La presse quotidienne
Titres et tirage
Douze quotidiens payants sont publiĂ©s au QuĂ©bec, dont dix en langue française. Ce nombre nâa
pas bougĂ© depuis plusieurs annĂ©es, soit depuis lâexpĂ©rience infructueuse du journal
Le Fleuve
qui
aura durĂ© moins dâune annĂ©e dans la rĂ©gion de Rimouski en 1996. Par ailleurs, deux quotidiens
gratuits de langue française desservent le marché de Montréal depuis 2001. Ces journaux visent
principalement les utilisateurs des transports en commun auxquels ils proposent, du lundi au
vendredi, une synthĂšse des principales nouvelles du jour.
Dans lâensemble, le tirage des quotidiens quĂ©bĂ©cois payants a peu variĂ© ces cinq derniĂšres
années. Cette relative constance constitue plutÎt une bonne nouvelle étant donné les baisses de
tirage que connaissent les journaux ailleurs. En effet, les autres titres canadiens ont connu une
chute de 7,5 % depuis 1998. On note également des baisses dans la plupart des pays développés.
Ainsi, de 2000 à 2004, la diffusion des quotidiens a diminué dans de nombreux pays européens.
La baisse a atteint 5,8 % en France, 7,7 % en Allemagne et 11,4 % au Royaume-Uni. Pour la
mĂȘme pĂ©riode, les ventes des journaux ont Ă©galement faibli aux Ătats-Unis (- 2,1 % %), au Japon
(- 2,1 %) et en Australie (- 4,8 %).
Cette stabilitĂ© rĂ©cente des tirages au QuĂ©bec ne constitue-t-elle quâun rĂ©pit avant une nouvelle
pĂ©riode baissiĂšre comme celle quâon a connu dans les annĂ©es 1990 ? Il serait Ă©tonnant, en tout
cas, quâon revienne aux sommets atteints Ă la fin des annĂ©es 1980 (graphique 1). De 1965 Ă la fin
des annĂ©es 1980, le tirage sur lâensemble de la semaine des quotidiens quĂ©bĂ©cois a augmentĂ© de
quelque 900 000 exemplaires malgré la mort de quelques titres. Toutefois, 96 % de cette
croissance est attribuable Ă lâapparition dâĂ©ditions du dimanche pour cinq des douze quotidiens.
Mais, depuis 1990, câest la chute. Une perte hebdomadaire de prĂšs de 1,1 million dâexemplaires
malgré une légÚre embellie depuis 2001. La baisse est de 12,5 % pour les titres francophones, et
de 23,2 % pour les titres anglophones. La perte de popularité des quotidiens est toutefois plus
importante que ne le démontrent ces données brutes qui ne tiennent pas compte de
lâaugmentation de la population et, donc, du nombre des clients potentiels. En effet, lâensemble
des quotidiens quĂ©bĂ©cois vendent maintenant presque deux fois moins dâexemplaires par tranche
de 1 000 personnes ĂągĂ©es de vingt ans et plus quâau milieu des annĂ©es 1960. Le nombre est passĂ©
de 304 exemplaires pour 1 000 lecteurs potentiels en 1965, Ă 165 en 2004 (graphique 2).
Lectorat
La baisse de popularitĂ© touche tous les groupes dâĂąge, mais elle est plus marquĂ©e chez les jeunes
adultes. Ă lâĂ©chelle du Canada, ils ne sont plus que 45 % chez les 18-24 ans Ă lire rĂ©guliĂšrement
un journal en semaine (graphique 3) comparativement à plus de 50 % au début de la décennie.
Aux Ătats-Unis, cette proportion est tombĂ©e Ă 39 % et la tendance est prĂ©sente dans de nombreux
autres pays. LâarrivĂ©e de quotidiens gratuits, prĂ©disaient certains, devait contrecarrer cette perte
de popularité en rejoignant un nouveau public. Les expériences de Montréal et de Toronto, les
deux villes canadiennes oĂč ce type de journal a Ă©tĂ© lancĂ©, ont prouvĂ© que la relation nâĂ©tait pas
aussi Ă©vidente.
Dâune part, dans la mĂ©tropole du QuĂ©bec, le nombre de personnes qui lisent rĂ©guliĂšrement un
journal du lundi au vendredi a connu une augmentation de 18 % entre 2001 et 2004. La percée
des gratuits est manifestement le facteur le plus important qui explique une telle hausse. Bon
nombre des 300 000 Montréalais qui fréquentent maintenant sur une base réguliÚre
MĂ©tro
ou
24
heures
sont de nouveaux lecteurs. Toutefois, certains ont dĂ©laissĂ© un titre payant au profit dâun
gratuit parce quâils y trouvent lâessentiel de lâinformation, sans frais. Câest ainsi que le
Journal de
Montréal
a perdu 52 000 lecteurs chez les moins de 50 ans pendant la période.
