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Le démantèlement des

installations nucléaires

et la gestion 

des déchets radioactifs

Janvier 2005

Synthèse

du Rapport public particulier

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Sommaire

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Présentation  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5

1 - 

Le démantèlement des installations

nucléaires  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7

I - Enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
II - L’usine de retraitement de Marcoule  . . . . . . . . . . .7
III - Les centrales arrêtées d'EDF  . . . . . . . . . . . . . . . .8

2 - Les déchets radioactifs  . . . . . . . . . . . . . . . . .9

I - Définition et connaissance des déchets  . . . . . . . . . .9
II -Les sites de stockage mis en œuvre pour les 
déchets les moins nocifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10

3 - Interrogations et incertitudes actuelles  . . .13

I - Les provisions sont-elles suffisantes ?  . . . . . . . . . .13
II - Le financement sera-t-il assuré ?   . . . . . . . . . . . .15
III - L'information du public sur les déchets est-elle 
pertinente ?  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16

Conclusion générale  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

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Présentation

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our des raisons économiques et stratégiques, la France a fait le choix d'une filière nucléaire forte.
Ainsi, EDF est devenue le premier producteur mondial d'électricité d'origine nucléaire, disposant
d'une puissance installée trois fois supérieure au deuxième producteur nucléaire mondial (l'électri-

cien russe RosEnergoAtom).

La quasi-totalité des installations nucléaires appartiennent au CEA, à EDF et aux sociétés du groupe

Areva. Ce sont donc essentiellement des entreprises sous la tutelle de l'Etat qui sont responsables du
démantèlement des installations arrêtées et des déchets radioactifs. La gestion ultime des déchets a été
confiée à un établissement public, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra)
créée par la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, plus
connue sous le nom de " loi Bataille ".

Une des caractéristiques majeures de la question du démantèlement et des déchets radioactifs tient

à l'exceptionnelle durée des opérations, qui dépasse à bien des égards l'horizon de la vie humaine, puis-
que les démantèlements auront lieu de 2017 à 2080, voire plus si la durée de vie des centrales était pro-
longée au-delà de 40 ans, que l'éventuel centre de stockage profond mobilisera des moyens jusque vers
2070, tandis que la surveillance des centres de stockage en surface est prévue, pour des sommes évidem-
ment beaucoup plus modestes, sur 300 ans.

Comme toute activité industrielle, l'industrie nucléaire engendre des risques. Les risques liés à l'ac-

tivité des installations, qui sont les plus importants, sont bien connus et identifiés. Les risques liés aux
opérations de démantèlement sont à la fois connus et maîtrisés. Les risques liés à la gestion des déchets
sont, certes, identifiés, mais ils suscitent des inquiétudes sur le long terme sans doute parce qu'aucune
décision n'a encore été prise concernant leur stockage ultime, même si leur entreposage actuel ne pose
pas de problème immédiat.

Après avoir cerné l'importance des tâches à accomplir en matière de démantèlement et de gestion

des déchets radioactifs, le rapport de la Cour tente de tirer les leçons des premières expériences de
démantèlement et de stockage. Il cherche ensuite à répondre aux questions relatives aux montant des
provisions, à leur financement. Il s'interroge enfin sur les modalités de l'information du citoyen. Sur tous
ces sujets, la Cour formule des recommandations de nature à renforcer l'efficacité des actions entrepri-
ses et à améliorer la transparence de l'information donnée aux citoyens.

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Pour encadrer ou soutenir l'action des principaux exploi-

tants nucléaires, les acteurs sont nombreux. Les ministères
concernés sont au nombre de cinq et font appel eux-mêmes
à toute une série de comités et de commissions : CEA, com-
mission interministérielle des installations nucléaires de base,
comité de suivi des recherches sur l'aval du cycle (Cosrac),
commission nationale d'évaluation (CNE) chargé par la loi
de 1991 de préparer le rapport destiné au Parlement sur les
recherches concernant le traitement des déchets hautement
radioactifs, et enfin conseil supérieur de la sûreté de l'infor-
mation nucléaire (CSSIN). Les deux autorités de sûreté
nucléaire en charge des installations nucléaires civiles et des
installations intéressant la défense s'appuient sur l'expertise
de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

La Cour a critiqué l'incapacité récurrente des pouvoirs
publics à désigner les dirigeants de certains organismes en
temps utile : à deux reprises, le conseil d'administration et le
président de l'Andra n'ont pas été renouvelés (d'octobre
1997 à janvier 1999 : depuis décembre 2003) ; créé en février
2002, l'IRSN ne sera doté d'un président et d'un directeur
général qu'en janvier 2003 ; depuis septembre 2003, le
CSSIN ne se réunit plus faute de renouvellement du mandat
de ses membres.

Les instances concernées

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Le démantèlement des installations

nucléaires

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I - Enjeux

Les installations nucléaires arrêtées doivent subir une

succession d'opérations allant de la mise à l'arrêt à la suppres-
sion de tout ou partie des équipements et bâtiments qui la
composent en vue de permettre un déclassement, après éli-
mination de la radioactivité. On n'envisage plus aujourd'hui
une  libération totale d'un site, au  sens d'un " retour à
l'herbe ", mais plutôt sa réutilisation à des fins industrielles.

Sur les 125 installations nucléaires de base (INB) en

France à la fin de 2003, vingt-deux étaient à l'arrêt, en cours
ou en attente de démantèlement ; les 103 installations en acti-
vité sont destinées à être arrêtées de façon échelonnée d'ici à
2052, en se basant sur une durée de vie de 40 ans pour les 58
réacteurs d'EDF, qui ont été mis en service entre 1977 et
2002.

