? Contre Maurice Leven, qui préférerait n’en livrer que des extraits, la commission, appuyée par Cassin et Kahn, se prononce pour une publication « immédiate » et « la plus vaste » possible, de manière à signifier le retour de l’Alliance sur la scène mondiale comme l’indignité du sort fait aux Juifs en France pendant la guerre [24]. On décide finalement d’envoyer à la presse le texte intégral, assorti d’un jeu de deux résumés, en attendant que l’Alliance puisse en assumer elle-même la diffusion [25].
Le contenu de la déclaration dite du 11 novembre, en fait de décembre 1945, reflète les savants dosages qui ont présidé à sa rédaction [26]. Un préambule et une péroraison, sobres et émouvants, rappellent les « ruines et les deuils » de la guerre, « la stupeur [des] oubliés du massacre », mais aussi la volonté de l’Alliance, « fière de son passé », forte de l’exemple de « ses grands pionniers », de regarder vers l’avenir, « instruite par la calamité inouïe qui a submergé Israël et le monde » [27]. Les cinq parties du développement se résument en trois propositions majeures. L’Alliance a l’intention tout d’abord de reprendre ses tâches éducatives d’antan, et même de les développer, en gardant au français son « rôle traditionnel ». Elle entend ensuite se faire le défenseur acharné des droits de l’Homme comme des droits des Juifs, ces derniers étant un indicateur particulièrement sensible de l’état des premiers. Ainsi le particularisme se trouve enchâssé dans un programme à tonalité nettement universaliste, se soucier des Juifs revenant à se préoccuper de la « communauté humaine » [28]. Enfin, « défendre les Juifs partout où ils souffrent du fait qu’ils sont juifs » n’implique plus seulement, comme autrefois, de combattre pour l’amélioration de leur condition dans leur pays de résidence, même s’il n’est pas question de renoncer à ce type d’action [29] ; cette politique comportera désormais un volet palestinien, car « nous devons le reconnaître, […] certaines populations juives ne peuvent pas ou ne veulent plus s’intégrer dans l’économie et la société de leurs lieux d’origine ou de séjour actuel ». S’il revient à l’ONU de régler le problème migratoire proprement dit, force est de constater que « la terre des ancêtres qui remplit les chants de notre liturgie » représente pour beaucoup de ces Juifs déracinés la « patrie » de leurs rêves. En conséquence, l’Alliance, dont on rappelle l’implication en Palestine dès avant le sionisme, ne se dérobera pas. Pour conduire ce programme à bien, l’Alliance manifeste en outre la volonté de coopérer avec toutes les grandes organisations juives, en France et dans le reste du monde, manière d’exprimer une solidarité dont la guerre a montré le prix.
Mais à quelles organisations songe-t-on ? Le texte ne le précise pas. À n’en pas douter, d’après la suite des événements, Maurice Leven, ou Maurice Liber, pense déjà à renouer, pour l’action extérieure, avec les « associations sœurs » auxquelles l’Alliance était déjà liée dans l’entre-deux-guerres, soit l’American Jewish Committee (AJC) et l’Anglo-Jewish Association [30] ; et sur le plan intérieur, avec le Consistoire central – avec lequel les hommes de l’Alliance continuent d’entretenir de multiples liens, y compris personnels et familiaux –, et avec l’Organisation reconstruction travail (ORT), dont l’expérience en matière d’enseignement professionnel et technique intéresse l’Alliance. À l’inverse, certains de leurs collègues qui ont connu l’exil ou qui ont été mêlés à la Résistance juive en France regardent vers d’autres horizons, inimaginables avant-guerre. Pierre Dreyfus, par exemple, affiche depuis longtemps sa sympathie pour le Congrès juif mondial (CJM), l’organisation qui, fondée en 1936 sous des auspices sionistes, prétendait, au grand dépit de l’Alliance et des « associations sœurs », représenter l’ensemble du peuple juif. Avec ses amis, il est bien conscient aussi de l’importance capitale sur le plan financier de l’American Jewish Joint Distribution Committee (Joint) [31]. Sur le plan intérieur, ces hommes se montrent très attachés à l’union du judaïsme français telle qu’elle a été réalisée à la fin de la guerre au sein du Conseil représentatif des israélites de France (CRIF), un organisme qui englobe, outre le Consistoire, les différentes tendances du judaïsme immigré.
De fait, l’établissement de liens de coopération entre l’Alliance et d’autres organisations juives, nationales et internationales, est un enjeu essentiel pour l’œuvre renaissante. La question se pose avant même que ne soit rédigée la déclaration. Dans quel sens fut-elle résolue ? C’est ce qu’il nous faut commencer par élucider.
 
La fin du splendide isolement ? L’entrée au CRIF
 
 
Poursuite de la solidarité redécouverte pendant les persécutions, la coopération avec d’autres organisations juives répond aussi à de nouvelles nécessités, financières notamment. Pourtant elle peut aussi sembler menacer le sacro-saint principe d’indépendance qui, propre à toute institution, est particulièrement cher à l’Alliance. Enfin, tous les membres du comité central n’ont pas les mêmes conceptions sur le choix des partenaires. C’est pourquoi, si l’Alliance se laisse finalement entraîner dans la dynamique unitaire qui caractérise le monde juif d’après-guerre, c’est plutôt à reculons, souvent avec des hésitations et des réserves qui accusent le poids du passé.
Observons déjà son attitude à l’endroit du CRIF [32]. Créée en réaction à l’éclatement extrême du paysage juif dans la France d’avant-guerre et pour que les Juifs de France puissent s’adresser d’une seule voix aux pouvoirs publics, cette institution unitaire remonte à la fin de 1943, et la rédaction de sa charte à janvier 1944. L’Alliance est absente des associations fondatrices – soit le Consistoire central, la Fédération des sociétés juives de France, le Bund, l’Organisation sioniste de France et l’Union des Juifs pour la résistance et l’entraide –, et pour cause, puisqu’elle a disparu à l’époque de la scène métropolitaine. Reste que l’initiative a de quoi heurter les conceptions fondamentales de l’Alliance, son refus d’un communautarisme qui ne serait pas d’essence purement religieuse, sa prétention à être le seul interprète naturel des Juifs de France auprès des pouvoirs publics.
À la Libération, le comité central doit fixer son attitude. Cassin est évidemment pour l’adhésion, au motif que le sort des Juifs de souche et celui des Juifs immigrés est à l’évidence lié ; « c’est une politique erronée que celle de l’absence » [33], répète-t-il. Le débat, volontairement repoussé par le président jusqu’au retour de Meiss des États-Unis, dure de mars à juillet 1945. C’est dire si les résistances sont vives, inspirées par l’idéologie et le souci de ne pas se singulariser au sein de la nation, souci encore renforcé chez quelques-uns par l’expérience de la guerre. « Cet organisme [le CRIF], explique Maurice Leven le 13 décembre 1944, en réunissant toutes les associations israélites de France, peut donner l’impression de servir les intérêts d’un groupe ethnique différent du reste de la communauté française ». Anxieux d’éviter une flambée d’antisémitisme, il réprouve particulièrement la clause « sioniste » de la charte du CRIF [34]. La même idée se retrouve plus crûment exprimée chez Maurice Liber qui redoute que l’Alliance ne s’enferme dans un « ghetto » ou chez André Goldet, qui craint de la voir rentrer « dans une association qui rappelle l’UGIF » [35]. Par ailleurs il paraît difficile d’admettre que l’Alliance, au cas où elle déciderait d’adhérer au CRIF, y soit traitée à égalité avec les autres organisations, sans aucun privilège de représentation [36].
Face à cette opposition, Cassin peut compter sur Georges Wormser, Edmond Fleg et Louis Kahn, mais c’est à Léon Meiss qu’il confie le soin de plaider la cause du CRIF qu’il préside depuis sa fondation. Compte tenu de la composition de la communauté, aux deux tiers d’origine étrangère, il n’est pas pensable, explique donc Meiss, de renoncer au rapprochement entre les organisations juives françaises et immigrées. D’ailleurs, il est entendu que chacune d’entre elles conserve une « certaine autonomie » ; de l’Alliance on attend non pas une « fusion », mais son « concours » éclairé. En ralliant le CRIF, l’AIU sera en fait plus en mesure « d’éviter […] les désordres », en contribuant à soumettre les membres trop turbulents [entendons les immigrés] au leadership du « groupe français » [37]. C’est pourquoi, du reste, le Consistoire aurait pris soin de réserver dès l’origine une place à l’Alliance au sein de ce groupe [38], dont le poids restera toujours prépondérant puisque, statutairement, le président du Consistoire ou son délégué est d’office le président du CRIF [39]. La fameuse clause « sioniste » inscrite dans la Charte de la nouvelle institution ? Il n’y a pas lieu de s’en inquiéter. La position de Meiss, et donc celle du CRIF, telle qu’il vient de l’exposer au Quai, est en effet de nature à rallier les suffrages de l’Alliance : les israélites français entendent demeurer en France, leur patrie ; pour autant ils ne peuvent plus ignorer le sionisme, et ils ne se sentent pas le droit de s’opposer au désir légitime d’autres Juifs de s’installer en Palestine. La défense de la liberté d’émigration en Eretz Israel : voilà finalement tout le programme « sioniste » du CRIF, auquel l’Alliance ne peut rien trouver à redire [40].
