COUR DES COMPTES
________
Le maintien en condition opérationnelle
des matériels des armées
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RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
SUIVI DE LA RÉPONSE DU MINISTRE DE LA DÉFENSE
DÉCEMBRE 2004
2 C
OUR DES COMPTES
Sommaire
Pages
Délibéré………………………………………………………………. 5
Introduction……………………………………………………………. 7
Chapitre I – La dégradation de la disponibilité des matériels militaires…...
11
I – La complexité de la fonction « maintien en condition opérationnelle »…
13
A – Les moyens consacrés au maintien en condition opérationnelle……….
13
B – La complexité du maintien en condition opérationnelle des matériels
militaires………………………………………………………………
15
C – L’organisation de la fonction au sein du ministère……………. ……....
18
D – La difficile définition de la disponibilité………………………………..
21
II – La dégradation de la disponibilité des principaux matériels...............
23
A – Le constat………………………………………………………………
23
B – Les causes de la dégradation……………………………………………
26
Chapitre II – Les mesures visant à restaurer la disponibilité des matériels..
35
I – L’effort financier………………………………………………………....... 37
II – La réorganisation des structures…………………………………………
39
A – Une structure interarmées : la SIMMAD…..…………………………...
39
B – Une structure duale : le service de soutien de la flotte…………………
42
C – L’organisation retenue par les matériels terrestres……...……………… 46
III – Les résultats déjà obtenus……………………………………………….
47
A – Une disponibilité encore limitée……………………………………….
47
B – Des indices d’amélioration……………………………………………...
51
Chapitre III – Des progrès à confirmer………………………………………
55
I – L’achèvement des réformes de structure…………………………………
57
A – La poursuite de la clarification des rôles……………………………….
57
B – La consolidation des structures existantes……………………............... 64
II – Les relations clients-fournisseurs………………………………………… 70
A – L’évolution des modes de contractualisation………………….............. 70
B – Les relations entre l’Etat actionnaire et l’Etat client……………………
73
III – Les moyens financiers……………………………………………………
76
Conclusion………………………………………………………… 83
Glossaire……………………………………………………………….. 87
Réponse du Ministre de la défense………………………………….
89
4 C
OUR DES COMPTES
5
DÉLIBÉRÉ
La Cour des comptes publie, sous la forme d’un fascicule séparé,
un rapport concernant le maintien en condition opérationnelle des
matériels des armées.
Conformément aux dispositions législatives et réglementaires du
code des juridictions financières, la Cour des comptes, délibérant en
chambre du conseil, a adopté le présent rapport public.
Ce texte a été arrêté au vu du projet qui avait été communiqué au
préalable, aux administrations concernées, et après qu’il a été tenu
compte, quand il y avait lieu, des réponses fournies par celles-ci. En
application des dispositions précitées, ces réponses sont publiées ; elles
engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.
Etaient présents : M. Séguin, premier président, MM. Delafosse,
Fragonard, Cieutat, Carrez, Pichon, Picq, présidents de chambre,
MM. Ménasseyre, Gastinel, présidents de chambre maintenus en activité,
MM. Chartier, Capdeboscq, Murret-Labarthe, Vianes, Giquel, Bonacossa,
Bady, Billaud, Berthet, Malingre, Hespel, Richard, Devaux, Rossignol,
Arnaud, Bayle, Bouquet, Adhémar, Rémond, Mme Boutin, MM. Chabrol,
Ganser, X-H Martin, Schneider, Mme Cornette, MM. Lefoulon, Mirabeau,
Hernandez, Beaud de Brive, Thérond, Pallot, Cazanave, Mme Bellon,
MM. Gasse, Moreau, Freches, Duchadeuil, Steyer, Lesouhaitier, Lefas,
Banquey, Levy, Brochier, Braunstein, Auger, Delin, Mme Saliou,
MM. Coudreau, Gautier Jean, Courtois, Mmes Seyvet, Moati, MM. Mollard,
Diricq, conseillers maîtres, MM. Audouin, Pascal, Lemasson, Cultiaux,
Schaefer, conseillers maîtres en service extraordinaire, Mme Bazy-Malaurie,
conseiller maître, rapporteur général.
Etait présente et a participé aux débats : Mme Gisserot, procureur
général de la République, assisté de M. Vaissette, chargé de mission.
MM. Meddah et Perrin, secrétaires généraux adjoints, assuraient le
secrétariat de la chambre du conseil.
N’a pas pris part aux délibérations : M. Tournier, conseiller maître.
Fait à la Cour, le 15 décembre 2004.
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OUR DES COMPTES
Introduction
Premier budget de l’Etat en termes de crédits d’investissement et
deuxième en termes de dépenses ordinaires, le ministère de la défense
dispose de ressources considérables (plus de 40 milliards d’euros en
2004).
Confronté depuis plus de quinze ans à des bouleversements des
données stratégiques comme à de rapides et intenses évolutions
technologiques, il a été amené à plusieurs reprises à définir et à réaliser
des mutations structurelles et fonctionnelles.
La Cour a traité des questions budgétaires, comptables et de
programmation de la défense dans un rapport public particulier publié en
juin 1997. Dans son rapport public annuel de 1999, elle a analysé les
conditions de réalisation des dix plus importants programmes
d’armement. A l’automne 2001, elle avait publié un nouveau rapport
public particulier consacré à l’examen de la situation des industries
d’armement. Enfin, dernière grande enquête thématique réalisée,
l’appréciation des conditions de réalisation et des perspectives
d’évolution de la professionnalisation des armées a fait l’objet d’une
insertion au rapport public annuel 2003.
*
* *
Avec ce nouveau rapport, la Cour s’attache à étudier les différentes
composantes de l’« entretien des matériels militaires » durant leur vie
opérationnelle, fonction essentielle de la vie des armées connue sous le
terme de « maintien en condition opérationnelle ».
En 1999 et 2001, à des dates différentes suivant les armées, s’est
produit une forte crise de la disponibilité des matériels militaires. Résultat
d’un processus remontant au début des années 1990, la réduction
significative du taux de disponibilité des matériels s’est encore accentuée
au cours des années d’exécution de la loi de programmation militaire
1997-2002. Pressentie par les autorités du ministère avant les années
8 C
OUR DES COMPTES
1999-2000, son ampleur est apparue lors des débats parlementaires sur le
projet de loi de finances initiale pour 2001. Plusieurs rapports
parlementaires ont alors été établis dans le but de faire le point sur l’état
des matériels par secteur
et proposer les mesures de redressement
nécessaires.
Les autorités militaires n’étaient néanmoins pas restées inertes et
elles ont proposé au ministre de la défense dès 1999 des réorganisations
permettant de pallier la défaillance des processus. Ainsi, a été créée une
structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels
aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD) dont l’objet était de
faire assurer la maintenance de l’ensemble du parc aérien, quelle que soit
l’armée utilisatrice du matériel. De même, un service de soutien de la
flotte (SSF) fut organisé, regroupant les grands acteurs de l’entretien des
matériels navals que sont la délégation générale pour l’armement (DGA)
et la marine nationale, utilisatrice pratiquement exclusive de ces
matériels.
Le maintien en condition opérationnelle des matériels a souffert
également, au cours de cette même période, d’une diminution importante
des ressources affectées à son financement. Les moyens ont été en
continuelle diminution au cours de la période, jusqu’à la prise de
conscience, en 2001, de la dégradation de la situation. A compter de la loi
de finances initiale pour 2002, et plus encore dans les années qui ont
suivi, les moyens financiers affectés au rétablissement de cette fonction
vitale ont crû régulièrement, sans toutefois que des améliorations
proportionnelles soient enregistrées.
Enfin, la crise observée en matière de maintenance des matériels
militaires a correspondu à une période de restructuration majeure de
l’outil industriel étatique avec le changement de statut de la direction des
constructions navales (DCN), devenue service à compétence nationale en
2000, puis société de plein exercice en juin 2003, et la difficile
consolidation de la situation de GIAT industries.
*
* *
L’objet du présent rapport est d’analyser les causes de cette crise et
les résultats des mesures prises ces deux dernières années et enfin,
d’appréhender les incertitudes grevant, aujourd’hui encore, le
redressement de la disponibilité des matériels militaires en service dans
1) Rapport n° 3302-2001 de l’AN « L’entretien de la flotte : défis et perspectives »
Rapport n° 328-2002 de l’AN « L’entretien des matériels : un sursaut
nécessaire »
I
NTRODUCTION
9
les forces armées. Le périmètre d’étude de la Cour s’est volontairement
borné à l’analyse du maintien en condition opérationnelle des matériels
des armées de terre, de l’air et de la marine nationale. Le cas particulier
de la gendarmerie n’a pas été traité car les modalités de déploiement de
ses unités sur l’ensemble du territoire national, comme le fait que ses
matériels sont pour la plupart comparables à ceux des services civils, ont
conduit à lui appliquer des règles qui diffèrent significativement de celles
qui ont été retenues pour les armées. Il en va de même pour des matériels
utilisés dans les domaines nucléaire ou spatial, compte tenu de leur
spécificité.
Afin de disposer d’éléments de comparaison pertinents, le présent
rapport a retenu comme période d’étude le déroulement de la loi de
programmation militaire 1997-2002 et le début de l’entrée en vigueur de
la loi de programmation 2003-2008.
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OUR DES COMPTES
Chapitre I
La dégradation de la disponibilité des
matériels militaires
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OUR DES COMPTES
L
A DEGRADATION DE LA DISPONIBILITE DES MATERIELS MILITAIRES
13
I – La complexité de la fonction « maintien en
condition opérationnelle »
Pour être en mesure de remplir chacune «
leur contrat
opérationnel », les armées doivent avoir au bon moment, et pour la durée
souhaitée, des personnels compétents disposant des matériels nécessaires
et en état de fonctionnement.
La complexité croissante des matériels mis en œuvre par les
armées fait de leur maintien en condition opérationnelle une dimension
majeure de leur disponibilité. Si, historiquement, le combattant et son
arme restent relativement autonomes jusqu’à la fin du XIX
ème
siècle dans
l’armée de terre, l’imbrication entre chaînes opérationnelles et chaînes de
soutien technique, traditionnelle dans la marine et obligée pour la jeune
armée de l’air, se révèle de plus en plus nécessaire avec l’émergence de
conflits modernes où sont utilisés des matériels de très haute technologie.
La notion même d’arme tend à disparaître, remplacée
progressivement par celle de système d’armes qui différencie un vecteur
(naviguant, volant ou roulant) et un ensemble de composants très
complexes intégrant des systèmes électroniques (avionique, systèmes de
conduite des vecteurs ou des tirs, contre-mesures permettant de sécuriser
le matériel et son environnement, etc…). L’apparition de nouveaux
modes de propulsion, tels que les réacteurs nucléaires pour les bâtiments
de surface ou les sous-marins, a également entraîné le développement de
chaînes et de procédures de maintenance spécifiques.
A – Les moyens consacrés au maintien en condition
opérationnelle
1 – Les effectifs
La fonction d’entretien des matériels emploie des effectifs
significatifs, tant militaires que civils.
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OUR DES COMPTES
Tableau n° 1 :
Effectif des armées employé dans la fonction maintien en condition
opérationnelle
Armée de terre
Marine nationale
Armée de l’air
Militaires Civils Militaires Civils Militaires
Civils
Effectif
16 507
8 542
9 627
2 084
12 924
262
Equivalent
Temps plein
10 599
8 225
9 624
2 074
9 047
262
Total Equivalent
Temps Plein
18 824
11 699
9 309
(Source : Cour des comptes)
Au total, près de 40 000 personnes en équivalent temps plein
oeuvrent dans la fonction de maintien en condition opérationnelle, soit
13 % des effectifs. A ces personnels, il faut ajouter les agents civils et
militaires de la délégation générale pour l’armement qui apportent leur
concours à cette fonction tant sur le plan de l’expertise technique que sur
celui des achats publics ou de la qualité des méthodes et processus.
2 – Les crédits
Les crédits consacrés au maintien en condition opérationnelle des
matériels sont pour l’essentiel regroupés au sein des crédits d’entretien
programmé des matériels répartis entre le titre III « moyens des services »
et le titre V « opérations en capital » du budget de la défense. Au total,
dans la loi de finances initiale, 2,66 Md€ de crédits de paiement étaient
consacrés en 2003 au financement de l’entretien programmé des matériels
(soit 6,4 % du budget de la défense), dont 1,8 Md€ pour les matériels
classiques. Rapporté aux seules dépenses en capital, l’entretien
programmé des matériels représente en fait 19,6 % de l’effort
d’investissement militaire français qui se montait à 13,6 Md€ en 2003.
3 – Une approche des coûts de la fonction
A la demande de la Cour, le ministère a établi un chiffrage du coût
du maintien en condition opérationnelle des matériels en intégrant les
crédits consacrés aux tâches réalisées directement par les ateliers des
armées, ceux qui sont versés à des prestataires extérieurs, ainsi que les
dépenses de fonctionnement courant des organismes responsables de cette
fonction.
L
A DEGRADATION DE LA DISPONIBILITE DES MATERIELS MILITAIRES
15
Tableau n° 2 :
Evaluation du coût de la fonction dans chaque armée
(en M€)
Armée de terre
Marine nationale
Armée de l’air
533,8 387,4 278,3
Fonctionnement
40,5 32,4 56,12
Activité de maintien en
condition opérationnelle
499,2
742,83
814
Coût approché de la
fonction
1 073,5
1 162,6
1 148,4
Budget de l’armée
considérée
7 643,7
5 430,3
5 567,3
(Source : Cour des comptes)
Les armées consacrent 3,38 Md€ au maintien en condition
opérationnelle des matériels classiques, pour un budget total (titres III et
V, hors pensions) de 31 Md€, soit près de 11 % des ressources globales
du ministère.
Par armée, l’importance de ces dépenses est encore plus
significative. En effet, l’armée de terre affecte 14 % de son budget à cette
fonction , la marine 21 % et l’armée de l’air 20,6 %.
B – La complexité du maintien en condition
opérationnelle des matériels militaires
Le maintien en condition opérationnelle des matériels militaires est
fort compliqué à concevoir et à mettre en oeuvre.
1 – La complexité technique croissante des matériels
Dans toutes les armées, l’apparition de nouvelles technologies a
fait naître de nouvelles menaces auxquelles la seule riposte possible
consiste à suivre le progrès des performances. Cette lutte entre l’arme et
la cuirasse, aussi ancienne que les armées elles-mêmes, se trouve
exacerbée à notre époque par la rapidité des progrès technologiques
ouvrant aux concepteurs d’armements des champs immenses, auxquels
2) Rémunérations et charges sociales, non comprises les charges de retraites qui ne
sont pas comptabilisées de manière exploitable dans le budget militaire
3) Les crédits « marine » incluent ceux de la flotte nucléaire
16 C
OUR DES COMPTES
nul n’aurait songé il y a quelques décennies seulement. Ainsi, par
exemple, le char
Leclerc
, qui équipe actuellement l’armée de terre, est un
véritable système d’armes intégré, capable, pour la première fois, de tirer
en roulant, tout en restant en permanence relié à sa formation et, en tant
que de besoin, à tout le reste de l’armée de terre par un réseau complexe
de collecte, de traitement et de transmission de l’information. Cette
technicité est encore plus sensible pour le matériel aérien.
2 – La durée de vie des équipements
Malgré la rapidité des évolutions technologiques, la durée de vie
des équipements reste longue parce que le passage d’une génération à
l’autre implique un effort financier important, mais aussi parce que les
durées de développement des programmes d’armements nouveaux ont
tendance à s’allonger.
Tableau n° 3 :
Age moyen de certains matériels en 2004
Matériels Nombre
Age
moyen
Mirage IV P
7
39 ans
Mirage F1 CT
50
24,5 ans
Chars AMX 10 RC
337
20 ans
Hélicoptères Gazelle
265
27 ans
Frégates anti-sous-marines F-67
2
29 ans
Frégates anti-sous-marines F-70
7
20 ans
Frégates lance-missiles
1
35 ans
Porte-hélicoptères « Jeanne d’Arc »
1
41 ans
TCD type Ouragan
2
39 ans
Bâtiment de soutien mobile
3
38 ans
(source : ministère de la défense)
Cette durée de vie très longue des plates-formes militaires a des
conséquences directes sur le maintien en condition opérationnelle des
matériels considérés. Le vieillissement des matériels se traduit, en effet,
par une augmentation du nombre de pannes.
Quels que soient les matériels, le vieillissement est toujours
générateur d’indisponibilités plus fréquentes et plus longues ainsi que de
grandes difficultés à s’approvisionner en rechanges. Les pièces ne sont
L
A DEGRADATION DE LA DISPONIBILITE DES MATERIELS MILITAIRES
17
généralement plus fabriquées par le constructeur et, compte tenu des
coûts considérables qu’entraînent l’entretien et la conservation d’un stock
semi-dormant, le secteur industriel n’est prêt à remplir cette fonction qu’à
des tarifs très élevés. Ceci a souvent conduit les armées à internaliser les
stocks impliquant des coûts de structure complémentaires.
Dans le cas des rechanges de la marine, par exemple, cette
préoccupation avait été négligée par la direction des constructions navales
(DCN) depuis le début des années 1990. Le réassortiment des lots de
rechange a nécessité la recherche de fournisseurs susceptibles de
fabriquer les pièces manquantes, même en courtes séries, et en acceptant
de faire fonctionner des ateliers sans garantie de pérennité.
3 – La spécificité des courtes séries
En outre, les matériels militaires sont très différents de leurs
« équivalents » civils et beaucoup plus complexes en raison notamment
des contraintes de fiabilité et d’emploi. De ce fait, la recherche
technologique militaire s’est orientée depuis assez longtemps vers des
domaines très novateurs en n’offrant que peu de possibilités de réemploi
de techniques civiles.
Le cas des matériels de courte série participe de la même
problématique. La plupart des différents modèles de bâtiments de surface
de la marine existent en moins de cinq exemplaires et plusieurs sont des
prototypes uniques (le porte-avions
Charles de Gaulle
, le porte-
hélicoptères
Jeanne d’Arc
,
le Monge
, etc). Pour ces matériels, une
logistique et des compétences spécifiques doivent être entretenues, ce qui
complique considérablement le maintien en condition opérationnelle et
entraîne des coûts importants.
18 C
OUR DES COMPTES
C – L’organisation de la fonction au sein du
ministère
Le maintien en condition opérationnelle
Le maintien en condition opérationnelle peut être défini comme
l’ensemble des moyens et procédures nécessaires pour qu’un matériel
reste, au long de sa durée d’utilisation, apte à l’emploi qui lui est assigné.
La notion de maintien en condition opérationnelle des matériels
recouvre deux types de fonctions.
La première est le
soutien technique
qui regroupe trois grandes
catégories d’opérations :
- la maintenance proprement dite, comprenant les actions visant à
maintenir (ou rétablir) un équipement dans un état spécifié (telles que les
carénages pour l’entretien des coques des bateaux, la reconstitution du
potentiel d’heures de vol d’un aéronef ou le changement de moteur d’un
char) ;
- la gestion de configuration des équipements qui permet de suivre
l’évolution de la définition technique des matériels au long de leur vie
opérationnelle ;
- la tenue à jour des référentiels techniques, mais aussi l’analyse du
retour d’expérience issue de l’exploitation des faits techniques.
La deuxième fonction est
le soutien logistique
. Elle comprend les
opérations d’approvisionnement des rechanges, la maintenance de ceux-ci,
leur magasinage (stockage) et le ravitaillement en pièces de rechange des
unités, des structures de soutien (ateliers industriels) voire, dans certains
cas, des industriels.
La maintenance peut s’exercer suivant deux modes distincts :
- la
maintenance préventive
qui correspond à l'ensemble des
opérations à caractère systématique ou conditionnel, définies pour chaque
type de matériel et destinées à prévenir les altérations ou à limiter leur
développement, de façon à maintenir les matériels aptes à l'emploi ;
- la
maintenance corrective
qui concerne les opérations ayant pour
but de remédier aux avaries survenues en fonctionnement ou aux
altérations décelées au cours de la maintenance.
La fonction maintenance est organisée dans les armées suivant trois
niveaux techniques d'intervention
(NTI). Un NTI représente un
ensemble de moyens en personnels et en matériels permettant de faire face
à des charges de maintenance qualitativement et quantitativement définies.
L
A DEGRADATION DE LA DISPONIBILITE DES MATERIELS MILITAIRES
19
Le NTI 1 assure la mise en œuvre et la maintenance en ligne du
matériel (traitement en piste avant et après vols pour les aéronefs, entretien
courant des bâtiments de la marine). Les opérations sont effectuées avec
des moyens limités, par les utilisateurs des matériels eux mêmes ou par
des structures légères de proximité (ateliers de piste pour les aéronefs).
Ainsi, par exemple, le NTI 1 des bateaux est assuré par les équipages eux-
mêmes, parfois en mer. Pour le matériel roulant, ce NTI 1 s’apparente aux
opérations qu’un utilisateur de voiture averti peut réaliser lui-même sur
son véhicule.