Le démantèlement des installations anciennes s'accom-

pagne, s'il y a lieu, d'opérations d'assainissement radioactif,
consistant notamment à reprendre les déchets radioactifs
entreposés sur le site de l'installation en vue de les condition-
ner pour un stockage ultime.

Le CEA présente la caractéristique de posséder un grand

nombre d'installations anciennes, qui détiennent de grandes
quantités de déchets radioactifs, dont il faut maintenant assu-
rer la reprise, le conditionnement et le retraitement. Des
insuffisances ont été constatées dans le suivi financier des
opérations de démantèlement. A ce jour, des démantèle-
ments complets n'ont été réalisés que pour de petits réac-
teurs de recherche.

Parmi les opérations de démantèlement importantes, la

Cour a examiné celle de l'usine de retraitement de Marcoule
ainsi que celles des centrales de première génération d'EDF.

II - L'usine de retraitement

de Marcoule

Créée pour satisfaire les besoins en plutonium du minis-

tère de la défense, l'usine de Marcoule, dénommée UP1 avait
servi également au retraitement de combustibles irradiés
d'EDF et de l'électricien espagnol Hifrensa, client de la
Cogema. A la suite d'arbitrages ministériels, la maîtrise d'ou-
vrage du démantèlement fut confiée, en 1996, au GIE

Codem, réunissant le CEA, EDF et la Cogema, par ailleurs
exploitant de l'installation toujours classée INBS (secrète).
Cette opération estimée à 6 Md€ devrait durer jusqu'en 2040.
L'opération a donné lieu à beaucoup de difficultés, les deux
principaux bailleurs de fonds   le CEA et EDF   reprochant
en quelque sorte à la Cogema de leur faire supporter les
conséquences de ses sureffectifs sur le site de Marcoule. Il
faut aujourd'hui reprendre les déchets anciens de l'usine UP1
entreposés dans des conditions ne satisfaisant pas aux règles
actuelles de sûreté. Au surplus, à partir de 2003, le finance-
ment attendu du ministère de la défense a fait défaut, la der-
nière loi de programmation militaire ayant prévu la création
d'un fonds spécifique qui n'avait pas encore été mis en place
près de deux ans plus tard : le GIE a dû emprunter pour pal-
lier cette défection.

Un milliard d'euros a aujourd'hui été dépensé à Marcoule

sur un total prévisionnel de l'ordre de 6 Md€ en valeur 2003.
La décision de confier en 2005 la responsabilité du démantè-
lement au seul CEA vient d'être prise, la Cogema et EDF
dégageant leur responsabilité moyennant le paiement d'une
soulte. Ce n'est pas ce que la Cour suggérait pour deux rai-
sons : comme la Cogema, qui dispose encore de nombreux
agents sur le site, est le maître d'œuvre assumant la quasi-
totalité des travaux, il semblait plus efficient de lui confier
cette responsabilité ; en outre, il est aujourd'hui généralement
admis que c'est à l'exploitant nucléaire d'assurer le démantè-
lement de ses propres installations.

III - Les centrales arrêtées

d'EDF

Les huit réacteurs des centrales de première génération,

construits dans les années 1950 et 1960, ont été mis à l'arrêt
après une vingtaine d'années de fonctionnement ; il convient
d'y ajouter le réacteur à neutrons rapides Superphénix, arrêté
en 1997. Tous ces réacteurs ont pour caractère commun
d'avoir peu servi, d'être de filière rare, voire d'être des proto-
types. Dans un premier temps, il était question d'attendre 50
ans avant de démanteler les réacteurs afin de bénéficier de la
décroissance naturelle de la radioactivité. Cette durée est, en
définitive, apparue excessive : d'une part, parce que la dimi-
nution de la radioactivité du principal radioélément présent

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dans les réacteurs arrêtés est de  75 % après dix  ans, et, d'au-
tre part, du fait du développement des techniques d'interven-
tion robotisées, permettant des manipulations d'éléments
contaminés sans intervention humaine.

La décision d'avancer les démantèlements a donc été

prise en 2001, le but affiché étant d'aboutir à un démantèle-
ment de l'ensemble de ces centrales pour 2025. Pour ce faire,
EDF a créé une structure spécifique, le Centre d'ingénierie
de la déconstruction et de l'environnement (Ciden) assurant
la maîtrise d'œuvre tout en jouant un rôle utile d'interface
avec l'autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Le démantèlement des centrales de première génération

avait fait l'objet de provisions calculées comme celles des
réacteurs actuellement en fonction. Or, le démantèlement en
cours de la centrale de Brennilis a montré que le coût effec-
tif était très supérieur au coût attendu pour le démantèle-
ment des 58 réacteurs en activité.

Pour Superphénix, il a fallu réévaluer considérablement

le coût du retraitement du combustible, compte tenu de sa
spécificité.

EDF a donc dû considérablement réévaluer les provi-

sions pour démantèlement de ses premières centrales, mais il

faut se garder d'en tirer des conclusions sur le coût futur des
démantèlements des centrales actuelles. En effet, ces derniè-
res, à puissance égale, sont composées d'installations beau-
coup plus compactes, et leur démantèlement bénéficiera à la
fois d'un effet de série et de l'expérience des premiers
démantèlements. Par ailleurs, EDF a procédé à une revue du
mode d'établissement de ce coût en réalisant une étude très
complète sur le site de la centrale de Dampierre. Cette étude
est venue confirmer le niveau des provisions jusqu'ici retenu
pour les centrales en activité.