Il faut cependant des semaines pour que cèdent les récalcitrants. Le 20 mars 1945 sont désignés au sein du comité central deux « observateurs » chargés d’assister aux séances du CRIF : Maurice Liber, hésitant mais pas foncièrement hostile, et Philippe Erlanger, qui ne s’est pas prononcé en public. Le 30 avril, Erlanger s’affirme convaincu qu’il vaut mieux que l’Alliance « fasse valoir son point de vue plutôt que de s’isoler dans une tour d’ivoire » ; Liber reste sur une certaine réserve, mais se laisserait fléchir si « une place digne » était faite à l’Alliance et si celle-ci était assurée de conserver une grande autonomie. Tous deux prônent finalement l’adhésion, à la condition toutefois que l’Alliance obtienne un droit de veto.
Maurice Leven parvient à retarder la décision en réclamant la nomination de nouveaux observateurs – lui-même remplace personnellement Erlanger [41] – et une étude approfondie de la charte du CRIF. Aussi l’Alliance ne vote-t-elle formellement son adhésion au CRIF que le 25 juillet 1945, par 10 voix pour, deux contre et une abstention [42]. Maurice Leven n’a pas changé d’avis : à ses yeux, le CRIF, qui avait sans doute sa raison d’être dans le contexte de l’Occupation, n’a plus sa place après le rétablissement de la légalité républicaine ; le maintenir, c’est rien moins que d’admettre une forme de « nationalisme juif », c’est « un abandon », « une renonciation au grand rôle que l’Alliance a joué dans le passé ». Maurice Liber, rassuré par le fait que le CRIF a renoncé dans l’intervalle à adhérer au CJM [43], se montre, lui, nettement plus favorable. Convaincu de surcroît d’avoir affaire à un regroupement « à durée limitée » dû au problème passager de l’antisémitisme, il voit finalement « plus d’avantages que d’inconvénients à adhérer », si toutefois l’AIU est représentée « par un nombre de délégués correspondant à son importance », conserve une indépendance absolue et la possibilité de se concerter directement avec les associations « sœurs ». En définitive une forte majorité se dégage sur le compromis suivant : l’Alliance adhère au CRIF car son absence y serait un constat de « carence », mais maintient son autonomie pour les questions relevant de sa spécialité, soit tous les problèmes touchant les Juifs en dehors de la France [44].
Le maintien d’un « domaine réservé » est certes pour les dirigeants de l’Alliance la condition indispensable pour préserver le consensus interne. Mais ils tiennent surtout à préserver un espace d’action propre dans le monde dont Cassin s’empresse de préciser les contours lorsque l’occasion s’en présente. Le 12 février 1946 notamment, le délégué de l’Alliance au CRIF rend compte devant ses pairs des contacts pris entre le Conseil représentatif et « un comité d’entente » formé par diverses organisations anglo-américaines, dont le CJM. Dans la lettre qu’il adresse aussitôt à Léon Meiss [45], le président du CRIF, Cassin se déclare attaché à une stricte division des tâches : au CRIF la responsabilité du judaïsme de France ; à l’Alliance la charge des « problèmes juifs en dehors des frontières », vu que, détentrice d’« une longue tradition d’intervention politique et diplomatique », elle est « réellement qualifiée lorsqu’il s’agit de conseiller au gouvernement français une politique en Europe orientale ou dans le bassin méditerranéen. C’est la seule organisation membre du CRIF ayant ce caractère ».
Le système prôné par le président de l’AIU ne s’instaure pas sans heurts, notamment à propos de l’Empire dont l’attribution n’a pas été formellement fixée [46]. Mais l’Alliance profite très vite des difficultés internes du CRIF pour pousser ses pions. Son délégué remarque dès mars 1947 la « désaffection » des membres qui boudent les réunions [47]. La crise devient manifeste en 1949, après la démission de Léon Meiss de la présidence du CRIF [48]. Tandis que traîne l’élection de son successeur, le Dr Vidal Modiano, l’Alliance s’avise des « inconvénients » en terme de discipline, mais aussi des avantages que présente cette vacance du pouvoir. Elle en profite pour modifier unilatéralement le « Règlement concernant les démarches des associations juives auprès des Autorités publiques » que le CRIF vient de lui remettre. Soucieux d’inscrire dans les textes leur autonomie et leur domaine de compétence, les hommes de l’Alliance stipulent dans l’article 4 que « l’AIU, en sa qualité d’organisme à compétence internationale et vu son expérience quasi-séculaire ainsi que son audience auprès des pouvoirs publics, pourra continuer comme par le passé ses interventions pour toute question débordant le cadre du territoire de la métropole sans en référer au préalable au CRIF. […] Il est cependant entendu qu’elle informera le CRIF de ses démarches ». Disposition révélatrice : cette nouvelle formulation doit rester secrète jusqu’au terme de la crise présidentielle du CRIF [49]
L’épisode est d’ailleurs l’occasion d’un débat, récurrent par la suite, sur l’intérêt pour l’Alliance de rester au Conseil. Le sentiment dominant, c’est que si le CRIF n’est sûrement pas une institution idéale, le duo formé par l’AIU et le Consistoire y joue un indispensable rôle « modérateur ». Puis, la mise en quarantaine des communistes en 1954 offre aux deux organisations le contrôle du bureau du CRIF. À la faveur des circonstances, l’« entrisme » prudent de l’Alliance s’est donc révélé payant : non seulement elle a préservé sa liberté d’action au sein du CRIF, mais elle est parvenue, de concert avec ses alliés du Consistoire, à s’emparer de ses leviers de commande.
 
Les relations avec les organisations juives internationales
 
 
La coopération avec les organisations américaines obéit d’abord à un objectif financier. Car si l’équipe Cassin a des projets de développement ambitieux – notamment dans le domaine scolaire –, les fonds sont bas, les dons et les cotisations ayant suivi la chute du nombre des sociétaires. La première solution imaginée par le comité central et la commission financière constituée au début de 1946 est de lancer de grandes campagnes de souscriptions en Amérique, terre de collecte alors de loin la plus productive. De retour en France en septembre 1945, Louis Oungre suggère de reconstituer un comité de l’Alliance aux États-Unis, ancêtre direct des futurs American Friends [50]. Les obstacles cependant ne manquent pas : outre que le succès est loin d’être assuré – Oungre ne cache pas que des « préjugés » contre l’Alliance existent dans le Nouveau Monde –, une grande campagne de propagande suppose une mise de fonds conséquente ; surtout, aux États-Unis, les collectes sont centralisées par l’United Jewish Appeal et ses deux branches : le Joint et l’United Palestine Appeal. Comment s’insérer dans ce système ?
Une seconde solution semble plus praticable. Tout en s’attachant à reconstituer à travers le monde le plus grand nombre possible de comités d’amis de l’Alliance, régulièrement visités par des propagandistes [51], il s’agit de passer un accord avec le Joint pour ce qui concerne le théâtre américain. Si cette organisation s’engageait à lui verser une subvention, l’AIU renoncerait à faire campagne elle-même aux États-Unis. Les premiers contacts sont pris en février-mars 1946 à la Conférence des organisations juives de Londres où Jules Braunschvig, aidé de Louis Oungre, est délégué par l’Alliance [52]. En avril, Braunschvig, déjà entré en pourparlers en France avec le Dr Joseph Schwartz, le délégué du Joint en Europe, part négocier directement à New York [53]. En juin, il revient avec un accord en poche : on lui a promis pour 1946, après de laborieuses tractations, la somme de 90 000 $ – somme coquette, bien inférieure cependant à celle qu’il avait espéré obtenir. Mais le Joint refuse de s’engager pour les années suivantes, ce qui signifie qu’il faudra renégocier chaque année [54].
Or, tandis que l’Alliance a très sensiblement augmenté ses dépenses, l’organisation américaine renâcle à accorder à Cassin, qui séjourne alors aux États-Unis, les 400 000 $ demandés pour 1947, et entend fixer des bornes de principe à son soutien : elle se refuse à subventionner l’enseignement professionnel que l’Alliance s’efforce alors de développer dans ses écoles avec l’aide de l’ORT, parce que cette organisation est déjà subventionnée par le Joint, de même que l’École normale israélite orientale (ENIO) qui forme les maîtres de l’Alliance. Pas question non plus de contribuer à ses œuvres de Palestine, qui ressortent, selon le Joint, de l’United Palestine Appeal [55]. Sans que l’on puisse préciser la somme finalement décrochée par Braunschvig au cours de l’été, il est sûr que la subvention ne fut pas à la hauteur des attentes. En 1948 encore, les négociations furent « longues et parfois pénibles », même si la subvention dépasse d’un tiers celle de 1947 [56].