Le NTI 2 correspond aux opérations de maintenance préventive
programmée ou curative visant soit à restaurer le potentiel de "vie" des
équipements, soit à réaliser des réparations lourdes, exécutées par un
organisme de soutien dédié, situé ou non sur le site des utilisateurs. Il
s’agit, par exemple, des opérations réalisées par les escadrons de soutien
spécialisé des bases aériennes ou les ateliers militaires de la flotte des
bases navales. Les équipements nécessaires au NTI 2 sont adaptés à ce
niveau d'intervention, plus poussé que le NTI 1.
Le NTI 3 correspond aux opérations "lourdes" de maintenance
programmée préventive de reconstitution de potentiel ("grandes visites")
ou de réparations à caractère industriel exécutées chez les industriels ou
dans des établissements spécialisés nécessitant des moyens véritablement
industriels. Ces opérations sont souvent l’occasion de remises à niveau et
de modernisation des matériels ou de leurs équipements.
1 – Des structures différentes selon les armées
Pour des raisons liées à la fois à leurs caractéristiques propres et à
l’histoire de chaque armée, les structures dédiées à la maintenance ainsi
que les rapports que les trois armées entretiennent avec la DGA et les
industries d’armement sont fort différents d’une armée à l’autre.
a) Le poids de l’histoire
L’histoire de la maintenance diffère sensiblement d’une armée à
l’autre, à raison notamment de l’évolution technique des matériels
concernés.
La marine royale, puis nationale, est sans doute l’armée dans
laquelle le concept d’entretien des matériels, au sens moderne du terme, a
pris sa source.
Historiquement, les arsenaux de la marine ont toujours assuré le
support industriel et courant des bateaux de la marine. Ces arsenaux
appartenant directement à l’Etat jusqu’en 2003, il en a résulté que la
20 C
OUR DES COMPTES
marine n’a jamais eu à développer de structures propres dédiées à
l’entretien de ses matériels.
La situation est tout autre pour l’armée de terre, qui n’a été
réellement confrontée à la question de l’entretien des matériels qu’entre
les deux guerres mondiales avec la mécanisation croissante de ses unités,
et
a fortiori
pour l’armée de l’air, créée en 1936.
L’armée de terre se différencie sur plusieurs points des autres
armées. Ses effectifs sont très supérieurs (165 000 hommes contre 70 000
pour l’armée de l’air et 55 000 pour la marine). Ses unités sont réparties
sur la quasi-totalité du territoire métropolitain, alors que l’armée de l’air
n’entretient qu’un nombre limité de bases aériennes et que la marine se
trouve pour l’essentiel concentrée dans deux ports. Elle entretient en outre
des détachements permanents dans les DOM-TOM et dans certains pays,
notamment africains, liés à la France par des accords de défense. Elle
contribue à l’ensemble des opérations extérieures dans lesquelles les
armées françaises sont impliquées. Jusqu’à une date récente, les matériels
d’armement terrestre se caractérisaient par une nécessaire simplicité
d’emploi et une robustesse qui les différenciaient nettement des bâtiments
de la marine nationale, construits presque à l’unité, et des matériels
aériens, soumis à la contrainte de la sécurité des vols.
Concernant l’armée de l’air, la question se présente fort
différemment, dans la mesure où, compte tenu de la technicité des
matériels mis en œuvre dès l’origine, son organisation a été conçue en
prenant en compte l’existence d’acteurs industriels préexistants. Elle a
défini ses structures de maintenance par complémentarité avec les
potentiels de ces fabricants. Ainsi l’armée de l’air a-t-elle développé des
ateliers de maintenance de proximité, héritiers des mécaniciens de piste
du temps des premiers aéronefs, sans chercher à développer en interne
des capacités de maintenance dépassant un certain niveau de complexité
(NTI 1 et NTI 2), à l’exception de deux ateliers de réparation (ARAA)
qui disposent de moyens de niveau NTI 3.
b) La différenciation des matériels
La nature des matériels militaires entretenus, et donc des
opérations de maintenance associées reste, aujourd’hui encore, un
élément justifiant des organisations différentes.
Le matériel de l’armée de terre présente par nature des contraintes
de maintien en condition opérationnelle extrêmement diverses. En effet,
rien n’est plus dissemblable, en termes de maintenance, que des camions
ou des véhicules de transport terrestre non spécifiquement équipés ou
L
A DEGRADATION DE LA DISPONIBILITE DES MATERIELS MILITAIRES
21
armés, tels les camions ou les « Jeep » de type
P4
, dont la maintenance
s’apparente à celle d’un véhicule de la gamme civile, et des matériels tels
que les canons de 155 mm autotractés qui, du fait de leur composante
technique électronique (pour la conduite de tir, les contre-mesures, etc.),
s’apparentent aux matériels des autres armées.
Les particularités des matériels navals entraînent des contraintes
différentes
. Leur utilisation suppose des périodes en mer longues, et
donc un équipage susceptible de pouvoir intervenir sur les matériels et
équipements, ce qui conditionne en grande partie les procédures de
maintenance et les structures afférentes. Les comparaisons avec le
matériel civil sont plus délicates, tant sont importantes les différences, le
matériel commercial étant en outre plus récent.
Le domaine aérien est celui où l’organisation militaire est la plus
semblable à l’organisation civile correspondante : les tâches de maintien
en condition opérationnelle sont confiées à des structures légères
in situ
,
et le relais est passé à une structure industrielle au-delà d’un niveau de
technicité défini très précisément.
En revanche, les remarques qui précèdent valent,
mutatis mutandis,
par type de matériel, quelle que soit l’armée à laquelle il appartient (par
exemple avion ou véhicules non spécifiques).
D – La difficile définition de la disponibilité
La disponibilité d’un matériel est difficile à définir car elle est
relative et spécifique à l’emploi du matériel concerné.
La disponibilité des matériels
Suivant la définition retenue, depuis une date récente, par le
ministère de la défense, c’est «
l'aptitude d'un produit à être en état
d'accomplir une fonction requise, à un instant donné, dans des conditions
données et pendant un intervalle de temps donné, compte tenu du système
de soutien mis en place.
Cette aptitude est fonction de la fiabilité, de la maintenabilité et du
système de soutien de l'entité.
La mesure de la disponibilité est spécifique à chaque armée
. »
4) Le cas des sous-marins est à distinguer des autres matériels de la marine car les
critères de sécurité qui s’y attachent, du fait de leur condition de navigation et de leurs
modalités de propulsion, ont conduit à un rapprochement de leurs procédures de
maintenance de celles des aéronefs.
22 C
OUR DES COMPTES
Ainsi, même si un matériel est réputé disponible lorsqu’il est en
mesure de remplir les missions pour lesquelles il a été conçu, se pose de
toute façon la question de la définition précise des missions qui lui sont
dévolues. Or la complexité et le coût des matériels militaires interdisent
de réaliser des matériels mono-missions. A titre d’exemple, un avion de
chasse de type
Mirage 2000 N
, dont la mission première est d’emporter
l’armement nucléaire air-sol moyenne portée (ASMP), a été aussi conçu
pour accomplir, le cas échéant, des missions d’appui feu tactique avec des
armements conventionnels ; il est par ailleurs doté d’une capacité de
délivrance de divers types d’armement (missiles, bombes, etc). Dès lors,
la disponibilité technique d’un tel avion peut être évaluée sur une échelle
graduée qui s’étend d’un niveau zéro (aucune capacité à délivrer un
armement) à un niveau 100 (possibilité de remplir toutes les missions
primaires et secondaires).
Jusqu’au début des années 2000, rechercher une définition précise
et commune aux armées de la disponibilité de leurs matériels n’était pas
une vraie priorité. Avec la découverte de sa dégradation, la connaissance
de l’état de disponibilité (ou d’indisponibilité) des matériels est devenue
un paramètre prioritaire pour l’état-major des armées. Depuis 2003, les
éléments d’information concernant notamment la disponibilité des
matériels prennent la forme d’un tableau de bord trimestriel dont la
réalisation repose sur une définition désormais commune des divers
éléments composant la fonction de maintien en condition opérationnelle.
La notion même d’indisponibilité a fait l’objet à cette occasion de travaux
permettant d’en affiner la définition.
L
A DEGRADATION DE LA DISPONIBILITE DES MATERIELS MILITAIRES
23
II – La dégradation de la disponibilité des
principaux matériels
Quels que soient les modes d’évaluation et les indicateurs utilisés,
la dégradation de la disponibilité des matériels de la défense sur la
période couverte par la dernière loi de programmation militaire est un fait
avéré. Dans les développements de ce rapport, la Cour s’est référée aux
taux de disponibilité calculé par le ministère de la défense.
Les armées ont su répondre aux besoins des nombreuses opérations
extérieures. Mais, en contrepartie, on a constaté une réduction des
moyens consacrés aux matériels restant sur le territoire dont les causes
sont à la fois communes aux armées et spécifiques à chacune d’entre
elles.
A – Le constat
1 – Les matériels de l’armée de terre
Les objectifs globaux de disponibilité que les armées s’étaient
fixés, soit 80% pour les matériels terrestres, 70% pour les matériels
aériens et 75% pour les matériels navigants, n’ont été que rarement
atteints au cours de la période examinée.
Tableau n° 4 :
Disponibilité des véhicules blindés (1997-2000)
(en %)
1997 1998 1999 2000
VAB
82 84 83 72
ERC
90 83 77 60 61
AMX
10
RC
84 74 68 57
AMX
30
B2
78 81 70 65
(Source : Etat-major de l’armée de terre)
Les conséquences pratiques de cette situation ne sont pas faciles à
déterminer. Il n’est pas facile de répondre à cette question. Les opérations
24 C
OUR DES COMPTES
extérieures ont été nombreuses pendant cette période, mais heureusement
elles ont été de volume limité. L’armée de terre a ainsi pu remplir ses
missions avec un matériel suffisant.
Les activités d’entraînement ont néanmoins été réduites au
minimum. Ainsi, en 2000, l’armée de terre n’a effectué que 81 jours de
sortie sur le terrain contre plus de 110 pour l’armée britannique.
En outre, les défaillances constatées en matière de maintien en
condition opérationnelle, sont venues s’ajouter aux autres difficultés liées
à la « refondation de l’armée de terre ».
2 – Les bâtiments de la marine
La faible disponibilité s’est traduite par des potentiels de
déploiement faibles, des retards lors des sorties de périodes d’entretien ou
dans l’approvisionnement des pièces, des insatisfactions des utilisateurs
de ces matériels. L’association de ces facteurs a eu des effets qui ont
encore aggravé le phénomène.
Si l’on prend en compte l’aptitude au déploiement des bâtiments et
non la disponibilité de l’ensemble de leurs équipements, la dégradation
apparaît particulièrement sensible entre 1997 et 2000. Pour certains types
de bateaux, le taux de disponibilité diminue d’un tiers sur la période
(sous-marins nucléaires d’attaque notamment).
Tableau n° 5 :
Disponibilité des matériels de la marine entre 1997 et 2000
1997 1998 1999 2000
85,1 %
94,2 %
50,0 %
37,8 %
Frégates antiaériennes
78,9 %
47,6 %
34,1 %
53,0 %
Frégates anti-sous-marines
74,1 %
81,8 %
64,2 %
56,3 %
Frégates Lafayette
87,2 %
89,1 %
57,8 %
68,8 %
69,9 %
68,9 %
49,0 %
42,7 %
(Source : ministère de la défense)
Cette évolution a été d’autant plus inquiétante qu’elle a porté sur
une flotte en nette réduction quantitative. Le volume de la flotte,
d’environ 110 bateaux en 1990, est descendu à 82 unités en 2000 (dont 66
5) Bâtiment de transport de chalands de débarquement.
6) Sous-marin nucléaire d’attaque.
L
A DEGRADATION DE LA DISPONIBILITE DES MATERIELS MILITAIRES
25
pour la flotte de combat)
. Comme la réduction a porté sur les matériels
les plus anciens, on aurait dû constater une amélioration de la
disponibilité d’ensemble de cette flotte, allégée des matériels les plus
vétustes. Cela n’a pas été le cas.
Le nombre moyen des jours de mer effectivement réalisé se situait,
en 2000, à 85 jours, pour un objectif de 110 pour la flotte sous-marine, et
à 92 jours pour la flotte de surface pour un objectif de 100 jours.
Les effets de ce faible taux de disponibilité ne se sont pas fait
sentir de manière trop forte à cette époque, dans la mesure où il a
correspondu à une période de grande mutation de la marine avec la
diminution rapide du format de la flotte et la suspension du service
national.
3 – Les matériels aériens
La flotte de l'armée de l'air a été, elle aussi, l'objet d'une grave crise
de disponibilité à la fin des années 1990.
Cette crise s'est traduite par une très sensible dégradation du taux
moyen de disponibilité des appareils de l'armée de l’air française à partir
de 1998
: il a baissé de plus de 10 points entre 1996 et 2001, passant de
77 % en 1996 à 66 % en 1998, puis en se stabilisant autour de 67 % en
2001
Cette forte dégradation est encore plus sensible pour les matériels
majeurs de l'armée de l'air, c'est à dire les principales flottes de combat,
de transport et d'avions-école.
La disponibilité globale de ces matériels majeurs, déjà faible, a, en
effet, chuté de 14 points entre 1997 et 2001, année la plus critique,
passant ainsi de 70 % à 56,4 %.
7) Sur la même période, le tonnage de la flotte passe de 300 000 à 250 000 tonnes.
8) L'indicateur de disponibilité globale de la flotte est un indicateur de l’efficacité des
services d’entretien mais ne permet pas d’apprécier le maintien de la capacité
opérationnelle de chacune des flottes. Il est donc plus pertinent de suivre des
indicateurs par type de flottes (combat, transport, écoles, etc..) et, mieux encore, par
type d’appareils.
9) Source EMAA: contribution au rapport d'information sur l'entretien des matériels
des armées présenté par M. Meyer, député - août 2002.
26 C
OUR DES COMPTES
Tableau n° 6 :
Disponibilité globale des matériels aériens majeurs de l'armée de l'air
(1997-2001)
(en %)
1997 1998 1999 2000 2001
70,01 64,48 65,82 60,73 56,40
(Source : état-major de l’armée de l’air)
De même, l'indisponibilité logistique a dépassé 18 % en 2000 et le
taux d'indisponibilité technique était supérieur à 27 % fin 2000.
Par ailleurs, cette chute de disponibilité a entraîné une diminution
importante de l’activité aérienne et, par voie de conséquence, de
l’entraînement des pilotes. Cette baisse continuelle de l’activité aérienne a
été observée au cours des années couvertes par la loi de programmation
qui, du fait de l’effet de latence propre aux commandes à flux, s’est
accentuée jusqu’en 2002. Au cours de cette année, le nombre d’heures de
vol total réalisé par l’armée de l’air a chuté de 15 % par rapport à 1997 et
l’activité des pilotes de chasse a été réduite de près de 10 %, celle des
pilotes de transport de 20 %.
B – Les causes de la dégradation
Les unes sont communes aux trois armées, les autres résultent de
problèmes structurels propres à l’organisation des chaînes de maintenance
ou à la place des différents acteurs dans le processus.
1 – Les causes communes aux trois armées
L’âge des matériels en service dans chaque armée est à l’origine
des difficultés importantes de certains parcs (exemple des
Gazelle
et des
AMX 10 P
, ou des réacteurs de
Mirage 2000
). Mais d’autres facteurs ont
joué, compliquant le maintien en condition opérationnelle des matériels.
Au premier chef, il importe de noter que le rythme des opérations
extérieures au cours de la décennie 1990-2000 a été un facteur important
de vieillissement des matériels. Depuis la première guerre du Golfe, une
succession ininterrompue d’opérations a mobilisé des dispositifs
importants (ex-Yougoslavie, Rwanda, Congo-Brazaville, Timor oriental,
Afghanistan, etc.). Ces opérations, menées dans des conditions
climatiques variées, ont largement sollicité les matériels (notamment
aériens, mais aussi les matériels terrestres légers), souvent employés dans
L
A DEGRADATION DE LA DISPONIBILITE DES MATERIELS MILITAIRES
27
des conditions d’utilisation non prévues. De plus, non seulement la
priorité d’affectation en rechanges et en opérations de maintenance a été
donnée à ces matériels, mais au moment de la plus forte pénurie, les
matériels non affectés aux opérations extérieures ont été ponctionnés des
pièces nécessaires aux autres suivant une pratique connue dans les armées
sous le vocable de « cannibalisation ».
Au cours de cette période 1997-2000, la montée en puissance de la
professionnalisation des armées, à la suite de la suspension de la
conscription en 1996, a produit, elle aussi, des effets en matière de
maintien en condition opérationnelle. S’agissant des personnels tout
d’abord, la disparition d’appelés parfois très qualifiés, a été fortement
ressentie dans les chaînes de maintenance (ateliers, établissements
techniques) comme dans les chaînes logistiques, du fait de la réduction
significative des personnels administratifs en charge des passations de
marchés ou des magasiniers chargés des entrepôts de stockage. De plus,
la professionnalisation s’étant, à juste titre, traduite par une recherche
d’optimisation des chaînes et de modification de processus (par recours à
l’externalisation de certaines tâches par exemple), des solutions de
continuité ont pu être observées.
Au plan financier, les dépenses de maintien en condition
opérationnelle relevant du titre V « investissements de l’Etat » ont pâti
d’une baisse significative de crédits. En effet, c’est d’ailleurs l’élément le
plus déterminant, les crédits consacrés au maintien en condition
opérationnelle des matériels des armées ont chuté.
Tableau n° 7 :
Montant des crédits d’investissement alloués et consommés au maintien
en condition opérationnelle entre 1997 et 2000
(en M€ constants 2003)
1997 1998 1999 2000
Crédits de paiement
2 695
2 546
2 671
2 497
Consommation
2 695
2 546
2 328
2 319
N.B. : y compris nucléaire et espace.
(Source : ministère de la défense)
Sur la période, la baisse qui a concerné les crédits de paiement, très
significative en euros constants (-7,3 %), est encore plus sensible si l’on
considère les dépenses (-14 %).
Sous la pression simultanée de l’accroissement des dépenses du
titre III («
Moyen des armées et des services
»), résultant de
l’augmentation mécanique du coût des rémunérations et des charges
28 C
OUR DES COMPTES
sociales du ministère du fait de la professionnalisation des armées, et de
celui des programmes d’armement constituant l’essentiel des dépenses du
titre V, les crédits d’entretien programmé des matériels ont joué, comme
les autres dépenses dites « à flux » du budget d’équipement, le rôle de
variable d’ajustement.
La faible attractivité de la fonction « entretien des matériels » a
conduit à privilégier le financement des programmes d’armement au
détriment de l’entretien des matériels en service. D’autre part, la
coexistence au sein des armées de matériels de type classique et de
matériels affectés à la dissuasion ou à propulsion nucléaire (
Charles de
Gaulle, SNLE, SNA, Mirage 2000 N, missiles M51 et ASMP
), s’est
traduite, pour des raisons de sécurité et de crédibilité de la France au plan
international, par une affectation prioritaire des crédits d’entretien au
profit de ces derniers.
2 – Les causes propres à chaque armée
Des causes structurelles, propres à chaque armée, ont aussi joué un
rôle important dans cette dégradation.
a) Les réorganisations successives de l’armée de terre
L’organisation définie au moment de la refondation de l’armée de
terre emportait de nombreux dysfonctionnements. Le « format
» du
matériel avait sans doute été calculé au plus juste ; de plus, les
réorganisations incessantes des chaînes de commandement et de services
ont compliqué la tâche.
L’armée de terre a, en effet, cherché à adapter son organisation aux
nouvelles missions de projection qui lui étaient dorénavant assignées, en
prenant en compte la réduction de son « format » d’ensemble résultant de
la professionnalisation. Elle a donc cherché à découpler organiquement
les fonctions à dominante opérationnelle de celles liées à la vie
quotidienne des unités et du soutien, en concentrant chacune d’entre elles
au lieu de les répartir comme dans l’organisation précédente. Ainsi, les
fonctions de soutien furent confiées à des chaînes transversales (génie,
commissariat, matériel) constituant avec les précédentes une organisation
matricielle croisée.
10) Le format des armées au sens de la loi de programmation militaire recouvre
l’ensemble des moyens permettant à l’armée de remplir ses missions, tant au plan des
effectifs qu’au plan des matériels opérationnels servis et des structures de soutien et
de commandement associées.
L
A DEGRADATION DE LA DISPONIBILITE DES MATERIELS MILITAIRES
29
Par ailleurs, le maintien de l’échelon de commandement territorial
que constituent les régions « terre » est un facteur de complication.
Certes, elles sont en nombre un peu plus restreint qu’avant la
réorganisation, mais elles disposent de pouvoirs plus étendus
qu’auparavant, l’Etat-major de l’armée de terre (EMAT) ayant vu en
même temps ses prérogatives limitées à la conception et au contrôle.
L’organisation de l’armée de terre est ainsi à la fois fonctionnelle et
géographique, ce qui introduit un facteur de complexité incontestable. En
fait, ce pilotage croisé est non pas bidirectionnel, mais multidirectionnel.