En définitive, la construction et l'exploitation des pre-

mières installations de recherche, de production de matières
fissiles, ainsi que des premières centrales n'ont pas été réali-
sées à une époque où la sûreté nucléaire était le premier
souci. Il faut aujourd'hui en assumer les conséquences en
procédant, à des prix élevés, à l'assainissement d'installations
où les exploitants ont laissé s'accumuler des déchets sans
aucune vue prospective : l'usine de retraitement de Marcoule,
la première usine de La Hague et toute une série d'installa-
tions du CEA en témoignent. Ces inconvénients ne
devraient pas se reproduire pour les installations récentes.

Principales recommandations de la

Cour :

x

envisager le déclassement des INBS arrê-

tées en INB dès que possible, afin de rendre

l'Autorité de sûreté nucléaire civile compé-

tente pour l'ensemble des opérations liées

au démantèlement.

x

donner une meilleure information publique

sur les opérations de démantèlement et

d'assainissement du CEA ; améliorer le pilo-

tage et le suivi de ces opérations.

x

assurer le financement incombant au

ministère de la défense.

x

veiller à la bonne réalisation de la straté-

gie de démantèlement des centrales arrêtées

annoncée par EDF et à la mise en œuvre de

solutions de stockage adaptées (déchets à

haute activité et à vie longue, mais aussi

déchets spécifiques comme le graphite ou le

sodium liquide) pour ne pas retarder la der-

nière phase du démantèlement (réacteurs). 

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Les déchets radioactifs

Le code de l'environnement pose le principe du "pol-

lueur-payeur" selon lequel toute personne qui produit ou
détient des déchets est tenue d'en assurer ou d'en faire assu-
rer l'élimination. Pour les déchets les moins nocifs, des cen-
tres de stockage ont été mis en œuvre et pour les déchets les
plus nocifs les recherches sont menées dans le cadre des trois
axes de recherche définis par la loi de 1991.

L'Andra est l'opérateur principalement en charge de l'in-

ventaire des déchets et de leur stockage définitif. A deux
reprises, l'Etat a été dans l'incapacité de renouveler les mem-
bres de son conseil d'administration, laissant l'établissement
public sans conseil et sans président pendant de nombreux
mois.

I - Définition et connaissance

des déchets

Les déchets sont définis comme des résidus, qui ne sont

plus susceptibles d'être traités pour des raisons techniques ou
économiques. Les déchets radioactifs se subdivisent en plu-
sieurs catégories liées à la fois au degré et à la durée de leur
radioactivité.

Les producteurs de déchets se répartissent en quatre

catégories :

- la plus connue et la plus importante est évidemment

celle des établissements de l'industrie électronucléaire, com-
prenant les 19 sites exploités par EDF et les usines du
groupe Areva ;

- les établissements de la défense nationale ;
- les industries utilisant des radionucléides (domaine

médical, recherche, métallurgie) ;

- les sites de stockage.

L'Andra joue un rôle majeur dans le domaine de la

connaissance des déchets et de grands progrès ont été réali-
sés dans l'inventaire des déchets radioactifs. Le dernier inven-
taire publié par l'Andra en novembre 2004 apparaît plus
accessible au public que les précédents et est assorti d'une
vue prospective 

Les incertitudes concernent davantage les déchets de fai-

ble activité que les déchets de haute activité, qui sont à plus
de 90 % situés sur les sites de La Hague et de Marcoule.

Le devenir des déchets radioactifs les plus nocifs

Le stockage final des déchets de haute activité et à vie

longue, c'est-à-dire principalement les déchets provenant des
combustibles irradiés dans les réacteurs des centrales nucléai-
res, n'a pas encore reçu de solutions.

La loi Bataille a fixé un délai de quinze ans, expirant en

2006, pour mener des recherches dans trois axes :

Axe 1 : recherches sur la séparation-transmutation, visant

à isoler, puis transformer les radionucléides à vie longue pré-
sents dans les déchets en radionucléides à vie courte et en
éléments stables.

Axe 2 : étude du stockage en couches géologiques pro-

fondes

Axe 3 : étude des procédés de conditionnement et d'en-

treposage de longue durée en surface.

Les recherches des axes 1 et 3 ont été confiées au CEA,

celles de l'axe 2 à l'Andra.

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Les déchets radioactifs

Les déchets provenant du retraitement des combustibles irradiés

A la suite du retraitement des combustibles, les résidus sont de quatre types : les produits de fission, les déchets de

structure, les boues et effluents et les déchets technologiques.

Les produits de fission, qui font l'objet d'une vitrification, sont les déchets les plus nocifs, susceptibles d'un

stockage profond. Parmi les autres catégories, la plus grande partie pourra être stockée en surface.

Le devenir des combustibles usés ou irradiés

En France, où le cycle du combustible nucléaire est dit

"fermé", tous les combustibles irradiés sont destinés à être
retraités et la question de leur stockage ne se pose pas a
priori, à la différence de pays comme les Etats-Unis qui pra-
tiquent le cycle dit    "ouvert" dans lequel les combustibles
usés sont destinés à être stockés. Néanmoins, comme EDF
ne retraite pas l'intégralité des combustibles usés pour fabri-
quer des combustibles à base d'oxyde d'uranium et de pluto-
nium (Mox) et qu'elle ne compte pas retraiter dans l'immé-
diat le combustible Mox usé, c'est actuellement un peu plus
du quart du combustible usé qui n'est pas retraité. La résorp-
tion de ce déséquilibre est notamment liée aux décisions
futures sur l'avenir du parc nucléaire, dans la mesure où, à
l'horizon de 2040, les réacteurs du futur seraient eux-mêmes
consommateurs du plutonium obtenu après retraitement du
Mox usé.