C’est donc sous l’empire de la nécessité que l’Alliance se résigne à nouer avec le Joint des liens qui s’avèrent très vite pesants. Chaque année, de laborieuses discussions retiennent Jules Braunschvig de longues semaines aux États-Unis. Les demandes d’informations du Joint sur la nature des besoins et l’utilisation des fonds ont, du point de vue des hommes de l’Alliance, un caractère inquisitorial difficilement supportable, au point qu’en juillet 1949 Cassin caresse l’idée – irréalisable – d’« un changement de politique » [57]. L’autre grand grief est l’exclusion de l’œuvre palestinienne de l’Alliance du bénéfice de la subvention, alors même que l’œuvre française s’est interdite de collecte aux États-Unis. D’abord seulement gênante, cette disposition restrictive a des conséquences plus graves après la création de l’État d’Israël. En 1950 en particulier, le budget de l’Alliance est lourdement grevé par ses efforts pour maintenir l’enseignement du français dans ses écoles primaires (désormais municipalisées) et créer un enseignement secondaire. Elle doit écorner son capital [58].
Avec le Joint donc, les rapports s’avèrent d’autant plus irritants qu’ils ne lui donnent pas tous les moyens escomptés [59]. Restent les grandes organisations juives internationales à vocation politique. Cassin et son équipe sont bien conscients qu’établir avec elles des relations de coopération permettrait de faire davantage entendre la voix de l’Alliance sur la scène internationale. Elle aimerait en effet intervenir dans la rédaction des traités de paix avec les satellites de l’Allemagne, signés à Paris au début de 1947, comme dans celle des futurs traités concernant l’Allemagne et l’Autriche [60] ; Cassin, on le sait, se passionne pour l’ONU, et compte se servir des tribunes de la Commission des droits de l’Homme et du Conseil économique et social pour promouvoir son programme humaniste. Mais quels partenaires rechercher ? La question, on le sait, divise les alliancistes, d’autant que le désir d’entente du CJM n’est nullement garanti.
De fait, c’est vers les anciennes « associations-sœurs » que se tourne d’abord l’AIU. Les « anciens », qui y songent depuis l’automne 1944, ont expressément veillé à ce que l’adhésion au CRIF ne ferme pas cette possibilité. En septembre 1945, Max Gottschalk suggère d’organiser sans tarder les retrouvailles avec l’American Jewish Committee dont il est le directeur pour l’Europe [61]. Ce sera chose faite à Londres lors de la Conférence des organisations juives, du 23 février au 2 mars 1946. Sans être le moins du monde hostile à l’idée de renouer l’entente de jadis, Cassin se montre néanmoins circonspect, car il lui faut compter avec les réticences de certains comme Pierre Dreyfus ou Louis Oungre, qui arguent qu’une alliance avec l’AJC, connue pour son « antisionisme », risque de couper l’Alliance de fractions importantes du judaïsme américain groupées derrière le CJM et son allié, l’American Jewish Conference [62]. Meiss en particulier craint que l’Alliance ne se trouve prise malgré elle dans la guerre que se livrent alors les deux fractions du judaïsme américain, sioniste et antisioniste [63].
Aussi Cassin se rallie-t-il d’abord à la proposition de Pierre Dreyfus de créer, pour la seule période des négociations de paix, « un organisme de coordination indépendant de toute nuance particulière » [64]. La fondation en juin suivant d’un bureau commun à New York avec la Jewish Colonization Association (JCA ou ICA) semble découler de cette décision. De fait, l’AJC en est absent, afin, dit-on, de préserver l’indépendance de l’Alliance. Mais en octobre 1946, Cassin se ravise et présente au comité central un projet émanant de l’AJC qui a manifestement obtenu ses faveurs : il s’agit cette fois de créer auprès de l’ONU un « Conseil commun des affaires juives » regroupant les anciens partenaires que sont l’AJC, l’AJA et l’AIU, toutes organisations caractérisées par leur orientation vers « le problème des droits humains, […] des questions sociales, culturelles et d’éducation » [65]. Cette proposition de renouer, en le formalisant, le trio d’avant la guerre est à l’origine de la création du Conseil commun des organisations juives (CCJO). L’unité, explique le président, serait assurée par un conseil commun ou comité directeur où chacune des organisations membres aurait quatre délégués, et qui élirait le président et trois vice-présidents ; cet aréopage se réunirait alternativement à Paris, Londres et New York, cette dernière ville, siège de l’ONU, devant abriter le secrétariat permanent. Il s’agit non plus d’influer sur les seuls traités de paix, mais d’agir, par la soumission de mémoires bien informés, sur le cours des affaires traitées à la Commission des droits de l’Homme et au Conseil économique et social.
Le projet ne convainc ni Pierre Dreyfus qui pense toujours qu’en rejoignant ce groupe, idéologiquement marqué quoiqu’on lui dise [66], l’Alliance sortait de sa neutralité et risquait de s’aliéner des sympathies aux États-Unis, ni Maurice Liber qui, visant l’AJC, se déclare opposé à « l’entrée dans un organisme commun de certaines organisations envahissantes » [67]. Cassin, secondé par Gottschalk et Braunschvig, impose cependant son point de vue à la séance du Comité central du 22 octobre 1946, où l’accord fondant le CCJO est adopté, moyennant des amendements mineurs : impossible en effet de repousser encore sa conclusion si l’on veut être représenté auprès du Conseil économique et social sous peine de forclusion des candidatures ; rien n’empêche du reste, et l’argument semble avoir été décisif, de laisser la porte ouverte à d’autres organisations à l’avenir.
Dès janvier 1947, le CCJO commence à fonctionner à New York, son admission dans le Comité des organisations non-gouvernementales de catégorie B (statut consultatif) datant de février [68]. L’accréditation auprès du Conseil économique et social des Nations Unies ne saurait tarder. Des habitudes de travail communes s’instaurent entre les trois organisations : l’AIU se charge en particulier de fournir des rapports – dont elle confie la rédaction au juriste Henri Monneray – sur la liberté de l’information et de la presse, ainsi que sur les droits des réfugiés et des apatrides [69].
Cependant des tractations continuent bon train pour élargir les frontières du nouveau Conseil commun. Le 22 octobre 1946, le comité central avait demandé à Gottschalk de suggérer aux deux organisations partenaires de prendre des contacts avec deux vénérables associations britanniques : l’Anglo-Jewish Conference et le Board of Deputies of British Jews. Mais c’est évidemment du côté du CJM que se trouvait la clé du problème. Cassin, mélancolique, doit constater le 29 avril 1947 qu’en demandant de façon isolée sa propre accréditation devant le Conseil économique et social, le CJM « a fait cavalier seul sans consulter personne » ; par ailleurs, regrette-t-il encore, l’American Jewish Conference, le Board of Deputies britannique, le Board des Juifs sud-africains et le CRIF songent à créer leur propre collectif. Quoiqu’elle en ait, et malgré d’autres tentatives, l’Alliance est donc inexorablement rejetée vers son pré carré d’origine, ce dont se félicite Maurice Leven qui estimerait indigne de lâcher « les amis du premier jour […] pour faire des concessions à d’autres organisations qui ne veulent pas rallier l’organisation déjà créée » [70].
Que le souhait de Cassin et de ses proches d’élargir l’horizon de coopération internationale de l’Alliance n’ait trouvé après-guerre qu’une expression concrète limitée s’explique à la fois par le contexte général du monde juif, plus divisé que jamais, et par le poids même du passé de l’œuvre, qui l’entraîne vers des partenaires familiers dont ne la sépare aucun contentieux. Encore ne faut-il pas imaginer une coopération sans ombres entre l’Alliance et l’AJC. En fait le CCJO souffre d’un déséquilibre interne en faveur de sa composante américaine, de loin la plus riche des trois ; la fixation du secrétariat à New York est un autre avantage. L’AIU et sa comparse britannique, l’AJA, sont donc amenés parfois à faire bloc pour contrer les initiatives, jugées hégémoniques, de leur partenaire commun [71].
 
L’Alliance et la question « palestinienne »
 
 
On l’a vu : l’Alliance renaissante entend d’emblée être présente, seule ou associée à ses partenaires du CRIF ou du CCJO, sur tous les dossiers touchant aux droits des Juifs et à ceux de l’Homme en général. De fait, entre 1944 et 1948, l’Alliance se montre active sur tous les fronts, avec ce même mélange de fidélité à son passé et de volonté d’en tirer de salutaires « leçons ». Outre la vaste question des droits de l’Homme qui ressort plutôt de l’action personnelle de René Cassin à l’ONU [72], il faut évoquer l’implication de l’AIU dans la question des revendications juives à l’égard de l’Allemagne qui débouche en 1952 sur la création de la Claims Conference, une organisation par trop exclusivement américaine à son goût [73]. L’AIU s’inquiète, on l’a déjà dit, de la rédaction des traités de paix avec les satellites de l’Allemagne, sous leurs aspects touchant au sort des Juifs, tout en continuant de surveiller le niveau de l’antisémitisme partout dans le monde. Ainsi, au début des années 1950, elle s’alarme du sort des Juifs restés derrière le « rideau de fer », mais sa sollicitude reste davantage tournée vers ceux qui résident dans les pays musulmans, toujours sous la tutelle coloniale pour la plupart et plus précisément française en Afrique du Nord [74].