L’armée de terre considère qu’il n’est pas possible d’échapper à cette
complexité, sa dispersion géographique imposant la solution retenue ; elle
souligne que celle-ci lui a permis de faire face aux nombreuses opérations
extérieures de ces dernières années, dans un contexte pourtant difficile de
mise en place d’une armée professionnalisée.
b) Le désengagement progressif de la DCN
Si la Cour avait précédemment pointé les dysfonctionnements de la
DCN dans ses fonctions de construction navale
, un constat similaire
pouvait être établi quant à son rôle dans l’entretien des matériels de la
flotte.
Lorsque la nécessité de repenser l’organisation de la maintenance
dans la marine s’est imposée, dans la deuxième partie de la décennie
1990, le service des programmes navals (SPN) de la DGA assurait tant le
suivi des programmes d’armement nouveaux que celui de l’entretien des
bateaux. Au plan local, la DCN réalisait les opérations industrielles de
construction comme le suivi de l’entretien des matériels navals.
La DGA dans son ensemble s’était relativement désintéressée de
l’entretien des matériels de la marine. Cela se traduisait par la faible
présence des ingénieurs de l’armement dans les structures de suivi de
l’entretien. Au plan local, l’essentiel de l’énergie de la DCN était
consacré à la construction neuve. Dans la pratique, les trois volets de
l’entretien des matériels étaient touchés par cette désaffection. Le suivi de
la configuration technique des bateaux n’étant plus effectué correctement,
l’approvisionnement des rechanges était insuffisamment assuré,
occasionnant des retards dans le ravitaillement des bateaux. Le sous-
encadrement des équipes intervenant à bord des bateaux a conduit les
commandants à affecter aux opérations de maintenance des membres de
leurs équipages pour pallier le déficit d’encadrement par les équipes de la
DCN. Ces pratiques se sont instaurées progressivement, ce que rendait
11) Cf. le rapport public particulier : « les industries d’armement de l’Etat ».
30 C
OUR DES COMPTES
possible l’étroite imbrication des travaux relevant de l’équipage ou des
moyens de la marine avec ceux incombant à l’acteur industriel.
A Toulon, le délabrement des infrastructures dédiées aux
pyrotechnies est révélateur du manque d’intérêt de la DCN pour cette
fonction. Les mêmes constats peuvent être dressés pour l’entretien des
installations portuaires qui relevaient de sa compétence (grues, portes de
bassins…)
A ces difficultés communes à l’ensemble des structures de la DCN,
s’ajoutait le cas particulier de l’établissement des constructions navales de
Toulon. La problématique générale de la DCN y a pris un caractère
exacerbé du fait d’une situation locale extrêmement dégradée. Ainsi, à
titre d’exemple, les insuffisances dans le suivi des rechanges ont pris une
ampleur considérable, comme l’a montré le récolement des inventaires
réalisé lors du transfert de cette fonction à la marine. Les écarts
d’inventaires et le volume des pièces en stock frappées d’obsolescence
justifient le terme employé par certains rapports d’inspections internes au
ministère de la défense qui stigmatisaient la « déshérence » de la fonction
d’entretien des matériels de la marine à Toulon.
A cette situation s’est ajouté l’effet d’instructions judiciaires dont
l’impact a été déterminant sur la fonction des achats. Ainsi l’année 2001 a
été pratiquement une année « blanche » en termes de passation de
marchés d’approvisionnement de rechanges.
A partir de 2000, enfin, l’évolution du régime juridique de la DCN,
transformée en service à compétence nationale le 12 avril, puis l’annonce
de son changement de statut, la conduisant à quitter à terme le secteur
public, ont eu un effet très négatif sur l’attitude des personnels, relevée
par l’inspection générale des armées début 2002 qui évoque pudiquement
«
l’enthousiasme qui…a paru localement émoussé
».
c) Les handicaps de l’armée de l’air
La dispersion au sein de chaque armée des aéronefs a entraîné une
dispersion similaire de "l'exploitation des faits techniques" (c'est à dire
l'analyse de l'origine et de l'occurrence des avaries ou des altérations des
matériels), qui a réduit les capacités de maintenance préventive de
l’armée de l’air.
La pénurie de pièces était plutôt subie que maîtrisée et les unités
faisaient face aux urgences en prélevant massivement les pièces et les
équipements sur des avions en service, réduisant la disponibilité globale
et mobilisant également des équipes d'entretien dans des tâches
redondantes coûteuses (prélèvements puis rééquipements). En 1999,
L
A DEGRADATION DE LA DISPONIBILITE DES MATERIELS MILITAIRES
31
celles-ci consacraient 2
000 heures par mois pour assurer ces
prélèvements.
Enfin, les réorganisations intervenues au sein de la DGA à la fin
des années 1990 ont aussi contribué à perturber l'efficacité globale de
cette chaîne.
Même si la question dépasse le cadre de la seule armée de l’air,
pour s’étendre à l’ensemble des matériels aériens, on doit souligner que
jusqu’en 2000 les flottes d'appareils des trois armées et de la gendarmerie
étaient gérées séparément. Il en résultait une perte globale d'efficacité sur
les travaux de maintenance. En outre les actions d’entraide entre armées
sur la même flotte (prélèvements de pièces, fournitures de stocks,
formation des personnels) étaient difficiles, voire inexistantes. Chaque
armée dialoguait séparément avec la DGA sur ses programmes de
maintenance et l'expression des besoins était éclatée entre armées.
L'analyse des "faits techniques" n'était pas ou peu partagée, ce qui pouvait
amener une armée à refaire le "chemin d'expérience" sur le même type de
matériel et d'incident déjà réalisé par une autre armée. Ce cloisonnement
a amplifié les effets négatifs, organisationnels, techniques et financiers,
caractérisant les flottes de petite taille.
Au plan économique, l’incidence du vieillissement des matériels a
été particulièrement sensible pour l’armée de l’air. En effet, le coût de
maintenance à l'heure de vol croît nettement avec l’âge de la flotte.
L'armée de l'air estime que la charge facturée pour la maintenance des
DC8
, très anciens, et des
A 310
est quatre fois supérieure à celle
applicable à un appareil récent. Par ailleurs la sous-activité entraînée par
l’indisponibilité représente des frais fixes non évalués mais sans doute
considérables, puisque les effectifs et les moyens structurels ne sont pas
réduits lors des baisses d’activité de l’armée de l’air ou des acteurs
industriels. La Cour n’a pas pu en mesurer l’ampleur, en l’absence
d’instruments comptables analytiques pertinents.
Enfin, la diminution de crédits a entraîné un double effet
préjudiciable à la qualité de la maintenance : dès 1994, la baisse des prix
d'acquisition imposée aux industriels sur l'ensemble des matériels et des
prestations a accru la durée de négociation des nouveaux contrats et des
avenants aux contrats antérieurs. Certaines commandes ont été ainsi
suspendues à plusieurs reprises entre 1996 et 1998. Cette situation de
tension s'est traduite par un retard d'approvisionnement en pièces et un
décalage des calendriers de reconstitution des potentiels.
L’effet sur la flotte aérienne s’est fait progressivement sentir. La
baisse des moyens affectés au maintien en condition opérationnelle a été
considérée pendant une certaine période comme "indolore", parce que les
32 C
OUR DES COMPTES
effets négatifs initiaux étaient limités. En se prolongeant, le manque de
pièces a entraîné des conséquences techniques : les prélèvements sur les
appareils immobilisés se sont multipliés, ce qui a engendré un temps
d'immobilisation plus long des avions concernés ; le caractère prioritaire
des approvisionnements a été établi non en fonction de critères techniques
(analyses coordonnées du vieillissement et des faits techniques), mais en
fonction de l'urgence à régler les pénuries apparues. Cette insuffisance de
moyens a donc été très largement à l'origine des phénomènes de
désorganisation constatés au long de cette période.
3 – Une perception tardive de la situation
La perception de cette dégradation de l’entretien des
matériels s’est faite de manière tardive.
Les cycles d’entretien des matériels sont des cycles longs se
déroulant sur plusieurs années. En effet, au-delà de l’entretien courant, les
opérations de niveau technique 3 (grandes visites en usine,
indisponibilités périodiques pour entretien et réparation
des bâtiments
de la marine) sont espacées dans le temps et de durée longue. Ainsi le
décalage de quelques mois d’une entrée en visite et la prolongation de
quelques semaines de la sortie de visite n’entraîne des dérives temporelles
significatives (par effet domino) qu’après deux ou trois ans de ce
processus.
Par ailleurs, la désorganisation progressive des chaînes
d’approvisionnement logistique, pour des raisons structurelles (comme
dans le cas de la DCN Toulon) et financières ne produit ses effets
qu’après plusieurs mois, voire plus encore, dans la mesure où les cycles
d’approvisionnement en pièces de rechange s’étendent sur deux ans en
moyenne. Dans l’intervalle, les ateliers peuvent continuer à opérer en
prélevant les pièces sur les stocks ou sur d’autres matériels, masquant
assez longtemps la carence d’approvisionnement qui s’installe.
Pour l'état-major de l’armée de l’air, par exemple, l'effet de la
baisse des crédits de maintenance a commencé à se faire sentir avec un
décalage de 24 mois. Ainsi, les réductions de crédits opérées entre 1995
et 1997 se sont traduites en 1998 : sur 220
Mirage
en service, 35 appareils
étaient immobilisés pour attente de pièces.
Pour l’ensemble des armées, certes de manière moins visible mais
tout aussi grave à moyen terme, la désorganisation des chaînes
logistiques, les carences d’inventaires, la perte d’expérience par manque
de suivi des faits techniques ou la disparition de la connaissance du
12) IPER.
L
A DEGRADATION DE LA DISPONIBILITE DES MATERIELS MILITAIRES
33
matériel du fait de l’absence de tenue à jour des configurations techniques
a produit des effets très négatifs. Ils ont été amplifiés par le départ des
personnels techniques qui conservaient une connaissance empirique du
système et des matériels atteints par la limite d’âge ou, comme cela a été
le cas pour la marine et l’armée de terre, par les bouleversements de
structures ayant entraîné des rotations importantes de personnels.
En outre, le morcellement des organisations n’a pas permis la
constitution de systèmes d’information normalisés favorisant une
remontée rapide des données.
Chaque armée disposait de ses propres systèmes d’information,
hétérogènes et ne permettant pas le rapprochement des données portant
sur un même type de matériel en service.
Au plan de l’approvisionnement en rechanges, la même
hétérogénéité des chaînes peut être observée. De plus, le suivi des stocks
et des marchés demeurait un paramètre technique détenu au niveau des
services logistiques et n’apparaissait pas encore comme une priorité
justifiant la mise en place de tableaux de bord au niveau ministériel.
Dès lors, la dégradation rapide de la disponibilité des matériels
militaires n’a pas été officiellement reconnue avant l’année 2001 où
plusieurs rapports sont venus éclairer le Parlement
, notamment à la
suite des renseignements préoccupants recueillis par le rapporteur du
projet de loi de finances initiale pour 2001
. Dès l’année 1998, le chef
d’état-major de l’armée de l’air avait souligné l’état préoccupant de
l’entretien de ses matériels, précisant toutefois qu’il était tout autant dû à
des problèmes d’organisation qu’à une insuffisance de crédits. La
question de l’insuffisance des crédits avait, quant à elle, été soulignée à
l’occasion de la discussion préparatoire à l’élaboration du budget de 1999
ainsi que lors de la préparation du budget de 2000.
13)
Rapport AN n°3302-2001 de MM. Charles Cova et Jean-Noël Kerdraon
« L’entretien de la flotte : défis et perspectives ».
Rapport AN n°328-2002 de M. Gilbert Meyer « L’entretien des matériels : un sursaut
nécessaire ».
14) Rapport de M. François Trucy, sénateur, commission des finances du Sénat (n°92
tome III, p.5 et suiv.).
34 C
OUR DES COMPTES
Chapitre II
Les mesures visant à restaurer la
disponibilité des matériels
36 C
OUR DES COMPTES
L
ES MESURES VISANT A RESTAURER LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS
37
I – L’effort financier
La baisse continue des dotations de la fonction de maintien en
condition opérationnelle des matériels depuis le début de l’entrée en
vigueur de la loi de programmation militaire a été interrompue en 2002,
notamment à la suite des rapports parlementaires relatifs à la disponibilité
des matériels, cédant la place à une hausse significative des moyens mis à
la disposition des armées.
1 – Les crédits votés
Analysée en catégorie de coût
relevant de l’entretien programmé
des matériels, l’évolution de la période 1999 à 2004 fait apparaître la
chute des crédits jusqu’en 2001 et leur croissance en LFI à compter de
2002.
Tableau n° 8 :
Montant des catégories de coûts « EPM » du titre V
en loi de finances initiale
(en M€ courants)
1999 2000 2001 2002 2003 2004
Classique
1 651,4
1 612,7
1 599,5
1 731,2
1 914,0
2 127,0
Espace 63,6 33,5 32,2 22,8 26,0 11,1
Nucléaire 787,8 716,0 637,5 648,6 669,4 761,4
Total
2 502,8
2 362,2
2 269,2
2 402,6
2 609,4
2 899,5
(Source : Direction des affaires financières du ministère de la défense)
L’augmentation des crédits votés au titre V a été de 6 % en 2002.
Cependant cet accroissement correspond, à hauteur de 60 M€ à une
poursuite de la diminution des crédits d’entretien programmé du matériel
inscrits au titre III, au chapitre 34-20, évolution à laquelle le ministère
s’était engagé pour rétablir la régularité de la répartition des crédits
15) La notion de catégorie de coût donne une vue globale de l’évolution des crédits
associés à une opération budgétaire d’investissement. Le périmètre n’étant pas le
même que celui des crédits budgétaires, les totaux par année ne sont pas
superposables à ceux du tableau n°9.
38 C
OUR DES COMPTES
affectés au maintien en condition opérationnelle des matériels. En 2003,
l’effort financier s’est poursuivi sur le titre V, bien qu’atténué de manière
marginale par l’achèvement de la suppression des crédits de
fonctionnement affectés à l’entretien des matériels.
2 – Les dépenses
Si l’exécution des dépenses en matière d’entretien programmé des
matériels avait été marquée jusqu’en 2002 par des annulations et des
transferts minorant les crédits disponibles, la tendance s’est inversée dès
la mi-2002 où une loi de finances rectificative a abondé les crédits
disponibles de 100 M€. En 2003, 211,7 M€ ont été également apportés
par la loi de finances rectificative afin d’obtenir un rétablissement rapide
de la disponibilité des matériels.
En outre, les modifications des crédits votés pour l’entretien
programmé des matériels ont été plus favorables ces dernières années, les
transferts, virements et rattachements de fonds de concours ayant permis
une augmentation importante des crédits disponibles.
Tableau n° 9 :
Dépenses d’entretien programmé des matériels classiques du titre V
(M€)
Chapitre 55-21
2000
2001
2002
2003
LFI
1 596,15
1 579,77
1 683,78
1 880,04
Disponible
1 733,83
1 677,97
1 940,03
2 266,76
Exécuté
1 647,46
1 524,12
1 835,38
1 754,57
(Source : Cour des comptes)
La situation est pourtant moins satisfaisante lorsque l’on considère
les dépenses réellement exécutées. En effet, si le volume des crédits
disponibles du chapitre 55-21 « entretien programmé des matériels » a crû
de près de 35 % entre 2001 et 2003, les dépenses réelles n’ont augmenté
que de 15 %. Les raisons en sont multiples, en partie imputables à la
réorganisation du système de passation des marchés d’entretien ou de
commandes de rechanges.
En 2003, l’indisponibilité des crédits imposée par la régulation
budgétaire (la mise en réserve ayant été levée tard dans l’année) et
l’ouverture tardive des crédits par la loi de finances rectificative ont eu un
L
ES MESURES VISANT A RESTAURER LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS
39
impact important sur la consommation des crédits, limitant, de fait, l’effet
recherché sur le redressement de la disponibilité des matériels.
II – La réorganisation des structures
La crise de disponibilité a conduit les autorités du ministère de la
défense, à partir du diagnostic de ses causes structurelles, à engager des
réformes mettant fin à la dispersion des responsabilités, au manque de
dialogue entre les différents acteurs concernés, au cloisonnement entre les
armées et à l'insuffisante prise en compte des besoins des utilisateurs. Les
solutions ont été différentes pour chacune des trois armées.
A – Une structure interarmées : la SIMMAD
Pour tout ce qui concerne les matériels aériens, le principe arrêté
en 1999 fut celui d'un double regroupement des responsabilités et d'une
clarification des rôles de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'œuvre au sein
de la chaîne du maintien en condition opérationnelle.
Un regroupement "vertical" des responsabilités de l'ensemble du
processus au sein d’une même structure, allant de la passation des
contrats à la livraison des matériels aux armées, ainsi qu’un regroupement
"transversal" du maintien en condition opérationnelle de l'ensemble des
matériels aéronautiques des trois armées et de la gendarmerie au sein de
cette nouvelle entité : la structure intégrée du maintien en condition
opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense
(SIMMAD). Ce nouvel organisme devait assurer la maîtrise d'ouvrage et
confier à d'autres entités dépendant des armées la maîtrise d'œuvre de la
réalisation de certaines fonctions d'approvisionnement et de maintenance.
Il s'agissait, d'une part, "d'optimiser la disponibilité des aéronefs et
des matériels associés, à l'aide d'une réactivité accrue des fonctions
d'exécution
," et, d'autre part, " de maîtriser le coût de possession des
matériels".
La structure envisagée a été créée par décret du 4 décembre 2000.
16) Relevé de décisions du ministre de la défense du 16 juillet 1999
40 C
OUR DES COMPTES
1 – La SIMMAD : une structure novatrice au sein des armées
La création de la SIMMAD constitue à plusieurs égards une
véritable novation au sein des armées, novation qui a entraîné une très
profonde réorganisation de la fonction.
Tout d’abord, il s’agit d’un organisme à vocation interarmées
regroupant les fonctions relatives au maintien en condition opérationnelle
de tous les avions et hélicoptères auparavant dispersées au sein des trois
armées, de la gendarmerie et de la DGA. Le pilotage de la SIMMAD
repose sur une forte volonté d'intégration inter-armées et sur l'utilisation
des compétences particulières de l'armée de l'air. Elle relève du chef
d’état-major de l’armée de l’air mais, au plan opérationnel, elle repose sur
la collégialité interarmées. Ainsi, c’est un comité directeur
composé du
délégué général pour l'armement, des chefs d'état-major de l'armée de
terre, de la marine, de l'armée de l'air et du directeur général de la
gendarmerie nationale qui
propose au ministre la politique générale de
maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du
ministère de la défense. Il organise aussi la mise en œuvre de cette
fonction.
En effet, la SIMMAD se voit déléguer la responsabilité intégrale
du maintien en condition opérationnelle. Elle assume l'intégralité de la
responsabilité de la maintenance des matériels aéronautiques en fonction
des objectifs fixés par les armées et des moyens attribués. Elle est
notamment responsable de l'expression des besoins et de
l’approvisionnement en rechanges aéronautiques. Elle est ainsi
compétente, depuis le 1
er
janvier 2003, pour la passation de l'ensemble
des marchés d'acquisition de prestations et de matériels de maintien en
condition opérationnelle comme du suivi des contrats, de la gestion des
crédits qui lui sont alloués, de la participation à l'élaboration des marchés
d'acquisition des matériels d'armement comportant des prestations et des
matériels de maintien en condition opérationnelle. Pour les matériels
nouveaux, la SIMMAD participe aussi
"au sein des équipes de
programme à la définition et à la mise en œuvre du maintien en condition
opérationnelle. Elle exécute le processus d'approvisionnement nécessaire
à leur mise en service."
Pour qu’elle puisse assumer cette responsabilité, la SIMMAD a été
organisée suivant un schéma matriciel. La gestion est structurée par
flotte : l'ensemble des matériels aéronautiques est réparti au sein de
12 catégories de flottes comportant les différents types d'aéronefs et de
matériels associés. Le département des flottes qui regroupe les 12 flottes
est assisté par deux services fonctionnels transversaux (regroupant les
fonctions techniques, logistiques, achats, finances).
L
ES MESURES VISANT A RESTAURER LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS
41
Lors de son installation, en septembre 2000, sur le site de
Brétigny-sur-Orge, la SIMMAD disposait d'un effectif provisoire de
244
emplois. Conformément aux prévisions, elle employait
571
personnes en mars 2003 et ses effectifs comptaient près de
900 personnes à fin septembre 2003.
2 – Une réelle clarification des responsabilités
Cette nouvelle organisation a renforcé l'efficacité du dispositif du
fait de la double clarification des responsabilités qu’elle a permise.
Tout d’abord, le regroupement des compétences et des processus
de maîtrise d'ouvrage déléguée sous une même autorité a mis fin à la
dichotomie existante entre l'expression des besoins et leur prise en
compte.
Cette réorganisation a également clarifié le rôle de chaque
organisme dans la mise en œuvre du maintien en condition
opérationnelle : la séparation est dorénavant nette entre la maîtrise
d'ouvrage et la maîtrise d'œuvre et chacun des contributeurs doit atteindre
des objectifs dont la réalisation relève de sa seule responsabilité.
