D O C U M E N T D E T R A V A I L
«LE DESCARTES I»
29, PROMENADE MICHEL SIMON
93166 NOISY-LE-GRAND CEDEX
TĂL. 01 45 92 68 00 FAX 01 49 31 02 44
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âUNION EUROPĂENNE :
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TIONS CONTRASTĂES
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SELON LES FORMES DâORGANISA
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TION
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NTOINE
V
ALEYRE
N° 73
novembre 2006
Conditions de travail et santé au travail
des salariĂ©s de lâUnion europĂ©enne :
des situations contrastées
selon les formes dâorganisation
A
NTOINE
V
ALEYRE
v a l e y r e @ m a i l . e n p c . f r
Centre dâĂ©tudes de lâemploi
DOCUMENT DE TRAVAIL
N° 73
Novembre 2006
Ce document de travail prĂ©sente les principaux rĂ©sultats dâune recherche rĂ©alisĂ©e
pour la Dares (Valeyre, 2006). Lâauteur remercie la Fondation europĂ©enne pour
lâamĂ©lioration des conditions de vie et de travail pour son autorisation dâutiliser les
donnĂ©es de la troisiĂšme enquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail et la
Dares pour son financement de la recherche. Il tient Ă©galement Ă remercier
Thomas Coutrot et Michel Gollac pour leurs remarques et suggestions sur des
versions antérieures de ce texte.
ISSN 1629-7997
ISBN 2-11-096193-7
CONDITIONS DE TRAVAIL ET SANTĂ AU TRAVAIL DES SALARIĂS
DE LâUNION EUROPĂNNNE : DES SITUATIONS CONTRASTĂES
SELON LES FORMES DâORGANISATION DU TRAVAIL
Antoine Valeyre
RESUME
Ce document de travail étudie les conditions de travail et la santé au travail des salariés de
lâUnion europĂ©enne selon les formes dâorganisation du travail. Il sâappuie sur les donnĂ©es de
la troisiĂšme enquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail rĂ©alisĂ©e en 2000. La premiĂšre
partie prĂ©sente le cadre mĂ©thodologique de la recherche et la typologie des formes dâorgani-
sation du travail â formes apprenantes, en
lean production
, tayloriennes et de structure
simple - sur laquelle elle se fonde. Les trois parties suivantes comparent les conditions de
travail des salariĂ©s europĂ©ens selon ces quatre formes dâorganisation du travail. Elles
examinent successivement les conditions physiques de travail, les conditions horaires de
travail et les pressions temporelles dans le travail. La cinquiĂšme partie porte sur les risques et
les atteintes Ă la santĂ© au travail quâelle confronte selon les formes dâorganisation du travail.
Le résultat majeur de cette recherche comparative est de montrer que les conditions de travail
et la santĂ© au travail sont trĂšs diffĂ©rentes dans les nouvelles formes dâorganisation du travail,
les formes apprenantes et en
lean production
. Elles sont bien meilleures dans les
organisations apprenantes que dans les organisations en
lean production
ou tayloriennes et
souvent moins bonnes dans les organisations en
lean production
que dans les organisations
tayloriennes. Ce rĂ©sultat conduit Ă sâinterroger en conclusion sur les fortes diffĂ©rences que
lâon observe entre les nouvelles formes
dâorganisation du travail
Mots-clefs :
Conditions de travail, SantĂ© au travail, Nouvelles formes dâorganisation du travail,
Union européenne.
Working Conditions and Health at Work of European Workers:
Great Differences according to the Forms of Organisation
Abstract
This paper analyses the working conditions and the health at work of European workers
according to the forms of work organisation. It is based on data from the third European
Survey on Working Conditions undertaken in 2000. The first section presents the
methodological framework of the study and a four-way typology of forms of work
organisation labelled the leaning, lean production, Taylorist and simple structure forms, on
which the study is based. The next three sections deal with comparisons of the working
conditions of European workers in these four forms of work organisation. Physical working
conditions, working hours and time pressure at work are successively examined. The fifth
section analyses risks to and effects on health at work according to the forms of working
organisation. The main result of this comparative study is that working conditions and health
at work are very different in the new forms of work organisation,
i.e
. the learning and lean
production forms. They are much better in the learning organisations than in the lean
production or the Taylorist ones and often worse in the lean production organisations than in
the Taylorist ones. In conclusion, with this result in mind, we go on to explore the reasons
behind the great differences that can be observed between the new forms of work
organisation.
Key words: Working conditions, Health at work, new Forms of work organisation, European
Union.
INTRODUCTION
Depuis une trentaine dâannĂ©es, de nombreuses entreprises ont dĂ©veloppĂ© des innovations
organisationnelles importantes destinées à remédier aux insuffisances, tant économiques que
sociales, des organisations tayloriennes/fordiennes du travail. Elles visent à améliorer leurs
performances productives et économiques face à un environnement de marché plus instable
et plus diversifié, à une concurrence exacerbée et mondialisée, et à une demande plus
exigeante en termes de variété, de qualité, de délais, de réactivité et de vitesse de renouvel-
lement des produits. Elles visent Ă©galement Ă prendre en compte lâaspiration Ă plus
dâautonomie et dâinitiative dans le travail quâexpriment de nombreux salariĂ©s dans un
contexte dâĂ©lĂ©vation des niveaux de formation et, tout au moins dans les annĂ©es soixante-dix,
à répondre à un rejet croissant des conditions de travail associées aux organisations
tayloriennes/fordiennes du travail, qui se manifeste par une montĂ©e de lâabsentĂ©isme, du
turn-over
, des rebus, des pratiques de freinage et des conflits sociaux.
Les innovations organisationnelles qui tentent de dépasser les obstacles économiques et
sociaux auxquels se heurte le modĂšle taylorien/fordien conduisent Ă des transformations
profondes des pratiques de travail. Des expĂ©riences dâĂ©largissement et dâenrichissement des
tùches et de groupes semi-autonomes de production inspirées du modÚle sociotechnique du
Tavistock Institute
(Emery et Trist, 1960) ont été réalisées dÚs les années soixante-dix par des
entreprises pionniÚres, notamment dans les pays scandinaves, et de façon beaucoup plus
limitée en France. Elles ont été relayées depuis les années quatre-vingt par la diffusion de
pratiques organisationnelles comme la dĂ©lĂ©gation dâune marge dâautonomie dans le travail, le
raccourcissement des lignes hiérarchiques, la polyvalence, le travail en équipes (équipes
autonomes
, Ă©quipes transversales et pluridisciplinaires comme les groupes de projets, les
cercles de qualité ou les groupes de résolution de problÚmes), les démarches de qualité totale
et la production en flux tendus. Ces pratiques de travail sont fréquemment développées de
façon simultanée. Elles relÚvent des principes du modÚle de la
lean production
qui est
souvent considĂ©rĂ© comme constitutif dâun nouveau modĂšle dâorganisation du travail dont
lâefficacitĂ© en ferait un nouveau «
one best way
» qui supplanterait le modÚle taylorien/
fordien (Womack, John et Roos, 1990 ; MacDuffie et Krafcik, 1992). Ces « pratiques de
travail Ă performance Ă©levĂ©e », selon lâappellation couramment retenue dans la littĂ©rature
amĂ©ricaine, ont connu une diffusion rapide aux Ătats-Unis depuis le milieu des annĂ©es
quatre-vingt (Osterman, 1994 et 2000), puis en Europe à partir de la fin des années quatre-
vingt. Des enquĂȘtes statistiques comme les enquĂȘtes REPONSE ou lâenquĂȘte COI pour les
activitĂ©s industrielles, montrent lâampleur de cette diffusion en France dans les annĂ©es
quatre-vingt-dix (Askénazy et Caroli, 2003 ; Coutrot, 1995 et 2000 ; Greenan et Hamon-
Cholet, 2000).
Paradoxalement, les innovations organisationnelles des vingt derniĂšres annĂ©es ne sâaccom-
pagnent pas dâune amĂ©lioration des conditions de travail et de la santĂ© au travail, alors mĂȘme
que des tendances lourdes comme la tertiarisation de lâĂ©conomie ou lâautomatisation et lâin-
1
PrĂ©cisons que la notion dâĂ©quipe autonome de travail prĂ©sente des contenus trĂšs divers. Ainsi, la conception des Ă©quipes
autonomes de travail (
teamwork
) des organisations en
lean production
diffÚre profondément de celle des groupes semi-
autonomes de production du modĂšle sociotechnique scandinave. Dans ces derniers, une place bien plus grande est faite Ă
lâauto-organisation. Le travail est librement organisĂ© dans le groupe, les objectifs de production sont souvent nĂ©gociĂ©s
avec la hiĂ©rarchie et le porte parole du groupe est Ă©lu, ce qui nâest pas le cas dans les Ă©quipes de la
lean production
(Durand, Stewart et Castillo, 1998 ; Fröhlich et Pekruhl, 1996).
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
formatisation de la production constituent des facteurs structurels favorables à la réduction
des pĂ©nibilitĂ©s et des risques professionnels. Les enquĂȘtes statistiques sur les conditions de
travail ou sur les risques professionnels mettent plutÎt en évidence une tendance à la dégra-
dation de la situation. Ainsi, sur la base des trois premiĂšres enquĂȘtes europĂ©ennes sur les
conditions de travail, on observe dans lâUnion europĂ©enne, au cours des annĂ©es quatre-vingt-
dix, une légÚre dégradation de nombreuses conditions physiques de travail, comme
lâexposition Ă des postures douloureuses ou fatigantes, au port de charges lourdes, au bruit ou
à la chaleur, que ne compensent pas la légÚre amélioration concernant les expositions au
froid ou Ă lâinhalation des fumĂ©es et vapeurs dangereuses (MerlliĂ© et Paoli, 2001 ; Daubas-
Letourneux et ThĂ©baud-Mony, 2003). SimultanĂ©ment, et de façon liĂ©e, le travail tend Ă
sâintensifier sous la pression de cadences Ă©levĂ©es ou de dĂ©lais serrĂ©s. Ces tendances
sâaccompagnent dâune augmentation des atteintes Ă la santĂ© perçues comme liĂ©es au travail.
Il sâagit notamment de troubles infrapathologiques, comme la fatigue gĂ©nĂ©rale ou les maux
de dos
ou de tĂȘte. En France, sur la pĂ©riode de 1984 Ă 1998, les enquĂȘtes Conditions de
travail conduisent Ă des constats analogues en matiĂšre de conditions physiques de travail et
dâintensification du travail (AskĂ©nazy 2004 ; BuĂ©, Coutrot et Puech, 2004). Sur la pĂ©riode
plus rĂ©cente des dix derniĂšres annĂ©es, lâenquĂȘte SUMER de 2003 montre Ă©galement une
tendance Ă lâaccroissement de nombreux risques et pĂ©nibilitĂ©s physiques du travail (Arnaudo
et al
., 2004).
La question se pose donc de comprendre comment des innovations organisationnelles qui
étaient censées améliorer les conditions de travail, ont apparemment dévié de cet objectif. Il
convient tout dâabord de sâinterroger sur les relations effectives entre diffusion des
innovations organisationnelles et évolution des conditions de travail. Les tendances décrites
prĂ©cĂ©demment sont observĂ©es au niveau de lâensemble de lâĂ©conomie ou de secteurs
dâactivitĂ©s. Elles peuvent fort bien ĂȘtre concomitantes, sans ĂȘtre interdĂ©pendantes. La dĂ©gra-
dation moyenne des conditions de travail peut correspondre Ă la combinaison dâune amĂ©lio-
ration dans les entreprises trÚs innovantes et une dégradation dans les entreprises peu ou non
innovantes. De fait, toutes les entreprises nâont pas participĂ© au mouvement dâinnovation
organisationnelle, loin sâen faut. Nombre dâentre elles ont conservĂ© une prĂ©dominance
dâorganisations du travail tayloriennes ou traditionnelles ou de structure simple (Linhart,
1994 ; Lorenz et Valeyre, 2005b). Peu de travaux sont susceptibles dâapporter des Ă©lĂ©ments
de réponse à cette question des interdépendances entre innovations organisationnelles et
conditions de travail, surtout si lâon fait abstraction des Ă©tudes de cas dont les rĂ©sultats trĂšs
hĂ©tĂ©rogĂšnes ne se prĂȘtent pas Ă la gĂ©nĂ©ralisation. Lorsquâils sâappuient sur des enquĂȘtes
représentatives, ils conduisent plutÎt au résultat selon lequel les pratiques de travail
innovantes contribuent à une dégradation des conditions de travail ou de la santé au travail
.
Ainsi, aux Ătats-Unis, Brenner, Fairris et Ruser (2004) montrent que les pratiques de juste Ă
temps ou de rotation de postes conduisent Ă une augmentation des risques de traumatismes
répétés, notamment de troubles musculo-squelettiques, et plus généralement, que la diffusion
combinée de plusieurs pratiques innovantes de travail entraßne une élévation des risques pour
la sĂ©curitĂ© au travail. En France, sur la base des donnĂ©es de lâenquĂȘte Conditions de travail de
1998, Askénazy et Caroli (2003) mettent en évidence que des innovations organisationnelles
comme la rotation des tùches ou la mise en place de normes de qualité sont associées à un
accroissement des risques professionnels, de la charge mentale du travail et des accidents de
2
Les enquĂȘtes europĂ©ennes ne permettent pas de connaĂźtre lâĂ©volution de lâensemble des troubles musculo-squelettiques,
en forte progression au cours de la période comme le montrent les statistiques de maladies professionnelles.
3
Pour une revue de la littérature sur ce thÚme, voir Askénazy et Caroli (2003).
6
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
travail bénins. Ainsi, la question de la relation paradoxale entre diffusion des innovations
organisationnelles et dégradation des conditions de travail reste entiÚre.
Dans un ouvrage rĂ©cent, AskĂ©nazy (2004) explique ce paradoxe par les dynamiques dâinten-
sification du travail et de cumul des contraintes qui accompagnent les pratiques de travail
innovantes et simultanément contribuent à détériorer les conditions de travail. Ces
dynamiques sâobservent aussi bien en France (Cartron et Gollac, 2006 ; Gollac et Volkoff,
1996 ; Valeyre, 2004) quâau niveau europĂ©en (Boisard, Cartron, Gollac et Valeyre, 2002) et
jusquâau milieu des annĂ©es quatre-vingt-dix aux Ătats-Unis (AskĂ©nazy, 2002 et 2004). De
fait, les contraintes temporelles imposées par la tension des flux, par les exigences de la
demande et par les urgences dans le traitement des incidents et des dysfonctionnements de la
production, rĂ©duisent les marges de manĆuvre dont disposent les salariĂ©s pour construire de
bons compromis entre les contraintes de la production et la préservation de leur santé, alors
mĂȘme quâune certaine autonomie procĂ©durale leur est octroyĂ©e (Gollac et Volkoff, 2000).
Elles rendent lâexposition aux pĂ©nibilitĂ©s et aux risques professionnels plus difficile Ă Ă©viter,
par exemple faute de temps pour choisir les gestes et les postures les mieux adaptées à des
contraintes physiques Ă risque ou pour prendre les prĂ©cautions quâimpose un travail en
contact avec des nuisances physico-chimiques (Davezies, 1999).
Cependant, les pratiques innovantes de travail sur lesquelles se fondent cette analyse du
paradoxe relĂšvent essentiellement du modĂšle de la
lean production
dans la mesure oĂč sont
privilégiés des dispositifs organisationnels comme la rotation des tùches, le travail en
équipes, la production en juste à temps ou la gestion de la qualité totale. La question se pose
donc de savoir si les innovations organisationnelles ne se diffusent pas aussi dans dâautres
formes dâorganisation du travail plus respectueuses de la qualitĂ© de vie au travail et plus
propices Ă lâamĂ©lioration des conditions de travail, dans le prolongement des principes du
modĂšle sociotechnique scandinave. Dans ce cas, le paradoxe ne concernerait quâune partie
des organisations innovantes et les voies de son dĂ©passement pourraient sâappuyer sur des
pratiques sâinspirant dâautres modĂšles que celui de la
lean production
. De fait, la thĂšse de
lâunicitĂ© des nouveaux modĂšles dâorganisation du travail inspirĂ©s des principes de la
lean
production
ne fait pas lâunanimitĂ©. Ă la thĂšse du nouveau
one best way
organisationnel liĂ© Ă
la
lean production
sâoppose celle de la pluralitĂ© des modĂšles dâorganisation efficiente du
travail. Dans le contexte américain, Appelbaum et Batt (1994) identifient deux modÚles
efficients, celui de la
lean production
et celui de la « production en Ă©quipes autonomes Ă
lâamĂ©ricaine » qui combine les principes du modĂšle sociotechnique suĂ©dois et ceux du
management de la qualitĂ© totale. Coutrot (1998) distingue Ă©galement deux modĂšles dâorga-
nisation innovants dans les entreprises françaises, lâun relevant du post-fordisme et lâautre du
nĂ©o-fordisme de lâautonomie contrĂŽlĂ©e. Les travaux de Boyer et Freyssenet (2000) portant
sur lâindustrie automobile Ă Ă©chelle mondiale contribuent aussi Ă alimenter la thĂšse de la
diversitĂ© des modĂšles productifs efficients. Un travail rĂ©cent fondĂ© sur les donnĂ©es de lâen-
quĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail de 2000 montre que dans lâUnion europĂ©enne
des Quinze les formes dâorganisation du travail liĂ©es Ă la diffusion des innovations organi-
sationnelles ne relĂšvent pas dâun modĂšle unique, mais de deux : le modĂšle relativement
dĂ©centralisĂ© des formes dâorganisation apprenantes oĂč les salariĂ©s disposent dâune large
autonomie procédurale et ne subissent que de faibles contraintes temporelles dans leur
travail, auquel se rattache le modÚle sociotechnique scandinave ; et le modÚle plus hiérarchi-
que des formes dâorganisation en
lean production
oĂč les salariĂ©s sont confrontĂ©s Ă des
situations dâautonomie restreinte et contrĂŽlĂ©e (Lorenz et Valeyre,
2005b). Ce résultat conduit
Ă formuler lâhypothĂšse que les conditions de travail et la santĂ© au travail diffĂšrent de façon
importante entre ces deux nouvelles formes dâorganisation du travail. Plus prĂ©cisĂ©ment, les
7
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
salariĂ©s travaillant dans le cadre dâorganisations apprenantes bĂ©nĂ©ficieraient de meilleures
conditions de travail et de santé au travail que les salariés travaillant dans le cadre
dâorganisations du travail en
lean production
, dans la mesure oĂč ils disposent de marges plus
importantes dâautonomie et dâinitiative dans le travail et de moindres pressions temporelles,
ce qui leur permet de réguler leur activité de travail dans de meilleures conditions de préser-
vation de leur santé. Une hypothÚse complémentaire est que les organisations apprenantes
offriraient de meilleures conditions de travail et de santé au travail que les organisations
tayloriennes, mais pas les organisations en
lean production
comme il a été constaté précé-
demment. La relation attendue entre innovations organisationnelles et meilleures conditions
de travail et de santĂ© au travail sâobserverait donc dans les organisations apprenantes, mais
non dans les organisations en
lean production
. Le paradoxe des effets plutÎt négatifs des
innovations organisationnelles sur les conditions de travail ne vaudrait donc que pour les
organisations en
lean production
.