À l’évidence cependant, la question « palestinienne » domine la scène juive dans l’immédiat après-guerre. Connue jusqu’alors pour son antisionisme farouche, l’œuvre a incontestablement changé de discours en 1945. Mais jusqu’à quel point ? Comme le prouve l’examen des faits, le virage fut négocié avec prudence par l’Alliance et, plus que tout autre facteur, c’est la marche des événements qui explique son glissement vers des positions toujours plus proches de celles de l’Agence juive.
Au départ, l’Alliance s’est délibérément placée sur un plan humanitaire, pour mieux éviter d’avoir à s’engager sur le terrain politique. Son adhésion au CRIF en juillet 1945 est l’occasion d’une première prise de position, puisque, ce faisant, elle doit adopter sa charte, y compris sa clause « palestinienne », dont il faut rappeler ici les termes [75] :
« Le CRIF appréciera les revendications de l’Agence juive et autres organismes concernant :
  1. l’abolition immédiate du Livre Blanc de 1939,
  2. la liberté d’immigration et de colonisation juives en Palestine. »
À ces lignes, les organisations de gauche et le Consistoire avaient pris soin de rajouter, respectivement, ces deux phrases :
« Afin d’assurer la coexistence normale et amicale à toutes les parties de la population, le CRIF soutiendra les efforts ayant pour but de réaliser l’entente la plus complète entre les populations juives et arabes de Palestine dans le plus large esprit démocratique.
Il est entendu que le statut national des Juifs de Palestine n’affectera d’aucune manière celui des Juifs des autres pays et les liens qui les attachent à leur patrie ».
Selon Léon Meiss, Maurice Liber serait le rédacteur de ce texte [76]. Tel quel en tout cas, il reflète très exactement le point de consensus sur lequel peuvent se retrouver, à la Libération, les différents courants représentés au sein du comité central de l’Alliance. On aura remarqué en effet que l’idée d’un État juif, objet désormais des revendications de l’Agence juive, n’est pas évoquée ; qu’une distinction très nette est faite entre les israélites français et les Juifs étrangers. Eux seuls « désirent émigrer en partie en Palestine », projet que leurs coreligionnaires français doivent les aider à réaliser au nom du principe universel de liberté, seul argument susceptible de fléchir un Maurice Leven qui juge cette clause « dangereuse » parce que d’essence « nationale » [77]. Pour arracher l’adhésion de l’Alliance au CRIF, Léon Meiss va jusqu’à présenter ce passage de la charte comme un rempart pour les intérêts israélites : « Quel que soit le point de vue que l’on puisse avoir à son sujet [le sionisme], nous y sommes tous intéressés, ne serait-ce que pour éviter toute équivoque le jour où il y aurait un État juif et où il s’agira de veiller à ce qu’aucune atteinte ne soit portée à la situation des Israélites français » [78].
La déclaration de l’Alliance marque toutefois un premier et discret infléchissement à la fin de 1945 : « L’Alliance, y lit-on, est […] résolue à demander, pour les Juifs qui y aspirent, sous l’égide des Nations Unies et la responsabilité de l’Agence juive pour la Palestine, le droit d’entrée en Palestine ». Quelques mots qui résument les objectifs, plutôt contradictoires, que poursuit alors Cassin, qui les rédigea lui-même au tout début de décembre 1945 [79].
En mentionnant la liberté d’immigration en Palestine et le rôle que doit y jouer l’Agence juive, il entend affirmer nettement la sympathie de l’Alliance pour une revendication majeure des sionistes. Trois raisons l’y déterminent, à commencer par l’impasse dans laquelle se trouvent les Displaced Persons (DP), pour l’essentiel des Juifs survivants, entassés dans des camps en Allemagne, qui réclament le droit de commencer une nouvelle vie en Palestine. Tout en annonçant la poursuite de la politique palestinienne inaugurée par les conservateurs britanniques en 1939, le gouvernement travailliste de Clement Attlee vient de rejeter la proposition du président des États-Unis, Harry Truman, d’admettre immédiatement 100 000 DP en Palestine. Cassin s’est également rendu compte, à la faveur de divers voyages en Europe, que « l’aspiration vers la Palestine […] se fait de plus en plus générale hors de France ». Il tient enfin à développer le réseau scolaire de l’Alliance en Palestine, ce qui n’est envisageable qu’en changeant l’image de l’œuvre auprès des Juifs palestiniens [80].
Pour autant, Cassin n’est pas prêt, à ce stade, à soutenir ouvertement la revendication étatique de l’Agence juive. C’est qu’en France ni les pouvoirs publics ni, dans leur immense majorité, les notables de l’œuvre qu’il préside ne l’approuvent ni même ne la prennent au sérieux. D’ailleurs la déclaration de 1945 prend soin de préciser que l’avenir du judaïsme européen, même malheureux, ne se résume pas à la seule Palestine. Enfin l’Alliance doit ménager l’opinion des pays musulmans, sous peine de compromettre la sécurité des communautés locales et celle de son propre réseau scolaire. C’est la raison – outre « le rôle prépondérant que l’Amérique semble devoir jouer désormais dans la question palestinienne » – pour laquelle, explique Cassin le 4 décembre 1945, il a jugé bon d’ajouter la mention des Nations Unies qui comptent des États arabes en leur sein. On peut juger vaines ces arguties diplomatiques ; elles trahissent néanmoins la contradiction dans laquelle se débat l’Alliance.
Le ton est donné pour l’année 1946, où les alliancistes affichent à plusieurs reprises, en public et en privé, leur solidarité avec l’action menée par les sionistes en faveur des DP. Ainsi, le 7 février 1946, à leur demande insistante, Jules Braunschvig et Maurice Leven déposent à Paris devant la commission anglo-américaine d’enquête sur la Palestine [81]. « Nous pensons, déclarent-ils, que parmi les échappés du massacre européen, ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas continuer à vivre sur les lieux où ils ont vu tant d’horreurs, doivent pouvoir immigrer en Palestine, terre ancestrale, espoir qui les a soutenus pendant leurs épreuves ». Désireux que le Yishouv (la communauté juive en Palestine) jouisse d’« une pleine autonomie culturelle », ils se disent conscients que « ces conditions sont peut-être celles que seul un État peut assurer » ; la question toutefois n’est « pas actuelle », et l’Alliance n’a pas à se prononcer sur des formes d’organisation politique.
En juin 1946, après l’évasion de France du Grand Mufti de Jérusalem, ex-obligé de l’Allemagne nazie, Cassin estime que l’Alliance « n’a pas le droit de rester impassible et doit réagir » ; décidé à une démarche publique, il double le courrier indigné qu’il adresse au ministre Georges Bidault par un communiqué à l’Agence française de presse [82]. Sa position s’affirme encore au tout début de juillet à la suite de la vague d’arrestations à laquelle viennent de procéder les autorités anglaises de Palestine, exaspérées par une série d’attentats spectaculaires. Malgré la répugnance visible de plusieurs membres anglophiles du comité central – Maurice Leven, Georges Wormser, Maurice Stern notamment –, à l’égard du « terrorisme » des « extrémistes », le président adresse cette fois par télégramme à Chaïm Weizmann, le président de l’Agence juive, à David Ben Gourion, le leader incontesté du Yishouv, ainsi qu’à la presse, un message de sympathie et de solidarité avec la population juive de Palestine ainsi qu’avec les millions de Juifs d’Europe centrale et orientale « dont les espoirs d’installation au foyer garanti par la Déclaration Balfour se trouvent compromis » [83].
Mais, en raison de son rôle en Afrique du Nord, l’Alliance s’applique aussi à marquer certaines distances avec les nationalistes juifs. Lorsqu’en septembre 1946 Pierre Dreyfus fait état de nouvelles tendances favorables à l’Alliance au sein de l’Agence juive, Cassin rappelle qu’il ne convient pas de « souder complètement le sort de l’Alliance à celui des sionistes », qu’elle doit garder son « indépendance » et son « impartialité » [84]. L’œuvre prend en outre l’exact contre-pied de la propagande sioniste en se montrant prête à soutenir aussi bien les candidats juifs à l’immigration dans un pays autre que la Palestine que la reconstitution des communautés en Europe même. Évoquant, en février 1946, l’avenir du judaïsme européen, Pierre Dreyfus souligne que « le judaïsme de l’Europe occidentale et celui de l’Afrique du Nord […] est parfaitement vivant et que rien ne doit s’opposer à ce qu’il se développe librement ». Il n’exclut même pas que certains survivants puissent désirer demeurer dans leur Europe orientale natale et y reconstituer des communautés [85]. La situation, à son avis, n’est pas encore « cristallisée », aucune option n’est à exclure. Et Cassin de renchérir : il importe, selon lui, d’attirer l’attention de la Conférence de la Paix sur l’intérêt de retenir sur le vieux continent « les débris du judaïsme » en faisant ressortir qu’un exode général pourrait avoir des conséquences aussi néfastes pour l’Europe que l’Édit de Nantes, naguère, pour la France [86].