Une même clarification a aussi modifié les rapports de la DGA
avec la SIMMAD, puisque celle-ci assure désormais la passation des
marchés. Cette séparation des responsabilités crée, en revanche, une très
grande exigence de coordination et de cohésion entre les deux directions
pour éviter une perte de capacité de négociation avec les industriels. Ce
dernier point est particulièrement crucial pour le succès de la nouvelle
organisation.
Particularité dans le système militaire, l'organisation collégiale du
comité directeur de la SIMMAD semble plutôt appréciée par ses
membres (notamment, par le chef d’état-major de l’armée de l’air qui
joue un rôle très important dans son pilotage, compte tenu du poids de
l'armée de l'air dans l'acquisition de matériels et de prestations auprès de
la SIMMAD), les états-majors paraissant s’être appropriés la nouvelle
structure comme une entité à leur service.
Incontestablement, l'absence de responsable hiérarchique du
comité directeur a obligé ses membres à rechercher des solutions
communes, sans recourir systématiquement à l'arbitrage du ministre. En
outre, la présence auprès du directeur d'officiers, adjoints, venant des
différents organismes constitutifs de la SIMMAD renforce le caractère
collégial de son fonctionnement.
42 C
OUR DES COMPTES
Enfin, la répartition relativement équilibrée des contributions des
armées aux effectifs de la SIMMAD a provoqué, selon son directeur,
"
une forte adhésion de son personnel à la mission… La troisième
dimension est puissamment fédératrice."
Cette formule de "GIE" interne au secteur de la défense crée ainsi
une exigence de décisions collectives dont les effets devraient être
bénéfiques à moyen terme tant techniquement qu'économiquement.
Ce type de groupement de moyens devrait aussi entraîner des
économies d’échelle. Pour l’instant, les transferts de moyens se sont
réalisés dans le cadre d’un bilan à peu près nul pour l’armée de l’air et la
marine, mais laissent subsister des doublons avec les structures de
l’armée de terre.
B – Une structure duale : le service de soutien de la
flotte
Sur recommandation conjointe du DGA et du chef d’état major de
la marine, en date du 25 juin 1999, le ministre de la défense décidait la
création du service de soutien de la flotte (SSF).
Le nouveau service, dont les textes fondateurs
juin 2000, a été institué sous forme d’un service de la marine aux
compétences recouvrant «
la fixation, l’approbation et la mise en œuvre
des règles générales de maintien en condition opérationnelle du matériel
naval et des munitions en service
Les principes ayant présidé à l’élaboration de la structure sont les
mêmes que ceux qui avaient sous-tendu la création de la SIMMAD.
L’une des préoccupations auxquelles doit répondre le SSF est, pour
les matériels navals, de constituer un interlocuteur unique en matière de
maîtrise d’ouvrage du maintien en condition opérationnelle des matériels
navals et de munitions en service. La compétence de la conception des
matériels nouveaux (y compris les munitions) reste de la compétence du
service des programmes navals (SPN) de la DGA.
17) Décret n°2000-585 du 28 juin 2000 fixant les attributions du service de soutien de
la flotte
Arrêté du 28 juin 2000 portant organisation du service de soutien de la flotte
Arrêté du 28 juin 2000 portant organisation des sous-directions de la direction
centrale du service de soutien de la flotte
18) Décret n°2000-585 du 28 juin 2000 fixant les attributions du service de soutien de
la flotte (art.2).
L
ES MESURES VISANT A RESTAURER LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS
43
1 – Un rôle de coordination
La réglementation confie au SSF un rôle de coordination et de
pilotage des opérations d’entretien des matériels de la flotte. Il s’agit d’un
service « qui fait faire » mais ne fait pas lui-même. Cette approche est
centrale pour appréhender la place du SSF dans l’architecture de
l’entretien des matériels puisqu’il doit se créer une place originale entre
l’état major de la marine, qui reste le donneur d’ordre, et les acteurs de la
maintenance, qu’il s’agisse de l’industriel (éventuellement les industriels)
ou des moyens propres de la marine (ateliers militaires de la flotte,
équipages).
Le décret du 28 juin 2000
confirme clairement la compétence de
la DGA sur tous les matériels nouveaux, mais confie au SSF le rôle de
prise en compte
ab initio
par les équipes de programme intégrées (EDPI),
des préoccupations liées au maintien en condition opérationnelle des
matériels. A ce titre, le SSF doit veiller à ce que les matériels nouveaux
prennent en compte l’objectif de « maintenabilité » par les équipages eux
mêmes, notamment à bord (la critique de la difficulté à maintenir les
matériels à bord étant récurrente dans le discours des marins). Il s’assure
que les équipes de développement de programme intégrées (EDPI) ne
sacrifient pas l’approvisionnement des lots initiaux de rechanges à
l’occasion des passations de contrats. Enfin, sa participation permet de
garantir que la marine disposera bien des éléments nécessaires
(documentation technique notamment) pour contractualiser les tâches
correspondantes et évaluer le coût futur du maintien des matériels
commandés en condition opérationnelle.
A la différence de la SIMMAD, le SSF, service de la marine, n’est
pas un organisme à vocation interarmées. Cependant, ses personnels
proviennent tout autant de la DGA que de la marine. L’arrêté portant
organisation du SSF, en date du 28 juin 2000, précise même, en son
article 2, que le directeur du SSF et son adjoint sont l’un de la marine,
l’autre de la DGA.
2 – Une organisation interne adaptée
L’organisation interne du SSF regroupe, quant à elle, au sein
d’équipes de travail intégrées et par types de matériels, des spécialistes
des différents métiers devant intervenir dans le processus de maintenance.
19) Pour les matériels nouveaux, le SSF «
participe à la définition et à la mise en
place du maintien en condition opérationnelle
». (art.3)
44 C
OUR DES COMPTES
A la direction centrale du service de soutien de la flotte, aux côtés
de sous-directions fonctionnelles (sous-directions plans et méthodes,
technique, logistique, administration générale et bureau des munitions)
œuvrent des équipes dédiées (surnommées « pirogues ») ayant chacune
en charge une catégorie de bâtiments (de surface, sous-marins, systèmes
d’information, bâtiments non en service). La même organisation se
retrouve à l’échelon local, où des équipes responsables de bâtiments
(ERB) sont dédiées au suivi « personnalisé » des différents types de
bateaux (SNLE, SNA, avisos, frégates, etc.)
Indépendamment du fait que les structures matricielles sont
fréquemment adoptées dans les organismes au sein desquelles la DGA est
partie prenante, cette organisation particulière des compétences est, par
certains aspects, comparable à celle adoptée dans la marine marchande où
à chaque bateau est attaché un «
ship manager
» chargé de son suivi
individualisé.
Suivant les responsables de la marine, cette organisation est
particulièrement adaptée à l’objectif de meilleure connaissance de l’état et
de l’entretien des bateaux. L’organisation de la maintenance des bateaux
civils commerciaux a, d’ailleurs, adopté un dispositif comparable.
3 – Des compétences étendues
A l’inverse des autres armées, la marine ne dispose pas d’un
service du matériel.
Ainsi la modification de statut de la DCN a conduit la marine et la
DGA à s’interroger sur le devenir d’un certain nombre de fonctions qui,
manifestement, ne pouvaient plus relever d’un secteur industriel dont les
préoccupations seraient différentes de celles de l’Etat.
La première question qu’a dû trancher la marine a été celle du sort
à faire aux rechanges. Il en existe deux sortes qui n’étaient pas
distinguées avant le changement de statut de la DCN.
Le stock industriel, tout d’abord, permet à l’industriel de détenir
(ou d’approvisionner) les pièces nécessaires à l’accomplissement de ses
travaux. Ce stock relève pleinement de sa compétence industrielle et doit
être intégralement géré par lui.
Le stock courant dit « militaire », au contraire, permet à la marine
de tenir à la disposition de ses équipages les pièces de rechange ou les
sous-ensembles nécessaires à l’accomplissement des travaux relevant de
sa compétence. Il peut être à terre dans un entrepôt ou prépositionné sur
les bateaux, directement à la disposition des équipages, ou encore dans un
L
ES MESURES VISANT A RESTAURER LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS
45
bateau dédié au soutien (
La Loire, le Jules Verne
, etc). En principe, ces
stocks sont destinés à la maintenance de niveau intermédiaire (NTI 1 et
2), mais en réalité la distinction n’est pas aussi claire et il arrive que,
suivant les besoins, des travaux d’entretien de niveau 3 soient accomplis
avec les moyens « industriels » de la marine (bâtiments de soutien et
ateliers militaires de la flotte) ou avec le concours des équipages dans un
atelier industriel étranger (en escale par exemple). Dans ce cas, et à cause
de l’ancienneté des bâtiments, il est parfois nécessaire de disposer
directement des pièces nécessaires à l’entretien de niveau 3.
Compte tenu de la dégradation de la fonction « rechanges »
remplie par la DCN, il fut décidé de transférer à la marine l’ensemble du
stock dit « militaire ». Ce transfert comportait trois types de difficultés.
Tout d’abord, les deux stocks étant confondus chez l’industriel, un travail
de définition a dû être conduit. Dans un deuxième temps, un
rapprochement des inventaires respectifs de la marine et de la DCN a dû
être effectué dans des conditions difficiles, liées notamment à la faible
qualité des outils informatiques dont disposait la DCN
et, conséquence
logique du point précédent, aux nombreux écarts entre les chiffres
théoriques et les stocks physiques comptés. Enfin, la mutation dont le
principe avait été arrêté dès les textes fondateurs du SSF en juin 2000 a
dû être réalisée dans l’urgence, du fait de l’annonce du changement de
statut de la DCN qui imposait que l’ensemble du transfert soit accompli
avant l’échéance de ce changement soit juin 2003
En l’absence déjà signalée de service du matériel dans la marine, la
responsabilité de la fonction rechanges de la marine a été fort
logiquement confiée au SSF qui assure la définition de la politique de
gestion, le ravitaillement, le magasinage et l’approvisionnement des
bateaux. Par délégation, les deux dernières fonctions ont été confiées au
service du commissariat de la marine
A ces attributions, qui s’éloignent de plus en plus du rôle initial de
maîtrise d’ouvrage dévolu à l’origine au SSF, se sont ajoutées d’autres
fonctions marginales. Le SSF, défini initialement comme une structure
chargée de la maîtrise d’ouvrage en matière de maintien en condition
opérationnelle de la marine, est ainsi devenu, en peu de temps et du fait
de l’évolution de statut de la DCN, la structure de rattachement de
l’ensemble des fonctions que la marine a dû ou souhaité reprendre à son
20) Elément qui avait été signalé en son temps par le rapport public de la Cour sur les
industries d’armement.
21) Le changement de statut de DCN est intervenu au 1
er
juin 2003.
22) La problématique des rechanges exposée ci-avant peut-être appliquée
mutatis
mutandis
aux munitions de la marine.
46 C
OUR DES COMPTES
compte et qu’elle n’a pas su attribuer à un autre de ses services. Il en
résulte une certaine altération de la vocation initiale du SSF.
C – L’organisation retenue pour les matériels
terrestres
Après celles de la SIMMAD et du SSF en 2000, la création de la
structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels
terrestres de la défense (SIMMT) fut décidée à l’été 2001. C’est à cette
date que furent signés l’arrêté ministériel créant un ‘‘état-major de
montée en puissance’’ et une lettre de mission adressée à son chef, fixant
à l’été 2002 la création de la SIMMT.
La SIMMT devait être un organisme à vocation interarmées
recevant ses directives d’un comité directeur comprenant les quatre chefs
d’état-major, le DGA et les directeurs de la gendarmerie, du service des
essences et du service de santé des armées. Les mêmes principes que ceux
retenus pour la SIMMAD étaient adoptés : séparation de la maîtrise
d’ouvrage et de la maîtrise d’oeuvre, prise en compte du maintien en
condition opérationnelle en phase amont des programmes, vocation
interarmées, organisation matricielle du travail des spécialistes au profit
d’un responsable de chaque parc.
En juin 2002, cette réforme était fortement engagée
: les
calendriers de changement de bureaux des personnels destinés à renforcer
l’état-major de montée en puissance étaient même fixés. Toutefois, en
juillet 2002, une réflexion sur l’opportunité de cette création était confiée
au seul chef d’état-major de l’armée de terre qui a conclu à l’abandon du
projet de SIMMT. Le 24 décembre 2002, il a été décidé de
« surseoir
définitivement au projet de SIMMT »
.
Parallèlement, l’armée de terre avait poursuivi la réflexion sur les
voies et moyens d’une réorganisation de la maintenance de ses matériels
susceptible de pallier les nombreux dysfonctionnement constatés jusque
là.
C’est dans ce contexte que fut décidée, le 7 février 2003, une
nouvelle et profonde réorganisation de la maintenance de l’armée de
terre. Elle s’est traduite, non par un regroupement organisationnel mais
par une répartition des compétences entre les structures préexistantes de
l’armée de terre, au profit exclusif des matériels terrestres de cette armée.
Ces diverses mesures, tout en allant sans doute dans le sens d’une
efficacité accrue de la chaîne du matériel de l’armée de terre, confortent
son autarcie, et ne concourent pas à la recherche d’une meilleure
L
ES MESURES VISANT A RESTAURER LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS
47
coordination entre les trois armées, qui devrait être pourtant un objectif
prioritaire compte tenu de l’augmentation du nombre d’opérations
interarmées et de la limitation persistante des moyens budgétaires.
III – Les résultats déjà obtenus
La création des nouveaux organismes chargés de coordonner la
maîtrise d’ouvrage du maintien en condition opérationnelle des matériels
s’est opérée entre 1999 et 2000. Pour l’armée de terre, les réorganisations
successives se sont enchaînées depuis 1999. Les crédits d’entretien
programmé des matériels ont connu depuis 2002 une augmentation
significative, de l’ordre de 20 % entre la LFI 2000 et la LFI 2004. Si la
disponibilité des matériels reste assez médiocre, des indices
d’amélioration sont d’ores et déjà perceptibles.
A – Une disponibilité encore limitée
1 – Les matériels terrestres
Si une légère amélioration peut être enregistrée concernant les
chars de combat lourds (
AMX 30
et
Leclerc
) qui retrouvent, voire
dépassent le taux de disponibilité enregistré en 2000, la situation reste
dégradée pour les véhicules de l’avant blindé et se dégrade encore pour
les chars de reconnaissance
AMX 10 RC
.
Tableau n° 10 :
Disponibilités des véhicules blindés (2000-2004)
(en %)
2000 2001 2002 2003 2004
VAB
72 76 72 73 68
ERC
90
61 68 69 73 65
AMX
10
RC
57 46 61 52 46
AMX
30
B2
65 60 65 70 71
Leclerc (tranches 3 à 5)
S.O.
35
45
52
56
Leclerc (tranches 6 et 7)
S.O.
31
55
52
56
(Source : DCMAT)
48 C
OUR DES COMPTES
2 – Les matériels aériens
La disponibilité globale des flottes était descendue au-dessous de
60 % dans le courant de l'année 2000 pour l'armée de l'air et la marine et
avait atteint, avec un taux de 56,4 % en 2001, le niveau de performance le
plus faible enregistré ces dernières années.
La disponibilité globale s'est nettement redressée depuis décembre
2000 puisqu’elle a gagné 10,2 points. Pour des raisons conjoncturelles,
elle s'est dégradée dans le courant de l'année 2003 (60,3 % en juillet
contre près de 65 % en mai) et s’est finalement établie à près de 62 % en
décembre 2003.
Tableau n° 11 :
Disponibilité globale de la flotte gérée par la SIMMAD (2000-2004)
(en %)
12/2000 12/2001 07/2002 12/2002 07/2003 12/2003
Disponibilité
globale
51,7 56,5 56,8 58,3 60,3 61,9
(Source: SIMMAD)
Cette dégradation en cours d’année est liée pour partie à
l'augmentation du nombre d'appareils en maintenance curative ou
préventive dans les forces provoquée par des incidents techniques
conjoncturels. En particulier, les flottes de
Mirage 2000
et d'hélicoptères
ont été victimes d'une série de défaillances des moteurs, obligeant l'armée
de l'air à procéder à des immobilisations et à des "démontages"
préventifs, dans l'attente des réparations effectuées par l'industriel.
Tableau n° 12 :
Disponibilité des hélicoptères de l’armée de terre (2000-2004)
(en %)
2000 2001 2002 2003 2004
Gazelle
66,6 66,6 47,3 60,7 62,7
Puma
61,5 60,4 40,2 53,5 53,2
Cougar 54
62
62,7
58,5
59,4
(Source : DCMAT)
L
ES MESURES VISANT A RESTAURER LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS
49
S’agissant des hélicoptères de l’armée de terre, la situation est
dégradée depuis 2001 pour les
Gazelle
et les
Cougar,
mais s’avère
préoccupante pour la flotte des
Puma,
dont seulement 53,5 % étaient
disponibles fin décembre 2003.
L'analyse de la disponibilité sur l’année 2003 fait ainsi apparaître
le non-respect des objectifs fixés par le comité directeur de la SIMMAD
tenu à la fin de l'année 2002. A la fin de 2003, devait être assurée une
disponibilité globale des trois quarts de la flotte. Or, fin décembre, l’écart
entre le taux réalisé et l'objectif initial était de près de 13 points pour
l'ensemble des flottes.
Cet écart est principalement dû à la contre-performance des
opérateurs de maintenance, puisque, pour un objectif initial pour 2003
d'indisponibilité technique de 20 %, le résultat à fin décembre dépassait,
en cumul annuel, 30 %.
Tableau n° 13 :
Objectifs et résultats de décembre 2003
Flottes
Objectif de disponibilité
Disponibilité observée (12/03)
Mirage 2000
75 %
70,1 %
Mirage F1
75 %
68,79%
C 130
9 avions
5 avions
C 160
65 %
54,54 %
Epsilon
65 avions
53 avions
Globale
75 %
63,5 %
(Source : SIMMAD)
Cette contre-performance affecte particulièrement les avions de
combat, dont le taux d'indisponibilité dû à la maintenance dépasse 30 %,
les hélicoptères, avec une indisponibilité supérieure à 40 %, et les avions
école, avec une indisponibilité proche ou supérieure à 30 %.
3 – Les matériels maritimes
L’amélioration de l’entretien des bateaux peine à se manifester.
Certes, dans ce domaine comme dans celui des munitions et des
rechanges, des signes encourageants sont perceptibles. Depuis la création
du SSF, le nombre d’opérations achevées avec retard tend à diminuer.
Si le taux de disponibilité s’améliore progressivement, le retour à
un taux de disponibilité objectif de l’ordre de 80 % prendra encore sans
50 C
OUR DES COMPTES
doute quelques années. Il est vrai qu’il ne figure dans la loi de
programmation qu’à titre d’objectif 2015.
Les résultats détaillés montrent que la disponibilité des bateaux a
enregistré une amélioration de 10 % entre l’été 2002 et le printemps 2003.
La baisse de l’été 2003 est attribuée par le SSF à un taux d’avaries
accidentelles supérieur à la moyenne et conjugué à l’effet de la réduction
du temps de travail des mois de juillet et d’août qui a obligé à différer le
traitement des indisponibilités. A la fin de l’année 2003, le taux était
effectivement remonté à 60 %, permettant d’envisager une évolution
favorable sur le moyen terme.
Tableau n° 14 :
Evolution du taux de disponibilité pondérée des bâtiments
(Source : tableau de bord du SSF)
Au-delà de ces données, on peut observer dans les unités de la
marine les effets du rétablissement de la confiance dans les structures
chargées du maintien en condition opérationnelle. Ce sentiment est
ressenti de manière différenciée suivant les flottes ; si les responsables de
la flotte nucléaire, moins touchée que la flotte de surface par la
dégradation du maintien en condition opérationnelle, semblent dans
l’expectative, les commandants de bateaux plus anciens, qui ont senti un
changement de comportement des responsables, fondent de grands
0
10
20
30
40
50
60
70
80
ju
il-
02
ao
ût
-0
2
se
pt
-0
2
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2
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v-
02
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-0
3
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-0
3
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03
dé
c-
03
Objectif
Taux de dispo
L
ES MESURES VISANT A RESTAURER LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS
51
espoirs dans cette nouvelle organisation. De fait, indépendamment des
actions de fond, le SSF et la DCN, dès les premiers mois de
fonctionnement du nouveau dispositif, ont souhaité localement donner
des signes forts du changement de pratiques, faisant procéder, par
exemple, à des achats en urgence pour satisfaire les besoins des équipages
en petits équipements sans caractéristiques techniques particulières, mais
dont l’absence pesait lourdement sur la vie quotidienne.
L’action du SSF commence donc à se faire sentir sur la
disponibilité des bateaux, mais dans une mesure bien moindre que celle
qu’a pu faire espérer sa création. Cependant, l’importance des
bouleversements auxquels il a dû faire face et l’ampleur de la tâche en
termes de réorganisation de la fonction entretien des matériels justifient
probablement les délais observés dans le rétablissement d’un taux de
disponibilité correct.