Ce document de travail se propose dâapporter des Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse Ă ces questions en
prĂ©sentant les principaux rĂ©sultats dâune recherche ayant pour objet la comparaison des
conditions de travail et de la santĂ© au travail des salariĂ©s de lâUnion europĂ©enne selon les
formes dâorganisation du travail (Valeyre, 2006). La premiĂšre partie prĂ©sente le cadre mĂ©tho-
dologique de la recherche et la typologie des formes dâorganisation du travail â formes
apprenantes, en
lean production
, tayloriennes et de structure simple - sur laquelle elle se
fonde. Les trois parties suivantes comparent les conditions de travail des salariés européens
selon les diffĂ©rentes formes dâorganisation du travail. Elles examinent successivement les
conditions physiques de travail, les conditions horaires de travail et les pressions temporelles
dans le travail. La cinquiÚme partie porte sur les risques et les atteintes à la santé au travail
quâelle confronte selon les formes dâorganisation du travail. Enfin, la conclusion sâinterroge
sur les fortes diffĂ©rences de conditions de travail et de santĂ© au travail que lâon observe entre
les deux formes innovantes dâorganisation du travail, les formes apprenantes et les formes en
lean production
.
I. LE CADRE MĂTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
1.1. Source de donnĂ©es et champ dâĂ©tude
Lâanalyse comparative des conditions de travail et de la santĂ© au travail selon les formes
dâorganisation du travail est fondĂ©e sur une exploitation statistique secondaire de lâenquĂȘte
européenne sur les conditions de travail réalisée en 2000 par la Fondation européenne pour
lâamĂ©lioration des conditions de vie et de travail
(cf. encadrĂ© 1). Comme lâĂ©tude sâintĂ©resse
aux pratiques organisationnelles mises en Ćuvre dans les entreprises, elle est focalisĂ©e sur les
salariés des secteurs marchands, hors agriculture et services domestiques. En outre, les trÚs
petits Ă©tablissements ne sont pas pris en compte car lâorganisation du travail y est le plus
souvent spĂ©cifique ou rudimentaire. Le champ de lâĂ©tude est donc constituĂ© des salariĂ©s des
Ă©tablissements dâau moins dix personnes travaillant dans les secteurs marchands et non
agricoles ou domestiques (ensemble des secteurs de la NACE Ă deux chiffres, Ă lâexclusion
de lâadministration publique et la sĂ©curitĂ© sociale, lâĂ©ducation, la santĂ© et lâaction sociale,
4
Pour une prĂ©sentation gĂ©nĂ©rale des rĂ©sultats de la troisiĂšme enquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail, voir
Merllié et Paoli (2001).
8
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
lâagriculture et la pĂȘche, et les services domestiques). LâĂ©chantillon Ă©tudiĂ© compte
8 081 individus reprĂ©sentatifs dâune population de prĂšs de 85 millions de salariĂ©s.
Encadré 1
La troisiĂšme enquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail
La Fondation europĂ©enne pour lâamĂ©lioration des conditions de vie et de travail rĂ©alise pĂ©riodiquement des
enquĂȘtes sur les conditions de travail. La troisiĂšme enquĂȘte a Ă©tĂ© effectuĂ©e dans les quinze pays membres de
lâUnion europĂ©enne en mars 2000. Environ 1 500 personnes ayant un emploi ont Ă©tĂ© enquĂȘtĂ©es dans chaque
pays, Ă lâexception du Luxembourg avec environ 500 personnes. Au total, lâĂ©chantillon de lâenquĂȘte compte
21 703 personnes.
LâenquĂȘte est fondĂ©e sur une mĂ©thode dâĂ©chantillonnage selon le principe des itinĂ©raires alĂ©atoires. La
stratification est effectuĂ©e par rĂ©gions, catĂ©gories urbaines, secteurs dâactivitĂ© Ă©conomique, groupes
professionnels, genres et ùges. Les entretiens ont été réalisés en face à face au domicile des personnes
enquĂȘtĂ©es.
Le questionnaire de lâenquĂȘte nâest pas exclusivement centrĂ© sur les conditions de travail. Il comporte en effet
huit volets thématiques
: les caractĂ©ristiques structurelles des emplois (activitĂ©, professionâŠ)
;
lâenvironnement physique du travail ; les temps et les horaires de travail ; lâorganisation du travail ; les
relations sociales dans le travail (communications, tensionsâŠ) ; la sĂ©curitĂ© et la santĂ© au travail ; les situations
familiales et les activités extraprofessionnelles ; les rémunérations.
1.2. Les formes dâorganisation du travail
Quatre formes dâorganisation du travail sont distinguĂ©es dans la recherche : les formes
apprenantes, en
lean production,
tayloriennes et de structure simple. Elles correspondent aux
quatre classes dâune typologie qui a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e dans une recherche prĂ©cĂ©dente (Lorenz et
Valeyre, 2005b)
sur la base des donnĂ©es de lâenquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de
travail de 2000, en référence à des modÚles couramment décrits dans la littérature organisa-
tionnelle. Leurs principales caractĂ©ristiques sont prĂ©sentĂ©es dans lâencadrĂ© 2. La consistance
de cette typologie établie à partir de déclarations de salariés
est confortée par ses analogies
avec des classifications organisationnelles fondĂ©es sur des donnĂ©es dâentreprises, comme
celle Ă©laborĂ©e par Coutrot (1998) selon lâorganisation du travail et lâenvironnement Ă©conomi-
que des Ă©tablissements de lâhexagone
et celle des pratiques organisationnelles des moyennes
entreprises industrielles françaises et allemandes
réalisée par Moati et Pouquet (2002). Dans
5
Pour une présentation synthétique, voir Lorenz et Valeyre (2005a).
6
Cette typologie est construite sur la base de dĂ©clarations des salariĂ©s. Elle se propose donc dâidentifier les formes
dâorganisation du travail Ă partir dâune classification des pratiques individuelles de travail. Elle comporte inĂ©vitablement
certaines approximations taxonomiques, relativement limitées, comme le montrent les analyses structurelles par secteur,
par profession ou par pays, rĂ©alisĂ©es sur les classes dâorganisation du travail. Une analyse menĂ©e au niveau des unitĂ©s
organisationnelles définies par des modes spécifiques de coordination du travail entre salariés serait préférable. Mais
aucune donnĂ©e nâest accessible Ă ce niveau, intermĂ©diaire entre celui des entreprises ou de leurs Ă©tablissements oĂč
coexistent frĂ©quemment diffĂ©rentes formes dâorganisation du travail et celui des postes de travail que permettent
dâapprĂ©hender les enquĂȘtes auprĂšs des salariĂ©s.
7
Cette classification porte sur un Ă©chantillon de 2 600 Ă©tablissements interrogĂ©s dans lâenquĂȘte REPONSE (Relations
professionnelles et nĂ©gociations dâentreprise) de 1993 menĂ©e par la Dares. Il sâagit dâĂ©tablissements des secteurs privĂ©s et
publics (hors administration) appartenant Ă des entreprises dâau moins 50 salariĂ©s.
8
Cette classification se fonde sur lâenquĂȘte « PMI 93 » rĂ©alisĂ©e fin 92-dĂ©but 93 Ă lâinitiative du CGP et des ministĂšres de
lâIndustrie, de la Recherche et de lâAgriculture, auprĂšs dâun Ă©chantillon de 1 000 entreprises industrielles moyennes (de
100 à 2 000 personnes) pour moitié françaises et pour moitié allemandes.
9
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
une recherche portant sur un objet voisin, les relations entre organisation du travail et santé,
et mobilisant la mĂȘme source de donnĂ©es, Daubas-Letourneux et ThĂ©baud-Mony (2003)
construisent une typologie organisationnelle sensiblement différente de la nÎtre. Cela tient en
partie au champ dâĂ©tude beaucoup plus large qui est retenu, lâensemble des salariĂ©s
travaillant au moins dix heures dans les secteurs dâactivitĂ©s non agricoles. Cela tient surtout Ă
la diffĂ©rence de lâapproche organisationnelle adoptĂ©e qui conduit les auteurs Ă inclure parmi
les variables organisationnelles servant de base Ă lâĂ©laboration de leur typologie des variables
de conditions horaires de travail (horaires longs, atypiques ou flexibles) et des variables de
rapports sociaux ou marchands et, en revanche, Ă ne pas prendre en compte des variables
comme le travail en équipe, la rotation des tùches ou les contraintes hiérarchiques ou hori-
zontales de rythme de travail. Ainsi, au-delĂ de certains traits qui les rapprochent, notamment
Ă travers les configurations dâautonomie, de contrĂŽle et de contraintes dans le travail, les
deux typologies proposent deux points de vue différents et complémentaires sur la question
des relations entre organisations du travail et risques et atteintes à la santé au travail.
Encadré 2
Typologie des formes dâorganisation du travail
Une typologie des formes dâorganisation du travail des salariĂ©s de lâUnion europĂ©enne a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e
antĂ©rieurement sur la base des donnĂ©es de la troisiĂšme enquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail
(Lorenz et Valeyre, 2005b). Elle distingue quatre classes dâorganisation du travail.
- La classe des
organisations apprenantes
regroupe des salariĂ©s qui disposent dâune forte autonomie dans le
travail, autocontrĂŽlent la qualitĂ© de leur travail et rencontrent frĂ©quemment des situations dâapprentissage et de
résolution de problÚmes imprévus. Ils sont relativement nombreux à travailler en équipe. Ils exercent le plus
souvent des tùches complexes, non monotones et non répétitives et subissent peu de contraintes de rythme.
Cette classe sâapparente au modĂšle sociotechnique suĂ©dois et se rattache Ă©galement au modĂšle de « production
en Ă©quipes autonomes Ă lâamĂ©ricaine » (Appelbaum et Batt, 1994) qui combine les principes du systĂšme
socio-technique suédois et ceux du management de la qualité.
- La classe des
organisations en lean production
présente une forte diffusion du travail en équipe, de la
rotation des tùches et de la gestion de la qualité (autocontrÎle de la qualité et respect de normes de qualité
précises). Elle correspond typiquement au modÚle de la
lean production
qui combine travail en groupe,
polyvalence, qualité totale et flux tendus (MacDuffie et Krafcik, 1992 ; Womack, Jones et Roos, 1990). Si,
comme dans les organisations apprenantes, les salariés sont souvent confrontés à des situations
dâapprentissage et de rĂ©solution de problĂšmes imprĂ©vus, ils bĂ©nĂ©ficient en revanche de bien moindres marges
dâautonomie dans leur travail et sont soumis Ă de multiples contraintes de rythme. Ils rencontrent donc des
situations de travail en « autonomie contrÎlée » (Appay, 1993 ; Coutrot, 1998).
- La classe des
organisations tayloriennes
, comme celle des organisations en
lean production
, associe des
salariĂ©s astreints Ă dâimportantes contraintes de rythme de travail, Ă des tĂąches rĂ©pĂ©titives et monotones, et Ă
des normes de qualité précises. En revanche, leur travail présente une faible autonomie procédurale, un faible
contenu cognitif et lâauto-contrĂŽle de la qualitĂ© est peu rĂ©pandu. Cette classe relĂšve du modĂšle taylorien
dâorganisation du travail, dans ses formes classiques, mais aussi dans ses formes assouplies en « taylorisme
flexible » (Boyer et Durand, 1993), comme le suggÚre la fréquence relative des pratiques de rotation des
tĂąches.
- La classe des
organisations de structure simple
se caractérise par une faible diffusion du travail en équipe,
de la rotation des tùches et de la gestion de la qualité. Le travail y est peu contraint dans ses rythmes et peu
rĂ©pĂ©titif, mais relativement monotone et Ă faible contenu cognitif. Cette classe sâapparente au modĂšle des
organisations de « structure simple » (Mintzberg, 1982) définies par une faible formalisation des procédures et
un mode de contrÎle par supervision directe exercée sur les salariés, soit par leur supérieur hiérarchique, soit
par leur patron dans les petites entreprises.
10
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
1.3. Les variables de conditions de travail et de santé au travail
Les conditions de travail ne sont pas des variables qui sâimposent Ă lâobservateur, mais des
constructions sociales qui conduisent à détacher du travail certains de ses aspects, tout
particuliĂšrement lorsquâils soulĂšvent des problĂšmes de pĂ©nibilitĂ©s ou dâatteintes Ă la santĂ©
(Gollac et Volkoff, 2000). Cette construction sâopĂšre selon de multiples processus sociaux
dâobjectivation liĂ©s notamment aux progrĂšs des connaissances scientifiques dans le domaine
et Ă lâaction des pouvoirs publics, des spĂ©cialistes de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© au travail, des
organisations syndicales ou de groupes professionnels (Gollac, 1995). Les conditions de
travail étudiées correspondent à celles qui sont couramment retenues dans la littérature. Elles
concernent bien Ă©videmment les conditions physiques de travail, dans leurs dimensions de
pénibilités physiques, de nuisances et de risques toxiques. Elles prennent aussi en compte le
cadre temporel dâexercice de lâactivitĂ© de travail sous deux angles, dâune part celui des
conditions horaires du travail, dans leurs aspects de durĂ©es de travail longues, dâhoraires
atypiques et dâhoraires flexibles, et dâautre part celui des pressions temporelles dans le travail
en termes dâintensitĂ© du travail et dâinterruptions imprĂ©vues dans le travail. En revanche, la
question de la charge mentale du travail (Hamon-Cholet, 2004) nâest pas abordĂ©e, faute de
données disponibles sur ce thÚme dans la source statistique utilisée.
Lâanalyse des atteintes Ă la santĂ© liĂ©es au travail pose de dĂ©licats problĂšmes mĂ©thodologiques
dans la mesure oĂč les relations entre travail et santĂ© ne sont ni univoques, ni instantanĂ©es
(Gollac et Volkoff, 2000). Les affections peuvent relever de plusieurs risques professionnels
différents et de facteurs non professionnels. Par ailleurs, les relations entre risques profes-
sionnels et troubles de santĂ© sâinscrivent dans le temps selon des processus souvent Ă©volutifs
et diffĂ©rĂ©s. Pour rĂ©duire les difficultĂ©s mĂ©thodologiques liĂ©es Ă la dimension temporelle et Ă
la composante extraprofessionnelle des facteurs de risque, dans le cadre de lâanalyse de
statique comparative dĂ©veloppĂ©e ici lâaccent est principalement mis sur des troubles infra-
pathologiques comme les troubles musculo-squelettiques ou dâordre psychique dĂ©clarĂ©s
causĂ©s par le travail. Lâimpact des risques professionnels liĂ©s aux organisations du travail sur
ce type dâatteintes Ă la santĂ© peut en effet sâinterprĂ©ter de façon relativement satisfaisante Ă
partir de données en coupe instantanée (Coutrot et Wolff, 2005). Outre les troubles musculo-
squelettiques et des affections dâordre psychique, les variables dâatteinte Ă la santĂ© au travail
étudiées concernent quelques autres affections physiques, notamment sensorielles, les
blessures et des troubles dâordre Ă la fois physique et psychique comme la fatigue gĂ©nĂ©rale,
les maux de tĂȘte ou les maux dâestomac. Lâanalyse porte Ă©galement sur les risques et les
atteintes Ă la santĂ© au travail en gĂ©nĂ©ral, sur le stress et sur les arrĂȘts de travail dus Ă des
accidents ou à des problÚmes de santé liés au travail.
1.4. Le traitement des données
La comparaison des variables de conditions de travail et de santé au travail selon les formes
dâorganisation du travail est tout dâabord rĂ©alisĂ©e avec des mĂ©thodes de statistique descrip-
tive. Cependant, afin de tenir compte de lâinfluence exercĂ©e par des caractĂ©ristiques Ă©cono-
miques et sociodĂ©mographiques qui diffĂšrent selon les formes dâorganisation du travail, des
régressions logistiques sont effectuées en introduisant des variables de contrÎle structurel
.
9
Précisons que les résultats des régressions logistiques ne sont pas interprétés ici en termes de causalité comme pourrait
y inviter le recours à des modÚles économétriques. Ils sont simplement utilisés comme tests statistiques des relations
entre formes dâorganisation du travail et conditions de travail.
11
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
Dans les modÚles retenus, les variables expliquées sont les variables de conditions de travail
ou de santĂ© au travail et les variables explicatives sont dâune part les formes dâorganisation
du travail et dâautre part toute une sĂ©rie de variables de contrĂŽle structurel : le secteur
dâactivitĂ© Ă©conomique, la taille des Ă©tablissements, le groupe socioprofessionnel, le pays, le
type de contrat de travail, le genre, lâĂąge et lâanciennetĂ©
.