Pas question donc que l’Alliance concoure à une « liquidation » du judaïsme européen. Dans sa sphère de compétences, elle cherche au contraire à favoriser son renouveau. C’est le sens du projet consistant à « réunir une conférence de l’éducation juive à Paris » [87], qui est à l’origine de la tenue en septembre 1946, à l’initiative de l’AIU, d’une « conférence de reconstruction spirituelle et d’éducation juive » [88]. Le Comité international pour l’éducation juive fondé à cette occasion donne naissance en octobre 1947 à l’Organisation internationale pour l’éducation et pour la culture juive en Europe (UJECO) [89].
L’AIU a donc trouvé un point d’équilibre auquel elle se serait volontiers fixée si les circonstances le lui avaient permis. Mais dès lors que, le 18 février 1947, la Grande Bretagne remet le dossier palestinien à l’ONU, le comité central doit envisager, à son grand désarroi, d’avoir à s’aventurer sur le terrain politique. Le 2 mars, deux décisions d’attente sont prises, reconduites le 26 : s’informer du point de vue des autorités françaises ; constituer une commission d’étude ad hoc. Le 29 avril, pas convaincu encore que la commission d’enquête prévue par l’ONU (la future UNSCOP) soit vraiment constituée [90], il se contente de réitérer ses positions antérieures : pour « sauver les réfugiés dont la situation est sans issue », il réclame l’abrogation des mesures restrictives de Londres sur l’immigration et la colonisation juives en Palestine.
Le comité central connaît, une fois le processus onusien effectivement engagé, un débat autrement animé le 29 mai, mais ne parvient pas à dégager une « doctrine ». S’il est impossible « d’abandonner les sionistes à leur sort », on les blâme d’avoir rompu avec l’Angleterre après ce que cette nation a accompli pendant la guerre, et parce qu’elle n’acceptera jamais, croit-on, de lâcher complètement la Palestine. Navrés que l’antagonisme judéo-britannique retarde la solution du problème des DP, ses membres restent sceptiques sur la capacité des sionistes à fonder un État viable. Enfin l’Alliance, comme la France en général – l’Alliance n’oublie pas ce facteur –, possède, en Palestine et dans le monde arabe, des intérêts qu’elle entend sauvegarder. Homme de gouvernement, René Mayer en tire argument pour s’opposer avec la dernière fermeté à ce que l’Alliance prenne position sur l’aspect politique du problème, au grand embarras, semble-t-il, de Cassin [91].
Aussi ce dernier saisit-il l’occasion d’un séjour à New York pour remettre de son propre chef au secrétariat de l’ONU un mémorandum concocté probablement avec les partenaires du CCJO, assorti d’une lettre réclamant le droit pour l’Alliance d’être auditionnée par l’UNSCOP [92]. Le comité central, informé le 16 juin, en prend-il ombrage ? Il est enthousiaste au contraire, visiblement soulagé de cette issue. À l’unanimité, et bien qu’ils préfèrent n’en publier qu’un résumé expurgé [93], ses membres estiment que leur président a su trouver « des termes heureux, complets en même temps que réservés et ménagers de l’avenir ». Les revendications sur l’abrogation du Livre Blanc et la liberté de l’immigration sous le contrôle de l’Agence juive y sont reprises, mais justifiées cette fois par l’illégalité qui entacherait les règlements britanniques. Plus neuve est la solution politique proposée, alors « dans l’air » aux États-Unis : le mandat doit céder la place à « un trusteeship [tutelle] international ». L’Alliance accepterait toutefois « toute autre solution » permettant le « libre développement du Foyer national », le respect de l’égalité des droits pour tous les citoyens de la Palestine et l’établissement de dispositions spéciales concernant les Lieux saints et les sanctuaires.
Par malheur l’Agence juive ne veut pas entendre parler de la formule du trusteeship. De plus, on apprend en septembre que l’UNSCOP penche pour la partition et la constitution de deux États, juif et arabe. C’est alors, et alors seulement, que l’Alliance se résigne à soutenir sans plus tergiverser la ligne de l’Agence juive. Non sans nourrir maints sujets d’inquiétude, elle réclame désormais l’application du plan de partition sur le terrain [94]. Par pur réalisme d’abord, puis de plus en plus parce qu’il apparaît de l’intérêt commun de l’Alliance et de la France d’établir de bons rapports avec le nouvel État.
Deux moments-clés permettent d’apprécier le changement de cap de l’Alliance, et plus encore de son président. Peu avant la date fixée pour le vote du plan de partage à l’Assemblée générale de l’ONU, en novembre 1947, le Quai d’Orsay annonce l’abstention de la France. Aussitôt les hommes de l’Alliance se mobilisent : tandis que René Mayer va voir Georges Bidault le 20 octobre, Cassin se joint le 22 à une délégation de responsables d’organisations juives auprès du président de la République, Vincent Auriol. En mars 1948, les États-Unis, inquiets de la violence déchaînée en Palestine, retirent leur soutien au plan de partage et propose, à la place, un « trusteeship international». C’était préconiser une solution qui, en juin 1947, avait déjà séduit le comité central ; pressé par ses partenaires du CCJO, angoissé, il se serait rallié à la proposition américaine sans le sang-froid de Cassin, qui y gagna des titres à la reconnaissance du représentant d’Israël en France, Maurice Fischer [95]. Le 28 avril en effet, contre l’avis de Georges Wormser qui doute de la viabilité du partage, et même contre celui de Louis Kahn, le président arrache au comité central la participation de l’Alliance à la démarche que le CRIF s’apprête à faire auprès d’Auriol pour contrer l’initiative américaine aux Nations Unies.
Au total donc, si l’Alliance présente un visage nouveau après la guerre, si son discours change sur des aspects politiques essentiels – coopération avec les autres organisations juives, y compris des organisations hier ennemies, ouverture sur la question « palestinienne » –, on demeure frappé par les atermoiements qui accompagnent ces mutations, et finalement, par une très sensible permanence des modes de pensée et de comportement d’antan, même transcendés par le combat engagé par Cassin sur le front des droits de l’Homme. Les « leçons de la guerre » n’ont pas entraîné de révolution, mais bien plutôt une volonté de restauration coexistant avec des infléchissements, des adaptations au nouveau cours des choses. C’est une Alliance plus souple, plus à l’écoute du monde juif, plus moderne certainement qui sort de la guerre, mais sans qu’elle renie l’essentiel de son credo israélite. Rejoindre le CRIF ? Une opération nécessaire, ne serait-ce que pour contrôler une institution dont on persiste à se méfier, mais pas sans de solides garanties d’indépendance. S’entendre avec les grandes organisations juives étrangères ? On voit bien le poids international que l’Alliance y gagnerait, mais faute de se résoudre à traiter avec les organismes les plus influents, sionistes ou sionisants, elle se trouve cantonnée aux modestes « organisations-sœurs » d’autrefois. Soutenir la cause sioniste ? Sans doute, mais avec une réticence marquée à passer du plan humanitaire au plan politique.
C’est que la recherche du compromis entre les factions conservatrice et novatrice du comité central – dont les contours varient du reste selon les dossiers et l’époque – est indispensable à la bonne marche de l’œuvre. Les comptes rendus des réunions de cette instance permettent de prendre d’ailleurs la mesure de l’habileté manœuvrière de Cassin, servi il est vrai par la légitimité résistante qu’il lui apporte. C’est aussi que l’Alliance est soucieuse de la pérennité et du développement de son infrastructure scolaire. Les traits de continuité qui caractérisent en bonne part l’attitude politique de l’AIU après la guerre – son souci en particulier de ménager l’opinion musulmane – tiennent pour beaucoup d’une logique d’institution tenue par ses intérêts à peser soigneusement ses dires et ses actes.
 
NOTES
 
[1]Cf. l’article de Laurent Grison dans ce même dossier et du même auteur, « Diplomatie culturelle et paradoxes sous Vichy : l’exemple de l’Alliance israélite universelle », L’Information historique, 1996, 58, pp. 163-166.
[2]Cet ouvrage « officiel » intitulé L’Alliance israélite universelle et la renaissance juive contemporaine. Cent ans d’histoire, paru en 1965, nous a été très utile, malgré un certain nombre d’erreurs factuelles. Sauf mention contraire, nos informations en sont extraites.