Le devenir des déchets étrangers

Les déchets  radioactifs  étrangers sont issus du retraite-

ment des combustibles irradiés provenant d'Allemagne,
d'Australie, de la Belgique, de la Suisse et du Japon. Le prin-
cipe, découlant de la loi Bataille, est celui du retour dans leur
pays d'origine de ces déchets au moins pour les déchets pro-
duits après 1991. Actuellement, seule une partie des déchets
vitrifiés a été réexpédiée et d'autres sont en attente. Comme
les délais nécessaires au refroidissement de ce type de
déchets avant stockage atteignent plusieurs dizaines d'années,

il est important que leur attribution à chaque producteur res-
pecte la chronologie de leur production. Les autres déchets
radioactifs, qui n'ont, pour la plupart, pas encore été condi-
tionnés, ne seront sans doute pas réexpédiés avant plusieurs
années.

II - Les sites de stockage

mis en œuvre pour les

déchets les moins nocifs

Ces déchets sont des déchets de très faible activité ou de

faible activité à vie courte. Ils proviennent pour les premiers
d'activités de démantèlement de sites nucléaires mais peuvent
aussi provenir d'autres industries. Les seconds, qui représen-
tent 90 % du volume des déchets produits, proviennent
essentiellement de l'industrie électronucléaire.

A - Les déchets de très faible activité

à vie courte

La France a fait le choix en 1997 de ne pas traiter ces

déchets dans les filières classiques d'élimination mais de créer
un centre de stockage spécifique. La réalisation de ce projet
a été compliquée par la réticence mise par les producteurs de
déchets à s'engager sur un volume de déchets futurs, élément
essentiel pour un dimensionnement correct du centre. Début
2004 des négociations étaient toujours en cours pour préci-
ser les volumes globaux de déchets.

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Les déchets radioactifs

Le centre, situé sur la commune de Morvilliers, à proxi-

mité du centre de stockage de l'Aube consacré aux déchets
de moyenne activité, a néanmoins été mis en exploitation en
août 2003 dans un strict respect des délais. Il représente un
investissement de 40 M€ financé par l'Andra.

Le coût de stockage a été fixé à 270 €/tonne, alors que

pour un stockage de ce type le coût est plus fonction du
volume que du poids. Il ne permet pas à l'Andra de dégager
une marge. En conséquence, toute modification ultérieure
conduisant, par exemple, à la prise en charge de déchets de
nature plus complexe, remettrait en cause, aux conditions
actuelles, l'équilibre déjà fragile de ce projet.

B - Les déchets de faible activité à vie

courte

La mise en exploitation successive des centres de

stockage, de la Manche puis de l'Aube a permis de doter la
France d'une solution de stockage  pour ces déchets.

Le centre de la Manche a reçu en juin 1994 ses derniers

colis et 527 000 m3  de déchets y ont été entreposés. Ce cen-
tre est entré en phase de surveillance qui, prévue pour
300 ans, se  déroulera en trois phases : très active, active  et
passive ; au-delà le site sera banalisé. Malgré certains désor-
dres constatés dans la couverture notamment et qui laissent
supposer que des travaux ultérieurs seront nécessaires, les
normes de radioactivité fixées sont respectées.

Les coûts de stockage étaient en 2002 de 2 529 € par m3.

Les charges fixes représente environ 80 % du coût total.

C -  La recherche de solutions pour

les déchets les plus nocifs

La recherche de solutions pour les déchets les plus nocifs

est menée selon les trois axes de la loi Bataille, auxquels plus
de 2,2 Md€ ont été consacrés de 1992 à 2003.

Axe n°1 - La séparation-transmutation

La séparation-transmutation vise à isoler puis transfor-

mer les radionucléides à vie longue présents dans les déchets
en radionucléides à vie courte et en éléments stables. Dans le
domaine de la séparation l'objectif est de parvenir en 2005 à
la démonstration de la faisabilité technique de procédés
venant en aval du procédé mis en œuvre à la Hague pour
extraire l'uranium et le plutonium du combustible usé. La
commission nationale d'évaluation (CNE) estime que les
recherches dans ce domaine reposent sur des choix réalistes

mais que "la confirmation des performances des procédés ne
sera pas acquise avant mi-2005".

Dans le domaine de la transmutation les études sont à un

stade moins avancé. Les premiers résultats de l'irradiation
réalisée dans Phénix ne seront disponibles qu'en 2006 et la
validation d'étapes ultérieures nécessitera la construction
d'un réacteur dédié. Les études sur la transmutation sont très
liées à la conception de nouveaux types de réacteurs, suscep-
tibles d'auto-recycler leurs nucléides à vie longue.

Elles montrent, à nouveau, le lien fort qui existe entre

traitement des déchets et avenir de la filière nucléaire.

Axe n°2 - Le stockage profond

Le stockage en couches géologiques profondes suppose

que des laboratoires souterrains soient préalablement
construits afin d'étudier in situ le comportement de ces cou-
ches. Après quelques déboires ayant conduit à l'impossibilité
de choisir un site granitique, un seul site a finalement été
retenu, le site argileux de Bure dans la Meuse 

La construction du laboratoire souterrain de Bure a

connu des retards et un doublement de son coût initial de 60
M€. L'Andra a donc dû revoir son programme de recherches.
Si ce programme est jugé pertinent, le calendrier est mainte-
nant tendu et tout nouveau retard mettrait en cause une
appréciation scientifique suffisamment étayée, indispensable
pour fonder les décisions à prendre en 2006.