2. FORMES DâORGANISATION ET CONDITIONS PHYSIQUES
DE TRAVAIL
LâenquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail permet dâapprĂ©hender de nombreuses
caractĂ©ristiques de conditions physiques de travail. Elles peuvent ĂȘtre distinguĂ©es en trois
catégories : les pénibilités physiques liées aux conditions ergonomiques de travail ; les
nuisances, notamment thermiques ou sonores, liĂ©es Ă lâenvironnement physique de travail ; et
les risques toxiques liées à des expositions dangereuses. Dix variables de conditions physi-
ques de travail sont dĂ©finies sur la base de questions de lâenquĂȘte europĂ©enne prĂ©sentĂ©es dans
lâencadrĂ© 3. Quatre variables portent sur lâexposition Ă des pĂ©nibilitĂ©s physiques : postures
douloureuses ou fatigantes ; manutentions de charges lourdes ; mouvements répétitifs des
mains ou des bras ; et vibrations mĂ©caniques. Trois variables concernent lâexposition Ă des
nuisances : bruits intenses ; chaleur ; et froid. Enfin, trois variables dâexposition Ă des risques
toxiques sont examinées : inhalations de substances dangereuses ; contacts avec des substan-
ces dangereuses ; et irradiations. Les différentes variables de conditions physiques de travail
sont dĂ©finies avec la spĂ©cification de durĂ©es dâexposition qui correspondent Ă des seuils
couramment retenus pour traduire des facteurs de risque dâatteinte Ă la santĂ© au travail : au
moins la moitié du temps de travail pour les variables de pénibilités physiques et de
nuisances ; au moins le quart du temps de travail pour les deux variables de risques toxiques
relatives aux inhalations et aux contacts de substances dangereuses ; et au moins un instant
de travail pour la variable dâirradiations.
Encadré 3
Questions de la troisiĂšme enquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail
relatives aux conditions physiques de travail
Les variables de conditions physiques de travail sont construites Ă partir des questions suivantes, appelant les
rĂ©ponses « tout le temps », « presque tout le temps », « environ Ÿ du temps », « environ la moitiĂ© du temps »,
« environ Œ du temps », « presque jamais », « jamais » ou « ne sais pas » :
â
Voudriez-vous me dire dans quelle mesure votre principal travail implique :
- des positions douloureuses ou fatigantes
- de porter ou déplacer des charges lourdes
- des mouvements répétitifs des mains ou des bras
â
Voudriez-vous me dire dans quelle mesure vous ĂȘtes exposĂ© dans votre travail Ă :
- des vibrations provoquées par des outils à main, machines, etc.
10
La modalitĂ© de rĂ©fĂ©rence choisie pour la variable dâorganisation du travail est constituĂ©e par les formes dâorganisations
tayloriennes. Les modalitĂ©s de rĂ©fĂ©rence pour les variables de contrĂŽle structurel sont : lâindustrie pour les secteurs
dâactivitĂ© Ă©conomique ; la tranche de 10 Ă 49 personnes pour la taille des Ă©tablissements ; les professions intermĂ©diaires
pour les groupes socioprofessionnels ; lâAllemagne pour les pays ; les CDI pour les types de contrats de travail ; les
hommes pour le genre ; la tranche de 35 Ă 44 ans pour lâĂąge ; et la tranche 4 Ă 9 ans pour lâanciennetĂ©.
12
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
- des bruits si forts que vous devriez Ă©lever la voix pour parler aux gens
- des tempĂ©ratures qui vous font transpirer mĂȘme si vous ne travaillez pas
- des tempĂ©ratures basses, que ce soit Ă lâintĂ©rieur de locaux ou Ă lâextĂ©rieur
- respirer des vapeurs, fumées, poussiÚres ou des substances dangereuses telles que des produits chimiques,
des matiĂšres infectieuses, etc.
- ĂȘtre en contact avec ou manipuler des substances ou matĂ©riaux dangereux
- des radiations telles que rayons X, radioactivitĂ©, soudure Ă lâarc, rayons laser
2.1. Pénibilités physiques
Les pénibilités physiques ressenties par les salariés européens varient considérablement en
fonction des formes dâorganisation du travail, comme le montre le tableau 1.
Tableau 1
PĂ©nibilitĂ©s physiques selon les formes dâorganisation du travail
(% de salariés exposés à des pénibilités physiques au moins la moitié du temps de travail)
Formes dâorganisation
du travail
Postures
douloureuses ou
fatigantes
Manutentions de
charges lourdes
Mouvements
répétitifs des mains
ou des bras
Vibrations
mécaniques
Apprenantes
19,6 14,1 34,9 12,9
Lean production
42,9 34,1 63,5 37,2
Tayloriennes
49,4 35,2 74,0 41,1
Structure
simple 31,0 24,2 48,8 12,2
Ensemble
32,4 24,5 50,9 23,4
Lire ainsi
: 19,6% des salariés des organisations apprenantes sont exposés à des postures douloureuses ou fatigantes au moins la moitié
du temps de travail.
Champ
: SalariĂ©s des secteurs marchands, hors agriculture et services domestiques, travaillant dans des Ă©tablissements dâau moins dix
personnes.
Source
: TroisiĂšme enquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail. Fondation europĂ©enne pour lâamĂ©lioration des conditions de vie et
de travail.
Un tiers des salariĂ©s dĂ©clare ĂȘtre exposĂ© Ă des postures douloureuses ou fatigantes pendant au
moins la moitiĂ© du temps de travail. Cette proportion sâĂ©lĂšve Ă prĂšs de la moitiĂ© des salariĂ©s
dans les organisations tayloriennes et Ă plus de 40 % dans les organisations en
lean produc-
tion
. En revanche, moins de 20 % des salariés sont concernés dans les organisations appre-
nantes. Les manutentions de charges lourdes pendant au moins la moitié du temps de travail
touchent le quart des salariés en moyenne. Si plus du tiers des salariés sont soumis à ce type
de pénibilités physiques dans les organisations tayloriennes et les organisations en
lean
production
, ils sont moins de 15 % dans les organisations apprenantes. La moitié des salariés
exécutent des mouvements répétitifs des mains ou des bras pendant au moins la moitié de
leur temps de travail. Ils sont prĂšs des trois quarts Ă le faire dans les organisations
tayloriennes, prĂšs des deux tiers dans les organisations en
lean production
et, Ă lâinverse, Ă
peine un tiers dans les organisations apprenantes. Enfin, prĂšs dâun quart des salariĂ©s sont
exposés à des vibrations mécaniques provoquées par des outils ou des machines pendant au
moins la moitiĂ© du temps de travail. LĂ encore, les situations sont trĂšs contrastĂ©es, avec dâun
cÎté des proportions de plus de 40 % dans les organisations tayloriennes et de prÚs de 40 %
13
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
dans les organisations en
lean production
et de lâautre des proportions de lâordre de 12 %
dans les organisations apprenantes, ainsi que dans les organisations de structure simple.
La prise en compte de lâinfluence des caractĂ©ristiques structurelles des emplois et des salariĂ©s
qui les exercent Ă lâaide de rĂ©gressions logistiques expliquant les pĂ©nibilitĂ©s physiques par les
formes dâorganisation du travail et les variables de contrĂŽle structurel ne modifie pas fonda-
mentalement les résultats descriptifs précédents. On le vérifie à partir du tableau 2 qui
prĂ©sente les rĂ©sultats des rĂ©gressions logistiques relatifs aux effets des formes dâorganisation
du travail
. Par rapport à la situation des salariés des organisations tayloriennes, choisie
comme référence, la probabilité de subir des conditions physiques de travail pénibles est
significativement beaucoup plus faible dans les organisations apprenantes ou de structure
simple. En revanche, elle nâapparaĂźt pas significativement diffĂ©rente dans les organisations
en
lean production
, Ă lâexception toutefois de la moindre exposition Ă des mouvements rĂ©pĂ©-
titifs des mains et des bras. Ainsi, lâanalyse Ă©conomĂ©trique conduit Ă des rĂ©sultats en gĂ©nĂ©ral
convergents avec ceux de lâanalyse descriptive. Cependant, elle introduit quelques diffĂ©ren-
ces dans la comparaison des situations des organisations en
lean production
et des organisa-
tions tayloriennes. Dans lâanalyse descriptive, les estimations des pĂ©nibilitĂ©s physiques du
travail sont le plus souvent nettement plus basses dans les organisations en
lean production
que celles des organisations tayloriennes. Lâanalyse Ă©conomĂ©trique tend Ă augmenter ces
estimations dans les organisations en
lean production
par rapport Ă celles des organisations
tayloriennes. En conséquence, les différences ne restent significatives que pour une seule va-
riable, lâexposition Ă des mouvements rĂ©pĂ©titifs des mains et des bras. De plus, pour lâexpo-
sition Ă des manutentions de charges lourdes et lâexposition Ă des vibrations mĂ©caniques, les
odds ratios
de la
lean production
sont supérieurs à ceux des organisations tayloriennes.
Tableau 2
Régressions logistiques des variables de pénibilités physiques
en fonction des formes dâorganisation du travail, avec contrĂŽle structurel (odds ratios)
Formes dâorganisation
du travail
Postures
douloureuses ou
fatigantes
Manutentions de
charges lourdes
Mouvements
répétitifs des mains
ou des bras
Vibrations
mécaniques
Apprenantes
0,40** 0,48** 0,28** 0,47**
Lean production
0,90 1,05 0,69** 1,12
Tayloriennes
RĂ©f
RĂ©f
RĂ©f
RĂ©f
Structure
simple 0,49** 0,69** 0,37** 0,28**
ModalitĂ© de rĂ©fĂ©rence pour les formes dâorganisation du travail
: organisations tayloriennes
.
Variables de contrĂŽle structurel :
secteur dâactivitĂ© Ă©conomique, taille des Ă©tablissements, groupe socioprofessionnel, pays, type de
contrat de travail, genre, ùge et ancienneté.
Significativité des odds ratios
: ** significatif Ă 1 % ; * significatif Ă 5 %.
Source
: TroisiĂšme enquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail. Fondation europĂ©enne pour lâamĂ©lioration des conditions de vie et
de travail.
En définitive, les salariés qui travaillent dans des organisations apprenantes sont peu nom-
breux Ă dĂ©clarer ĂȘtre exposĂ©s Ă des pĂ©nibilitĂ©s physiques, quâil sâagisse de postures doulou-
reuses ou fatigantes, de manutentions de charges lourdes, de mouvements répétitifs des mains
11
Les rĂ©sultats complets des rĂ©gressions logistiques des variables de pĂ©nibilitĂ©s physiques, incluant lâestimation des
effets des variables de contrĂŽle structurel, figurent dans Valeyre (2006). Il en est de mĂȘme pour les rĂ©sultats complets
concernant les autres variables de conditions de travail et de santé au travail étudiées dans ce document.
14
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
ou des bras, ou de vibrations mĂ©caniques. Ă lâopposĂ©, les organisations tayloriennes ou en
lean production
regroupent des proportions élevées de salariés exposés aux diverses péni-
bilités physiques étudiées, la soumission à des mouvements répétitifs des mains ou des bras
Ă©tant particuliĂšrement forte dans les organisations tayloriennes. Dans les organisations de
structure simple, les pĂ©nibilitĂ©s physiques sont lĂ©gĂšrement supĂ©rieures Ă celles que lâon
observe dans les organisations apprenantes, sauf en ce qui concerne lâexposition Ă des vibra-
tions mĂ©caniques qui sây trouve particuliĂšrement faible.
2.2. Nuisances
Les nuisances sonores ou thermiques auxquelles les salariĂ©s dĂ©clarent ĂȘtre exposĂ©s varient
fortement selon les formes dâorganisation de leur travail, comme on peut lâobserver dans le
tableau 3. En moyenne, prÚs de 30 % des salariés sont soumis à des bruits intenses pendant
au moins la moitié de leur temps de travail. Si cette proportion est presque moitié moindre
dans les organisations apprenantes ou de structure simple, elle atteint prĂšs de 50 % dans les
organisations tayloriennes ou en
lean production
. Lâexposition Ă une forte chaleur pendant au
moins la moitiĂ© du temps de travail est encore plus contrastĂ©e. Dans lâensemble, cette
situation concerne 18 % de salariĂ©s. Cette proportion sâĂ©chelonne de moins de 10 % dans les
organisations apprenantes et Ă peine plus dans les organisations de structure simple, Ă plus du
quart dans les organisations tayloriennes et Ă prĂšs du tiers dans les organisations en
lean
production
. Lâexposition Ă des tempĂ©ratures basses pendant au moins la moitiĂ© du temps de
travail, qui sâĂ©tablit Ă 13 % des salariĂ©s en moyenne, prĂ©sente moins de diffĂ©rences selon les
formes dâorganisation. LĂ encore, la proportion est la plus faible dans les organisations
apprenantes (8 %) et la plus élevée dans les organisations en
lean production
(21 %).
Tableau 3
Exposition Ă des nuisances selon les formes dâorganisation du travail
(% de salariés exposés à des nuisances au moins la moitié du temps de travail)
Formes dâorganisation
du travail
Bruits intenses
Chaleur
Froid
Apprenantes 15,5
8,8
8,4
Lean production
46,3 30,7 21,5
Tayloriennes
48,0 25,8 16,0
Structure
simple 16,6 11,0 10,5
Ensemble
28,8 17,7 13,5
Lire ainsi
: 15,5 % des salariés des organisations apprenantes sont exposés à des bruits intenses au moins la moitié du
temps de travail.
Champ et source
:
idem
tableau 1.
Les régressions logistiques des variables de nuisances sonores ou thermiques confirment
pleinement les constatations de lâanalyse descriptive, comme le montrent les
odds ratios
du
tableau 4 qui présente les résultats des régressions logistiques concernant les effets des
formes dâorganisation du travail. Par rapport Ă la situation rĂ©fĂ©rentielle des organisations
tayloriennes, la probabilitĂ© dâĂȘtre exposĂ© Ă des nuisances sonores ou thermiques est significa-
tivement bien moindre dans les organisations apprenantes ou de structure simple et, en
revanche, plus élevée dans les organisations en
lean production
, et ce, de façon statistique-
ment significative en ce qui concerne les nuisances thermiques de la chaleur et du froid.
15
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
Tableau 4
RĂ©gressions logistiques des variables dâexposition Ă des nuisances
en fonction des formes dâorganisation du travail, avec contrĂŽle structurel (odds ratios)
Formes dâorganisation
du travail
Bruits intenses
Chaleur
Froid
Apprenantes 0,38**
0,53**
0,68**
Lean production
1,16 1,53** 1,36**
Tayloriennes RĂ©f
RĂ©f
RĂ©f
Structure simple
0,31**
0,50**
0,68**
Significativité des
odds ratios : ** significatif Ă 1 % ; * significatif Ă 5 %.
Variables de contrĂŽle structurel et source
:
idem
tableau 2.
Au final, les salariés travaillant dans des organisations apprenantes ou de structure simple
sont les moins exposés aux nuisances sonores ou thermiques. Les nuisances sont importantes
pour les salariés des organisations tayloriennes. Elles le sont plus encore pour ceux des orga-
nisations en
lean production
, tout particuliĂšrement lorsquâil sâagit de nuisances thermiques,
tant de la chaleur que du froid.
2.3. Risques toxiques
Face aux expositions à des risques toxiques, la situation des salariés présente des différences
importantes selon les formes dâorganisation du travail, comme le montre le tableau 5.
Tableau 5
Exposition Ă des risques toxiques selon les formes dâorganisation du travail
(% de salariés exposés à des risques toxiques)
Formes dâorganisation
du travail
Inhalations de substances
dangereuses au moins le
quart du temps
Contacts avec substances
dangereuses au moins le
quart du temps
Irradiations au moins un
instant
Apprenantes 18,8 11,4 15,5
Lean production
39,6 26,2 21,5
Tayloriennes 35,4 22,7 18,4
Structure simple
18,0
9,7
8,8
Ensemble 26,7
16,8
16,3
Lire ainsi
: 18,8 % des salariés des organisations apprenantes sont exposés à des inhalations de substances dangereuses au moins le
quart du temps de travail.
Champ et source
:
idem
tableau 1.
Plus du quart des salariés déclare respirer des vapeurs, des fumées, des poussiÚres ou des
substances dangereuses telles que des produits chimiques ou des matiĂšres infectieuses pen-
dant au moins le quart du temps de travail. Les proportions de salariés exposés à ces risques
dâinhalations dangereuses sont infĂ©rieures Ă 20 % dans les organisations apprenantes ou de
structure simple et, Ă lâopposĂ©, supĂ©rieures au tiers dans les organisations tayloriennes et
proches de 40% dans les organisations en
lean production
. Un salariĂ© sur six affirme ĂȘtre en
contact ou manipuler des substances ou des matériaux dangereux pendant au moins le quart
du temps de travail. Les salariés touchés par ces risques de contacts dangereux sont
16
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
relativement peu nombreux dans les organisations de structure simple, moins de 10 %, et
dans les organisations apprenantes, un peu plus de 10 %, et beaucoup plus dans les organi-
sations tayloriennes, plus de 20 %, et surtout dans les organisations en
lean production
, plus
du quart. Enfin, les risques dâirradiations, notamment par rayons X, radioactivitĂ©, soudure Ă
lâarc ou rayons laser, touchent globalement un salariĂ© sur six. La proportion de salariĂ©s
exposĂ©s Ă ces risques toxiques est la plus basse dans les organisations de structure simple, Ă
peine inférieure à la moyenne dans les organisations apprenantes, légÚrement supérieure dans
les organisations tayloriennes et nettement plus élevée dans les organisations en
lean
production
.
Ces constatations se trouvent le plus souvent confirmées par les analyses de régression
logistique des variables de risques toxiques. On le vérifie dans le tableau 6 qui présente les
rĂ©sultats des rĂ©gressions portant sur les effets des formes dâorganisation du travail. En
retenant comme référence la situation des organisations tayloriennes, il apparaßt que la proba-
bilitĂ© dâĂȘtre exposĂ© Ă des risques toxiques est significativement moindre dans les organisa-
tions apprenantes ou de structure simple. Par contre, elle sâavĂšre plus Ă©levĂ©e dans les organi-
sations en
lean production
, cette supĂ©rioritĂ© Ă©tant significative pour les risques dâinhalations
ou de contacts dangereux. Les rĂ©sultats de lâanalyse Ă©conomĂ©trique confirment donc ceux de
lâanalyse descriptive. La seule diffĂ©rence notable porte sur les expositions aux irradiations.
Alors que lâanalyse descriptive les fait apparaĂźtre nettement plus importantes dans les organi-
sations en
lean production
que dans les organisations tayloriennes, lâanalyse Ă©conomĂ©trique
ne montre pas de différence significative.