[3]La collection des procès-verbaux des séances du comité central était encore en cours de classement, au moment où je l’ai consultée à l’Alliance israélite universelle. Nous ne les indiquerons donc pas par des cotes, mais simplement par la date des séances.Ces documents, le plus souvent de bonne longueur, sont parfois, et de plus en plus avec le temps, accompagnés d’un dossier de notes et de rapports préparatoires. Le comité central de l’AIU se réunissant au moins une fois par mois (sauf durant l’été), et bien davantage dans certaines périodes, on dispose là d’une source continue et cohérente, formée d’un matériel de premier ordre puisque toutes les questions importantes relatives à la marche de l’institution sont soumises au « parlement » de l’Alliance.Il faut toutefois rester conscient que cette source est sélective et partielle : les discussions au sein du comité central ne sont à coup sûr pas intégralement rapportées pour des raisons techniques ou « diplomatiques » ; elle ne fait pas mention avant la fin de l’année 1949 du travail préparatoire accompli dans l’intervalle des réunions par les diverses commissions ad hoc ; elle occulte les débats internes et les manœuvres de coulisses que l’on devine pourtant jouer un rôle non négligeable.
[4]Présidé par René Cassin, il est constitué de personnalités présentes à Londres même – ainsi les deux secrétaires généraux, l’amiral Louis Kahn et Bernard Mélamède, ancien responsable de la Jewish Colonization Association (ICA) et du Centre d’aide pour les réfugiés (CAR), le commandant Henri Bernard, le commissaire Henri Leven, Jules Philippson et Mme Weill, fille du professeur Léon Brunschwig –, d’anciens membres du Comité central résidant à New York – Max Gottschalk et Maurice Stern – et d’un ancien obligé de l’Alliance résidant au Caire, le grand rabbin Nahoum Effendi (Liste fournie par Cassin lui-même au comité central (désormais CC) lors de la séance du 11 septembre 1944).
[5]Ibid. Cassin précise devant le CC du 11 septembre 1944 que René Massigli, le commissaire aux Affaires étrangères du Comité Français de Libération Nationale (CFLN), a reconnu l’existence légale du Comité dans une lettre en date du 18 octobre 1943 ainsi que sa qualité « pour gérer (les) intérêts moraux et matériels » de l’AIU. Le bureau est désormais composé, outre Cassin, toujours président, de Louis Kahn, Bernard Mélamède, le grand rabbin Eisenbeth, René Mayer ainsi que de trois « Algérois » : le Dr. Machtou (vice-président), Samuel Lebar (trésorier) et Albert Confino (secrétaire général). Les autres membres du comité central résident à l’étranger : Philippson et Montefiore (Londres), Max Gottschalk, Maurice Stern, Pierre Dreyfus, Louis Oungre, André Meyer, le marchand d’art Georges Wildenstein (New York).
[6]Laurent Grison, op. cit.
[7]Parmi les membres de la toute première équipe de Londres, Max Gottschalk, Maurice Stern et le grand rabbin Nahoum sont respectivement membres du CC depuis 1935, 1932 et 1925. À Alger les anciens sont proportionnellement plus nombreux encore avec l’entrée des trois « Algérois », cadres enseignants de l’Alliance d’avant-guerre, et celle d’hommes déjà membres du CC en 1939 comme Pierre Dreyfus (élu en 1935), Louis Oungre (élu en 1935), André Meyer et Georges Wildenstein (élus en 1932).
[8]La réunion du 11 septembre rassemble autour de Cassin Julien Weill, grand rabbin de Paris, Isidore Lévy et Robert Lévi, René Mayer s’étant excusé. La toute première réunion du CC à Paris après la Libération avait eu lieu le 28 août 1944 en l’absence de Cassin, encore à Alger, et en la seule présence de Julien Weill et d’Isidore Lévy. On y décida de charger la secrétaire des écoles, Suzanne Feingold, de prendre contact au plus tôt avec le SOFE.
[9]Sont présents autour de Cassin dix membres cooptés au CC avant la guerre, et tous, sauf erreur, demeurés en France pendant l’Occupation : Isidore Lévy, Julien Weill, Jacques Sée, Raymond Leven, André Goldet, Léon Netter, Maurice Liber, Adolphe Caen, Philippe Erlanger et Maurice Leven.
[10]Ainsi Alfred Berl, l’ancien éditorialiste de Paix et droit, qui ne décède pourtant qu’en juin 1950.
[11]On salue son retour de captivité à la séance du CC du 25 mai 1945. Sur Jules Braunschvig, voir la notice biographique d’Alain Michel dans ce même numéro.
[12]Ainsi le diplomate Daniel Lévi, fils de l’ancien président de l’Alliance Sylvain Lévi et seul membre coopté, semble-t-il, pendant la guerre en France même alors qu’il se trouvait révoqué de ses fonctions en vertu de la législation antijuive. Il démissionne du CC après sa nomination comme ministre de France en Finlande (annonce faite dans la séance du CC du 24 janvier 1945).
[13]Lors de la séance du CC du 21 février 1950, Cassin lance bien l’idée de remplacer ce système par un autre plus démocratique ; il n’insiste pas, devant le désaccord de Maurice Leven et de Georges Leven.
[14]De la première catégorie relèvent par exemple Georges Halphen, fils de Mme Fernand Halphen (élu en 1945), Jacques Dreyfus, fils d’Eugène Dreyfus, et Dreyfus de Gunzbourg, fils du suisse Dreyfus-Brodsky. De la seconde, Albert Navon, ancien directeur de l’ENIO (élu en 1945) et Marcel Franco, ancien dirigeant communautaire en Turquie, installé aux États-Unis (élu en 1947).
[15]Séance du CC du 20 février 1946. Cassin a désiré 3 vice-présidents (au lieu de 2 avant-guerre) pour être plus efficacement secondé.
[16]La nomination d’Eugène Weill à cette fonction (à ne pas confondre avec celle de secrétaire de l’Alliance, fonction occupée de 1881 à 1934 par Jacques Bigart, puis par Sylvain Halff jusqu’à sa mort en 1941) est annoncée à la séance du CC du 2 juillet 1946 pour répondre à « la complexité chaque jour croissante des tâches qui incombent à l’Alliance ».
[17]Expression utilisée par Cassin à la séance du CC du 15 novembre 1944.
[18]Séance du CC du 12 septembre 1945.
[19]La commission chargée d’élaborer « un programme positif d’action » est composée de Louis Oungre, Jules Braunschvig, Pierre Dreyfus, Philippe Erlanger, André Mayer, Léon Netter, Maurice Liber, Louis Kahn, Maurice Leven et Robert Lévi.
[20]Le 9 octobre 1945, c’est Cassin lui-même qui, devant le CC, demande à Fleg de devenir le président de la commission de rédaction.
[21]André Chouraqui publie ce texte sous le titre de « Déclaration du 11 novembre 1945 », op. cit., pp. 490-494.
[22]Maurice Leven aurait même souhaité que l’on inclue dans ce « glorieux passé » le rôle qu’aurait joué l’Alliance pendant la guerre dans l’accueil réservé aux Alliés en Afrique du Nord et dans les pays musulmans. Proposition non retenue.
[23]Sur la nature de ces ajouts et leurs motifs, voir infra.
[24]Cassin doit précisément rencontrer Bidault deux jours plus tard.
[25]Louis Kahn déclare notamment : « le texte […] fera connaître [l’Alliance] dans un monde qui l’a oubliée » ; « il faut que dans le monde on sache que la France traditionnelle est revenue ; il faut qu’on connaisse ce renouveau spirituel. L’acte que représente cette Déclaration est inférieur, mais comparable à l’acte des fondateurs même de l’Alliance » ; mais aussi, faisant allusion à la guerre, « nous [membres du Comité central] nous ne pouvons pas nous taire et passer l’éponge sur ce qui s’est passé ».
[26]Cf la Déclaration publiée dans André Chouraqui, op. cit.
[27]Le texte figure en juillet 1946 dans une brochure de propagande avant d’être publié à nouveau, à la fin de l’année, dans le premier numéro des Cahiers de l’Alliance. Paix et droit.
[28]Il est symptomatique que le texte s’ouvre par une partie consacrée à « L’universalité de l’Alliance » et se termine par un « Appel à la conscience universelle », rédigé par Louis Kahn.
[29]À noter cette phrase : « Malgré les rechutes et les catastrophes, nous n’abdiquerons pas : tout sera tenté, jusqu’à ce que l’émancipation et la magnifique trilogie « Liberté, Égalité, Fraternité » se confirment partout comme une durable réalité ».
[30]L’AJA, née à Londres en 1871, est une émanation directe de l’Alliance en Grande Bretagne ; l’AJC s’est formée à New York sur les mêmes bases idéologiques en 1906, au lendemain du pogrom de Kichinev.
[31]Le Joint est l’organisation juive américaine qui, fondée en 1914 pour venir en aide aux Juifs persécutés dans le monde, avait été le grand pourvoyeur de fonds pour l’entraide et la résistance juives pendant la guerre, avant de l’être pour la reconstruction de la communauté après celle-ci.