Le coût du stockage profond comporte des incertitudes,

car de nombreuses options restent à prendre tant en ce qui
concerne les méthodes de stockage et la conception techni-
que des installations que le volume des futurs déchets (desti-
nation finale des combustibles usés). Ainsi, en 1996 le coût
était estimé à 14 704 M€ (valeur 2003), mais les évaluations
de l'Andra réalisées en 2003, à la demande des producteurs
de déchets et des pouvoirs publics, variaient dans des pro-
portions très importantes en fonction des hypothèses rete-
nues. Un groupe de travail constitué sous l'égide du ministère
de l'industrie devrait contribuer à clarifier cette question, qui
n'est pas sans conséquence sur l'évaluation des provisions
des exploitants.

Ces diverses estimations ne constituent que l'une des

incertitudes qui pèsent sur le financement futur de la gestion
de ces déchets. D'autres incertitudes concernant le volume
effectif des déchets à stocker résultent des choix effectifs en
matière de retraitement et d'entreposage avant stockage final.

Ces difficultés conduisent à s'interroger sur la capacité

financière des divers opérateurs à répondre à leurs obliga-
tions futures, compte tenu de l'éloignement dans le temps
d'opérations de stockage qui ne pourront avoir lieu avant

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Les déchets radioactifs

2020. C'est pourquoi, à l'instar de certains pays, le transfert
de propriété des ces déchets à l'Etat a parfois été évoqué. Au
delà des difficultés juridiques d'un tel transfert, la Cour
insiste sur l'importance des charges financières qui pour-
raient en résulter pour l'Etat.

Axe n°3 - L'entreposage de longue durée (100 à 300 ans).

L'entreposage  est conçu pour abriter des déchets pour

une longue période à l'issue de laquelle ils doivent être récu-
pérés en vue d'un traitement ou d'un stockage. Les recher-
ches portent sur des entreposages de longue durée.

Après s'être plainte des retards constatés dans ce pro-

gramme et d'un manque de coordination des travaux, la
commission nationale d'évaluation créée par la loi de 1991 a
constaté en 2003 une avancée positive des travaux qui por-
tent sur les matrices de conditionnement, les matériaux de
fabrication des conteneurs, l'étude des modèles de corrosion
et d'altération. A ce jour aucun site d'entreposage réel n'a été
choisi. Les études portent sur un site virtuel, ce qui affaiblit
leur portée.

En conclusion :

Malgré les difficultés rencontrées, les résultats obtenus

ont fait progresser les connaissances et des dossiers scientifi-
ques solidement étayés devraient pouvoir être établis pour

éclairer les choix du Parlement qui devrait débattre du sujet
en 2006. Globalement, après 2006, le besoin de financement
devrait croître dans la mesure où, bien que de moindre
ampleur, l'effort de recherche se combinera alors avec la mise
en place des premiers développements industriels.

D - Les déchets spécifiques

Il s'agit de déchets radioactifs, qui ne sont pas les plus

nocifs, mais qui posent des problèmes de stockage à ce jour.

En premier lieu, les déchets graphite, issus de la filière

Uranium naturel graphite gaz (UNGG) sont peu radioactifs
mais comportent des radioéléments à vie très longue. De
même, les déchets radifères, provenant de sites anciens liés
aux utilisations industrielles passées du radium, posent le
même type de problème.

En second lieu, les déchets tritiés dont difficiles à confi-

ner en raison de la grande mobilité du tritium.

En troisième lieu, se pose la question de la collecte des

déchets relevant du "nucléaire diffus" en provenance des
petits producteurs ou de propriétaires privés, dont les para-
tonnerres radioactifs constituent un des exemples. Des
moyens financiers adaptés devraient être attribués à ce titre à
l'Andra, d'autant plus que le coût total est très modeste.

Principales recommandations de la

Cour : 

x

mieux affirmer le rôle de l'Andra en ce qui

concerne son financement et la continuité de

sa gestion ;

x

reformuler la stratégie de retraitement-

recyclage avant le débat législatif prévu par

la loi Bataille ; 

x

améliorer la transparence sur la question

du retour des déchets étrangers et effectuer

les attributions des déchets vitrifiés en res-

pectant la chronologie de leur production.

x

malgré des retards et des difficultés

diverses, faire en sorte  que le Parlement soit

en mesure d'exercer un choix éclairé afin de

ne pas différer les décisions à prendre pour

le stockage des déchets les plus nocifs, les

recherches poursuivies dans le cadre de la loi

Bataille s'étant déjà traduites par des dépen-

ses de 2,2 Md€, il est important.

x

résoudre les divergences apparues entre

l'Andra et les producteurs de déchets concer-

nant le coût supposé du stockage profond,

susceptibles de peser sur la pertinence des

provisions constituées par Areva, le CEA et

EDF.

x

confier à l'Andra une mission plus active

de collecte des déchets relevant du nucléaire

diffus, en dotant pour ce faire d'une source

de financement pérenne.

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Cour des comptes

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Interrogations et incertitudes

actuelles

I - Les provisions sont-elles

suffisantes ?