Dans le marchĂ© de Toronto, Ă lâinverse, le dĂ©veloppement du lectorat des gratuits nâa pas
empĂȘchĂ© une rĂ©gression du nombre total de Torontois de moins de 50 ans qui lisent un journal
réguliÚrement les jours de semaine. Ils sont prÚs de 6 % à avoir abandonné cette pratique depuis
2001. Par ailleurs, la croissance de
Metro
et de
24 hours
auprĂšs des 18-49 ans sâest fait tout
particuliÚrement au détriment du
Toronto Star
et du
Toronto Sun
.
Le Globe and Mail
et le
National Post
ont aussi encaissé des pertes, mais de moindre importance.
Les journaux gratuits sont particuliĂšrement populaires auprĂšs des 18-34 ans. De fait,
MĂ©tro
est
maintenant au second rang des journaux les plus fréquentés par ces jeunes adultes montréalais,
devant
La Presse
et aprĂšs le
Journal de Montréal
, alors que son alter ego talonne le
Toronto Sun
pour le second rang dans la Ville reine. Par ailleurs, un peu plus de la moitié des lecteurs de
« gratuits », tant Ă MontrĂ©al quâĂ Toronto, ne parcourent jamais les pages dâun quotidien payant
en semaine. Bon nombre dâentre eux sont des consommateurs fort actifs. Ils sont trĂšs recherchĂ©s
par les annonceurs qui doivent donc, sâils veulent les rejoindre au moyen dâun quotidien, acheter
de lâespace dans les « gratuits ». Il nâest pas Ă©tonnant, devant de tels succĂšs, que de nouveaux
journaux gratuits aient été lancés ces derniers mois dans plusieurs autres villes canadiennes.
La formule se développe aussi à une vitesse folle à travers le monde, représentant 40 % du tirage
en Espagne, 29 % en Italie, 27 % au Danemark et 25 % au Portugal.
Revenus
Pour des raisons de confidentialitĂ©, ni Statistique Canada ni lâAssociation canadienne des
journaux ne divulguent le montant des revenus que les quotidiens québécois tirent de la vente de
publicité. En conséquence, les données disponibles pour 2003 concernent tous les journaux, soit
les quotidiens, les hebdomadaires et des titres tels que
Voir
et
Les Affaires
. Ensemble, ils ont
obtenu 676 millions de dollars des annonceurs, petites annonces incluses. Ces revenus Ă©taient de
606 millions en 1999. Il sâagit dâune augmentation de 11,6 % avec une croissance annuelle
moyenne de 3,7 %. Ă lâĂ©chelle du pays, les trois quarts de ces revenus sont allĂ©s aux quotidiens et
il est raisonnable de penser que câest, grosso modo, la mĂȘme chose au QuĂ©bec. Mentionnons que
pour lâensemble du pays, les revenus publicitaires des quotidiens ont crĂ» de 1,9 % entre 2001 et
2003.
Ailleurs dans le monde, la situation nâest pas toujours au beau fixe. Les recettes des quotidiens
dégringolent dans les principaux pays européens depuis cinq ans. Par contre, les journaux
amĂ©ricains enregistrent une hausse de 3,9 % de leurs revenus publicitaires en 2004 par rapport Ă
lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente.
Propriété
La popularité des quotidiens gratuits nous oblige à examiner la question de la propriété des
journaux sous de nouveaux angles. La mesure habituelle consiste Ă compiler les parts de tirage,
soit le nombre dâexemplaires vendus par abonnement ou en kiosque, de lâensemble des titres
payants appartenant Ă chacun des propriĂ©taires. Ces tirages sont vĂ©rifiĂ©s par lâAudit Bureau of
Circulation (ABC). Les exemplaires distribués gratuitement, considérés comme promotionnels,
ne sont pas comptés.
Dans le cas des journaux gratuits, la difficulté est de savoir combien des exemplaires placés
chaque matin dans les présentoirs ou remis à des camelots ont vraiment trouvé preneur. La
Canadian Circulation Audit Board (CCAB) sây emploie, mais les rĂ©sultats ne paraissent pas
encore satisfaisants. On ne peut donc comparer le tirage du gratuit
24 heures
Ă celui de
La Presse
.
Seules les donnĂ©es concernant le lectorat sont compilĂ©es sur les mĂȘmes bases et permettent des
comparaisons qui prennent en compte tous les quotidiens. Lâindicateur liĂ© au tirage demeure,
malgrĂ© tout, pertinent. Les journaux payants auxquels il sâapplique emploient gĂ©nĂ©ralement un
plus grand nombre de journalistes que les titres gratuits. Ainsi, la salle de nouvelles de
La Presse
compte quelque 175 journalistes alors que
MĂ©tro
et
24 heures
en emploient, ensemble, moins
dâune vingtaine. Les salles plus imposantes des payants leur permettent de traiter un Ă©ventail
plus grand de sujets et de le faire avec plus de profondeur (notamment par des analyses,
commentaires et Ă©ditoriaux). De ce fait, ils sont susceptibles dâexercer une influence plus
marquée sur les débats publics que les titres gratuits.