[32]Son attitude à l’égard du Fonds social juif unifié (FSJU), fondé plus tard, en 1949-1950, n’est pas étudiée ici.
[33]Séance du CC du 13 décembre 1944.
[34]Sur cette question, voir infra.
[35]Propos tenus lors de la séance du CC du 30 avril 1945.
[36]Liber juge par exemple « inadmissible que l’Alliance ne figurât que pour 1/12e alors que jusqu’à présent c’était elle qui avait compétence en matière des grandes questions agitées par cet organisme » (Séance du CC du 20 mars 1945).
[37]Cassin soutient également lors de la séance du CC du 30 avril 1945 qu’il serait « bon que l’Alliance à côté du Consistoire fasse entendre son point de vue ».
[38]Meiss précise que le Consistoire compte céder à l’Alliance trois représentants sur les six qui lui ont été alloués. Il n’est pas fait mention de cette assertion, bien faite pour ménager l’amour-propre des vieux alliancistes, chez les historiens. Cf. Jacques Fredj, La Création du CRIF, 1943-1967, mémoire de maîtrise, université de Paris IV, 1988.
[39]Rappelons que les organisations membres du CRIF avaient à l’origine 14 représentants au total, dont 7 pour les organisations immigrées, 6 pour les organisations du judaïsme français, plus le président, toujours un Français donc.
[40]Séance du CC du 30 avril 1945.
[41]Maurice Liber, pourtant remplacé en principe par Raymond Leven, reste en place. Séance du CC du 30 avril 1945.
[42]Le nombre des présents – 13 – lors de cette importante réunion souligne l’absentéisme qui règne au CC ; le cercle décisionnel tourne autour d’une quinzaine de personnes. Les deux voix contre sont celles de Maurice Leven et d’Isidore Lévy ; plutôt contre au départ, Jacques Sée et André Goldet se sont finalement ralliés à la motion Cassin. L’abstentionniste n’est autre que Léon Meiss, qui, en tant que président du CRIF, avait annoncé qu’il ne prendrait pas part au vote.
[43]« En entrant au CRIF, explique-t-il, [l’Alliance] donnera à celui-ci plus de force, lui permettra de ne pas s’inféoder au CJM et de ne pas aliéner la liberté du judaïsme français ».
[44]L’Alliance accepte en principe de payer une contribution de 15 à 20 000 F par mois. Ses premiers représentants titulaires – Maurice Liber et Georges Halphen – sont désignés en octobre. Sans doute Robert Gottlieb a-t-il remplacé ensuite l’un des deux, puisque c’est lui qui rend compte de l’activité du CRIF au CC le 12 février 1946 (infra).
[45]Lettre lue par Cassin à la séance du CC du 12 février 1946.
[46]Ainsi un conflit éclate dans l’été 1946, car le CRIF prétendait envoyer une commission d’enquête au Maroc, à l’instigation de la section française du CJM. Pour le CRIF, l’Alliance n’a compétence que sur les affaires du Proche et du Moyen-Orient ; l’Alliance soutient que l’Empire fait partie de son domaine propre.
[47]Séance du CC du 26 mars 1947.
[48]Meiss démissionne en janvier 1949. Élu des mois plus tard, Modiano démissionne à son tour en septembre 1951, en même temps que le secrétaire général, Henri Monneray. La crise du CRIF est évoquée notamment aux séances du CC des 11 janvier 1950, 25 septembre et 8 octobre 1951, 17 décembre 1952, 1er avril 1953.
[49]Séance du CC du 11 janvier 1950.
[50]Séance du CC du 12 septembre 1945.
[51]Au début, certains membres du Comité central se dévouent, puis les tournées de propagande deviennent la spécialité d’un nouveau venu, André Chouraqui.
[52]Réunion du CC du 2 avril 1946.
[53]Séance du CC du 10 avril 1946.
[54]Séance du CC du 12 juin 1946.
[55]Séances du CC des 2 mars, 29 avril et 10 juillet 1947.
[56]Rapport de Jules Braunschvig, séance du CC du 21 juin 1948.
[57]Séance du CC du 11 juillet 1949.
[58]Sur la crise financière, séances du CC des 21 mars, 3 juillet, 11 septembre, 4 octobre 1950. Le salut viendra d’un prêt de la Banque ottomane et, à partir de 1952-1953, de l’aide du gouvernement français, alors soucieux de développer son influence culturelle dans le nouvel État d’Israël.
[59]Ce qui explique que l’Alliance ait parfois pris le risque de procéder à des collectes directes sous le couvert des American Friends. Cf. séance du CC du 8 octobre 1951.
[60]Ces traités, on le sait, ne pourront finalement pas voir le jour, dans le contexte des débuts de la Guerre froide.
[61]Séance du CC du 25 septembre 1945.
[62]Séance du CC du 13 mars 1946.
[63]Séance du CC du 12 février 1946.
[64]L’idée est présentée au CC par Pierre Dreyfus le 12 février 1946.
[65]La date de septembre, donnée par André Chouraqui, op. cit., p. 317, est erronée. Séance du CC du 22 octobre 1946.
[66]Max Gottschalk et Jules Braunschvig soutiennent en effet que l’AJC n’est nullement opposée au sionisme.
[67]Séance du CC du 22 octobre 1946.
[68]En même temps que le CJM. Séance du CC du 2 mars 1947.
[69]Séances du CC des 16 avril et 10 juillet 1947.
[70]Séance du CC du 29 avril 1947.
[71]Ainsi, lorsqu’en avril 1948 le président de l’AJC propose de créer pour une meilleure efficacité un sous-comité exécutif permanent à New York, l’AJA et l’AIU s’empressent-elles d’y trouver maints inconvénients « pratiques » (Séance du CC du 28 avril 1948).
[72]Cf. Gérard Israël, René Cassin. La guerre hors la loi. Avec de Gaulle. Les droits de l’Homme, Paris, Desclée de Bouwer, 1990.
[73]Séance du CC du 18 mars 1952.
[74]Sollicitude dictée par la tradition sans doute, mais augmentée, après la Shoah, de la conscience de l’importance nouvelle pour l’ensemble des Juifs de ce « reste d’Israël ». Voir l’article de Yaron Tsur dans ce même dossier sur l’attitude de l’Alliance au Maroc.
[75]Jacques Fredj, op. cit.
[76]Séance du CC du 30 avril 1945.
[77]Séance du CC du 25 juillet 1945.
[78]Ibid.
[79]Voir supra.
[80]Séance du CC du 4 décembre 1945.
[81]Cette commission est une concession du gouvernement britannique à Truman après le rejet de la proposition américaine d’admettre immédiatement 100 000 DP en Palestine. Compte-rendu de Maurice Leven à la séance du CC du 12 février 1946.
[82]Séance du CC du 12 juin 1946.
[83]Séance du CC du 2 juillet 1946.
[84]Séance du CC du 19 septembre 1946.
[85]Séance du CC du 12 février 1946. De fait les pogromes d’après-guerre en Pologne et en Tchécoslovaquie sont postérieurs de plusieurs semaines.
[86]Ibid.
[87]L’idée est soumise par Jules Braunschvig à la conférence de Londres ; il en avise le CC le 13 mars 1946.
[88]Rapport de Jules Braunschvig à la séance du CC du 19 septembre 1946.
[89]Rapport de Jules Braunschvig à la séance du CC du 4 novembre 1947.
[90]Les membres de l’UNSCOP sont désignés le 11 mai.
[91]Maurice Leven s’aligne sur René Mayer, comme, dans une moindre mesure, Louis Kahn qui déclare : « La rupture du Sionisme avec l’Angleterre est déplorable ».
[92]Texte reproduit dans André Chouraqui, op. cit., pp. 496-497.
[93]Dans le texte publié par exemple dans Vendredi soir. La Semaine israélite, n° 111, juillet 1947, p. 4, on constate que les coupures atténuent la sévérité du mémorandum à l’égard de la Grande Bretagne et gomment le rôle dévolu à l’Agence juive dans l’immigration. Cassin, de retour en France, fait quelques commentaires au CC du 10 juillet 1947.
[94]Séances du CC des 20 novembre 1947 (rapport de René Mayer) et du 25 février 1948.
[95]Le compte rendu de la séance du CC du 4 février 1953 reproduit un échange de lettres entre René Cassin et Maurice Fischer relatif à des propos désobligeants tenus par ce dernier sur l’ancien président de l’AIU Sylvain Lévi. Dans sa réponse du 7 janvier 1953, Fischer rappelle qu’au printemps 1948 son correspondant a résisté « à certaines sollicitations qui voulaient que l’Alliance se désolidarisât de la lutte que nous menions à la veille de la proclamation de notre État ».
© Cairn 2007 Vie privée | Conditions d’utilisation | Conditions générales de vente
À propos | Éditeurs | Bibliothèques | Aide à la navigation | Plan du site | Raccourcis
[1]
Cf. l’article de Laurent Grison dans ce même dossier et du ...