Des modifications multiples ont affecté le calcul des pro-

visions au cours de ces dernières années qu'il s'agisse de la
mutation des normes comptables avec le passage aux nor-
mes dites IFRS (International Financial Reporting
Standards) ou des changements de méthode ou d'estimation
des exploitants. Aujourd'hui, l'intégralité des prestations à
réaliser en matière de démantèlement et de déchets doit faire
l'objet d'une provision au passif du bilan, ce montant étant

compensé à l'actif par les participations éventuellement
attendues de partenaires ou par des actifs dits de démantèle-
ment, amortis selon la durée de vie de l'installation. Compte
tenu de leur échéance lointaine, les provisions font l'objet
d'une actualisation au demeurant rendue obligatoire par les
normes IFRS à compter de 2005 : jusqu'à présent, le taux
d'actualisation pratiqué était de 2,5 % pour le CEA et de 3 %
pour EDF, Areva préférant attendre l'exercice 2005.

A la fin de 2003, les provisions d'Areva, du CEA et

d'EDF s'établissaient en valeur brute à 71,4 Md€ en
valeur   2003 :

En M€

Vacleur actualisée

Valeur brute

AREVA

nd

12 316

CEA

7 727

11 107

EDF

24 787

48 006

Total

nd

71 429

Du total, il convient de déduire les doubles emplois

résultant notamment du démantèlement des usines de
Marcoule et de La Hague

(1)

pour aboutir à un montant de

l'ordre de 63 Md€VB. Plus l'écart entre valeur brute et valeur

actualisée est important, plus les opérations correspondantes
sont éloignées dans le temps.

Sur la qualité de l'évaluation

De l'examen d'ensemble des provisions, un premier

constat globalement positif doit être fait, car, sous réserves
de certaines exceptions, l'évaluation de base, correspondant
à la valeur brute indiquée, est documentée et cohérente. Pour
les deux plus grosses opérations, actuelles et à venir, que sont
Marcoule et La Hague, un consensus s'est établi sur le mon-
tant final, alors que les intérêts des parties prenantes sont
parfois antagonistes. Pour le démantèlement futur des cen-

trales nucléaires en activité, les évaluations ne sont pas en
contradiction avec les études menées au plan international
par l'Agence de l'énergie nucléaire de l'OCDE. Enfin, l'appli-
cation du règlement sur les passifs constitue un progrès déci-
sif, car elle impose de faire figurer au bilan l'intégralité des
charges futures.

______________

L

e démantèlement de la Hague et de Marcoule apparaît à la fois en

totalité dans les comptes de leur exploitant (la Cogema) et, pour
leurs parts respectives, dans les comptes du CEA et EDF.

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Interrogations et incertitudes
actuelles

Au chapitre des incertitudes, figure le coût du stockage

profond, puisqu'il est évalué par les exploitants par référence
à l'évaluation de 1996 de l'Andra (ou une référence de niveau
équivalent), alors que l'évaluation faite en 2003 par l'Agence
est supérieure dans un rapport de 1,4 à 2,3 pour s'en tenir
aux hypothèses médianes des deux scénarios les plus proba-
bles : les différences résultent essentiellement des hypothèses
relatives aux  déchets vitrifiés et à l'éventualité d'un stockage
direct des combustibles usés. Ces interrogations, qui sont
l'enjeu d'un groupe de travail actuellement mené par le minis-
tère de l'industrie, méritent d'être levées, car le supplément
correspondant à la fourchette précitée varie de 5 à 18 Md€.

Sur les causes futures d'évolution

Dans l'hypothèse de la continuité de l'actuel programme

électronucléaire, la valeur brute des provisions en 2003, qui
est partagée environ pour moitié entre provisions pour
démantèlement et provisions pour fin de cycle, est suscepti-
ble d'évoluer pour diverses raisons :

- à la baisse, si de nouvelles techniques plus performan-

tes sont mises en œuvre ;

- à la baisse, si des réacteurs de nouvelle génération

devaient succéder sur les mêmes sites aux actuels réacteurs,
en raison de la diminution induite des frais de surveillance ;

- à la hausse, si les obligations de sûreté nucléaire deve-

naient plus exigeantes.

Hormis ces causes de baisse ou de hausse, les provisions

pour démantèlement ne devraient pas être modifiées en
valeur brute, à la différence des provisions de fin de cycle, qui
varient en fonction du volume de déchets, lui-même lié à l'ac-
tivité productive future.

C'est EDF, qui est la plus concernée, car ses provisions

de fin de cycle augmenteront au fur et à mesure de l'irradia-
tion des combustibles et diminueront avec les reprises résul-
tant du retraitement effectif des combustibles usés et de la
réalisation du stockage profond.

Sur l'actualisation et l'information financière

L'actualisation, au demeurant rendue obligatoire à comp-

ter de 2005 par les normes comptables internationales, s'im-
pose pour retracer des dépenses parfois très éloignées dans
le temps. Pour l'industrie nucléaire, l'importance des mon-

tants en jeu, et l'impossibilité de faire des comparaisons font
que les comptes ne sont pas directement lisibles. Toute aug-
mentation d'une charge, si elle est éloignée dans le temps,
pèse peu. A l'inverse, tout décalage dans une opération
entraîne un allègement immédiat de la provision : aussi, la
tentation pourrait-elle être grande d'utiliser ce levier pour
améliorer la présentation des comptes en repoussant les
échéances. Les montants bruts des provisions ont, seuls, une
signification concrète, puisqu'il représentent en euros cou-
rants le montant total des prestations à réaliser : c'est une des
raisons pour lesquelles la Cour préconise qu'en matière de
provision dans le domaine nucléaire, la valeur brute soit indi-
quée systématiquement, la différence entre les deux valeurs
brute et nette permettant d'apprécier l'étalement dans le
temps des prestations. Une telle information pourrait être
donnée dans l'annexe des comptes sous forme d'un tableau
détaillant les principales provisions.