Tableau 6
RĂ©gressions logistiques des variables dâexposition Ă des risques toxiques
en fonction des formes dâorganisation du travail, avec contrĂŽle structurel (odds ratios)
Formes dâorganisation
du travail
Inhalations de substances
dangereuses au moins le
quart du temps
Contacts avec substances
dangereuses au moins le
quart du temps
Irradiations au moins un
instant
Apprenantes 0,80*
0,65**
0,80*
Lean production
1,42** 1,27* 1,07
Tayloriennes RĂ©f RĂ©f RĂ©f
Structure simple
0,60**
0,53**
0,56**
Significativité des
odds ratios : ** significatif Ă 1 % ; * significatif Ă 5 %.
Variables de contrĂŽle structurel et source
:
idem
tableau 2.
Ainsi, les résultats relatifs aux expositions à des risques toxiques sont voisins de ceux qui
concernent les autres conditions physiques de travail. Les salariés des organisations de struc-
ture simple et des organisations apprenantes sont les moins soumis aux risques toxiques, quâil
sâagisse dâinhalations ou de contacts avec des substances dangereuses ou dâirradiations. En
revanche, la situation est systématiquement beaucoup plus exposée dans les organisations
tayloriennes, et plus encore dans les organisations en
lean production
, surtout face aux
risques dâinhalations ou de contacts toxiques.
17
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
2.4. Les conditions physiques de travail dans les nouvelles formes dâor-
ganisation : meilleures dans les organisations apprenantes, mais non
dans les organisations en lean production
Les conditions physiques de travail telles que les salariés les déclarent, en termes
dâexposition Ă des pĂ©nibilitĂ©s physiques, Ă des nuisances sonores ou thermiques ou Ă des
risques toxiques, sont donc trĂšs contrastĂ©es selon les formes dâorganisation du travail. En
particulier, elles se diffĂ©rencient fortement entre les deux types de nouvelles formes dâorga-
nisation du travail, les organisations apprenantes et les organisations en
lean production.
De
fait, elles sont bien meilleures dans les organisations apprenantes que dans les organisations
en
lean production
. En outre, si elles sâavĂšrent bien plus favorables dans les organisations
apprenantes que dans les organisations tayloriennes, tel nâest pas le cas dans les organisations
en
lean production
.
Figure 1 : Conditions physiques de travail dans les nouvelles formes
d'organisation
Irradiations
Inhalations
toxiques
Froid
Chaud
Contacts
toxiques
Mouvements
répétitifs
Postures
fatigantes
Charges lourdes
Vib rations
Bruit
intense
0,50
0,75
1,00
1,25
1,50
1,75
0,25
0,50
0,75
1,00
1,25
Odds ratios
formes apprenantes /
tayloriennes
Odds ratios formes lean
production /
tayloriennes
Odds ratios significatif s Ă 5% :
en italique pour les organisations apprenantes
en gras pour les organisations en lean production
On le vérifie dans la figure 1 qui représente les
odds ratios
des régressions logistiques
estimant les effets sur les variables de conditions physiques de travail de lâappartenance aux
organisations apprenantes ou en
lean production
par rapport à la situation de référence des
18
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
organisations tayloriennes
. La situation des salariés des organisations en
lean production
nâapparaĂźt meilleure que celle qui prĂ©vaut dans les organisations tayloriennes que pour une
seule des variables de conditions physiques de travail Ă©tudiĂ©es, lâexposition Ă des mouve-
ments rĂ©pĂ©titifs des bras et des mains. En dehors de ce cas dâexception, elle est voisine en
termes de pĂ©nibilitĂ©s physiques, de nuisances sonores et de risques dâirradiation, et mĂȘme
nettement moins bonne en matiĂšre de nuisances thermiques et de risques toxiques par inha-
lations ou par contacts.
Lâobtention de meilleures conditions de travail attendue par la mise en Ćuvre de formes
innovantes dâorganisation du travail ne se vĂ©rifie que partiellement. Elle se confirme trĂšs
nettement dans le cas des formes dâorganisation de type apprenant. En revanche, elle ne se
manifeste pas dans les formes dâorganisation de type
lean production
, oĂč sâobservent des
situations plutÎt défavorables par rapport à celles des organisations taylorien-nes, notamment
en ce qui concerne lâexposition Ă des nuisances thermiques ou Ă des risques toxiques.
3. FORMES DâORGANISATION ET CONDITIONS HORAIRES
DE TRAVAIL
Les conditions horaires de travail sont étudiées selon trois dimensions : les durées de travail
longues ; les horaires atypiques ; et la flexibilitĂ© des horaires. LâenquĂȘte europĂ©enne sur les
conditions de travail permet de construire de nombreuses variables relatives Ă ces trois
dimensions. Les questions sur lesquelles reposent leurs définitions sont présentées dans
lâencadrĂ© 4. Deux variables de durĂ©es de travail longues sont retenues : les durĂ©es hebdoma-
daires longues (au moins 45 heures par semaine) ; et les durées quotidiennes fréquemment
longues (plus de 10 heures plus de cinq fois par mois
). Cinq variables dâhoraires de travail
atypiques sont étudiées : le travail de nuit (plus de cinq fois par mois
) ; le travail en soirée
(plus de 10 fois par mois) ; le travail le dimanche (au moins une fois par mois) ; le travail le
samedi (au moins une fois par mois) ; et le travail posté. Enfin la flexibilité des horaires de
travail est analysée à partir de quatre variables : la flexibilité quotidienne des durées de
travail (nombre dâheures de travail variable chaque jour) ; la flexibilitĂ© hebdomadaire du
nombre de journées de travail (nombre de jours de travail variable chaque semaine) ; la
flexibilitĂ© horaire (horaires variables) ; et les changements mensuels dâhoraires de travail (au
moins une fois par mois).
12
Ces
odds ratios
sont issus des tableaux 2 (pénibilités physiques), 4 (nuisances) et 6 (risques toxiques).
13
Le choix de la fréquence mensuelle des journées longues, au moins cinq par mois, vise à caractériser des pratiques de
travail suffisamment rĂ©pandues pour ĂȘtre ressenties comme pĂ©nibles et Ă©ventuellement sources de problĂšmes de santĂ©. Le
choix de fréquences encore plus élevées se heurte à des problÚmes de signification statistique.
14
Comme pour les journées de travail longues, le choix des fréquences mensuelles du travail de nuit, au moins cinq par
mois, et du travail en soirée, au moins dix par mois, vise à caractériser des pratiques de travail suffisamment répandues
pour ĂȘtre ressenties comme pĂ©nibles et Ă©ventuellement sources de problĂšmes de santĂ©. Le choix de frĂ©quences encore
plus élevées se heurte à des problÚmes de signification statistique. Par ailleurs, la fréquence retenue pour le travail le
samedi ou le dimanche est dâau moins une fois par mois.
19
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
Encadré 4
Questions de la troisiĂšme enquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail
relatives aux conditions horaires de travail
Les variables de durées de travail longues, hebdomadaires et quotidiennes, sont construites à partir des
questions suivantes :
â
Combien dâheures travaillez vous dâhabitude par semaine dans votre principal travail rĂ©munĂ©rĂ© ?
â
Habituellement, combien de fois par mois effectuez-vous des journées de plus de 10 heures ?
Les variables dâhoraires atypiques sont dĂ©finies Ă partir des questions suivantes :
â
Habituellement, combien de fois par mois travaillez-vous durant la nuit, disons au moins 2 heures entre 10
heures du soir et 5 heures du matin ?
â
Et combien de fois par mois travaillez-vous en soirée, pour au moins deux heures entre 6h et 10h du soir ?
â
Et combien de fois par mois travaillez-vous le dimanche ?
â
Et combien de fois par mois travaillez-vous le samedi ?
â
Travaillez-vous en travail posté ?
Les variables de flexibilité des horaires sont définies à partir des questions suivantes :
â
Travaillez-vous :
- le mĂȘme nombre dâheures chaque jour ?
- le mĂȘme nombre de jours chaque semaine ?
- selon des horaires fixes ?
â
Combien de fois par mois votre horaire de travail change-t-il ?
3.1. Durées de travail longues
Les durĂ©es de travail sont relativement contrastĂ©es selon les formes dâorganisation du travail.
Si lâon considĂšre les durĂ©es de travail longues, les plus pĂ©nibles pour les salariĂ©s et les plus
susceptibles de porter atteinte Ă leur santĂ©, on observe sensiblement les mĂȘmes situations
pour les durées hebdomadaires et les durées quotidiennes, comme on peut le constater dans le
tableau 7. En ce qui concerne les durées hebdomadaires longues, 16 % des salariés déclarent
travailler au moins 45 heures par semaine. Cette proportion est plus Ă©levĂ©e, de lâordre de
20 %, dans les organisations apprenantes, voisine de la moyenne dans les organisations en
lean production
, et nettement plus basse, de lâordre de 10 %, dans les organisations de
structure simple et plus encore dans les organisations tayloriennes. En ce qui concerne les
durées quotidiennes fréquemment longues
, 13 % des salariés déclarent travailler plus de
10 heures par jour plus de cinq fois par mois. De mĂȘme que pour les durĂ©es hebdomadaires
longues, cette situation touche surtout les salariés des organisations apprenantes, dans une
proportion de 16 %, et dans une moindre mesure les salariés des organisations en
lean
production
, avec une proportion légÚrement supérieure à la moyenne, et,
a contrario
,
15
En adoptant un indicateur plus large des pratiques de longues journĂ©es de travail par le choix dâune frĂ©quence dâau
moins une journée par mois, ce qui englobe donc des pratiques trÚs occasionnelles, on obtient une hiérarchisation des
formes dâorganisation analogue. La proportion de salariĂ©s concernĂ©s est en moyenne de 32,0 % : 40,7 % dans les
organisations apprenantes ; 34,8 % dans les organisations en
lean production
; 16,7 % dans les organisations tayloriennes
et 21,0 % dans les organisations de structure simple.
20
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
beaucoup moins les salariés des organisations tayloriennes ou de structure simple, avec des
proportions de moins de 10 %.
Tableau 7
DurĂ©es de travail longues et formes dâorganisation du travail
(% de salariés soumis à des durées de travail longues)
Formes dâorganisation du travail
Au moins 45 heures par semaine
Journées de plus de 10 heures
plus de 5 fois par mois
Apprenantes 19,5
16,0
Lean production
16,9 14,7
Tayloriennes 9,8
8,0
Structure simple
11,7
9,3
Ensemble 16,0
13,3
Lire ainsi
: 19,5 % des salariés des organisations apprenantes travaillent au moins 45 heures par semaine.
Champ et source
:
idem
tableau 1.
Les analyses de régression logistique des variables de durées de travail longues en fonction
des formes dâorganisation du travail et des diffĂ©rentes variables structurelles confirment ces
résultats. On le vérifie dans le tableau 8 qui présente les
odds ratios
des régressions
logistiques estimant les effets des formes dâorganisation du travail. Par rapport Ă la situation
de rĂ©fĂ©rence des salariĂ©s des organisations tayloriennes, la probabilitĂ© dâĂȘtre soumis Ă des
durées de travail longues est significativement plus élevée dans les organisations apprenantes
ou en
lean production
. Par contre, la situation dans les organisations de structure simple ne
diffÚre pas significativement de celle des organisations tayloriennes. Ce résultat vaut aussi
bien pour les durées hebdomadaires longues que pour les durées quotidiennes fréquemment
longues.
Tableau 8
Régressions logistiques des variables de durées de travail longues
en fonction des formes dâorganisation du travail, avec contrĂŽle structurel (odds ratios)
Formes dâorganisation du travail
Au moins 45 heures par semaine
Journées de plus de 10 heures
plus de 5 fois par mois
Apprenantes 1,51**
1,56**
Lean production
1,36* 1,42**
Tayloriennes RĂ©f
RĂ©f
Structure simple
1,06
0,98
Significativité des
odds ratios : ** significatif Ă 1 % ; * significatif Ă 5 %.
Variables de contrĂŽle structurel et source
:
idem
tableau 2.
En définitive, les situations de durées de travail longues se distinguent nettement selon les
formes dâorganisation du travail, mais de maniĂšre trĂšs diffĂ©rente de ce qui est observĂ© pour
les conditions physiques de travail. En effet, quâil sâagisse de durĂ©es hebdomadaires longues
ou de journées fréquemment longues, elles concernent principalement les salariés travaillant
dans les nouvelles formes dâorganisation, principalement les organisations apprenantes et,
dans une moindre mesure, les organisations en
lean production
. En revanche, elles sont
beaucoup moins répandues dans les organisations tayloriennes ou de structure simple.
21
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
3.2. Horaires atypiques
Le degrĂ© de diffusion des divers horaires atypiques Ă©tudiĂ©s varie selon les formes dâorgani-
sation du travail des salariĂ©s (cf. tableau 9). Les diffĂ©rences entre formes dâorganisation sont
particuliÚrement marquées pour le travail posté et le travail de nuit. Le travail posté touche le
quart des salariĂ©s. Sâil sâimpose Ă prĂšs de 40 % des salariĂ©s dans les organisations
tayloriennes ou en
lean production
, les proportions ne sont que 13 % dans les organisations
apprenantes, et les organisations de structure simple se trouvent dans une situation
intermédiaire. La pratique fréquente du travail de nuit, plus de cinq fois par mois, est déclarée
par un salarié sur huit. Cette proportion atteint son niveau le plus haut, 20 %, dans les
organisations en
lean production
et sâĂ©lĂšve Ă 16 % dans les organisations tayloriennes. Ă
lâopposĂ©, elle nâest que de 7 % dans les organisations apprenantes et lĂ©gĂšrement infĂ©rieure Ă
la moyenne dans les organisations de structure simple. Lâexercice frĂ©quent du travail en
soirée, plus de dix fois par mois, concerne 14 % des salariés. Il est légÚrement plus développé
dans les organisations tayloriennes ou en
lean production
avec un taux de 16 %, voisin de la
moyenne dans les organisations de structure simple et le moins répandu dans les
organisations apprenantes avec un taux de 11 %. 21 % des salariés travaillent le dimanche au
moins une fois par mois. Ils sont beaucoup plus nombreux, 28 %, Ă le faire dans les
organisations en
lean production
et seulement 18 % dans les organisations apprenantes, la
situation Ă©tant proche de la moyenne dans les organisations tayloriennes ou de structure
simple. Enfin, 45 % des salariés travaillent le samedi au moins une fois par mois. Cette
proportion varie peu entre les formes dâorganisation. Elle sâĂ©chelonne de 50 % dans les
organisations en
lean production
Ă 42 % dans les organisations apprenantes, en passant par
les positions moyennes des organisations tayloriennes ou de structure simple. Contrairement
Ă ce que lâon observe avec les autres formes de travail atypiques, le travail le samedi est donc
relativement moins important dans les organisations tayloriennes.
Tableau 9
Horaires atypiques et formes dâorganisation du travail
(% de salariés soumis à des horaires atypiques)
Formes
dâorganisation
du travail
Travail de nuit
(plus de 5 fois
par mois)
Travail le soir
(plus de 10 fois
par mois)
Travail le
dimanche
Travail le
samedi
Travail posté
Apprenantes 6,6 11,0 17,6 41,9 12,7
Lean production
20,4 16,2 28,0 50,5 37,8
Tayloriennes 16,1 16,2 21,4 44,3 39,3
Structure
simple
11,2 14,7 19,8 45,8 22,0
Ensemble
12,6 13,9 21,5 45,4 25,2
Lire ainsi
: 6,6 % des salariés des organisations apprenantes travaillent de nuit plus de 5 fois par mois.
Champ et source
:
idem
tableau 1.
Ces résultats descriptifs sont en grande partie étayés par ceux des régressions logistiques
expliquant les variables dâhoraires atypiques en fonction des formes dâorganisation du travail
avec contrĂŽle structurel, comme le montrent les
odds ratios
du tableau 10. Par rapport Ă la
situation de rĂ©fĂ©rence des salariĂ©s des organisations tayloriennes, la probabilitĂ© dâavoir un
travail posté, de nuit ou le dimanche, est significativement beaucoup plus faible pour les
salariés des organisations apprenantes ou de structure simple et, en revanche, significati-
22
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
vement plus forte dans les organisations en
lean production
. En outre, la probabilité de
travailler en soirée est significativement plus basse dans les organisations apprenantes ou de
structure simple et la probabilité de travailler le samedi est significativement plus importante
dans les organisations en
lean production
. Si la majeure partie des rĂ©sultats de lâanalyse
descriptive trouve ainsi confirmation, lâanalyse Ă©conomĂ©trique introduit cependant quelques
différences. Elle fait apparaßtre que le travail posté est nettement, et significativement, plus
développé dans les organisations en
lean production
que dans les organisations tayloriennes.
De mĂȘme, elle rĂ©vĂšle de moindres diffusions du travail le dimanche ou le soir dans les
organisations de structure simple.
Tableau 10
RĂ©gressions logistiques des variables dâhoraires atypiques
en fonction des formes dâorganisation du travail, avec contrĂŽle structurel (odds ratios)
Formes
dâorganisation
du travail
Travail de nuit
(plus de 5 fois
par mois)
Travail le soir
(plus de 10 fois
par mois)
Travail le
dimanche
Travail le
samedi
Travail posté
Apprenantes 0,51** 0,69** 0,70** 1,07 0,46**
Lean production
1,31* 0,93 1,25* 1,36** 1,21*
Tayloriennes RĂ©f RĂ©f RĂ©f RĂ©f RĂ©f
Structure
simple
0,68** 0,71** 0,70** 0,89 0,53**
Significativité des
odds ratios : ** significatif Ă 1 % ; * significatif Ă 5 %.
Variables de contrĂŽle structurel et source
:
idem
tableau 2.
En dĂ©finitive, si lâon fait abstraction du travail en soirĂ©e ou le samedi, les divers modes de
travail en horaires atypiques sont systématiquement les plus développés dans les organi-
sations en
lean production
et, dans une moindre mesure, dans les organisations tayloriennes,
nettement plus réduits dans les organisations de structure simple et les moins répandus dans
les organisations apprenantes. Ces différences de diffusion des horaires atypiques selon les
formes dâorganisation sâavĂšrent donc proches de celles qui sont mises en Ă©vidence pour un
certain nombre de conditions physiques de travail. Le travail en soirée connaßt une situation
qui nâest pas fonciĂšrement diffĂ©rente, avec cependant une diffusion aussi forte dans les
organisations tayloriennes que dans les organisations en
lean production
. En revanche, la
situation est distincte pour le travail le samedi. Si sa diffusion culmine dans les organisations
en
lean production
, elle ne présente pas de différence significative dans les organisations
apprenantes ou de structure simple par rapport aux organisations tayloriennes.