Depuis lâacquisition en novembre 2000 par Gesca (Power Corporation) de trois quotidiens du
groupe Hollinger, dont
Le Soleil
de QuĂ©bec, deux groupes se partagent maintenant lâessentiel du
tirage de la presse quotidienne payante de langue française au Québec (tableau 1). Avec ses sept
titres rĂ©partis sur lâensemble du territoire quĂ©bĂ©cois, Power Corporation accapare la moitiĂ© du
tirage des titres de langue française. Quebecor ne possÚde que deux titres, mais leurs parts de
marché totalisent 45 %. Les parts de tirage du seul quotidien indépendant,
Le Devoir
, ne
reprĂ©sentent plus que 3 % de lâensemble. Chez les anglophones,
The Gazette
appartient Ă
CanWest Global qui possĂšde plusieurs grands quotidiens au Canada anglais, dont le
National
Post
. Pour sa part le petit quotidien sherbrookois
The Record
qui appartenait Ă Hollinger
International a été acquis en janvier 2006par le groupe de presse Glacier Ventures International
de Vancouver. La transaction incluait Ă©galement des journaux communautaires, plusieurs
magazines et des sites Internet. Glacier est surtout présent dans le domaine des journaux
communautaires. Cette transaction dâune valeur de 179 millions, le place dâailleurs au sixiĂšme
rang canadien quant au tirage et au quatriĂšme rang quant au nombre de titres.
La mesure du lectorat (tableau 2) qui tient compte des deux titres gratuits qui desservent Montréal
traduit une rĂ©alitĂ© un peu diffĂ©rente. Transcontinental qui est lâactionnaire majoritaire (60 %) de
MĂ©tro
rejoint, en effet, 10 % des lecteurs francophones. Power Corporation et Quebecor qui est
propriĂ©taire de lâautre gratuit en rejoignent, chacun, environ 40 %.
Graphique 1
Source : Compilations du CEM à partir des données de tirage vérifiées par Audit Bureau of Circulation (ABC)
Graphique 2
Source : Compilation du CEM à partir des données de tirage vérifiées par ABC et des données de population de
Statistique Canada.
Graphique 3
Source : Données de NADbank.
Tableau 1
Répartition des titres et du tirage des quotidiens québécois payants selon la propriété
(2004)
Groupes
Titres
Tirage
Nombre
total
dâexemplaires
vendus
par
semaine
Parts de marché (%)
Moyenne
lundi au
vendredi
Samedi
Dimanche
Marché
total
Marché
francophone
Gesca (Power)
La Presse
La Tribune
La Voix de lâEst
Le Nouvelliste
Le Soleil
Le Quotidien
Le Droit
1 441 738
194 102
95 249
253 989
594 989
168 492
214 227
2 962 786
43,6
51,4
191 938
31 001
15 291
41 619
79 316
28 082
34 898
276 055
39 097
18 794
45 894
114 263
28 082
39 737
205 993
0
0
0
84 146
0
0
Quebecor
Le Journal de Montréal
Le Journal de Québec
1 922 597
713 423
2 636 020
38,8
45,7
267 191
98 165
320 658
122 863
265 984
99 735
CanWest Global
The Gazette
1 001 139
14,7
140 778
162 860
134 389
Le Devoir Inc
Le Devoir
169 200
2,5
2,9
25 614
41 130
0
Glacier Ventures
International
The Record
25 130
0,4
5 026
0
0
Total
12 quotidiens
6 794 275
100,0
100,0
Source : Compilation du CEM Ă partir de donnĂ©es de tirage vĂ©rifiĂ©es par lâAudit Bureau of Circulation.
Tableau 2
Nombre total de lecteurs des quotidiens québécois
payants et gratuits selon la propriété (2004)
Groupes
Titres
Lectorat
Marchés anglophone et
francophone
Marché francophone*
Nombre total
de lecteurs**
Parts de
marché (%)
Nombre total
de lecteurs**
Parts de
marché (%)
Gesca (Power)
La Presse
La Tribune
La Voix de lâEst
Le Nouvelliste
Le Soleil
Le Quotidien
Le Droit
926 400
75 500
37 000
79 400
249 700
90 300
149 700
1 608 000
33,8
810 200
75 500
37 000
79 400
249 700
90 300
127 300
1 469 400
40,0
Quebecor
Le Journal de Montréal
Le Journal de Québec
24 Heures
1 238 900
357 000
260 000
1 855 900
39,0
1 055 200
357 000
183 900
1596 100
43,3
Transcontinental
(60 %)
MĂ©tro
513 400
10,8
354 600
9.6
CanWest Global
The Gazette
579 300
12,1
89 600
2,4
Le Devoir Inc
Le Devoir
200 000
4,2
170 800
4,6
Glacier Ventures
International
The Record
3 500
0,1
3 500
0,1
Total
14 quotidiens
4 760 100
100,0
3 684 000
100,0
* Des données spécifiques aux francophones sont compilées pour les marchés de Montréal et de Ottawa-Gatineau.
** Il sâagit du nombre de personnes ayant feuilletĂ© ou lu au moins une Ă©dition pendant une semaine de publication.
Source : Compilation du CEM à partir des données de NADbank. Les données les plus récentes de NADbank pour
La
Tribune
,
La Voix de lâEst
,
Le Nouvelliste
,
Le Quotidien
et
The Record
concernent lâannĂ©e 2002.