Cette dernière proposition suppose que l'information

financière soit améliorée et qu'un détail plus grand soit
donné sur la structure des charges nucléaire futures. Malgré
des progrès récents, l'information financière donnée par le
CEA reste insuffisante. Quant à EDF, elle avait, en 2002,
fourni des évaluations pour chacune des principales provi-
sions, dans ses comptes sociaux, alors diffusés en même
temps que les comptes consolidés ; en 2003, ses comptes
sociaux se limitent, comme les comptes consolidés, à  deux
montants en valeur actualisée, les provisions pour la  décons-
truction (centrales et derniers cœurs) et la fin de cycle.

Par ailleurs, l'éloignement dans le temps des charges à

financer plaide en faveur d'un taux d'actualisation prudent,
fondé non pas sur le taux de rentabilité de l'entreprise, qui
n'aurait pas de signification sur le long terme, mais sur le taux
de rentabilité de placements sans risque. C'est ainsi qu'ont
procédé le CEA et EDF en adoptant respectivement un taux
net, hors inflation, de 2,5 % et 3 %. Une telle différence n'est
pas justifiée et il est d'ailleurs prévu que les trois exploitants
harmonisent leur taux en 2005.

Enfin, on ne peut que regretter l'absence d'un plan

comptable particulier applicable aux entreprises de l'industrie
nucléaire, ce qui a pour conséquence une grande hétérogé-
néité des comptes produits.

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Interrogations et incertitudes

actuelles

Recommandations de la Cour :

x

Améliorer l'information financière :

- en indiquant l'évaluation de chaque catégo-

rie d'opérations et en indiquant les scénarios

sur lesquels elles sont fondées

- en indiquant, en sus des provisions en

valeur actualisée, leur valeur brute avant

actualisation. 

x

Lever les divergences sur le coût du

stockage profond

x

Adopter un taux commun d'actualisation

pour l'ensemble des exploitants.

II - Le financement sera-t-il

assuré ? 

La question  du  financement   est    triple :
1) l'exploitant aura-t-il la capacité financière de répondre

à ses obligations ?

2) faut-il prévoir un financement sécurisé permettant

de faire face à l'insolvabilité, voire à la disparition de l'exploi-
tant ?

3) qui (quelle génération ?) doit supporter le coût du

financement ?

Ces questions sont actuelles, et la Cour constatait déjà

dans son rapport public pour 1998 : " La recherche des for-
mules les plus adéquates, éventuellement spécifiques au sec-
teur nucléaire, doit être engagée  dés maintenant. Elle doit
laisser aux entreprises toutes les responsabilités qui leur
incombent sur le plan technique et industriel. Elle doit s'ins-
pirer de l'équité entre les générations et ne pas faire reposer
sur les consommateurs ou contribuables de demain le paie-
ment des charges déjà prélevées sur les consommateurs
d'hier et d'aujourd'hui ".

Sur la question de la capacité financière, les principaux

exploitants nucléaires présentent des situations contrastées :

- les sociétés du groupe Areva disposent d'un niveau

d'actifs dédiés, que l'on peut estimer suffisant ;

- EDF, du fait de son endettement, ne dispose que d'un

embryon d'actifs dédiés par rapport à la masse à financer et
tout repose sur sa capacité à disposer d'actifs suffisants ;

- au CEA, deux fonds spécifiques ont été créés : un

fonds pour les installations civiles par affectation d'une par-
tie des dividendes et du capital d'Areva et un fonds pour les
installations défense : le premier devra être ajusté aux
besoins, tandis que le second est toujours en gestation.

Sur la question du financement sécurisé, la situation des

principaux exploitants est similaire en droit dans la mesure
où les actifs dédiés aux opérations futures restent internes.
Néanmoins, en pratique les modes de gestion sont très diffé-
rents, allant de l'absence de règles formalisées chez EDF à
l'établissement d'un fonds dédié spécifique au CEA en pas-
sant par la création, rendue publique, d'un comité de suivi de
la couverture des charges de démantèlement et d'assainisse-
ment chez Areva. Les divers moyens pour sécuriser les actifs
dédiés, comportant notamment la création de fonds externa-
lisés, devraient être étudiés, afin de garantir au mieux l'Etat,
responsable de dernier rang.

Sur la question du rattachement du financement, si les

dotations aux provisions ont pour but de rattacher la charge
de démantèlement aux biens et prestations de l'année à
laquelle ils se rapportent

(2)

, cet exercice vertueux doit, pour

trouver sa pleine signification, s'accompagner d'un finance-
ment approprié. En effet, si la dépense ne peut être financée
le moment venu que par le biais d'un endettement supplé-
mentaire, la charge du démantèlement sera reportée sur des
exercices ultérieurs, c'est-à-dire les consommateurs futurs.

Sans mécanisme de sécurisation, le risque existe, dans le

cadre d'une ouverture du capital d'Areva et d'EDF dans des
marchés devenus fortement concurrentiels, que les consé-
quences financières de leurs obligations de démantèlement et
de gestion de leurs déchets soient mal assurées et que la
charge en rejaillisse in fine sur l'Etat.

______________________

(2) Le kWh produit doit supporter des charges futures qui lui sont
imputables.

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Recommandations de la Cour :

x

mieux coordonner les acteurs.

x

associer le grand public à la préparation

de l'échéance de 2006.

x

renforcer la transparence en décidant,

notamment quelle institution doit à l'avenir

être en charge de la transparence en matière

nucléaire.