B – Des indices d’amélioration
La croissance des crédits consacrés à l’entretien des matériels, a
donné des marges de manœuvre plus larges aux services chargés de les
mettre en œuvre. Néanmoins, les modalités de passation des commandes
et des marchés d’entretien entraînent des délais qui retardent les effets de
l’augmentation des crédits sur la disponibilité des matériels. Par ailleurs,
une solution de continuité dans les passations de contrats conduit
nécessairement à un désengagement de certains fournisseurs industriels.
Cela entraîne, pour les services d’approvisionnement, la nécessité de
rechercher des fournisseurs susceptibles de répondre aux appels d’offres,
voire de susciter la reprise par d’autres industriels de certaines activités.
Ces opérations prennent nécessairement du temps et diffèrent d’autant
l’amélioration de la disponibilité des matériels. Cependant des indices de
redémarrage sont perceptibles dans les structures nouvelles.
1 – Le service de soutien de la flotte
Les deux chantiers majeurs que devait faire aboutir le SSF,
préalablement à toute autre action, étaient le transfert des rechanges et des
munitions. Ces tâches sont à ce jour presque achevées.
52 C
OUR DES COMPTES
a) Le transfert des rechanges
La gestion des rechanges suppose la réalisation de
l’approvisionnement, de l’entretien du magasinage et du ravitaillement
des unités.
La fonction « rechanges » est répartie sur deux sites, à Toulon et à
Brest, à raison de 40 % du stock sur Brest et 55 % sur Toulon. Le reste est
détenu dans deux bâtiments ateliers que compte encore la marine et dans
les magasins outre-mer.
La prise en compte du stock de la DCN était un enjeu considérable
compte tenu de sa variété et du nombre de nomenclatures recensées,
obligeant, préalablement à tout transfert, à un récolement précis des
inventaires, à une identification des pièces et à une analyse de leur état.
A titre indicatif, les rechanges consommables (dits RP1)
concernent 18 millions d’articles pour un montant de 450 M€ répartis en
290 000 références de nomenclature ; les rechanges réparables, 250 000
articles (45 000 numéros de nomenclature) pour un montant de 1,2 Md€.
L’objectif de taux de service était fixé à 80 % pour la fin 2003. Il
était de l’ordre de 40 % au début de l’été mais a atteint 65 % en
septembre, en hausse continue. L’objectif n’a finalement pas été atteint en
matière de matériels réparables (dits RP2) dans la mesure où le secteur
semble peu réactif aux appels d’offres. Fin 2003, le taux de service des
rechanges réparables stagnait aux alentours de 60 %, résultat reflétant la
difficulté à redresser un flux dont l’approvisionnement dépend de
partenaires industriels délaissés pendant de nombreuses années. Le SSF a,
de fait, décidé de faire appel aux moyens internes de la marine pour
traiter les cas d’urgence. En matière de rechanges non réparables, le taux
de service n’était que de 40 %, fin 2003. Ce taux correspond à une
incapacité de la maîtrise d’œuvre industrielle à répondre aux besoins et
non à une incapacité à contractualiser du service de maîtrise d’ouvrage.
Ce secteur des rechanges reste donc encore sinistré. Dans la
mesure où les délais d’approvisionnement sont longs et la connaissance
des besoins encore à améliorer, le niveau recherché ne sera véritablement
atteint que lorsque l’ensemble du système aura atteint son rythme de
croisière.
b) Les munitions
Le transfert des munitions a présenté des caractéristiques
semblables à celui des rechanges, mais un certain nombre de difficultés
supplémentaires se sont présentées.
L
ES MESURES VISANT A RESTAURER LA DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS
53
La décision de transfert des munitions au SSF n’est intervenue
qu’en avril 2002 avec prise d’effet au 1
er
janvier 2003. Le service a donc
dû faire face tout à la fois aux difficultés propres au transfert d’une telle
fonction et aux problèmes liés à l’intégration d’un effectif appréciable,
puisque le basculement emportait le rattachement au SSF de près de 300
personnes issues de la DCN.
Nonobstant ces difficultés, l’activité du SSF a été satisfaisante et
les taux de délivrance en progression régulière. Pour les munitions
classiques, le taux de service à 24 h approchait les 100 % en avril 2003 et
celui des torpilles était légèrement supérieur à 95 %.
Le SSF a pu reprendre en peu de temps les fonctions rechanges et
munitions qu’assurait antérieurement la DCN. De nombreuses actions ont
été entreprises pour assainir ces fonctions et reconstituer les stocks. Si des
résultats positifs commencent à être enregistrés, ils restent encore assez
éloignés des objectifs fixés, dans l’attente notamment de l’arrivée des
outils informatiques permettant de créer un référentiel et d’obtenir une
meilleure connaissance de l’historique de gestion des besoins et de leur
satisfaction.
2 – Les résultats de la SIMMAD
La particularité de l’évolution de la disponibilité des matériels
aériens consiste en un déplacement des causes d’indisponibilité de la
structure de maîtrise d’ouvrage déléguée (SIMMAD) vers les opérateurs
techniques.
L'indisponibilité globale due au maître d'ouvrage, par manque de
pièces, a en effet très sensiblement baissé depuis 2000. Alors qu'elle
dépassait 18 % sur les deux années 2000 et 2001, elle n’a été que de 11 %
en 2002 et s'est encore contractée ultérieurement pour ne représenter que
7,4 % fin 2003. Cette amélioration résulte incontestablement de la mise
en place de la SIMMAD, qui permet notamment une meilleure
planification des approvisionnements et une meilleure gestion des crises
grâce à la mutualisation des flottes des armées au sein de la même entité.
De plus, le rétablissement des crédits à un niveau plus conforme aux
besoins a permis de rétablir une gestion normale des commandes avec les
industriels.
En revanche, l'indisponibilité liée à la maintenance elle-même,
c'est à dire aux interventions d'entretien courant et aux immobilisations
pour réparations importantes ou rénovations, reste élevée.
Cette stagnation de la performance provient sans doute d'un "trou"
dans la chaîne du maintien en condition opérationnelle : les services de
54 C
OUR DES COMPTES
maintenance étaient placés sous la responsabilité fonctionnelle des
commandements organiques, la SIMMAD n'ayant ni autorité ni
responsabilité sur ces services et, par voie de conséquence, sur leurs
performances. Depuis le 1er septembre 2003, la SIMMAD assure la
maîtrise d'ouvrage déléguée de la maintenance (ainsi que la maîtrise
d'ouvrage déléguée de la distribution des pièces de rechange
aéronautiques). A ce titre, elle dispose désormais de tous les leviers de
pilotage de la fonction et tout particulièrement de la capacité d'intervenir,
en qualité de maître d'ouvrage, auprès des services chargés de la
maintenance opérationnelle. La cohérence ainsi obtenue devrait permettre
d'améliorer les performances à l'avenir.
Ainsi, la réforme engagée a déjà produit ses premiers effets : un
redressement très sensible de la performance globale. Mais, celui-ci est
principalement dû à l'amélioration de l'efficacité des achats et des
approvisionnements, l’indisponibilité liée à la maintenance elle-même
restant élevée. La faiblesse des performances enregistrées en matière de
disponibilité technique des matériels trouve, pour l’essentiel, son origine
dans les processus de maîtrise d’œuvre.
Chapitre III
Des progrès à confirmer
56 C
OUR DES COMPTES
DES PROGRES A CONFIRMER
57
I – L’achèvement des réformes de structure
Depuis 1999 a été entreprise une réforme des structures dont on est
en droit d’attendre une efficacité accrue dans des délais désormais
relativement brefs. Toutefois, la réorganisation intervenue en ce qui
concerne les matériels terrestres a obéi à une ambition limitée. De plus,
des difficultés subsistent après les réformes intervenues. Ce double
constat conduit à explorer les voies et les moyens d’une accélération du
progrès déjà enregistré.
A – La poursuite de la clarification des rôles
1 – Le rôle de l’état-major des armées
Le rôle de l’état-major des armées dans le maintien en condition
opérationnelle des matériels est limité : le décret du 8 février 1982
circonscrit ses interventions à la coordination des aspects interarmées de
cette fonction. Les travaux engagés à la demande du ministre de la
défense en vue de l’amélioration du maintien en condition opérationnelle
dans le cadre de la réforme du ministère de la défense ont été l’occasion,
pour l’état-major des armées, de réunir les quatre états-majors. En outre,
les travaux conduits pour préparer l’entrée en vigueur de la loi
d’organique sur les lois de finances (LOLF) ont permis de faire ressortir
la nécessité d’accroître les prérogatives de l’état-major des armées,
notamment pour ce qui concerne la préparation et la conduite des
programmes d’armement et pour l’entraînement des forces.
Dans le domaine du maintien en condition opérationnelle, des
considérations du même ordre permettent d’aboutir à la même
conclusion.
Puisqu’il est responsable de l’emploi des forces, le chef d’état-
major des armées devrait fixer les contrats opérationnels des diverses
armées, et ceci de façon beaucoup plus précise que cela n’a été fait
jusqu’à maintenant. Par exemple, dans le cas de l’armée de terre, la loi de
programmation militaire couvrant la période 2003-2008 spécifie que cette
dernière doit être en mesure de projeter 20 000 hommes dans certaines
conditions, sans assortir cette prescription d’aucune condition relative aux
équipements nécessaires. L’armée de l’air doit pouvoir déployer
100 avions de combat, contrat vague, qui ne donne aucune indication sur
les disponibilités à atteindre pour chaque type d’appareil. Une
58 C
OUR DES COMPTES
spécification plus fine permettrait de fixer avec davantage de précision les
objectifs à obtenir pour chaque parc de matériel en termes de
disponibilité, soit immédiate, soit différée. L’EMA est en mesure de
remplir ce rôle difficile, compte tenu du grand nombre de scénarios
envisageables, mais fondamental, pour asseoir sur des bases indiscutables
la gestion des différents parcs de matériels et le travail quotidien
d’entretien des matériels.
Il paraît de même important que l’état-major des armées soit
davantage impliqué dans les organismes des armées responsables du
maintien en condition opérationnelle des matériels. Il est frappant de
constater que les nouveaux organismes créés pour assurer la maîtrise
d’ouvrage déléguée de cette fonction, la SIMMAD et le SSF, ne comptent
pas de représentant de l’état-major des armées dans leur comité directeur
ou conseil de gestion qui fixent pourtant les politiques et les objectifs
pour les divers parcs de matériels, examinent les moyens (notamment
financiers) nécessaires et, de façon plus générale, dirigent les activités et
analysent les résultats des structures et des intervenants chargés de
l’entretien des matériels.
La définition même du maintien en condition opérationnelle a le
mérite de mettre en lumière clairement l’étroite corrélation qui devrait
exister entre l’entretien des matériels et leur utilisation. A ce jour, toutes
les conséquences qui doivent découler de ce principe pour l’organisation
des relations entre l’état-major des armées et les trois armées n’ont pas
été tirées et en particulier pour ce qui concerne le maintien en condition
opérationnelle.
2 – La place de la DGA
La DGA est concernée à un double titre par le maintien en
condition opérationnelle des matériels des armées. D’une part, lors de la
phase de développement/production, elle est responsable de la conception
et de la réalisation du soutien logistique intégré (SLI) qui doit permettre
le maintien en condition opérationnelle durant toute la durée d’utilisation
des matériels. D’autre part, après la mise en service opérationnelle, elle
joue un rôle qui a varié au cours du temps, suivant qu’il s’agissait de
matériels de l’armée de l’air, de l’armée de terre ou de la marine.
DES PROGRES A CONFIRMER
59
a) Lors de la préparation des programmes
L’instruction générale sur la conduite des programmes d’armement
précise notamment qu’en ce qui concerne le maintien en condition
opérationnelle, il convient de :
« - prendre en compte dès le début du programme le souci
d’optimisation du coût global défini comme l’ensemble des coûts
générés par le système durant la totalité de son cycle de vie. Il
comprend par conséquent les coûts relatifs à l’acquisition du
matériel, de son système de soutien et une estimation des coûts
d’utilisation (exploitation et soutien) induits jusqu’au retrait du
service y compris les coûts de démantèlement ; ceci implique en
particulier d’appliquer la méthodologie du soutien logistique
intégré (SLI), qui consiste à préparer, concevoir et réaliser
simultanément le «
système principal
» et le «
système de
soutien » afin d’éviter toute discontinuité lors de la première
mise en service opérationnel ;
-
s’assurer du soutien logistique des premiers modules
opérationnels engageables ou projetables et faciliter la mise en
place de l’ensemble des éléments du soutien en incluant selon le
cas dans le périmètre du programme, au-delà des
approvisionnements initiaux, une partie de maintien en condition
opérationnelle correspondant à une durée significative ;
- réduire les délais de réalisation, pour éviter l’obsolescence des
choix techniques et rendre possible la négociation de contrats
globaux pouvant couvrir à la fois les travaux d’industrialisation,
une tranche significative de la production et une partie du
soutien en utilisation, ce qui permet ainsi d’optimiser
l’organisation industrielle et de réduire les coûts. »
Ces principes, visant à inclure l’étude du soutien dans celle des
matériels eux-mêmes, de façon à l’optimiser, puis à réduire le plus
possible la discontinuité entre la phase de développement/fabrication et
celle du soutien opérationnel, doivent dorénavant être strictement
appliqués par les équipes de programme intégrées (EDPI) qui conduisent
les programmes d’armement.
b) Lors de l’utilisation opérationnelle
Le rôle de la DGA en matière de maintien en condition
opérationnelle des matériels aériens et navals a diminué à la suite de la
création du SSF, puis de la SIMMAD. Ce n’est pas pour autant que la
60 C
OUR DES COMPTES
DGA se désintéresse de la question. Elle considère, en effet, que, entre
1995 et 2002, elle a accompli des progrès dans la conduite des actions
dont elle était chargée dans le domaine du maintien en condition
opérationnelle des matériels aériens, et que les principes qui guidaient
cette démarche demeurent valables pour l’avenir, même dans un contexte
d’organisation différent.
Au plan de l’expertise technique, la DGA détient une compétence
incontournable. Le rôle de maîtrise d’ouvrage que doivent assumer les
structures mixtes chargées du maintien en condition opérationnelle
implique en effet de leur part une compétence technique à un niveau
suffisant pour pouvoir correctement spécifier les prestations à demander
aux divers maîtres d’œuvre ou analyser correctement les conséquences à
tirer d’un incident survenu. La DGA est sans conteste la mieux placée
pour fournir cette compétence technique, soit par la mise à disposition
d’ingénieurs et de techniciens, soit par les avis ponctuels donnés par ses
services de programmes ou ses centres techniques.
En matière d’achats et de contractualisation, la DGA est aussi
mieux placée que les armées pour développer les formules contractuelles
les plus adaptées à chaque cas, dans le respect des contraintes
réglementaires françaises et européennes. Elle est mieux placée
également pour former des acheteurs spécialisés et elle devrait être
chargée d’assurer cette fonction pour l’ensemble des acheteurs de
matériels techniques du ministère de la défense.
La prise en compte des contraintes industrielles exige des
compétences dont elle est particulièrement dotée. Même si la notion de
politique industrielle a beaucoup perdu de sa pertinence, il n’en reste pas
moins que certaines données peuvent orienter le choix d’un industriel
pour assurer une prestation : la pérennité de la filière industrielle et des
compétences correspondantes, la confidentialité de certaines prestations,
etc.
Pour toutes ces raisons, la création des structures mixtes ne doit
pas conduire à un désengagement de la DGA pour le maintien en
condition opérationnelle des matériels, mais elle doit, bien au contraire,
s’y impliquer toujours davantage. A ce titre, et de manière à permettre un
accroissement des échanges entre services concepteurs et services
utilisateurs, la participation de la DGA aux nouvelles structures en charge
de la maîtrise d’ouvrage du maintien en condition opérationnelle devrait
être systématique. Ainsi, le principe de la coprésidence du comité
directeur de la SIMMAD par la DGA et les services utilisateurs, qui est
mis actuellement en pratique au SSF de manière non formalisée, pour
son conseil de gestion, devrait être étendu aux autres structures de ce
type.
DES PROGRES A CONFIRMER
61
3 – L’organisation pour ce qui concerne les matériels terrestres
La nouvelle organisation mise en place comporte certes certains
progrès par rapport à la situation antérieure.
Ainsi la création à la direction centrale du matériel de l’armée de
terre (DCMAT) d’une cellule de suivi et d’animation de la maintenance
en temps réel pour l’ensemble de l’armée de terre est de nature à
améliorer la réactivité de la structure. L’organisation de l’administration
centrale sous une forme davantage matricielle par regroupement, à
l’image de la SIMMAD, des officiers de maintenance par parcs de
matériels devrait permettre une optimisation des compétences. De
meilleures relations avec la DGA devraient être établies grâce au
rapprochement opéré entre l’armée de terre et la DGA, concrétisé par une
convention de mise à disposition de personnels de celle-ci à la DCMAT.
Le décloisonnement entre la chaîne de maintenance et les unités devrait
progresser grâce à l’instauration du droit de regard des directeurs
régionaux du matériel sur l’activité des structures de maintenance
incluses dans les forces.
L’armée de terre a mis en place une organisation qui intègre
certains des principes adoptés par la SIMMAD mais ne lui a donné
aucune vocation interarmées. Certes, la situation des matériels terrestres
et celle des matériels aériens ne sont pas identiques : l’armée de terre met
en œuvre un pourcentage élevé du total des premiers (80 à 85 %), les
seconds sont davantage répartis entre les trois armées et la gendarmerie.
Dans ces conditions, la formule, originale au sein du ministère de la
défense, d’un service qui dépend d’un comité directeur et non pas d’une
autorité unique a sans doute moins de raisons de s’imposer. Mais, à
l’inverse, au-delà des avantages de la formule, reconnus par l’armée de
terre elle-même
(cohérence accrue du maintien en condition
opérationnelle des équipements pendant leur durée de vie, participation
assurée de la DGA, accueil favorable des autres armées), la création de la
SIMMT telle que prévue initialement aurait ouvert bien d’autres
gisements d’efficience et d’efficacité.
Elle aurait notamment permis d’assurer enfin une séparation claire
entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre pour le maintien en
condition opérationnelle de l’armée de terre. Tant que la DCMAT
disposera d’un potentiel interne lui permettant d’assurer des tâches dont
l’industrie pourrait également se charger, elle continuera à se les attribuer
en priorité, puisqu’elle dispose des personnels pour ce faire. Mais
l’absence totale de flexibilité de ses effectifs civils fait peser un risque sur
la continuité des réponses qu’elle peut apporter. Elle ne peut, en effet,
moduler son potentiel, qui varie seulement du fait des départs en retraite,
62 C
OUR DES COMPTES
des transferts en provenance d’autres établissements de l’Etat ou de
sociétés nationales, ou enfin des embauches dont elle bénéficie. Cette
situation génère un comportement erratique dans la politique d’entretien.
Par exemple, un marché avec la société Panhard comportait trois tranches
annuelles de 50 véhicules
VBL
à rénover : la première fut notifiée
normalement
; la deuxième et plus encore la troisième sont plus
qu’incertaines, leur notification n’étant plus une priorité. De même, la
DCMAT commence-t-elle à s’interroger sur l’opération de rénovation des
AMX 10 RC
, dont elle voit maintenant les risques liés à l’organisation
industrielle choisie, mais pour laquelle elle n’a pas retenu à ce jour de
véritable maître d’œuvre.
La création de la SIMMT avait ouvert la possibilité de promouvoir
plus aisément les formules nouvelles de contractualisation du maintien en
condition opérationnelle, domaine où la DGA a acquis une expérience
supérieure à celle des armées et, comme le fait la SIMMAD, de permettre
une « externalisation » des problèmes de matériels terrestres en dehors de
la seule armée de terre. La transparence à laquelle oblige une telle
formule aurait pesé aussi sur les arbitrages financiers, créant ainsi
probablement des conditions plus favorables à ces arbitrages.
La création de cette structure aurait aussi permis d’achever
certaines réformes souhaitées dans les autres armées. Ainsi, l’armée de
l’air voudrait fusionner plusieurs de ses directions actuelles, dont la
direction centrale des matériels de l’armée de l’air (DCMAA), en une
direction unique du soutien. L’absence de la SIMMT la contraint à la
conserver, en contradiction avec les engagements pris lors de la création
de la SIMMAD de ne pas dupliquer les postes de directeur central de la
SIMMAD et de directeur central du matériel. L’armée de l’air travaille
donc sur l’hypothèse de confier à la DCMAT l’entretien de ses matériels
terrestres de manière à pouvoir parachever la réorganisation de ses
structures de soutien.
Pour toutes ces raisons, la Cour estime éminemment souhaitable
que le
« sursis définitif
»
à la création de la SIMMT, ordonné par le
ministre soit mis à profit pour relancer un projet de réforme débouchant
sur la création d’une structure intégrée de maintien en condition
opérationnelle des matériels terrestres de toute les armées.
De ce point de vue, le ministère de la défense britannique offre un
exemple intéressant de regroupement de l’ensemble des missions en
matière de logistique à une seule structure responsable.
DES PROGRES A CONFIRMER
63
Les principes généraux d’organisation du maintien en condition
opérationnelle de l’armée britannique.