[suite] Suite de la note...
[2]
Cet ouvrage « officiel » intitulé L’Alliance israélite univ...
[suite] Suite de la note...
[3]
La collection des procès-verbaux des séances du comité cent...
[suite] Suite de la note...
[4]
Présidé par René Cassin, il est constitué de personnalités ...
[suite] Suite de la note...
[5]
Ibid. Cassin précise devant le CC du 11 septembre 1944 que ...
[suite] Suite de la note...
[6]
Laurent Grison, op. cit. Suite de la note...
[7]
Parmi les membres de la toute première équipe de Londres, M...
[suite] Suite de la note...
[8]
La réunion du 11 septembre rassemble autour de Cassin Julie...
[suite] Suite de la note...
[9]
Sont présents autour de Cassin dix membres cooptés au CC av...
[suite] Suite de la note...
[10]
Ainsi Alfred Berl, l’ancien éditorialiste de Paix et droit,...
[suite] Suite de la note...
[11]
On salue son retour de captivité à la séance du CC du 25 ma...
[suite] Suite de la note...
[12]
Ainsi le diplomate Daniel Lévi, fils de l’ancien président ...
[suite] Suite de la note...
[13]
Lors de la séance du CC du 21 février 1950, Cassin lance bi...
[suite] Suite de la note...
[14]
De la première catégorie relèvent par exemple Georges Halph...
[suite] Suite de la note...
[15]
Séance du CC du 20 février 1946. Cassin a désiré 3 vice-pré...
[suite] Suite de la note...
[16]
La nomination d’Eugène Weill à cette fonction (à ne pas con...
[suite] Suite de la note...
[17]
Expression utilisée par Cassin à la séance du CC du 15 nove...
[suite] Suite de la note...
[18]
Séance du CC du 12 septembre 1945. Suite de la note...
[19]
La commission chargée d’élaborer « un programme positif d’a...
[suite] Suite de la note...
[20]
Le 9 octobre 1945, c’est Cassin lui-même qui, devant le CC,...
[suite] Suite de la note...
[21]
André Chouraqui publie ce texte sous le titre de « Déclarat...
[suite] Suite de la note...
[22]
Maurice Leven aurait même souhaité que l’on inclue dans ce ...
[suite] Suite de la note...
[23]
Sur la nature de ces ajouts et leurs motifs, voir infra. Suite de la note...
[24]
Cassin doit précisément rencontrer Bidault deux jours plus ...
[suite] Suite de la note...
[25]
Louis Kahn déclare notamment : « le texte […] fera connaîtr...
[suite] Suite de la note...
[26]
Cf la Déclaration publiée dans André Chouraqui, op. cit. Suite de la note...
[27]
Le texte figure en juillet 1946 dans une brochure de propag...
[suite] Suite de la note...
[28]
Il est symptomatique que le texte s’ouvre par une partie co...
[suite] Suite de la note...
[29]
À noter cette phrase : « Malgré les rechutes et les catastr...
[suite] Suite de la note...
[30]
L’AJA, née à Londres en 1871, est une émanation directe de ...
[suite] Suite de la note...
[31]
Le Joint est l’organisation juive américaine qui, fondée en...
[suite] Suite de la note...
[32]
Son attitude à l’égard du Fonds social juif unifié (FSJU), ...
[suite] Suite de la note...
[33]
Séance du CC du 13 décembre 1944. Suite de la note...
[34]
Sur cette question, voir infra. Suite de la note...
[35]
Propos tenus lors de la séance du CC du 30 avril 1945. Suite de la note...
[36]
Liber juge par exemple « inadmissible que l’Alliance ne fig...
[suite] Suite de la note...
[37]
Cassin soutient également lors de la séance du CC du 30 avr...
[suite] Suite de la note...
[38]
Meiss précise que le Consistoire compte céder à l’Alliance ...
[suite] Suite de la note...
[39]
Rappelons que les organisations membres du CRIF avaient à l...
[suite] Suite de la note...
[40]
Séance du CC du 30 avril 1945. Suite de la note...
[41]
Maurice Liber, pourtant remplacé en principe par Raymond Le...
[suite] Suite de la note...
[42]
Le nombre des présents – 13 – lors de cette importante réun...
[suite] Suite de la note...
[43]
« En entrant au CRIF, explique-t-il, [l’Alliance] donnera à...
[suite] Suite de la note...
[44]
L’Alliance accepte en principe de payer une contribution de...
[suite] Suite de la note...
[45]
Lettre lue par Cassin à la séance du CC du 12 février 1946. Suite de la note...
[46]
Ainsi un conflit éclate dans l’été 1946, car le CRIF préten...
[suite] Suite de la note...
[47]
Séance du CC du 26 mars 1947. Suite de la note...
[48]
Meiss démissionne en janvier 1949. Élu des mois plus tard, ...
[suite] Suite de la note...
[49]
Séance du CC du 11 janvier 1950. Suite de la note...
[50]
Séance du CC du 12 septembre 1945. Suite de la note...
[51]
Au début, certains membres du Comité central se dévouent, p...
[suite] Suite de la note...
[52]
Réunion du CC du 2 avril 1946. Suite de la note...
[53]
Séance du CC du 10 avril 1946. Suite de la note...
[54]
Séance du CC du 12 juin 1946. Suite de la note...
[55]
Séances du CC des 2 mars, 29 avril et 10 juillet 1947. Suite de la note...
[56]
Rapport de Jules Braunschvig, séance du CC du 21 juin 1948. Suite de la note...
[57]
Séance du CC du 11 juillet 1949. Suite de la note...
[58]
Sur la crise financière, séances du CC des 21 mars, 3 juill...
[suite] Suite de la note...
[59]
Ce qui explique que l’Alliance ait parfois pris le risque d...
[suite] Suite de la note...
[60]
Ces traités, on le sait, ne pourront finalement pas voir le...
[suite] Suite de la note...
[61]
Séance du CC du 25 septembre 1945. Suite de la note...
[62]
Séance du CC du 13 mars 1946. Suite de la note...
[63]
Séance du CC du 12 février 1946. Suite de la note...
[64]
L’idée est présentée au CC par Pierre Dreyfus le 12 février...
[suite] Suite de la note...
[65]
La date de septembre, donnée par André Chouraqui, op. cit.,...
[suite] Suite de la note...
[66]
Max Gottschalk et Jules Braunschvig soutiennent en effet qu...
[suite] Suite de la note...
[67]
Séance du CC du 22 octobre 1946. Suite de la note...
[68]
En même temps que le CJM. Séance du CC du 2 mars 1947. Suite de la note...
[69]
Séances du CC des 16 avril et 10 juillet 1947. Suite de la note...
[70]
Séance du CC du 29 avril 1947. Suite de la note...
[71]
Ainsi, lorsqu’en avril 1948 le président de l’AJC propose d...
[suite] Suite de la note...
[72]
Cf. Gérard Israël, René Cassin. La guerre hors la loi. Avec...
[suite] Suite de la note...
[73]
Séance du CC du 18 mars 1952. Suite de la note...
[74]
Sollicitude dictée par la tradition sans doute, mais augmen...
[suite] Suite de la note...
[75]
Jacques Fredj, op. cit. Suite de la note...
[76]
Séance du CC du 30 avril 1945. Suite de la note...
[77]
Séance du CC du 25 juillet 1945. Suite de la note...
[78]
Ibid. Suite de la note...
[79]
Voir supra. Suite de la note...
[80]
Séance du CC du 4 décembre 1945. Suite de la note...
[81]
Cette commission est une concession du gouvernement britann...
[suite] Suite de la note...
[82]
Séance du CC du 12 juin 1946. Suite de la note...
[83]
Séance du CC du 2 juillet 1946. Suite de la note...
[84]
Séance du CC du 19 septembre 1946. Suite de la note...
[85]
Séance du CC du 12 février 1946. De fait les pogromes d’apr...
[suite] Suite de la note...
[86]
Ibid. Suite de la note...
[87]
L’idée est soumise par Jules Braunschvig à la conférence de...
[suite] Suite de la note...
[88]
Rapport de Jules Braunschvig à la séance du CC du 19 septem...
[suite] Suite de la note...
[89]
Rapport de Jules Braunschvig à la séance du CC du 4 novembr...
[suite] Suite de la note...
[90]
Les membres de l’UNSCOP sont désignés le 11 mai. Suite de la note...
[91]
Maurice Leven s’aligne sur René Mayer, comme, dans une moin...
[suite] Suite de la note...
[92]
Texte reproduit dans André Chouraqui, op. cit., pp. 496-497...
[suite] Suite de la note...
[93]
Dans le texte publié par exemple dans Vendredi soir. La Sem...
[suite] Suite de la note...
[94]
Séances du CC des 20 novembre 1947 (rapport de René Mayer) ...
[suite] Suite de la note...
[95]
Le compte rendu de la séance du CC du 4 février 1953 reprod...
[suite] Suite de la note...