Interrogations et incertitudes
actuelles

Recommandations de la Cour :

x

Il serait utile, en s'inspirant des meilleures

pratiques des pays de l'OCDE, de s'assurer

les moyens permettant une sécurisation des

fonds destinés au démantèlement et à la

gestion des déchets radioactifs, afin de pré-

venir  une aggravation du risque pour l'Etat. 

III - L'information du public

sur les déchets est-elle

pertinente ?

Les enjeux de l'information sur les déchets radioactifs se

posent avec acuité dans la perspective du débat législatif
prévu en 2006. En effet, un tel débat nécessite une bonne
information préalable du grand public, car, indépendam-
ment de toute prise de position pour ou contre le nucléaire,
il est nécessaire d'adopter des solutions pour le stockage des
déchets HAVL. Or, toutes les enquêtes montrent que jusqu'à
présent, les Français ne s'estiment pas suffisamment infor-
més. Les déchets nucléaires susciteraient en eux-mêmes une
inquiétude plus forte que l'existence des centrales nucléaires
et cela, de façon plus importante que dans les autres pays
européens.

Il est vrai qu'aucune communication d'ensemble ait été

définie au niveau gouvernemental. Le ministère chargé de
l'environnement laisse agir pour son compte l'autorité de
sûreté nucléaire et l'IRSN. Le Conseil supérieur de l'infor-
mation et de la sûreté nucléaire, qui aurait dû avoir un rôle
éminent en la matière, n'existe plus en fait. Toute une série
d'organismes ont un rôle à jouer, qu'il s'agisse des commis-
sions locales d'information placées auprès des installations
nucléaires, de l'ASN, de l'IRSN et de l'Andra. S'y ajoute la
communication des grands exploitants : l'information dis-
pensée dans ce cadre par Areva, le CEA et EDF est a priori
de qualité, mais elle est souvent jugée "minimisante" par
ceux qui la reçoivent.

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Conclusion générale

Dans le domaine de la sûreté, de l'expertise et de la ges-

tion des déchets, la France s'est dotée des institutions, qui lui
permettent de prendre en compte les risques liés à ces activi-
tés et de faire face à ses obligations internationales, même si
elle n'a pas voulu donner un statut d'autorité indépendante à
son autorité de sûreté nucléaire.

Il faut assumer aujourd'hui, en matière de démantèle-

ment et de reprise des déchets radioactifs accumulés dans des
installations anciennes, les conséquences en termes de coût,
de choix effectués à une époque où on raisonnait moins en
termes de sûreté. Les préoccupations de sûreté ayant été
mieux prises en compte dans les installations récentes, les
opérations de démantèlement devraient en être facilitées ; de
plus, pour les centrales du programme électronucléaire, l'ef-
fet de série jouera pleinement.

Les incertitudes de coûts sont aujourd'hui relativement

bien cernées ; elles concernent le stockage des déchets à
haute activité et à vie longue et résultent de plusieurs causes
interdépendantes :

- la décision et le choix à venir d'un futur centre de

stockage ;

- le devenir des combustibles usés, et notamment du

Mox, lié lui-même en partie à la poursuite du programme
électronucléaire ;

- le coût effectif du stockage futur.
S'agissant de la production d'électricité d'origine

nucléaire, les sommes en jeu doivent certes être relativisées,
puisque, rapportées au kwh, elles représentent 10 % du coût
de production. Les montants en valeur absolue étant cepen-
dant importants, le besoin de transparence financière est
manifeste et concerne à la fois les provisions et leur finance-
ment.

Pour les provisions, un minimum d'informations tant sur

les opérations prévues que sur leur évaluation brute et actua-
lisée doit être rendu public. Il faut que les exploitants s'enga-
gent sur des scénarios de démantèlement et de gestion des
déchets et que ceux-ci ne soient pas modifiés en fonction des
contingences du moment, car tout report se manifeste par
une diminution de la provision actualisée.

A cet égard, les Autorités de sûreté nucléaire ont un rôle

décisif à jouer, puisqu'elles ne peuvent être indifférentes ni
aux dates d'exécution des opérations, ni à leur report éven-
tuel. Le danger, pour l'avenir, serait que les exploitants
repoussent les opérations pour diminuer les provisions, déca-
ler l'échéance des financements et améliorer ainsi la structure
de leur bilan. Les scénarios de démantèlement une fois défi-
nis devraient être contraignants et n'être remis en cause que
pour des raisons techniques débattues en toute transparence.

S'agissant du financement, avant même d'explorer des

solutions assurant la pérennité et la disponibilité des fonds, il
convient que les exploitants informent davantage le public à
l'occasion de la publication de leurs comptes. A cet égard, les
comptes 2003 d'Areva apparaissent beaucoup plus complets
que ceux des autres exploitants. Le fait que le groupe ait déjà
dégagé en valeur actualisée les actifs correspondant à ses pro-
visions n'y est sans doute pas étranger.

La transparence des solutions préconisées dans le secteur

nucléaire est la condition préalable de son acceptation par
l'opinion publique. Elle fait défaut en amont, où les incerti-
tudes constatées entre la théorie du cycle fermé et la réalité
exigeraient une redéfinition de la stratégie de retraitement-
recyclage des combustibles usés. En aval, pour le stockage
des déchets les plus nocifs, elle est précisément un des objets
de la loi du 30 décembre 1991. Comme le démantèlement, la
production et le stockage des déchets sont étroitement liés à
la politique nucléaire future, c'est une vue d'ensemble, dont
le défaut se fait sentir.

Enfin, à moins d'une année du débat prévu par le légis-

lateur sur le devenir des déchets radioactifs, la Cour ne peut
que souhaiter une meilleure prise en compte des besoins
d'information du public.

17