Depuis le milieu des années 1990, le ministère de la défense
britannique s’est réorganisé en privilégiant une approche compacte (en
réduisant le format humain et matériel des forces armées), intégrée (par
un mixage très étendu des personnels civils et militaires) et interarmées.
En matière de maintien en condition opérationnelle, cette approche
s’est traduite par une prise en compte des contraintes propres à la
maintenance des matériels, dès le stade de leur conception, et par une
prise en charge totalement transversale aux armées du soutien.
Le choix de réalisation ou d’acquisition d’un équipement est de la
compétence du ministre de la défense sur proposition d’un comité
consultatif (
Investment Approval Board
) composé du chef d’état-major
opérationnel (représentant l’utilisateur futur quelle que soit l’armée
concernée) et des quatre directeurs intéressés dont le directeur des achats
(
Defence Procurement Agency
) et celui de la logistique (
Defence
Logistics Organisation - DLO
) qui assurera par la suite le maintien en
condition opérationnelle des matériels. Le critère de choix entre les
différents vecteurs (terrestres, maritimes ou navals) est fondé sur l’effet
de frappe recherché.
La réalisation de l’équipement est confiée à une équipe de
développement intégrée23 (
Integrated Project Team
) regroupant des
représentants des utilisateurs (de l’armée concernée) mais aussi ceux des
agences chargées des achats, du maintien en condition opérationnelle
futur et des industriels. Cette équipe a vocation à suivre le matériel de sa
conception jusqu’à son retrait de service. Les représentants de l’agence en
charge du maintien en condition opérationnelle sont membres de l’équipe
correspondant au comité directeur de programme ce qui implique leur
accord à tous les stades de réalisation du programme.
23) Certaines de ces IPT ont une double subordination à la Defence Procurement
Agency (direction des achats) et à la Defence Logistics Organisation (chargée de toute
la logistique tant de l’homme que des matériels).
64 C
OUR DES COMPTES
La responsabilité du maintien en condition opérationnelle des
matériels en service incombe à la direction de l’organisation logistique
(DLO) qui l’exerce par le biais de services (
Equipment support)
regroupant les matériels par milieu d’évolution (air, mer et terre) sur un
modèle comparable à celui qui a présidé à la création de la SIMMAD et
du SSF en France.
L’ensemble du dispositif est régi par une culture d’entreprise
passant par la nécessité d’obtenir un effet au niveau de l’utilisateur
opérationnel (
Customer
) et les indicateurs de performance portent sur les
résultats obtenus et non sur les moyens. Le responsable de la chaîne
logistique (
Chief DLO
) est responsable de l’emploi de son budget et rend
compte à ses « clients » envers lesquels il s’est engagé par contrat à
fournir un certain niveau de prestation.
B – La consolidation des structures existantes
1 – La SIMMAD
a) L’organisation des approvisionnements
L’évolution des taux d’indisponibilité résultant respectivement de
la maîtrise d’ouvrage déléguée de la SIMMAD et de la maîtrise d’œuvre
fait apparaître la nécessité de conforter la chaîne d’approvisionnement en
rechanges. La SIMMAD estime que le niveau excessif des taux
d'indisponibilité technique provient notamment de l'attente de pièces pour
les opérations de maintenance courante et de problèmes liés aux équipes
de maintenance.
Ce constat a d'ailleurs été à l'origine du contrat expérimental passé
entre la DCMAA et la SIMMAD, qui, selon le directeur de la première, a
commencé à porter ses fruits. Le délai d'acheminement et de distribution
des matériels "essentiels" ou "critiques" (qui bénéficient à ce titre d'une
priorité), mesuré entre le moment où est passé l'ordre de mouvement et la
remise au destinataire, a été sensiblement réduit, passant d'une semaine à
3 jours en 2003.
Néanmoins, il apparaît indispensable de sécuriser ces délais.
L'externalisation des processus de transport est étudiée à cette fin. En
particulier la DCMAA envisage de sous-traiter le transport des pièces en
le confiant à des sociétés spécialisées pour régulariser les
approvisionnements. Cette voie paraît devoir être encouragée.
DES PROGRES A CONFIRMER
65
b) Le dimensionnement des équipes de maintenance
La SIMMAD considère que les faiblesses constatées quant aux
délais de maintenance sont dues à la fois à des attentes de main d'œuvre
pour certaines flottes, liées à un dimensionnement insuffisant des effectifs
et à un étalement insuffisant de la capacité de travail sur l'année qui
dégrade les performances, en particulier pendant les périodes de
vacances.
Cette argumentation mériterait d'être affinée, car si les effectifs des
niveaux NTI 1 et NTI 2 ont baissé de 19 % entre 1997 et 2003 (hors
activités sur les flottes d'avions écoles), le nombre d'appareils a été
également nettement réduit. Le parc total des appareils de l'armée de l'air
est passé de 1 278 unités fin 1996 à 1 096 unités début 2003 (-17 %).
Globalement, les effectifs affectés à la maintenance n'ont donc pas
"divergé" significativement par rapport au nombre d'appareils.
Tableau n° 15 :
Evolution des effectifs globaux affectés à la maintenance NTI 1 et NTI 2
de l'armée de l'air
1999 2000 2001 2002 2003
1 979
1 873
1 739
1 733
1 667
CFAS
618 608 603 538 527
CFAP
1 186
1 180
1 179
1 077
1 075
CEAA
974 979 977 965 945
TOTAL
4 757
4 640
4 498
4 313
4 214
(Source : EMAA)
Surtout, la corrélation entre la variation globale des effectifs et la
dégradation de la disponibilité pour cause technique n'est pas établie : la
disponibilité technique ne s'est pas dégradée proportionnellement à la
baisse des effectifs sur cette période ; au contraire, elle s'est globalement
améliorée en 2002 et sur de nombreuses flottes, alors même que la baisse
des effectifs se poursuivait.
Néanmoins, il est incontestable que la qualité de la maintenance
dépend de la disponibilité des ressources humaines "au bon moment et au
24) CFAC : commandement de la force aérienne de combat.
CFAS : commandement de la force aérienne stratégique.
CFAP : commandement de la force aérienne de projection
CEAA : commandement des écoles de l’armée de l’air
66 C
OUR DES COMPTES
bon endroit". A cet égard, l'optimisation des effectifs suivant les types de
maintenance et suivant les besoins des différentes flottes est une absolue
nécessité pour assurer la qualité du service. Elle suppose que l'état-major
dispose d'une réelle connaissance de la productivité et de l'efficacité
technique comparées des équipes de maintenance au sein de l'armée de
l'air.
c) La consolidation de la SIMMAD
Les objectifs fixés en matière de structures ou de moyens pour
l’organisation et le fonctionnement de la SIMMAD ont été atteints en
septembre 2003 avec le transfert complémentaire des attributions
d’ordonnateur-répartiteur des pièces de rechange aéronautiques, de
maîtrise d'ouvrage déléguée de la maintenance et de la distribution des
pièces de rechange ainsi que de l’acquisition des matériels aéronautiques.
Les effectifs devraient atteindre 902 personnes par transferts
complémentaires des différentes armées.
Depuis septembre 2003, la SIMMAD détient vraiment la
responsabilité du maintien en condition opérationnelle en qualité de
maître d'ouvrage et d'ordonnateur. Il paraît donc indispensable de laisser
cette organisation produire ses effets pour pouvoir mesurer sur la durée
son efficacité.
Compte tenu des transferts d'attributions du SMAA vers la
SIMMAD et de la nouvelle responsabilité de maître d'ouvrage de celle-ci
vis-à-vis des commandements organiques pour l'entretien, une évolution à
moyen terme devrait cependant être envisagée.
Une telle réforme viserait à simplifier encore la structure de
l'armée de l'air et à disposer d'une chaîne de maintenance structurée
autour de deux pôles, la SIMMAD en qualité d'ordonnateur et de maître
d'ouvrage de l'ensemble du maintien en condition opérationnelle des
matériels aéronautiques et le commandement du soutien, maître d'œuvre
de toute la maintenance réalisée au sein de l'armée de l'air intégrant donc
la direction centrale du matériel de l’armée de l’air.
Une autre option pourrait être de décharger la DCMAA de ses
responsabilités en matière de matériels terrestres au profit d’une structure
de maîtrise d’ouvrage du maintien en condition opérationnelle des
matériels terrestres. En l’absence d’une structure interarmée, l’armée de
l’air envisage de confier le suivi de ces matériels à la DCMAT.
DES PROGRES A CONFIRMER
67
2 – Le service de soutien de la flotte
a) La place du SSF dans la marine
L’évolution du périmètre des compétences du SSF, service conçu à
l’origine comme maître d’ouvrage du maintien en condition
opérationnelle qui s’est vu greffer peu à peu des fonctions
complémentaires, pose la question plus large de son rôle au sein de la
marine.
La répartition des tâches en matière de maintien en condition
opérationnelle de la marine montre que, même après la constitution du
SSF, elles restent largement dispersées entre plusieurs acteurs.
L’organisation de la maîtrise d’ouvrage, au sens strict du terme,
comprise comme le pilotage stratégique des choix et des grandes options
de la marine en matière de maintien en condition opérationnelle, reste
clairement de la compétence de l’état-major de la marine dont le bureau
«
soutien des bâtiments et formations à terre
» de la division
« opérations/logistique » a la charge de la fixation des objectifs, des
ressources et de la conception générale.
Si le SSF est bien maître d’ouvrage du maintien en condition
opérationnelle de la flotte en service, il n’est pas l’unique intervenant sur
les bateaux. On constate sur les chantiers que d’autres maîtres d’ouvrage
peuvent être amenés à faire travailler leurs équipes, tels le service des
systèmes d’information de la marine (SERSIM), le service de santé des
armées (SSA), mais aussi des services de la DGA intervenant
simultanément au titre de leurs compétences sur certains équipements ou
programmes.
Dans les faits, le coordinateur de l’ensemble de ces chaînes n’est
pas le SSF, ce qui est pourtant sa vocation, mais l’échelon de maîtrise
d’œuvre d’ensemble que constitue le commandant du bâtiment
pour
toutes les opérations ne relevant pas du domaine de l’indisponibilité
périodique (IPER). Le SSF tente de se faire reconnaître comme
coordinateur des maîtres d’ouvrage afin de garantir aux bateaux la
cohérence de leurs interventions. A ce titre, il a passé un protocole avec le
service des programmes d’observation de la terre et de l’informatique de
la DGA, qu’il se propose de soumettre aux autre maîtres d’ouvrage de la
marine de la DGA.
25) IM n°602/DEF/EMM/OPL/STN du 9 août 2000
68 C
OUR DES COMPTES
Il est également en mesure de le faire dans le domaine de la
maîtrise d’œuvre. En effet, en matière de pyrotechnie, ses attributions le
conduisent à exercer les fonctions de stockage, d’entretien et de
délivrance. Il en est de même en matière de rechange où, même si le
magasinage et le ravitaillement sont assurés par le commissariat, le SSF
est amené à intervenir au niveau le plus élémentaire. Le SSF intervient
aussi en matière de combustibles et de lubrifiants par l’intermédiaire du
SECLEF, qui accomplit des tâches techniques.
De même, en matière d’entretien des bateaux, sa compétence
technique, sans équivalent dans la marine conduit souvent les cadres du
SSF à assurer des missions d’expertise lors des opérations théoriquement
conduites par les équipages ou les ateliers militaires de la flotte (AMF).
Le rôle des ateliers militaires de la flotte est de mettre à la
disposition du commandement des moyens industriels autonomes pour
pouvoir reconstituer dans les cas d’urgence la disponibilité d’un matériel
dans les plus brefs délais. Dans ce cadre, leur compétence s’exerce sans
aucune exclusivité de niveau d’intervention.
Ces ateliers remplissent un rôle important dans la marine,
garantissant, particulièrement depuis le changement de statut de la DCN,
l’autonomie de la marine en matière d’entretien. Incidemment, ils
regroupent des métiers très spécialisés qu’on ne trouve plus chez les
industriels, faute de marché. Il en résulte que même si ces ateliers ont
surtout pour fonction de répondre à des besoins urgents, ils ont des plans
de charge remplis par des opérations de maintenance ordinaire. Pendant la
période de montée en puissance du SSF, ils ont été très sollicités pour
assurer des tâches pour lesquelles il n’existait pas de marché ou plus
simplement pour participer à l’effort d’ensemble de la marine en vue de
restaurer la disponibilité de ses matériels.
Sur le principe, il est de bonne gestion d’attribuer à ces ateliers un
plan de charge suffisant, d’une part pour optimiser l’utilisation de leurs
moyens, d’autre part pour maintenir à niveau leurs compétences. On peut
néanmoins craindre le risque de reconstitution par ce biais des arsenaux
de taille plus réduite au sein de la marine.
Ces ateliers sont, avec les équipages, le seul moyen d’intervention
qui n’est pas sous l’autorité directe du SSF. Ils sont néanmoins sous son
autorité fonctionnelle. Dans la réalité, le rattachement hiérarchique des
ateliers militaires de la flotte à la base navale est cependant assez artificiel
puisque la seule autorité disposant de la capacité de piloter l’activité des
ateliers dans une base navale est le directeur local du SSF. C’est d’ailleurs
ce dernier qui établit leur plan de charge. L’imbrication est telle que
DES PROGRES A CONFIRMER
69
l’indicateur de suivi de l’activité des ateliers est présenté au chef d’état-
major de la marine par le SSF parmi ses indicateurs propres.
b) Les hypothèses d’évolution
Historiquement, la marine a toujours mêlé étroitement la maîtrise
d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre. Cette question a pris une actualité
nouvelle d’abord avec la création du SSF, puis surtout après la sortie de la
DCN du périmètre étatique.
Le retour à l’orthodoxie organisationnelle nécessiterait de
décharger le SSF de toutes les fonctions de maîtrise d’œuvre qui lui ont
été confiées depuis sa création. D’après l’inspection des armées, ces
fonctions risquent d’empêcher le SSF de concentrer son énergie sur ses
fonctions de maîtrise d’ouvrage et ne doivent pas «
le distraire de la
nécessaire réflexion stratégique sur l’amélioration et la pérennisation du
maintien en condition opérationnelle
». Cet argument ne prend pas en
compte la distinction entre les fonctions étatiques et les fonctions non
étatiques, introduite par la sortie de la DCN de la sphère de l’Etat qui
paraît devoir emporter plus de conséquences pour la marine.
Dès lors, deux solutions s’ouvrent à la marine.
La première option consisterait à retirer au SSF les fonctions de
maître d’œuvre ainsi que les autres ajouts. La réalisation de cette option,
qui a le mérite de respecter les principes, buterait toutefois sur l’absence
de structure susceptible de recevoir ces attributions. Dès lors, le risque
serait grand de voir se créer une nouvelle entité administrative ayant
vocation à effectuer les opérations de maîtrise d’œuvre de la marine. Une
duplication, voire une redondance, des compétences (et des moyens) avec
ceux du SSF serait alors à craindre. La création d’un grand
commandement logistique regroupant les moyens de la direction des
travaux maritimes et du commissariat de la marine avec ceux de la
maîtrise d’œuvre technique ne réglerait pas le problème puisque le même
besoin en spécialistes se ferait sentir.
La deuxième option consisterait au contraire à élargir les
compétences du SSF, en intégrant les ateliers militaires de la flotte dans le
service et une branche opérationnelle dédiée aux activités de maîtrise
d’œuvre que le service exerce déjà dans les faits en matière de munitions
et de rechanges. Les effectifs d’une telle structure devraient être
strictement limités afin de ne pas recréer une nouvelle DCN.
70 C
OUR DES COMPTES
II – Les relations clients-fournisseurs
A – L’évolution des modes de contractualisation
Toute réforme des structures chargées du maintien en condition
opérationnelle des armées laisse pendante la question des relations entre
l’Etat-client et ses fournisseurs quels qu’ils soient, privés ou publics. De
ce point de vue, si des évolutions importantes sont déjà intervenues, les
risques particuliers au domaine du maintien en condition opérationnelle
conduisent à y accorder une attention particulière.
1 – Les nouveaux modes de contractualisation
La recherche de nouveaux modes de contractualisation visait à
optimiser les achats de rechanges et les opérations d’entretien qui
deviennent de plus en plus complexes. Elle fut accélérée après la création
des structures nouvelles.
Principale innovation, le procédé du contrat global présente les
avantages suivants :
- forfaitisation et globalisation des prestations, grâce à la passation
de contrats au forfait à l’heure de vol ou au jour de mer, ce qui
permet d’obtenir des industriels titulaires des garanties de
disponibilité des matériels ;
- regroupement des commandes ;
- continuité du service pour l’utilisateur ;
- rationalisation progressive des formules contractuelles.
La DGA et l’armée de l’air avaient conclu des contrats à l’heure de
vol, d’abord pour des appareils proches des gammes civiles (
Falcon 50 et
900, A 310, DC 8, AWACS
), avec d’excellents résultats de disponibilité,
puis pour des moteurs (
Tyne
des
Transall
et
Atlantique
, gamme des
moteurs
Turboméca
pour les hélicoptères). Ces contrats concernaient
l’ensemble du maintien en condition opérationnelle
: rechanges,
réparations, interventions sur sites, formation, traitement des
obsolescences, etc.
Depuis, cette pratique des contrats globaux s'est développée. L’un
d’entre eux, par exemple, intègre un service complet de prestations
d’entretien, de pièces de rechange, de transport, de formation, d'assistance
et de veille technique, de documentation, etc.… L'engagement porte sur
DES PROGRES A CONFIRMER
71
une disponibilité minimale et sur des remplacements immédiats en cas de
défaillance. Ce contrat permet de transférer à l'industriel une grande partie
des fonctions précédemment assurées soit par la DGA, soit par les unités
d'entretien de l'armée de l'air. Dans un document de janvier 2002, la DGA
estimait que l'économie de ce contrat par rapport à un maintien en
condition opérationnelle classique représente environ 11 % du montant du
marché.
Au début de 2004, pour la marine, est entré en vigueur un nouveau
contrat d’entretien global des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA)
fondé sur la contractualisation du nombre de jours de disponibilité des
sous-marins assortie d’un régime de sanction du cocontractant suivant le
niveau des résultats. Les deux objectifs visés par cette contractualisation
sont de faire réaliser l’entretien à flux financier constant en accroissant le
taux de la disponibilité qualitativement comme quantitativement.
Ce nouveau contrat d’entretien des SNA remplace 8 contrats
internes, des marchés d’approvisionnement et des marchés de dépannage.
A ce titre, il participe pleinement à la réalisation de l’objectif
d’optimisation de la politique contractuelle du SSF.
Pour les matériels aériens, une autre initiative a consisté à
commander à un opérateur logistique retenu après compétition la
fourniture d’un service : « fournir, à la demande des utilisateurs, la bonne
pièce de rechange, au bon endroit, dans les meilleurs délais, au meilleur
coût ». Baptisé ORRMA (optimisation du réapprovisionnement des
rechanges des matériels aéronautiques des forces armées françaises), ce
projet concerne les pièces de rechange qualifiées de « consommables »,
c’est-à-dire remplacées systématiquement, et non pas réparées, en cas de
panne ; l’enjeu annuel est d’environ 170 M€.
Enfin, des efforts tendent à remplacer les stocks « Etat » de pièces
de rechanges, financés par l’Etat, par des stocks industriels, financés par
ces derniers, voire à revendre à l’industrie les stocks « Etat » existants.
2 – Une formule à surveiller
Par rapport aux errements antérieurs, la Cour considère que la
démarche consistant à recourir à des contrats globaux est
incontestablement novatrice pour les armées françaises, alors qu’elle est
largement utilisée pour des parcs de matériels civils (cellules et moteurs
72 C
OUR DES COMPTES
des flottes aériennes, flottes de camions, etc.), qu’elle est aussi la règle
dans certains pays étrangers
Les premiers résultats obtenus en termes de disponibilité des
matériels semblent encourageants. Ces formules permettent notamment
des économies d’échelle lors de la passation des contrats par suppression
des charges liées à la conservation et à l’entretien des stocks. Ainsi, pour
le SSF, le gain envisagé sur le contrat d’entretien des SNA paraît évident
en termes d’optimisation et de simplification des procédures, au-delà des
économies attendues à hauteur de 3 et 4 M€ par an dès la deuxième année
de mise en oeuvre. La DCN y trouve également un intérêt en termes de
motivation de ses équipes, de simplification des contrats et de garantie du
financement dans la durée, lui permettant aussi de faire peser une
contrainte de fidélisation sur ses sous-traitants.
Néanmoins, il reste à vérifier aussi que ces avantages ne sont pas
obtenus à un prix trop élevé. En effet, si les contrats globaux impartissent
au titulaire du marché une obligation de résultat quels que soient les
éventuels événements, y compris les plus improbables, et si, de plus, le
titulaire du contrat de maintien en condition opérationnelle est en
situation de monopole parce qu’il a construit le matériel neuf, sa position
dans les négociations financières peut être très forte. Le risque est
d’autant plus réel que, par la force des choses, la globalisation de
l’entretien entraîne immanquablement une perte d’informations du
prescripteur étatique. D’ailleurs, la DGA admet que, pour les contrats
globaux dits « de première génération », cette critique ne manquait pas de
justification. Elle indique cependant disposer des moyens, au moins
théoriques, de vérifier, grâce à ses enquêteurs, les marges réellement
obtenues par les titulaires des contrats. Pour les nouveaux contrats, dits
« de deuxième génération », le forfait n’inclura pas les événements
d’importance majeure ou de survenance trop aléatoire, dont les
conséquences seront financées par une provision incluse dans le contrat et
mobilisable sur décision de l’Etat (cas du contrat d’entretien des SNA
négocié par le SSF). Il subsiste également un risque de nombreux
contentieux au cours de l’exécution de ces contrats, même si des règles
d’évaluation sont prévues et des arbitres désignés.