3.3. Flexibilité des horaires
La flexibilité des horaires de travail se différencie nettement en fonction des formes
dâorganisation du travail. On le vĂ©rifie clairement dans le tableau 11. En moyenne, 29 % des
salariés déclarent travailler selon des horaires variables. Ils sont nettement plus nombreux,
37 %, à connaßtre cette forme de flexibilité dans les organisations apprenantes. En revanche,
ils ne sont que 16 % dans les organisations tayloriennes. Les organisations en
lean
production
ou de structure simple se situent en position intermédiaire, avec des proportions
de salariés de 26 % et 28 % respectivement. La flexibilité horaire quotidienne présente
sensiblement la mĂȘme distribution. Globalement, 35 % des salariĂ©s ne travaillent pas le
mĂȘme nombre dâheures chaque jour. Cette proportion sâĂ©lĂšve Ă 42 % dans les organisations
23
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
apprenantes, est voisine de la moyenne dans les organisations de structure simple, légÚrement
plus faible, 31 %, dans les organisations en
lean production
et beaucoup plus basse, 20 %,
dans les organisations tayloriennes. La flexibilité du nombre de jours de travail par semaine
distingue fort peu les diverses organisations. Si, dans lâensemble, 22 % des salariĂ©s ne
travaillent pas le mĂȘme nombre de jours chaque semaine, ce pourcentage varie de 19 % dans
les organisations tayloriennes Ă 23 % dans les organisations en
lean production
. La plus forte
diffusion de la flexibilité du nombre de jours de travail par semaine dans les organisations en
lean production
, contrairement à ce qui est observé pour les autres formes de flexibilité
horaire, tient au fait quâelle dĂ©pend dans une large mesure des pratiques de travail le samedi
ou le dimanche qui, comme il est montré précédemment, sont souvent associées à cette forme
dâorganisation du travail. Enfin, la flexibilitĂ© horaire mesurĂ©e par le changement des horaires
de travail au moins une fois par mois, touche le quart des salariĂ©s. Câest encore dans les
organisations apprenantes quâelle apparaĂźt la plus Ă©levĂ©e, avec une proportion de 28 %. Elle
est proche de la moyenne dans les organisations en
lean production
et légÚrement moins
répandue dans les organisations tayloriennes ou de structure simple.
Tableau 11
FlexibilitĂ© des horaires et formes dâorganisation du travail
(% de salariés soumis à des horaires flexibles)
Formes dâorganisation
du travail
Nombre dâheures de
travail variable
chaque jour
Nombre de jours de
travail variable
chaque semaine
Horaires variables
Changements
dâhoraires dans le
mois
Apprenantes 42,0
21,2
36,8
28,5
Lean production
31,4 23,4 25,6 24,6
Tayloriennes 20,0
19,5
16,5
21,5
Structure simple
35,1
22,1
28,3
22,4
Ensemble 34,7
21,7
29,2
25,3
Lire ainsi
: 42,0 % des salariĂ©s des organisations apprenantes ont un nombre dâheures de travail variable chaque jour.
Champ et source
:
idem
tableau 1.
Les analyses économétriques confirment pleinement ces résultats, comme le montre le
tableau 12 oĂč figurent les
odds ratios
des modÚles de régression logistique expliquant les
variables de flexibilitĂ© des horaires de travail en fonction des formes dâorganisation, avec
contrÎle structurel. En référence à la situation des salariés des organisations tayloriennes, la
probabilitĂ© de travailler selon des horaires variables ou un nombre dâheures variable chaque
jour est significativement plus Ă©levĂ©e dans toutes les autres formes dâorganisation, et tout
particuliĂšrement dans les organisations apprenantes. La probabilitĂ© de changer dâhoraires de
travail au moins une fois par mois est significativement plus grande dans les organisations en
lean production
et, plus encore, dans les organisations apprenantes. Enfin, la probabilité de
travailler un nombre de jours variable chaque semaine est beaucoup moins contrastĂ©e. Il nây
a que dans les organisations en
lean production
que la situation est significativement
différente de celle des organisations tayloriennes, avec une probabilité de diffusion de cette
forme de flexibilité nettement supérieure.
24
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
Tableau 12
Régressions logistiques des variables de flexibilité des horaires
en fonction des formes dâorganisation du travail, avec contrĂŽle structurel (odds ratios)
Formes
dâorganisation
u travail
Nombre dâheures de
travail variable
chaque jour
Nombre de jours de
travail variable
chaque semaine
Horaires variables
Changements
dâhoraires dans le
mois
Apprenantes 1,77** 1,05 1,69** 1,49**
Lean production
1,54** 1,32** 1,38** 1,25*
Tayloriennes
RĂ©f
RĂ©f
RĂ©f
RĂ©f
Structure
simple
1,59** 0,94 1,40** 0,95
Significativité des odds ratios
: ** significatif Ă 1 % ; * significatif Ă 5 %.
Variables de contrĂŽle structurel et source
:
idem
tableau 2.
Ainsi, la flexibilitĂ© des horaires de travail se diffĂ©rencie en fonction des formes dâorgani-
sation du travail de façon analogue pour la plupart des modalités envisagées, les horaires
variables, les nombres dâheures quotidiennes variables et les changements dâhoraires au
cours du mois. Elle est la plus répandue dans les organisations apprenantes et la moins déve-
loppĂ©e dans les organisations tayloriennes. En cela, elle distingue les formes dâorganisation
de la mĂȘme maniĂšre que le font les durĂ©es de travail longues. En revanche, la flexibilitĂ© du
nombre de jours de travail chaque semaine varie peu entre formes dâorganisation et
différemment, probablement en raison des liens avec certaines formes de travail atypique,
notamment avec le travail le samedi.
3.4. Les conditions horaires de travail dans les nouvelles formes dâorga-
nisation : des horaires plus longs et plus flexibles et des horaires atypi-
ques contrastés
Les nouvelles formes dâorganisation du travail, apprenantes ou en
lean production
, se
caractérisent par des conditions horaires de travail relativement comparables en matiÚre de
durĂ©es et de flexibilitĂ©, mais trĂšs contrastĂ©es en matiĂšre dâhoraires atypiques. De fait, on
observe des durées de travail bien plus longues et des flexibilités horaires bien plus
importantes dans les organisations en
lean production
et, plus encore, dans les organisations
apprenantes que dans les organisations tayloriennes. On le constate trĂšs clairement dans la
figure 2 qui représente les
odds ratios
estimant les effets sur les différentes variables de
conditions horaires de travail Ă©tudiĂ©es de lâappartenance aux organisations apprenantes ou en
lean production
par rapport à la situation de référence des organisations tayloriennes
. De
ces points de vue, les nouvelles formes dâorganisation du travail ne semblent pas contribuer Ă
de meilleures conditions de travail.
La situation est trĂšs diffĂ©rente en ce qui concerne les horaires atypiques quâimplique le travail
postĂ© ou effectuĂ© de nuit, en soirĂ©e ou le dimanche. En effet, si lâon constate une diffusion de
ces horaires atypiques bien moindre dans les organisations apprenantes que dans les
organisations tayloriennes, tel nâest pas le cas dans les organisations en
lean production
. Bien
au contraire, le travail posté, de nuit et du dimanche y sont nettement plus développés. Ainsi,
16
Ces
odds ratios
sont issus des tableaux 8 (durées de travail longues), 10 (horaires atypiques) et 12 (flexibilité des
horaires).
25
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
en matiĂšre dâhoraires atypiques, les nouvelles formes dâorganisation du travail prĂ©sentent des
situations contrastĂ©es entre formes dâorganisation apprenantes et en
lean production
, de
mĂȘme que ce qui a Ă©tĂ© constatĂ© pour les conditions physiques de travail.
Figure 2 : Conditions horaires de travail dans les nouvelles formes
d'organisation
Au moins 45h
hebdomadaires
Souvent
plus de 10h
quotidiennes
Flexibilité horaire
quotidienne
Changements
d'horaires
dans le mois
Horaires
variables
Flexibilité horaire
hebdomadaire
Samedi
Dimanche
Nuit
Posté
Soir
0,75
1,00
1,25
1,50
1,75
0,25
0,50
0,75
1,00
1,25
1,50
1,75
2,00
Odds ratios
formes apprenantes /
tayloriennes
Odds ratios formes
lean production /
tayloriennes
Odds ratios significatifs Ă 5% :
en italique pour les organisations apprenantes
en gras pour les organisations en lean production
4. FORMES DâORGANISATION ET PRESSIONS TEMPORELLES
DANS LE TRAVAIL
Les dimensions horaires du travail qui viennent dâĂȘtre Ă©tudiĂ©es ne couvrent pas lâensemble
des dimensions temporelles des conditions de travail. Il convient aussi dâexaminer les
pressions temporelles que subissent les salariĂ©s dans le cadre de leurs horaires de travail. Ă
cet Ă©gard, on sâintĂ©resse Ă deux aspects des pressions temporelles dans le travail : lâintensitĂ©
du travail et les interruptions imprĂ©vues dans le travail. Trois variables dâintensitĂ© et deux
variables dâinterruptions sont construites sur la base de lâenquĂȘte europĂ©enne sur les condi-
tions de travail, Ă partir des questions prĂ©sentĂ©es dans lâencadrĂ© 5. Les variables dâintensitĂ©
26
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
du travail sont définies par la soumission quasi permanente (tout le temps ou presque) à des
cadences de travail élevées ou à des délais trÚs stricts et trÚs serrés et par le manque de temps
pour terminer le travail. Les variables dâinterruptions imprĂ©vues dans le travail sont dĂ©finies
par les situations dâinterruptions de tĂąche en cours pour en effectuer une autre non prĂ©vue.
Elles sont distinguées soit par la fréquence élevée des interruptions, plusieurs fois ou
quelques fois par jour, soit par leur caractĂšre perturbant pour le travail.
Encadré 5
Questions de la troisiĂšme enquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail
relatives aux pressions temporelles dans le travail
Les variables dâintensitĂ© du travail sont construites Ă partir des questions suivantes :
â
Pouvez-vous me dire si votre travail nécessite :
- des cadences de travail élevées ?
- de travailler dans des délais trÚs stricts et trÚs serrés ?
(« tout le temps », « presque tout le temps », « environ trois quarts du temps », « environ la moitié du temps »,
« environ un quart du temps », « presque jamais », « jamais » ou « ne sais pas »)
â
Vous avez assez de temps pour terminer votre travail
Les variables dâinterruptions imprĂ©vues dans le travail sont dĂ©finies Ă partir des questions :
â
Ă quelle frĂ©quence devez-vous interrompre une tĂąche que vous ĂȘtes en train de faire pour en effectuer une
autre non prévue ? (« plusieurs fois par jour », « quelques fois par jour », « plusieurs fois par semaine »,
« quelques fois par semaine », « jamais » ou « ne sais pas »)
â
Pour votre travail, ces interruptions sont elles perturbantes ?
4.1. Intensité du travail
Comme les variables dâintensitĂ© du travail ressentie par les salariĂ©s sont Ă©troitement liĂ©es aux
variables de contraintes de rythme de travail qui sâexercent sur eux (Boisard P., Cartron D.,
Gollac M., Valeyre A., 2002 ; Valeyre, 2004) et que ces derniĂšres jouent un rĂŽle important
dans la diffĂ©renciation des classes de formes dâorganisation du travail, il nâest pas surprenant
dâobserver dâimportantes diffĂ©rences dâintensitĂ© du travail entre organisations apprenantes ou
de structure simple dâune part et organisations tayloriennes ou en
lean production
dâautre
part. Comme on peut le constater dans le tableau 13, si prÚs de 30 % des salariés déclarent
ĂȘtre soumis Ă des cadences Ă©levĂ©es tout le temps ou presque, cette proportion est nettement
plus basse, de lâordre de 20 %, dans les organisations apprenantes ou de structure simple, et
beaucoup plus forte, de lâordre de 40 % dans les organisations tayloriennes ou en
lean
production
. De mĂȘme, si un peu plus du tiers des salariĂ©s estime travailler sous la pression de
dĂ©lais trĂšs stricts et trĂšs serrĂ©s tout le temps ou presque, le pourcentage est bien plus faible, Ă
peine supĂ©rieur Ă 20 %, dans les organisations de structure simple et de lâordre de 30 % dans
les organisations apprenantes, alors quâil atteint presque 40 % dans les organisations taylo-
riennes et dépasse les 50 % dans les organisations en
lean production
. Enfin, il apparaĂźt que
la situation est beaucoup moins contrastĂ©e en ce qui concerne la troisiĂšme variable dâintensitĂ©
du travail. En effet, les proportions de salariés qui déclarent manquer de temps pour terminer
leur travail sont trĂšs voisines, de lâordre du quart, dans les organisations apprenantes, en
lean
production
ou tayloriennes. Les organisations de structure simple sont les seules Ă se distin-
27
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
guer avec un pourcentage légÚrement plus faible de salariés concernés, un peu moins de
20 %.
Tableau 13
IntensitĂ© du travail selon les formes dâorganisation du travail
(% de salariés soumis à un travail intense)
Formes dâorganisation
du travail
Cadences élevées tout le
temps ou presque
Délais serrés tout le temps
ou presque
Manque de temps pour
terminer le travail
Apprenantes 20,5 31,0 24,0
Lean production
39,1 50,8 25,4
Tayloriennes 39,3 39,0 23,8
Structure simple
21,9
22,5
18,2
Ensemble 28,6
36,0
23,3
Lire ainsi
: 20,5 % des salariés des organisations apprenantes sont soumis à des cadences élevées tout le temps ou presque.
Champ et source
:
idem
tableau 1.
Ces rĂ©sultats sont confortĂ©s par ceux des rĂ©gressions logistiques des variables dâintensitĂ© du
travail en fonction des formes dâorganisation du travail et des variables de contrĂŽle structurel,
comme le montrent les
odds ratios
du tableau 14. En référence à la situation des salariés des
organisations tayloriennes, la probabilitĂ© dâĂȘtre soumis Ă une forte intensitĂ© du travail, quâelle
soit liée à des cadences de travail élevées, à des délais serrés ou au manque de temps, est
significativement bien moindre dans les organisations apprenantes ou de structure simple. En
revanche, elle est au moins Ă©gale dans les organisations en
lean production
, voire significa-
tivement plus Ă©levĂ©e dans le cas de la pression des dĂ©lais serrĂ©s. Lâanalyse Ă©conomĂ©trique
conduit donc Ă des rĂ©sultats globalement analogues Ă ceux de lâanalyse descriptive. Une
diffĂ©rence mĂ©rite cependant dâĂȘtre mentionnĂ©e. Elle porte sur le manque de temps pour
terminer le travail dans les organisations apprenantes. Alors que cet indicateur dâintensitĂ© du
travail y est comparable Ă ce qui est observĂ© dans les organisations tayloriennes selon lâana-
lyse descriptive, il apparaĂźt significativement bien moindre selon lâanalyse Ă©conomĂ©trique, du
fait du contrĂŽle structurel.
Tableau 14
RĂ©gressions logistiques des variables dâintensitĂ© du travail
en fonction des formes dâorganisation du travail, avec contrĂŽle structurel (odds ratios)
Formes dâorganisation
du travail
Cadences élevées tout le
temps ou presque
Délais serrés tout le temps
ou presque
Manque de temps pour
terminer le travail
Apprenantes 0,48**
0,58**
0,79*
Lean production
1,12 1,36** 1,00
Tayloriennes RĂ©f RĂ©f RĂ©f
Structure simple
0,44**
0,43**
0,67**
Significativité des odds ratios
: ** significatif Ă 1 % ; * significatif Ă 5 %.
Variables de contrĂŽle structurel et source
:
idem
tableau 2.
Dans lâensemble, câest dans les organisations en
lean production
, et dans une moindre mesu-
re dans les organisations tayloriennes, que les salariĂ©s dĂ©clarent le plus souvent ĂȘtre soumis Ă
un forte intensité du travail, que ce soit en termes de soumission quasi permanente à des
cadences de travail élevées ou à des délais serrés, ou de manque de temps pour terminer le
28
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
travail. LâintensitĂ© du travail est ressentie comme nettement plus faible dans les organisations
apprenantes et, plus encore, dans les organisations de structure simple.
4.2. Interruptions imprévues dans le travail
Les interruptions imprévues dans le travail sont trÚs contrastées selon les formes
dâorganisation du travail, comme on peut lâobserver dans le tableau 15. En moyenne, 46 %
des salariés déclarent interrompre une tùche en cours pour en effectuer une autre non prévue
au moins quelques fois par jour. Cette proportion est la plus élevée dans les organisations
apprenantes (55 %) ou en
lean production
(52 %) et nettement plus faible dans les organi-
sations tayloriennes (28 %) ou de structure simple (32 %). Les interruptions imprévues qui
sont perturbantes pour le travail touchent le quart des salariĂ©s. Elles sâimposent au tiers des
salariés dans les organisations en
lean production
, sont voisines de la moyenne dans les
organisations apprenantes et concernent des proportions bien moindres de salariĂ©s, de lâordre
de un sur six, dans les organisations tayloriennes ou de structure simple.
Tableau 15
Interruptions imprĂ©vues dans le travail selon les formes dâorganisation du travail
(% de salariés interrompus de façon imprévue dans leur travail)
Formes dâorganisation
du travail
Interruptions de tĂąche
au moins quelques fois par jour
Interruptions de tĂąche
perturbantes
Apprenantes 55,0 25,7
Lean production
52,2 33,2
Tayloriennes 28,1 17,0
Structure simple
32,1
17,5
Ensemble 46,2
25,1
Lire ainsi
: 55,0 % des salariés des organisations apprenantes sont soumis à des interruptions imprévues de tùche
chaque jour.
Champ et source
:
idem
tableau 1.
Les rĂ©gressions logistiques estimant les effets des formes dâorganisation du travail sur les
variables dâinterruptions imprĂ©vues dans le travail avec contrĂŽle structurel confirment les
résultats précédents, comme le montrent les
odds ratios
du tableau 16.
Tableau 16
RĂ©gressions logistiques des variables dâinterruptions imprĂ©vues dans le travail
en fonction des formes dâorganisation du travail, avec contrĂŽle structurel (odds ratios)
Formes dâorganisation
du travail
Interruptions de tĂąche
au moins quelques fois par jour
Interruptions de tĂąche
perturbantes
Apprenantes 1,98**
1,30**
Lean production
2,47** 2,22**
Tayloriennes RĂ©f RĂ©f
Structure simple
0,95
1,02
Significativité des odds ratios
: ** significatif Ă 1 % ; * significatif Ă 5 %.
Variables de contrĂŽle structurel et source
:
idem
tableau 2.
29
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
Par rapport à la situation de référence des salariés des organisations tayloriennes, la proba-
bilitĂ© dâĂȘtre soumis Ă des interruptions imprĂ©vues frĂ©quentes ou perturbantes est nettement et
significativement plus élevée dans les organisations en
lean production
, et dans une moindre
mesure dans les organisations apprenantes, et nâest pas significativement diffĂ©rente dans les
organisations de structure simple. Les rĂ©sultats de lâanalyse Ă©conomĂ©trique convergent avec
ceux de lâanalyse descriptive, tout en leur apportant quelques nuances. Ils conduisent notam-
ment Ă des estimations lĂ©gĂšrement moins fortes de lâimportance des interruptions imprĂ©vues
dans les organisations apprenantes.
En définitive, les interruptions imprévues dans le travail susceptibles de nuire à la qualité des
conditions de travail, soit par leur fréquence, soit par leur caractÚre perturbant, touchent sur-
tout les salariés des organisations en
lean production
et, dans une moindre mesure, ceux des
organisations apprenantes. En revanche, les salariés se trouvent nettement moins exposés
dans les organisations tayloriennes ou de structure simple.
4.3. Les pressions temporelles dans les nouvelles formes dâorgani-
sation : des intensités du travail contrastées et des interruptions plus
fréquentes et plus perturbantes
Les pressions temporelles dans le travail touchent différemment les nouvelles formes
dâorganisation du travail, selon quâelles se manifestent sous forme dâintensitĂ© du travail ou
dâinterruptions imprĂ©vues dans le travail. Comme pour les conditions physiques de travail et
les horaires atypiques, les nouvelles formes dâorganisation du travail se distinguent nettement
en matiĂšre dâintensitĂ© du travail ressentie par les salariĂ©s. Les situations rencontrĂ©es par les
salariĂ©s sâavĂšrent bien meilleures dans les organisations apprenantes que dans les organi-
sations en
lean production
. De plus, si lâintensitĂ© du travail se trouve nettement moins forte
dans les organisations apprenantes que dans les organisations tayloriennes, elle ne sâen
distingue pas significativement dans les organisations en
lean production
, et apparaĂźt mĂȘme
nettement plus Ă©levĂ©e lorsquâelle se rĂ©fĂšre Ă la pression des dĂ©lais. Ces rĂ©sultats apparaissent
clairement dans la figure 3 qui représente les
odds ratios
estimant les effets sur les différentes
variables de pression temporelle de lâappartenance aux organisations apprenantes ou en
lean
production
par rapport à la situation de référence des organisations tayloriennes
. Ainsi,
parmi les nouvelles formes dâorganisation du travail, seules les organisations apprenantes
contribuent Ă de meilleures conditions de travail en termes dâintensitĂ© du travail.
La situation est bien distincte en matiĂšre dâinterruptions imprĂ©vues dans le travail. LĂ encore,
la situation se trouve moins favorable dans les organisations en
lean production
que dans les
organisations apprenantes. Mais, par rapport aux organisations tayloriennes, elle sâavĂšre
beaucoup moins bonne dans les nouvelles formes dâorganisation, tant apprenantes quâen
lean
production
. Ce résultat rejoint donc celui qui est observé à propos des durées de travail
longues ou des horaires flexibles.
17
Ces
odds ratios
sont issus des tableaux 14 (intensité du travail) et 16 (interruptions imprévues dans le travail).
30
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
Figure 3 : Pressions temporelles dans les nouvelles formes d'organisation
Manque
de tem ps
Cadences
élevées
Délais serrés
Interruptions
fréquentes
Interruptions
perturbantes
0,50
1,00
1,50
2,00
2,50
0,00
0,50
1,00
1,50
2,00
Odds ratios
formes apprenantes /
tayloriennes
Odds ratios formes
lean production /
tayloriennes
Odds ratios signif icatif s Ă 5% :
en italique pour les organisations apprenantes
en gras pour les organisations en lean production
5. FORMES DâORGANISATION ET SANTĂ AU TRAVAIL
Lâun des volets de lâenquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail est consacrĂ© aux problĂš-
mes de sécurité et de santé au travail. Toute une série de questions portent sur les perceptions
des salariés sur les risques pour la santé et la sécurité au travail et sur les atteintes à la santé
au travail. Dâautres questions portent sur les arrĂȘts de travail. Trois catĂ©gories de variables
sont construites sur la base de ces questions que prĂ©sente lâencadrĂ© 6. Une premiĂšre catĂ©gorie
de variables concerne les perceptions globales des salariĂ©s dâune part sur les risques pour la
santĂ© et la sĂ©curitĂ© au travail et dâautre part sur les atteintes Ă la santĂ© considĂ©rĂ©es comme
dues au travail. Une seconde catĂ©gorie de variables porte sur diffĂ©rents types dâatteintes Ă la
santé au travail que déclarent les salariés
. Elles sont classiquement distinguées selon
quâelles relĂšvent dâaffections dâordre physique ou psychologique. De plus, compte tenu de
lâimportance considĂ©rable de la diffusion des troubles musculo-squelettiques liĂ©s au travail,
les affections dâordre physique qui sây rattachent sont traitĂ©es spĂ©cifiquement. Ainsi, trois
18
Trois types dâatteintes Ă la santĂ© au travail, les maladies de cĆur, les allergies et les traumatismes, sont insuffisamment
répandus pour donner lieu à des analyses statistiques significatives. Ces affections ne sont respectivement déclarées que
par 0,9 %, 3,3 % et 1,6 % des salariés.
31
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
types dâatteintes Ă la santĂ© sont successivement Ă©tudiĂ©s. Quatre variables concernent les
affections physiques correspondant Ă des troubles musculo-squelettiques : les douleurs mus-
culaires dans les épaules et le cou, dans les membres supérieurs, et dans les membres
infĂ©rieurs ; et les maux de dos. Huit autres variables portent sur dâautres affections dâordre
physique : les problĂšmes dâaudition, de vue, ou de peau ; les difficultĂ©s respiratoires ; la
fatigue gĂ©nĂ©rale ; les maux de tĂȘte ; les douleurs dâestomac ; et les blessures
. Enfin, quatre
variables se rapportent au stress et Ă des affections dâordre psychologique : le stress ;
lâanxiĂ©tĂ© ; les problĂšmes dâinsomnie ; et lâirritabilitĂ©. Une troisiĂšme catĂ©gorie de variables est
relative aux arrĂȘts de travail. Deux variables dâarrĂȘts sont distinguĂ©es, selon quâils sont dus
soit à des accidents de travail, soit à des problÚmes de santé perçus comme causés par le
travail. Elles sont dĂ©finies de façon dichotomique en fonction des durĂ©es dâabsence : au
moins une journée au cours des douze derniers mois ou aucune. Elles donnent un point de
vue plus objectivĂ© sur les atteintes Ă la santĂ© puisque les rĂ©ponses des salariĂ©s se rĂ©fĂšrent Ă
des faits précis. Mais elles peuvent donner lieu à des sous-estimations lorsque les affections
ne conduisent pas Ă des arrĂȘts de travail, ce qui est le cas pour de nombreuses infrapatho-
logies dues au travail.
Encadré 6
Questions de la troisiĂšme enquĂȘte europĂ©enne sur les conditions de travail
relatives aux atteintes à la santé et à la sécurité au travail
La variable de risque pour la santé ou la sécurité au travail est définie à partir de la question :
â
Pensez-vous ou non que, à cause de votre travail, votre santé ou votre sécurité soit menacée ?
Les variables dâatteintes Ă la santĂ© au travail sont construites Ă partir des questions :
â
Votre travail affecte-il ou non votre santé ?
â
Si oui, en quoi affecte-il votre santé :
- problĂšmes dâaudition ?
- problĂšme de vue ?
- problĂšmes de peau ?
- maux de dos ?
- maux de tĂȘte ?
- douleurs dâestomac ?
- douleurs musculaires dans les Ă©paules et le cou ?
- douleurs musculaires dans les membres supérieurs ?
- douleurs musculaires dans les membres inférieurs ?
- difficultés respiratoires ?
- maladies de cĆur ?
- blessure ?
- stress ?
- fatigue générale ?
- problĂšmes dâinsomnie ?
- allergies ?
19
Certaines affections comme la fatigue gĂ©nĂ©rale, les maux de tĂȘte et les douleurs dâestomac qui sont classĂ©es ici comme
affections dâordre physique, ont aussi une composante psychologique.
32
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
- anxiété ?
- irritabilité ?
- traumatisme ?
Les variables dâarrĂȘt de travail sont Ă©laborĂ©es sur la base des questions :
â
Dans votre principal travail rémunéré, au cours des douze derniers mois, combien de jours avez-vous été
absent du fait :
- dâun accident de travail ?
- de problÚmes de santé causés par votre travail ?
5.1. Risques et atteintes à la santé au travail
Les atteintes à la santé perçues par les salariés comme dues à leur travail
et, plus encore, les
menaces quâils ressentent pour leur santĂ© et leur sĂ©curitĂ© au travail varient selon les formes
dâorganisation du travail dans lesquelles ils exercent leur activitĂ© professionnelle (cf.
tableau 17). En moyenne, prÚs de 60 % des salariés déclarent que le travail affecte
négativement leur santé. Cette proportion est plus élevée dans les organisations en
lean
production
(66 %) ou tayloriennes (63 %) et plus faible dans les organisations apprenantes
(53 %) ou de structure simple (51 %). Dans lâensemble, 27 % des salariĂ©s pensent que leur
santé et leur sécurité sont menacées à cause de leur travail. Ils sont les plus nombreux à le
ressentir dans les organisations en
lean production
(37 %) et, dans une moindre mesure, dans
les organisations tayloriennes (33 %). Ă lâopposĂ©, ils ne sont que 21 % Ă le dĂ©clarer dans les
organisations apprenantes et 23 % dans les organisations de structure simple.
Tableau 17
Risques et atteintes Ă la santĂ© au travail selon les formes dâorganisation du travail
(% de salariés concernés)
Formes dâorganisation
du travail
Atteintes à la santé
liées au travail
Risques pour la santé ou la
sécurité liés au travail
Apprenantes 53,1
20,7
Lean production
66,1 36,8
Tayloriennes 63,0
33,5
Structure simple
50,7
22,9
Ensemble 57,7
27,4
Lire ainsi
: 53,1% des salariĂ©s des organisations apprenantes dĂ©clarent ĂȘtre atteints dans leur santĂ© au travail.
Champ et source
:
idem
tableau 1.
Ces résultats descriptifs sont amplement confirmés par les analyses de régression logistique
des variables de risque ou dâatteinte Ă la santĂ© au travail en fonction des formes dâorganisa-
tion du travail et des variables de contrĂŽle structurel. On le vĂ©rifie Ă lâaide des
odds ratios
du
tableau 18. En référence à la situation des salariés travaillant dans des organisations
20
Les atteintes Ă la santĂ© liĂ©es au travail sont dĂ©finies Ă partir de la dĂ©claration par les salariĂ©s dâune santĂ© affectĂ©e par
leur travail Ă lâexclusion des rĂ©ponses, au demeurant trĂšs peu nombreuses, Ă©voquant une amĂ©lioration de la santĂ© (1 %)
ou de type « ne sais pas » (1,4 %). En ce sens, les atteintes à la santé correspondent à des affections négatives de la santé.
33
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
tayloriennes, la probabilité de déclarer des atteintes à la santé dues au travail ou des menaces
pour la santé et la sécurité au travail est significativement beaucoup plus faible dans les
organisations apprenantes ou de structure simple. Elle est en revanche significativement plus
élevée dans les organisations en
lean production
.
Tableau 18
RĂ©gressions logistiques des variables de risques et dâatteintes Ă la santĂ© au travail
en fonction des formes dâorganisation du travail, avec contrĂŽle structurel (odds ratios)
Formes dâorganisation
du travail
Atteintes à la santé
liées au travail
Risques pour la santé ou la
sécurité liés au travail
Apprenantes 0,73**
0,79**
Lean production
1,24** 1,23*
Tayloriennes RĂ©f RĂ©f
Structure simple
0,60**
0,65**
Significativité des
odds ratio
s
: ** significatif Ă 1 % ; * significatif Ă 5 %.
Variables de contrĂŽle structurel et source
:
idem
tableau 2.
Ainsi, les risques pour la santé et la sécurité et les atteintes à la santé perçus comme dus au
travail sont bien moindres dans les organisations apprenantes ou de structure simple que dans
les organisations tayloriennes ou les organisations en
lean production
et câest dans ces
derniĂšres quâils sâavĂšrent les plus Ă©levĂ©s.
5.2. Troubles musculo-squelettiques
Les douleurs musculaires dans les épaules ou le cou, les membres supérieurs, ou les membres
inférieurs, et les maux de dos, symptomatiques de troubles musculo-squelettiques, touchent
les salariĂ©s de façon trĂšs contrastĂ©e selon les formes dâorganisation du travail, comme le
montre le tableau 19.
Tableau 19
TMS selon les formes dâorganisation du travail
(% de salariés affectés)
Douleurs musculaires
Formes dâorganisation
du travail
Epaules ou cou
Membres
supérieurs
Membres inférieurs
Maux de dos
Apprenantes
19,4 9,2 7,6 26,8
Lean production
29,2 18,7 14,6 38,7
Tayloriennes
29,3 19,4 13,9 41,6
Structure
simple
17,9 9,2 9,4 32,4
Ensemble
23,2 13,3 10,8 33,2
Lire ainsi
: 19,4 % des salariĂ©s des organisations apprenantes dĂ©clarent ĂȘtre affectĂ©s par des douleurs musculaires dans les Ă©paules ou
le cou.
Champ et source
:
idem
tableau 1.
Ces affections concernent des proportions importantes de salariés. Des douleurs musculaires
dans les épaules ou le cou sont déclarées par prÚs du quart des salariés. Cette proportion
34
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
atteint presque 30 % dans les organisations tayloriennes ou en
lean production
, mais moins
de 20 % dans les organisations apprenantes ou de structure simple. Les douleurs musculaires
dans les membres supérieurs touchent 13 % des salariés en moyenne. Si ce pourcentage
avoisine les 20 % dans les organisations tayloriennes ou en
lean production
, il est infĂ©rieur Ă
10 % dans les organisations apprenantes ou de structure simple. De mĂȘme, si 11 % des
salariĂ©s dĂ©clarent ĂȘtre affectĂ©s par des douleurs musculaires dans les membres infĂ©rieurs, ils
sont prĂšs de 15 % dans les organisations tayloriennes ou en
lean production
, et nettement
moins de 10 % dans les organisations apprenantes ou de structure simple. Un tiers des
salariés est touché par des maux de dos perçus comme liés au travail. La proportion est
nettement plus faible dans les organisations apprenantes (27 %), voisine dans les organi-
sations de structure simple, plus élevée dans les organisations en
lean production
(39 %) et la
plus forte dans les organisations tayloriennes (42 %).
Les analyses Ă©conomĂ©triques confirment les rĂ©sultats de lâanalyse descriptive, comme le
montre le tableau 20 oĂč figurent les
odds ratios
des modÚles de régression logistique expli-
quant les variables de troubles musculo-squelettiques en fonction des formes dâorganisation,
avec contrÎle structurel. Par rapport à la situation de référence des salariés des organisations
tayloriennes, la probabilité de déclarer des douleurs musculaires dans les épaules ou le cou,
les membres supérieurs, ou les membres inférieurs, ou des maux de dos, est bien plus faible,
le plus souvent de façon significative, dans les organisations apprenantes et, plus encore,
dans les organisations de structure simple. Par contre, aucune différence significative
nâapparaĂźt entre salariĂ©s des organisations en
lean production
et salariés des organisations
tayloriennes.
Tableau 20
RĂ©gressions logistiques des variables de TMS
en fonction des formes dâorganisation du travail, avec contrĂŽle structurel (odds ratios)
Douleurs musculaires
Formes dâorganisation
du travail
Epaules ou cou
Membres
supérieurs
Membres inférieurs
Maux de dos
Apprenantes 0,63**
0,59**
0,82
0,69**
Lean production
1,04 1,03 1,22 1,04
Tayloriennes
RĂ©f
RĂ©f
RĂ©f
RĂ©f
Structure simple
0,49**
0,44**
0,64**
0,69**
Significativité des
odds ratios : ** significatif Ă 1 % ; * significatif Ă 5 %.
Variables de contrĂŽle structurel et source
:
idem
tableau 2.
En définitive, les troubles musculo-squelettiques, appréciés par les douleurs musculaires dans
les épaules ou le cou, les membres supérieurs, ou les membres inférieurs, ainsi que par les
maux de dos, touchent beaucoup plus souvent les salariés des organisations tayloriennes ou
en
lean production
que ceux des organisations apprenantes ou de structure simple. On
retrouve ainsi des différenciations organisationnelles voisines de celles concernant les expo-
sitions Ă des pĂ©nibilitĂ©s physiques. Cette analogie sâexplique logiquement par le fait que les
postures douloureuse ou fatigantes, la manutention de charges lourdes et les vibrations
mécaniques contribuent beaucoup aux troubles musculo-squelettiques et les mouvements
répétitifs des bras ou des mains aux douleurs musculaires dans les épaules ou le cou et dans
les membres supérieurs (Molinié, 2003).
35
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
5.3. Autres affections physiques
Les affections physiques non musculo-squelettiques imputées au travail touchent les salariés
avec des prĂ©valences trĂšs diverses selon les formes dâorganisation, comme on peut le cons-
tater dans le tableau 21.