Enfin, les contrats globaux comportent un risque intrinsèque
résultant de leur durée. En effet, ils sont d’autant plus intéressants pour
l’Etat, comme pour l’industriel soumissionnaire, que leur durée est
longue. Se profile le risque de voir sacrifier l’entretien des matériels hors
contrats globaux, généralement plus anciens et donc en moins bon état, au
26) La Grande Bretagne a confié l’ensemble de la fonction maintien en condition
opérationnelle à l’organisation Defence Logistics Organisation (DLO)
DES PROGRES A CONFIRMER
73
profit des matériels plus récents dont le maintien en condition
opérationnelle aura été contractualisé globalement.
La formule des contrats globaux n’est donc pas une panacée ; ses
résultats, notamment au plan financier, doivent faire l’objet d’une
attention toute particulière des autorités de contrôle du ministère.
Il sera notamment intéressant de vérifier à l’usage si les résultats
obtenus correspondent aux attentes, compte tenu des particularités des
parcs de matériels militaires, qui n’ont souvent qu’un seul utilisateur,
l’Etat français, et dont le volume est limité et le vieillissement moyen, au
contraire des parc de matériels civils (avions, bateaux ou véhicules
terrestres et de moteurs), jamais stabilisés dans le temps.
B – Les relations entre l’Etat actionnaire et l’Etat
client
1 – La place des industriels étatiques
Une des conditions nécessaires au redressement des taux de
disponibilité des matériels est qu’il existe, pour assurer le maintien en
condition opérationnelle, des industriels détenant la compétence
nécessaire. Il apparaît clairement aujourd’hui que, même dans le domaine
de l’armement terrestre, dont les matériels sont moins complexes ou
soumis à des contraintes de sécurité moins exigeantes et où la tradition
autarcique est plus forte, c’est à l’industrie que devra échoir un rôle
toujours plus grand de maîtrise d’œuvre. La complexité croissante des
matériels, la limitation des moyens propres des armées maintenant
professionnalisées, la mise en place de formules innovantes comme les
contrats globaux basés sur des obligations de résultats, et non plus de
moyens, vont dans ce sens.
Encore faut-il que l’industrie soit en mesure de jouer le rôle
désormais attendu d’elle. Et, sur ce point, la situation est très différente
suivant les secteurs concernés.
Fort logiquement, les premiers contrats globaux de maintien en
condition opérationnelle ont été conclus pour l’entretien des matériels
aériens (aéronefs, moteurs et équipements). En effet, les industriels
constructeurs existent en tant que tels depuis de nombreuses décennies ;
la sécurité des vols impose depuis toujours qu’ils continuent à suivre le
comportement de leurs matériels en utilisation ; leurs activités civiles les
ont habitués à prendre les moyens d’assumer des responsabilités toujours
croissantes dans le domaine du maintien en condition opérationnelle ;
74 C
OUR DES COMPTES
enfin, les armées disposent de peu de moyens propres pour assurer les
tâches de l’espèce.
En ce qui concerne les matériels terrestres et navals, la situation
paraît moins favorable. Ces matériels ont été longtemps construits dans
les arsenaux des anciennes directions des constructions navales et de
l’armement terrestre au sein même du ministère de la défense. Certes, ces
dernières ont été transformées en sociétés nationales, mais ce changement
de statut a été très long à se concrétiser : GIAT industries n’a été créée
qu’en 1991, au terme d’un processus amorcé en 1968, la DCN seulement
en 2003 et ces deux sociétés sont loin d’avoir atteint leur maturité
industrielle. Pour la DCN, la chose est évidente, étant donné la date fort
récente de sa création. Elle l’est malheureusement aussi pour GIAT
industries, malgré les treize ans qui la séparent maintenant de sa création.
Dans divers rapports successifs
, la Cour a eu l’occasion d’analyser les
raisons de cet état de fait.
2 – Les risques pesant sur les relations entre l’Etat et les
industriels étatiques
Dans ce contexte, l’Etat se trouve occuper vis-à-vis de ces sociétés
plusieurs positions distinctes et parfois contradictoires. Il en est d’abord
l’actionnaire unique et, à ce titre, il doit constituer ou renouveler leur
capital. Mais il en est également le client principal, voire prépondérant :
les commandes des armées représentent les trois quarts en moyenne de la
charge de travail totale. Face à des problèmes financiers permanents du
fait de l’ampleur des besoins à satisfaire, les arbitrages financiers
indispensables conduisent parfois à fixer le volume des commandes
réelles à un montant éloigné des intentions initiales. Ce fut notamment le
cas lors des premières années d’existence de GIAT industries,
concomitantes il est vrai avec l’effondrement du bloc soviétique qui
conduisit à une réduction des budgets militaires et à une redéfinition des
matériels nécessaires. Il serait éminemment souhaitable que cette
situation ne se reproduise pas au moment où la DCN prend son essor dans
le cadre de son nouveau statut d’entreprise industrielle et où GIAT
industries tente, une nouvelle fois, de trouver un équilibre grâce à un plan
de restructuration drastique. La Cour note que, dans les deux cas, un plan
d’entreprise détaillant les intentions de l’Etat actionnaire, de l’Etat client
et de l’entreprise elle-même a pu être établi. Le respect de ces plans par
les deux parties concernées est évidemment une condition nécessaire à la
survie même de ces sociétés.
27) Notamment dans le rapport public particulier d’octobre 2001 sur les industries
d’armement
DES PROGRES A CONFIRMER
75
Cependant, ces mêmes contrats d’entreprise contredisent la volonté
affichée par l’Etat client d’ouvrir à la concurrence extérieure ses
commandes. Ainsi en est-il, par exemple, des bateaux de la marine
nationale dont le SSF n’exclut pas de confier l’entretien à des chantiers
civils. Même si, pratiquement, peu de chantiers civils en Europe seraient
capables de prendre en charge l’entretien des bâtiments les plus fortement
armés et même s’il paraît inopportun, par ailleurs, d’envisager de confier
à des chantiers étrangers, fussent-il étatiques, l’entretien de la marine
nucléaire, la question de la réelle capacité des services de la défense à
diversifier leurs prestataires reste posée.
L’Etat se trouve être également opérateur direct pour certaines
tâches de maintien en condition opérationnelle relevant de responsabilités
industrielles. Tel est le cas dans le domaine des matériels aériens, avec les
ateliers industriels de l’aéronautique. Cela l’est également pour les
matériels terrestres, pour lesquels, pendant trop longtemps, l’armée de
terre a consacré des moyens importants afin d’effectuer dans les
établissements de la direction centrale des matériels des travaux qui, à
l’évidence, ne relevaient pas d’elle.
Ces responsabilités de l’État à l’égard de ses structures
industrielles influent sur les choix en matière de maintien en condition
opérationnelle. Ainsi, en 2004, malgré l’augmentation globale de ses
crédits, l’armée de l’air a dû diminuer d’un tiers les crédits de maintien en
condition opérationnelle affectés aux rechanges aéronautiques. L’État ne
pouvant ajuster ses structures à ses moyens va devoir répartir les charges
industrielles de l’année entre les trois ateliers industriels de l’aéronautique
existants.
Enfin, l’État est, bien entendu, le prescripteur des commandes qui
lui sont destinées. Ainsi le service des programmes de la délégation
générale pour l’armement a parfois du mal à trouver sa juste place vis-à-
vis de sociétés qui lui étaient auparavant en quelque sorte
consubstantielles. Ces mêmes services doivent également prendre en
compte l’évolution du code des marchés publics. L’obligation de recourir
à la concurrence dans un cadre national ou européen peut en effet se
trouver en contradiction avec le souhait d’assurer une charge de travail
effective la plus voisine possible des prévisions antérieures.
76 C
OUR DES COMPTES
Les sociétés, de leur côté, auront bien des efforts à accomplir pour
parvenir à une maturité industrielle suffisante, dans le domaine de
l’organisation, comme dans celui de la gestion des ressources humaines,
pour pouvoir attirer les spécialistes qui leur manquent, et assurer la
productivité nécessaire.
En définitive, la réussite des industriels étatiques, pour l’instant
GIAT industries et DCN, est un des facteurs clef du redressement durable
de la disponibilité des matériels. Elle suppose la conjonction des efforts
de l’Etat et des entreprises elles-mêmes, mais elle est, aujourd’hui, loin
d’être acquise.
III – Les moyens financiers
Après le redressement constaté des moyens alloués au maintien en
condition opérationnelle des armées, la nouvelle loi de programmation
militaire pour 2003-2008 a intégré une stabilisation des moyens dévolus à
cette fonction. Le succès des actions déjà engagées repose sur le réalisme
des prévisions.
1 – Les évaluations de besoins
Lors de l’élaboration de la loi de programmation 2003-2008,
chaque armée a procédé à une évaluation de ses besoins à venir en
matière de maintien en condition opérationnelle. Adoptant des clés de
calcul propres, les armées ont défini l’enveloppe prévisible de leurs
besoins à l’échéance de cette loi et parfois jusqu’à la date de réalisation
complète du modèle d’armée 2015.
Ces chiffrages prennent en compte les entrées en service de
nouvelles flottes de matériels, en fonction des échéances retenues à ce
jour.
DES PROGRES A CONFIRMER
77
Tableau n° 16 :
Evolution prévue des crédits de maintien en condition opérationnelle en
LFI sur la durée de la LPM 2003-2008
(en M€ 2003)
2003 2004 2005 2006 2007 2008
EPM* Titre V
2 609
2 852
2 862
2 849
2 694
2 620
EPM
Titre
III
54
Total EPM
2 663
2 852
2 862
2 849
2 694
2 620
Titre V total
13 644
14 655
14 720
14 840
14 960
15 080
% EPM/T V
19,52 %
19,46 %
19,45 %
19,20 %
18,01 %
17,37 %
* Entretien programmé des matériels
Source : ministère de la défense
Les crédits à programmer au titre du maintien en condition
opérationnelle sont constants sur la période avec une moyenne annuelle
de 2 760 M€ (hors charges de personnel), soit la moyenne de la dotation
de la loi de programmation précédente.
Ces prévisions reposent sur des hypothèses qui apparaissent à la
Cour sujettes à caution.
Pour la marine et l’armée de l’air par exemple, l’avion de combat
Rafale,
qui a vocation à devenir le chasseur polyvalent commun à ces
deux armées, et dont le coût de soutien est actuellement de 35 000 € à
l’heure de vol devrait, selon le ministère, voir son coût de soutien
diminuer jusqu’à atteindre le niveau de 10 000 € à l’heure de vol pour le
Rafale
« Air » et 7 000 € pour le
Rafale
« Marine » en 2012. Certes, il est
logique qu’un tel appareil, dont l’entretien pâtit actuellement du double
handicap de sa jeunesse et du faible nombre d’exemplaires en service,
voie ce coût diminuer avec la croissance du nombre d’exemplaires en
service et l’achèvement de sa mise au point. Par ailleurs, cet appareil a été
conçu pour permettre une maintenance au moindre coût (contrôle
automatisé des dysfonctionnements, par exemple).
Mais l’expérience montre que l’évolution du coût de soutien d’un
aéronef est en pratique directement proportionnelle à l’évolution du coût
de soutien de sa motorisation. Or, le
Rafale
est équipé de moteurs
différents de ceux des avions qu’il doit, à terme, remplacer. En outre,
c’est un aéronef incomparablement plus complexe, en termes d’avionique
et de système d’armes que tous ses prédécesseurs, ce qui lui confère une
meilleure fiabilité mais occasionne également des coûts d’entretien plus
élevés. Il paraît donc illusoire d’envisager que le coût de soutien d’un tel
78 C
OUR DES COMPTES
aéronef puisse, à échéance 2012, être identique au coût actuel du maintien
en condition opérationnelle du
Super étendard modernisé
.
Ce doute est d’ailleurs étayé par le fait que la post-qualification du
moteur initialement prévue à l’échéance de 50 000 heures de vol a été
portée à 100 000 heures de vol. Le coût de cette post-qualification se
monte désormais à 180 M€, dont environ 50 M€ seront pris en charge sur
des crédits de maintien en condition opérationnelle (le reste étant financé
sur les ressources du programme). De plus, la durée de réalisation du
programme, de plus en plus longue, génère des effets d’obsolescence.
Ainsi, il faut d’ores et déjà modifier certains éléments des
Rafale
entrant
en service. Dans l’avenir, ces questions d’obsolescence des composants
vont prendre une importance grandissante, non encore chiffrée à ce jour.
Le même type d’inconnue pèsera sur le maintien en condition
opérationnelle du futur
A 400 M
, qui sera équipé de 4 moteurs de plus de
10 000 cv chacun, défi technique unique jusqu’à présent, dont les
conséquences sur le dimensionnement des opérations d’entretien
nécessaires risquent d’être importantes.
L’impact des restructurations industrielles est un autre exemple des
augmentations prévisibles du coût du maintien en condition
opérationnelle. Ainsi, dans la marine, le changement de statut de la DCN
a considérablement fait croître les coûts de ses prestations. En effet, avant
2000, la DCN facturait ses prestations en coût de production, sans marges
ni provisions. En 1999, la charte de gestion
signée par la DCN, service
à compétence nationale, prévoyait qu’à partir de 2000, ce service devait
inclure dans ses prix facturés ces deux éléments. Par ailleurs, les surcoûts
liés à l’aménagement et la réduction de travail avaient été évalués par le
contrôle général des armées à près de 11 %. Et parallèlement, les
négociations salariales ont entraîné une augmentation du coût de la main
d’œuvre ouvrière de 9,95 % entre 1999 et 2002. Lors de la première
transformation de la DCN, les coûts d’entretien ont donc déjà subi une
augmentation significative.
A compter du 1
er
juin 2003, les facturations de la DCN ont encore
augmenté mécaniquement puisque, étant devenue une société de plein
exercice, elle doit désormais facturer ses prestations en incluant la TVA
au taux normal de 19,6 % ainsi que la taxe professionnelle. Se sont
rajoutés à ces charges supplémentaires, seulement partiellement et
temporairement compensées par des ressources complémentaires allouées
à la marine, les coûts liés à l’occupation des emprises de la marine qu’elle
continue à utiliser, mais désormais à titre onéreux.
28) Instruction interministérielle du 5 octobre 1999 portant charte de gestion de la
DCN.
DES PROGRES A CONFIRMER
79
Ainsi, entre 2000 et 2003, le coût des unités d’œuvre de la DCN a
progressé, suivant le type de prestation, de 10 % pour les études à 39 %
pour un chantier de sous-marin.
Cette augmentation des coûts de la DCN pourrait être maîtrisée si
la nouvelle société réalisait les gains de productivité espérés, ce qui n’est
toujours pas le cas. Son plan d’entreprise prévoit, en effet, des gains de
productivité de l’ordre de 2 % par an. Or, pour que les opérations
d’entretien des bâtiments de la marine puissent être réalisées dans le cadre
des prévisions de la LPM, il faudrait que la DCN réalise des gains de
l’ordre de 3 % par an.
Ces quelques exemples font apparaître les risques importants
d’augmentation structurelle des coûts auxquels vont être confrontées les
autorités chargées du maintien en condition opérationnelle. La Cour
considère, par conséquent que les prévisions
a minima
de financement du
maintien en condition opérationnelle des armées découlant de la loi de
programmation militaire 2003-2008, calées au surplus sur les réalités peu
satisfaisantes de la précédente LPM, sont très fortement sous-évaluées par
rapport aux évolutions vraisemblables.
2 – L’échéance 2005
Les premiers effets des insuffisances de crédits se font d’ailleurs
sentir dès à présent, de manière différente suivant les armées.
Pour l’armée de l’air, le modèle d’armée 2015 résultant des
hypothèses du Livre blanc de la défense a retenu le volume de 300 avions
de combat polyvalents en ligne de type
Rafale
. Lors de la redéfinition de
ce modèle, préalable à l’élaboration de la loi de programmation 2003-
2008, la notion de flotte polyvalente a disparu au profit de celle de flotte
composite, intégrant les
Mirage 2000
.
Confrontée aux difficultés budgétaires, l’armée de l’air a choisi de
rallier cet objectif de 300 avions de combat, dès 2008, pour réaliser des
économies sur le maintien en condition opérationnelle grâce à un retrait
anticipé d’une partie de sa flotte. Mais, le modèle retenu repose sur
l’hypothèse que, après 2008, les ressources seront suffisantes pour
maintenir correctement 300 avions de combat jusqu’en 2015.
Le risque de dérive des prix de l’industriel est d’ores et déjà une
réalité pour la marine. Ainsi, en mai 2004, le SSF a dû négocier une
grande visite (IPER) d’une frégate. Le prix initial établi par la DCN se
montait à 12 M€ alors qu’un contrat recouvrant strictement le même
périmètre, passé pour l’IPER d’un navire de même caractéristique avait
été réalisé en 2002 pour seulement 7,5 M€. La durée de réalisation de
80 C
OUR DES COMPTES
l’IPER est pourtant moins longue qu’en 2002, la DCN ayant réussi à
optimiser ses processus. Si le contrat a pu être ramené à 9,8 M€,
l’augmentation en moins de deux ans atteint néanmoins près de 30 % du
coût de cette opération.
Pour les matériels terrestres, la hausse des dépenses
d’investissement et de fonctionnement courant exerce une pression très
forte sur celles de maintien en condition opérationnelle. L’armée de terre
a fait le choix de préserver (« sanctuariser ») les dépenses de maintien en
condition opérationnelle de ses matériels mais craint, avec l’arrivée dans
ses parcs de matériels de plus en plus rapidement soumis aux risques
d’obsolescence, de ne pouvoir faire face à ses besoins.
Les risques de dégradation seront d’autant plus élevés qu’ils
résultent non pas de choix stratégiques, mais de mesures d’urgence prises
sous contrainte. L’expérience vécue de l’exécution de la dernière loi de
programmation militaire montre que les effets à moyen terme de la
diminution des crédits de maintien en condition opérationnelle se font
sentir durablement tant au plan industriel qu’au plan de la disponibilité
des matériels militaires.
***
Plusieurs facteurs expliquent la faiblesse des résultats enregistrés.
La réorganisation des structures en charge du maintien en
condition opérationnelle des armées a entraîné un relatif déplacement vers
les maîtres d’œuvre des causes des indisponibilités. Même lorsque les
rechanges sont correctement approvisionnés, ils ne se trouvent pas
forcément au bon endroit et au bon moment. A l’avenir, le fait de confier
à un organisme unique et interarmées le pilotage des flux logistiques
devrait apporter une amélioration significative.
Par ailleurs, les opérateurs techniques ne sont pas toujours en
mesure de faire face à la fluctuation des charges qui leur sont confiées
par la maîtrise d’ouvrage. Face à ce défi, est posée la question du
dimensionnement du tissu industriel étatique. La possibilité d’avoir
recours à de nouveaux modes de contractualisation, tels que les contrats
globaux, est aussi une piste ouverte, même si elle doit être mise en œuvre
avec prudence, compte tenu de son caractère expérimental et de la rigidité
budgétaire qu’elle induit.
De manière générale, les effets conjugués du vieillissement des
matériels en service et de l’arrivée dans les armées de matériels nouveaux
pèsent directement sur la disponibilité des matériels. Les matériels en
service avant les années 90 étaient incontestablement plus simples et
moins coûteux à entretenir que les matériels actuels. Aujourd’hui, les
DES PROGRES A CONFIRMER
81
matériels entrant en service présentent des risques d’obsolescence
extrêmement rapide qui nécessitent des remises à niveau permanentes et
coûteuses. La conjonction de ces éléments ne permet donc
vraisemblablement plus d’espérer rejoindre à l’avenir les taux de
disponibilité observés dans les années antérieures à la décennie 1990.
Aussi, face à cette perspective, la Cour estime-t-elle que le
ministère de la défense doit redéfinir plus précisément les taux de
disponibilité indispensables en fonction des missions opérationnelles.
82 C
OUR DES COMPTES
Conclusion
Le ministère de la défense s’est trouvé confronté, à la fin des
années quatre-vingt dix, à une situation très dégradée de l’entretien de ses
matériels. Pour y remédier, il a choisi de réorganiser les structures
chargées de cette mission et d’accroître les ressources qui lui sont
consacrées. Cette réorganisation est cependant restée inachevée et
d’ampleur insuffisante.
1. Pour réorganiser les structures chargées du maintien en
condition opérationnelle des matériels aériens et maritimes, le ministère a
crée deux organismes originaux dans leur conception et leurs modalités
de fonctionnement.