Tableau 21
Affections physiques selon les formes dâorganisation du travail
(% de salariés affectés)
Formes dâorganisation
du travail
ProblĂšmes
dâa
udi
tion
ProblĂšmes
de vue
ProblĂšmes
de peau
Diffic
ultés
respi
rat
ion
Fat
igue
géné
ral
e
Ma
ux
de
tĂȘte
Ma
ux
dâest
omac
Blessures
Apprenantes
7,5 11,3 4,4 3,1 17,0 13,3 4,9 7,2
Lean production
17,0 12,2 10,1 7,9 25,2 19,4 5,2 12,8
Tayloriennes
14,4 8,8 7,8 6,3 27,0 18,9 4,2 9,3
Structure
simple
6,0 7,3 3,5 2,8 17,6 11,1 3,6 5,0
Ensemble
10,8 10,4 6,3 4,8 20,8 15,3 4,6 8,6
Lire ainsi
: 7,5 % des salariĂ©s des organisations apprenantes dĂ©clarent ĂȘtre affectĂ©s par des problĂšmes dâaudition.
Champ et source
:
idem
tableau 1.
Si des proportions importantes de salariĂ©s dĂ©clarent souffrir dâune fatigue gĂ©nĂ©rale (21 %) ou
de maux de tĂȘte (15 %), ils sont beaucoup moins nombreux, de lâordre de 5 %, Ă ressentir des
maux dâestomac, des difficultĂ©s respiratoires ou des problĂšmes de peau. Les problĂšmes dâau-
dition ou de vue et les blessures sont évoqués avec des fréquences intermédiaires. Cinq des
huit affections physiques étudiées se répartissent de façon analogue entre les différentes
formes dâorganisation du travail : les problĂšmes dâaudition, les problĂšmes de peau, les
difficultĂ©s respiratoires, les maux de tĂȘte et les blessures. Elles sont le plus rĂ©pandues dans
les organisations en
lean production
, puis dans les organisations tayloriennes, sont nettement
moins présentes dans les organisations apprenantes et les moins fréquentes dans les
organisations de structure simple. Cette hiérarchisation organisationnelle est donc différente
de celle qui est observĂ©e pour les troubles de caractĂšre musculo-squelettique, mais analogue Ă
celle que lâon constate pour les atteintes Ă la santĂ© au travail telles quâelles sont perçues par
les salariés. Le sentiment de fatigue générale due au travail suit une distribution organi-
sationnelle distincte. Il sâexprime le plus frĂ©quemment dans les organisations tayloriennes
(27 %), suivies de prĂšs par les organisations en
lean production
(25 %), alors quâil est
beaucoup moins répandu dans les organisations apprenantes ou de structure simple (17 et
18 %). On retrouve donc pour la sensation de fatigue générale une configuration organi-
sationnelle observée pour les troubles musculo-squelettiques. Enfin, les deux derniÚres affec-
tions physiques, les problĂšmes de vue et les maux dâestomac, prĂ©sentent une rĂ©partition
organisationnelle trÚs différente. Si elles sont les plus élevées dans les organisations en
lean
production
, elles sont Ă©galement importantes dans les organisations apprenantes, un peu
moins fréquentes dans les organisations tayloriennes et les moins répandues dans les organi-
sations de structure simple. De la sorte, elles se rapprochent de la configuration des atteintes
de stress et dâaffections dâordre psychologique, comme on pourra le constater dans la section
suivante qui leur est consacrée.
36
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
Les rĂ©gressions logistiques estimant les effets des formes dâorganisation du travail sur les
variables dâaffections physiques avec contrĂŽle structurel confirment en grande partie les
résultats précédents, comme le montrent les
odds ratios
du tableau 22. En prenant comme
situation de référence celle des salariés des organisations tayloriennes, la probabilité de
dĂ©clarer ĂȘtre touchĂ© par des affections physiques est plus forte, sauf dans le cas de la fatigue
générale, pour les salariés des organisations en
lean production
, et ce, de façon statistique-
ment significative, pour les problĂšmes dâaudition ou de peau, les difficultĂ©s respiratoires et
les blessures. Ă lâopposĂ©, cette probabilitĂ© est nettement plus faible dans les organisations de
structure simple, de façon significative pour toutes les affections physiques Ă lâexception des
maux dâestomac
. La situation est beaucoup plus variée dans les organisations apprenantes.
La probabilitĂ© dâĂȘtre touchĂ© ne diffĂšre pas significativement de celle des organisations
tayloriennes pour les problĂšmes dâaudition, de vue ou de peau, les difficultĂ©s respiratoires et
les maux dâestomac. En revanche, elle est significativement infĂ©rieure en ce qui concerne la
fatigue gĂ©nĂ©rale et les maux de tĂȘte et significativement supĂ©rieure pour les blessures. En
intĂ©grant les contrĂŽles structurels, lâanalyse de rĂ©gression logistique tend notamment Ă aug-
menter lâestimation des prĂ©valences de la plupart des affections physiques dans les organi-
sations apprenantes par rapport Ă ce qui est observĂ© dans lâanalyse descriptive. Il en rĂ©sulte
quelques légÚres modifications de résultats : les blessures et les problÚmes de peau apparais-
sent ainsi plus répandus dans les organisations apprenantes que dans les organisations
tayloriennes, ce qui les rapproche de la configuration organisationnelle dâaffections comme
les problĂšmes de vue ou les maux dâestomac.
Tableau 22
RĂ©gressions logistiques de variables dâaffections physiques
en fonction des formes dâorganisation du travail, avec contrĂŽle structurel (odds ratios)
Formes
dâorganisation
du travail
ProblĂšmes
dâa
udi
tion
ProblĂšmes
de vue
ProblĂšmes
de peau
Diffic
ultés
respi
rat
ion
Fat
igue
géné
ral
e
Ma
ux
de
tĂȘte
Ma
ux
dâest
omac
Blessures
Apprenantes
0,85 1,05 1,02 0,86 0,68** 0,66** 1,37 1,32*
Lean production
1,39** 1,26 1,59** 1,49* 0,93 1,06 1,42 1,48**
Tayloriennes
RĂ©f RĂ©f RĂ©f RĂ©f RĂ©f RĂ©f RĂ©f RĂ©f
Structure simple
0,53** 0,73* 0,61** 0,65* 0,56** 0,53** 0,90 0,64**
Significativité des
odds ratios : ** significatif Ă 1 % ; * significatif Ă 5 %.
Variables de contrĂŽle structurel et source
:
idem
tableau 2.
Au final, il apparaßt que les affections physiques étudiées dans cette section touchent princi-
palement les salariés des organisations en
lean production
, Ă lâexception toutefois des problĂš-
mes de fatigue générale qui frappent plus encore les salariés des organisations tayloriennes.
Ă lâopposĂ©, les salariĂ©s des organisations de structure simple sont les moins exposĂ©s Ă
lâensemble de ces affections. Les organisations tayloriennes et apprenantes se trouvent le
plus souvent dans des situations intermédiaires. Précisons toutefois que les problÚmes de
fatigue gĂ©nĂ©rale et de maux de tĂȘte affectent fortement les salariĂ©s des organisations taylo-
riennes et beaucoup moins ceux des organisations apprenantes. Les différenciations organisa-
21
La faible frĂ©quence dâensemble de dĂ©claration des maux dâestomac nĂ©cessiterait de trĂšs fortes diffĂ©rences entre formes
dâorganisation pour quâelles puissent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme statistiquement significatives.
37
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
tionnelles de certaines affections physiques sont trÚs proches de celles qui sont observées
pour les conditions physiques de travail les plus susceptibles de les provoquer. Ainsi, trĂšs
logiquement, la sensation de fatigue gĂ©nĂ©rale se trouve dans une configuration comparable Ă
celle de lâexposition Ă des postures douloureuses ou fatigantes ou Ă la manutention de char-
ges lourdes. De mĂȘme, les difficultĂ©s respiratoires sont en Ă©troite correspondance avec
lâexposition Ă des inhalations dangereuses.
5.4. Stress et affections dâordre psychologique
Le stress et les affections dâordre psychologique perçus comme dus au travail par les
salariés
varient entre les diffĂ©rentes formes dâorganisation du travail de façon trĂšs distincte
de ce qui a Ă©tĂ© observĂ© pour la plupart des affections dâordre physique, comme le montre le
tableau 23. Le stress au travail est trÚs répandu. Il touche 27 % des salariés en moyenne. La
proportion de salariés qui le subissent est nettement plus importante dans les organisations en
lean production
, prÚs du tiers, légÚrement supérieure dans les organisations apprenantes et
bien moindre, de lâordre de 20 %, dans les organisations tayloriennes ou de structure simple.
Les autres affections dâordre psychologique concernent des proportions bien moindres de
salariĂ©s. 6 % dâentre eux dĂ©clarent une anxiĂ©tĂ© liĂ©e au travail. La proportion est la plus Ă©levĂ©e
dans les organisations en
lean production
et la plus faible dans les organisations tayloriennes.
8% des salariĂ©s rĂ©pondent avoir des problĂšmes dâinsomnie dus Ă leur travail. Ils sont le plus
touchés dans les organisations en
lean production
(11 %) et le moins dans les organisations
de structure simple (5 %). Enfin, des problĂšmes dâirritabilitĂ© liĂ©s au travail sont ressentis par
11 % des salariĂ©s. Les proportions varient peu entre formes dâorganisation du travail. Elles
sont légÚrement supérieures dans les organisations en
lean production
et inférieures dans les
organisations de structure simple.
Tableau 23
Stress et troubles psychologiques selon les formes dâorganisation du travail
(% de salariés affectés)
Formes dâorganisation
du travail
Stress Anxiété
ProblĂšmes
dâinsomnie
Irritabilité
Apprenantes 28,5
5,6
8,3
10,2
Lean production
32,6 7,6 11,2 12,5
Tayloriennes 20,8
4,0
7,5
11,6
Structure
simple 20,4 4,6 4,8 8,7
Ensemble 27,0
5,7
8,4
10,8
Lire ainsi
: 28,5 % des salariĂ©s des organisations apprenantes dĂ©clarent ĂȘtre atteints de stress.
Champ et source
:
idem
tableau 1.
Les résultats de cette analyse descriptive sont pour la plupart confortés par ceux des régres-
sions logistiques des variables de stress ou de troubles psychologiques en fonction des
formes dâorganisation du travail et des variables de contrĂŽle structurel, comme le montrent
22
Relevons que la variable de stress, de mĂȘme que la variable dâanxiĂ©tĂ©, doit ĂȘtre interprĂ©tĂ©e avec prudence, dans la
mesure oĂč les dĂ©clarations des salariĂ©s en la matiĂšre reflĂštent souvent des diffĂ©rences sociales et culturelles importantes.
De plus, la dimension internationale du questionnaire peut introduire des biais linguistiques. De fait, on observe de fortes
disparités entre les
odds ratios
nationaux dans les modÚles de régression logistique expliquant les variables de stress ou
dâanxiĂ©tĂ© avec contrĂŽle structurel (Valeyre, 2006)
38
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
les
odds ratios
du tableau 24. Par rapport à la situation de référence des salariés des orga-
nisations tayloriennes, la probabilitĂ© dâĂȘtre stressĂ© ou dâavoir des problĂšmes dâinsomnie Ă
cause du travail est significativement supérieure dans les organisations en
lean production
et,
dans une moindre mesure, dans les organisations apprenantes (de façon significative pour le
stress seulement) et significativement inférieure dans les organisations de structure simple.
La probabilitĂ© de subir des problĂšmes dâanxiĂ©tĂ© dus au travail est Ă©galement significa-
tivement plus importante dans les organisations en
lean production
et, à un moindre degré,
dans les organisations apprenantes. En revanche, elle ne diffĂšre pas significativement dans
les organisations de structure simple. Enfin, la probabilitĂ© dâavoir des problĂšmes dâirrita-
bilité occasionnés par le travail ne distingue pas significativement les différentes formes
dâorganisation, Ă lâexception des organisations de structure simple oĂč les salariĂ©s apparais-
sent moins touchĂ©s. Lâintroduction des contrĂŽles structurels dans le cadre de lâanalyse
Ă©conomĂ©trique ne modifie donc lâanalyse descriptive que sur un rĂ©sultat : alors que le stress
au travail dans les organisations de structure simple semble comparable Ă celui des orga-
nisations tayloriennes avec lâanalyse descriptive, il se rĂ©vĂšle ĂȘtre nettement moindre avec
lâanalyse de rĂ©gression logistique.
Tableau 24
RĂ©gressions logistiques des variables de stress et de troubles psychologiques
en fonction des formes dâorganisation du travail, avec contrĂŽle structurel (odds ratios)
Formes dâorganisation
du travail
Stress Anxiété
ProblĂšmes
dâinsomnie
Irritabilité
Apprenantes 1,21*
1,48*
1,16
0,86
Lean production
1,74** 1,70** 1,47** 1,06
Tayloriennes
RĂ©f
RĂ©f
RĂ©f
RĂ©f
Structure simple
0,79*
1,02
0,63**
0,70**
Significativité des
odds ratios : ** significatif Ă 1 % ; * significatif Ă 5 %.
Variables de contrĂŽle structurel et source
:
idem
tableau 2.
Le stress et les problĂšmes dâinsomnie ou dâanxiĂ©tĂ© liĂ©s au travail touchent principalement les
salariés des organisations en
lean production
et, dans une moindre mesure, ceux des organi-
sations apprenantes. Ils atteignent moins les salariés des organisations tayloriennes et moins
encore ceux des organisations de structure simple (sauf pour lâanxiĂ©tĂ© qui affecte de façon
comparable les salariĂ©s de ces deux formes dâorganisation). En revanche, la situation est
diffĂ©rente en ce qui concerne les problĂšmes dâirritabilitĂ© dus au travail. Les atteintes sont
voisines dans les organisations en
lean production
, tayloriennes et apprenantes. Seules se
distinguent nettement les organisations de structure simple avec une moindre exposition de
leurs salariés.
5.5. ArrĂȘts de travail
Les arrĂȘts de travail dus Ă des accidents du travail ou Ă de problĂšmes de santĂ© causĂ©s par le
travail sont moins contrastĂ©s entre formes dâorganisation du travail que ne le sont les dĂ©cla-
rations de troubles physiques ou psychologiques dus au travail, comme on peut le constater
dans le tableau 25. 11 % des salariĂ©s dĂ©clarent sâĂȘtre absentĂ©s au moins une journĂ©e au cours
des douze derniers mois prĂ©cĂ©dant lâenquĂȘte du fait de problĂšmes de santĂ© causĂ©s par leur
travail. Cette proportion varie relativement peu entre formes dâorganisation, de 13 % dans les
39
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
organisations tayloriennes Ă 9 % dans les organisations de structure simple, en passant par les
situations intermédiaires des organisations en
lean production
(12 %) ou apprenantes (10 %).
La situation est assez voisine en ce qui concerne les dĂ©clarations dâabsence au moins une
journĂ©e au cours des douze derniers mois du fait dâun accident du travail. Si la proportion des
salariĂ©s touchĂ©s est de 9 % en moyenne, elle sâĂ©lĂšve Ă 11 % dans les organisations
tayloriennes ou en
lean production
et se trouve légÚrement plus basse dans les organisations
apprenantes (8 %) et la plus faible dans les organisations de structure simple (7 %).
Tableau 25
ArrĂȘts de travail selon les formes dâorganisation du travail
(% de salariĂ©s ayant eu des arrĂȘts de travail dâau moins un jour dans lâannĂ©e)
Formes dâorganisation du travail
ProblÚmes de santé liés au travail
Accident de travail
Apprenantes 10,1
8,4
Lean production
11,7 11,3
Tayloriennes 13,1
10,9
Structure simple
9,1
7,1
Ensemble 10,7
9,3
Lire ainsi
: 10,1 % des salariĂ©s des organisations apprenantes dĂ©clarent des arrĂȘts de travail dâau moins un jour dans lâannĂ©e
pour des problÚmes de santé liés au travail.
Champ et source
:
idem
tableau 1.
Les rĂ©gressions logistiques des variables dâarrĂȘts de travail en fonction des formes dâorgani-
sation effectuées avec contrÎle structurel confirment ces résultats, comme on peut le cons-
tater Ă la lecture des
odds ratios
du tableau 26.
Tableau 26
RĂ©gressions logistiques des variables dâarrĂȘts de travail
en fonction des formes dâorganisation du travail, avec contrĂŽle structurel (odds ratios)
Formes dâorganisation du travail
ProblÚmes de santé liés au travail
Accident de travail
Apprenantes 0,82
0,93
Lean production
0,92 1,10
Tayloriennes RĂ©f
RĂ©f
Structure simple
0,67**
0,67**
Significativité des
odds ratios : ** significatif Ă 1 % ; * significatif Ă 5 %.
Variables de contrĂŽle structurel et source
:
idem
tableau 2.
En rĂ©fĂ©rence Ă la situation des salariĂ©s des organisations tayloriennes, la probabilitĂ© de sâĂȘtre
absentĂ© au moins une journĂ©e dans lâannĂ©e du fait de problĂšmes de santĂ© causĂ©s par le travail
est infĂ©rieure dans les autres formes dâorganisation. Mais la diffĂ©rence nâest significative que
dans les seules organisations de structure simple. De mĂȘme, la probabilitĂ© de sâĂȘtre absentĂ©
au moins une journĂ©e dans lâannĂ©e en raison dâun accident du travail nâest significativement
diffĂ©rente, en lâoccurrence infĂ©rieure, que dans les seules organisations de structure simple.
Elle est un peu plus élevée dans les organisations en
lean production
et un peu plus faible
dans les organisations appre-nantes, sans que les différences soient suffisamment marquées
pour ĂȘtre significatives. Ainsi, la prise en compte des variables de contrĂŽle structurel par les
40
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
analyses Ă©conomĂ©triques modifie peu les rĂ©sultats de lâanalyse descriptive. La principale
inflexion apportĂ©e consiste en une lĂ©gĂšre augmentation de lâestimation des arrĂȘts de travail
des salariés des organisations apprenantes.
En dĂ©finitive, les arrĂȘts de travail, quâils soient dus Ă des problĂšmes de santĂ© causĂ©s par le
travail ou à des accidents du travail, sont peu différenciés entre les organisations taylorien-
nes, en
lean production
et apprenantes. Tout au plus peut-on observer une prévalence
légÚrement moindre dans les organisations apprenantes et un peu plus forte dans les
organisations tayloriennes, notamment pour les arrĂȘts dus Ă des problĂšmes de santĂ© liĂ©s au
travail, et dans les organisations en
lean production
, notamment pour les arrĂȘts dus Ă des
accidents du travail. En revanche, les arrĂȘts de travail sâavĂšrent nettement moins frĂ©quents
dans les organisations de structure simple.
5.6. Les atteintes Ă la santĂ© dans les nouvelles formes dâorganisation :
des situations trĂšs diverses
Les comparaisons entre formes dâorganisation des atteintes Ă la santĂ© que les salariĂ©s
perçoivent comme dues au travail varient beaucoup selon les types dâaffections. NĂ©anmoins,
en ce qui concerne les nouvelles formes dâorganisation, les problĂšmes de santĂ© dus au travail
sâavĂšrent systĂ©matiquement plus importants dans les organisations en
lean production
que
dans les organisations apprenantes. Mais lorsque lâon compare la situation des salariĂ©s de ces
organisations avec celle des organisations tayloriennes, les résultats deviennent beaucoup
plus variĂ©s, comme lâillustre la figure 4 qui reprĂ©sente les
odds ratios
estimant les effets sur
les diffĂ©rentes variables de santĂ© au travail de lâappartenance aux organisations apprenantes
ou en
lean production
en référence à la situation dans les organisations tayloriennes
. Par
rapport aux salariĂ©s des organisations tayloriennes, cinq cas de figures peuvent ĂȘtre
distingués. Le premier se caractérise par une situation meilleure dans les organisations appre-
nantes et non significativement différente dans les organisations en
lean production
. Il
sâobserve pour les troubles musculo-squelettiques, les maux de tĂȘte, et de façon plus globale
pour les sentiments de fatigue générale. Le second concerne les deux variables de perception
globale relatives aux atteintes à la santé au travail et aux risques pour la santé ou la sécurité
au travail. Il se caractérise par une situation contrastée, meilleure dans les organisations
apprenantes et moins bonne dans les organisations en
lean production
. Le troisiĂšme se
caractérise par une situation moins favorable dans les organisations en
lean production
et non
significativement différente dans les organisations apprenantes. Il vaut pour les problÚmes
respiratoires, dâaudition, de peau et dâinsomnie. Le quatriĂšme se caractĂ©rise par une situation
moins favorable, tant dans les organisations en
lean production
que dans les organisations
apprenantes. Il sâobserve pour les problĂšmes de stress et dâanxiĂ©tĂ©, ainsi que pour les
blessures. Enfin, le cinquiÚme réunit des affections pour lesquelles on ne constate pas de
diffĂ©rences significatives (Ă 5 %) entre nouvelles formes dâorganisation et organisations
tayloriennes. Il sâagit des douleurs musculaires des membres infĂ©rieurs, des problĂšmes de
vue, des maux dâestomac, des problĂšmes dâirritabilitĂ© et des arrĂȘts de travail en raison dâacci-
dents de travail ou de problÚmes de santé liés au travail. Il apparaßt donc que les nouvelles
formes dâorganisation sont peu porteuses dâune meilleure santĂ© au travail. ComparĂ©e Ă celle
des organisations tayloriennes, la situation nâest jamais meilleure dans les organisations en
lean production
et plutĂŽt moins bonne en ce qui concerne de nombreuses affections. Quant
23
Ces
odds ratios
sont issus des tableaux 18 (risques et atteintes à la santé au travail), 20 (TMS), 22 (autres affections
physiques), 24 (stress et affections dâordre psychologique) et 26 (arrĂȘts de travail).
41
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
aux organisations apprenantes, elles connaissent des situations plus diverses, plutĂŽt meil-
leures en matiĂšre dâaffections physiques, mais parfois moins bonnes en matiĂšre de stress et
dâaffections dâordre psychologique.
Figure 4 : Santé au travail dans les nouvelles formes d'organisation
Fatigue
générale
Irritabilité
Stress
Anxiété
ProblĂšme
de peau
Insomnie
Blessure
Mal
d'estomac
ArrĂȘt
accident
ProblĂšme
de vue
Difficulté
respiratoire
ProblĂšme
d'audition
Risque pour
la santé
TMS
jambes
Mal de dos
Mal de tĂȘte
Atteinte
à la santé
TMS bras
et main
TMS
Ă©paule
0,75
1,00
1,25
1,50
1,75
0,50
0,75
1,00
1,25
1,50
Odds ratios
formes apprenantes /
tayloriennes
Odds ratios formes
lean production/
tayloriennes
ArrĂȘt
maladie
Odds ratios
significatifs Ă 5 % : en italique pour les organisations apprenantes ; en gras pour les organisations en
lean
production
.
CONCLUSION
Les résultats de la recherche confirment dans une large mesure les hypothÚses formulées en
introduction. De nombreuses caractéristiques de conditions de travail ou de santé au travail
sont plus favorables dans les organisations apprenantes que dans les organisations en
lean
production
ou les organisations tayloriennes et la situation est en général moins bonne dans
42
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
les organisations en
lean production
que dans les organisations tayloriennes. Les tableaux 27
et 28 le montrent de façon synthétique
.
Tableau 27
Conditions de travail dans les nouvelles formes dâorganisation du travail
Odds ratios
en référence aux organisations tayloriennes
Organisations
apprenantes
Organisations
en
lean production
Postures douloureuses ou fatigantes
- - -
(-)
Manutentions de charges lourdes
- - -
(+)
Mouvements répétitifs des mains ou des bras
- - -
- - -
Pénibilités
physiques
Vibrations mécaniques
- - -
(+)
Bruits intenses
- - -
+
Chaleur
- - -
+ + +
Nuisances
Froid
- - -
+ + +
Inhalations de substances dangereuses
- -
+ + +
Contacts avec des substances dangereuses
- - -
+ +
Conditions
physiques
de travail
Risques
toxiques
Irradiations -
-
(+)
Travail de nuit (plus de 5 fois par mois)
- - -
+ +
Travail le soir (plus de 10 fois par mois)
- - -
(-)
Travail le dimanche
- - -
+ +
Travail le samedi
(+)
+ + +
Horaires
atypiques
Travail posté
- - -
+ +
Nombre dâheures variable chaque jour
+ + +
+ + +
Nombre de jours variable chaque semaine
(+)
+ + +
Horaires variables
+ + +
+ + +
Horaires
flexibles
Changements dâhoraires dans le mois
+ + +
+ +
Au moins 45 heures par semaine
+ + +
+ +
Conditions
horaires de
travail
Durées de
travail longues Journées de plus de 10 heures fréquentes
+ + +
+ + +
Cadences élevées tout le temps ou presque
- - -
(+)
Délais serrés tout le temps ou presque
- - -
+ + +
Intensité du
travail
Manque de temps pour terminer le travail
- -
(=)
Interruptions de tùche fréquentes
+ + +
+ + +
Pressions
temporelles
Interruptions
imprévues
Interruptions de tĂąche perturbantes
+ + +
+ + +
Significativité des
odds ratios : + + + et - - - Ă 1% ; + + et - - Ă 5% ; + et â Ă 10% ; (+),(-) et (=) non significatifs.
24
Les tableaux 27 et 28 récapitulent les
odds ratios
des régressions logistiques avec contrÎle structurel des variables de
conditions de travail ou dâatteintes Ă la santĂ© au travail en fonction de lâappartenance des salariĂ©s Ă des organisations
apprenantes ou en
lean production
par rapport à la situation de référence des salariés des organisations tayloriennes.
43
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
Tableau 28
Atteintes Ă la santĂ© au travail dans les nouvelles formes dâorganisation du travail
Odds ratios
en référence aux organisations tayloriennes
Organisations
apprenantes
Organisations
en
lean production
Risques pour la santé ou la sécurité
- - -
+ +
Risques et atteintes Ă la
santé au travail
Atteintes à la santé en général
- - -
+ + +
Douleurs musculaires des Ă©paules ou du cou
- - -
(+)
Douleurs musculaires des membres supérieurs
- - -
(+)
Douleurs musculaires des membres inférieurs
(-)
+
Troubles musculo-
squelettiques
Maux de dos
- - -
(+)
ProblĂšmes dâaudition
(-)
+ + +
ProblĂšmes de vue
(+)
+
ProblĂšmes de peau
(+)
+ + +
Difficultés respiratoires
(-)
+ +
Fatigue générale
- - -
(-)
Maux de tĂȘte
- - -
(+)
Maux dâestomac
(+)
+
Autres affections
physiques
Blessures
+ +
+ + +
Stress
+ +
+ + +
Anxiété
+ +
+ + +
ProblĂšmes dâinsomnie
(+)
+ + +
Stress et troubles
psychologiques
Irritabilité (-)
(+)
ProblÚmes de santé liés au travail
(-)
(-)
ArrĂȘts de travail
Accident de travail
(-)
(+)
Significativité des
odds ratios : + + + et - - - Ă 1% ; + + et - - Ă 5% ; + et â Ă 10% ; (+),(-) et (=) non significatifs.
Plus précisément, pour de nombreux aspects des conditions de travail comme les pénibilités
physiques, les nuisances, les risques toxiques, les horaires atypiques et lâintensitĂ© du travail,
les organisations apprenantes du travail apportent aux salariés des situations bien meilleures
que celles rencontrées dans les organisations tayloriennes. Cependant, la situation inverse
sâobserve en ce qui concerne les durĂ©es de travail longues, les horaires flexibles et les inter-
ruptions imprévues dans le travail. En revanche, dans leur trÚs grande majorité, les conditions
de travail des salariés des organisations en
lean production
sont nettement plus défavorables
que celles des organisations tayloriennes. Les résultats sont analogues en matiÚre de santé au
travail. Les salariĂ©s des organisations apprenantes dĂ©clarent beaucoup moins souvent ĂȘtre
atteints par les différents troubles de santé au travail étudiés que ceux des organisations taylo-
riennes, sauf en ce qui concerne le stress, les troubles dâordre psychologique ou les blessures.
La situation est encore une fois beaucoup moins satisfaisante pour les salariés des organi-
sations en
lean production
. De nombreuses affections y sont nettement plus marquées que
dans les organisations tayloriennes et seules quelques problÚmes de santé comme les troubles
musculo-squelettiques ou la fatigue générale ont une prévalence comparable.
Comment interprĂ©ter de telles diffĂ©rences entre des formes dâorganisation du travail qui parti-
cipent toutes deux Ă la diffusion de multiples innovations organisationnelles ? Les compa-
raisons internationales et la mise en perspective historique de la diffusion des différentes
44
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
formes dâorganisation du travail innovantes en Europe permettent dâesquisser quelques pistes
explicatives. En 2000, on constate une prépondérance des organisations apprenantes dans les
pays nordiques, aux Pays-Bas et dans une moindre mesure dans les pays germaniques et, Ă
lâopposĂ©, une dĂ©veloppement important des organisations en
lean production
au Royaume-
Uni, en Irlande, en Espagne et dans une moindre mesure en France (Lorenz et Valeyre,
2005b). Les contextes institutionnels et juridiques nationaux jouent sur lâorientation que
prennent les nouvelles formes dâorganisation du travail. Ainsi, on observe que les pays oĂč
prĂ©dominent les formes dâorganisation du travail apprenantes sont aussi ceux oĂč les marchĂ©s
du travail sont les plus rĂ©gulĂ©s (Lorenz et Valeyre, 2005c) et oĂč les dispositions rĂ©gle-
mentaires ou lĂ©gales relatives Ă lâorganisation du travail sont les plus avancĂ©es en matiĂšre de
prise en compte des questions de sécurité et de santé au travail (Bressol, 2004). Les pays
scandinaves ont engagĂ© dĂšs les annĂ©es soixante-dix des innovations dâorganisation du travail
inspirées du modÚle sociotechnique pour répondre aux deux dimensions sociale et
Ă©conomique de la crise du modĂšle taylorien/fordien. Ces innovations organisationnelles dont
les groupes semi-autonomes de production constituent une composante majeure, ont été
conçues dans une double perspective : dâune part lâamĂ©lioration des conditions de travail
dâune main-dâĆuvre Ă niveau de formation Ă©levĂ© dans un contexte de marchĂ© du travail qui
est restĂ© durablement tendu ; et dâautre part lâamĂ©lioration de lâefficacitĂ© Ă©conomique et
productive des entreprises dans le contexte des mutations des marchés de biens et services.
Ces innovations ont connu un succÚs beaucoup plus limité dans les autres pays européens,
notamment en France. Dans lâhexagone, les prĂ©occupations en matiĂšre dâamĂ©lioration des
conditions de travail se sont pourtant traduites à la fin des années soixante et au début des
années soixante-dix par de nombreuses réflexions dans les milieux syndicaux, patronaux et
des pouvoirs publics. Elles ont conduit Ă un certain nombre dâexpĂ©riences de rĂ©organisation
du travail inspirées par le modÚle sociotechnique développé en Scandinavie. Par ailleurs,
elles ont abouti Ă la crĂ©ation de lâAgence nationale pour lâamĂ©lioration des conditions de
travail (ANACT) et du Fonds pour lâamĂ©lioration des conditions de travail (FACT), ainsi
quâĂ lâinstitution de Commissions paritaires sur les conditions de travail au sein des comitĂ©s
dâentreprise
dans le cadre dâune loi de dĂ©cembre 1973, puis Ă la crĂ©ation des ComitĂ©s
dâhygiĂšne, de sĂ©curitĂ© et des conditions de travail (CHSCT) fusionnant les Commissions sur
les conditions de travail avec les anciens ComitĂ©s dâhygiĂšne et sĂ©curitĂ© (CHS) dans le cadre
des lois Auroux
(Bressol, 2004 ; Gollac et Volkoff, 2000). Mais au tournant des années
quatre-vingt, les expériences innovantes se sont faites plus rares et les problÚmes de
conditions de travail sont devenus secondaires face Ă la montĂ©e des problĂšmes dâemploi.
Certaines entreprises ont prĂ©fĂ©rĂ© adopter des « stratĂ©gies dâĂ©vitement » des problĂšmes de
conditions de travail, en automatisant ou en informatisant la production, en recourant Ă une
main-dâĆuvre immigrĂ©e ou prĂ©caire peu encline Ă rejeter de mauvaises conditions de travail
au risque de perdre son emploi, et en externalisant ou en délocalisant certaines activités (Ben
Aissa, 2005). Les innovations organisationnelles qui se sont diffusées en France depuis la fin
des annĂ©es quatre-vingt relĂšvent principalement des modĂšles dâorganisation
en lean
production
. Si les enjeux de performance productive et Ă©conomique des entreprises restent
dĂ©terminants, en revanche, les enjeux sociaux dâamĂ©lioration des conditions de travail et de
la qualité de vie au travail passent au second rang. La voie est donc ouverte pour une
dynamique dâinnovations dans les organisations du travail qui ne sâaccompagne plus nĂ©ces-
sairement dâune amĂ©lioration des conditions de travail, en raison notamment des effets
nĂ©gatifs dont est porteuse la logique dâintensification du travail dont procĂšde la
lean
production
.
45
Documents de travail du Centre dâĂ©tudes de lâemploi
Il y a trente ans, Delamotte (1975) sâinterrogeait dans une revue de prospective sur les
facteurs favorables Ă la diffusion de nouvelles formes dâorganisation du travail propices Ă
lâamĂ©lioration des conditions de travail. Il Ă©voquait notamment le rĂŽle majeur des pressions
Ă©manant des salariĂ©s, des syndicats et du marchĂ© du travail. Depuis, les faits nâont pas
infirmĂ© son analyse et la question de lâamĂ©lioration des conditions de travail nâa rien perdu
de son urgence et de son actualitĂ©. Pour surmonter le paradoxe dâorganisations innovantes du
travail ne contribuant pas à une amélioration des conditions de travail, Philippe Askénazy
(2004) invite à prendre en exemple le « miracle » américain. En effet, depuis une dizaine
dâannĂ©es, on observe une diminution importante des accidents du travail et des maladies
professionnelles aux Ătats-Unis. Cette inflexion de tendance que vient favoriser un contexte
de plein emploi, est la rĂ©sultante de lâaction des pouvoirs publics, notamment par lâinter-
mĂ©diaire de lâ
Office of Safety and Health Administration
(OSHA), des organisations syndi-
cales, des compagnies dâassurance et des entreprises confrontĂ©es Ă des coĂ»ts devenus consi-
dĂ©rables en matiĂšre dâaccidents et de maladies du travail. Elle est, de plus, renforcĂ©e par la
transparence et la large diffusion des informations sur la sĂ©curitĂ© au travail quâamplifie la
gĂ©nĂ©ralisation de lâaccĂšs Ă lâinternet. Il conviendrait cependant dâexaminer dans quelle
mesure les évolutions constatées pour les accidents du travail et les maladies professionnelles
sâĂ©tendent Ă lâensemble des conditions de travail et des problĂšmes de santĂ© au travail.
Compte tenu des principes qui les fondent, il nâest pas certain que les formes dâorganisation
du travail en
lean production
soient en mesure dâintĂ©grer pleinement les prĂ©occupations
dâamĂ©lioration des conditions de travail. Ce serait probablement les faire changer de nature.
Sans attendre des réponses à ces interrogations, les résultats présentés dans ce document de
travail invitent, quant Ă eux, Ă rechercher des solutions dans les pratiques innovantes des
organisations du travail apprenantes qui se sont largement diffusées en Europe, tout particu-
liÚrement dans les pays scandinaves, en prenant en compte la qualité de vie au travail dans la
continuité des principes du modÚle sociotechnique.
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(quelques Ă©lĂ©ments dâanalyse statistique)
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septembre 2006
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LâĂ©mergence des politiques de lâemploi (1945-1973)
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juillet 2006
N° 64
Les modes de coordination des acteurs locaux autour des dispositifs du Pare et du Pap. Une
synthĂšse de lâenquĂȘte
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juillet 2006
N° 63
Handicap et accĂšs Ă lâemploi : efficacitĂ© et limites de la discrimination positive
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