Après deux ans de fonctionnement, ces deux structures nouvelles,
la SIMMAD et le SSF, ont montré que leur création avait été un choix
pertinent dans la mesure où elle permettait de suivre les matériels par
famille technique. Ces regroupements ont permis de mieux gérer les
rechanges et les procédures de passation de marché, ainsi que de donner
un seul interlocuteur aux contractants de l’Etat.
Cependant, les conséquences de la création de ces organismes
n’ont pas encore toutes été tirées. Notamment, l’armée de l’air et la
marine n’ont pas encore achevé leur réorganisation interne susceptible de
faire disparaître totalement leurs propres structures de maintien en
condition opérationnelle. Certes, le service de l’aéronautique navale a
considérablement diminué et ses fonctions résiduelles sont en phase de
redistribution entre les autres services de la marine, mais il subsiste
encore. Concernant l’armée de l’air, lorsque les fonctions liées au
maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres de l’armée
de l’air auront été prises en charge par l’armée de terre et ses fonctions
résiduelles confiées à une direction des services de soutien aux
compétences élargies, la direction du service du matériel de l’armée de
C
OUR DES COMPTES
84
l’air devra disparaître. Moyennant la mise en œuvre de ces quelques
aménagements complémentaires, on peut considérer que ces nouvelles
structures seront optimisées et que les gains de productivité attendus
pourront être obtenus. Cette opinion est étayée par le constat de la
diminution des taux d’indisponibilité due à la maîtrise d’ouvrage.
La fonction « soutien des matériels terrestres » n’a pu profiter
d’une dynamique similaire, dans la mesure où le principe d’un service
interarmées de soutien n’a pas été retenu dans le cadre des réorganisations
successives de l’armée de terre. Certes, les faibles taux de disponibilité
des matériels de l’armée de terre observés ne sont pas dus exclusivement
à l’échec de la construction du projet de service intégré de maintenance
des matériels terrestres (SIMMT). Mais il est certain que les
réorganisations successives de cette armée, d’une part, de ses chaînes de
soutien, d’autre part, ont eu des effets très négatifs sur son action de
maîtrise d’ouvrage. La dernière réorganisation de la chaîne de
maintenance de l’armée de terre, résultant de l’abandon du projet
SIMMT, aurait pu déboucher sur une structure interarmées, qui aurait
permis de soustraire cette fonction aux complexités organisationnelles de
cette armée, en faisant profiter les matériels terrestres des gains de toute
nature liés à la mise en place de structures interarmées rationalisées.
Ainsi, la Cour préconise que, lors de la prochaine réorganisation de
l’armée de terre, soit envisagée à nouveau la possibilité d’un
regroupement interarmées de l’entretien de tous les matériels terrestres.
Si, dans l’immédiat, il est indispensable de mener rapidement à
leur terme les réformes structurelles engagées (armée de l’air et marine)
ou à peine amorcées (armée de terre), la Cour, dans une perspective plus
ambitieuse et à plus long terme suggère que le ministère de la défense
examine attentivement les voies et les moyens de transposer en France
l’exemple britannique ayant abouti à confier l’ensemble de la logistique
en matière de maintien en condition opérationnelle à une seule entité
pleinement et clairement responsable de la réalisation des objectifs de
disponibilité définis par les dirigeants politiques et les états-majors.
2. Malgré ces réorganisations structurelles, force est de constater
que le redressement de la disponibilité des matériels peine à se faire
sentir. Des signes encourageants de redressement sont observables pour
certains matériels comme en matière de régularisation des flux
d’approvisionnement des rechanges, mis à part le problème financier
spécifique à l’armée de l’air en 2004. Néanmoins, et malgré
l’accroissement du montant des crédits consacrés au maintien en
condition opérationnelle des matériels depuis 2002, venu appuyer les
réorganisations des chaînes d’entretien, l’espoir d’atteindre les objectifs
CONCLUSION
85
de disponibilité a été, pour partie, déçu. Et cela alors qu’au cours de la
même période, la diminution du nombre d’unités à entretenir et l’entrée
en service de matériels neufs, conjuguées à l’accroissement des crédits,
auraient dû favoriser une remontée rapide des taux de disponibilité. En
outre, la complexité des matériels à entretenir et la croissance importante
des prix du secteur industriel vont certainement entraîner une
augmentation significative des coûts de maintien en condition
opérationnelle dans les années à venir.
Face à ce besoin, la loi de programmation militaire 2003-2008, qui
exprime l’effort financier que la nation a décidé de consentir à son outil
de défense et à son entretien, affiche des montants prévisionnels de
crédits qui, bien qu’élevés, risquent d’être insuffisants, eu égard à la
fragilité des hypothèses retenues par le ministère de la défense pour le
chiffrage des coûts prévisibles du maintien en condition opérationnelle.
Le ministère de la défense doit faire face simultanément à
l’accroissement des dépenses de personnel lié aux conséquences de la
professionnalisation, à l’acquisition des nouveaux matériels actuellement
en phase d’industrialisation et à l’entretien de l’ensemble des matériels en
service. Dans ces conditions, le risque est grand que se reproduise la
situation des années quatre-vingt dix lorsque les ressources disponibles
n’ont pas permis d’assurer la condition opérationnelle des matériels à un
niveau compatible avec les objectifs qui avaient été fixés.
C
OUR DES COMPTES
86
GLOSSAIRE
87
Glossaire
AMF
atelier militaire de la flotte
AP
autorisation
de
programme
BL
brigade
logistique
BSMAT
base de soutien du matériel
CCL
compagnie de commandement logistique
CEMA
chef d’état-major des armées
CEMAA
chef d’état-major de l’armée de l’air
CEMAT
chef d’état-major de l’armée de terre
CEMM
chef d’état-major de la marine
CFAT
commandement de la force d’action terrestre
CFLT
commandement de la force logistique terrestre
CGA
contrôle général des armées
CP
crédit de paiement
COMMAT commandant
du
matériel
CSM
commission spécialisée des marchés
CMALAT
compagnie du matériel de l’aviation légère de l’armée de terre
DAF
direction des affaires financières
DCMAA
direction centrale du matériel de l’armée de l’air
DCMAT
direction centrale du matériel de l’armée de terre
DCN
direction des constructions navales
DCSSF
direction centrale du service de soutien de la flotte
DCTEI
direction centrale des transmissions, de l’électronique et
de l’informatique
DGA
délégation générale pour l’armement
DIRMAT
direction régional du matériel
DT
disponibilité
technique
DTO
disponibilité
technique
opérationnelle
DTON
disponibilité technique opérationnelle négociée (ou
nécessaire)
DUO
document unique d’organisation
EDPI
équipe de programme intégré
EPM
entretien
programmé
des
matériels
EMA
état-major des armées
EMAA
état-major de l’armée de l’air
EMAT
état-major de l’armée de terre
EMM
état-major
de
la
marine
EMF
état-major
de
forces
ERB
équipe responsable de bâtiment
GAN
groupe
aéronaval
GIAT
groupement industriel des armements terrestres
C
OUR DES COMPTES
88
I.MOD
indisponibilité imputable à la maîtrise ouvrage déléguée
(logistique)
I.MOE
indisponibilité imputable à la maîtrise d’œuvre
(technique)
IPER
indisponibilité périodique (grande visite de NTI 3 dans la
marine)
IRB
ingénieur responsable de bâtiment
LFI
loi de finances initiale
LPM
loi de programmation militaire
NTI
niveau technique d’intervention
OPEX
opération
extérieure
ORRMA
optimisation du réapprovisionnement des rechanges des
matériels aéronautiques des forces armées françaises
OVIA
organisme à vocation interarmées
RMAT
régiment du matériel
RP.1
rechange
non
réparable (consommable)
RP.2
rechange réparable (non consommable)
SCMAT
service central du matériel de l’armée de terre
SECLEF
station d’essai des combustibles et lubrifiants de la flotte
SIGLE
système informatique de gestion de l’entretien
SIMAT
système d’information de la maintenance de l’armée de terre
SIMMAD
structure interarmées de maintenance des matériels
aériens de la défense
SIMMT
structure intégrée de maintenance des matériels terrestres
SGA
secrétariat général de l’administration
SLI
soutien logistique intégré
SMAA
service du matériel de l’armée de l’air
SNA
sous-marin
nucléaire
d’attaque
SNLE
sous-marin nucléaire lanceur d’engins
SPAé
service des programmes aéronautiques
SPN
service des programmes navals
SPNUC
service des programmes nucléaires
SPART
service des programmes d’armement terrestre
SPOTI
service des programmes d’observation de la terre et de
l’informatique
SRM
section de réparation mobilité
SSF
service de soutien de la flotte
STAT
section technique de l’armée de terre
UMCC
unité de maintenance du camp de Canjuers
UMR
unité de maintenance régimentaire
VAB
véhicule de l’avant blindé
VBCI
véhicule blindé de combat d’infanterie
VBL
véhicule blindé léger
REPONSE DU MINISTRE DE LA DEFENSE
89
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA DÉFENSE
Les préoccupations de la Cour rejoignent celle du ministère de la
défense. Dans le cadre de la mise en œuvre de la loi organique relative au
lois de finances (LOLF), le chef d’état-major des armées, comme responsable
du programme « préparation et emploi des forces », veillera à garantir
l’effort financier nécessaire à la restauration de la disponibilité des
matériels, tout en préservant les grands équilibres capacitaires.
***
1 - Les préoccupations de la Cour rejoignent celles du ministère de
la défense
qui a constaté, dès la mi-2002, la forte dégradation de la
disponibilité des matériels des armées et a pu obtenir, dès la loi de finances
rectificative d’août 2002, un abondement des crédits d’entretien programmé
des matériels (EPM). Les crédits inscrits en loi de finances initiale pour
l’EPM au titre V sont passés d’un point bas de 2,27 Md€ en 2001 à 2,90 Md€
en 2004, avec des progressions de + 8,6 % et + 11,1 % sur les deux
dernières années. Cet effort est la marque de l’importance primordiale que le
ministre de la défense attache personnellement à cette question. Pour
l’avenir les mesures d’organisation déjà engagées ou prévues (MCO
aéronautique notamment) ainsi que les discussions engagées avec les
industriels devraient permettre de maintenir dans des limites raisonnables la
dérive des coûts qui justifie l’inquiétude de la Cour.
2 - Les décisions arrêtées en matière d’organisation manifestent
concrètement l’attention portée par le ministère à l’amélioration de la
maintenance
.
Ainsi, dans la perspective de la mise en œuvre de la loi organique
relative aux lois de finances (LOLF), les pouvoirs d’arbitrage du chef d’Etat-
major des armées (CEMA) ont été et seront encore renforcés. En particulier,
en tant que responsable du programme « préparation et emploi des forces »
il lui reviendra de fixer aux armées des objectifs de disponibilité, de leur
affecter les ressources adaptées et de mesurer le résultat de leur action au
moyen d’indicateurs.
Le renforcement des prérogatives du CEMA à travers notamment la
création du conseil des systèmes de forces qu’il préside, lui donnera de
nouveaux pouvoirs d’arbitrage et de coordination, nécessaires à la
restauration de la disponibilité des matériels tout en préservant les grands
équilibres capacitaires de la loi de programmation militaire.
C
OUR DES COMPTES
90
La disponibilité des matériels a été placée sous contrôle de gestion et
chaque trimestre, les chefs d’Etats-majors présentent au ministre les
indicateurs de disponibilité qui font l’objet d’une analyse détaillée
conduisant à des décisions de conduite adaptées.
L'analyse des défaillances dans la maintenance des matériels
aéronautiques, à la fin des années quatre vingt dix, et le constat, fait par la
Cour, du bien fondé des réformes engagées, confirment la justesse des choix
effectués dans ce domaine, en particulier la création de la structure intégrée
du maintien en condition opérationnelle des aéronefs du ministère de la
défense (SIMMAD).
Dès 2003, la disponibilité des matériels de l’armée de l’air s’est
accrue de près de 4 %.
Depuis le 1
er
septembre 2003, cette structure interarmées possède tous
les leviers pour poursuivre la rationalisation des différentes chaînes
logistiques et de la maintenance. En effet, elle est, dorénavant, ordonnateur
répartiteur des pièces de rechange du matériel aéronautique, ce qui lui
permet de gérer au mieux les rechanges à l’échelle du ministère et non plus
par armées.
C’est au titre de cette future maîtrise d’ouvrage déléguée qu’elle avait
lancé, dès le milieu de l’année 2002, des contrats d’objectifs avec les maîtres
d’œuvre de la maintenance aéronautique et de la distribution des pièces de
rechange aéronautiques. Ces contrats comportent depuis la rentrée 2003, des
objectifs précis et mesurables qui seront analysés en réunions de dialogue de
gestion au cours de cette année. Les efforts vont également porter sur la
création d'indicateurs économiques fiables et significatifs permettant
d'orienter les choix technico-logistiques.
Le ministre ayant approuvé les principales conclusions de l’audit
réalisé au premier semestre 2004 sur l’organisation de la fonction
maintenance aéronautique, un directeur de projet va être prochainement
nommé pour en piloter la mise en oeuvre.
S’agissant du matériel terrestre, la Cour souligne l’intérêt que
représenterait la création d’une structure du même type que la SIMMAD ou
le SSF pour l’armée de terre.
Cependant, de nombreuses réformes s’étant succédé au cours des
années passées, la mise en place d’une structure du type SIMMAD a été
suspendue pour se concentrer sur les actions de redressement immédiat de la
disponibilité opérationnelle
Pour autant, une nouvelle organisation de la DCMAT a pris en
compte les enseignements tirés des structures intégrées, notamment en
renforçant la structure matricielle (gestion par parcs) et la participation de
spécialistes de la DGA à la maîtrise d’ouvrage du maintien en condition
opérationnelle (MCO).
REPONSE DU MINISTRE DE LA DEFENSE
91
Une seconde étape suivra afin de mieux identifier encore les fonctions
de maîtrise d’ouvrage et la répartition des responsabilités avec les
industriels.
S’agissant des matériels de la marine, le ministère de la défense ne
partage pas l’appréciation assez pessimiste de la Cour ; l’amélioration de la
disponibilité des bâtiments est en effet très encourageante pour 2004, avec
néanmoins la nécessité de surmonter les fragilités résiduelles, consécutives
aux nombreuses restructurations qui sont intervenues depuis 1990.
Le SSF s’est vu attribuer des fonctions supplémentaires dépassant sa
vocation de maîtrise d’ouvrage du MCO. Pour les nouveaux marchés
d’entretien (projet CAP 2005 de contractualisation), le SSF prévoit de
confier la coordination d’ensemble des intervenants industriels (notamment,
les maîtres d’œuvre industriels relevant d’autres maîtres d’ouvrage) à un
maître de chantier (le titulaire du marché du MCO) et non au commandant
du navire. Pendant les arrêts techniques majeurs (IPER et IEI), les tâches de
l'équipage changent de nature et s’orientent vers l’assistance à maîtrise
d’ouvrage pour aider le SSF à réceptionner les prestations prévues dans le
marché.
Des protocoles entre le SSF et les services de programmes,
notamment le service des programmes navals (SPN) et le service des
programmes d’observation, de télécommunication et d’information (SPOTI),
sont en cours d'élaboration pour mettre en application dans les contrats cette
fonction de maître de chantier.
Le plan stratégique établit la vision du SSF en tant que maître
d’ouvrage professionnel. Par conséquent, les nouveaux marchés de MCO
(projet CAP 2005) recherchent comme titulaires des industriels capables
d’assurer la maîtrise d’œuvre d’ensemble d'un arrêt technique du bâtiment
dans son intégralité. Le SSF n’envisage donc pas d’assumer des fonctions de
maître d’œuvre d’ensemble.
S’agissant des ateliers militaires de la flotte (AMF), il n’est pas très
pertinent de les comparer à des industriels qu’ils ne sont pas ; les AMF sont
des ateliers qu’il faut préserver pour restaurer la disponibilité des bâtiments,
hors arrêt technique majeur. Le SSF n’envisage donc pas d’être l’autorité
organique des AMF, mais souhaite posséder la vision d’ensemble des
travaux effectués par les AMF et par les équipage sur les bâtiments de la
marine, d’autant qu’il est responsable de la délivrance des rechanges alors
que les industriels, quant à eux, interviendront pièces et main d'œuvre.
Les augmentations structurelles des coûts de DCN que prévoyait la
Cour après le changement de statut, ne sont pas intervenues. Tout au
contraire, au terme de négociations certes laborieuses mais volontaristes, le
SSF a obtenu des diminutions de prix. De ce fait, les prévisions de
financement du MCO de la flotte découlant de la loi de programmation
restent la référence.
C
OUR DES COMPTES
92
La stratégie contractuelle que le SSF met en œuvre a déjà trouvé des
réalisations concrètes au travers des contrats d'entretien courant des sous-
marins nucléaires d’attaque (SNA) et des sous-marins nucléaires lanceurs
d’engins (SNLE). Dans ces deux cas, les contrats fixant des exigences de
disponibilités n'ont pas été « obtenus à un prix trop élevé » (page70), mais au
contraire à des prix plus bas pour un même niveau de disponibilité.
L’évolution du niveau des crédits alloués au MCO naval tiendra
compte des exigences des nouveaux bâtiments et systèmes dans une logique
de contrats de résultats. L’application aux navires des nouvelles règles de
protection de l’environnement va en particulier nécessiter un effort financier.
Le fonctionnement du système de soutien des éléments navals doit
évoluer sous enveloppe de ressources humaines. Après des réformes
multiples, il est important de laisser l’organisation récente se consolider et
confirmer les bons résultats déjà obtenus, sans enchaîner de façon
rapprochée les évolutions de structures.
Les réformes commencent à porter leurs fruits. L’organisation ne
nécessite dans l’immédiat que quelques ajustements pour tenir compte des
conséquences du changement de statut de DCN.
Par ailleurs, les réformes conduites dans les autres pays, notamment
la Grande-Bretagne, amènent la Cour à souhaiter que soit examinée la
pertinence pour la France de certaines évolutions, dont une interarmisation
plus poussée dans l’organisation et la gestion du MCO, avec, pour
conséquence, la réalisation à terme d’une organisation unifiée pour
l’ensemble des milieux.
Concernant la mise en place d’une organisation comparable à la
DLO britannique, et sans pour autant l’exclure, il convient cependant d’être
prudent compte tenu du manque de visibilité sur les améliorations attendues,
spécialement sous l’angle opérationnel. Le retour d’expérience des
interventions récentes et les analyses internes à cet organisme confirment
cette perception.
La finalité des forces étant leur emploi opérationnel, toute démarche
de rationalisation dans le domaine du MCO doit en effet être appréhendée de
façon globale de manière à ne générer aucune difficulté capacitaire.
Dans l’orientation choisie au sein de la nouvelle organisation de la
délégation générale pour l’armement (DGA), les structures de soutien, ainsi
que la nécessité d’une réflexion plus ambitieuse visant à optimiser et à
fédérer les ressources et les moyens dédiés au MCO, ont été privilégiées par
la création d’un service du MCO, rassemblant l’ensemble des activités de
soutien logistique intégré – maintien en condition opérationnelle (SLI-MCO),
au profit de tous les milieux.
REPONSE DU MINISTRE DE LA DEFENSE
93
La nécessité de distinguer et de séparer nettement les rôles de
prescripteur et de maître d’œuvre, est un élément majeur de réforme. Elle
conditionne la performance économique et l’efficacité industrielle. Sur cette
base, ont été proposées les mesures organisationnelles relatives à la
structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels
aéronautiques de défense SIMMAD et au service de soutien de la flotte
(SSF).
La rénovation des modes de fonctionnement internes au ministère, en
faisant appel de manière optimale aux compétences des différents acteurs, est
un deuxième axe et, dans ce but, la DGA apporte au sein des structures de
soutien ses compétences en matière de conduite de programmes au service
des opérations de MCO.
La généralisation de modes de contractualisation reposant sur la
globalisation, la forfaitisation, et l’obligation de résultats, exprimés chaque
fois que possible en exigences de disponibilité, est également un axe de
progrès majeur. Elle doit être menée avec discernement, tout
particulièrement dans la définition des exigences, dont le niveau influence
directement les prix.
Désormais sont prises en compte toutes les composantes du coût
global de la fonction MCO, y compris les coûts internes au ministère de la
défense. En 2003 une action de renforcement des compétences en matière de
coût global, avec la création de postes spécifiques a été mise en place à la
DGA.
Les responsabilités des autorités du ministère sont différentes. Une
uniformisation est nécessaire, tout en préservant une certaine spécificité de
chaque milieu dans la mise en œuvre. La DGA a engagé une réflexion sur
l’optimisation de sa participation dans la SIMMAD et le SSF. En ce qui
concerne le milieu terrestre, la DGA apporte ses compétences spécifiques à
la DCMAT dans le cadre de la conduite de projets pilotes en matière de
maîtrise d’ouvrage du MCO.
Concernant la maîtrise d’œuvre étatique, la dispersion des activités de
type industriel entre différents acteurs du ministère et l’évolution des parcs
de matériels dans les années à venir ont amené les différents partenaires à
réfléchir sur l’évolution de la fonction technique au sein des armées.
_____________________________________________________________
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